Passer au contenu
Début du contenu

NDVA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

État de préparation des forces canadiennes :

RÉponse à la menace terroriste

Rapport minoritaire de l’alliance canadienne

Par Leon Benoit, député

Porte-parole de l’opposition officielle en matière de défense nationale

Pendant qu’a lieu la guerre contre le terrorisme, les capacités des Forces canadiennes sont en situation de crise. Après des décennies de négligence, les ressources des Forces ne sont plus en mesures de satisfaire à nos engagements et de défendre la sécurité des Canadiens.

Pendant près de neuf mois, le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes a entendu de multiples témoins venus exposer les énormes lacunes de notre appareil militaire. Les hommes et les femmes des Forces canadiennes ont accompli un travail fantastique avec de maigres ressources, mais ils n’ont pas bénéficié d’un appui adéquat de la part du gouvernement et du Parlement. Comme l’indique la Conférence des associations de la défense dans un rapport récent :

Tous les membres des Forces canadiennes peuvent, à n’importe quel moment et sans préavis, se trouver en situation périlleuse et perdre la vie ou subir une blessure ou une maladie invalidante. La responsabilité illimitée du soldat, du marin ou de l’aviateur doit être contrebalancée par une responsabilité illimitée du gouvernement de sorte que les membres des forces armées, s’ils se trouvent en situation périlleuse, puissent s’acquitter de leur mission au plus faible niveau de risque possible. Cela exige les bons outils, soit de l’équipement moderne, et une formation poussée pour accomplir les missions justifiables ordonnées par les autorités politiques canadiennes.

Selon toute évidence, au cours des dernières décennies, nous avons largement négligé nos vaillants soldats. Il est bon que le rapport majoritaire le reconnaisse de façon générale. Néanmoins, il y a au moins trois aspects du rapport et de sa rédaction avec lesquels nous devons exprimer notre désaccord :

1. Le traitement de l’institution parlementaire :

Le rapport a été rédigé en secret par un groupe de responsables travaillant sous la direction du président. Les députés de l’opposition en ont entendu parler pour la première fois lorsqu’on a convoqué une réunion du Comité, le 5 novembre, pour discuter d’un document dont aucun d’entre eux ne savait qu’il était en train d’être rédigé. Les membres du Comité n’ont pas été autorisés à voir le rapport avant 19 h le soir du 5 novembre. On leur a alors donné moins d’une heure pour le lire et exprimer leur accord ou leur désaccord avec des dispositions et recommandations précises. Aucune consultation avec les caucus respectifs n’était autorisée, et les membres du Comité se sont fait dire que le rapport serait immédiatement adopté et renvoyé au Comité des finances de la Chambre des communes, qu’ils en approuvent ou non les recommandations. Il était tout simplement impossible pour l’opposition officielle de souscrire sans réserve au rapport majoritaire dans le court délai dont elle disposait.

La politique de défense du Canada existe pour protéger la sécurité de tous les Canadiens. Il faut tout mettre en œuvre pour s’assurer que la politique de défense traduit un consensus des partis à la Chambre des communes. Cela doit englober des consultations adéquates entre tous les partis politiques ainsi que l’occasion de tenir une discussion et un débat réels. Ce n’est que de cette façon qu’il est possible d’adopter des politiques cohérentes et crédibles qui témoignent d’un consensus national réel et à long terme. Comme si de rien n’était… : cette attitude, c’est-à-dire utiliser le Parlement pour l’approbation automatique de décisions qui ont déjà été prises, ne devrait plus être admise en cette période de crise.

2. Un engagement clair et précis sur l’augmentation des dépenses consacrées à la défense :

Le rapport majoritaire contient des renvois importants au sous-financement grave des Forces canadiennes. Cela reflète ce que des témoins ont dit à maintes reprises, c'est-à-dire qu’il y a une érosion continue des capacités parce que les ressources allouées sont toujours déficientes.

Malgré tout, le rapport majoritaire ne contient aucune recommandation précise quant à l’augmentation des dépenses de la défense. Au lieu de cela, il mentionne le manque à gagner de 750 millions à 1,2 milliard de dollars dans le budget d’exploitation et de maintenance, décrit par plusieurs témoins, ainsi qu’un déficit additionnel de 5 à 6 milliards de dollars dans le budget d’équipement dont a fait état le vérificateur général — mais sans réellement recommander d’augmentation précise au chapitre des dépenses.

À moins d’affecter les ressources nécessaires, le Canada ne pourra honorer comme il se doit son engagement militaire dans la guerre contre le terrorisme — ce qui ne sera peut-être pas possible de toute façon au-delà de la prochaine rotation.

Après avoir clairement décrit les lacunes dans les budgets d’exploitation et de maintenance ainsi que d’équipement, on aurait dû exprimer clairement la nécessité d’une augmentation minimale et immédiate de 2 milliards de dollars dans la base budgétaire du ministère de la Défense nationale. De fait, même cette augmentation modeste pourrait ne pas suffire à l’heure actuelle, car les représentants de la Conférence des associations de la défense ont informé le Comité qu’il faudrait ajouter à la base budgétaire de la défense au moins un million de dollars additionnels au cours de chacune des cinq prochaines années.

La crise que vivent les Forces canadiennes est tellement grave que les demi-mesures ne peuvent en aucun cas suffire désormais.

3. La question de la « démilitarisation » :

Le 8 mai 2001, un de nos soldats les plus prestigieux, le général Lewis MacKenzie, a affirmé ce qui suit devant le Comité permanent :

« ...Si j'étais commandant d'une force ennemie, je préférerais de loin me battre contre l'armée canadienne aujourd'hui que contre l'armée canadienne d'il y a dix ans. … Je ne doute pas que les soldats eux-mêmes soient à la hauteur de la tâche, même si on a immolé les normes d'aptitude physique et de discipline sur l'autel des droits individuels et de la rectitude politique … Si la guerre du Golfe avait lieu aujourd'hui, nous ne pourrions pas envoyer de brigade. Il n'en existe pas. ... On ne peut pas simplement distribuer ça et là des armes de haute technologie et dire qu'on a augmenté la capacité opérationnelle. Pour pouvoir combattre, comme vous-mêmes l'avez dit dans votre ordre de renvoi, il faut avoir de l'équipement pour plus d'une journée. Il faut pouvoir durer. »

Voilà une charge accablante contre l’effet de l’interférence politique dans les Forces canadiennes. De nombreux témoins ont parlé de l’érosion continuelle des normes d’entraînement et de l’effondrement résultant de l’esprit de corps et du moral dans l’armée. Certains ont parlé dans ce contexte d’une « démilitarisation » à l’intérieur des Forces. Pourtant, à part une vague référence à la rectitude politique, le problème n’est pas vraiment abordé dans le rapport majoritaire. Devant la crise qui nous menace, nous ne pouvons tout simplement pas tolérer d’interférence politique indue dans l’armée, qui perd graduellement son efficacité au combat.

Une des grandes raisons pour lesquelles nous sommes aujourd’hui mal placés pour répondre rapidement et efficacement aux nouvelles menaces, c’est la dissolution du régiment aéroporté en 1995, résultant de la bêtise politique. Le Comité a réagi en recommandant un relèvement substantiel de la capacité de la Force opérationnelle 2, mais le rapport majoritaire passe sous silence les conditions politiques qui ont présidé à la réduction de cette capacité. Si on n’intervient pas, la politisation des Forces armées demeurera un problème et celles-ci ne pourront pas retrouver leur cohérence et leur efficacité.

Conclusion :

La crise actuelle exige une réaction déterminée et unanime du Parlement. Le rapport majoritaire est un pas dans la bonne direction, mais il faut accepter d’aller plus loin si nous voulons rebâtir notre défense nationale. Cela suppose une discussion franche et ouverte ne négligeant aucune question pertinente quelle qu’en soit la conséquence politique.

L’Alliance canadienne tentera d’y parvenir, par la préparation du rapport complet sur la préparation opérationnelle au début de l’an prochain. Nous savons que la population canadienne ne se contentera pas de moins.