Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, à l'étape du rapport. Ce projet de loi a fait l'objet de débats et d'études approfondis depuis sa présentation. J'ai suivi avec beaucoup d'attention son cheminement à la Chambre et au comité.
D'entrée de jeu, je tiens à remercier les députés, les témoins et les membres du comité qui ont fait des commentaires et des suggestions constructives pendant tout le processus, autant à la Chambre qu'au comité. Le débat nous a donné, à nous législateurs, beaucoup de matière à réflexion et il a mené à un projet de loi plus solide et exhaustif.
Le projet de loi C-83 prévoit l'élimination de l'isolement et la création d'unités d'intervention structurée novatrices pour les délinquants qui doivent être isolés des autres détenus pour des raisons de sécurité. Ces unités permettraient de séparer les délinquants qui présentent des problèmes particuliers du reste de la population carcérale au besoin. Cependant, ces délinquants continueraient d'avoir accès aux programmes, aux interventions et aux soins de santé essentiels à leur réadaptation.
L'isolement constitue une pratique immorale et inefficace. Il ne donne pas les résultats souhaités dans notre système correctionnel, ni pour les prisonniers ni pour les agents correctionnels. J'ai songé à incorporer des principes semblables dans mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-375, qui inscrirait dans la loi, un peu de la même manière, le lien entre la santé mentale et le système judiciaire. Toutefois, comme nous l'avons constaté avec des mesures proposées antérieurement dans le projet de loi C-56, la transformation de nos pénitenciers est toute une entreprise qui requerrait des mesures allant bien au-delà de ce que l'on peut instaurer par la voie d'un projet de loi d'initiative parlementaire.
Une série d'amendements au projet de loi C-83 ont été adoptés au comité. D'ailleurs, chaque parti ayant présenté des amendements a vu au moins l'un d'eux être adopté. Je vais utiliser mon temps de parole pour parler plus en détail des amendements qui renforcent la capacité du projet de loi C-83 d'améliorer le bien-être mental des prisonniers. Je parlerai, plus précisément, de cinq aspects qui ont piqué mon intérêt.
Premièrement, lorsque le projet de loi C-83 a été adopté à l'étape de la deuxième lecture, il comportait, en principe, des dispositions garantissant aux détenus incarcérés dans une unité d'intervention structurée quatre heures en dehors de leur cellule. L'un des amendements proposés au projet de loi précise que ces heures doivent se situer entre 7 heures et 22 heures. Cela correspond aux heures d'éveil de la plupart des gens. L'amendement remédie ainsi à la crainte soulevée au comité que les heures en dehors de la cellule ne soient offertes, disons, au milieu de la nuit, lorsqu'il est peu probable que le détenu s'en prévale.
L'Association canadienne pour la santé mentale a découvert un lien entre le manque de soleil et les chutes d'humeur et la dépression. Il y a également des recherches qui montrent qu'il est important pour la santé mentale d'avoir un cycle de sommeil régulier, qui suit le cycle naturel du jour et de la nuit. L'amendement garantirait que les quatre heures passées en dehors des unités d'intervention structurée soient pendant le jour. Cela empêcherait que les responsables ne fournissent ces heures qu'à titre d'exercice obligatoire ou juste pour la forme et ferait en sorte qu'elles soient utilisées aux fins prévues.
Deuxièmement, les êtres humains sont faits pour interagir avec autrui, surtout en période de stress. L'isolement peut réduire la cognition et même compromettre le système immunitaire. Le fait de passer beaucoup de temps dans un environnement sans aucun changement peut modifier la façon dont une personne traite les stimuli externes. Cela peut littéralement déformer sa perception du monde qui l'entoure. C'est pourquoi le projet de loi C-83 comprend des dispositions qui accorderont aux détenus la possibilité d'avoir deux heures de contacts humains réels chaque jour.
Grâce aux amendements proposés au comité, le principe a été renforcé de façon concrète. En faisant en sorte que les contacts ne soient pas entravés par des obstacles physiques comme des barreaux et du verre de sécurité, l'amendement proposé garantirait aux prisonniers deux heures de contacts humains réels et non seulement de contacts humains superficiels.
Troisièmement, autoriser les détenus qui sont dans une unité d'intervention structurée à socialiser avec leurs pairs et à participer à des programmes de réadaptation hors de leur cellule permettra concrètement d'améliorer leur santé mentale et leur bien-être, car ils seront mieux outillés pour retourner dans la population carcérale et, à la fin de leur peine, pour bien réintégrer la société et devenir des citoyens respectueux de la loi.
Quatrièmement, les réformes proposées dans le projet de loi C-83 amélioreront de plusieurs façons les soins de santé, et notamment de santé mentale, prodigués dans les établissements correctionnels. Le projet de loi obligera le Service correctionnel à soutenir l'autonomie et l'indépendance clinique des professionnels de la santé oeuvrant dans un établissement correctionnel. Les détenus auront également accès à des services en matière de défense des droits des patients, comme le recommandait le rapport d'enquête sur la mort d'Ashley Smith.
Les détenus qui sont dans une unité d'intervention structurée recevront tous les jours la visite de professionnels de la santé, qui pourront recommander en tout temps que leurs conditions de détention soient modifiées ou qu'ils soient retirés de l'unité. Ces recommandations pourraient découler d'une évaluation professionnelle de la santé mentale. L'objectif ici est d'éviter les crises et les épisodes d'automutilation.
Cinquièmement, l'un des amendements adoptés par le comité renforcera le projet de loi en rendant obligatoire la tenue d'un examen externe de haut niveau si le directeur de l'établissement refuse de se plier aux recommandations médicales qui lui sont faites.
C'est difficile de surestimer l'importance de ces mesures. La santé mentale est un problème extrêmement grave dans les prisons. Environ 70 % des délinquants ont un problème de santé mentale. Parmi les délinquantes, la proportion est encore plus élevée, soit 80 %. Les ministres de la Sécurité publique et de la Justice se sont vu confier la tâche de combler les écarts dans les services offerts aux personnes souffrant de maladie mentale dans le système de justice pénale. Les changements proposés dans le projet de loi C-83 sont conformes à cet engagement.
En outre, ces changements s'ajoutent aux investissements récents dans le domaine. Les deux derniers budgets prévoyaient près de 80 millions de dollars pour les soins de santé mentale dans les services correctionnels et, plus récemment, dans l'énoncé économique de l'automne, le ministre des Finances a annoncé un financement substantiel de 448 millions de dollars pour les services correctionnels. Ce financement facilitera les changements profonds du système correctionnel proposés dans le projet de loi et permettra d'apporter des améliorations considérables aux services de santé mentale en milieu correctionnel, au sein des unités d'intervention structurée et dans l'ensemble du système.
Le financement répond aussi directement aux demandes de ressources additionnelles adressées au Comité par Jason Godin, président national du Syndicat des agents correctionnels du Canada, et Stanley Stapleton, président national du Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice.
En d'autres termes, si le projet de loi est adopté, les ressources nécessaires seront en place pour garantir qu'il atteint les objectifs. Je sais que c'est une préoccupation qui a été soulevée en comité, ainsi qu'au cours du débat actuel. Je suis rassuré que le gouvernement fasse déjà des efforts pour accorder les ressources nécessaires.
En conclusion, l'objectif premier de ce projet de loi est la sécurité. Il faut protéger le personnel correctionnel et les autres détenus de certains délinquants qu'on ne peut pas gérer de manière sécuritaire au sein de la population générale. En veillant à ce qu'on assure aux détenus en isolement les interventions dont ils ont besoin pour maximiser leurs chances d'une réadaptation réussie, le projet de loi assurera une plus grande sécurité dans les établissements correctionnels, ainsi que dans nos collectivités, lorsque ces détenus seront éventuellement libérés.
Nous avons entamé ce processus avec un très bon projet de loi. Celui dont nous sommes saisis aujourd'hui est une version encore plus musclée, renforcée par la contribution productive des témoins au comité et par le travail très sérieux des membres de celui-ci.
Je terminerai en disant que j'appuie pleinement le projet de loi C-83 et j'invite tous les députés à faire de même.