propose que le projet de loi, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
-- Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi qui, je l'espère, sera appuyé par tous les partis représentés à la Chambre.
À la Chambre, nous sommes tous les représentants élus de la population. Nous sommes censés porter sa voix et faire des choix qui correspondent à ses préoccupations et à ses valeurs. Nous sommes en quelque sorte les incarnations de la volonté du peuple. C'est à la fois un privilège et un devoir que nous devons avoir constamment à l'esprit.
Cependant, la population perd confiance en nous au fil du temps. On l'entend dans nos soupers de famille, dans les conversations au bureau, dans les médias et dans la file au dépanneur. Mépriser la classe politique est devenu un sujet aussi banal que la météo ou les gloires et les déboires des Canadiens de Montréal.
La population perd confiance en nous. Plus souvent qu'autrement, on reproche aux politiciens d'être corruptibles. On ne serait pas ici pour les bonnes raisons. On aurait des intérêts particuliers et des programmes cachés.
Malheureusement, les citoyens ont l'impression que nous sommes à vendre comme classe politique et que nos décisions sont achetables. Les commentateurs appellent souvent cela le cynisme de la population. On entend souvent cette expression. Toutefois, la population, elle, n'est pas cynique, elle a un sens moral. Elle distingue ce qui est bien de ce qui est mal. C'est plutôt nous qui sommes soupçonnés d'être cyniques et de n'être guidés que par nos propres intérêts. Tout est une question de perception du public et de confiance de la part des concitoyens.
Nous avons tous ensemble le devoir de réparer le lien de confiance avec la population, sans lequel la légitimité même de la Chambre est remise en question. Nous avons la responsabilité d'être droits, de nous éloigner de toute apparence de conflit d'intérêts, de copinage et de quelque situation que ce soit qui pourrait avoir l'air d'un retour d'ascenseur.
Je ne réinvente pas la roue. Ce sont des propos que nous entendons tous un chacun dans nos circonscriptions respectives. Nous avons la responsabilité d'être irréprochables et plus blanc que blanc. Pour y arriver, nous devons commencer par poser un geste significatif et revoir le mode de financement des partis politiques actuellement en place.
Le financement des partis politiques est un geste profondément démocratique. Un citoyen peut contribuer à un parti politique parce qu'il adhère à ses idées, voire à ses idéaux. Cela n'est pas seulement un encouragement, c'est un geste politique qui relève de l'engagement.
Quand on s'attaque aux fondements du financement politique en en détournant les objectifs, quand on utilise le financement politique à des fins intéressées, parce que cela rapporte quelque chose directement dans les poches, c'est aux fondements même de la démocratie et à la charge qui nous incombe qu'on s'attaque.
Sur le plan du financement des partis politiques, plus un parti tripote les règles, moins il est populaire, moins il est accessible et plus il est suspect. Comment convaincre la population que chaque voix a la même valeur et le même poids en démocratie quand les partis politiques se financent à coup de soirées privées à 1 500 $ le billet d'entrée? Comment convaincre la population que les décisions sont prises uniquement dans l'intérêt public?
Les citoyens, la classe moyenne, n'ont pas accès à ces soupers intimes avec le premier ministre, par exemple, à 1 500 $ la table d'hôte. Même les gens intéressés par la politique voient cela d'un mauvais oeil. Quant à nos militantes et à nos militants respectifs, ceux qui croient assez en nous pour donner de leur temps, et pour offrir 100, 200, 300 ou 400 $ qu'ils peuvent dégager de leur budget annuel, comment pense-t-on que ces gens perçoivent les élus quand ils les voient au bras des élites à jouer la grande comédie dans l'espoir d'engranger les gros chèques?
J'ai un bon exemple à donner. Le 19 mai 2016, le premier ministre a rencontré, dans un souper privé à 1 500 $ le billet, Shenglin Xian, un homme d'affaires qui souhaitait obtenir du gouvernement la permission de créer une banque spécifiquement destinée à servir l'importante communauté chinoise de Vancouver, la Wealth One. Le 7 juillet 2016, le gouvernement a donné le feu vert au lancement de la banque. Or dans les 48 heures précédant l'annonce officielle, le premier ministre a reçu 70 000 $ en contributions. Ces 70 000 $ provenaient tous de chèques du montant maximal prévu par la loi, soit 1 500 $.
Le premier ministre a reçu 70 000 $ pour sa circonscription de Papineau à Montréal, en chèques provenant pratiquement tous de riches Canadiens d'origine chinoise de la région de Vancouver.
C'est assez extraordinaire comme coïncidence. Cela entretient le cynisme. Toutes les apparences portent à croire que le premier ministre a bénéficié d'un retour d'ascenseur pour la création de la banque Wealth One.
On peut se questionner à savoir si c'est quelque chose de moral et si une telle proximité entre les lobbyistes et le premier dirigeant du Canada est souhaitable. On peut même se demander si le financement des partis politiques peut contribuer à mettre un certain projet sur la voie rapide, et si les décisions gouvernementales peuvent être influencées. Il y a une chose sur laquelle on ne peut pas se questionner, et c'est la légalité de cette pratique. Oui, la pratique que je viens de décrire est tout à fait légale, à 100 %, dans le régime actuel.
C'est comme cela que les grands partis se financent de nos jours, depuis qu'on a éliminé le financement public des partis politiques. C'est pratique pour les deux grands partis canadiens d'éliminer le financement public. Ils ont des entrées dans les grands cabinets, de bons carnets de contacts dans les grandes banques et de bons contacts dans toutes les officines du pouvoir où se brassent les grosses affaires. Ils n'ont pas besoin de dons des gens ordinaires qui veulent contribuer à la hauteur de leurs moyens, parce qu'ils veulent protéger l'environnement, qu'ils veulent plus de justice sociale ou qu'ils veulent un pays pour leur propre nation.
La compétition féroce entre les grands donateurs convient aux grands partis. Cela donne l'impression au public que le pouvoir est à vendre. Il faut se rappeler que c'est Jean Chrétien, ancien premier ministre libéral, qui avait instauré le financement public des partis politiques. Il avait bien compris, dans la foulée du scandale des commandites, que c'est important en politique de maintenir une image de probité irréprochable, car les citoyens trouvent cela important et crucial. Le gouvernement libéral actuel devrait s'en inspirer.
Avec le financement public des partis politiques, les partis obtiennent un financement stable qui dépend précisément du nombre de votes qu'ils ont obtenus. À cet égard, le financement public est un incitatif à voter, parce que même s'il est certain qu'un candidat ne sera pas élu, chaque vote qu'il recevra servira le parti que l'électeur aura appuyé. Tous peuvent donc avoir la certitude de ne pas voter inutilement et de ne pas perdre leur vote. C'est démocratique, c'est surtout éthique, mais c'est particulièrement sain pour nos moeurs démocratiques.
Avec le financement public, pas besoin de faire de la belle façon aux élites dans l'espoir de recevoir une poignée de main très payante. Les grands collecteurs de fonds des grands partis ont souvent une influence directe sur les politiques publiques, particulièrement lorsqu'il s'agit du parti au pouvoir. En effet, ils ont des accès privilégiés au caucus des députés, au Conseil des ministres ou au bureau même du premier ministre. Plus le plafond de contribution est bas, moins grande est l'influence des collecteurs de fonds, et il y a moins d'espace pour les lobbys, les intérêts privés et les amis du pouvoir.
En outre, avec le financement public, toutes les options politiques, quelles qu'elles soient, obtiennent des fonds correspondant au nombre des citoyens qui les appuient. C'est donc dire, comme je le disais plus tôt, que les citoyens savent que leur vote compte. Ils savent qu'ils peuvent choisir le parti politique qu'ils veulent et qui représente leurs valeurs, plutôt que de se limiter à faire un x en faveur du candidat au poste de premier ministre le moins pire, par exemple. C'est dommage d'être élu par défaut parce que nos gens, tellement cyniques, votent pour le choix le moins pire.
Du coup, cela encourage la diversité des opinions politiques et cela permet aux petits partis de se faire entendre, et mieux, à terme, cela peut même contribuer à l'arrivée d'un nouveau parti, ce qui est en soi est profondément sain et démocratique pour une société comme la nôtre.
Nous n'avons pas réinventé la roue, nous reprenons essentiellement l'héritage libéral. Si on rétablissait la vieille règle, l'héritage libéral, le coût du financement public serait insignifiant par rapport à ce que cela nous coûte dans le système actuel.
D'une part, comme le financement des partis politiques est lié au vote, chaque contribuable a la certitude que la minuscule part d'impôt qu'il paie pour le financement des partis politiques va essentiellement au parti qu'il a appuyé.
Dans le système actuel, quand un riche donateur donne 1 500 $ à un parti politique, il reçoit un crédit d'impôt de 650 $ que nous payons tous collectivement. Une petite part de nos impôts va au financement des partis auxquels nous sommes opposés. En diminuant le plafond et en ramenant le financement public, nous rétablissons l'équilibre entre la volonté de l'électeur et la participation du contribuable. Une plus grande part de notre impôt va directement au parti qui défend nos idées. Cela coûte beaucoup moins cher que le financement actuel. Le système actuel nous coûte la légitimité de la démocratie au Canada.
Je demande donc aujourd'hui à mes confrères et à mes consoeurs de tous les partis d'avoir une pensée pour les femmes et les hommes qu'ils représentent aujourd'hui à la Chambre. Ils les connaissent bien, ils savent à qui ils ont affaire et quel genre de valeurs les anime.
Je leur demande de réfléchir à ce que ces femmes et ces hommes attendent d'eux. Je leur demande de poser un geste fort en l'honneur des valeurs fondatrices de la Chambre. Je leur demande de voter en faveur de mon projet de loi, du rétablissement du financement public des partis politiques, de la probité et de la droiture des élus, des moeurs politiques saines et d'une expression démocratique plus libre.
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Madame la Présidente, c'est un grand plaisir pour moi d'intervenir pour parler du projet de loi et de la loi sur le financement électoral.
Pour commencer, je dirai que je n'appuierai pas ce projet de loi, et ce, non pas parce que je ne pense pas que les fonds publics doivent jouer un plus grand rôle dans le financement électoral — je le pense —, mais parce que l'autre possibilité est de faire plus de place aux fonds privés.
L'enjeu essentiel dans notre démocratie que je veux aborder est la remise en question totale du système de financement des partis politiques. Ce financement est-il nécessaire, et s'il l'est, quelle forme devrait-il prendre? Selon la sagesse populaire, il l'est. Je veux néanmoins que nous nous posions la question en faisant montre d'honnêteté et d'objectivité.
Les partis politiques ont besoin d'argent pour fonctionner et faire campagne, c'est certain. Cependant, comment peut-on faire pour leur financement soit équitable?
D'abord, les partis et les associations de circonscription ne devraient pas être en compétition pour les mêmes fonds. La collecte de fonds devrait se faire dans la circonscription et une partie de ces fonds devraient être envoyés au parti pour qu'ils restent associés au parti: aux partis et aux associations de circonscription de décider ensuite des détails. Après tout, un parti n'existe pas sans circonscription ni représentant. Les partis ne servent qu'à rallier des députés aux vues similaires pour qu'ils travaillent ensemble. Ils ne sont pas censés servir à produire des députés aux vues similaires. C'est une discussion pour un autre jour.
Je ne suis pas d'accord avec le modèle de financement actuel, soit 100 % de fonds privés combinés à des crédits d'impôt non remboursables et à des remboursements de dépenses, puisque cela ne permet pas une participation égale de tous les membres de la société, ce qui est un principe de base de toute démocratie. Les personnes qui ont de l'argent peuvent participer au financement et obtenir des crédits d'impôt. Celles qui n'ont pas l'argent pour le faire n'ont pas droit à l'incitatif fiscal connexe. Ainsi, le fait d'avoir moins d'argent signifie que chaque dollar coûte plus aux moins bien nantis en termes absolus et extrêmement plus en termes relatifs. Encore une fois, les déshérités sont désavantagés par rapport aux plus fortunés, et les politiciens, dont les besoins en fonds sont infinis, doivent nécessairement aller vers les nantis.
Dans bien des cas, les personnes qui font des dons le font pour la cause. Cela dit, à mon avis, il serait naïf de penser qu'il en est toujours ainsi. Je suis certain qu'il nous est tous arrivé de recevoir un courriel ou un appel d'une personne qui avait fait un don à l'association de circonscription ou au parti nous disant: « Je suis un donateur et je suis en colère. » Personnellement, je n'aime pas ce genre de message. À mes yeux, les gens doivent donner parce qu'ils sont d'accord avec ce que nous faisons et qu'ils veulent que nous poursuivions sur la même voie et non pour pouvoir nous dire quoi faire. Si quelqu'un est en colère, je veux le savoir, mais je veux le point de vue d'un citoyen, pas celui d'un donateur. Les commentaires doivent être indépendants des dons qui ont été faits, et les personnes qui n'ont rien donné doivent pouvoir s'exprimer avec la même vigueur. Je suis ici pour représenter tous les habitants de ma circonscription et faire de mon mieux pour eux tous et non pas seulement les personnes qui m'ont appuyé ou qui pourraient un jour le faire.
Je ne souscris pas davantage au concept du financement annuel par vote reçu, qui est le principal objectif du projet de loi , pour la simple raison que le parti qu'un électeur a appuyé au cours des élections de 2015 ne correspond pas nécessairement à celui qu'il voudrait appuyer financièrement. De surcroît, le choix de cet électeur pourrait ne pas être le même en 2016, en 2017, en 2018 ou en 2019. Lorsque des partisans du Parti vert votent pour un candidat libéral afin de faire obstacle à un candidat conservateur, pourquoi l'argent devrait-il êt