La Chambre reprend l'étude, interrompue le 19 octobre, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement.
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Monsieur le Président, je poursuis mon intervention sur le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Vendredi, lorsque j'ai pris la parole pour la dernière fois à ce sujet, j'ai indiqué que le gouvernement justifie l'adoption hâtive de cette mesure législative en disant que les tribunaux ont exigé l'interdiction de l'isolement, que ce soit à des fins préventives ou disciplinaires, quelles que soient les circonstances. Or, cette justification ne tient tout simplement pas la route.
Ni la Cour suprême de la Colombie-Britannique ni la Cour supérieure de l'Ontario n'ont fait une telle interdiction dans leur décision respective. En fait, la Cour supérieure de l'Ontario remet principalement en question l'indépendance de l'examen qui mène le directeur d'un établissement carcéral à imposer l'isolement à un détenu. Le tribunal ontarien a établi que l'absence d'un mécanisme indépendant d'examen contrevenait aux principes de justice fondamentale aux termes de l'article 7 de la Charte. Voilà ce qui sous-tend la décision de la Cour supérieure de l'Ontario.
Je n'ai pas besoin de rappeler au gouvernement que, tout comme ces deux décisions judiciaires, ni les Règles Mandela ni la Commission Arbour de 1996 ne réclament l'élimination de l'isolement en toutes circonstances. Le gouvernement est le seul à le faire en présentant à la hâte cette mesure législative sans mener de consultations véritables et sérieuses auprès des employés des établissements correctionnels, qui sont les lieux de travail les plus dangereux, les plus difficiles et les plus stressants. C'est fort regrettable. Pire encore, les changements proposés par le gouvernement nécessiteront beaucoup plus de ressources pour gérer les détenus.
Chaque fois qu'on fait sortir de sa cellule un détenu placé en isolement, deux gardiens doivent l'accompagner. Le gouvernement propose de porter à quatre heures le temps qu'un prisonnier peut passer en dehors de sa cellule. Pour que ce soit possible, il faudra davantage de ressources. Alors, où sont les ressources que le gouvernement a prévues à cet égard? Nulle part.
Au lieu de fournir aux agents correctionnels les outils dont ils ont besoin pour assurer la sécurité des établissements correctionnels, qu'est-ce que le gouvernement propose? Il propose une réduction de 8,8 % du budget du Service correctionnel du Canada. C'est ce que font les libéraux. En plus d'imposer un fardeau plus lourd aux agents correctionnels en leur retirant les outils dont ils ont absolument besoin pour assurer la sécurité des établissements, le gouvernement procède aussi à des compressions. Cela montre que les priorités du gouvernement laissent à désirer et que, encore une fois, il n'arrive tout simplement pas à faire les choses correctement.
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Monsieur le Président, c'est pour moi un grand honneur de prendre la parole au nom de mes concitoyens de Saint-Boniface—Saint-Vital.
[Français]
J'ai le grand plaisir de me lever à la Chambre pour appuyer le projet de loi du gouvernement, soit le projet de loi . Il s'agit d'un projet de loi révolutionnaire en matière de services correctionnels.
Comme l'a dit le , le gouvernement reconnaît deux choses. Premièrement, il reconnaît que la sécurité dans les établissements carcéraux est un impératif absolu que Service correctionnel Canada doit toujours respecter. Deuxièmement, il reconnaît que la sécurité des communautés canadiennes repose sur le travail de réadaptation fait dans les établissements carcéraux sûrs.
[Traduction]
La sécurité est bel et bien au cœur du projet de loi. Nous savons que certains détenus sont beaucoup trop dangereux ou agressifs pour qu’on puisse les gérer dans la population carcérale générale. Les fonctionnaires du Service correctionnel doivent donc avoir un moyen de les séparer des autres détenus.
La pratique actuelle est d'isoler ces détenus, en isolement cellulaire comme diraient nos amis américains. Cependant, les tribunaux ont décidé par deux fois que cette pratique est contraire à la Constitution. Il a été fait appel de ces décisions, pour l’une, par le gouvernement et, pour l’autre, par le parti d'en face, mais il n’en reste pas moins qu’elles sont exécutoires dans un délai de quelques mois.
Il est du devoir du Parlement de veiller à ce que le Service correctionnel ait les pouvoirs juridiques nécessaires pour assurer la sécurité de son personnel et des personnes confiées à sa garde, et ce, dans le respect de notre Constitution. Or, nous pouvons nous acquitter de ce devoir en adoptant ce projet de loi qui propose de supprimer l’isolement dans les établissements fédéraux pour le remplacer par une approche sûre, mais fondamentalement différente.
Aux termes du projet de loi , des unités d’intervention structurée, les UIS, seront créées dans des établissements partout dans le pays. Ces unités permettront de séparer au besoin des délinquants de la population carcérale générale, mais sans les priver des programmes de réadaptation, des soins de santé mentale et de différentes interventions.
Les détenus placés dans une UIS bénéficieront d’interventions structurées et de programmes adaptés à leurs risques et aussi à leurs besoins particuliers. Ils passeront au moins quatre heures par jour en dehors de leur cellule, soit le double du temps prévu dans le système actuel. Quatre heures, c'est un strict minimum. J’insiste bien, il s’agit d’un minimum. Ce pourrait être plus.
Les détenus auront aussi au moins deux heures de réelle interaction humaine par jour, y compris avec le personnel, avec des bénévoles, des aînés, des aumôniers, des visiteurs et d’autres détenus compatibles. C’est quelque chose qui n’existe pour ainsi dire pas dans le système actuel. Ils recevront par ailleurs au moins une fois par jour la visite d’un professionnel de la santé agréé.
Autrement dit, le projet de loi opte pour une nouvelle approche plus efficace de la gestion des cas les plus difficiles dans le système correctionnel fédéral. Il accroît la sécurité non seulement des établissements correctionnels, mais aussi des collectivités canadiennes dans tout le pays.
[Français]
Je rappelle que presque tous les détenus sous responsabilité fédérale vont un jour terminer leur sentence et être remis en liberté. Ainsi, le fait de leur donner la possibilité de poursuivre leurs traitements et leur travail de réadaptation permettra d'augmenter leurs chances de succès quant à leur réinsertion dans la population carcérale générale et, ultimement, dans la société.
La réduction du risque de récidive protégera davantage les Canadiens et toutes les communautés, les grandes villes et les villages.
[Traduction]
D’autres mesures importantes prévues par le projet de loi complètent la création proposée d’UIS. Ainsi, il inscrit dans la loi l’obligation du Service correctionnel du Canada de tenir compte de facteurs systémiques et historiques lorsqu’il prend des décisions concernant des détenus autochtones. Cette mesure découle de l’arrêt Gladue rendu par la Cour suprême en 1999. C’est prévu dans la politique correctionnelle depuis de nombreuses années, mais nous donnons dorénavant à ce principe pleinement force de loi.
Cette mesure permet de tenir en partie les engagements du mandat que le a confié à la et au pour ce qui est de remédier aux lacunes dans les services aux Autochtones au sein du système de justice pénale. Les deux ministres ont également reçu pour mandat de remédier aux lacunes dans les services aux personnes souffrant de maladie mentale dans le système de justice pénale.
Comme je le soulignais plus tôt, les détenus placés dans une UIS recevront la visite quotidienne d’un professionnel de la santé. Qui plus est, les changements proposés dans le projet de loi obligeront le Service correctionnel à favoriser l’autonomie et l’indépendance clinique des professionnels de la santé qui travaillent dans les établissements correctionnels.
Le projet de loi autorise aussi des services de défense des droits des patients à aider les personnes détenues dans les établissements fédéraux à comprendre leurs droits en matière de soins de santé et à veiller à ce qu’elles reçoivent les soins médicaux nécessaires. C’est ce que recommandait l’enquête du coroner sur le décès d’Ashley Smith.
Le projet de loi comporte aussi une mesure importante pour mieux soutenir les victimes de crime. À l’heure actuelle, les victimes peuvent demander à recevoir l’enregistrement audio des audiences de libération conditionnelle, mais seulement si elles n’y assistent pas. Dans le cas contraire, elles n’y ont pas droit. Cela n’a aucun sens. Les groupes de défense des victimes expliquent qu’assister à une telle audience est parfois tellement difficile psychologiquement que les victimes ne se souviennent pas toujours de ce qui s’est dit, ce qui est tout à fait compréhensible. Aux termes du projet de loi , les victimes auront droit à un enregistrement de l’audience, qu’elles y aient assisté ou pas. Elles pourront ensuite l’écouter, plus tard, dans un cadre plus rassurant et à leur convenance.
[Français]
La principale priorité de tout gouvernement doit être de protéger ses citoyens. Lorsqu'une personne enfreint la loi, il y a des conséquences. Dans l'intérêt de la sécurité publique, il nous faut un système correctionnel capable d'aborder des facteurs qui mènent à la criminalité afin que les délinquants deviennent moins susceptibles de récidiver et de faire d'autres victimes.
[Traduction]
Un service correctionnel adapté et efficace tient les délinquants responsables des méfaits qu’ils ont commis, mais il crée aussi un environnement propice à la réadaptation. Le système correctionnel canadien fait déjà un excellent travail en matière d’aide à la réadaptation et à la réintégration des détenus dans des conditions très difficiles. Cependant, le projet de loi renforcera ce système et, avec des établissements plus sûrs pour le personnel et les détenus, avec moins de délinquants récidivistes et moins de victimes à la longue, la sécurité publique sera améliorée.
Pour toutes ces raisons, j’appuie sans réserve cette mesure législative importante et révolutionnaire, et j’invite tous les députés à faire de même.
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Monsieur le Président, le projet de loi propose d’apporter plusieurs modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, mais l’élément central en est qu’il vise à mettre fin au recours à l’isolement dans les pénitenciers et à lancer des unités d’intervention structurée.
Je parlerais plus en détail de ces unités dans un moment, mais je commencerai par reconnaître que beaucoup de groupes d’intervenants militent depuis des années pour qu’on limite le temps passé en isolement préventif.
L’enquêteur correctionnel recommande un maximum de 30 jours et les Règles Mandela de l’ONU, 15 jours au plus. Nous nous sommes demandé, toutefois, si cela n’avait pas pour seul effet de priver des personnes de tout contact significatif pendant 15 ou 30 jours. Est-ce que cela ne revient pas à priver des personnes des interventions et des formations dont elles ont besoin pendant 15 ou 30 jours, de même que de soins de santé mentale dont elles pourraient avoir besoin?
Qu'en serait-il si nous étions capables, par conséquent, de créer un système où, lorsque des personnes doivent être placées dans une structure sécurisée séparée, au sein de la prison, elles peuvent continuer d’avoir accès à toutes ces choses? Qu'en serait-il si nous pouvions assurer la sécurité des détenus, du personnel correctionnel et des établissements sans avoir à mettre des détenus en isolement, à les couper de tous ces autres points de contact importants et de leurs traitements? Qu'en serait-il si on ramenait à zéro le nombre de jours sans contact humain significatif en milieu carcéral?
Voilà ce qui est au cœur du projet de loi . Il concilie la nécessité de la sécurité dans les établissements correctionnels et la nécessité de mettre fin à l’isolement et de créer un système plus à même de réadapter les détenus.
Dans les unités d’intervention structurée, les détenus passeront deux fois plus de temps en dehors de leur cellule que dans le régime d’isolement préventif actuel. Cependant, ce ne sera pas sans supervision, comme le laissait entendre la députée de .
Le service correctionnel recevra le financement nécessaire pour augmenter le nombre de gardiens afin d’assurer les déplacements en toute sécurité des détenus à l’intérieur des unités d’intervention structurée, que ce soit pour se rendre en classe, pour suivre les programmes ou pour avoir des interactions avec un autre détenu compatible. Bref, il s’agit d’une refonte totale du service correctionnel afin d'arriver à un meilleur système pour le personnel, pour les détenus et, au fond, pour la société.
Si ce projet de loi est aussi important, c’est parce que l’immense majorité des détenus sous responsabilité fédérale finiront par être remis en liberté dans les collectivités. Or, les collectivités sont plus sûres lorsque les détenus qui souffrent de problèmes mentaux ont reçu un diagnostic et ont été soignés comme il faut. Elles sont plus sûres lorsqu’ils ont suivi avec succès un programme de réadaptation du service correctionnel ainsi que la formation voulue pour trouver un emploi à la fin de leur peine, de manière ce qu'ils subviennent à leurs besoins et soient moins susceptibles de récidiver.
Même si, pour certains, ce projet de loi semble prometteur, sa mise en œuvre suscite un certain scepticisme. Je peux assurer à la Chambre que nous avons l’intention de veiller à ce que la mise en oeuvre permette de tenir les promesses du projet de loi, en affectant toutes les ressources nécessaires pour que ce soit bien le cas. J’ai même interrogé le ministre plus tôt dans le débat à ce propos.
Soyons clairs: le statu quo n’est plus une option. Des tribunaux en Ontario et en Colombie-Britannique ont invalidé des pans entiers de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui autorisent le placement d’un détenu en isolement préventif. Un appel a été interjeté dans ces deux affaires, un par l’appelant et l’autre par le gouvernement, mais à compter de décembre et janvier, l’isolement préventif ne pourra plus être utilisé dans ces provinces. Sans système pour le remplacer, la situation sera dangereuse pour le personnel du Service correctionnel et pour les délinquants. De plus, comme il ne peut y avoir de réadaptation effective dans un milieu dangereux, le danger nous guette tous.
Passons maintenant à d’autres éléments du projet de loi . Des victimes nous ont dit que les audiences de la Commission des libérations conditionnelles leur font souvent vivre un tel tourbillon d’émotions qu’après coup, bon nombre de détails importants leur échappent. Le projet de loi permettra aux victimes qui ont assisté à une audience de libération conditionnelle d’en recevoir un enregistrement sonore. Actuellement, les victimes inscrites qui ne peuvent pas assister à une audience peuvent demander ce type d’enregistrement. Toutefois, si elles y assistent, elles n’y ont pas droit. Il ne devrait pas en être ainsi, et c’est pourquoi le projet de loi modifiera la loi pour permettre à toutes les victimes inscrites, qu’elles aient assisté ou non à une audience de libération conditionnelle, d’en recevoir un enregistrement sonore.
Le projet de loi permettra aussi au Service correctionnel d’acquérir des détecteurs corporels et d’y faire passer toutes les personnes qui pénètrent dans les prisons. L'introduction de substances et d'objets interdits en milieu carcéral, allant des drogues aux téléphones cellulaires, est un phénomène et un problème mondial. De nouvelles technologies permettent de soumettre les personnes qui pénètrent dans des établissements correctionnels à des fouilles plus efficaces et plus faciles, tout en étant moins intrusives que les méthodes conventionnelles, comme les fouilles à nu.
Je suis persuadé que personne n’a oublié le décès tragique d’Ashley Smith, qui s’est enlevé la vie alors qu’elle était placée sous surveillance préventive constante, en 2007. Son décès et l’enquête subséquente du coroner nous ont fait prendre conscience que d’énormes améliorations étaient nécessaires dans nos établissements correctionnels pour femmes. Le projet de loi C-83 donne suite à l’une des plus importantes recommandations issues de cette enquête.
Le service correctionnel aura l'obligation de donner aux détenus accès à des services en matière de défense des droits des patients pour les aider à mieux comprendre leurs droits et leurs responsabilités relativement aux soins de santé. Il sera par ailleurs tenu de soutenir l'autonomie des professionnels de la santé et leur indépendance clinique, qui est un principe fondamental de la profession médicale.
Le projet de loi consacre les principes découlant de la décision historique rendue en 1999 par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gladue et qui exige que les programmes et traitements offerts aux détenus autochtones, et ce, dès l'admission de ceux-ci dans un établissement carcéral, intègrent les facteurs systémiques et historiques qui sont propres à ces détenus.
Toutes ces mesures feront finalement avancer la cause de la sécurité publique partout au pays.
Lorsque le système correctionnel fonctionne efficacement pour réadapter les délinquants dans un milieu carcéral protégé, c'est nous tous qui en profitons.
Je suis fier du projet de loi et j'encourage tous les députés à voter en sa faveur.
Puisqu'il me reste encore un peu de temps, je vais parler brièvement de la situation à Terre-Neuve et Labrador.
Le principal pénitencier de Terre-Neuve et Labrador n'est pas un établissement fédéral et ne sera donc pas régi par ce projet de loi. On sait toutefois, d'après les reportages des médias et l'histoire accablante du pénitencier royal de Sa Majesté à St. John's ce qui peut arriver dans les pénitenciers où des services et des soutiens adéquats ne sont pas mis en place pour protéger à la fois les détenus et les gens qui y travaillent.
Le trouble de stress post-traumatique est un énorme problème tant pour les gens qui travaillent dans les établissements correctionnels que pour les personnes incarcérées. Il nous faut trouver un meilleur moyen de gérer les détenus en périodes de trouble, de manière à pouvoir continuer à leur prodiguer le soutien dont ils ont besoin.
Lorsque les nouvelles normes élevées du gouvernement fédéral seront respectées à l’échelle fédérale, des pressions supplémentaires s’exerceront sur les établissements provinciaux, où sont incarcérées les personnes devant purger une peine de deux ans ou moins. Ainsi, les provinces seront encouragées à mettre sur pied des modes de soutien et des normes semblables de sorte que le système soit davantage en mesure non seulement de gérer la détresse que la personne envoyée à l’unité d’intervention structurée cause aux autres détenus, mais aussi de fournir davantage de fonds et de soutien pour aider un personnel du service correctionnel plus nombreux à gérer et superviser ces détenus. C’est là la clé.
Au cours de nos trois premières années de mandat, nous avons pu constater en observant le déroulement de changements proposés par le gouvernement précédent, qu’il s’agisse de Phénix, du déplacement de la TI ou du service correctionnel, que, sans un financement de la transition, sans un financement des exigences législatives supplémentaires, nous sommes voués à l’échec.
Le ministre a mentionné que 80 millions de dollars seraient accordés aux soutiens supplémentaires en santé mentale au sein des prisons au cours de la période couverte par les deux prochains budgets. C'est extrêmement important. Ce financement visera une augmentation du personnel correctionnel et l’acquisition de détecteurs à balayage corporel qui contribueront à réduire, voire à éliminer le problème de l’introduction clandestine de substances dans les prisons.
Aujourd’hui, nous avons entendu des députés de l’opposition signifier leur inquiétude à savoir que nous n’accordons pas suffisamment de temps au débat sur ce sujet. Cependant, il semble que plusieurs des arguments soulevés aujourd’hui commencent à se répéter. Les nouveaux arguments ont été rares, même pendant le court débat qui s’est déroulé.
Ce sera une bonne chose que de renvoyer le projet de loi au comité compétent, où toute préoccupation légitime soulevée par l’opposition concernant une rétroaction suffisante des groupes intéressés pourra être étudiée et où on tiendra compte de ces observations. Le comité est le meilleur endroit où le projet de loi pourra être amendé de façon constructive.
Compte tenu du fait que décembre et janvier représentent des dates butoirs importantes auxquelles il faudra avoir mis sur pied une solution de rechange à l’isolement préventif dans les prisons, il est essentiel que le projet de loi soit terminé et adopté par la Chambre et le Sénat. Il faut éviter le genre de scénario apocalyptique qui pourrait se présenter en l’absence de moyen de gérer correctement et de maintenir la sécurité des prisons en Colombie-Britannique et en Ontario au cours de la prochaine année.
Pour toutes ces raisons, j’encourage tous les députés à voter pour le renvoi au comité du projet de loi.
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Monsieur le Président, nous prenons la parole aujourd'hui, à la Chambre, au sujet du projet de loi .
C'est un sujet très sérieux qui mérite que nous prenions le temps de l'analyser et de l'étudier. Il ne faut surtout pas catapulter trop rapidement le projet de loi. Malheureusement, il y a à peine quelques instants, le gouvernement a fait voter une résolution qui fait que le temps imparti pour débattre du projet de loi sera minimisé. Ce sont les Canadiens qui risquent d'être les perdants.
Le projet de loi concerne ce qui se passe à l'intérieur de nos pénitenciers. Pour le dire de façon assez crue mais réelle, on veut savoir ce qui se passe dans le centre d'isolement, ce que les détenus appellent le « trou », où les gens sont isolés des autres détenus.
Soyons bons joueurs et tentons de voir les éléments positifs contenus dans le projet de loi. Ce qui nous réjouit, c'est de voir qu'il y a entre autres une mesure visant la détection par balayage corporel des détenus, ce qui est une très bonne chose.
Malheureusement, même si, en théorie, rien ne doit entrer dans les centres de détention ou les prisons canadiennes autrement qu'au moyen d'une autorisation, ce n'est pas toujours le cas. Il faut donner les outils nécessaires aux Canadiens et aux Canadiennes qui travaillent dans nos centres de détention ou nos centres correctionnels pour assurer leur propre protection et une meilleure vie à l'intérieur des centres de détention.
Selon nous, la détection par balayage corporel est une bonne chose. Cependant, c'est là que s'arrête l'élément positif du projet de loi.
Au moyen du projet de loi , le gouvernement vise à transformer l'isolement préventif en unités d'intervention structurée.
Je tiens à rappeler que ceux qui sont en prison ou à l'Établissement de Donnacona, dans la circonscription Portneuf—Jacques-Cartier, par exemple, ne sont malheureusement pas la fine fleur de la société. Ce sont les criminels les plus endurcis, ce sont des meurtriers. Je pourrais faire la liste des gens qui s'y retrouvent, des crimes qu'ils ont commis et des raisons pour lesquelles ils ont été arrêtés et reconnus coupables, mais ce serait d'une tristesse infinie. Ces gens purgent présentement leur peine en prison.
Comme on le dit chez nous, « ce ne sont pas des doux qui sont là ». Il faut donc parfois des mesures disciplinaires très fortes. Les gens qui possèdent de l'expérience en la matière diront que le centre d'isolement préventif sert à isoler de façon préventive les criminels qui peuvent représenter un danger pour les autres détenus, mais qu'il sert également à isoler les détenus qui peuvent être un danger pour ces individus. J'y reviendrai un peu plus tard.
Ce que nous remarquons, c'est l'empressement du gouvernement d'agir. Comme le disait si bien le porte-parole en matière de Sécurité publique, le député de , l'approche du gouvernement comporte une incohérence.
Il y a quelque temps, la Cour supérieure de justice, en Ontario, a émis un jugement très rigoureux concernant le cas d'un détenu en isolement préventif. La Cour mettait en doute la légalité de l'isolement préventif à durée indéterminée comme mesure de détention sévère.
Le gouvernement libéral a décidé de porter la cause en appel. Comme le disait si bien le député de , c'est curieux de voir que, d'un côté, le gouvernement porte la cause en appel et que, de l'autre, il dépose un projet de loi qui concerne exactement le sujet amené par la Cour supérieure de justice de l'Ontario.
Ce qui nous préoccupe, au-delà de l'aspect philosophique, c'est le fait que le gouvernement n'a absolument rien prévu en matière de coûts. On ne sait pas du tout où mènent les mesures proposées dans le projet de loi.
C'est la moindre des choses que de dire vers quoi on se dirige et quels sont les budgets alloués pour amener certains changements. Pourtant, il n'y a strictement rien de prévu à ce sujet.
Les changements proposés visent entre autres à permettre aux gens qui sont actuellement en isolement préventif de sortir quatre heures par jour et d'être avec leurs congénères.
Je ne veux alarmer personne, mais les gens qui travaillent à l'intérieur des centres de détention et leur syndicat sonnent l'alarme. Ce n'est pas une bonne idée, à leur avis. Ils n'ont malheureusement pas été entendus par le gouvernement. L'un des leurs a même dit qu'avec cette approche libérale concernant l'isolement préventif, on risquait des bains de sang.
Je rappelle — les chiffres sont têtus et cruels — que 100 agressions ont eu lieu au cours des 12 derniers mois dans nos centres de détention. Ce sont évidemment 100 de trop puisque une agression, c'est une de trop. Comme je le disais plus tôt, on parle ici des criminels les plus endurcis du monde carcéral canadien, et le fait de leur permettre de sortir ainsi, pendant quatre heures avec leurs congénères, peut générer des situations que personne ne souhaite.
Je tiens à rappeler que le balayage corporel, que nous saluons dans ce projet de loi, n'est pas vilain en soi. Toutefois, à notre avis, il faudrait peut-être réfléchir à l'étendre, y compris aux personnes qui vont visiter les détenus à l'intérieur du centre de détention.
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Monsieur le Président, comme on le mentionnait, c'est effectivement une riche idée de permettre l'évaluation et la détection par balayage corporel des détenus, mais ce ne serait pas vilain non plus de réfléchir à la possibilité de le faire pour ceux qui visitent les détenus. Si ces visiteurs n'ont rien à se reprocher, cela ne les dérangera pas. Il nous arrive parfois d'avoir un balayage corporel avant de prendre l'avion. On nous prend à part et on nous évalue au hasard, pour être sûr et certain que nous n'avons pas de problèmes. Chacun reconnaît que ce n'est pas ce qui est le plus agréable dans la vie — cela m'est arrivé à quelques reprises. Cependant, lorsqu'on a la conscience en paix, cela ne dérange pas. Si on rentre dans un centre de détention et qu'on a la conscience tranquille, il n'y a pas de problème à passer ce type de balayage.
Parlant de visites, mon collègue de a visité le centre de détention de Donnacona, situé dans la circonscription de . La visite s'est donc faite avec le député de cette circonscription. Je suis très fier du travail de mes collègues qui vont au coeur des événements et des éléments, là où les choses se passent. Comme mon collègue de le disait dans son discours la semaine dernière, il a rencontré une personne qui était justement dans ce centre d'isolement préventif. Le témoignage de mon collègue a rappelé que certains se retrouvent là par désir, pour éviter d'être en contact avec les autres détenus, pour on ne sait quelle raison — mais on peut imaginer le pire. C'est souvent cela, la réalité. L'optique libérale ne prend pas en considération le fait que, parfois, pour protéger les détenus entre eux, il faut avoir cette approche qui peut paraître surprenante, mais qui mérite d'être retenue au moment de la réflexion.
En terminant, je ne peux m'empêcher de remarquer que l'esprit qui guide ce projet de loi est l'esprit qui guide le ; l'esprit libéral qui, à notre point de vue, fait qu'on s'attarde beaucoup à la condition des criminels et des détenus plutôt que de penser d'abord et avant tout aux victimes.
N'est-ce pas ce gouvernement qui, pendant 10 mois, a tardé à nommer l'ombudsman responsable des victimes d'actes criminels?
Doit-on se surprendre du fait que ce même premier ministre refuse d'utiliser son pouvoir dans le triste cas de Terri-Lynne McClintic, qui a commis un crime horrible en assassinant un enfant, et qui se retrouve maintenant dans un pavillon de ressourcement alors qu'à notre avis, elle devrait être derrière les barreaux?
N'est-ce pas ce premier ministre qui, en 2013, alors qu'il était chef d'un parti de l'opposition — Dieu merci, c'était le bon temps — au moment de l'attentat de Boston, a dit à Peter Mansbridge, de la CBC, qu'on devrait peut-être s'interroger sur les causes qui amènent les gens à poser de tels actes? Telle est la mentalité libérale du premier ministre: on pense d'abord aux agresseurs, aux criminels, aux coupables, plutôt que d'abord et avant tout penser aux victimes.
C'est pourquoi, dans sa mouture actuelle, ce projet de loi ne nous satisfait pas, et nous condamnons vigoureusement le fait que l'on ait imposé le bâillon dans ce projet de loi.
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Monsieur le Président, j’ai l’honneur et le privilège de prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi . Ce projet de loi ferait plusieurs choses. Essentiellement, il vise à abolir l’isolement préventif au Canada et à le remplacer par des unités d’intervention structurée. Cependant, il ferait plus que cela.
Le projet de loi modifierait grandement notre façon de traiter le droit des victimes aux enregistrements sonores des audiences de libération conditionnelle. Il prévoit certaines mesures pour tenir compte, en particulier, de la situation des détenus autochtones. Il modifierait grandement notre approche des soins aux patients dans la population carcérale. Il apporterait aussi des changements à l’utilisation des détecteurs à balayage corporel dans les établissements administrés par le Service correctionnel du Canada.
En fin de compte, ce projet de loi vise à améliorer notre système de justice afin qu’il tienne les coupables responsables de leurs actes et qu’il permette aux victimes d’obtenir des renseignements sur les délinquants susceptibles d’être remis en liberté dans la société.
Fait important à noter, le projet de loi prévoit aussi des mesures qui contribueront à la sécurité publique en faisant en sorte que les personnes incarcérées aient accès à des services qui les aideraient à réintégrer plus efficacement la société. Il ne s’agit pas de laxisme envers les criminels. Il s’agit de lutter intelligemment contre le crime pour qu’à long terme, la société canadienne soit plus en sécurité.
Ce qui a peut-être le plus suscité la controverse dans le projet de loi , ce sont les changements apportés à l’isolement préventif au Canada.
L’isolement préventif, en langage courant, devient à peu près synonyme d’isolement cellulaire ou de mise au secret. Aujourd’hui, pour beaucoup de bonnes raisons, les fonctionnaires qui travaillent pour le Service correctionnel du Canada tiennent à la sécurité dans les établissements. Lorsqu’ils ont affaire à des détenus particulièrement difficiles qui présentent un risque de violence à l’endroit du personnel ou des autres détenus, la pratique a été de les isoler complètement de la population carcérale. Ces détenus sont essentiellement enfermés tout seuls, sans contact humain significatif et à l’écart des services.
Si cette façon de faire peut dans l’immédiat protéger la population carcérale et le personnel qui travaille pour le Service correctionnel du Canada, elle n’en contribue pas moins à un problème social plus étendu. Les détenus placés en isolement préventif subissent un traitement qui les rend encore pires et les place dans une situation où ils sont plus susceptibles de récidiver à leur libération, ce que nous ne voulons pas. Nous voulons réduire le taux de récidive afin que nos localités soient plus sûres lorsque les détenus finissent par être libérés.
Nous savons tous qu’il y a des crimes incroyablement odieux qui font que des gens risquent de passer leur vie sous la garde du Service correctionnel du Canada, mais il y a de nombreux cas, en fait la grande majorité des cas, où une personne qui commet un crime finit par être remise en liberté dans la société. Nous devons nous assurer que nous ne mettons pas nos collectivités en danger en refusant aux personnes incarcérées des services qui les aideraient à devenir de membres à part entière de la société après leur libération.
La majorité des députés qui sont ici connaissent les détails de l’affaire Ashley Smith. Selon moi, elle illustre malheureusement les problèmes qui hantent notre système actuel. Nous détenons des jeunes gens qui souffrent de certaines maladies mentales et que, pour résoudre un problème à court terme, nous privons entièrement de tout contact humain réel. Ils sont séparés des gens qui les entourent ordinairement en prison. Les torts que cela cause à une personne atteinte d'une maladie mentale risquent de l’inciter à se faire du mal et peut-être, à long terme, de faire du mal à autrui après sa libération.
Il est évident que cette affaire et les autres cas similaires nous exhortent à agir. En fait, nous n’avons pas d’autre choix que d’agir. Nous faisons maintenant face à deux cas, pour autant que je le sache, un en Ontario et l’autre en Colombie-Britannique, qui prouvent que l’isolement préventif, du moins quand il dure plus d’une période donnée, est inconstitutionnel. Il enfreint la Charte canadienne des droits et libertés. Le Parlement est donc tenu d’établir un système qui respecte la Charte. Si nous, qui siégeons ici à la Chambre, ne réussissons pas à respecter les valeurs qui font partie intégrante de la Charte, nous ne valons pas grand-chose.
À mon avis, les mesures proposées dans le projet de loi établissent un équilibre qui permettrait au Service correctionnel du Canada de maintenir l’ordre et la sécurité dans ses établissements. Les unités d’intervention structurée maintiendraient un contact humain réel entre la personne qui faisait du tort à la population de l’établissement et le personnel du Service correctionnel. Cette personne recevrait des services qui, à long terme, assureraient la sécurité des collectivités. Ces unités maintiendraient également l’ordre dans nos établissements.
Je voudrais en particulier souligner que les détenus des unités d’intervention structurée passeraient chaque jour au moins quatre heures hors de leur cellule, dont deux heures pendant lesquelles ils jouiraient de contacts humains réels avec des membres du personnel. Ce n’est pas beaucoup, mais cela ferait beaucoup de bien à ceux qui s’étaient retirés de la société et qui étaient privés de contact humain réel, surtout s’ils souffrent d’une maladie mentale. Ce système contribuerait à leur guérison à long terme, ce qui réduirait les menaces qu’ils posent à la société. En fait, c’est exactement ce que vise ce projet de loi.
À l’heure actuelle, les détenus en isolement préventif ne peuvent sortir de leur cellule que pendant des périodes très brèves pour jouir de contacts avec des membres de la population générale de l'établissement. Les torts que l’on inflige ainsi à ces détenus causent des répercussions à long terme pour nos collectivités. Nous nous devons de corriger cette situation.
Les causes que j’ai mentionnées tout à l’heure nous exhortent à prendre des mesures efficaces afin de maintenir l’ordre dans nos établissements tout en protégeant mieux nos collectivités.
Le projet de loi ne viserait pas seulement le recours à l'isolement préventif. Il changerait notamment l'accès des victimes à l'information sur les audiences de libération conditionnelle, dans les cas où elles doivent faire face à la possibilité qu'un individu ayant commis un crime contre elles devienne admissible à une telle libération. À l'heure actuelle, si les victimes n'assistent pas à une audience de libération conditionnelle, elles ne sont pas en droit de recevoir l'enregistrement audio qui est un élément essentiel de ces délibérations. Les députés peuvent s'imaginer le traumatisme auquel les victimes s'exposent si elles doivent assister à l'audience visant un individu qui a commis un crime contre elles-mêmes ou un membre de leur famille. À mon avis, les obliger à vivre une telle expérience, même si elles ne sont pas prêtes mentalement à le faire, est exagéré. La meilleure approche, qui est incluse dans le projet de loi , est d'autoriser la transmission des enregistrements aux victimes, que leur situation personnelle leur permette d'être présentes en personne ou non. Je crois que ce serait un changement important.
Le projet de loi intégrerait également les principes de l'arrêt Gladue dans la loi, lesquels obligent la Couronne à tenir compte des facteurs propres à la situation d'un Autochtone dans la prise de décisions de cette nature.
Dans le domaine de la santé, le projet de loi prévoit la prestation de services de défense des droits des patients. Il s'agit d'un changement important. Les personnes qui offriront ces services auront deux rôles: primo, contribuer au maintien de l'ordre dans les établissements carcéraux, en collaboration avec le Service correctionnel, et secundo, faire le nécessaire pour que les autorités carcérales répondent aux besoins des détenus présentant des problèmes de santé.
Là encore, il n'est pas ici question de faire des faveurs à des gens ayant pu commettre des crimes contre leurs concitoyens ou la propriété d'autrui, mais bien de protéger les Canadiens à long terme en faisant tout pour rendre nos collectivités plus sûres. Si nous refusons d'offrir des soins rudimentaires de santé mentale à ces gens, qui sont exclus de la société une première fois lorsqu'ils entrent en prison et une seconde lorsqu'ils sont placés en isolement, c'est toute la collectivité qui pourrait en pâtir à long terme lorsqu'ils auront purgé leur peine et qu'ils seront relâchés. Il faut donc y voir.
La dernière chose dont je souhaite parler aujourd'hui, ce sont les détecteurs à balayage corporel. Il s'agit des mêmes appareils que ceux au travers desquels nous passons quand nous nous rendons à l'aéroport pour venir passer la semaine à Ottawa et y défendre les intérêts de nos concitoyens.
L'introduction de drogue, d'armes et d'autres articles de contrebande dans les établissements carcéraux peut constituer un grave problème. Ces détecteurs, qui obtiennent d'ailleurs l'appui de députés des deux côtés de la Chambre, si j'ai bien compris, pourraient constituer une solution intéressante, car elle permettrait de mieux protéger la population carcérale sans être invasive.
Les changements prévus dans le projet de loi sont importants, et je terminerai en rappelant un point essentiel: que ce soit avec ou sans l'accord du Parlement, le régime encadrant l'isolement préventif au Canada va changer, puisqu'il a été jugé inconstitutionnel par les tribunaux. Nous devons protéger les droits des détenus tout en respectant ceux des victimes, en assurant la sécurité de la population et en faisant en sorte qu'à long terme, lorsqu'ils finissent par être relâchés, les détenus ne causent pas plus de dommages dans la société qu'ils n'en ont déjà causé.
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Monsieur le Président, je suis heureux de parler du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi. Le point clé de ce projet de loi concerne les politiques du Service correctionnel du Canada, particulièrement la pratique de l’isolement préventif.
Je dois signaler d’entrée de jeu que le projet de loi vise quatre objectifs clés. Premièrement, il propose d’éliminer l’isolement, en se fondant sur des décisions récentes des tribunaux, et il prévoit des unités d’intervention structurée plus efficaces. Deuxièmement, il aidera davantage les victimes pendant les audiences de libération conditionnelle en leur fournissant, comme mon collègue l’a mentionné, des enregistrements audio de ces audiences. Troisièmement, il accroîtra la sécurité du personnel et des détenus grâce à la nouvelle technologie des scanners corporels. Quatrièmement, il mettra à jour l’approche du Service correctionnel du Canada sur des questions cruciales comme le soutien en santé mentale et les besoins des délinquants autochtones. Le projet de loi prévoit des politiques assez exhaustives sur ces deux derniers points, soit la santé mentale et les besoins des délinquants autochtones.
On a beaucoup critiqué, à juste titre, la politique sur l’isolement préventif au sein du Service correctionnel du Canada. J’ai écouté le débat qui s’est déroulé en face, et certains ont dit que c’était un outil nécessaire. Je ne suis pas nécessairement d’accord, mais il faut certainement faire quelque chose. Au cours de la dernière législature, j’étais porte-parole en matière de sécurité publique et, à une certaine époque, j’ai été solliciteur général et responsable du Service correctionnel du Canada. J’ai donc lu beaucoup de critiques au sujet de l’isolement préventif. Nous devons comprendre que l’isolement préventif existe pour des raisons très légitimes, c’est-à-dire protéger les détenus eux-mêmes de la population carcérale générale en cas de problèmes; protéger les autres membres de la population carcérale générale contre des choses que les personnes placées en isolement préventif auraient pu faire autrement; et protéger les agents correctionnels contre tout préjudice possible en plaçant ces détenus en isolement. Je comprends ces points clés.
Je ne sais pas si beaucoup de députés ont visité ces unités d’isolement dans bon nombre de nos prisons et pénitenciers fédéraux. Je l’ai fait et j’ai constaté que ce n’est pas l’endroit idéal pour passer beaucoup de temps sans services de santé mentale. En fait, comme mon collègue de l’a mentionné plus tôt, nous devons comprendre que notre système correctionnel ne se limite pas à jeter quelqu’un dans une cellule et à jeter la clé. Notre système repose sur un principe de réadaptation, et c’est l’objectif ultime. Oui, il doit y avoir des peines, et des peines sévères, pour les crimes commis et, oui, certaines personnes restent dans le système toute leur vie après avoir commis un crime. Cependant, il ne faut pas oublier que beaucoup de gens, la grande majorité espérons le, sortiront de prison et deviendront des citoyens productifs dans la société. C’est ce que nous devons essayer de faire.
Par conséquent, ce projet de loi propose essentiellement d’essayer de mettre en place un nouveau système, appelé « unité d’intervention structurée », où les personnes qui doivent être séparées de la population carcérale générale, généralement pour des raisons de sécurité, seront affectées à une unité d’intervention sécurisée, mais pas de la même façon que par le passé.
En plus de les affecter à cette unité, ou cellule, d’intervention sécurisée, le Service correctionnel du Canada aurait pour mandat de leur offrir des programmes de réadaptation, des soins en santé mentale et d’autres interventions et services répondant à leurs besoins particuliers. Cela touche particulièrement les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, quelle qu’en soit la raison, et cela s’applique particulièrement à la population autochtone, qui a des coutumes et des habitudes différentes. J’ai beaucoup entendu parler à la Chambre des centres de guérison. Le fait est qu’ils fonctionnent, et nous ne devons pas l’oublier non plus.
En plus de répondre aux besoins particuliers d’un détenu, il ne faut pas oublier que nous voulons protéger l’individu, le reste de la population carcérale et les agents correctionnels qui travaillent dans le système. Cette approche serait différente de ce qui se fait actuellement, car nous répondrions aux besoins de soins en santé mentale des détenus et nous pourrions intervenir conjointement à d’autres services si nécessaire.
Par ailleurs, plusieurs examens s’imposent. Je me suis entretenu avec de nombreux agents correctionnels et je peux comprendre que, lorsqu’un détenu s’oppose à eux dans le système carcéral, il leur est vraiment difficile de garder leur calme et de réprimer le désir de se venger. La solution proposée est aussi censée permettre d’éviter de telles situations. Cependant, pour le détenu, il y aurait plusieurs examens à réaliser. Le directeur de l’établissement examinerait le dossier dans les cinq jours, et deux ou trois autres examens seraient aussi effectués.
Le projet de loi vise à délaisser un système qui, comme nous le savons, a été contesté devant les tribunaux. Oui, nous avons interjeté appel de la décision en question, parce que nous voulons garder ouvertes toutes les options possibles. C’est un système qui a fait l’objet de vives critiques de la part de l’enquêteur correctionnel et le projet de loi tente de créer un meilleur système. Voilà l’objet de ce texte législatif.
Pour conclure, comme notre collègue l’a dit, ce projet de loi vise vraiment à offrir de meilleurs services aux victimes. Par exemple, les enregistrements des audiences de la Commission des libérations conditionnelles leur seraient fournis afin qu’elles puissent les réécouter dans un endroit plus calme à un autre moment pour se souvenir de ce qui a été dit. Le projet de loi ajouterait un principe directeur à la loi affirmant la nécessité que le Service correctionnel du Canada tienne compte des facteurs systémiques et historiques propres aux délinquants autochtones dans l’ensemble du processus décisionnel.
Ce projet de loi ne change pas le monde. N’oublions pas que nous avons au Canada un régime de sanctions qui, dans l’ensemble, est conçu pour essayer de faire de ceux qui ont commis un crime, peu importe la raison, de meilleurs citoyens, et non de meilleurs criminels, à leur sortie de prison. Notre objectif est d’en faire de meilleurs citoyens afin qu’ils puissent contribuer à la vie de leur famille, à leur carrière et à l’économie canadienne. Cette mesure législative ne change pas le monde, mais elle représente un assez grand pas en avant en ce qui concerne le traitement des détenus, notre travail auprès d’eux dans le système carcéral et la prestation de meilleurs services aux victimes. Au bout du compte, c’est un projet de loi que les députés devraient appuyer.
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Monsieur le Président, je suis heureux de participer aujourd’hui à cet important débat sur le projet de loi , qui porte sur l’abolition de la libération conditionnelle anticipée et sur les questions relatives à la mise en liberté sous condition et au système correctionnel. Je dirai d’entrée de jeu que je m’opposerai au projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Je le fais pour un certain nombre de raisons que je vais essayer d’expliquer.
Je vais d’abord parler de la nature de ce à quoi le projet de loi tente de répondre, soit les difficultés, les dilemmes associés à l’isolement, que certains assimilent à de la torture. On peut peut-être lui donner un autre nom, mais c’est ce que c’est. Je parlerai ensuite des décisions rendues par deux de nos cours supérieures au sujet de cette pratique et de sa constitutionnalité et du fait que le gouvernement a continué d’interjeter appel de ces jugements et qu’il a pourtant présenté un projet de loi qui est une réponse très modeste aux décisions on ne peut plus claires de nos tribunaux en ce qui concerne l’isolement.
Je dirais que ce projet de loi propose une amélioration modeste de la situation. Qu'on me comprenne bien. Il y a des choses qui vont dans la bonne direction dans ce projet de loi, mais il est dommage qu'on en soit arrivé à ce résultat à la lumière des décisions réfléchies de la Cour supérieure de l’Ontario et de la décision du juge Peter Leask de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. C’est une réponse très modeste, pour utiliser un mot neutre, au langage très fort qu’ils ont utilisé.
Je vais parler d’abord de ce qu’ils ont dit. La B.C. Civil Liberties Association et d’autres intervenants ont présenté un litige constitutionnel devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Dans une décision historique qui a été rendue en janvier dernier, le juge Leask, dans son dernier jugement avant de quitter la magistrature, a rendu ce qui ne peut être qualifié que de décision marquante. Parmi les choses dont il a parlé, pour faire suite à la question que j’ai posée il y a un instant, il y a la nécessité de soumettre à un examen indépendant du recours à l'isolement, ce qui fait totalement défaut dans cette décision.
Il a décidé que l’isolement cellulaire, tel qu’il était pratiqué à ce moment-là, portait atteinte à la sécurité de la personne. Il a dit: « Il est connu que l’isolement préventif tel qu’il est édicté par [la loi] est une forme d’isolement cellulaire qui expose tous les détenus sous responsabilité fédérale au Canada à un risque important de préjudice psychologique grave, y compris de douleur et de souffrance mentales, et à une incidence accrue d’automutilation et de suicide. » Il a rédigé un jugement de 54 000 mots après avoir entendu des jours et des jours de témoignages, une décision minutieusement raisonnée, et a conclu que cela violait la sécurité de la personne garantie par notre Charte.
Il a également dit qu’il était discriminatoire envers les membres des Premières Nations, les personnes handicapées et les personnes atteintes de maladie mentale. Là aussi, ses conclusions s’appuient sur une analyse rigoureuse de la situation. Il a dit que des milliers de prisonniers ont été placés en isolement cellulaire au fil des ans, isolés jusqu’à 23 heures par jour, parfois pendant des mois, et parfois pendant des années. En fait, nous connaissons le triste sort de M. Edward Snowshoe, un prisonnier autochtone qui s’est suicidé après avoir langui en solitaire pendant 162 jours sans que le personnel lui porte vraiment d’attention.
Cela s’assimile à une forme de torture. C’est un peu comme les tristes conséquences du trouble de stress post-traumatique, dont nous avons entendu parler dans d’autres contextes en cette enceinte, qui entraîne de graves risques de suicide et d’automutilation, comme cela est arrivé bien des fois. Des milliers de prisonniers sont victimes de cet isolement depuis si longtemps, pendant tant d’heures par jour et tant de jours par année.
Il y a environ 14 000 détenus dans les établissements fédéraux, dont 679 femmes. Un homme sur quatre est en isolement. À ma grande surprise, plus de 40 % des femmes le sont elles aussi. C’est un problème répandu dans nos établissements, qui ne se limite pas à certains prisonniers et certains établissements, mais qui est endémique à l’échelle du pays.
Ceux qui croient que les prisons sont là pour punir, mais aussi pour réhabiliter, devraient écouter ce que le juge a conclu après des jours et des jours de témoignages. Il a déclaré: « Je n’hésite pas à conclure que, plutôt que de préparer les détenus à leur retour à la population générale, les placements prolongés en isolement ont l’effet contraire de les rendre plus dangereux, tant dans les murs de l’établissement que dans la collectivité. » Cela ne sert pas la collectivité et certainement pas les gens qui sont en établissement depuis si longtemps. Les préoccupations dont il a parlé comprennent l’anxiété, la réclusion, l’hypersensibilité, les hallucinations, l’agression, la rage, la paranoïa, le désespoir, l’automutilation et les idées suicidaires.
Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un grave problème. Ce n’est pas seulement le juge qui l’a dit. L’enquêteur correctionnel du Canada et le Comité des Nations unies contre la torture se sont penchés sur la question et ont conclu qu’il y avait de graves problèmes à régler. En fait, le juge Leask a dit que l’isolement devrait être limité à 15 jours, et que les Nations unies considèrent que les périodes plus longues sont de la torture, et le gouvernement a indiqué qu’il pourrait mettre en oeuvre cette norme. C’est ce qui est à l’origine du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui.
Comme je l’ai dit au début, certaines modifications proposées ici sont utiles. L’isolement préventif, ou isolement cellulaire, a été rebaptisé « unité d’intégration structurée », une expression un peu orwellienne, je suppose, mais la terminologie employée changera peut-être les choses dans une certaine mesure. Fait important, au lieu de 22 ou 23 heures d’isolement, le nouveau régime propose au plus 20 heures par jour, mais pour une durée indéfinie. Comme la Cour supérieure de l’Ontario a estimé que des effets nuisibles peuvent se manifester en aussi peu que 48 heures, je me demande si cette solution représente un changement important. Je ne crois pas.
Comme bien d’autres l’ont souligné, le juge Leask a consacré plusieurs pages de sa décision à la nécessité d’un contrôle indépendant du pouvoir discrétionnaire du directeur de la prison ou du plus haut fonctionnaire du Service correctionnel du Canada. C’est totalement absent de ce projet de loi. La sénatrice Pate a diffusé un communiqué de presse dans lequel elle parle de ce projet de loi, disant qu’il se contente « de renommer la même pratique nuisible », appelée désormais « unité d’intervention structurée ». Elle a dit que ce projet de loi « élimine aussi pratiquement les restrictions existantes, déjà insuffisantes, s’appliquant à son utilisation », qu’il maintient « le statu quo en ce qui concerne l’absence d’examen externe efficace de décisions en matière correctionnelle », qu’il ne propose rien pour prendre en compte la conclusion à laquelle la juge Louise Arbour est arrivée lorsqu’elle a étudié la prison pour femmes à Kingston. Mme Pate reconnaît, comme les tribunaux l’ont fait, que les modalités d’utilisation de l’isolement préventif ou de l’isolement cellulaire touchent « les prisonniers autochtones et racialisés et ceux qui ont des problèmes de santé mentale » de façon disproportionnée.
Des améliorations devraient être apportées au projet de loi en ce qui concerne l’exercice d’un contrôle, au moyen d’appels, sur le pouvoir discrétionnaire dont jouissent les fonctionnaires. La participation d’un avocat aux audiences disciplinaires est un pas en avant, mais il y a tant de choses à faire pour éliminer les pratiques horribles que nos tribunaux ont sévèrement critiquées dans des décisions mûrement réfléchies. Ce projet de loi ne va pas assez loin pour donner suite à leurs conclusions troublantes.
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Monsieur le Président, je ne parle pas ici des normes du NPD, mais de celles de la Constitution.
Deux tribunaux exhortent le gouvernement à aller plus loin que ce qu’il propose dans ce projet de loi. Je reconnais qu’il ne l’a pas fait explicitement, mais le gouvernement n’aborde ici aucun des éléments clés mentionnés par les tribunaux.
Mon collègue de a souligné que le gouvernement a décidé de ne pas nommer un tiers pour examiner le pouvoir discrétionnaire de l’administrateur. Nous avons là pourtant un élément clé, l’aspect constitutionnel, ou les répercussions disproportionnées qu’il a sur les Autochtones, sur les Noirs et sur les personnes qui ont une déficience mentale. Quelle correction ce projet de loi apporte-t-il à ce problème?
Oui, ces détenus passeraient moins de temps en isolement. Oui, le gouvernement applique un nouveau nom à cette pratique. Oui, il a apporté quelques changements, comme mon collègue vient de nous le rappeler.
Il ne s’agit pas d’une compétition qui oppose le NPD au Parti conservateur et au Parti libéral. Il s’agit de la Constitution du Canada.
Je demande à toutes les personnes de lire ce projet de loi dans un esprit d’équité, de lire les deux décisions dont nous parlons, puis de nous dire si elles trouvent que le gouvernement va assez loin.
Pourquoi le gouvernement poursuit-il sa procédure d’appel face à cela?
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Monsieur le Président, je suis ravie de prendre la parole aujourd’hui sur le projet de loi et sur les répercussions que nos établissements correctionnels et notre système de justice ont sur les gens. Je m’intéresse particulièrement aux Autochtones et à la façon dont ils sont traités par le système de justice et dans nos établissements correctionnels.
Nous sommes saisis d'un projet de loi qui tiendra ses promesses; il nous permettra de faire ce qui est nécessaire, c’est-à-dire éliminer le recours à l'isolement préventif. C’était le principal objectif et le projet de loi le réalisera. Il fera en sorte que les coupables seront tenus responsables d’avoir enfreint la loi. Tous les Canadiens souhaitent avoir un système de justice et un système correctionnel qui tiennent les délinquants responsables de leurs actes, qui leur infligent la peine appropriée et qui, nous l’espérons, leur offrent des services de réadaptation pour favoriser leur participation satisfaisante et active à notre société.
Au bout du compte, nous voulons avoir moins de récidivistes, moins de victimes et des collectivités plus sûres. C’est pour cette raison que le gouvernement renforce le système correctionnel fédéral, en l’adaptant aux plus récentes données et aux pratiques exemplaires, afin qu’il favorise la réadaptation des détenus et les prépare mieux à réintégrer notre société en toute sécurité.
Ce projet de loi mettra fin à la pratique de l'isolement, donnant ainsi suite aux récentes décisions des tribunaux, et proposera un système plus efficace qui s’appellera système d’unités d’intervention structurée. Il offrira également un meilleur soutien aux victimes durant les audiences de la Commission des libérations conditionnelles. Il prévoit un personnel plus nombreux et l'utilisation de nouveaux détecteurs à balayage corporel. Il actualisera notre approche sur certaines questions cruciales comme les mesures de soutien en santé mentale et portera une plus grande attention aux besoins des délinquants autochtones.
Il n’y a pas de cas plus convaincant que celui d’Ashley Smith pour nous amener à réfléchir, cette jeune fille qui a lancé des pommes à un facteur. Elle s’est retrouvée dans un établissement pour jeunes et elle a ensuite aggravé son cas en commettant divers actes d’agression et d’hostilité parce qu’elle estimait ne pas être traitée équitablement. Les jeunes vivant une situation de désespoir font tout ce qu’ils peuvent pour se faire entendre. Ashley s’est finalement pendue dans un établissement correctionnel administré par le gouvernement du Canada.
Il est difficile de comprendre comment une jeune femme peut en arriver à un tel désespoir dans un établissement censé offrir des services de réadaptation. L’histoire d’Ashley Smith devrait tous nous faire réfléchir. Nous devons réfléchir à l’histoire de cette jeune fille de 14 ans envoyée dans un établissement pour jeunes durant un mois, en 2003, pour avoir lancé des pommes à un facteur.
Je m’excuse, mais cela me semble difficilement être une bonne raison de se retrouver en isolement, que ce soit dans un établissement pour jeunes ou non. J’ai trois enfants. Je ne crois pas qu’aucun d’entre eux n'ait jamais lancé des pommettes à un facteur, mais je suis sûr qu’ils ont peut-être fait des choses pires. Le fait est que cette jeune fille a été jetée en prison, dans un établissement pour jeunes, et que sa situation s’est aggravée. Au lieu de sortir de prison et de réintégrer la société, elle a peut-être commis une autre petite infraction, ce qui a prolongé son séjour au point où elle a perdu tout espoir et où elle a préféré se suicider plutôt que de continuer à vivre en isolement cellulaire. Ce cas est tragique et le projet de loi en tient compte.
Nous savons qu’il est possible de faire plus et qu’il faut faire davantage. Nous savons, d’après les statistiques, que bon nombre des détenus dans les établissements correctionnels sont d’origine autochtone. Les Autochtones y sont beaucoup plus nombreux que les autres groupes. Nous devons nous attaquer aux causes profondes, ce qui est beaucoup plus compliqué et plus long. Toutefois, je suis fière de dire que le gouvernement prend enfin des mesures. Nous avons un qui s’est engagé envers les peuples autochtones du pays, et envers nous tous, à finalement régler ce problème. Il y a du progrès.
Lorsque l’on consulte le projet de loi, on constate que des changements sont nécessaires. Le gouvernement a pris des mesures, et il ne fait aucun doute que certains de nos concitoyens craignent que des détenus représentent un danger pour les gardiens, pour d’autres détenus et pour eux-mêmes, et croient que l’isolement cellulaire joue un rôle important dans nos établissements correctionnels. Cependant, ils doivent comprendre que ce n’est pas la meilleure façon d’aider les gens. En fait, les gens en isolement cellulaire ne reçoivent pas le soutien dont ils ont besoin pour prendre des forces et améliorer leur santé, c’est-à-dire des services de santé mentale, des services en matière de santé et des services dont ils ont besoin pour pouvoir fonctionner dans des situations très stressantes.
Par conséquent, je suis très heureuse de voir que nous éliminons l’isolement cellulaire et que nous cherchons de nouvelles solutions pour garder ces délinquants à l'écart de la population carcérale générale, tout en leur permettant de continuer d’avoir accès à des programmes de réadaptation, à des soins en santé mentale et à d’autres interventions. En fin de compte, la réadaptation efficace et la réinsertion sociale « sans risque » demeurent les meilleures façons de protéger les collectivités canadiennes.
C’est une question que nous examinons au niveau fédéral, mais qui a également été abordée à l’échelon provincial. Je note qu’en mai, l’Ontario a adopté le projet de loi 6, la Loi sur la transformation des services correctionnels. Le 7 mai, la province a imposé un plafond ferme pour le nombre de jours passés en isolement.
Le nombre de détenus en isolement est en baisse, et nous en sommes heureux. En 2011, 700 détenus étaient en isolement, et il y en a maintenant 340. Je suis ravie de dire que le gouvernement dont je fais partie a trouvé une façon d'éliminer le recours à l'isolement.
L'enquêteur correctionnel a examiné la situation et reconnu que la diminution du recours aux mesures d'isolement constitue une amélioration, mais il a aussi soulevé des inquiétudes relativement au fait que cette diminution est peut-être liée à l'augmentation de la violence entre les détenus. Comme nous le savons, il reste encore beaucoup à faire, et nous devons continuer à nous adapter à la société afin d'apporter les modifications appropriées.
Les unités d’intervention structurée remplaceront l'isolement dans une cellule. On séparera les gens du reste de la population carcérale régulière, habituellement pour des raisons de sécurité, afin de les diriger vers une unité d’intervention structurée. Ainsi, les détenus seront séparés au besoin, mais on continuera à leur offrir des programmes de réadaptation, des soins de santé mentale et d'autres interventions et services qui répondent à leurs besoins particuliers.
Ce projet de loi prévoit plusieurs autres mesures, y compris du soutien aux victimes. Le projet de loi autorisera les enregistrements sonores des audiences de libération conditionnelle. À l'heure actuelle, ils sont seulement offerts aux victimes qui n'assistent pas aux audiences. Les enregistrements seront désormais accessibles à toutes les victimes, même si elles assistent aux audiences, et ils constitueront un registre important pour les victimes, qu'elles pourront examiner plus tard.
De plus, le projet de loi inscrit dans la loi les principes directeurs affirmant la nécessité que le Service correctionnel du Canada tienne compte des facteurs systémiques et historiques uniques aux délinquants autochtones. Il s'agit d'une mesure importante et positive pour tous les Canadiens, et en particulier pour les Autochtones.
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Monsieur le Président, la dernière question ou observation me donne l'occasion d'aborder un sujet dont j'allais parler de toute manière. Nous venons d'être témoins de deux députés libéraux se vanter de couper court au débat à la Chambre. Ils prétendent que nous avons déjà assez discuté de ce projet de loi et que le débat s'éternise.
Cela ne fait même pas une semaine que ce projet de loi a été imprimé, et la Chambre étudie son contenu depuis moins de trois jours. Au bout de deux jours, les libéraux en ont eu assez. Ils en avaient déjà suffisamment entendu de la part des autres députés et des citoyens que ceux-ci représentent. Ils en avaient leur claque et souhaitaient que les députés renvoient ce projet de loi au comité dans les plus brefs délais. Cette réaction émane d'un parti qui s'indignait bruyamment chaque fois que le gouvernement précédent attribuait une durée précise à un débat et qui a dit qu'il ne ferait jamais la même chose s'il devait accéder au pouvoir.
L'hypocrisie du député d' est aujourd'hui révélée au grand jour. Il a dit pendant la campagne électorale que son parti n'aurait pas recours à ce mécanisme, mais aujourd'hui, il s'en fait le champion. Il me chahute durant mon discours alors que j'essaie de faire valoir les préoccupations des habitants de ma circonscription. Il n'aura fallu aux libéraux que deux jours avant de tenter de couper court au débat. Cela ne fait même pas une semaine complète que ce projet de loi est prêt à être étudié, et il fait déjà l'objet d'une motion d'attribution de temps.
Peut-on se surprendre que les libéraux ne veulent pas consulter les députés à ce sujet? Après tout, ils n'ont pas consulté les représentants du Syndicat des agents correctionnels du Canada, alors que les agents correctionnels vont être directement touchés par ce projet de loi. Ils n'ont pas consulté les gardiens.
Une voix: Ce n'est pas vrai.
M. Mark Strahl: Monsieur le Président, je continue de me faire chahuter par les députés d'en face. Décidément, les libéraux ne veulent pas de débat et souhaitent y mettre un terme après seulement trois jours.
Les membres du Syndicat des agents correctionnels du Canada ont indiqué très clairement que ce ne sont pas les politiciens libéraux à Ottawa qui doivent intervenir pour mettre fin à une bagarre. Les détenus qui sont incarcérés dans ce que les libéraux appellent désormais une « unité d'intervention structurée » sont inévitablement impliqués dans des conflits. Ce sont des gens qui sont incapables de se maîtriser dans la population carcérale générale. Il s'agit généralement des pires criminels. Dans le cadre du débat, j'ai parlé de gens comme Willie Picton. Clifford Olson a également passé sa vie en isolement, où il méritait d'être. Willie Picton devrait aussi être placé en isolement. Cependant, au lieu d'envisager cette possibilité, les libéraux disent que nous devrions plutôt parler de la réinsertion de ces criminels dans la société.
Certaines personnes peuvent être réinsérées, et nous appuyons leur réinsertion. D'autres ont besoin de demeurer en isolement pour le reste de leur vie. La mesure législative proposée ne nous permettra pas de prendre une telle mesure. Les libéraux rejettent la responsabilité du projet de loi sur les tribunaux, bien qu'ils appellent de la décision. Ils n'ont même pas indiqué que la décision de la cour sera maintenue. Ils essaient de la faire annuler aux instances supérieures. Pourtant, ils nous imposent un projet de loi qui préoccupe grandement le Syndicat des agents correctionnels du Canada. Ce sont les membres du syndicat qui seront mis en danger. Ce sont eux qui doivent gérer les délinquants les plus actifs, c'est-à-dire les délinquants qui commettent d'autres crimes en prison et qui sont souvent placés en isolement pour leur propre protection.
Le député de a exposé très clairement les nombreux services de soutien offerts aux détenus en isolement. Ils ont reçu la visite de professionnels de la santé mentale, du directeur de l'établissement, de gardiens et de professionnels de la santé. L'idée qu'ils sont enfermés dans une cellule sombre et privés de contacts humains ne reflète pas du tout la réalité.
Le projet de loi prévoit maintenant des contacts humains réels. J'aimerais savoir en quoi cela consiste pour Robert Picton? Qu'est-ce que cela signifie pour Terri-Lynne McClintic? Qu'est-ce qu'un contact humain réel, étant donné que cette détenue reçoit déjà des services de santé mentale? Elle reçoit déjà des appels téléphoniques de sa famille et elle a le droit d'avoir des visiteurs. Dorénavant, ce seront des contacts humains réels prévus par la loi. C'est très curieux.
Les libéraux n'ont pas consulté le Syndicat des agents correctionnels du Canada ni les victimes d'actes criminels, ce qui est tout à fait normal pour eux. Ils n'avaient pas consulté le syndicat lorsqu'ils ont présenté l'idée ridicule de mettre en place un programme d'échange de seringues dans les prisons. Les détenus des établissements à sécurité maximale, qui passent souvent la majeure partie de leur temps à essayer de façonner des armes pour les utiliser, au besoin, contre d'autres détenus ou contre les gardiens, recevraient des seringues, dans leur cellule. Ce serait leur droit en tant que détenus. Les libéraux veulent imposer cela aux établissements et aux gardiens de prison. De plus, ils fourniraient aussi des cuillères aux détenus pour qu'ils réchauffent leur drogue avant de se l'injecter dans les veines. Ces cuillères feraient sans doute partie d'une trousse qui doit rester dans la cellule, mais elles pourraient être utilisées comme armes.
Toutes ces choses sont évidentes pour quiconque a déjà vu un établissement, visité une prison ou parlé à un gardien de prison. On sait que c'est une proposition ridicule, mais cela importe peu aux yeux des libéraux. Ils ne consultent pas les travailleurs de première ligne. Ils proposent plutôt des idées utopiques dans leurs tours d'ivoire à Ottawa, et ils disent aux travailleurs sur le terrain — ceux qui ont affaire avec les requins dans les prisons — que c'est maintenant à eux de composer avec tout cela.
On fait fi du fait qu'un gardien de prison a notamment comme responsabilité de s'assurer qu'il n'y a pas de drogues illicites en prison. Lorsqu'on soupçonnera la présence de drogue dans une cellule, les gardiens fouilleront la cellule, mais ils devront mettre de côté la trousse d'injection sécuritaire imposée par le gouvernement pour tenter de trouver la drogue en question, qui sera ensuite confisquée. C'est une proposition ridicule que le gouvernement défend. Le gouvernement ne consulte pas les gens qui seront véritablement touchés par ces décisions.
Encore une fois, le projet de loi nous préoccupe à bien des égards.
Le député de a dit que nous ne devrions pas légiférer en fonction des cas exceptionnels. À quoi bon légiférer si on ne couvre pas les cas exceptionnels? À quoi bon adopter de telles mesures si nous n'autorisons pas les gardiens et la direction d'une prison à recourir à l'isolement disciplinaire lorsqu'un détenu pose un danger pour les gardiens, ses codétenus ou lui-même? On ne fait qu'exposer les gens à des risques supplémentaires.
Nous sommes favorables à certaines mesures du projet de loi. Nous sommes d'accord pour que l'on améliore l’accès des victimes aux enregistrements sonores. Nous sommes favorables à la mise en place de détecteurs à balayage corporel, et nous croyons que cette mesure devrait être étendue de manière à faciliter la lutte contre l'introduction de substances interdites dans les prisons. Dans son discours sur le projet de loi, le ministre a dit: « Empêcher l'introduction de produits de contrebande contribuera à rendre les établissements correctionnels plus sûrs. » Il y aura donc des détecteurs à balayage corporel pour garder les mauvaises drogues à l'extérieur des prisons, mais on fournira des aiguilles et des cuillères aux prisonniers pour qu'ils puissent s'injecter des drogues aux effets dévastateurs le plus tôt possible et dans les conditions les plus sécuritaires. Pourquoi ne pas simplement garder la drogue en dehors des prisons? Pourquoi ne pas redoubler d'efforts à cet égard?
Je suis content que le chahut continue de la part des libéraux qui aiment débattre dans cette enceinte.
Le gouvernement pense encore qu'il sait mieux que quiconque ce qu'il faut faire. Il ne suivra pas les conseils des gens qui travaillent dans ces prisons.
Ma circonscription compte l'un des plus grands nombres d'agents correctionnels et de gardiens de prison. Ils travaillent dans les nombreux établissements des environs. Dans la région du Pacifique, on trouve l'Établissement du Pacifique, l'Établissement de Kent, l'Établissement de Matsqui, l'Établissement Mountain, l'Établissement de Mission, le Village de guérison Kwìkwèxwelhp et l'Établissement de la vallée du Fraser pour femmes. Le personnel de ces établissements vient tout le temps à mon bureau pour se plaindre de l'approche inefficace préconisée par le gouvernement. Toutefois, le gouvernement actuel pense être le meilleur juge en la matière. Il fait donc fi de leurs inquiétudes et ne répond pas aux préoccupations réelles des Canadiens.
Lorsque nous avons vu que le gouvernement avait fait inscrire au Feuilleton des avis un projet de loi portant sur le système correctionnel, nous espérions qu'il allait proposer des mesures pour empêcher des absurdités, par exemple que des individus comme la meurtrière de Tori Stafford puissent être transférés dans des établissements à sécurité minimale. Nous espérions que le projet de loi allait donner au système les outils nécessaires — qu'il possède déjà, à notre avis — pour préciser que des personnes comme Terri-Lynne McClintic ne doivent pas être placées dans un établissement à sécurité minimale. Au lieu de cela, le gouvernement s'est servi du projet de loi pour apporter une modification permettant au ministre d'autoriser les agents correctionnels à désigner une cellule individuelle dans un établissement à sécurité minimale pour en faire une cellule à sécurité maximale. Les prisonniers seraient détenus dans des établissements sans clôture, sans verrou et sans mesures d'isolement, mais la cellule 102 serait désignée comme une cellule à sécurité maximale dans un établissement à sécurité minimale.
Le gouvernement n'a consulté ni les victimes ni les agents correctionnels. Pour cette raison, nous devrions rejeter la mesure législative.
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Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion d'intervenir dans le débat. Je vais l'aborder dans une autre perspective, en revenant à l'époque de mon premier mandat à la Chambre, en octobre 2004. Le règne du gouvernement minoritaire en place arrivait alors à sa fin.
Nous n'avions pas beaucoup de projets de loi concernant la criminalité et ce qui l'entoure. Souvenons-nous que les conservateurs ont été élus en 2006 en promettant de réprimer la criminalité et de sévir contre les criminels. Il serait généreux de dire que leur bilan a été mitigé à cet égard. Mon observation ne se veut ni sévère ni partisane. Elle reflète simplement ma déception quant au fait que nous n'avons jamais tenu de conversation sérieuse sur la criminalité, et encore moins sur la réadaptation. La criminalité était devenue un thème dont on se servait pour gagner de la popularité et des votes. Je ne vise pas les conservateurs en disant cela, mais il reste que le débat a glissé dans cette direction. « Les criminels doivent payer » était le mot d'ordre, je crois.
Le problème, c'est qu'on a vu ce qui s'est passé dans les pays, les États-Unis notamment, qui appliquent cette devise dans toute sa rigueur, à un point tel qu'on en a perdu tout discernement et qu'elle est devenue « Enfermez-les et jetez la clef ». Je ne parle de rien en particulier.
Je dois dire que ce slogan a été souvent répété. Malheureusement, plusieurs des Américains qui l'employaient au départ pour faire connaître une excellente politique publique et la faire progresser le répètent maintenant moins souvent. Je suis certain que ces démarches ont donné des résultats, en fin de compte. Dans bien des cas, les gens qui se trouvaient en prison méritaient d'y être et d'y rester. Le slogan était tout à fait indiqué dans ces cas-là.
J'ai toutefois constaté, au fil des ans, que beaucoup de détenus ne devraient pas être incarcérés aussi longtemps et qu'on ne leur donne pas les outils dont ils ont besoin pour se réintégrer dans la société. Je suis conscient que certaines des personnes qui font partie de la société ne devraient pas y être. Nous le comprenons tous, je crois. Il y a toutefois, dans le système géré par le Service correctionnel, des gens qui retourneront dans la société. Que seront-ils devenus, entre leur arrivée à la prison et leur retour dans la société? En tant que décideurs, nous devons soutenir les personnes qui contribuent à la réadaptation des criminels.
Je comprends que l'opinion à l'égard du projet de loi est divisée. Certains approuvent notre approche, alors que d'autres estiment qu'il faut discuter plus longuement de la réadaptation des personnes incarcérées qui réintègrent la société. Cela se fait en plusieurs étapes. Il existe de nombreux exemples dans le monde que nous pouvons suivre pour y arriver.
Par ailleurs, il y a le système judiciaire, qui a relevé dans le système des problèmes, comme l'isolement, auxquels nous devons remédier. Examinons un instant le concept de l'isolement, soit le fait de séparer une personne des autres pour la sécurité de toutes les parties concernées. Dans une large mesure, cela doit se faire à l'intérieur du système.
Je n'ai jamais travaillé dans le système carcéral. Je ne suis jamais allé en prison. N'empêche que j'en connais assez à propos de la situation. Au cours des 14 dernières années, j'en ai certainement entendu assez de la part de ceux qui estiment que la réadaptation au sein du service carcéral est, à bien des égards, déficiente et, dans bien des cas, cela vaut tant au fédéral qu'au provincial. À mon avis, le projet de loi est un bon pas pour faire en sorte que les détenus qui réintègrent la société ne soient plus les mêmes personnes qu'à leur arrivée en prison. C'est à nous qu'il incombe de tenir ce vaste débat.
Nous souhaitons accomplir différentes choses au moyen de ce projet de loi, et je vais les souligner.
Le projet de loi propose d'éliminer l'isolement pour donner suite à des décisions récentes de tribunaux, comme je l'ai fait remarquer. Il crée des unités d'intervention structurée, qui seront plus efficaces. Il renforce le soutien des victimes pendant les audiences de libération conditionnelle et augmente la sécurité du personnel et des détenus à l'aide de la technologie des détecteurs à balayage corporel. Le projet de loi modernise notre approche à l'égard des enjeux critiques comme les services de soutien en santé mentale et la réponse aux besoins des délinquants autochtones, ainsi qu'à ceux de la population générale.
Ce dont le Service correctionnel du Canada a vraiment besoin, c'est du pouvoir de séparer certains délinquants de la population générale afin d'assurer la sûreté des établissements.
Pendant qu'une personne est en isolement préventif, il est toujours possible d'entrer en contact avec elle pour qu'un changement important s'opère. C'est pourquoi un minimum est prévu. Oui, une personne peut être isolée de la population générale pour assurer la sûreté de l'établissement, mais il doit y avoir une structure en place afin que l'on puisse régler le problème de façon responsable et mature. C'est exactement ce à quoi serviront les unités d'intervention structurée proposées dans le projet de loi. Accorder quatre heures de contacts humains pourrait atténuer le problème.
Une personne placée en isolement préventif peut être là uniquement par sa faute. Je ne veux pas blâmer qui que ce soit d'autre. Toutefois, nous devons nous pencher sur les raisons qui motivent l'isolement de cette personne. Pourquoi adopte-t-elle un comportement pareil? Nous voulons éviter que cela ne se reproduise. Pour ce faire, comme les tribunaux l'ont indiqué, les détenus doivent entrer en relation avec d'autres êtres humains, ce qui aurait pour effet d'améliorer la situation dans l'établissement et de faire régner un meilleur climat au sein de la population carcérale en général.
Depuis de nombreuses années, le Service correctionnel du Canada se fait pointer du doigt en raison de son recours à des mesures d'isolement, notamment l'isolement préventif. Le cas d'Ashley Smith est un bon exemple. Ashley est morte en détention en 2007. Son cas a jeté la lumière sur les problèmes que cause l'isolement et sur les troubles de santé mentale qu'il entraîne dans le système correctionnel canadien.
En 2013, le rapport d'enquête du coroner sur la mort d'Ashley Smith contenait des recommandations, suggérant entre autres de limiter la période d'isolement imposée aux détenus. Cette histoire à elle seule nous a fait réaliser, en 2007, qu'il y avait un problème et que nous devions pousser cette question encore plus loin.
Nous devons cependant garantir la sécurité au sein de ces établissements en retirant certains détenus de la population générale. Que se passe-t-il alors? Quelle est la meilleure solution?
La bonne solution, c'est écouter les spécialistes qui doivent s'occuper de ces gens tous les jours. Je sais que leur opinion est partagée sur cette mesure que nous voulons prendre, mais c'est à nous qu'il revient de tenir ce débat et de renvoyer le projet de loi au comité pour que les députés de l'opposition qui ont des doutes puissent proposer des amendements.
Nous ne devons pas oublier — c'est un élément essentiel — que beaucoup de ces gens vont réintégrer la société un jour. Nous voulons garantir que la personne qui réintègre la société n'est pas la même que celle qui est allée en prison.
Nous connaissons ces gens par le regard que portent sur eux leur famille, leurs amis, des personnes qui se sont retrouvées en prison et ont vécu des moments difficiles. Nous en entendons tout le temps parler. Ashley Smith, en 2007, en est un excellent exemple.
En 2011, le nombre de détenus en isolement à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit était de plus de 700. Aujourd'hui, il tourne autour de 340. Pourquoi? Nous devons essayer de comprendre pourquoi.
Nous sommes à la recherche de réponses, et je comprends bien que ces unités d'intervention structurée ne constituent pas la solution idéale pour tous ceux qui font partie du système, dont les gardiens.
J'appuie le projet de loi parce que je crois que, pour protéger la société en général, il faut que les détenus aient des contacts humains. Tout le monde n'est pas d'accord, bien entendu. Nous devons débattre de la question dans cette enceinte et renvoyer le projet de loi au comité afin d'étudier les amendements qui pourraient être proposés.
Je remercie tous ceux qui participent à ce débat. Je remercie aussi les cours supérieures de la Colombie-Britannique et de l'Ontario de nous guider.
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Monsieur le Président, au sujet du projet de loi , je vais me concentrer principalement sur l'isolement préventif, car c'est l'une des mesures phares qui auraient mérité d'être beaucoup améliorées. Malheureusement, on ne voit pas cette amélioration.
Il y a eu deux jugements relatifs à l'utilisation de l'isolement préventif qui ont, en résumé, profondément remis en question l'utilisation de cette technique en raison des effets psychologiques et psychiatriques qu'elle peut avoir sur les gens. Par exemple, plusieurs études ont démontré que l'isolement préventif pouvait déclencher ou aggraver certains symptômes psychiatriques, comme les hallucinations, les crises de panique, la paranoïa, la dépression, l'impulsivité, l'hypersensibilité aux stimuli externes, l'automutilation, l'insomnie, ainsi que les problèmes de pensée, de concentration et de mémoire. L'utilisation de l'isolement préventif augmente aussi le risque de pensées suicidaires et le risque de suicide comme tel.
En considérant tout cela, on aurait dû voir de la part du gouvernement une profonde remise en question des circonstances justifiant le recours à l'isolement préventif, ainsi que des balises qui encadrent la durée et la supervision de cette pratique, entre autres. On n'a malheureusement aucune option.
Un autre endroit où on utilise l'isolement préventif, c'est dans le système de santé. Cela fait partie de l'ensemble des mesures de contention qui sont utilisées à l'égard des patients. Il est sûr et certain qu'on ne parle pas de la même clientèle, mais il y a quand même beaucoup de liens à faire. Auparavant, dans le système de santé, on utilisait beaucoup les mesures de contention par habitude. Par exemple, on mettait une ceinture abdominale à des personnes âgées atteintes de démence et on relevait les quatre côtés du lit pour qu'elles ne tombent pas. C'est ainsi qu'on faisait les choses.
Au Québec, il y a eu une profonde remise en question au sein du système de santé quant aux circonstances justifiant l'utilisation des mesures de contention. On se demandait sur quoi les établissements de santé devaient se baser pour déterminer si leur protocole d'utilisation des mesures de contention était efficace ou non.
Plusieurs documents ont vu le jour à ce sujet, et je vais me référer à un document du gouvernement du Québec, le Cadre de référence pour l'élaboration des protocoles d'application des mesures de contrôle, qui porte sur la contention, l'isolement et les substances chimiques. Le chapitre 4 est extrêmement intéressant, alors j'espère qu'on s'y intéressera, surtout en comité. On y parle des principes éthiques et cliniques sur lesquels les établissements de santé devraient se baser pour établir leur protocole d'application des mesures de contention. Voici le premier principe:
Les mesures de contrôle sont uniquement utilisées comme mesures de sécurité dans un contexte de risque imminent
Le protocole devrait mentionner que l'utilisation d'une mesure de contrôle doit s'inscrire dans un cadre thérapeutique et qu'elle ne doit en aucun cas être utilisée pour punir, intimider, corriger une personne ou modifier un comportement, ou pour répondre à des contraintes organisationnelles. Si une mesure de contrôle est utilisée, elle doit l'être dans le seul objectif d'empêcher la personne de s'infliger de façon imminente des blessures ou d'en infliger à autrui.
Il y a plusieurs éléments intéressants dans ces principes éthiques, surtout lorsqu'on dit qu'une mesure de contention — l'isolement en est une — ne doit pas être utilisée pour répondre à des contraintes organisationnelles. Autrement dit, si on peut éviter d'utiliser l'isolement en doublant le personnel, du point de vue éthique, c'est ce qu'on devrait faire, plutôt que de mettre les gens en isolement parce que c'est plus simple et qu'on manque de moyens.
C'est aussi un principe très important du point de vue légal. On ne doit pas substituer l'isolement préventif à une augmentation du personnel à cause d'un manque de moyens. Si on peut éviter d'utiliser l'isolement en augmentant le personnel, qu'il s'agisse des gardiens de sécurité ou d'autres professionnels, on devrait privilégier l'augmentation du personnel.
Un autre des principes éthiques veut que les mesures de contrôle ne soient envisagées qu'en dernier recours. Cela semble logique.
Je continuerai après la période des questions.