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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 mai 1995

.1532

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous reprenons l'étude du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.

Nos témoins de cet après-midi représentent la Coalition pour le contrôle des armes et nous avons ici la présidente Wendy Cukier, la directrice générale, Heidi Rathjen, le sous-chef et directeur adjoint de la Police d'Edmonton, David Cassels, et Louise Viau, professeure de droit, Université de Montréal, conseillère juridique. Voici donc la composition de la délégation, mais je crois qu'il y a d'autres membres dans la salle. Bienvenue à tous.

Votre mémoire très volumineux et très complet a été distribué à tous les membres du Comité. Comme vous le savez, nous demandons aux témoins de se limiter, dans toute la mesure du possible, à 15 minutes afin de nous laisser suffisamment de temps pour les interroger. Vous pouvez lire certaines parties de votre mémoire ou tout l'ensemble, si c'est plutôt court, ou vous pouvez nous en donner les grandes lignes; libre à vous. Je vous cède la parole, madame Cukier.

Mme Wendy Cukier (présidente, Coalition pour le contrôle des armes): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui.

Je suis professeure à l'Université polytechnique Ryerson à Toronto et présidente de la Coalition pour le contrôle des armes. Je suis accompagnée de notre directrice générale, Heidi Rathjen, diplômée de l'École polytechnique, du sous-chef Cassels de la Police d'Edmonton et de Louise Viau qui est non seulement professeure de droit à l'Université de Montréal mais également membre du Comité consultatif sur les armes à feu de l'ancien gouvernement.

Comme nous savons que vous avez passé toutes ces dernières semaines à entendre beaucoup de choses sur le contrôle des armes à feu, nous essayerons de limiter nos commentaires à certaines des questions qui, à notre avis, sont les plus importantes et de faire ressortir certains aspects du projet de loi qui nous semblent cruciaux pour la sécurité de tous les Canadiens. Nous dirons également quelques mots sur certaines difficultés précises que nous semble présenter le projet de loi et sur les amendements qu'on pourrait envisager.

Je commencerai tout d'abord par présenter la coalition. Fondée en 1990, la coalition est un organisme à but non lucratif dont l'objectif est de réduire le nombre de décès et de blessures dus aux armes à feu. Depuis 1990, la Coalition pour le contrôle des armes préconise des permis de possession et l'enregistrement de toutes les armes à feu, des contrôles sur la vente de munitions, des restrictions supplémentaires sur les armes de poing, l'interdiction des armes militaires et des chargeurs à grande capacité, des peines plus sévères pour le mauvais usage des armes à feu et des mesures visant à contrer l'importation illégale. C'est une position que plus de 300 organismes de tous les coins du pays ont appuyée.

.1535

L'annexe 1 de notre mémoire comporte la liste la plus récente des organismes en question. Comme vous le savez, des groupes tels que l'Association des chefs de police, l'Association canadienne de justice pénale ainsi que des groupes comme le Conseil juif canadien, les Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation ont tous pris la position de la Coalition pour le contrôle des armes.

Toutefois, je tiens également à attirer votre attention sur l'appui que nous avons reçu de certaines provinces et localités. Par exemple, vous remarquerez que l'Association des policiers du Manitoba, la Police de Brandon, la Police de Winnipeg, la Police de Calgary, la Police d'Edmonton ainsi que la Police de tout l'Ontario et d'autres provinces sont membres de notre coalition. Nous avons également l'appui d'organismes de santé dans tout le pays, non seulement de groupes nationaux mais de groupes comme l'«Alberta Injury Prevention Association», le «Calgary Health Services», etc.

La raison pour laquelle je vous signale cela est que je sais que l'on vous a beaucoup parlé de l'opposition au contrôle des armes, en particulier dans l'Ouest et dans le Canada rural, et je voulais m'assurer que vous considériez tout l'éventail d'organisations qui ont appuyé la position de la coalition. Vous remarquerez que celles-ci viennent tout autant de l'est que de l'ouest. Tout autant des petites localités que des grandes.

Notre mémoire contient beaucoup plus de détails que ceux dont nous aurons le temps de vous parler aujourd'hui et j'essaierai donc de m'arrêter sur certains points essentiels.

Tout d'abord, nous croyons que des problèmes complexes exigent des solutions complexes; que les décès, blessures et crimes par balle sont le résultat de tout un éventail de facteurs dont l'accès aux armes à feu ne représente qu'un élément. Bien que ce ne soit pas une panacée, nous estimons que le bons sens et énormément de recherches indiquent qu'un contrôle accru des armes réduira le nombre de décès et de blessures par balle.

Bien que beaucoup de gens se penchent sur la question du contrôle des armes spécifiquement du point de vue de la prévention du crime, je sais que vous avez entendu des témoins responsables de la santé publique qui vous en ont parlé du point de vue de la prévention des blessures. Je sais que la semaine prochaine, vous entendrez également des groupes de femmes qui examineront la question dans le contexte de la violence familiale. Là encore, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que des groupes de tout le pays, présentant des perspectives diverses, s'entendent pour dire que ce projet de loi est nécessaire.

Je ne répéterai pas les résultats des recherches qui ont été présentés en faveur d'un contrôle plus strict des armes; j'insisterai simplement sur certains point essentiels.

Tout d'abord, si l'on considère ce que coûterait l'inaction, ce que coûtent les décès, blessures et crimes par balle au Canada, le contrôle des armes semble tout à fait justifié. Il ne faut pas oublier le genre de coûts économiques, les coûts sociaux et les coûts des services de police associés aux armes à feu quand on essaie d'évaluer l'opportunité d'investir dans un tel projet de loi.

Je dirais par ailleurs qu'il y a suffisamment de preuves pour appuyer les mesures contenues dans ce projet de loi. Je suis universitaire. Louise aussi. Nous pourrions volontiers débattre des nuances des statistiques et des recherches si vous le souhaitez. Toutefois, nous concluons qu'il y a suffisamment de preuves qui viennent appuyer ce projet de loi.

Notre troisième point, qui est très important, est que le projet de loi s'attaque non seulement aux problèmes actuels, mais représente aussi un investissement dans notre avenir. Si nous considérons les sources d'armes à feu dont on fait un mauvais usage au Canada - et lorsque nous parlons de mauvais usage, nous ne parlons pas simplement de crime, mais également de décès et de blessure - nous savons que ces armes sont volées à leurs propriétaires légitimes. Nous savons qu'il y a au moins 3 000 déclarations de vol d'armes chaque année. Il y en a beaucoup plus qui sont volées pour lesquelles on ne fait pas de déclaration.

Nous savons aussi qu'il y a des cas où les armes sont mal utilisées par leurs propriétaires légitimes. En particulier dans le cas d'homicide au sein de la famille, de suicides et d'accidents.

Troisièmement, nous savons qu'il y a des cas où les armes sont achetées ou importées légalement puis revendues illégalement.

Cela a été prouvé par des tas d'études effectuées par la police dans des cas où les poursuites judiciaires ont abouti.

.1540

La quatrième source d'armes qui sont mal utilisées au Canada est le trafic d'armes international et la vente illégale.

Je dois dire que j'ai été ravie d'entendre l'Association canadienne des chefs de police présenter des pièces à conviction de dix forces de police du pays, pièces qui devraient une fois pour toutes permettre de réfuter l'argument selon lequel le problème principal est le trafic des armes. Vous vous souviendrez que l'Association canadienne des chefs de police a présenté des documents préliminaires indiquant que si l'on considère les armes à feu qui ont été saisies à l'occasion d'un crime, près de 50 p. 100 d'entre elles sont des carabines et des fusils de chasse. Environ 20 p. 100 sont des armes de poing et d'autres armes à autorisation restreinte et, de celles-ci, 40 p. 100 ont à un moment ou à un autre été enregistrées.

Donc, l'idée qu'avaient les membres du Comité qui siégeaient la dernière fois que l'on a étudié un texte de loi sur le contrôle des armes à feu, à savoir que le seul problème au Canada était le problème des armes entrées en contrebande ne semble pas tenir... J'espère qu'ils sont soulagés de voir qu'il y a maintenant des preuves empiriques permettant d'établir que ces arguments n'étaient pas fondés. Un des éléments de cette étude, qui n'a pas encore été publiée parce qu'on est encore en train d'en interpréter certaines données, est constitué par les études effectuées sur le terrain dans certaines localités et dont l'Association canadienne des chefs de police a tenu compte dans ses conclusions générales.

Je suis accompagnée aujourd'hui du sous-chef David Cassels de la Police d'Edmonton qui a publié les résultats d'une étude de six mois sur les armes utilisées à l'occasion de crimes. Il va décrire les résultats de cette étude et vous dire en quoi ils sont tout à fait pertinents dans le débat d'aujourd'hui.

Le sous-chef David Cassels (directeur adjoint, Police d'Edmonton): Merci. Monsieur le président et membres du Comité, je voudrais tout d'abord vous remercier de l'occasion que vous me donnez de venir discuter de ce projet de loi extrêmement important cet après-midi.

Je comparais devant vous en tant que représentant de la Police d'Edmonton et je peux dire sans hésiter que mon rapide exposé reflète le point de vue de la majorité des policiers de l'Ouest du Canada. Je viens d'une province où la concentration de propriétaires d'armes est une des plus fortes au pays et où le débat au sujet de ce projet de loi est probablement le plus animé. Toutefois, ayant écouté attentivement ces débats, je demeure fermement convaincu que le projet de loi peut en effet donner les résultats escomptés.

L'Association des chefs de police de l'Alberta partage ce point de vue. Je voudrais donc insister sur certaines des raisons tangibles pour lesquelles l'enregistrement des armes à feu doit devenir obligatoire. Je le ferai tout d'abord en passant en revue les raisons justifiant l'enregistrement obligatoire et, deuxièmement, en vous parlant d'une étude qui confirme cette position.

Étant donné qu'il n'y a pas pour le moment d'enregistrement et que la majorité des armes à feu que possèdent les Canadiens tombent dans la catégorie à autorisation non restreinte, il n'y a souvent aucun moyen de savoir qui est propriétaire de quoi ni si une arme à feu particulière a été achetée légalement. C'est spécialement ennuyeux si, par exemple, un tribunal interdit à quelqu'un de posséder des armes à feu. Le fait que l'on ne sache pas peut avoir des conséquences mortelles dans les cas où la police répond à un appel d'urgence, par exemple en cas de conflits familiaux.

Surtout, l'absence d'information quant aux propriétaires des armes à feu contribue au moins occasionnellement à l'entreposage non sécuritaire d'armes à feu et à la non-déclaration de pertes suite à un vol. Aussi conviendrai-je avec les auteurs du projet de loi que le système d'enregistrement proposé aidera à atteindre les objectifs suivants. Cela aidera la police à faire la lumière sur certains crimes en retraçant les armes à feu utilisées lors d'un homicide, d'un cambriolage ou d'autres actes criminels violents. Cela aidera, du moins en partie, la police à déterminer à quel type et à combien d'armes à feu elle risque de se heurter en répondant à un appel d'urgence.

L'enregistrement aidera à faire respecter les ordonnances des tribunaux lorsqu'ils interdisent à quelqu'un de posséder des armes à feu. L'acquisition illégale et le trafic d'armes à feu diminueront. L'enregistrement permettra d'insister et d'inciter les gens à suivre de plus près les règlements actuels en matière d'entreposage et de manutention d'armes à feu et je crois que les gens se sentiront beaucoup plus responsables des armes qu'ils possèdent. L'enregistrement aidera à retracer les armes à feu qui ont disparu ou qui ont été volées.

Comme on l'a déjà indiqué, la Police d'Edmonton a récemment effectué une étude sur les cas d'utilisation d'armes à feu à Edmonton.

L'étude est un instantané d'une municipalité canadienne typique pris sur n'importe quelle période de six mois. Les conclusions de l'étude appuient les principes du projet de loi.

.1545

J'aimerais justement, monsieur le président, déposer cette étude pour votre examen et discuter de certaines de ses conclusions. J'ai fourni au greffier des exemplaires destinés aux autres membres du Comité.

L'étude porte sur les six derniers mois de 1993. Au cours de cette période, 684 armes à feu ont été utilisées dans 449 cas. Dans 64 p. 100 des cas, il s'agissait d'infractions au Code criminel. Dans la majorité des cas, soit 50 p. 100, il s'agissait d'armes à feu à autorisation non restreinte comme des carabines et des fusils de chasse. Dans 40 p. 100 des cas, il s'agissait d'armes à autorisation restreinte et dans 6 p. 100 des cas, d'armes à feu prohibées.

Il est intéressant de noter que les armes à autorisation non restreinte sont volées plus souvent, soit dans 56 p. 100 des cas, alors que les armes à autorisation restreinte le sont dans 40 p. 100 des cas, et les armes prohibées, dans 4 p. 100 des cas. Dans 70 p. 100 des cas, ces armes sont volées dans des domiciles privés.

Au cours de l'étude, nous avons constaté que des armes à feu ont été saisies dans 59 p. 100 de tous les incidents où des armes à feu ont été utilisées: 10 p. 100 étaient prohibées, 54 p. 100 à autorisation restreinte, et 36 p. 100 à autorisation non restreinte. Fait à noter, seulement 5 p. 100 des armes à feu à autorisation non restreinte ont pu être retracées jusqu'à leurs propriétaires, et ce, probablement uniquement parce que leur vol avait été rapporté à nos services. On conclut également dans l'étude qu'environ 40 p. 100 des armes volées n'étaient pas entreposées correctement.

Comme vous pouvez le constater, les fusils de chasse et les carabines font partie du problème et jouent un rôle important dans divers crimes et incidents. L'étude nous permet de tirer plusieurs conclusions à cet égard.

Tout d'abord, les données révèlent que d'une façon générale, les criminels utilisent des armes à feu à autorisation non restreinte. Cela s'explique peut-être du moins en partie parce qu'on peut se procurer ces armes par des moyens légitimes ou en les volant.

Deuxièmement, les armes à autorisation non restreinte et donc actuellement non enregistrées, sont volées là où il est le plus facile de les obtenir: des maisons privées.

Troisièmement, ce n'est que dans un nombre infime de cas que l'on peut remonter jusqu'aux propriétaires d'armes à feu à autorisation non restreinte. Un grand nombre de ces armes ne sont pas correctement entreposées.

À mon avis, l'étude montre clairement à quel point il est avantageux de mettre en place un régime global d'enregistrement des armes à feu. Les tribunaux pourraient ainsi imposer des ordonnances d'interdiction de port d'armes qui ont un sens et que l'on peut faire respecter. La police pourra faire face à des situations dangereuses telles que des conflits familiaux en étant mieux informée, ce qui accroîtra par conséquent sa sécurité. Les forces policières pourront prendre des mesures de prévention ou de règlement de problèmes dans de nombreuses situations.

Monsieur le président, j'estime que c'est là l'aspect le plus prometteur de ce projet de loi. Nous serons en mesure d'adopter des mesures préventives parce que nous disposerons de l'information. Cela rendra les propriétaires d'armes à feu plus responsables et par conséquent cela les incitera à adopter de meilleures pratiques d'entreposage de leurs armes. Cela incitera également les propriétaires à signaler le vol ou la perte de leurs armes à la police. Il va sans dire, monsieur le président, que ces avantages sont certainement dans l'intérêt du public.

Avant de conclure, j'estime devoir dire quelques mots sur deux aspects pratiques soulevés au cours des débats publics ainsi que devant votre Comité. Si je comprends bien, il a été proposé que le projet de loi contienne une disposition qui soustraie à toute responsabilité criminelle ceux qui par inadvertance n'enregistreraient pas leurs armes à feu.

Vu ce qui a déjà été dit, cette proposition va à l'encontre des principes du projet de loi et de ses objectifs. Pour cette seule raison, je ne pense pas que l'on doive considérer cette option et je ne pense pas qu'elle soit justifiée.

Certains groupes préconisent également que l'on désobéisse à ce projet de loi. À mon avis, de telles menaces expliquent exactement pourquoi il est dans l'intérêt du public et qu'il y va de la sécurité du public d'adopter ce projet de loi.

Pour ces raisons donc, j'exhorte le Comité à adopter le projet de loi intégralement. Incontestablement, le projet de loi contribue pour beaucoup à faire du Canada un endroit que nous qualifierions de plus sécuritaire.

Permettez-moi de conclure en disant qu'il suffit de passer quelques nuits en compagnie d'agents de police, dans la rue ou dans les voitures de patrouille pour comprendre pourquoi il est si important de légiférer sur le contrôle des armes à feu et pourquoi il est si important d'adopter le projet de loi C-68. Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Cukier.

Mme Cukier: Le deuxième aspect du contrôle des armes à feu qu'il est essentiel d'au moins mentionner bien que vous en ayez déjà entendu parler tant aujourd'hui qu'auparavant, c'est le lien qui existe entre l'accès aux armes et les taux de meurtres, de suicides et d'accidents. Vous avez certainement entendu les témoignages de nombreux spécialistes du domaine de la santé publique, de centres d'urgence, de centres de prévention des suicides qui font valoir, très clairement, qu'il existe un lien étroit entre l'accès aux armes à feu et les taux de décès et de blessures.

.1550

J'aimerais mentionner deux études qui confirment ce fait. D'abord, il y a celle de Martin Killias, en annexe à notre mémoire, qui montre très clairement la corrélation entre l'accès aux armes à feu et les taux de suicides et de décès.

À l'annexe 3 de notre mémoire, vous trouverez une analyse très brève de la situation actuelle du contrôle des armes à feu dans certains des pays que le professeur Killias a étudiée et où les taux de meurtres et de suicides sont considérablement inférieurs aux nôtres. Lorsque vous aurez le temps d'examiner le document vous noterez que dans presque tous les pays d'Europe - la Belgique, la Finlande, la France, l'Allemagne, la Grèce, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Irlande, les Pays-Bas, etc. - l'enregistrement des armes d'épaule fait partie du régime de contrôle des armes à feu. Cela vient renforcer l'idée qu'il existe un lien direct entre la rigueur du contrôle dans une juridiction donnée, l'accès aux armes à feu et les taux de suicides, de meurtres et d'accidents dans cette même juridiction.

De notre point de vue, il est assez ironique que ce soit les provinces où les taux de mortalité et de blessures par balle sont les plus élevés qui s'opposent le plus à ce projet de loi; il est ironique aussi que le ministre de la Justice du Manitoba, qui a témoigné hier soir, ne connaisse pas les taux de mortalité et de blessures dans sa province.

L'annexe 2 présente une comparaison effectuée à partir des taux provinciaux d'accidents et de blessures. Le lobby des armes à feu répète constamment, surtout dans l'Ouest, que cela révèle un complot entre Toronto et Montréal. Toutefois, l'Ontario a un des taux les plus faibles de décès et de blessures par balle alors que les provinces comme la Saskatchewan, le Manitoba et l'Alberta ont des taux considérablement supérieurs à ceux et de l'Ontario et de la moyenne nationale. C'est important de ne pas l'oublier.

En Ontario, il est abondamment démontré que l'idée selon laquelle le contrôle des armes est plus pertinent dans les villes que dans les régions rurales ne s'appuie pas sur des faits. Il est en fait très clair que les taux de décès par balle dans le Nord sont presque le double de la moyenne provinciale, soulignant là encore le lien entre l'accès aux armes à feu et les taux de décès et de blessures.

Manifestement, il existe un lien entre l'accès aux armes à feu et l'acharnement que met le lobby des armes à s'opposer au contrôle des armes à feu. Cela ne signifie pas que cette question ne pose pas de problème dans ces provinces ou dans nos localités rurales. Nous offrons des données à l'appui.

En passant - et il n'est vraiment pas nécessaire d'offrir des preuves à l'appui car nous avons entendu suffisamment de témoignages de plusieurs groupes de propriétaires d'armes à feu à cet effet - ces groupes veulent manifestement non seulement appuyer l'usage des armes à feu à des fins sportives, mais certains éléments de ces groupes croient que les Canadiens seraient plus en sécurité si nous étions armés pour notre propre protection. En notre nom à tous autour de cette table et au nom de tous les groupes qui parrainent la Coalition pour le contrôle des armes à feu, je tiens à souligner qu'il existe à l'échelle internationale des preuves qui démontrent très clairement que la prolifération des armes à feu augmente les taux de décès, de blessures et de crimes. Nous devons nous assurer que le Canada ne suivra pas l'exemple manqué des États-Unis où l'on prône la nécessité pour les civils de s'armer afin de se protéger.

Enfin, en ce qui concerne les attitudes et la nécessité de maintenir un équilibre entre les intérêts légitimes des propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi et les préoccupations du public envers sa sécurité, il y a lieu de répéter, encore et encore, que le contrôle des armes à feu ne signifie pas l'abolition des armes.

Le lobby des armes à feu a fait des efforts très délibérés, et nous en avons des preuves, pour présenter le contrôle des armes à feu comme le premier pas vers l'abolition des armes à feu. On a distribué des feuillets dans lesquels on dit que le ministre de la Justice veut enlever aux gens leurs armes à feu et que l'enregistrement constitue le premier pas vers la confiscation. Il faut bien comprendre, je pense, qu'il y a des doutes sur la véracité de l'information qui a circulé au sujet de ce projet de loi.

.1555

Certains prétendent que les Canadiens appuient le contrôle des armes à feu dans les sondages parce qu'ils sont mal renseignés et que s'ils étaient bien renseignés, l'appui pour le contrôle des armes à feu serait moindre. À mon avis, c'est le contraire. Je pense plutôt que si de nombreux propriétaires d'armes à feu respectueux des lois au Canada savaient exactement de quoi il s'agit, connaissaient les coûts du contrôle des armes à feu, une grande partie de l'opposition contre les armes à feu disparaîtrait en fait.

Par ailleurs, j'aimerais reprendre à mon compte les préoccupations soulevées par le chef adjoint Cassels. Nous sommes très conscients des risques associés au non-respect de la loi par inadvertance, mais nous pensons que le Code criminel fait déjà le nécessaire. De même, nous sommes très inquiets face aux efforts déployés pour encourager la désobéissance civile.

Nous avons relevé des discussions très complètes, sur Internet, au sujet de stratégies pour enterrer des armes, de stratégies pour miner le régime, de propos de lutte à mort dans de grandes envolées oratoires.

Je pense qu'il y a lieu de se préoccuper de ce que cela signifie pour les valeurs canadiennes, et je dirais que cela représente en grande partie un débordement de ce que je considère comme des attitudes américaines tout à fait indésirables.

En ce qui concerne les éléments clés de ce projet de loi, je ne veux pas les examiner en détail. Je pense que vous pouvez voir grâce à la position de la Coalition et grâce aux éléments de ce projet de loi que nous sommes très heureux de ses principaux aspects et que nous serions très heureux de les défendre au cours de la période de questions.

J'aimerais maintenant céder la parole à ma collègue Heidi Rathjen qui vous parlera de façon plus précise du projet de loi lui-même.

Mme Heidi Rathjen (directrice générale, Coalition pour le contrôle des armes à feu): Merci beaucoup.

Les permis et l'enregistrement des armes à feu constituent les éléments essentiels de ce projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Sans information sur les propriétaires, il est impossible d'exercer un contrôle efficace des armes à feu. Grâce à un régime de permis et d'enregistrement, on pourra identifier les propriétaires, déterminer le propriétaire en bonne et due forme de chaque arme, suivre les mouvements de toutes les expéditions d'armes ainsi que les expéditions d'armes individuelles d'un côté à l'autre de la frontière.

À l'heure actuelle, le projet de loi constitue en délit criminel la possession illégale d'une arme à feu; en d'autres termes, la possession sans permis et enregistrement en bonne et due forme. On y propose des peines sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire dans les cas de possession d'une arme à feu sans permis et sans enregistrement de même que dans les cas de possession délibérée d'une arme sans permis et sans enregistrement. On prévoit également une peine minimale d'un an pour récidive.

Nous devons nous assurer que les dispositions de ce projet de loi ne seront pas affaiblies par des amendements, même si, à première vue, cela semble sans importance. Par exemple, il a été proposé de ne pas considérer comme une infraction le défaut d'enregistrer une arme afin d'éviter que le citoyen respectueux des lois soit assujetti à des peines criminelles pour un léger manquement à la loi ou pour le non-respect par inadvertance.

Comme vous le savez, l'Association canadienne des policiers qui représente les agents de police ordinaires a proposé qu'une première infraction de défaut d'enregistrement ne constitue pas une infraction criminelle; toutefois, les peines incluraient des amendes et la confiscation des armes à feu du délinquant.

Toutefois, d'autres groupes tels que l'Association canadienne des chefs de police et l'Association canadienne des commissions de police ont laissé entendre que tout en se préoccupant des peines élevées qui seraient imposées pour des infractions mineures comme le défaut d'enregistrer une arme à feu, elles prétendent que d'autres approches seraient plus appropriées. Par exemple, comme dans le cas de nombreuses autres infractions à la loi ou au règlement, les agents de police et les procureurs de la Couronne sont libres de porter ou non des accusations. En outre, les tribunaux peuvent décider d'une libération conditionnelle ou sans condition. Dans le cas de l'enregistrement des armes, on pourrait exercer cette même discrétion, évitant ainsi le casier judiciaire à ceux qui ne se sont pas conformés à la loi vraiment par inadvertance.

.1600

Les chefs de police se sont dits inquiets des tentatives délibérées en vue de faire obstacle à la loi. Bon nombre d'adversaires du projet de loi, y compris des hommes et des femmes politiques, parlent de désobéir à la loi. Certains propriétaires d'armes à feu ont déclaré publiquement qu'ils ne se conformeront pas à la loi. Certains groupes ont proposé des moyens de faire obstacle au système d'enregistrement. Par exemple, ils parlent d'enregistrer leurs armes aux noms de personnes qui n'existent pas, de remplir des milliers de cartes d'enregistrement pour des armes qui n'existent pas, de transférer leurs armes à des gens qui n'existent pas, d'indiquer qu'ils sont sans adresse fixe, de donner le mauvais numéro d'assurance sociale ou même d'enterrer leurs armes à feu. Si le Parlement décide de modifier le projet de loi, ce ne doit pas être pour satisfaire ceux qui comptent désobéir à la loi ou miner son efficacité.

Même si nous partageons les inquiétudes de la police relativement à la possibilité qu'on criminalise d'honnêtes citoyens qui oublieraient, par exemple, d'enregistrer leurs armes à feu avant une date quelconque, nous ne voulons pas non plus qu'on affaiblisse le projet de loi et qu'on laisse entendre qu'il n'est pas nécessaire de prendre les exigences d'enregistrement au sérieux ou, pire encore, que l'enregistrement est facultatif.

La Coalition pour le contrôle des armes s'oppose énergiquement à la décriminalisation de manquement à l'obligation pour tous les propriétaires d'armes à feu d'obtenir un permis. Nous nous opposons aussi à tout changement qui empêcherait de mettre en oeuvre un système d'enregistrement efficace et de garantir le respect de la loi. Après avoir consulté les experts juridiques et les policiers, nous appuyons les dispositions actuelles du projet de loi C-17 même si nous croyons qu'il faut laisser certains pouvoirs discrétionnaires aux policiers et aux tribunaux.

[Français]

En d'autres mots, après avoir consulté des experts juridiques et policiers, leur position est à l'effet d'appuyer le projet de loi tel que libellé, tout en étant d'accord pour laisser une certaine marge de manoeuvre à la police et à la magistrature, comme c'est le cas présentement dans le système.

[Traduction]

En outre, afin d'assurer une application uniforme dans tout le pays et d'empêcher l'invalidation de certaines dispositions du projet de loi C-68 dans une province, la Coalition exige un article interdisant le recours à des mesures de rechange relativement à la Loi sur les armes à feu comme, par exemple, celle qui est prévue à l'article 717 du projet de loi C-41. Nous voulons aussi un autre article conférant au procureur général du Canada le pouvoir de poursuivre, afin que les procureurs de la Couronne fédéraux puissent agir lorsque leurs homologues de la Couronne provinciaux sont empêchés de le faire par le procureur général de leur province.

[Français]

Je vais répéter ce paragraphe en français.

En outre, afin d'assurer une application uniforme dans tout le pays et d'empêcher l'invalidation de certaines dispositions du projet de loi C-68 dans une province, la Coalition exige un article interdisant le recours à des mesures de rechange relativement à la Loi sur les armes à feu comme, par exemple, celle prévue à l'article 717 du projet de loi C-41.

Nous voulons aussi un autre article conférant au procureur général du Canada le pouvoir de poursuivre, afin que les procureurs de la Couronne fédéraux puissent agir lorsque leurs homologues de la Couronne provinciaux sont empêchés de le faire par le procureur général de leur province.

Nous nous attendons aussi à ce que le lobby des armes tente par tous les moyens de bloquer ou de retarder l'entrée en vigueur de la loi, surtout sur l'enregistrement. La loi autorise la prise d'un règlement pour retarder la mise en oeuvre du système de permis de possession et de l'enregistrement.

Autrement dit, ce serait faisable, sans être obligé d'adopter une nouvelle loi, de retarder l'enregistrement des armes à feu. Donc, la possibilité de retarder la date définitive de l'entrée en vigueur laissera au lobby des armes l'occasion d'affaiblir ou de bloquer la loi après l'adoption du projet de loi C-68. Il pourrait continuer de faire du lobbying auprès du prochain gouvernement afin de repousser indéfinitement la mise en oeuvre du système d'enregistrement. Cette brêche doit être éliminée.

[Traduction]

Autrement dit, la possibilité de retarder la date définitive de l'entrée en vigueur laissera au lobby des armes l'occasion d'affaiblir la loi après l'adoption du projet de loi C-68. En réalité, ils pourraient continuer de faire du lobbying auprès du prochain gouvernement pour retarder indéfiniment la mise en oeuvre du système d'enregistrement. Cette brèche doit être éliminée.

.1605

[Français]

Parlons des ordonnances d'interdiction. Plus de 13 000 ordonnances d'interdiction sont rendues chaque année contre des individus qui représentent un risque pour la sécurité publique, afin de leur interdire d'avoir en leur possession une arme à feu.

Elles visent des personnes qui se trouvent dans toutes sortes de situations fort différentes: les délinquants en liberté conditionnelle, des gens accusés d'avoir commis un crime avec violence et qui sont en liberté sous caution, des personnes déclarées coupables de certaines infractions, des individus aux prises avec des situations à risque très élevé, comme la violence familiale, et des individus souffrant de dépression ou d'autres maladies mentales.

Des ordonnances d'interdiction sont des mesures préventives, capitales, qui doivent être prises au sérieux par ceux qu'elles visent. En vertu de la loi, violer une ordonnance d'interdiction constitue en soi une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité; c'est donc un acte criminel.

Dans notre premier cas, la peine prévue peut être une simple amende. Nous sommes au courant de cas où des délinquants ont été condamnés à une amende de 50 $ pour avoir enfreint une ordonnance d'interdiction. Étant donné que ces ordonnances s'appliquent à des individus considérés comme un risque pour la société, pour eux, avoir en leur possession une arme à feu équivaut donc à une violation délibérée de la loi, ce qui sous-entend une intention criminelle.

Nous recommandons donc que les infractions reflètent la gravité du geste et constituent donc toujours un acte criminel. Lorsque l'ordonnance d'interdiction a été rendue à la suite d'un acte violent ou criminel, il devra y avoir un emprisonnement obligatoire. Merci beaucoup.

Mme Louise Viau (professeur en droit, Université de Montréal, conseillère juridique): Juste quelques mots pour compléter l'aspect juridique du projet de loi.

[Traduction]

J'ai trois choses à dire au sujet du projet de loi, surtout à propos de sa validité constitutionnelle et de certains aspects dont ont parlé d'autres témoins devant le Comité.

Je vais d'abord parler de la disposition permettant aux provinces de ne pas adhérer au système adopté et réclamé par certains témoins. Quand j'entends de telles choses, je me demande si ces gens sont au courant de l'histoire du Canada et surtout des discussions qui avaient précédé l'adoption de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

[Français]

C'est la Loi constitutionnelle de 1867, la loi qui a donné lieu au partage des compétences entre le Parlement fédéral et les législatures provinciales.

[Traduction]

Au Canada, par opposition aux États-Unis, on avait décidé en 1867 que le noyau du pouvoir devait être le Parlement fédéral plutôt que les assemblées législatives provinciales parce que l'on pensait que ce serait un bon moyen d'unir le pays que d'avoir un seul droit pénal qui refléterait les valeurs communes à tous les habitants du pays.

Cela m'étonne beaucoup d'entendre certains dire qu'ils voudraient que les provinces puissent décider de ne pas considérer certains comportements comme criminels. Je ne suis pas certaine que ce serait une bonne chose que le gouvernement fédéral accepte une telle proposition.

Que je sache, au cours des 20 dernières années, on n'a pas vraiment envisagé de changer la répartition des pouvoirs entre le Parlement et les provinces pour permettre aux provinces de ne pas appliquer le droit pénal à l'intérieur de leurs frontières. Une telle chose serait très étonnante. Je n'en dirai pas plus long.

[Français]

Enfin, bien au-delà de cette question, si le Québec allait de l'avant dans son projet de séparation, il va sans dire qu'il aurait un droit criminel différent de celui des autres provinces.

.1610

Mais d'ici là, je ne crois pas que ce serait une bonne chose. Quant à moi, ce serait un dangereux précédent que de dire que le droit criminel ne serait pas le même d'un bout à l'autre de ce pays.

Sur ce point, cependant, je n'entrerai pas dans le débat qui me paraît, de toute façon, futile, de la validité d'une telle décision eu égard à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

La question a été abordée par mon collègue Tim Quigley de la Faculté de droit de l'Université de Saskatchewan qui a écrit à Me Dupuis, le secrétaire du Comité, sur cette question. Je pense que vous avez déjà accès à ce document.

[Traduction]

La deuxième chose dont je voudrais parler est la décriminalisation possible d'une première infraction. Je ne vois pas vraiment comment nous traiterions dans un tel cas quelqu'un qui n'a pas enregistré son arme à feu et qui est pris avec en sa possession une arme non enregistrée pour la première fois. Devrait-on modifier le Code criminel et dire qu'une première infraction n'est pas vraiment une infraction et que cela en deviendra une seulement s'il y a une deuxième infraction? Ou bien dirait-on clairement qu'il ne s'agit pas d'un délit criminel, mais simplement d'une infraction au règlement? J'ai souvent entendu des gens faire la comparaison avec l'enregistrement des automobiles. Comme vous le savez, l'enregistrement des automobiles relève de la compétence provinciale et non du gouvernement fédéral.

Selon le libellé actuel du projet de loi, le système d'enregistrement est tout à fait constitutionnel. Il est nettement valable puisqu'il découle du pouvoir colonial du Parlement. Je ne vois pas sur quoi on pourrait se fonder pour dire clairement qu'il s'agit d'une simple infraction au règlement. Peut-être qu'on pourrait le faire aux termes de l'article sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement, c'est-à-dire la disposition générale de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

[Français]

Il y aurait un risque si jamais on décidait d'aller de l'avant avec cette idée et si on indiquait clairement que certaines infractions relatives au non-enregistrement des armes seraient une infraction de type réglementaire plutôt qu'une infraction criminelle proprement dite. Il y aurait un risque de litige fondé sur le partage des compétences constitutionnelles. Je pense que cette question devrait être considérée sérieusement avant d'aller de l'avant avec cette option.

J'ai entendu également beaucoup de choses qui ont été dites au niveau de la validité des pouvoirs d'inspection qui sont prévus au projet de loi. J'ai relu attentivement ces dispositions et, connaissant les décisions récentes de la Cour suprême et plus particulièrement celles qui concernent l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés,

[Traduction]

qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.

Je suis tout à fait convaincue de la validité de ces dispositions à l'heure actuelle. Je ne voudrais pas les modifier. De son côté, mon collègue, M. Quigley, ajouterait simplement un mot à la version anglaise. J'imagine que c'est le rédacteur français qui a laissé tomber ce mot au départ. Dans la version anglaise, l'article 99 dit seulement «on reasonable grounds», alors qu'il serait préférable d'avoir «reasonable and probable grounds». Dans la version française,

[Français]

nous avons simplement des motifs raisonnables qui sont tout à fait valides et qui veulent dire la même chose. Alors, il n'y a pas de problèmes constitutionnels. Il y a peut-être eu un glissement dans la rédaction législative, mais il n'y a certainement pas de quoi remettre en question la procédure en tant que telle, laquelle distingue très bien entre les inspections dans des lieux qu'on pourrait qualifier de semi-publics, des lieux autres que la résidence d'un individu.

Dans le cas de la résidence, les inspections ne pourraient avoir lieu qu'avec l'autorisation du résidant ou encore après l'obtention d'un mandat, lequel devrait être obtenu en respectant toutes les règles qui sont usuelles dans le Code criminel, de telle sorte que cette mesure me semble tout à fait adéquate.

.1615

J'ajouterais une dernière chose sur ce point. Je parlerai en mon nom personnel plutôt qu'au nom de la Coalition parce que nous n'avons pas eu le temps de nous concerter sur ce point et de faire le tour de tous les organismes qui appuient la Coalition.

Au niveau de cette décriminalisation, je souscris entièrement à la position prise par la Coalition pour les raisons qui ont été invoquées par elle et tout particulièrement en ce qui concerne la question de la désobéissance civile qu'on nous brandit comme une menace en disant: Ne le faites pas parce qu'il y aura de la désobéissance civile.

Je pense que si on maintient la criminalisation avec toutes les conséquences que cela peut entraîner, ça va inciter les gens à respecter la législation et à ne pas donner suite à des velléités de désobéissance civile.

Il serait important également que ceux qui veulent suggérer de la désobéissance civile se rappellent, une fois que la loi sera adoptée et j'espère de tout coeur qu'elle le sera, que s'ils persistent dans cette voie, en tant que tel, cela constitue une infraction criminelle. Cela constituerait de l'incitation de leur part en agissant de la sorte. De telle sorte que je ne suis pas très inquiète qu'ils aillent bien loin avec cette idée de désobéissance civile. Je doute fort que cette idée soit suivie de façon générale.

Cependant, nous avons prévu dans nos amendements deux suggestions qui viseraient à contrecarrer toute velléité de désobéissance civile qui serait manifestée avec l'aval d'une province si tant est que ça se produise, ce dont je doute pour ma part. Je ne pense pas que les procureurs généraux des provinces, si la législation devait être adoptée, iraient jusqu'à dire: Nous ne ferons pas respecter cette législation.

Si jamais ils allaient de l'avant, nous avons donc suggéré qu'il y ait des dispositions ajoutées au présent projet de loi pour empêcher qu'une province crée un programme de mesures alternatives pour prévenir l'application de certaines dispositions de la loi et également une juridiction concurrente au procureur de la Couronne fédérale et provinciale, laquelle pourrait entrer en action justement au cas où une province voudrait ne pas appliquer la législation.

Par ailleurs, Heidi a bien indiqué que nous ne sommes pas opposés à l'exercice d'une discrétion par les procureurs de la Couronne et les policiers au cas par cas. Dans cette perspective du cas par cas, on pourrait peut-être également imaginer d'ajouter au projet de loi - et là je parle en mon nom personnel - une autre disposition.

[Traduction]

On pourrait ajouter une nouvelle disposition prévoyant des procédures intérimaires pour la confiscation d'une arme à feu sans que des poursuites soient engagées contre son propriétaire. Le propriétaire ne serait pas passible de poursuites au criminel, mais du moins, l'arme à feu serait confisquée en cas d'inobservation.

[Français]

Il pourrait y avoir une procédure in rem, qui pourrait s'attaquer aux armes non enregistrées et qui pourrait entraîner leur saisie et leur confiscation, comme ça se fait dans d'autres domaines du Code criminel actuellement. Je pense plus particulièrement à la saisie et à la confiscation de matériel obscène. Je vous remercie.

[Traduction]

Mme Cukier: Merci. Veuillez m'excuser, monsieur le président, d'avoir pris tant de temps.

Je dois dire aussi que Keith Carter, notre coordonnateur de la Saskatchewan, est assis au bout de la table.

Le président: Merci. Avez-vous terminé votre exposé?

Mme Cukier: Oui.

Le président: Nous allons maintenant passer aux questions.

.1620

Au premier tour de table, chaque parti aura dix minutes de parole. Après les tours de dix minutes, nous passerons aux tours de cinq minutes, en alternant entre le parti ministériel et l'opposition.

Je vais d'abord donner la parole à madame Venne.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Merci, monsieur le président. Bonjour mesdames et messieurs. Ce n'est pas surprenant, je vous regarde et je constate que c'est la première fois, je crois, depuis le début des audiences des témoins, que nous avons une majorité de femmes témoins. Alors, cela prouve bien l'opinion publique actuelle, je crois. C'est flagrant, quant à moi.

En premier lieu, je voudrais m'adresser à Me Viau, qui est professeur de droit, je crois. Tout d'abord, vous avez parlé du lien que devait créer un Code criminel pancanadien. Je ne suis pas certaine que ce soit une façon extraordinaire de faire un lien entre les provinces, mais enfin, c'est ce que vous avez dit.

Également, vous mentionnez que lorsque le Québec sera souverain, nous aurons un Code criminel qui sera différent des autres provinces. Vous laissez entendre qu'il sera différent. Alors, je pense que c'est de la spéculation parce qu'au lendemain d'une séparation, il a déjà été dit, à plusieurs reprises, qu'on adopterait d'une façon transitoire les lois actuelles du Canada. Alors, je pense que cela resterait à déterminer pour voir si notre Code criminel, à l'époque, sera si différent du vôtre.

Ceci étant dit, j'aimerais demander à la Coalition quelle sorte de compromis elle sera prête à faire éventuellement, parce qu'on s'enligne vers l'étape finale. Je regarde les amendements que vous proposez et il y en a plusieurs dont je pourrai me charger de transmettre au Comité facilement et que je pourrai moi-même lui suggérer. Si je regarde le fait de limiter la cession des armes militaires prohibées pendant cinq ans, si je regarde l'autorisation d'acheter des munitions, qui ne devrait être accordée qu'aux titulaires de permis... je pourrais mentionner plusieurs choses comme celles-là, qui certainement font notre affaire au Bloc Québécois et peuvent facilement être soumises au Comité.

Par contre, dans des négociations, on reçoit et on fait des concessions. J'aimerais savoir, dans le projet de loi C-68, ce que vous êtes prêts à faire comme concessions? Est-ce que ce serait sur les pouvoirs d'inspection? Est-ce que ce serait sur la décriminalisation du non-enregistrement des armes à feu, comme le mentionne Me Viau, mais d'une façon personnelle? Quel pas voulez-vous franchir ou si vraiment vos positions sont arrêtées et qu'il n'y a rien à faire?

[Traduction]

Mme Cukier: Je pense qu'il y a d'abord un certain nombre de choses à préciser.

Tout d'abord, et à notre avis, un certain nombre de concessions ont déjà été faites qui ont permis d'obtenir ce projet de loi. Comme vous vous en souviendrez, les dispositions concernant la cession de certaines armes à feu ont été adoptées pour reconnaître l'existence d'un droit acquis à certains propriétaires de fusils désormais interdits. Nous avons alors pensé que c'était une mesure raisonnable.

En ce qui concerne la décriminalisation, qui est un des sujets les plus controversés, je dirais tout de suite que nous avons procédé à une consultation très large. À ce sujet, nous nous rangeons à l'avis de l'Association canadienne des chefs de police et de leur conseiller juridique, qui est parmis nous d'ailleurs, aussi bien qu'à celui du professeur Viau, à savoir que cette décriminalisation pour non-enregistrement consisterait à donner un caractère facultatif à cet enregistrement. Toutes les modifications à ces dispositions devront donc à ce sujet être très claires.

Nous préférerions par ailleurs que le Comité se penche sur les questions entourant le problème des pouvoirs d'inspection: Si vous vous tenez au courant du débat en cours, vous verrez que certains ont manifesté une certaine inquiétude à ce sujet, et que l'on a accordé beaucoup d'attention à cette question des pouvoirs d'inspection.

.1625

Nos conseillers juridiques nous disent qu'à leur avis cela n'est pas un problème. Cependant, si vous vouliez savoir où faire des concessions, nous pensons que c'est un bon endroit.

En ce qui concerne l'enregistrement et les permis, si l'on veut que la population prenne tout cela au sérieux, comme mon collègue Vince Westwick l'a dit, il faut que la loi soit suffisamment contraignante. Les articles du Code criminel actuel prévoient une discrétion suffisante.

Ainsi, à l'heure actuelle, si l'on surprend grand-maman avec une arme de poing pour laquelle elle n'a pas de certificat d'enregistrement, celle-ci ne sera pas accusée de méfait ni envoyée en prison. On lui demandera simplement de remettre son arme ou de la faire enregistrer. Étant donné que dans notre pays les carabines et les fusils de chasse tuent davantage de personnes que les armes de poing... je ne vois pas pourquoi le fait de ne pas enregistrer une arme de poing devrait être considéré comme une infraction, mais que le fait de ne pas enregistrer sa carabine ou son fusil de chasse devrait être considéré comme insignifiant.

Telle est notre position.

[Français]

Mme Venne: Mon deuxième commentaire est le suivant. Si j'ai, entre autres, un reproche à faire au ministre de la Justice, c'est vraiment pour son manque de marketing. Et, si jamais, il fait une campagne à la «chefferie» - comme certains journalistes le mentionnent - , je crois qu'il aurait intérêt à changer son agence de marketing.

Le président: Pour quel parti?

Mme Venne: Oui... pour quel parti?

Le président: Nous avons un chef.

Mme Venne: Oui, mais les journaux disent, qu'éventuellement, il aimerait cela.

Alors, je pense qu'il devrait changer d'agence de marketing parce que, celle qu'il a présentement, n'a pas correctement informé la population à propos de ce projet de loi.

C'est incroyable... Il a circulé tellement de désinformation là-dessus, que les gens doivent faire des émissions à lignes ouvertes avec des animateurs. Là, ils ont l'opportunité d'en connaître un peu plus, car des personnes compétentes sont invitées à se prononcer sur la question.

Alors, je pense que c'est un reproche que l'on peut faire, à mon avis, au ministre de la Justice, celui d'avoir mal choisi son agence de marketing. J'aimerais donc que que vous me donniez votre opinion à ce sujet. Est-ce que vous considérez que la population est présentement bien informée sur le projet de loi?

[Traduction]

Mme Cukier: Je n'accuserais pas le ministre de la Justice. Pour beaucoup de personnes, toute cette question relève du simple bon sens... les experts disent que cela permettra de réduire le crime, qu'en fin de compte cela ne représente pas un fardeau indu pour les propriétaires d'armes à feu légitimes... Je pense que toute personne raisonnable, en étudiant les dispositions de la loi, estimera que les propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi devraient accepter de telles dispositions sans grand problème.

Peut-être le ministre de la Justice a-t-il sous-estimé la portée, les ressources et l'énergie qui ont été consacrées délibérément à cette désinformation. Nous avons acheté toutes sortes de documents qui ont été distribués par des groupes qui ont comparu devant le Comité où l'on dit que le ministre de la Justice veut interdire toutes les armes à feu et que l'enregistrement n'est qu'un premier pas en ce sens.

J'ai participé à un débat avec un membre du gouvernement, M. Chris Axworthy, qui a dit à la télévision nationale que l'enregistrement coûterait 100$ par arme à feu. Quand vous avez des politiciens qui s'allient au lobby des armes à feu...

Le président: Il s'agit d'un député et non d'un membre du gouvernement.

Mme Cukier: Je m'excuse, un député. Quand des députés, dont certains sont assis ici même, propagent ce genre de désinformation comme celle du lobby des armes à feu, on peut comprendre pourquoi le ministre de la Justice, comme beaucoup d'entre vous d'ailleurs, a des problèmes dans sa circonscription.

Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faut donner des renseignements exacts sur l'intention et le contenu de la loi et je vous encouragerais tous à le faire.

M. Ramsay (Crowfoot): J'aimerais souhaiter la bienvenue à la Coalition.

J'apprécie la sincérité avec laquelle vous avez fait vos propositions.

J'aimerais poursuivre sur la lancée des derniers commentaires que Mme Cukier a faits au sujet de la désinformation.

Le ministre de la Justice a dit il y a quelque temps qu'à son avis seuls la police et les militaires devraient avoir des armes à feu. Est-ce que vous estimez que c'est de la désinformation?

Mme Cukier: Il s'agit là à mon avis d'une opinion personnelle de la part du ministre et non d'une déclaration de politique gouvernementale. Il reflétait, si je ne me trompe, son expérience personnelle.

M. Ramsay: Il a dit qu'à son avis il devrait exister des zones où les armes à feu seraient interdites, particulièrement dans les villes, où les propriétaires d'armes à feu devraient entreposer leurs armes dans un endroit central. Estimez-vous qu'il s'agit là de désinformation?

.1630

Mme Cukier: Une fois de plus, je devrais pouvoir me reporter au cas précis. Si je comprends bien cependant, les commentaires du ministre de la Justice étaient de nature tout à fait personnelle et il a parlé des questions à l'étude. Je ne me rappelle pas l'avoir entendu dire que l'on allait instaurer des zones où les armes à feu seraient interdites. Peut-être avez-vous un exemple.

M. Ramsay: C'est ce qu'a dit, évidemment, le ministre de la Justice du Canada, au moment où il a précisé qu'il présenterait un projet de loi sur le contrôle des armes à feu conformément aux dispositions du livre rouge ou de la politique ou des instructions reçues du premier ministre. N'est-il donc pas réaliste de penser que la population pourrait tirer certaines conclusions de la déclaration faite par le ministre de la Justice canadien?

Mme Cukier: Au départ, oui; cependant, nous avons des exemplaires de brochures extrêmement précises sur la question qui ont été distribuées au cours des deux ou trois derniers mois et après le dépôt du projet de loi. Je peux comprendre que l'été passé la population se demandait ce qui figurerait dans la loi, mais la «Responsible Firearms Owners Coalition of B.C.», dans ces brochures, dit que le ministre de la Justice veut interdire toutes les armes à feu, que le lobbying contre les armes à feu veut utiliser tous les moyens possibles pour interdire toutes les armes à feu et que le gouvernement néo-démocrate de Colombie-Britannique a l'intention d'interdire la chasse. Ce genre de déclaration ne se fonde évidemment pas du tout sur les propositions du projet de loi.

Quand vous lisez ce que l'on dit en ce qui concerne les perquisitions sans mandat... vous savez très bien qu'il y a une grande différence entre une perquisition sans mandat et les pouvoirs d'inspection prévus dans le projet de loi. Se préoccuper de ces dispositions, c'est une chose, dire à la population que l'on s'oriente vers un état policier où la police peut faire irruption chez vous à 2 heures du matin sans mandat, c'en est une autre.

Je crois qu'il y a certaines personnes qui ne comprennent vraiment pas les dispositions du projet de loi, mais je crois qu'il y a également des personnes qui induisent délibérément la population en erreur en ce qui concerne le processus et l'intention du gouvernement.

M. Ramsay: Une fois que le projet de loi est rendu public, il est possible que les gens l'interprètent mal, mais il ne faudrait certainement pas que cela se fasse sciemment, cela serait mal. La population canadienne veut savoir la vérité, qu'il s'agisse de propriétaires d'armes à feu ou non, et je crois que toute tentative en vue d'induire quiconque en erreur est mauvaise.

Vous avez dit que 300 organisations appuient le projet de loi. Au cours de vos voyages avez-vous rencontré le procureur du Manitoba?

Mme Cukier: Non, mais un bon nombre d'organisations qui nous appuient l'ont rencontré, notamment l'Association des policiers du Manitoba et l'Association des chefs de police du Manitoba. Des lettres ont été envoyées.

M. Ramsay: S'agit-il de membres de votre association?

Mme Cukier: Oui.

M. Ramsay: Avez-vous rencontré le procureur général de l'Alberta?

Mme Cukier: Pas personnellement, mais si je ne me trompe, la police d'Edmonton et de Calgary ont eu des discussions avec le procureur général de l'Alberta sur cette question.

M. Ramsay: Le procureur général de la Saskatchewan et des deux territoires?

Mme Cukier: Keith Carter a eu des réunions avec le procureur général de la Saskatchewan.

M. Ramsay: Et le ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest?

Mme Cukier: Nous n'avons pas eu de réunions avec le ministre de la Justice dans les Territoires du Nord-Ouest, ni au Yukon.

M. Ramsay: Et le ministre de la Justice du Yukon?

Mme Cukier: Nous n'avons pas eu de réunion avec eux. Nous avons cependant eu des réunions avec les procureurs généraux de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Québec et nous avons correspondu avec les procureurs généraux des provinces de l'Est du pays.

M. Ramsay: Appuyez-vous les dispositions du projet de loi C-17?

Mme Cukier: Le projet de loi C-17?

M. Ramsay: Oui, le projet de loi de Mme Campbell dont les dispositions font maintenant partie du Code criminel. L'appuyez-vous?

Mme Cukier: Nous avons appuyé ce projet de loi dans les grandes lignes, mais nous avons dit qu'il n'allait pas assez loin.

M. Ramsay: Vous appuyez donc tous les aspects de cette loi?

Mme Cukier: Si je me rappelle bien, mais il y a peut-être des dispositions que vous voudrez peut-être me signaler avec lesquelles je pourrais ne pas être d'accord. Vous pourriez donc être plus spécifique.

M. Ramsay: Nous portons toujours notre attention sur l'aspect pratique qui préside à l'élaboration d'une loi.

.1635

Nous avons entendu des témoins des Territoires du Nord-Ouest qui nous ont parlé de certaines difficultés que pose la loi existante sur le plan pratique. Je vous donne un exemple: je crois que tout le monde souhaite que les armes à feu soient entreposées de manière sécuritaire, mais le projet de loi exige que l'arme elle-même soit entreposée dans une pièce, sous verrou, et que les munitions soient entreposées dans une autre pièce. Comment cela peut-il se faire dans une cabane à une seule pièce dans les Territoires du Nord-Ouest, ou dans quelque autre région du Canada?

Mme Cukier: En fait, monsieur Ramsay, si vous pensez aux carabines ou aux fusils de chasse, il suffit d'entreposer les munitions dans un coffret sécuritaire. On peut aussi verrouiller l'arme. On peut la mettre dans un étui. Il ne faut pas oublier par ailleurs que la loi existante prévoit certaines exceptions à la règle. Ainsi, il est bien dit dans la réglementation que les personnes vivant dans des endroits où il leur faut avoir facilement accès à une arme à feu à cause de la menace que représentent les prédateurs ou les animaux nuisibles sont exemptées des règles concernant l'entreposage sécuritaire.

L'entreposage sécuritaire peut prendre diverses formes. Le verrouillage de l'arme est manifestement une forme d'entreposage sécuritaire. On peut aussi répondre aux exigences à cet égard en mettant simplement les munitions dans un coffret verrouillé.

M. Ramsay: Merci. Ainsi, quand on laisse entendre que la personne qui possède une arme à feu et qui habite dans une cabane ou un appartement à une seule pièce...

Mme Cukier: Serait obligée de se construire une seconde pièce? Non, c'est faux.

M. Ramsay; Il serait faux de dire cela?

Mme Cukier: Je crois que oui.

M. Ramsay: Vous opposez-vous à ce qu'on soit autorisé à posséder une arme à feu pour assurer sa propre protection?

Mme Cukier: S'il s'agit d'assurer sa propre protection au lieu de s'en remettre à la police, je crois que la loi existante ne permet aux particuliers de se munir d'une arme à feu à cette fin que dans des circonstances très particulières.

M. Ramsay: Je vous ai demandé ce que vous en pensiez. Que pensez-vous du recours aux armes à feu comme moyen d'assurer sa propre protection?

Mme Cukier: Je crois qu'il a été démontré très clairement que la prolifération d'armes à feu devant permettre aux particuliers de se protéger eux-mêmes contribue à un accroissement du nombre de personnes tuées par balle. L'exemple des États-Unis est on ne peut plus clair. L'intérêt de ce projet de loi tient notamment à ce qu'il indique sans équivoque: ce n'est pas en nous armant tout un chacun que nous rendrons nos rues plus sécuritaires.

M. Ramsay: Recommanderiez-vous en conséquence le retrait de la disposition 19a) du projet de loi C-68, qui permet de s'armer pour protéger sa vie ou celle d'autrui? Nous recommanderiez-vous d'éliminer cette disposition du projet de loi C-68?

Mme Cukier: La loi existante permet déjà au particulier qui en a besoin pour se protéger et qui peut faire la preuve que la police n'est pas en mesure de lui assurer une protection suffisante de posséder une arme à feu devant servir à sa protection, et nous considérons qu'il s'agit là de critères raisonnables.

Nous partons du principe que le Canadien moyen n'a pas besoin d'une arme de poing pour se protéger. Je le répète, nous avons les preuves à l'appui. Nous craignons énormément que les éléments extrêmes du lobby des armes à feu réussissent à faire accepter leur thèse, à savoir que plus il y aura d'armes à feu, plus les Canadiens seront en sécurité.

Nous savons pertinemment - et nous avons des preuves à l'appui - que des campagnes ont été organisées à l'intention des femmes pour leur faire croire que, si elles étaient plus nombreuses à être armées, elles pourraient mieux se protéger contre les violeurs. Avec un message comme celui-là, on peut vendre beaucoup d'armes, mais on peut aussi tuer beaucoup de femmes. Ce sont des arguments que nous rejetons carrément.

Mme Torsney (Burlington): Je souhaite la bienvenue à tous les témoins. Je sais que vous avez travaillé très fort sur cette question, que vous êtes dévoués et que vous vous occupez de ce dossier depuis bon nombre d'années.

J'ai eu moi aussi l'honneur d'assister à Kamloops à une rencontre sur les armes à feu organisée par le Parti réformiste; la rencontre avait attiré 450 personnes, des propriétaires d'armes à feu pour la plupart. Seulement deux ou trois d'entre eux, ou peut-être sept, avaient demandé à faire vérifier les mesures qu'ils avaient prises pour l'entreposage sécuritaire de leurs armes.

J'ai trouvé que la rencontre avait du piquant quand on s'est mis à parler d'UZI et que 150 participants ont levé la main pour dire qu'ils aimeraient peut-être s'en procurer un.

.1640

Vous vous demandiez si nous n'étions pas en train de faire nôtre la mentalité américaine, nos voisins étant partisans d'un liberté toujours plus grande en ce qui concerne les armes à feu et du droit de chacun de s'armer pour se protéger. Nous n'en sommes certainement pas loin.

Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus long sur la criminalité et les armes de contrebande. Est-ce vraiment les armes de contrebande qui font problème ou est-ce plutôt les armes qui se trouvent en la possession de citoyens respectueux de la loi mais qui sont mal entreposés ou volés.

Je voudrais également que vous nous donniez plus de détails - je ne crois pas que vous l'ayez fait dans votre exposé - au sujet des modifications que vous proposez relativement aux ordonnances d'interdiction. De toute évidence, ces ordonnances n'ont pas toujours été utilisées comme elles auraient dû l'être.

Prenons l'exemple de Jonathon Yeo, qui est censé avoir tué deux personnes, une à Burlington et une autre au Nouveau-Brunswick. Des accusations pesaient contre lui, mais personne n'a pris la peine de faire émettre une ordonnance d'interdiction contre lui.

Quand on l'a arrêté, il avait une arme à feu en sa possession. Rien ne l'empêchait puisqu'aucune restriction ne lui avait été imposée. S'il en avait été autrement, peut-être que deux jeunes Canadiennes seraient toujours vivantes aujourd'hui.

Je voudrais que vous nous expliquiez les deux modifications que vous proposez et que vous nous en disiez un peu plus long sur la question de savoir si ce sont uniquement des armes de contrebande qui sont en cause dans les actes criminels ou si ce sont aussi les armes qui se trouvent en possession de citoyens respectueux de la loi.

Mme Cukier: Vous vous souviendrez de la controverse que cette question avait soulevée lors des dernières audiences du comité sur le sujet. Certains témoins soutenaient que c'étaient les armes de contrebande qui étaient à l'origine du problème. D'autres affirmaient que c'étaient plutôt les armes légales.

À mon avis, certaines des observations que le vérificateur général a faites dans son rapport témoignaient d'un manque d'information empirique.

Nous avons maintenant des données empiriques qui viennent appuyer la position qui a toujours été celle des chefs de police et des professionnels de la santé publique, à savoir qu'on ne peut tout simplement pas faire cette distinction claire et nette entre les armes appartenant à des détenteurs d'armes à feu respectueux de la loi et celles qui se retrouvent entre les mains des éléments criminels.

Quand une arme est utilisée pour commettre un crime au Canada, il s'agit dans près de la moitié des cas d'une carabine ou d'un fusil de chasse. Or, nous n'avons pas la moindre preuve que des carabines et des fusils de chasse arrivent ici en contrebande. C'est sans doute en partie parce qu'ils sont difficiles à cacher comparativement aux armes de poing. Voilà un premier élément.

Nous savons également que 40 p. 100 de tous les actes criminels commis à l'aide d'une arme de poing au Canada sont commis à l'aide d'une arme qui avait déjà été enregistrée ou possédée en toute légalité. À Edmonton, le pourcentage est plus élevé, tandis qu'à Toronto, il est un peu plus bas.

Il faut se demander si les armes à feu qui se trouvent entre les mains de personnes autorisées à les posséder ne contribuent pas au problème de la criminalité parce qu'elles sont volées ou que leurs propriétaires les utilisent à mauvais escient. Par ailleurs, la loi existante comporte une énorme lacune du fait qu'il suffit d'avoir une AAAF pour acheter toutes les armes à feu que l'on veut. Pour retracer les propriétaires de ces armes, il faudrait que la police fasse des perquisitions chez tous les armuriers du Canada.

Comme ces faits sont maintenant documentés, il apparaît d'autant plus nécessaire d'adopter une nouvelle loi. En tout cas, notre position est d'autant plus étayée qu'elle ne l'était en 1990, quand nous avons amorcé notre campagne.

Pour ce qui est des modifications, je crois que Heidi et Louise pourront vous éclairer.

Mme Rathjen: Lors de l'examen du projet de loi C-17, nous avions demandé un élargissement des circonstances dans lesquelles une ordonnance d'interdiction pouvait être émise. Le nouveau projet de loi prévoit effectivement un plus grand nombre d'infractions qui pourraient donner lieu à une ordonnance obligatoire ou discrétionnaire. En outre, le juge qui refuse une ordonnance d'interdiction doit indiquer les motifs de sa décision, et c'est exactement ce que nous souhaitions voir.

La seule lacune à cet égard que nous avons pu déceler dans le projet de loi concerne la violation d'une ordonnance d'interdiction. Il se pourrait que la violation ne donne lieu qu'à une amende. Étant donné que ces ordonnances d'interdiction ne sont émises que dans des cas très sérieux et que toute violation serait délibérée, nous estimons qu'il faudrait toujours considérer qu'il s'agit d'une infraction criminelle.

Nous demandons que toute personne visée par une ordonnance d'interdiction émise aux termes des articles 109 ou 110 - il s'agit donc d'une personne qui a été reconnue coupable d'un acte criminel commis avec violence, contrairement à une autre qui serait peut-être visée par une ordonnance d'interdiction parce qu'elle est suicidaire - se voit obligatoirement imposer une peine d'emprisonnement minimale.

Mme Torsney: Croyez-vous, madame Cukier, que les données empiriques que vous avez devraient suffire à convaincre le ministre de la Justice du Manitoba du bien-fondé de la disposition visant l'établissement d'un système d'enregistrement?

.1645

Mme Cukier: Très franchement, j'ai trouvé son témoignage tout à fait ahurissant, puisqu'elle ignorait les taux de décès et de blessures.

Je dois dire également que le mémoire du ministre de la Justice de l'Alberta m'a également semblé stupéfiant car il n'y est nullement question des décès ou blessures par balle ni de la provenance des armes à feu. On y énumère les groupes qui appuient sa position et c'est à croire qu'il est ministre de la Chasse et du Tir à la cible car il n'y est absolument pas fait mention de la prévention du crime ou de la prévention des blessures.

Je pense que nous devons peut-être assumer une part de la responsabilité à cet égard car, dans nos efforts, nous avons presque exclusivement mis l'accent sur le gouvernement fédéral et les politiciens fédéraux.

Voyez les organisations de défense des armes à feu. Vous avez entendu, lundi, les organismes provinciaux représentant les propriétaires d'armes à feu. Ces derniers se sont rendus compte que leurs efforts n'aboutiraient pas au gouvernement fédéral et ils se sont donc tournés vers les gouvernements provinciaux. Je vous le dis tout net, certains de ces mémoires auraient pu être écrits par les propriétaires d'armes à feu de ces provinces.

Le problème tient peut-être en partie au manque de consultation auprès des spécialistes de la santé et de la sécurité. Une fois qu'on a pris position, c'est très difficile de dire qu'on n'avait pas tous les renseignements voulus et de changer son fusil d'épaule.

À dire vrai, dans les provinces de l'Ouest, il y a un problème du côté des armes légales. On a avancé de très bons arguments en faveur de l'enregistrement des armes à feu. Peut-être ces messages n'ont-ils pas été communiqués à ces gens-là avec autant de force que les arguments de la partie adverse.

Mme Torsney: J'ai remarqué que, dans la liste des gens qui vous appuient, figure un nombre impressionnant d'organisations de la santé. Il y a là des gens qui sont en première ligne et qui doivent traiter des blessures faites par balle et des tentatives de suicide. Nous avons assurément entendu, aujourd'hui, un témoignage impressionnant. Vous énumérez également une longue liste de groupes communautaires et de femmes.

La semaine dernière, je crois, nous avons entendu quelqu'un qui nous a dit que si les groupes de femmes appuient ce projet de loi, c'est parce que les femmes sont mal informées et ne comprennent pas le problème. Je crois que c'était dans le témoignage de Mme Ross.

Pouvez-vous me dire si vous avez consulté des groupes de femmes? Sont-elles bien informées à ce sujet? Leur appui est-il justifié?

Mme Cukier: Deux choses. Premièrement, je crois que les sondages montrent qu'il y a une fracture selon les sexes quant à l'appui au contrôle des armes à feu. Toutefois, l'écart n'est pas aussi grand que celui que l'on observe entre les régions.

Si l'on prend, disons, le Québec et l'Alberta, on constate un écart de peut-être 15 points. Si l'on examine les résultats globaux pour les hommes et les femmes, il y a peut-être un écart de 12 points.

Il y a effectivement des attitudes différentes chez les hommes et les femmes au sujet des armes à feu. Je crois que beaucoup des groupes de femmes qui appuient le contrôle des armes à feu, envisagent la chose sous l'angle de la violence familiale.

Je crois que les représentants de l'Association provinciale des foyers d'accueil de la Saskatchewan, ainsi que du Conseil provincial des femmes, ont remis un mémoire sur les décès et les blessures en Saskatchewan. On y explique, de façon très succincte, que du point de vue d'une femme qui subit des actes de violence dans son propre foyer, la notion de l'élément criminel n'a absolument aucune pertinence. Nous savons que le risque, pour les femmes, ne vient pas des étrangers qui jaillissent des buissons armés de pistolets acquis illégalement, tout comme le risque pour les enfants n'est pas tellement de se faire enlever par des étrangers. La violence à l'aveuglette attire beaucoup l'attention, mais les gens qui travaillent en première ligne dans les foyers d'accueil savent bien que le problème vient très souvent des propriétaires d'armes à feu prétendument respectueux des lois qui ont acquis tout à fait légalement leurs armes.

Quand j'ai dit qu'il n'y avait aucune preuve empirique sur l'utilisation à mauvais escient d'armes acquises illégalement avant que les chefs de police ne présentent les résultats provisoires de leur étude, ce n'est pas tout à fait vrai. La meilleure étude qui s'est penchée sur l'utilisation des armes à feu dans des actes criminels mettait spécifiquement l'accent sur la violence familiale.

C'est une étude qui a été faite, il y a quelques années. Elle montrait que 78 p. 100 des armes à feu ayant servi à tuer des femmes dans des situations de violence familiale avaient, à un moment donné, été acquises légalement. Environ 35 à 45 p. 100 des femmes tuées par leurs conjoints sont abattues.

La preuve que les armes acquises légalement était un élément du problème était donc acquise il y a déjà quelques années, mais c'était dans le contexte de la violence familiale. Les chefs de police ont donc ajouté davantage de renseignements sur l'utilisation à mauvais escient d'armes acquises légalement dans une plus vaste gamme d'actes criminels. Je crois que c'est la raison pour laquelle les organisations regroupant des femmes qui travaillent en première ligne appuient fermement cette mesure.

[Français]

Le président: Madame Venne, vous avez cinq minutes.

Mme Venne: Merci, monsieur le président.

.1650

Monsieur le président, je regarde votre amendement au sujet du contrôle des munitions. Vous n'avez pas mentionné qu'il fallait des dispositions transitoires jusqu'à ce que la loi soit mise en application totalement. J'ai bien l'impression que c'est tout de même ce à quoi vous adhérez et en attendant que la loi soit complètement mise en application, il faudra bien que quelqu'un puisse présenter un permis de conduire pour aller chercher des munitions, tant que tout le monde n'aura pas son permis de possession d'arme.

Ceci étant dit, j'aimerais vous demander ce que vous faites de l'argument du fameux permis - un argument qu'on nous a apporté - d'un fermier qui est aux prises avec un coyote et qui doit demander à sa femme d'aller chercher des munitions. Elle n'a pas de permis de possession d'armes à feu. C'est la panique générale. Que fait-on de cela? Une situation qui est, je dois avouer, exceptionnelle. On me dit que pour nous, les gens de la ville, c'est exceptionnel, mais pour les gens qui vivent sur des fermes, ce ne l'est pas.

Mme Rathjen: Dans les cas où les gens habitent dans des régions rurales, qu'ils ont des armes à feu au cas où il y aurait des prédateurs dangereux, ils doivent avoir une réserve de munitions dans la maison. Si le mari sait que sa femme ne peut pas aller acheter des munitions dans un cas spécifique, il va s'organiser pour en avoir en réserve. De la même façon pour le permis de conduire, ceux qui prévoient devoir conduire, auront leur permis de conduire. Je pense que ce n'est pas trop demander que d'avoir une réserve de munitions achetées par la personne qui a le permis de possession, justement pour les cas d'urgence.

Mme Venne: Vous ne feriez donc pas d'exception pour ces gens-là?

Mme Rathjen: Non.

Mme Venne: Me Viau, je ne vous ai pas très bien suivie tout à l'heure quand vous avez élaboré sur le fait qu'on ne pouvait pas mettre dans une loi réglementaire des amendes au lieu de passer forcément par le Code criminel. Je parle évidemment de la décriminalisation du non-enregistrement des armes à feu. J'aimerais que vous me réexpliquiez ce que vous avez mentionné tout à l'heure, parce qu'il y a quand même des lois réglementaires fédérales. Vous avez dit tantôt qu'on avait comparé cela à la Loi sur les permis de conduire, qui est, je crois, une loi provinciale, etc., mais il y a des lois fédérales qui sont réglementaires, comme la Loi sur l'accise, qui comprend des amendes; alors, je me demande si je n'ai pas très bien suivi votre exposé.

Mme Viau: En matière d'accise, vous avez une disposition spécifique. Je ne pourrais pas vous dire quel est le paragraphe de l'article 91 de la loi constitutionnelle de 1867, mais je sais qu'il y en a un qui confère au Parlement fédéral une compétence exclusive en matière d'accise. Donc, il n'y a aucune difficulté pour le Parlement fédéral à légiférer en dehors de sa compétence en droit criminel sur cette matière.

Pour la Loi sur les banques, c'est la même chose. Dans le domaine de l'aéronautique, la protection des oiseaux migrateurs... Ce sont tous des domaines de juridiction fédérale qui ne sont pas des domaines qui ressortent du droit criminel proprement dit, du paragraphe 91(27) et, bien sûr, le Parlement fédéral, pour assurer le respect de ces législations, peut recourir au modèle pénal et donc assortir ses lois de sanctions à caractère pénal, créer des infractions.

En ce qui concerne le domaine des armes à feu, vous n'avez pas spécifiquement à l'article 91 un autre paragraphe qui serait également pertinent, d'où la difficulté d'adopter une législation en dehors du paragraphe 91(27); il faudrait le faire par la clause résiduelle concernant la paix, l'ordre et le bon gouvernement, si on devait le faire.

Je ne suis pas une grande spécialiste de l'interprétation de cette clause. Je sais que le Parlement fédéral y a eu recours dans le passé, notamment pour enrayer l'inflation avec la loi anti-inflation, mais ça donne toujours lieu à des débats d'ordre constitutionnel, à savoir si c'est de juridiction fédérale ou si c'est un empiétement sur la compétence constitutionnelle des provinces.

L'autre petite difficulté se trouve au niveau de la différence pour le justiciable, du fait que l'infraction se retrouve au Code criminel ou dans une autre loi.

.1655

Si on dit que l'infraction est de type réglementaire, compte tenu de l'interprétation que la Cour suprême a donnée aux infractions réglementaires, d'abord relativement à l'arrêt de Sault-Sainte-Marie et, plus récemment, dans l'affaire Wholesale Travel Group Inc., ça a pour effet d'inverser la charge de la preuve sur les épaules du justiciable. La Cour suprême a dit que c'était tout à fait constitutionnel d'agir de la sorte.

Un dernier élément. On pourrait dire que ça fait une différence sur le casier judiciaire, mais quand je lis la Loi sur le casier judiciaire, je m'aperçois qu'il y a une inscription au casier judiciaire pour toute infraction à une loi fédérale ou à un de ses règlements. Je ne vois pas de différence là non plus.

[Traduction]

Le président: Monsieur Gallaway, vous avez cinq minutes.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Merci, monsieur le président.

Vous avez utilisé dans votre exposé une expression qui n'est pas nouvelle pour nous. Vous avez parlé de «preuve empirique». Ainsi, un des médecins comparaissant ce matin a réfuté l'affirmation d'un autre médecin, à savoir que si les études du New England Journal of Medecine portaient sur les contrôles des armes à feu, c'est que le rédacteur avait un parti pris, ou quelque chose comme ça.

De nombreux témoins nous ont parlé du forum Fraser et d'un certain Gary Mauser. L'un des mémoires reçus cette semaine mentionnait - je n'ai pas le mémoire sous les yeux et je ne voudrais pas me tromper dans les chiffres - que, chaque année, 23 000 Canadiens utilisaient une arme à feu pour se protéger, en guise d'autodéfense. Je ne parle pas ici de se protéger contre des animaux ou de se protéger contre les périls de la nature, mais de se protéger contre autrui. Cela me semble phénoménal comme chiffre, et cela me laisse pantois. Que dites-vous de ce nombre qui, dans certains milieux, est accepté comme parole d'Évangile?

Mme Cukier: Deux commentaires. D'abord, il faut faire la distinction entre la preuve empirique, d'une part, et la façon dont vous analysez cette preuve, d'autre part. Je faisais valoir que nous n'avions pas autrefois de l'information ni de chiffres sur l'origine des armes à feu. Or, ce que vous pouvez déduire de ces données et le sens que vous leur attribuez, c'est de l'interprétation.

Gary Mauser me semble un exemple intéressant. On le prend généralement pour un criminologue, or il enseigne les études commerciales, tout comme moi, à l'Université Simon Fraser. Sa biographie omet souvent le fait qu'il est le porte-parole de la Fédération de la faune de la Colombie-Britannique et que sa recherche de 1988 a été subventionnée par la National Rifle Association. Il avait autrefois la nationalité américaine.

Dans ces circonstances, il me semble que l'on peut avoir dès le départ des doutes sur son objectivité. Puisque vous parlez de cette étude dans laquelle on affirme que les Canadiens utilisent des armes à feu 32 000 fois par année pour se protéger, il faut prendre un certain recul et se demander sur quoi se fonde l'étude.

En fait, elle se fonde sur un sondage téléphonique auprès de 393 personnes à qui on a posé la question suivante: «Mis à part le service militaire ou des fonctions policières, avez-vous déjà utilisé une arme à feu? Avez-vous vous-même déjà utilisé une arme à feu pour vous protéger ou protéger vos biens chez vous, au travail ou ailleurs, même s'il n'y a pas eu de coup de feu, et était-ce au cours des cinq dernières années? Un membre de votre famille l'a-t-il déjà fait? Dans l'affirmative, était-ce pour vous (se) protéger contre un animal, une personne ou les deux?»

Examinons un peu la question. Ce que l'on veut savoir, c'est si vous vous êtes précipité sur votre fusil de chasse après avoir entendu du bruit à l'extérieur pendant la nuit. Si c'est le cas, vous auriez fort bien pu répondre par l'affirmative à la question. Mais la question ne fait pas la distinction entre la perception et la réalité. Dans combien de ces cas présumés la police a-t-elle pu documenter l'affaire et établir qu'on avait bel et bien utilisé une arme à feu? Voilà pour le premier commentaire.

Mon deuxième commentaire porte sur l'échantillonnage, soit 12 personnes qui avaient affirmé avoir utilisé leur arme à feu pour se protéger: six d'entre elles ont affirmé l'avoir fait pour se protéger contre des individus. Or, ce n'est que perception et rien d'autre. L'auteur a extrapolé les résultats, en se fondant uniquement sur la réponse de six personnes qui lui avaient répondu par téléphone avoir utilisé leur arme à feu au cours des cinq dernières années, et c'est ainsi qu'il a établi son chiffre de 32 000. Non seulement on a critiqué la taille de l'échantillonnage, mais si vous demandiez à un nombre semblable de personnes si, d'après elles, Elvis est toujours en vie, j'ai l'impression que vous obtiendriez la même réponse.

Cette recherche n'est tout simplement pas fondée.

Le fait qu'on cite cela, et également les recherches de Suter, le médecin qui est contre l'auto-protection, des recherches qui, dans l'ensemble, n'ont pas été entérinées par ses pairs, tout cela s'inscrit en faux contre les recherches très volumineuses qui confirment l'efficacité du contrôle des armes à feu. Pour une universitaire, tout cela est parfaitement comique.

.1700

M. Gallaway: Il y a également toute la question du système d'enregistrement actuel et des armes de poing. On nous dit que ce système est en place depuis 1936 et qu'il ne fonctionne pas de façon satisfaisante.

Je dois reconnaître que le système change, que l'analogie n'est peut-être pas tout à fait justifiée, mais je n'irais jamais voir un médecin qui se targue d'utiliser uniquement des technologies antérieures à 1936.

Comment considérez-vous ce processus comparé à l'ancien système?

Mme Cukier: Pour commencer, vous devez vous poser la question: «Que ce passerait-il s'il n'y avait pas de système d'enregistrement des armes à feu?» À mon avis on n'a pas besoin de chercher très loin pour savoir ce qui se produirait si les armes de poing n'étaient pas enregistrées, il suffit de se tourner vers ce grand laboratoire que nous avons au sud de la frontière.

Quant à dire que l'enregistrement des armes de poing n'a eu aucun effet, cela revient à demander si le verre est à moitié vide ou à moitié plein. Il est certain qu'il reste des problèmes avec les armes de poing, mais il est certain également qu'en contrôlant strictement les armes de poing nous avons amélioré la sécurité.

D'autre part, comme vous le dites, la technologie utilisée pour ce système ou pour celui de la Nouvelle-Zélande est aujourd'hui archaïque. Aux fins de la discussion, j'ai annexé à notre documentation une liste des pays d'Europe qui, en plus d'un permis de possession pour les armes d'épaule, ont un système d'enregistrement. C'est la norme dans les pays civilisés du monde occidental. L'exemple des États-Unis est une véritable aberration.

M. Hill (Prince George - Peace River): Merci, bienvenue au Comité.

Je vais commencer par une question et je vous demanderais d'y répondre de la façon la plus succincte possible pour me permettre, non seulement à moi mais aux autres membres du Comité, de poser de plus nombreuses questions.

Dans votre document et dans votre exposé, vous parlez de 3 000 armes volées. Vous dites ensuite qu'un système d'enregistrement règlerait en partie ce problème. De quelle façon cela règlerait-il le problème?

Mme Cukier: La police a déclaré clairement que nous avons des règlements sur l'entreposage sécuritaire des armes à feu, mais qu'en réalité, on n'exige pas des propriétaires d'armes à feu qu'ils s'acquittent de leurs responsabilités, ce qui contribue au problème dont le sous-chef Cassels a parlé, le fait que beaucoup de gens n'entreposent pas leurs armes d'une façon sécuritaire.

Avec l'enregistrement, les gens seront plus tenus de s'acquitter de leurs responsabilités et d'entreposer leurs armes d'une façon sécuritaire.

M. Hill: Autrement dit, les armes qui sont sous clé sont moins faciles à voler et pourtant, on a vu de nombreux exemples d'armoires arrachées des murs et d'armes volées. Les gens savent où elles se trouvent.

Mme Cukier: Absolument, de même qu'il ne suffit pas de verrouiller sa voiture pour s'assurer qu'elle ne sera pas volée, mais cela réduit les probabilités. C'est la même chose, c'est une question de probabilités.

M. Hill: Je vois.

Peut-être pourriez-vous m'aider à mettre les choses au point. Beaucoup de gens prétendent, moi-même entre autres, que si des éléments criminels avaient accès à cette liste...

Supposons un instant que tout le monde se conforme à la loi et que toutes les armes à feu soient enregistrées et inscrites dans une banque centrale de données quelque part dans un ordinateur. Nous savons que les ordinateurs ne sont pas sécuritaires, nous savons qu'ils sont sans cesse à la merci des pirates.

Certains pensent que cette liste pourrait véritablement encourager le vol d'armes à feu puisque, une fois en possession de cette liste, les voleurs sauraient où trouver des armes.

Mme Cukier: Ce n'est pas ce qui s'est produit avec le système d'enregistrement des armes de poing.

À Winnipeg, on nous a dit que pour trouver des armes à feu, les voleurs s'emparaîent d'un enfant et le forçaient à dire à quel endroit une arme était cachée chez ses parents. Ce sont ces maisons-là qui sont cambriolées de préférence. On peut également, et c'est très facile, faire le guet à proximité d'un club de tir et suivre les gens lorsqu'ils rentrent chez eux.

Tous les arguments au sujet de la sécurité ou de l'absence de sécurité d'un système d'enregistrement - et je donne des cours sur les système d'information - ressemblent à ceux qu'on utilise quand on dit que les banques étant maintenant informatisées, il va être possible de découvrir qui a le plus d'argent dans le pays et de cambrioler ces gens-là de préférence.

.1705

En fait, c'est un argument fallacieux. Il existe des moyens plus faciles que le piratage pour obtenir des renseignements sur les propriétaires d'armes à feu.

Les mesures de sécurité qui régissent le système seront comparables à celles qui existent déjà au CIPC et dans d'autres services policiers.

Vous avez raison, c'est un risque possible. Des gens ont réussi à pénétrer les systèmes informatiques militaires. Il y a toutefois des moyens plus faciles de découvrir où sont les armes que de pénétrer les banques de données.

M. Hill: Il y a peut-être des moyens plus faciles; toutefois, il n'existe pas de liste complète des propriétaires d'armes d'une ville, du type d'arme qu'ils possèdent et des endroits où ils les conservent.

En réponse à la désinformation répandue par les gens d'avis contraire, ceux que vous appelez le lobby des armes à feu, vous avez dit que, dans le domaine des armes à feu, contrôle n'est pas synonyme d'abolition. En fait, si ce projet de loi est adopté, un demi-million d'armes de poing acquises légalement seront inscrites dans la liste des armes prohibées.

Mme Cukier: Qu'arrivera-t-il aux propriétaires de ces armes?

M. Hill: Ils pourront conserver leurs armes, mais ils ne pourront les vendre qu'à des personnes appartenant à une catégorie semblable, si j'ai bien compris.

Mme Cukier: C'est un peu comme si les armes étaient confisquées, n'est-ce pas?

M. Hill: En fin de compte, ce sera le cas.

Mme Cukier: Je n'arrive pas à vendre un lit de bébé qui ne répond plus aux normes de sécurité. Pourtant, je ne saurais prétendre qu'il s'agit d'une confiscation.

M. Hill: Lorsque les armes à feu sont inscrites dans la liste des armes prohibées, elles finissent par être interdites d'une façon ou d'une autre. Elles devront être remises au gouvernement.

Permettez-moi de passer à vos modifications. Vous proposez entre autres une modification au paragraphe 5(2). D'après cet article, on peut refuser à quelqu'un la propriété d'armes à feu si cette personne a commis des infractions antérieures, souffert d'une maladie mentale, etc., au cours des cinq dernières années. Vous proposez que cette période de cinq ans soit éliminée.

Ne croyez-vous pas à la réadaptation? Croyez-vous que quelqu'un puisse avoir connu des problèmes à un moment donné dans sa vie et qu'il faille pour cela l'empêcher de posséder une arme à feu 20 ou 25 ans plus tard? C'est ce que vous proposez dans cet amendement qui éliminerait la période de cinq ans prévue dans le projet de loi.

Mme Viau: Cela dépend de la situation de la personne. Par exemple, dans le cas d'un homme violent envers sa femme, cinq ans, ce n'est pas suffisant.

M. Hill: Vous ne croyez pas à la réadaptation.

Mme Viau: Je ne crois pas à la réadaptation dans les cas de violence familiale. Je n'arrive pas à y croire, après avoir vu les données sur les hommes qui tuent leur femme, sur les antécédents et sur les raisons des premiers divorces.

Mme Rathjen: Cela permet aux contrôleurs des armes à feu d'examiner ces cas. Cela ne signifie pas que leurs demandes doivent être rejetées.

Nous voulons éviter que l'enquête se limite à cette période de cinq ans. Elle pourrait porter sur une période plus longue, et le permis pourrait être quand même délivré, si l'on estime que la personne est réadaptée.

M. Bodnar (Saskatoon-Dundurn): J'ai deux problèmes. Vous savez sans doute que j'appuie le projet de loi, mais certaines parties m'inquiètent.

L'un de ces problèmes, c'est la disposition sur l'inspection. Comme je l'ai fait savoir à de nombreuses reprises, je suis un chaud partisan des droits individuels. Je sais bien que d'après certains, la mesure législative serait conforme à la constitution. Bon, d'accord. Mais lorsque des policiers sont autorisés à perquisitionner des locaux autres que ceux d'habitations, c'est-à-dire des garages, des bâtiments de ferme, etc., et ce, sans mandat, sans présomption qu'un délit ait été commis, mais sous prétexte simplement motif qu'il y aurait là une arme à feu, ne s'agit-il pas là d'une intrusion grave?

En Saskatchewan, à peu près tous les agriculteurs possèdent des armes à feu. Cela signifie qu'un agent de police pourrait venir n'importe quand faire une inspection des locaux, à l'exception des locaux d'habitation.

Vous ne trouvez pas cela choquant?

.1710

Mme Cukier: Franchement, non. J'accepte les contrôles routiers à Noël, les restaurants sout soumis à des inspections sanitaires à l'improviste etc., et personnellement cela ne me choque pas.

D'après les conseils juridiques que nous avons reçus - et le professeur Viau voudra peut-être ajouter quelque chose - les dispositions de la loi ne contreviennent pas à d'autres dispositions et sont conformes à la Charte. Franchement, la police a bien d'autres choses à faire. Je ne pense pas que les policiers aient envie de harceler sans raison des citoyens respectueux de la loi. En fait, on m'a dit que dans bien des cas ils demandent un mandat de perquisition s'ils pensent avoir une bonne raison de devoir inspecter un local quelconque.

M. Bodnar: Je sais ce que dit le droit sur cette question.

Je vais peut-être utiliser le reste de mon temps avec ma question suivante. J'essaie encore une fois d'avoir une approche pragmatique, mais il faut reconnaître que quelle que soit la confiance que nous faisons aux policiers, souvent cela dépendra de l'individu. Certains risquent de se servir de cette disposition s'ils ne peuvent pas obtenir un mandat de perquisition, se servir de ce pouvoir d'inspection s'ils ont des raisons de suspecter la présence d'armes à feu quelque part pour entrer dans les locaux et obtenir éventuellement d'autres renseignements qui leur permettront alors d'obtenir un mandat de persquisition. Voilà ce qui m'inquiète.

Je me demande si l'on ne pourrait pas simplement modifier cet article pour dire que le policier doit par exemple donner un préavis de 48 heures. Si vous voulez inspecter mes locaux, donnez-moi un préavis de 48 heures. De cette matière, on obligera les gens qui ne respectent pas la loi à la respecter. En fait, l'inspection a pour but de vérifier que les gens respectent la loi. Vous ne pensez pas que cela réglerait le problème?

Mme Cukier: Nous n'en avons pas parlé, mais je vais laisser le sous-chef répondre.

Le sous-chef Cassels: Les policiers sont des gens raisonnables. Ils savent qu'ils devront rendre des comptes. Ils savent que cette loi vise un but bien précis. Ils savent qu'ils sont chargés d'une surveillance. Ils savent qu'ils ont des superviseurs au-dessus d'eux et que, vu l'existence de la Charte, s'ils commencent à abuser de leur pouvoir, ils se feront remettre en place très vite.

Je ne suis pas d'accord avec l'idée de donner un préavis de 48 heures dans ce cas, car ce serait donner aux gens l'occasion d'amener leurs armes ailleurs. Autrement dit, on ne pourrait pas s'assurer qu'ils respectent effectivement la loi, ce qui est pourtant le but recherché. Je suis donc contre ce préavis de 48 heures.

Mme Cukier: C'est encore le même problème qui revient. S'il s'agit simplement du citoyen respectueux de la loi qui n'a simplement pas enregistré son arme, c'est une chose, mais s'il s'agit de quelqu'un qui a enterré son arme dans sa cour ou d'un trafiquant d'armes, c'en est une aute.

Monsieur Viau a parlé de la proposition apportée par Quigley, l'idée de s'appuyer sur des motifs raisonnables et probables. Je pense que vous avez examiné son point de vue.

Nous savons bien que ces dispositions d'inspection suscitent des inquiétudes. Le Comité trouvera peut-être une solution à ces préoccupations sans remettre en question fondamentalement la loi.

M. Bodnar: C'est ce que j'essaie de faire.

[Français]

Le président: Madame Venne, cinq minutes.

Mme Venne: Oui. Moi, je vais probablement m'en tenir à moins que cinq minutes.

Je voudrais demander à la Coalition, une fois le projet de loi promulgué, ce qu'elle va faire. Parce que, voyez-vous, je pense que c'est à peu près depuis 1989 ou 1990 qu'on se rencontre. On s'est rencontré sur les projets de loi C-80 et C-17, on en est rendu au projet de loi C-68.

Également, parce que les amendements que vous proposez sont, vous le pensez certainement, des améliorations, et ne sont pas des changements majeurs ou fondamentaux, ni même philosophiques, au projet de loi, je me demande maintenant ce que vous allez faire après.

.1715

Mme Viau: Je serais portée à vous répondre en paraphrasant Gisèle Halimi qui parlait de la même façon au sujet du féminisme et qui disait: «La plus belle chose qui pourrait arriver au féminisme, c'est sa disparition: but atteint». Alors, de la même façon, ce serait la plus belle chose qui pourrait arriver à la Coalition pour le contrôle des armes, sa disparition: but atteint.

Mme Rathjen: On nous accuse souvent de vouloir... Nous avons un ordre du jour et nous voulons interdire toutes les armes à feu à la fin de notre travail, mais comme vous pouvez le voir, notre position a été constante pendant ces cinq ans et elle ne va pas changer.

Si le projet de loi passe tel quel sans amendement majeur, dont ce qui nous concerne, ce que nous vous avons présenté aujourd'hui, en fait, on ne va plus se battre pour une législation au niveau du fédéral; je pense qu'on va rester un peu pour les règlements et l'implantation de la loi, mais après cela, nous aurons atteint notre objectif.

Mme Venne: Merci.

[Traduction]

Mme Barnes (London-Ouest): Bienvenue aux témoins.

Je dois dire, après en avoir lu la liste, que vous avez des appuis impressionnants. Je constate qu'il y a l'Église unie du Canada, la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants, et près de 300 autres organismes. J'ai été heureuse de voir dans la liste la Commission des services policiers et le conseil municipal de ma ville de London.

En toute justice, cela me facilite beaucoup la tâche dans ce comité, mais je suis également très sensible au fait que d'autres membres de ce comité sont dans une situation très différente. Certains d'entre eux représentent des régions du pays très différentes et doivent faire face à plus d'hostilité lorsqu'ils essaient d'obtenir les faits et de rendre cette mesure législative acceptable et compatible avec ce qui se passe au Canada aujourd'hui. Pour être utile, une bonne loi doit être acceptée par la population. Je pense que c'est primordial si nous voulons comprendre le système judiciaire.

À maintes reprises, les membres du comité ont entendu dire que la Charte est un obstacle. J'ai entendu certaines personnes dire que la Charte est nuisible. J'aimerais que l'avocate du droit constitutionnel nous parle des dispositions relatives aux perquisitions et aux saisies et de la Charte et qu'elle nous dise quelle protection la Charte des droits et libertés offre en matière de saisie.

Mme Viau: Et bien, la protection qu'offre la Charte est vaste, puisqu'elle garantit à chacun le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Le terme «abusif» a été interprété de façon très large et qui ne se limite pas aux actes illégaux. Ce terme peut également s'appliquer aux situations où un policier se comporte de façon répréhensible dans le cadre d'une opération de perquisition et de saisie qui est par ailleurs légale. Cette protection est donc très vaste.

Il y a des mécanismes de contrôle judiciaire qui s'appliquent lorsqu'un policier commet un acte illégal. La Cour suprême a indiqué très clairement que les policiers doivent respecter la Charte. De façon générale, les policiers respectent la Charte et se comportent de manière comptable en ce qui a trait aux droits garantis dans la Charte.

Mme Barnes: Y a-t-il une différence entre une visite et une opération de perquisition et de saisie?

Mme Viau: Il y a une différence en ce sens que le pouvoir de perquisition ne peut être exercé que lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire à la perpétration d'une infraction. Le pouvoir de visite est de nature plus préventive, mais s'il est lié aux dispositions de la loi qui créent l'obligation d'enregistrer quelque chose et aux dispositions relatives à la possession. Le pouvoir de visite est davantage lié à la réglementation.

Mme Barnes: Ces dispositions suscitent beaucoup de préoccupations. Bien des gens croient que n'importe qui pourra entrer chez eux, même si la loi l'interdit. Est-il facile d'obtenir un mandat?

Le sous-chef Cassels: Non, ce n'est pas si facile. Nous devons faire intervenir une tierce partie - un magistrat ou un juge de paix - qui posera des questions et voudra savoir pour quelle raison nous demandons un mandat; il faut avoir des motifs raisonnables.

Je ne sais pas ce que vous voulez dire par «facile». Nous devons être sûrs d'avoir un motif raisonnable. Par ailleurs, il est important d'agir rapidement. Nous pouvons obtenir un mandat assez rapidement, mais ce n'est pas automatique.

.1720

M. Ramsay: Nous vivons en démocratie où la volonté de la majorité est censée prévaloir, pas celle de la minorité. Nous parlons de sondages; tous, nous avons dû nous démener avec les sondages.

Lorsque la délégation du Manitoba a comparu hier soir, elle a bien déclaré que lors de la campagne électorale dans cette province, la question de la limitation des armes, le projet de loi C-68, occupait le devant de la scène. Ils ont participé à des assemblées publiques, ils ont fait du porte à porte partout dans la province. Apparemment, le NPD et les Conservateurs étaient contre le projet de loi tandis que les Libéraux étaient pour. Le résultat, c'est que les Libéraux ont perdu la moitié de leurs sièges. Ils n'ont obtenu que 5 p. 100 des sièges dans un Parlement qui en compte 57, je crois.

Il est rare que le citoyen ordinaire ait l'occasion de se prononcer sur un projet de loi comme le C-68 ou tout autre texte controversé, mais c'est ce qui est arrivé. C'est arrivé au Manitoba et lorsque la Saskatchewan va tenir ses élections... Les citoyens ordinaires, pas les groupes d'intérêts - pas ceux qui défendent mes intérêts, mais mes voisins, mes amis et les membres de ma famille - auront leur mot à dire dans ce dossier. Nous verrons ce qui va se passer.

Je ne faisais que le mentionner. De fait, l'un des candidats défaits lors de cette élection - quelqu'un a lu quelque chose hier soir et j'en ai gardé une copie - a dit qu'il était furieux d'avoir entendu le ministre de la Justice, M. Allan Rock, dire après les éclections que la limitation des armes n'avait rien à voir avec la piètre performance des Libéraux du Manitoba. Ils se cachent la tête dans le sable.

Je ne fais que répéter ce qu'il a dit.

Quoi qu'il en soit, dans le peu de temps qui me reste, je voudrais m'adresser au sous-chef.

Si l'on adopte un régime d'enregistrement des armes à feu, il faut que l'on puisse s'y fier pour que les autorités policières aient un outil fiable.

On nous a dit, même si ce n'est pas dans le projet de loi, que ce sera un système d'enregistrement par la poste. Le propriétaire d'arme n'aura qu'à ramasser le formulaire quelque part, à écrire les caractéristiques de l'arme et poster le formulaire.

Nous avons entendu deux experts judiciaires, l'un du laboratoire judiciaire de la GRC à Edmonton et l'autre, M. Nielsen, de l'Ontario. Je leur ai demandé s'ils seraient prêts à délivrer un certificat d'enregistrement pour une arme à partir de renseignements qu'ils n'auraient pas vérifiés. Et les deux ont répondu que non.

Le raisonnement derrière cela est le même que celui qu'ont tenu les représentants du ministère du Revenu ici, à savoir l'enregistrement des Américains qui viennent chasser au Canada. Ils ont dit qu'ils pourraient leur envoyer la documentation à l'avance et que si tous les documents étaient remplis avant d'arriver à la frontière, cela accélérerait les choses. Je leur ai demandé ce qu'ils allaient faire lorsqu'ils allaient recevoir les documents d'un propriétaire d'arme. Ils ont dit qu'ils allaient comparer les renseignements avec l'arme elle-même. Autrement dit, ils vont inspecter l'arme pour corroborer les renseignements.

Si quelqu'un peut être inculpé pour avoir omis d'enregistrer son arme et s'il ne fait qu'une seule erreur de bonne foi lorsqu'il donne le numéro de série, par exemple, ce qui sera très difficile à relever, un certificat sera délivré mais l'arme elle ne sera pas enregistrée. Et vous savez que c'est une infraction très grave d'avoir une arme non enregistrée.

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Le président: C'était bien là une question de cinq minutes, mais, selon nos règles, vous pouvez, en répondant, dépasser le temps alloué.

Le sous-chef Cassels: Je serai bref. Je crois que s'il s'agit d'une simple erreur, par inadvertance, il est peu probable que la loi soit appliquée dans toute sa rigueur. Les agents utiliseront leur pouvoir discrétionnaire s'il s'agit d'une erreur par inadvertance.

M. Ramsay: Ma question portait sur l'intégrité du système d'enregistrement.

Le sous-chef Cassels: Le système n'a pas encore été créé, je ne peux donc pas commenter sur son intégrité. Je ne sais tout simplement pas. Je crois comprendre qu'il sera possible d'enregistrer par courrier, monsieur Ramsay, mais je ne vais pas présenter de commentaires.

Je voudrais cependant apporter une clarification. Je crois que M. Ramsay m'a demandé il y a quelques instants si j'avais parlé du projet de loi C-68 avec le ministre de la Justice de l'Alberta. J'ai échangé de la correspondance avec lui et lui ai présenté notre point de vue, je ne lui en ai pas parlé directement. Je désire que cela soit porté au procès-verbal.

Le président: Monsieur Lee, vous avez cinq minutes.

M. Lee (Scarborough - Rouge River): Merci, monsieur le président. Je voudrais vous poser deux questions. La première porte sur la possibilité de décriminaliser ce que l'on appelle la première infraction. Je vous demande d'envisager la possibilité de prévoir dans la loi une absolution conditionnelle dans le cas d'une première infraction quand les faits constatés n'entraînent pas d'autres accusations et quand l'individu en cause possède un casier judiciaire vierge.

Ainsi, la personne en cause ne serait pas stigmatisée pour la vie et ne serait pas réputée avoir commis un délit. De toute évidence, l'une des conditions serait l'enregistrement de l'arme à feu, ou l'obtention d'un permis, selon le cas. Que pensez-vous de cette possibilité?

Ma deuxième question concerne l'article 97, sur les modifications au Code, qui exige la possession d'un permis lors de l'acquisition d'une arbalette. Aujourd'hui, nous avons parlé des armes à feu. Vous connaissez peut-être des faits concrets au sujet des arbalètes, mais peut-être que non. Si vous n'avez aucune commentaire à ce sujet, parfait. Nous pouvons alors nous limiter à la criminalisation.

Mme Viau: Je répondrai à votre première question au sujet d'une absolution conditionnelle. Dans le cas d'une infraction qui n'est pas extrêmement sérieuse, tout juge dispose déjà des pouvoirs nécessaires pour l'accorder et il me semble qu'une infraction concernant le non-respect de la loi avec négligence entrerait dans le cadre de l'article 736.

À mon avis, cela ne devrait pas faire l'objet d'un amendement à cet aspect particulier du Code criminel car il pourrait s'agir d'une personne qui commet une première infraction en ce qui concerne les armes à feu mais qui aurait déjà un casier judiciaire très chargé.

M. Lee: L'absence d'un casier judiciaire était l'une de mes conditions.

Mme Viau: Si le casier judiciaire est vierge, la cour de justice possède déjà le pouvoir discrétionnaire requis. Il serait même possible que l'agent de police ne porte pas d'accusation.

M. Lee: D'autant plus vrai si cela était prévu.

Mme Viau: Oui.

Mme Cukier: La question est intéressante. Mais il faut déterminer qui devrait prouver qu'il s'agit d'inadvertance... S'il s'agit de quelqu'un qui amasse les armes, n'a pas de casier judiciaire, mais vient d'être pris... Je crois que M. Vince Westwick a déclaré que les intérêts du public ne seraient pas nécessairement bien servis si aucune sanction n'accompagnait une première infraction. Si la disposition pouvait être formulée de façon à indiquer clairement qu'il appartient à la personne en cause de démontrer que l'erreur était par inadvertance, cela pourrait éliminer certaines des craintes. En effet, ce qui nous semble le plus important c'est la possibilité de faire la distinction entre les différentes catégories d'individus.

Le président: Avant de lever la séance, je voudrais obtenir quelques clarifications. Vous avez la réputation d'être l'organisme le plus important et le plus global s'intéressant au contrôle des armes à feu. Pouvez-vous me dire si votre organisation, ou coalition, s'oppose à la chasse licite, avec une carabine ou un fusil, qu'il s'agisse d'un sport ou d'un moyen de subsistance. Vous opposez-vous à cela?

Mme Cukier: Non.

Le président: Vous opposez-vous au tir à la cible de compétition lors des Jeux olympiques ou des Jeux panaméricains et à l'entraînement et à la participation des Canadiens à ce genre de compétition?

Mme Cukier: Non.

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Le président: En effet, il me semble nécessaire de réaliser clairement qu'en tant qu'organisme important favorisant le contrôle des armes à feu, vous reconnaissez que ces activités occupent une place légitime au Canada.

Je voudrais maintenant vous poser une question au sujet d'une suggestion avancée par certaines personnes. Il ne s'agit pas de décriminaliser, mais certains ont suggéré, par exemple, que les peines découlant de la possession d'une arme non enregistrée, prévues à l'article 91, soient retirées du Code criminel et incorporées à la Loi concernant les armes à feu. À mon avis, cela ne serait qu'une manoeuvre de pure forme; en effet, la Loi sur les stupéfiants prévoit certaines peines qui ne sont pas mentionnées au Code criminel. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit de sanctions pénales associées à un crime.

En d'autres termes, si vous prenez les dispositions de l'article 91 qui concernent les peines, qu'il s'agisse d'un acte criminel ou d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, et si on les enlève du Code criminel pour les placer dans la Loi concernant les armes à feu, et si l'on procède de la même façon pour les peines concernant les infractions au sujet de l'enregistrement, du défaut d'enregistrer, du défaut de possession d'un permis, etc. - on les enlève du droit pénal pour les placer dans cette nouvelle loi - si l'on fait tout cela, est-ce que vous vous y opposeriez?

Mme Viau: À mon avis, cela serait perçu comme une décriminalisation, et il faut alors se demander quel serait la justification constitutionnelle pour créer une infraction réglementaire dans ce domaine.

Le président: Estimez-vous, comme juriste, que la mention des peines dans la Loi concernant les armes à feu et non pas dans le Code criminel risquerait de les voir éliminées pour des raisons constitutionnelles? Nous avons bien pourtant mention de peines dans la Loi sur les jeunes contrevenants qui ne sont pas mentionnées au Code criminel. Cela est également vrai de la Loi sur les stupéfiants. La Loi sur la concurrence prévoit aussi des peines, qui sont des peines au criminel, mais ne sont pas mentionnées dans le Code criminel.

Mme Viau: Je ne siège pas à la Cour suprême et il m'est donc extrêmement difficile de prévoir la décision qui pourrait être rendue par cette haute instance à ce sujet. Ce dont je suis certain, par contre, c'est qu'en règle générale les juges de la Cour suprême estiment que les infractions mentionnées au Code criminel reflètent l'exercice par le Parlement de son pouvoir en droit pénal. Je ne dirais pas que cela soit vrai dans tous les cas, mais j'avance que dans la plupart des cas les infractions qui ne sont pas mentionnées au Code criminel sont jugées être des infractions réglementaires; il y a des cas intermédiaires comme la Loi sur les stupéfiants. Je ne peux pas indiquer précisément ce que serait le résultat, mais la question devrait être analysée plus en détail avant de prendre une décision comme celle-là. À première vue, cela semble être une question purement de forme, mais ses conséquences pourraient être négatives.

Le président: Personnellement, je crois que les peines demeureraient toujours de nature criminelle, mais ceux qui demandent cette modification semblent croire qu'ils préféreraient, s'ils étaient trouvés coupables, dire à leurs amis et petits-enfants qu'ils avaient été trouvés coupables d'une infraction à la Loi concernant les armes à feu plutôt que d'avouer avoir été trouvés coupables d'une infraction au Code criminel. Enfin, c'est ce que ces personnes m'ont dit quand je les ai rencontrées. Elles sont convaincues de la valeur de leurs arguments car elles estiment qu'il s'agit d'une infraction réglementaire qu'elles opposent à des crimes tels que le vol à main armée, l'agression sexuelle avec une arme à feu, etc.

Mme Cukier: Vous vous souviendrez que c'est la National Firearms Association qui a lancé le mouvement pour la décriminalisation et a avancé la notion qu'il s'agissait du droit réglementaire et non du droit pénal. Il ne faut donc pas oublier d'où vient cette notion et souligner à nouveau que l'Association canadienne des chefs de police a été très claire à ce sujet.

Je crois que le sous-chef veut faire un commentaire.

Le sous-chef Cassels: Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais aborder un autre sujet. Je reprends mon commentaire antérieur au sujet de la prévention. Je suis convaincu que ce projet de loi peut contribuer énormément à la sécurité publique au Canada à long terme. Je voudrais vous expliquer pourquoi.

La police communautaire, axée sur la notion d'apporter une solution aux problèmes, a connu un vif succès à Edmonton. C'est uniquement parce que nous pouvons travailler de très près avec la population pour résoudre les problèmes de quartiers que nous avons pu accomplir ce résultat.

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Comme tout le monde le sait, l'information est essentielle à la police. Nous ne pouvons rien faire sans renseignements. Dans le contexte de la violence familiale et des armes à feu, et il ne faut pas oublier qu'elles sont meurtrières, les agents de police qui travaillent directement dans la communauté ont accès aux renseignements voulus.

Dans le cas de la violence familiale, par exemple, à Edmonton, nous avons des équipes de suivi des cas de violence familiale qui interviennent spécifiquement pour briser les séries d'incidents de violence familiale répétitifs et qui travaillent avec la famille dès qu'ils détectent qu'un incident va se produire. La violence familiale n'est qu'un exemple, mais si une arme à feu est accessible, la police peut très facilement intervenir, parler de counselling et prendre les mesures qui permettent à la famille de s'unir et pour mettre un terme à ces actes de violence répétitifs; il est également possible, alors, de demander au propriétaire de l'arme à feu, entretemps, s'il ne serait pas préférable qu'il nous remette son arme par mesure de précaution.

Il ne s'agit alors plus d'une mentalité d'application stricte de la loi mais d'une recherche communautaire de la solution aux difficultés, ce qui sert mieux les intérêts de la communauté. Quand il s'agit des armes à feu, cela dépasse le cadre de la violence familiale car les renseignements existent dans le registre qui nous est accessible.

Cette nouvelle attitude de la police est de plus en plus répandue dans notre pays et j'estime important que le Comité soit informé de cette situation.

Le président: Merci beaucoup. Je tiens à remercier la coalition et tous ceux qui l'ont accompagnée ici aujourd'hui pour témoigner. Vos déclarations ont été très importantes.

Je rappelle aux membres du Comité que nous nous réunirons à nouveau demain à 9 heures. Au cours de la matinée, nous aurons l'occasion de reprendre tous les points techniques qui ont été mis de côté au cours des trois ou quatre dernières semaines et d'interroger les experts techniques, qu'il s'agisse de juristes ou d'autres experts. Nous n'allons pas entendre le ministre et, donc, nous ne traiterons pas des questions de politique générale demain. Par contre, nous pourrons poser toutes sortes de questions au sujet des points sur lesquels nous avons entendu des opinions divergeantes.

Nous traiterons également demain de la motion déposée par M. Ramsay. Le sort de cette motion nous amènera à décider si nos prochaines réunions porteront sur un autre projet de loi ou sur celui que nous étudions actuellement; nous déciderons également si nous devons continuer à siéger dans cette salle. Merci.

Le Comité s'ajourne jusqu'au lendemain matin.

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