:
Monsieur le Président, c'est la première fois que je prends la parole à la Chambre depuis les événements tragiques de vendredi dernier. Je tiens à exprimer officiellement ma solidarité et celle de l'ensemble des parlementaires envers la population de la Nouvelle-Zélande et les musulmans qui ont été tués ou blessés lors des attaques contre deux mosquées de Christchurch.
J'interviens aujourd'hui au sujet du projet de loi , qui propose de modifier le Code criminel pour renforcer les dispositions sur la bestialité et les combats d'animaux. Comme les députés s'en souviendront, les amendements proposés au projet de loi permettront notamment de combler une lacune de la loi qui a été relevée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. D.L.W. L'interprétation des dispositions sur la bestialité dans cette décision appelait une réforme du droit afin de combler une lacune relevée par la Cour, c'est-à-dire que la définition de bestialité en common law était précédemment limitée aux actes de pénétration.
La définition de la bestialité proposée dans le projet de loi, soit « tout contact, dans un but sexuel, avec un animal », comblerait cette lacune. Bien que certains jugeront qu'il s'agit d'un progrès minime, c'est une mesure importante qui doit être prise. Le gouvernement est très reconnaissant de l'approche non partisane prise par les députés de tous les partis pour faire avancer cette réforme nécessaire le plus rapidement possible au Parlement. Nous souhaitons souligner, plus particulièrement, l'appui unanime que ce projet de loi a reçu à l'étape de la deuxième lecture et au comité.
[Français]
Je voudrais aussi exprimer ma sincère gratitude aux témoins qui ont comparu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, ainsi qu'aux membres du Comité pour leur étude et l'examen approfondi de ce projet de loi.
Après avoir écouté les témoignages au cours de l'étude du projet de loi , le Comité a adopté trois amendements sur le fondement de l'expertise des témoins qui ont exprimé leur appui concernant ce projet de loi. Ces amendements assureraient une meilleure protection des animaux en permettant au tribunal de rendre une ordonnance d'interdiction ou de dédommagement lorsqu'une personne est déclarée coupable d'une infraction de bestialité. De plus, ils supprimeraient l'exigence selon laquelle les oiseaux participant aux combats de coqs doivent être détruits.
Finalement, ces amendements permettraient de veiller à ce que soit ajouté au registre des délinquants sexuels le nom des personnes déclarées coupables de s'être livrées à un acte sexuel avec un animal, soit une infraction de bestialité simpliciter. Cet amendement a été proposé par l'honorable député de de l'opposition officielle.
[Traduction]
La question des droits et du bien-être des animaux est importante pour tout le pays, et plus particulièrement pour les habitants de ma circonscription, Parkdale—High Park. J'ai prêté une oreille attentive à leurs préoccupations. Nous sommes déterminés, en tant que gouvernement, à améliorer les choses, notamment en appuyant cet important projet de loi.
Dans ma circonscription, des électeurs, comme Josie Candito, qui a témoigné devant le comité pendant l'étude, m'ont parlé à maintes reprises du lien entre la cruauté envers les animaux et la violence faite aux enfants et aux femmes. On ne sait pas si toutes les personnes faisant preuve de cruauté envers les animaux finissent par infliger de mauvais traitements à des enfants et à des femmes, mais on sait — et c'est ce que les faits ont démontré au comité — que les gens qui maltraitent les femmes et les enfants ont des antécédents de cruauté envers les animaux. C'est un point essentiel, auquel s'attaque justement le projet de loi.
Nous avons aussi entendu le témoignage de personnes comme Anne Griffin et Tracey Capes, qui ont toutes deux comparu devant le Groupe de travail fédéral-provincial sur le bien-être des animaux sur la Colline du Parlement. Elles nous ont fait part de leur point de vue sur le projet de loi, ainsi que sur les efforts et les progrès réalisés par le gouvernement en vue de protéger les animaux.
Les résidants de ma circonscription me rappellent sans cesse qu'il faut en faire plus pour protéger les animaux. Ils me disent que les prochaines mesures que nous prendrons doivent tenir compte des résultats d'une consultation nationale concernant l'un des enjeux les plus importants pour les Canadiens, ou encore d'une analyse de haut niveau réalisée par le gouvernement fédéral, qui prend en considération le large éventail d'opinions au sujet d'un enjeu aussi vaste que le bien-être des animaux. Le actuel, l'ancienne titulaire de ce poste et moi-même leur avons dit que le projet de loi est un premier pas important vers l'atteinte de l'objectif du gouvernement, qui consiste à assurer une protection plus complète des animaux. Nous entendons poursuivre ce travail crucial.
Aujourd'hui, dans mon discours, je vais passer en revue certains des témoignages importants que nous avons entendus et examiner comment les amendements pourront renforcer les objectifs visés par cette mesure législative essentielle.
Comme je l'ai mentionné, le premier amendement adopté par le comité autoriserait un tribunal à rendre une ordonnance d'interdiction ou de dédommagement dans le cas de chacune des trois infractions figurant à l'article 160 du Code criminel.
L'ordonnance d'interdiction vise à interdire à un délinquant reconnu coupable de bestialité d'être propriétaire d'un animal, d'en avoir la garde ou le contrôle ou d'habiter un lieu où se trouve un animal, pour la période que le tribunal estime indiquée. Le tribunal peut juger qu'une interdiction à vie est nécessaire dans certaines circonstances, compte tenu de la gravité de l'infraction et du degré de responsabilité du délinquant. Cette mesure fait suite à une proposition très utile présentée par Mme Camille Labchuk, de l'organisme Animal Justice, qui a fait partie des intervenants importants ayant témoigné devant le comité de la justice.
L'ordonnance de dédommagement obligerait le délinquant à rembourser à la personne ou à l'organisme qui a pris soin de l'animal blessé les frais engagés par suite de la perpétration de l'infraction criminelle. Elle aurait aussi pour effet de rendre le délinquant plus responsable des conséquences de ses gestes.
[Français]
Cette modification proposée s'inspire de l'article 447.1 du Code criminel, qui permet au tribunal de rendre de telles ordonnances lorsque le délinquant est déclaré coupable d'une infraction de cruauté envers les animaux. À l'heure actuelle, lorsqu'un acte de bestialité fait l'objet d'une poursuite en tant qu'une infraction de bestialité en vertu de l'article 160 du Code criminel, ces ordonnances ne peuvent être rendues qu'au moment de la détermination de la peine à titre de condition d'une ordonnance de probation ou d'une peine d'emprisonnement avec sursis. Ces ordonnances sont d'une durée limitée à celle des conditions infligées et cessent d'avoir effet par la suite.
Ce fait a été signalé par la sergente Teena Stoddart, du Service de police d'Ottawa, lorsqu'elle a témoigné devant le comité. Par conséquent, les mesures de protection des animaux comportent une lacune, puisque le tribunal peut rendre de telles ordonnances relativement à des infractions de cruauté envers les animaux, mais pas relativement à des infractions de bestialité.
[Traduction]
Le comité a aussi entendu plusieurs autres témoins sur la question, notamment, comme je l'ai mentionné, Mme Labchuk, directrice générale d'Animal Justice; Mme Barbara Cartwright, directrice générale de Humane Canada; la Dre Alice Crook, de l'Association canadienne des médecins vétérinaires; et le professeur Peter Sankoff, de la faculté de droit de l'Université de l'Alberta. Ils ont tous convenu de la nécessité d'apporter cet amendement à cet important projet de loi. En effet, cet amendement correspond tout à fait aux objectifs du projet de loi, et, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes heureux de l'appuyer.
Je tiens maintenant à passer au deuxième amendement adopté par le comité, qui vise à abroger le paragraphe 447(3) du Code criminel.
Selon le paragraphe actuel, un agent de la paix qui trouve des coqs dans une arène pour les combats de coqs doit s'en emparer et les transporter devant un juge de paix qui en ordonnera la destruction. Ce paragraphe exige la destruction automatique des coqs, mais il ne s'applique pas à d'autres animaux, comme les chiens. Il s'agit vraiment d'un vestige d'un passé lointain où les combats d'animaux étaient principalement des combats de coqs, au cours desquels ces derniers finissaient avec des blessures si graves qu'il fallait les détruire.
[Français]
Cependant, de nos jours, il existe de meilleurs moyens de régler ces questions pour qu'il n'existe plus, selon moi, de lacune juridique en matière de protection des animaux. Le bien-être de ces animaux constitue un élément ciblé par les textes législatifs provinciaux et territoriaux en la matière et par les pouvoirs généraux prévus au Code criminel.
Premièrement, les provinces et les territoires ont compétence sur les matières touchant le bien-être des animaux. Cela inclut l'adoption de textes législatifs qui traitent spécifiquement de la saisie des animaux en détresse et qui prévoient les soins à leur prodiguer, dans la mesure du possible, et l'administration, s'il y a lieu, d'une euthanasie sans cruauté.
Deuxièmement, certains intervenants et parlementaires sont d'avis que le droit pénal n'aborde pas de façon appropriée la saisie et la destruction obligatoires des animaux maltraités.
[Traduction]
D'ailleurs, Camille Labchuk, directrice exécutive d'Animal Justice, a déclaré au Comité que la peine de mort automatique des oiseaux saisis dans des arènes de combats de coqs prévue dans l'ancienne version de la loi était « complètement inutile, et [que] cela lie les mains des autorités lorsqu'il pourrait y avoir une meilleure option pour les oiseaux. »
Mme Labchuk a également dit ceci au Comité:
Nous pensons que le sort de tout oiseau saisi devrait être décidé au cas par cas. C'est ce qui se fait déjà pour les chiens et autres animaux sauvés des arènes de combats. Il n'y a aucune raison de principe pour que les coqs ou les oiseaux forcés de combattre soient automatiquement euthanasiés. Il peut être approprié de les sauver. Il peut être approprié de les envoyer dans un sanctuaire où ils peuvent recevoir des soins tout au long de leur vie tout en jouissant d'une qualité de vie élevée.
Il convient de souligner que l'opinion de Mme Labchuk a reçu l'appui général d'autres témoins, notamment de Mme Cartwright, présidente-directrice générale d'Animaux Canada.
[Français]
Les 10 provinces et le territoire du Yukon confèrent aux agents de la paix et aux agents-inspecteurs responsables du bien-être des animaux le pouvoir de saisir les animaux en détresse. De plus, dans les cas appropriés, des dispositions régissent la destruction sans cruauté des animaux.
Le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest autorisent les agents de la paix et du bien-être des animaux à saisir des chiens et possèdent des dispositions régissant la réadaptation générale de ceux-ci, de même que l'euthanasie sans cruauté, dans les cas appropriés.
Outre ces mesures de protection, le Code criminel confère aussi aux agents de la paix et aux fonctionnaires publics des pouvoirs généraux qui autorisent la saisie des biens infractionnels dans le cadre de l'exécution d'un mandat de perquisition. L'article 487 du Code criminel autorise donc la saisie d'un animal par les agents de la paix, dans les cas appropriés.
[Traduction]
Encore une fois, en vertu de l'article 489 du Code criminel, toute chose qui n'est pas précisée dans un mandat peut aussi être saisie lorsque la chose en question a été obtenue par la perpétration d'une infraction, a été utilisée pour commettre une infraction ou pourrait servir de preuve relativement à une infraction à une loi fédérale. Par conséquent, l'abrogation du paragraphe 447(3) ne laisserait aucun vide juridique, ce qui est non négligeable. Ainsi, la saisie et la décision de prodiguer des soins ou de procéder à l'euthanasie relèveraient des lois provinciales applicables et des personnes formées spécialement pour traiter ces questions.
[Français]
Je voudrais maintenant attirer l'attention de la Chambre sur le troisième amendement adopté par le Comité. Cet amendement ajouterait l'infraction de bestialité simpliciter, au paragraphe 160(1), à la liste des infractions désignées pour lesquelles un tribunal est tenu de rendre une audience obligeant le contrevenant à s'inscrire au Registre national des délinquants sexuels en respectant les exigences en conformité avec la Loi sur l'enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels, la LERDS, comme elle est souvent appelée.
Cette loi, édictée en 2004, a établi le Registre national des délinquants sexuels afin d'aider les autorités policières canadiennes à faire enquête sur les crimes de nature sexuelle en exigeant l'enregistrement de certains renseignements sur les délinquants sexuels. Sur déclaration de culpabilité relative à une infraction sexuelle désignée, le tribunal est tenu de rendre une audience obligeant le contrevenant à s'inscrire au Registre et à se conformer à la LERDS pendant une période de 10 ans, 20 ans ou encore à perpétuité. Les délinquants déclarés coupables d'autres infractions désignées peuvent être tenus par ordonnance de s'inscrire au Registre et de se conformer à la LERDS sur déclaration de culpabilité lorsque les poursuivants ont établi une intention de commettre une infraction sexuelle pendant la perpétration d'une infraction comme l'introduction par effraction d'une maison d'habitation, à l'alinéa 348(1)d).
[Traduction]
À l'heure actuelle, les infractions d'ordre sexuel désignées comprennent l'usage de la force pour obliger une autre personne à commettre un acte de bestialité, au paragraphe 160(2), qui a été ajouté en 2011, ainsi que la bestialité en présence d'un enfant ou incitation de celui-ci, au paragraphe 160(3), qui a été ajouté en 2004, lors de l'adoption de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.
Les témoignages que le comité de la justice a entendus et les études qui lui ont été soumises établissent le lien entre la cruauté envers les animaux et la bestialité et les actes de violence commis envers des êtres humains, surtout les femmes et les enfants. J'y ai fait allusion au début de mon allocution; c'est un élément qui vaut la peine d'être répété. On ne peut pas dire avec certitude que toutes les personnes coupables de cruauté envers les animaux finissent par s'en prendre aux femmes et aux enfants. Par contre, on sait que les personnes qui commettent des actes de violence envers les femmes et les enfants ont toutes, à un moment donné, maltraité des animaux. C'est ce que le comité a appris.
Le comité de la justice a, par exemple, entendu des détails sur le travail novateur de la Canadian Violence Link Coalition. Cette dernière a été mise sur pied pour étudier et présenter tous les différents travaux de recherche universitaires qui sont faits et qui contribuent à établir le lien entre la violence contre les animaux et la violence contre les humains. Le travail de la Coalition est fondé sur une approche de la communication de l'information multidisciplinaire, multisectorielle et axée sur la collaboration et il vise à renforcer les interventions dans les cas de cruauté et de négligence envers les animaux et à en établir le lien avec la violence envers les humains.
Dans son témoignage, Mme Cartwright a dit ceci: « Tous les agresseurs ne sont pas des tueurs en série, mais tous les tueurs en série sont des agresseurs d'animaux. » Les données probantes dont je parle sont celles présentées par Mme Cartwright dans son témoignage devant le comité. Ces données montrent qu'il arrive souvent que la violence envers les humains soit l'étape qui suit la cruauté envers les animaux chez les personnes qui ont une propension aux actes de violence en série.
[Français]
Le témoignage de Mme Cartwright est repris par d'autres experts en la matière, notamment la sergente Teena Stoddart, qui a fait état d'une recherche tirée de l'International Journal of Law and Psychiatry, qui révèle que, sur un groupe de 943 hommes incarcérés sélectionnés au hasard, la moitié des délinquants sexuels et le tiers des agresseurs d'enfants avaient maltraité des animaux pendant leur adolescence. En outre, la même étude a confirmé que les agresseurs sexuels d'enfants se servent d'animaux pour attirer et amadouer leurs victimes en utilisant des contacts sexuels inappropriés avec des animaux comme processus de désensibilisation visant à normaliser les contacts sexuels entre adultes et enfants.
Bien qu'il y ait un accroissement de la recherche internationale dans ce domaine, nous étions heureux d'apprendre l'émergence des données canadiennes que Mme Amy Fitzgerald de l'Université de Windsor a recueillies, notamment sur les liens entre la maltraitance des animaux et les violences conjugales et interpersonnelles. Je dois admettre que j'ai été surpris d'entendre que des recherches canadiennes révèlent que ces liens de violences sont pires au Canada qu'à l'étranger, selon des études internationales similaires.
De façon plus particulière, les femmes qui disent vivre une situation de violence signalent aussi que leur animal se trouve dans la même situation.
[Traduction]
Le lien qui existe entre la violence commise envers les animaux et la violence commise envers les êtres humains est aussi confirmé par le témoignage de Mme Lianna McDonald, directrice générale, et de Mme Monique St. Germain, conseillère juridique au Centre canadien de protection de l'enfance. Elles ont évoqué la multiplication des images d'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet, dont les plus explicites et les plus extrêmes comportent des actes de bestialité.
Compte tenu des preuves démontrant des liens très étroits entre la violence commise envers les animaux et la violence commise envers les êtres humains, nous pensons qu'ajouter l'infraction de bestialité simpliciter dans la catégorie des infractions désignées s'accorde avec l'objectif sous-jacent de la Loi sur l'enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels et avec la désignation actuelle des deux autres infractions relatives à la bestialité.
[Français]
J’aimerais terminer en abordant un dernier point, qui a été soulevé lors de l’étude du projet de loi , à savoir que certains membres du Comité et certains témoins sont d’avis que ce projet de loi ne va pas assez loin et qu’une réforme exhaustive du régime contre la cruauté envers les animaux s’impose depuis longtemps au Canada.
Comme le ministre l’a indiqué lors de son témoignage devant le Comité, notre gouvernement demeure ouvert au dialogue et à la discussion quant à la meilleure façon de régler ces questions vastes et complexes.
[Traduction]
Cela dit, nous devons également tenir compte du témoignage recueilli au comité, lequel rappelle l'importance de faire progresser ces réformes le plus rapidement possible, notamment parce qu'elles visent à combler une lacune dans la loi et à mieux protéger les membres les plus vulnérables de la société. Par ailleurs, il est essentiel de ne pas perdre de vue que le projet de loi constitue une réponse ciblée à deux enjeux précis qui bénéficient d'un appui généralisé de tous les principaux intervenants dans ce domaine du droit. Ces derniers ont présenté une lettre au . Dix intervenants parmi les plus importants, qui proviennent de domaines aussi variés que l'agriculture, la chasse et les soins vétérinaires, appuient tous certains aspects du projet de loi.
Le projet de loi représente un progrès significatif et grandement nécessaire. Nous sommes convaincus que nous pouvons adopter cette mesure législative essentielle dès aujourd'hui, et, ce faisant, franchir une nouvelle étape dans l'amélioration de la protection des membres les plus vulnérables de notre société. Pour cette raison, j'exhorte tous les députés à adopter rapidement ce projet de loi très important, le projet de loi C-84.
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Monsieur le Président, je prends la parole au sujet du projet de loi , qui vise à modifier le Code criminel, tel que modifié, en ce qui concerne la bestialité et les combats d'animaux. Je peux affirmer que mes collègues de ce côté-ci de la Chambre et moi appuyons entièrement cette importante mesure législative.
Le projet de loi comporte deux volets principaux. Le premier concerne la bestialité, plus précisément l'arrêt D.L.W. Dans cet arrêt, la Cour suprême a donné son interprétation de l'article 160 du Code criminel, qui interdit la bestialité. Dans la décision rédigée par le juge Cromwell, la Cour a conclu que, en l'absence d'une définition législative, on ne pouvait parler de bestialité que dans les cas où les actes en question impliquaient une pénétration. Le projet de loi vient clarifier la loi en y ajoutant une définition qui précise que toute activité menée à des fins sexuelles impliquant un animal est visée par l'article 160 du Code criminel, de façon à combler une grave lacune de la loi.
Le second aspect du projet de loi vise à renforcer les dispositions entourant les combats d'animaux. Je sais que le secrétaire parlementaire a discuté en détail des amendements en comité, mais ces dernières semaines, j'ai été très critique à l'endroit de mes collègues libéraux siégeant au comité de la justice par rapport à la façon dont ils ont traité le scandale SNC-Lavalin, et je le suis toujours. Cela dit, les travaux du comité sont souvent empreints de collaboration, et nous pouvons mettre de côté nos partis pris politiques pour trouver un terrain d'entente. C'est précisément ce qui s'est passé.
Des témoins nous ont proposé des idées pour renforcer le projet de loi , et trois amendements de fond ont été adoptés à l'unanimité au comité. J'en profite pour saluer le bon travail de notre président, le député de qui, dès le premier jour, a donné le ton qui a permis à ce comité d'être l'un des plus productifs.
S'agissant de la première partie du projet de loi, soit de l'article 160 et de la définition légale à donner à la bestialité, j'appuie tout à fait la démarche. Je pense que la modification législative fait l'objet d'un large consensus, mais j'aimerais revenir sur la question que j'ai soulevée auprès du , à savoir que je ne comprends pas pourquoi le gouvernement a tellement tardé à agir.
La décision dans l'affaire D.L.W. a été rendue en juin 2016. Nous sommes en mars 2019. Donc, si cette mesure législative progresse le plus rapidement possible, cette lacune dans la loi aura existé pendant trois ans. Pourquoi a-t-il fallu trois ans? Le fait est que la Cour suprême a expressément invité le Parlement à présenter une mesure législative pour définir le terme dans la loi. Nous ne pourrions avoir plus grand consensus sur la nécessité de fournir une définition dans la loi.
Le type de modification qu'il faudrait pour incorporer une définition à l'article 160 du Code criminel est, bien franchement, relativement simple. Comme le gouvernement se traînait les pieds depuis longtemps, ma collègue la députée de a jugé bon de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire pour combler la lacune constatée dans la décision D.L.W., le projet de loi . Ce projet de loi permettrait de définir le terme. Sa disposition qui contient la définition dit: « Au présent article, bestialité s’entend de tout contact, à des fins d’ordre sexuel, entre une personne et un animal. »
C'est assez simple. Regardons maintenant le projet de loi , que le gouvernement a présenté un an après la présentation du projet de loi par la députée de . La définition prévue dans le projet de loi du gouvernement se lit comme suit: « Au présent article, bestialité s’entend de tout contact, dans un but sexuel, avec un animal. »
Et voilà. Nous avons presque un copié-collé du projet de loi d'initiative parlementaire de la députée de , sauf que le gouvernement a attendu un an pour présenter son projet de loi et près de trois ans après que la décision D.L.W. a été rendue.
Quand j'ai demandé au secrétaire parlementaire ce qui motivait ce délai, il a indiqué que le gouvernement avait mené diverses consultations auprès d'un vaste éventail d'intervenants. C'est vrai et c'est louable. Cependant, les consultations n'ont porté que sur les combats d'animaux et sur les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux dans le projet de loi .
Il était important de mener ces consultations. Les dispositions du projet de loi qui concernent la cruauté envers les animaux et les combats d'animaux sont judicieuses. Par surcroît, elles ne nuisent aucunement aux activités traditionnelles de chasse, de pêche ou de piégeage et elles ont suscité un large appui auprès des intervenants. Toutefois, les consultations n'ont absolument pas porté sur les lacunes de l'article 160 du Code criminel en ce qui concerne la bestialité. On a invoqué à tort la nécessité de consultations à cet égard. Il n'est tout simplement pas vrai que, dans le cadre de ces consultations, il a été question de remédier à ces lacunes. En toute franchise, cet argument ne tient pas la route. Bref, aucune excuse ne justifie le temps que le gouvernement a mis à agir.
Compte tenu des témoignages présentés au comité à propos de la bestialité, je souligne la gravité du délai. À cet égard, je précise que le Centre canadien de protection de l'enfance a étudié 192 cas signalés sur une période de cinq ans à Cyberaide, le service pancanadien de signalement des cas d'exploitation sexuelle en ligne au Canada et que, dans 80 % des 192 cas de bestialité examinés par le centre, il n'y a pas eu pénétration.
Voilà qui fait ressortir les lacunes de la loi. À l'heure actuelle, depuis juin 2016, on ne peut poursuivre au titre de l'article 160 du Code criminel aucun individu qui commet des actes sexuels vils et répugnants impliquant des animaux, s'il n'y a pas pénétration. Or, je rappelle que dans 80 % des cas, du moins d'après l'examen de 192 cas, il n'y avait pas eu pénétration. Je soutiens donc qu'il s'agit d'une question sérieuse qui doit être examinée dans les meilleurs délais, ce que le gouvernement a tout simplement omis de faire.
Deux des amendements proposés au comité portaient sur la bestialité.
Le premier donnerait au juge le pouvoir discrétionnaire d'imposer une ordonnance pour interdire aux personnes reconnues coupables d'actes de bestialité d'être en présence d'animaux ou d'avoir accès à des animaux pour une période déterminée jugée appropriée par le juge, et pour au moins cinq ans pour les récidivistes, surtout ceux qui sont reconnus coupables d'avoir commis une deuxième infraction ou une infraction subséquente de bestialité.
C'est moi qui ai proposé le deuxième amendement qui a été adopté. Il visait à ce que toute personne reconnue coupable d'avoir commis une infraction de bestialité soit tenue de s'inscrire au registre national des délinquants sexuels. Pour l'heure, toute personne qui force une autre personne à commettre un acte de bestialité aux termes du paragraphe 160(2) et toute personne reconnue coupable d'actes de bestialité en présence d'enfants au titre du paragraphe 160(3) est tenue de s'inscrire au registre national des délinquants sexuels, mais toutes les autres ne le sont pas. Grâce à l'amendement que j'ai proposé, le projet de loi comblera cette lacune.
Il s'agit d'une mesure importante afin de protéger les enfants, les femmes et les animaux, car, comme l'a bien expliqué le , il existe un lien très clair entre la bestialité et le mauvais traitement infligé aux femmes et aux enfants. Les gens qui s'adonnent à de tels actes ont tendance à commettre d'autres crimes sexuels parmi les pires imaginables. En effet, la bestialité est comparable au sadisme lorsqu'il s'agit des conséquences qu'elle peut avoir sur ses victimes.
Pour ce qui est de la gravité du sujet dont nous sommes saisis et du danger que représentent les individus s'adonnant à la bestialité, il suffit de penser à D.L.W. Voilà un individu qui, tous les jours pendant 10 ans, a agressé sexuellement ses deux belles-filles. Dans ce cas, au fil du temps, la violence sexuelle a atteint des proportions telles que D.L.W. en est venu à s'adonner à la bestialité impliquant l'une de ses belles-filles et le chien de la famille. Il est important de lire, dans le dossier, ce que le juge du procès a dit au sujet de D.L.W. et du niveau de perversion dont il est question ici.
Lorsqu'il a expliqué les motifs de la peine, le juge de première instance a dit ceci:
Je suis juge depuis près de 40 ans. Durant tout mon long mandat à la magistrature, ce délinquant est l'un des hommes les plus diaboliques que j'aie rencontrés. Il est le mal incarné. C'est un monstre. On dit que le diable peut citer la Bible pour servir ses propres intérêts, et c'est certainement le cas ici. D.L.W., qui possède une imagination tordue et qui se sert de passages de la Bible pour justifier ses gestes, a quotidiennement agressé sexuellement deux de ses beaux-enfants pendant plus de 10 ans, et de la manière la plus abominable qui soit.
Voilà les types de délinquants dont il est question ici, et c'est pour cette raison qu'il est essentiel que toutes les personnes accusées de bestialité soient inscrites dans le Registre national des délinquants sexuels. Je suis heureux que le gouvernement appuie les mesures à cet effet.
Passons au deuxième volet du projet de loi . Il prévoit d'importantes mesures pour renforcer les dispositions visant la cruauté envers les animaux et les combats d'animaux. Nous savons que les combats d'animaux sont fréquents et qu'ils sont souvent sous-déclarés. Ils sont manifestement liés aux gangs et au crime organisé. Beaucoup d'argent peut être en jeu. Selon les témoignages entendus au comité de la justice, les montants en jeu lors d'un combat de chiens peuvent s'élever jusqu'à 200 000 $. Si on organise quatre ou cinq combats, les montants qui sont échangés et qui se retrouvent entre les mains du crime organisé peuvent atteindre 1 million de dollars.
Le projet de loi apporterait certaines modifications concrètes au Code criminel afin que les forces de l'ordre soient mieux outillées pour sévir contre les combats d'animaux et priver ainsi les éléments du crime organisé d'une importante source de revenus. Ainsi, le projet de loi apporterait quelques modifications aux dispositions du Code criminel sur les combats d'animaux. Soulignons que, dans sa forme actuelle, le paragraphe 445.1(1) interdit à quiconque d'encourager le combat ou le harcèlement d’animaux, d'y aider ou d'y assister. Cependant, il ne couvre pas des activités comme le dressage, le transport ou l'élevage d'animaux à des fins de combat.
Je vois que mon temps est écoulé. Je vais donc poursuivre mon intervention après la période des questions.