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AGRI Rapport du Comité

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Le 20 mai 2003, un cas unique d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) a été découvert en Alberta. La nouvelle a déclenché une série d’événements catastrophiques pour les éleveurs canadiens de bovins et d’autres animaux, et dont les conséquences se font encore ressentir. La fermeture immédiate des marchés du monde industrialisé aux bovins et à la viande de bœuf d’origine canadienne a fait tomber le prix des bovins en chute libre, entraîné des accumulations record de bêtes dans les exploitations, provoqué l’augmentation dramatique du prix de la nourriture pour animaux, drainé la situation de caisse des éleveurs et complètement éliminé toute possibilité de profit pour l’année 2003, en ne laissant guère d’espoir de reprise à court ou moyen terme. Mais les dégâts ne se limitent pas aux éleveurs de bovins et d’autres animaux. Les abattoirs et autres usines de transformation de la viande de bœuf sont aussi d’importantes entreprises axées sur l’exportation dont les finances ont souffert de la rétention des bovins aux frontières et de l’interruption des envois de bœuf et de produits du bœuf, surtout ceux qui étaient destinés au Japon et à la Corée. Dans certains cas, ces entreprises ont dû payer des frais de surestaries et de destruction de leurs produits, ou encourir d’énormes frais d’entreposage et de réfrigération pour la marchandise accumulée dans des dépôts de conteneurs ou des entrepôts douaniers. Le seul aspect positif qui se dégage de toute la crise de l’ESB, c’est le don de plus de un million de dollars de produits du bœuf aux banques alimentaires du Canada.

Le secteur de l’élevage bovin et de la transformation du bœuf est une source inestimable de création de richesses et d’emplois au Canada. Il a en effet enregistré, pour l’année 2002, des ventes d’environ 7,7 milliards de dollars et connu une poussée soudaine de ses exportations de l’ordre de 4 milliards de dollars. Certaines régions de l’Alberta, de la Saskatchewan et de l’Ontario ont particulièrement souffert de la crise de l’ESB. Prenons le cas des abattoirs, qui, avant la crise, employaient directement plus de 10 000 personnes et créaient cinq emplois de plus (indirects ou induits) pour chaque emploi direct. Les pertes d’emploi ont été tellement massives qu’elles en ont compromis les fondations de nombreuses économies rurales et à vocation agricole. On espère que le Programme fédéral-provincial de redressement de l’industrie dans le sillage de l’ESB de 500 millions de dollars, que l’aide supplémentaire d’au moins 400 millions versée par les provinces, et le Programme transitoire de soutien à l’industrie de 680 millions du gouvernement fédéral qui vient d’être lancé, empêcheront  plusieurs collectivités qui dépendent de l’élevage bovin de subir un effondrement économique en attendant la réouverture des marchés d’exportation, particulièrement ceux des États-Unis.

Depuis le début de la crise de l’ESB, le mouvement des prix de vente de gros et de détail pour le bœuf et les produits du bœuf est devenu une source de confusion et d’inquiétude pour les Canadiens. D’une part, les consommateurs ont remarqué qu’il fallait pas mal de temps, près de deux mois, pour que l’impact initial sur le prix des bovins, c’est-à-dire le prix à l’étape de la production, ne se répercute sur le reste de la chaîne, c’est-à-dire sur le prix de vente de gros jusqu’au prix de vente de détail, étape finale de la chaîne. En outre, la baisse du prix de détail au cours de cette période a été moins dramatique et faible si on la compare à la baisse du prix à la ferme (le prix consenti aux éleveurs de bovins). D’autre part, comme les prix de gros et de détail semblent insensibles aux tendances du prix à la production, on est porté à croire que la consolidation et la rationalisation récentes du secteur de l’abattage et de celui de la transformation n’aient entraîné une trop forte concentration de la propriété, ce qui a engendré des pratiques de fixation des prix et d’approvisionnement anticoncurrentielles. De plus, les Canadiens craignent qu’un segment de l’industrie — celui des abattoirs et des surtransformateurs — n’ait en grande partie échappé au remous économique causé par l’ESB (sauf pour leurs pertes initiales) et qu’il en ait même profité, tandis qu’un autre segment — celui des éleveurs de bovins —  demeure au prise avec des difficultés financières.

De toute évidence, les forces économiques qui règlent le flux du prix à la ferme, du prix de gros et de détail pour la vente de bœuf et de produits du bœuf sont complexes. Il faut par exemple tenir compte de la production commune des diverses coupes de bœuf. Certains sous-produits normalement exportés au Japon et en Corée — langues, reins, tripes, pieds et queues de bœuf — sont maintenant envoyés à l’équarrissage ou vendus à des prix beaucoup plus bas à d’autres marchés d’exportation. À cela s’ajoute la perte du lucratif marché coréen pour la vente de bouts de côtes, qu’on envoie maintenant faire parer pour transformation en viande hachée à 20 % du prix habituellement versé par la Corée. Tous ces facteurs exercent une pression sur la structure de fixation des prix. Il faut aussi prendre en considération que les transformateurs ont perdu les crédits qu’ils recevaient pour l’équarrissage de viandes et d’os de rejet, et qu’il semble qu’ils doivent maintenant débourser jusqu’à 40 dollars la tête pour les faire emporter. Enfin, depuis juillet 2003, le Canada oblige les transformateurs à retirer les matériels à risques spécifiés (MRS) — tissus qui contiennent l’agent infectieux de l’ESB — de tous les bovins abattus âgés de 30 mois et plus, ce qui alourdit d’autant plus les coûts de transformation. Ils encourent en effet des frais directs pour les services de vétérinaire et de dentisterie, et des frais indirects pour la séparation des activités d’abattage et de transformation en fonction de l’âge des bêtes. Par conséquent, le fossé se creuse de plus en plus entre le prix de gros des coupes traditionnelles vendues sur le marché intérieur, qui tend à monter; et le prix à la production qu’obtiennent les éleveurs pour le bétail, qui tend à baisser.

C’est justement la cause de cet écart que le Comité s’est employé à comprendre, en cherchant à savoir s’il y avait pratiques anticoncurrentielles ou non. Voici comment nous avons organisé le contenu de notre rapport.

Dans le premier chapitre, nous examinons les données sur les marchés et les prix — prix à la ferme, prix de vente de gros et de détail — relatifs aux bovins, au bœuf et aux produits du bœuf juste avant et juste après la crise de l’ESB, et les écarts entre les prix de vente de gros et les prix à la production, et entre les prix de vente de détail et les prix de vente de gros.

Dans le chapitre 2, nous examinons la structure de la concurrence au sein de l’industrie et son rendement à chaque étape de la production. Le Comité permanent s’est également intéressé aux aspects concurrentiels des exploitations à intégration verticale (parcs d’engraissement et abattoirs) — Cargil Foods, Tyson Foods, XL Beef dans l’Ouest du Canada et Better Beef en Ontario.

Au chapitre 3, nous analysons les incidences à court et à long terme de la crise de l’ESB, ainsi que l’efficacité du Programme fédéral-provincial de redressement de l’industrie dans le sillage de l’ESB.

Dans le chapitre 4, le Comité examine les réactions de l'industrie et du gouvernement fédéral face à la crise de l'ESB et formule d'autres suggestions pour atténuer de telles crises à l'avenir.

Enfin, dans la conclusion, nous présentons un résumé de nos constatations et de nos recommandations au gouvernement.