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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 1er décembre 1999

• 1536

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)): Je déclare la séance du comité ouverte.

Le comité entendra aujourd'hui des témoins représentant l'Association canadienne du droit de l'environnement, du Ontario College of Family Physicians et de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement. Je vous souhaite à tous la bienvenue au comité. Si j'ai bien compris, M. Paul Muldoon, le directeur exécutif de l'Association canadienne du droit de l'environnement, se joindra à nous un peu plus tard.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la gestion et l'utilisation des produits de lutte antiparasitaire au Canada, y compris une évaluation de la performance de l'Agence de réglementation de lutte antiparasitaire en matière de prévention de la pollution et de protection de l'environnement et de la santé humaine.

Nous entendrons d'abord Mme Kathy Cooper. Est-ce bien ça? À moins que ce ne soit Mme Loren Vanderlinden.

Dr Peter Sakuls (membre, Comité de l'hygiène de l'environnement, Collège de médecine de famille de l'Ontario): Je vais présenter brièvement notre mémoire, et Loren prendra ensuite le relais.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien, merci.

Oui, monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Avant la présentation, pourrais-je invoquer le Règlement afin de poser une question sur un point débattu précédemment ou préférez-vous que j'attende?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Va pour le rappel au Règlement.

M. Peter Mancini: Je me suis reporté à mes notes, madame la présidente. Vous vous souviendrez que le Conseil canadien de la lutte antiparasitaire en milieu urbain est venu nous faire un exposé. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, ou si d'autres membres du comité s'en souviennent, mais le Conseil nous a présenté des données. Lorsque j'ai demandé d'où venaient ces données, on m'a répondu qu'elles ne provenaient pas du Conseil mais plutôt de CanTox, je crois. Je ne prétends pas être expert en nombre de ces matières; je viens du milieu juridique et, en droit, il y a une vieille maxime qui veut que l'on tire son information de la meilleure preuve.

Compte tenu du fait qu'une si grande partie de l'information qui nous a été fournie provient en fait d'une tierce source, je me demandais s'il ne serait pas possible de faire comparaître devant nous les auteurs de ce rapport que nous a présenté le Conseil canadien de la lutte antiparasitaire en milieu urbain et si nous pourrions inviter quelques représentants de CanTox à témoigner devant le comité afin de leur poser des questions sur les pesticides, notamment pour ce qui touche les enfants, parce que cela touche les enfants, l'épandage de pesticides sur le gazon et dans les cours d'école. J'implorerais l'indulgence de la présidente, si cela était possible.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Herron, s'il vous plaît.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): À ce propos, je pense que M. Mancini fait essentiellement valoir que, dans son témoignage, le Conseil canadien pour la lutte antiparasitaire en milieu urbain a fait allusion à de nombreuses reprises à des données scientifiques provenant de CanTox. Un certain nombre de personnes qui se préoccupent de la santé humaine se sont élevées contre cette perspective.

Pour que les données soient bien claires, je pense qu'il serait bon que nous ayons l'occasion de nous entretenir avec des représentants de CanTox, puisque cet organisme est la source d'une grande partie de l'analyse scientifique en fonction de laquelle nous essayons d'évaluer n'importe quelle mesure éventuelle.

• 1540

Je pense que M. Mancini a proposé une idée à laquelle le comité devrait donner suite.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Y a-t-il d'autres interventions à ce sujet?

En ma qualité de présidente, je vais demander au greffier de trouver un moment où CanTox pourra venir nous présenter un exposé.

M. Peter Mancini: Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci à vous.

Y a-t-il d'autres rappels au Règlement?

Très bien. Je vous cède la parole, docteur Sakuls. Je recommanderais aux témoins de limiter la durée de leurs exposés à une dizaine de minutes. Je crois savoir que vous ne présenterez qu'une brève introduction.

Dr Peter Sakuls: Je n'ai qu'une très brève introduction à présenter.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Je vous en remercie.

Dr Peter Sakuls: Je suis médecin de famille et je représente ici le Comité de l'hygiène de l'environnement du Collège de médecine de famille de l'Ontario.

Notre comité mène depuis quelques mois, de concert avec l'Association canadienne du droit de l'environnement, une étude sur la santé des enfants et les normes environnementales en Ontario. Notre mémoire, qui se veut une étude de cas détaillée portant sur les pesticides, résume une partie du rapport d'étude. Il y est question des répercussions des pesticides sur la santé des enfants et de la réglementation par l'ARLA de l'utilisation qui est faite des pesticides.

En nous fondant sur l'information que notre étude a permis de recueillir à partir d'études scientifiques et médicales soumises à l'évaluation par des pairs et d'examens effectués antérieurement par notre comité, nous avons des préoccupations relativement à la santé et à la sécurité des petits Canadiens.

J'aimerais faire ressortir plusieurs points. Premièrement, la plupart des pesticides ont été testés en fonction de normes de sécurité établies il y a belle lurette. Ces normes ne tiennent pas compte, par exemple, du fait que la sensibilité d'un enfant est différente de celle d'un adulte et qu'il en est de même pour les degrés d'exposition. Deuxièmement, elles ne tiennent pas compte du fait que les pesticides présentent un danger plus grand pour les enfants que pour les adultes et que les enfants ne bénéficient pas toujours d'une protection adéquate contre les pesticides.

L'intoxication par les pesticides est soit aiguë, nécessitant une visite au service d'urgence de l'hôpital, soit chronique, résultant d'une exposition prolongée de faible intensité. Notre exposé portera principalement sur les effets chroniques de l'exposition aux pesticides.

Mme Loren Vanderlinden et Mme Kathy Cooper, les recherchistes qui ont participé à cette étude, vont en résumer pour vous les conclusions.

Mme Loren Vanderlinden (recherchiste, Collège de médecine de famille de l'Ontario): Merci, Pierre.

Je suis recherchiste en hygiène du milieu et je travaille pour le Collège de médecine de famille de l'Ontario. Il ressort des recherches du collège et de l'Association canadienne du droit de l'environnement que, dans la collectivité scientifique et parmi les professionnels de la santé du monde entier, on s'entend de plus en plus pour dire qu'il y a lieu de s'inquiéter des dangers que présentent les pesticides pour la santé des enfants.

Les pesticides pénètrent dans l'environnement de maintes façons, si bien qu'un grand nombre de personnes se trouvent exposées involontairement à cette pollution insidieuse. La présence de pesticides dans la poussière et sur des objets domestiques tels que des jouets, du tapis et des meubles a pu être mesurée longtemps après leur utilisation. Des pesticides particulièrement persistants étaient encore mesurables des années après que les maisons aient été traitées aux pesticides.

La présence de pesticides a également été détectée dans nos approvisionnements alimentaires et en eau à cause de leur utilisation en agriculture. Ils se retrouvent ainsi dans les fruits et légumes frais, dans les aliments pour bébés et dans les produits laitiers. Même s'ils ne s'y trouvent qu'en quantité infime, ils peuvent occasionner une exposition chronique importante à la longue. Les pesticides sont des poisons et ils ont des effets préoccupants sur la santé, même si l'exposition chronique est de faible intensité.

Pour bien comprendre comment la présence de pesticides dans l'environnement affecte la santé des enfants, il importe de mettre l'enfant, et non certains pesticides, au centre de nos préoccupations. Par-dessus tout, il faut se rendre compte que les enfants ne sont pas des «adultes miniatures». Leur degré d'exposition aux pesticides est plus élevé, toutes proportions gardées, et le risque d'exposition involontaire est plus grand dans cette population.

Parce qu'ils jouent près du sol, sur des surfaces telles que tapis ou gazon qui recèlent des résidus de pesticides plus importants que d'autres, les enfants sont plus couramment en contact avec ces pesticides. Parce qu'ils ont l'habitude de tout porter à leur bouche, ils ingèrent plus directement les pesticides avec lesquels ils entrent en contact dans leur environnement.

Parce que, à poids égal, les dimensions du corps d'un enfant sont plus petites, les enfants mangent plus, respirent plus d'air et boivent plus d'eau que les adultes. Ils absorbent donc plus de pesticides en mangeant, en respirant et en buvant.

• 1545

Parce qu'il leur reste plus d'années à vivre que leurs aînés, la durée d'exposition des enfants, avec les effets que cela suppose, est généralement plus longue. Les enfants ont en outre des vecteurs d'exposition qui leurs sont propres. Ils peuvent être exposés à des pesticides avant même leur naissance, in utero. Durant leur petite enfance, le lait maternel ou encore des produits comme les jouets, la nourriture et les emballages peuvent constituer des vecteurs d'exposition.

Chez les enfants, l'organisme est plus vulnérable face aux effets de l'exposition aux pesticides. Tous les systèmes organiques en développement ne sont pas au point pour atténuer les effets nocifs des pesticides. Ces systèmes immatures laissent souvent entrer plus de pesticides dans l'organisme. Les voies d'exposition à des produits chimiques, tels que les pesticides, pouvant causer des dommages irréversibles sont multiples durant la petite enfance et l'enfance.

Enfin, du point de vue des effets sur la santé proprement dits, les façons dont l'exposition aux pesticides peut porter atteinte à la santé des enfants sont aussi nombreuses que diverses. Notons encore une fois qu'il en va différemment de la santé des adultes. Ces effets peuvent se manifester sous forme de maladies durant l'enfance ou plus tard dans la vie.

Parmi l'éventail de problèmes de santé et de conséquences qui suscitent des inquiétudes, retenons les suivants: les anomalies congénitales chez les enfants dont la mère avait été exposée à des pesticides; altération du développement neuro-comportemental ou cognitif; mauvais fonctionnement du système immunitaire, du système hormonal ou du système endocrinien; troubles du potentiel reproductif; cancer. La prévalence d'un grand nombre de ces conditions semble d'ailleurs être à la hausse dans le monde industrialisé. Dans bien des cas, une exposition de faible intensité suffit à causer ces conditions qui constituent néanmoins des conséquences graves et parfois irréversibles.

De plus, des effets précoces des pesticides risquent d'avoir des conséquences graves et à long terme, prédisposant par exemple une personne à d'autres problèmes de santé. On aime bien citer le cas classique de l'exposition au plomb, qui a un effet neurotoxique, affecte le QI et occasionne des troubles d'apprentissage et des problèmes d'adaptation sociale. Il y a un coût pour la société en bout de ligne.

Notre connaissance des pesticides est encore loin d'être complète. Or, le manque de connaissance ne saurait servir à justifier la temporisation ou à blanchir les pesticides. Nous disposons de renseignements provenant de modèles animaux, de cas d'exposition humaine aiguë et d'études épidémiologiques, sur des populations, qui font ressortir le risque de problèmes de santé liés aux pesticides. Les chercheurs reconnaissent en outre que les enfants sont sujets à des expositions multiples à divers pesticides, et nous devons nous soucier de l'effet global ou synergique possible de plusieurs substances.

Deux faits ressortent de l'examen de l'action des pesticides et de leurs effets sur la santé des enfants. Il s'agit de conséquences graves sur la santé, comme celles que j'ai énumérées plus tôt, dont l'altération du développement neuro-comportemental, l'immunosuppression et le cancer. Il y a aussi le danger de voir une vaste population d'enfants exposée à des produits chimiques.

Il en découle que nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre que des connaissances définitives et vérifiables aient été acquises. L'information dont on dispose actuellement dicte d'ores et déjà la prudence et le recours à des mesures de prévention. Comme nous ne connaissons pas la fin de l'histoire, il importe de rester vigilants, surtout des risques inquiétants d'atteinte à la santé des enfants.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie.

Avant d'entamer votre exposé, madame Cooper, peut-être pourriez-vous vous présenter officiellement, vous et l'organisme que vous représentez.

Mme Kathy Cooper (recherchiste et rédactrice, Projet santé des enfants, Association canadienne du droit de l'environnement): Je m'appelle Kathy Cooper et je suis recherchiste à l'Association canadienne du droit de l'environnement.

Loren et moi sommes les auteurs de l'étude. Y a également participé, pour ce qui touche les aspects juridiques, Mme Karyn Keenan, qui est presque avocate. Elle est au Pérou en ce moment, il est dommage qu'elle ne puisse être des nôtres, car elle a grandement contribué à cette étude.

En ce qui concerne la réglementation, nous nous sommes livrées à un examen approfondi de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, agence qui, comme vous le savez, décide notamment s'il y a lieu d'homologuer de nouveaux pesticides en vue de leur utilisation au Canada ou de permettre de continuer d'utiliser ceux dont on se sert, dans certains cas, depuis nombre d'années.

Nous l'avons entendu aujourd'hui—et nous avons beaucoup appris de nos collègues médecins durant nos travaux—il y a lieu de s'inquiéter des risques pour la santé des enfants que présentent les pesticides.

• 1550

La leçon à tirer du point de vue de la réglementation est la suivante: même si nos connaissances en la matière sont encore incomplètes, les pesticides ne peuvent être présumés innocents tant qu'ils n'ont pas été déclarés coupables et le manque d'information ne peut servir à justifier l que l'on tarde à prendre des mesures de réglementation, et des mesures de prévention et de précaution en particulier.

Comme nous l'avons établi dans notre étude, le gouvernement fédéral a pris au fil des ans un grand nombre d'engagements concernant l'amélioration de la réglementation des pesticides. Notre étude démontre que presque tous ces engagements n'ont pas été honorés. Notons par exemple que le gouvernement n'a pas pleinement mis en oeuvre sa politique de gestion des substances toxiques. En fait, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire est l'organisme gouvernemental qui a le plus fait avancer la mise en oeuvre de cette politique qui n'a cependant pas encore été pleinement mise en oeuvre.

On n'a toujours pas de politique réglementaire sur les formulants ou les ingrédients dits inertes qui entrent dans la composition des pesticides. C'est très important. Nous avons consacré beaucoup de temps, dans notre étude, à l'examen de ce qui est nécessaire pour bien réglementer les formulants. On n'a pas non plus élaboré de politique nationale de conformité.

Il s'agit là d'engagements que le gouvernement fédéral a pris et qu'il n'a pas honorés.

De plus, il n'a pas élaboré de politique de réévaluation ni de programme global de réévaluation des pesticides. Dans le rapport qu'il a publié le printemps dernier, le commissaire à l'environnement critique vertement le gouvernement en ce qui concerne la nécessité de réévaluer les pesticides plus anciens.

Au nombre des engagements non remplis figurent également l'élaboration d'une politique de réduction du risque posé par les pesticides et la création d'une base de données nationale sur l'utilisation des pesticides. Le commissaire à l'environnement en a aussi fait mention.

On n'oblige pas non plus les détenteurs d'homologation à signaler les effets nocifs et n'appuie pas l'intégration de la lutte antiparasitaire dans l'objectif plus général de viabilité de l'environnement, notamment par l'établissement d'objectifs et de plans de travail visant à réduire l'utilisation des pesticides dans tous les secteurs. Voilà encore un engagement qui a été pris mais qui n'a pas été honoré.

Nous nous sommes penchées sur ces engagements dans le cadre de l'examen en profondeur de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Notre rapport compte déjà plus de 80 pages, et il est presque terminé, mais nous en remettrons quand même une ébauche au comité aujourd'hui.

Cette étude ne constitue pas un examen exhaustif de la situation. Nous avons examiné des enjeux cruciaux pour la réglementation des pesticides et la protection de la santé des enfants, mais cela n'a pas été facile. En effet, l'information sur les mécanismes d'évaluation et de gestion du risque qu'utilise l'ARLA est difficile à obtenir et à comprendre. Elle semble parfois contradictoire, et le manque de clarté fait problème. Comme nous le démontrerons dans notre étude plus générale, dont cette étude de cas fait partie, il est clair qu'il existe de graves lacunes en matière d'évaluation et de gestion du risque.

Par exemple, nous tenons de commentateurs, même s'il y a là matière à débat, qu'une stratégie d'évaluation du risque peut donner des résultats très différents selon les hypothèses posées et les estimations subjectives faites chemin faisant. Fait plus important, malgré l'impressionnant couvert scientifique, l'évaluation du risque est généralement un outil simpliste et brutal, caractérisé par son incapacité d'évaluer, ou sa très grande difficulté à le faire, les combinaisons de produits chimiques qui se retrouvent réellement dans l'environnement d'un enfant et les effets cumulatifs ou synergiques de produits chimiques interagissant les uns avec les autres, dont parlait Loren, sur les organes ou systèmes en développement chez un enfant.

L'incapacité de l'ARLA d'exposer explicitement sa stratégie d'évaluation et de gestion du risque dans un langage accessible au public est l'une des principales lacunes de l'étude de cas et un facteur qui en a limité la portée. Nous en sommes arrivées à la conclusion générale que le fait que le gouvernement fédéral d se soit montré jusqu'ici incapable d'améliorer sa réglementation des pesticides et de remplir des engagements qui commencent à dater, notamment en ce qui concerne la révision d'une loi en vigueur depuis des dizaines d'années, met en doute la capacité du régime réglementaire actuel de protéger la santé des enfants. Cette incapacité s'explique en grande partie par le manque de volonté politique et le refus d'affecter les ressources nécessaires.

Le Programme d'action national pour les enfants, qui vient d'être créé, semble dénoter un grand souci pour le bien-être petits Canadiens, mais les résultats de notre étude nous portent à conclure que pareil engagement ne rime à rien si le gouvernement ne prend pas la peine d'affecter des ressource suffisantes pour réglementer les produits chimiques toxiques, dont font partie les pesticides, de façon à protéger la santé des enfants.

• 1555

Malheureusement, je pense que cet examen de l'ARLA conclue à l'absence d'un véritable organe de réglementation des pesticides au Canada, l'ARLA jouant essentiellement le rôle de centre des services à la clientèle auprès de l'industrie. Cela n'est pas acceptable, compte tenu de l'information sur la santé dont nous disposons au sujet des effets, connus ou éventuels, des pesticides sur la santé des enfants.

Comme vous pouvez l'imaginer, bon nombre de nos recommandations—et j'espère que vous avez eu l'occasion de les lire—portent sur les mesures que le gouvernement fédéral doit prendre afin de donner suite aux engagements qu'il a pris, il y a belle lurette dans certains cas, dans le domaine de la gestion des pesticides. Permettez-moi de faire un survol rapide des catégories de recommandations que nous avons formulées. Nous pourrons ensuite entrer dans les détails, si vous le désirez, mais je m'en tiendrai pour ma part à l'essentiel, car le temps me manque.

Certaines recommandations portent sur la Loi sur les produits antiparasitaires et les modifications à y apporter. Nous avons entendu parler d'un projet de loi modifiant la Loi sur les produits antiparasitaires qui serait sur le point d'être déposé. Nous exhortons le comité de presser le ministre de la Santé, M. Rock, de présenter ces modifications pour que nous puissions discuter des changements qu'il s'impose d'apporter à cette mesure législative plutôt vétuste. Un certain nombre de nos recommandations portent là-dessus.

Je crois que nous avons beaucoup à apprendre des Américains, pour ne pas faire les mêmes erreurs et éviter les problèmes auxquels ils sont confrontés, et que nous ferions bien de tirer la leçon de leur expérience. Nous avons toute une série de recommandations sur le processus d'homologation, sur le processus d'évaluation des risques et sur l'imposition de limites maximales des résidus, une série de recommandations sur la réévaluation des produits chimiques existants, une liste assez détaillée de recommandations sur les formulants—pour que soient réglementés les formulants ou ingrédients dits inertes qui ne sont pas toujours inertes dans les pesticides et, enfin, des recommandations sur le besoin criant de stratégie de lutte antiparasitaire écologique visant à limiter l'utilisation des pesticides afin de réduire les risques.

Nous avons également formulé quelques recommandations ayant trait à l'accès à l'information, aux besoins en matière de recherche et de contrôle et à d'autres sujets. Dans l'ensemble, ce qui fait défaut, c'est la volonté politique et les ressources nécessaires pour que l'ARLA puisse élargir le cadre de ses activités et accomplir ce que le gouvernement fédéral s'est engagé à faire au fil des ans mais n'a pas encore fait.

Je termine là-dessus.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

Docteur Kelly Martin, s'il vous plaît.

Dr Kelly Martin (membre, Conseil d'administration, Association canadienne des médecins pour l'environnement): Bonjour. Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis médecin, et je travaillais jusqu'à tout récemment comme urgentologue à l'Hôpital pour enfants de l'est de l'Ontario. J'assure actuellement la coordination de la recherche médicale au département de la médecine d'urgence du Royal Victoria Hospital, à Montréal. Je suis également urgentologue en chef. J'ai participé à des études méthodiques quand j'ai fait mes maîtrises en épidémiologies et en biostatistiques, à Oxford, en Angleterre, et le Ontario College of Family Physicians m'a demandé de passer en revue les études qui ont été effectuées au sujet des effets des pesticides sur la santé humaine, et plus particulièrement sur celle des enfants. J'ai donc été invitée à siéger au Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire, le CCLA.

Je vais simplement donner un aperçu du processus d'examen. L'examen se veut impartial; il est confié à deux personnes qui dépouillent la documentation à la recherche de toute information sur les pesticides. On fait appel à deux personnes parce que les gens sont foncièrement partiaux et qu'une personne donnée pourrait ne pas vouloir se donner la peine de trouver un certain document, juger que son auteur n'est pas de bon calibre ou je ne sais quoi encore. Pareils écarts ne sont pas possibles dans ce genre d'examen. On prend tous les documents, on évalue la qualité de l'information qu'ils contiennent et on arrive à une entente. La méthodologie est établie au préalable, encore une fois pour ne pas qu'il y ait de partialité. Il s'agit d'une méthode que nous utilisons depuis une dizaine d'années en médecine quand il faut trancher devant des conclusions divergentes, et il se trouve toujours des études dont les conclusions sont divergentes.

Voilà donc la méthode qui a présidé à notre examen des pesticides.

• 1600

Si je me suis présentée comme je l'ai fait, ce n'est pas que j'en fasse grand cas. Il est bien sûr important de savoir qui a fait la recherche et s'il existe des risques de partialité. Je pense cependant que cette information est pertinente dans le contexte de nos discussions sur la politique en matière de pesticides.

Quand on siège au CCLA, on est tenté de diviser les groupes qui participent aux discussions sur les pesticides en deux camps, soit l'industrie et les écologistes. Créer une telle illusion constitue, je crois, une solution de facilité, puisque l'on se dit que les deux camps ont des vues empreintes de partialité et si diamétralement opposées qu'aucun rapprochement ne sera jamais possible. Je suis ici aujourd'hui, à titre de médecin, pour vous dire que, lorsque j'ai entrepris cet examen, je ne possédais aucunes connaissances préalables dans le domaine des pesticides et je ne m'y intéressais pas plus que ça. Ce que nous avons découvert comme preuve humaine des risques que posent les pesticides m'a stupéfait, comme le collège d'ailleurs.

Il est important, à mon avis, que vous sachiez qu'il n'est plus possible de diviser ainsi les groupes en mettant les écolos d'un bord et l'industrie de l'autre. Les pesticides sont un très gros sujet de préoccupation. Comme les scientifiques, les médecins et même la population en général vous demandent aujourd'hui d'intervenir, ils l'exigent même, dans ce dossier comme celui du tabagisme et de la conduite avec facultés affaiblies, les pesticides sont devenus un grand dossier d'intérêt public. Il n'intéresse plus seulement les tenants de positions extrêmes.

J'aimerais commencer par vous résumer une partie de la preuve médicale. Je ne doute pas que vous soyez déjà au courant des faits et, comme un membre du comité l'a signalé au début, vous n'êtes ni scientifiques ni médecins et cela ne vous intéresse peut-être pas de connaître la teneur de toutes les études, et il y en a une pléthore.

Laissez-moi vous dire une chose. Comme membre du CCLA, qui est composé d'un nombre égal de scientifique et de représentants de l'industrie, j'entends ces derniers répliquer à chacun des commentaires que nous formulons en disant qu'il s'agit d'études sans validité, des études contestables, ce qu'on appelle des études par observation. Pareille attitude révèle un manque total de compréhension de la façon dont les preuves sont recueillies. Pourtant, l'ARLA semble l'avoir fait sienne.

Nous ne prendrons bien sûr jamais 2 000 petits Canadiens pour les soumettre durant 50 ans à une étude comparative entre ceux que l'on exposerait à des pesticides et ceux qui vivraient dans une boîte. Cela n'arrivera jamais, et c'est très bien ainsi. On n'a pas procédé de la sorte dans le dossier de la cigarette. Or, 90 p. 100 de la recherche médicale ne s'effectue pas ainsi. Il n'y a pas de mal à le faire quand on est certain de l'innocuité d'un médicament. On met fin à beaucoup d'essais de médicaments parce qu'il se révèle qu'ils présentent des dangers. Cette possibilité ne s'offre généralement pas à nous en médecine. Alors, on ne le fait pas. Chaque décision que nous prenons en matière de soins de santé se fonde sur des essais d'observation. Pourquoi en serait-il différemment des pesticides?

Ces essais d'observation font très bien l'affaire. Les fait sont là. On prend, d'une part, les enfants dont les parents épandaient des pesticides sur la pelouse et, d'autre part, ceux dont les parents n'en utilisaient pas, et l'on voit combien d'entre eux ont développé la leucémie. Voilà le genre d'étude qu'il sera toujours possible de faire. Par conséquent, exiger des preuves tangibles d'une relation de cause à effet, c'est se condamner à ne jamais rien faire. On ne saurait jamais, au grand jamais, accepter pareille chose. C'est impossible, absolument impossible.

Pour que vous compreniez bien, et que l'ARLA comprenne bien, il faut dire qu'une foule d'études ont été publiées... Mon bureau est rempli d'études sur les effets sur la santé effectuées sur des animaux, d'études sur les enfants et la leucémie, d'études sur les golfeurs et d'études sur les agriculteurs. Alors, voyons ce qu'elles disent et mettons à profit l'information recueillie. Dans le dossier de la cigarette, cela a été la même chose. De l'information, il y en avait dans les années soixante et soixante- dix. Pourquoi avoir attendu 30 ans pour s'en servir dans le cadre d'une étude? Il y a des adolescents qui fument trois paquets de cigarettes par jour. Il s'impose d'utiliser l'information dont on dispose. Mettons à profit le fruit de la recherche scientifique. Nous savons comment étudier la preuve, l'information; alors, faisons-le et arrêtons de...

Je pense que, dans l'industrie, on se rend probablement compte, quoique ça ne doit pas être le cas de tout le monde, qu'il est illusoire de penser qu'il est possible d'établir cette fameuse relation de cause à effet.

À partir de l'examen des faits que l'on m'a demandé d'effectuer, on arrive à des conclusions pour le moins alarmantes. Je ne suis d'ailleurs pas la seule à en arriver à ce genre de conclusions. Je trouve cela rassurant, et je pense que vous aussi trouverez cela rassurant. Comme vous le savez, le National Research Council des États-Unis a été chargé d'examiner les effets des pesticides sur les bébés et sur les jeunes enfants. Ce groupe de 40 toxicologues, pédiatres et évaluateurs des risques venant du milieu agricole et de l'industrie a publié en 1993 un imposant compte rendu élaboré à partir des centaines d'études qu'il avait passées en revue. Personne ne trouve à redire à ses conclusions. Il a fait fond sur une recherche solide, et ses membres sont des personnes impartiales que le Congrès a chargées d'examiner la politique et les faits.

Ce groupe a conclu que les niveaux actuels de pesticides ne sont pas sans danger pour les bébés et les enfants. Ces derniers constituent une population a haut risque d'effets à court et à long terme sur la santé. À l'heure actuelle, les tests de pesticides ne tiennent pas compte des effets secondaires évidents, comme ceux touchant le système nerveux, le comportement, la vision et l'appareil génital. Connaissant le mode de fonctionnement de ces produits chimiques, nous pourrions nous attendre à des telles conséquences; pourtant, on ne s'y attarde pas.

• 1605

Plus précisément, les chercheurs ont conclu, premièrement, que les bébés et les enfants sont beaucoup plus sensibles aux effets des pesticides. Un grand nombre d'études prouvent que la toxicité de chacun de ces composés est plus grande pour les nourrissons que pour les adultes. On s'y serait attendu, intuitivement, mais il faut le démontrer. Chez les nourrissons, le foie est incapable de dégrader les produits chimiques. Leurs organes sont en développement. Leur système nerveux continuera de se développer jusqu'à que l'enfant ait atteint l'âge de 15 ans. Le cerveau se développe. Voilà comment les choses se passent avec les toxines. Quinze années d'exposition à des toxines, c'est long, et cela n'a rien de comparable avec une semaine d'exposition d'un animal. C'est vraiment très long. On ne tient pas compte des effets neurologiques à long terme, mais à court terme c'est très préoccupant.

Au Canada, on ne tient compte d'aucun de ces effets dans l'évaluation des risques. Autrefois, on ne le faisait pas non plus aux États-Unis, mais on a commencé à le faire. Malgré tout, on ne s'y intéresse pas.

Deuxièmement, ils ont conclu que l'on ne peut se fonder sur les preuves relatives aux adultes pour prédire quels seront les risques pour les bébés et les enfants. Cela semble aller de soi, intuitivement, mais là encore il faut le démontrer, preuves à l'appui. Quatre excellentes études examinent les divers effets sur les adultes comparativement aux enfants et les modèles animaux par rapport aux modèles humains. Les enfants sont plus sensibles. Il convient de leur appliquer des indices différents, y compris en ce qui concerne les systèmes hormonal et reproducteur, et ces indices doivent être incorporés dans les mécanismes d'évaluation des risques, ce qui n'est pas le cas en ce moment. Nous ne nous attachons qu'aux risques pour les adultes. Au moment d'évaluer ce qui constitue un niveau sécuritaire lorsque quelqu'un épand des pesticides sur une pelouse, on prend pour point de départ un adulte vêtu de la tête aux pieds qui marche sur la pelouse. Parfois, on fait une prise de sang pour vérifier s'il y a des effets secondaires. Cela arrive, et on considère un taux de 5 p. 100 comme acceptable. Est-ce cette situation comparable à celle d'un bébé de six mois qui rampe sur la pelouse, ramasse des objets et les porte à sa bouche et passe l'après-midi dans cet environnement? Bien sûr que non.

Quand on travaille dans un hôpital pour enfants, on voit arriver ces petits enfants qui ont rampé dans le gazon. Nous en avons eu trois cas l'été dernier. Ces enfants ont des éruptions cutanées, des vomissements, des convulsions. Les tests révèlent des niveaux élevés de produits toxiques dans leur organisme, et on apprend que quelqu'un avait fait de l'épandage. Ces tests ne font pas partie de l'évaluation des risques, mais comme médecins, nous savons que cela arrive.

Je le répète, on ne peut pas prédire quels sont les risques pour les enfants à partir de preuves relatives aux adultes, et il faut en tenir compte dans notre évaluation des risques.

Troisièmement, le recours aux preuves relatives aux expériences sur les animaux ne sont pas suffisantes. À l'heure actuelle, on se sert uniquement de preuves animales dans nos évaluations de risques au Canada. Il existe aussi des preuves humaines. Elles proviennent d'essais d'observation. On ne disposera jamais de plus, alors il faut incorporer ce genre de preuves dans l'évaluation des risques.

D'après le NRC, fonder les niveaux acceptables de résidus de pesticides sur les risques de décès... C'est ce que nous faisons dans l'évaluation des risques. On administre un pesticide à un animal et attend de voir combien de temps il prendra à mourir ou a développer un cancer. Une perspective différente s'impose pour les êtres humains. Nous ne voulons pas savoir quelle quantité de pesticide est nécessaire pour tuer un bébé, qu'il s'agisse d'un bébé rat ou d'un bébé humain. Nous avons besoin d'indices plus précis que cela, et il faut qu'ils soient incorporés dans l'évaluation des risques. Personne au Canada n'accueillerait favorablement, de votre part, une déclaration comme celle-ci: «Nous pouvons vous assurer que, compte tenu des niveaux actuels, très peu de vos enfants vont mourir à court terme.» Ce n'est pas cela qui nous intéresse, mais plutôt les risques de cancer et les effets neurologiques.

Le dernier point, qui a été soulevé plus tôt, c'est que l'évaluation quantitative des risques pour les nourrissons et les enfants n'est pas satisfaisante. Ce que fait valoir le NRC en 150 pages, car il ne le dira jamais assez, c'est qu'il reste effectivement de faibles résidus sur les fruits et les légumes, dans l'eau, dans les tapis, dans les meubles et que, dans chacun de ces cas, ces résidus ne posent peut-être aucun danger. Au Canada, on trouve des résidus d'une quarantaine de composés organophosphorés de la même famille dans une seule pêche. Si la présence d'un seul de ces composés ne pose aucun danger, peut-on en dire autant de leur combinaison? On ne vérifie pas cela au Canada, ni aux États-Unis d'ailleurs, mais c'est ce que nous voulons nettement savoir. Les enfants ne mangent pas qu'un seul fruit par jour. Ils boivent du jus, qui est tiré de 10 ou 15 pêches ou pommes, et ils en boivent de cinq à six fois par jour. En outre, ils se roulent dans la pelouse et ils boivent de l'eau contenant des résidus. Nous savons qu'ils absorbent environ quatre à cinq fois plus de résidus par kilogramme de poids corporel que les adultes. On ne tient pas compte de cela lorsqu'on évalue les risques. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, à lui seul, chaque pesticide ne fera pas faire une crise d'épilepsie à votre enfant, mais que cela risque de se produire 5 p. 100 du temps.

Il faut que cela change. C'est absolument inacceptable. Nous savons depuis longtemps qu'il faut que cela change. Il en a été question aux États-Unis. La situation a évolué un peu là-bas, mais pas le moindrement ici, au Canada.

• 1610

Il suffit de considérer l'incidence des cancers. Des tas d'études montrent les risques élevés pour les agriculteurs et les golfeurs de développer un lymphome non hodgkinien par suite d'une exposition chronique aux herbicides. Un agriculteur qui en utilise coure cinq à six fois plus de risques que la normale de développer un lymphome. C'est ce que rapportent l'Institut national du cancer et le Comité consultatif canadien sur le contrôle du cancer. Encore là, tout le monde est d'accord, car c'est ce que montrent des douzaines d'études qui évaluent depuis longtemps l'incidence des herbicides sur les agriculteurs, car celle-ci est très facile à cerner.

Ce qui est controversé, ce sont les risquent que courent les enfants lorsqu'on utilise des pesticides à la maison. Des études menées récemment aux États-Unis montrent que lorsqu'on utilise des insecticides pour le jardin ou la pelouse, on fait courir à son enfant de quatre à cinq fois plus de risques de développer un lymphome non hodgkinien. Les adultes qui se servent de pesticides courent aussi des risques. Il s'agit donc d'études par observation. Il y en a cinq ou six qui sont bien faites et qui sont publiées dans de bonnes revues.

La situation est alarmante. On utilise les pesticides à des fins cosmétiques. Nous permettons qu'on le fasse. Le gouvernement fédéral permet sciemment que l'on vaporise les berges du canal, à Ottawa, en dépit du fait qu'il a été prouvé encore et encore que cela n'est pas sûr à long terme.

L'autre incidence est la leucémie. Encore là, des études montrent qu'il y a un lien entre la leucémie et l'utilisation de pesticides au niveau familial. Il y a habituellement de quatre à six fois plus de cas de leucémie chez les enfants des familles qui utilisent des pesticides sur leur pelouse et dans leur jardin que chez les enfants de celles qui n'en utilisent pas.

Pour ce qui est des effets neurologiques, qui devraient nous préoccuper car c'est par cela que se manifeste le plus l'incidence des pesticides, nous savons que, dans les cas d'exposition aiguë, nous avons des douzaines de rapports et nous voyons sans cesse des enfants qui, après avoir employé un insectifuge ou un produit contre les poux, font des crises d'épilepsie et souffrent de confusion prolongée. Cela arrive tout le temps. Nous croyons qu'il s'agit seulement d'un effet aigu. Mais nous ne devrions pas nous servir de ces produits en médecine. Quels sont les risques à long terme? Si un insectifuge employé sur la tête de votre nourrisson peut avoir un tel effet, qu'adviendra-t-il de votre système neurologique après 15 années exposition? Il faut examiner la question et il faut financer des études là-dessus.

Pourquoi n'a-t-on rien fait par suite de ces observations? Les milieux scientifiques se demandent souvent, je crois, pourquoi nous ne faisons rien. La même chose vaut pour la cigarette. Il est facile de ne rien faire. Il est facile de maintenir le statu quo.

Lorsqu'on fait partie de l'Association canadienne de l'industrie du médicament (ACIM), qui se compose pour la moitié de représentants du secteur industriel et pour l'autre moitié de représentants du milieu médical, vous voyez ce qui se passe. Les observations sont avancées et l'on exige des liens clairs de cause à effet. Et je le répète à nouveau, cela n'est tout simplement pas possible.

Il faut que les Canadiens voient comment se fait l'évaluation des risques. Aux États-Unis, je peux trouver dans un certain nombre de revues la façon dont se fait là-bas l'évaluation des risques. Je siège à l'ACIM et nous demandons depuis le début comment se fait l'évaluation des risques pour les pesticides au Canada. Allan Rock a assisté à une de nos séances et l'a demandé aussi. Depuis les deux années que nous y sommes, cela est arrivé huit ou neuf fois. Comme on ne nous l'a toujours pas dit, nous en déduisons qu'il n'existe toujours pas de méthode systématique à cet égard. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) ne sait vraiment pas comment se fait l'évaluation et nous ne le savons pas non plus, probablement parce qu'elle ne se fait pas de façon systématique. On n'est pas en mesure de nous dire ni de dire au ministre de la Santé ce qui se fait au juste.

L'examen des observations et notre expérience à l'ACIM nous poussent donc à recommander que l'on modifie l'évaluation des risques. Il nous faut un processus clair qui soit accessible à toute personne intéressée. On nous en promet un pour 2005 ou 2006. Pourquoi nous fournirait-on alors ce qu'on ne peut pas nous fournir maintenant? Si cela se fait déjà, qu'on nous le dise maintenant! Qu'on force l'ARLA à établir certaines de ces choses par écrit en temps opportun! Qu'on lui fixe une date butoir et non des échéances de 20 ans qui changent constamment!

Il faut prévoir des façons très spécifiques d'évaluer les risques pour les nourrissons et les enfants. Il faut observer ce qui arrive chez les humains. Il faut établir clairement ce que sont des risques acceptables. Un pesticide, le lindane, présente des risques excessifs, mais on ne peut rien faire à son égard. Nous avons demandé aux ministres successifs ce qu'ils en pensaient. Cinq ans ont passé et l'on n'a toujours rien fait pour l'interdire. Fixons des limites qui tiennent compte des multiples produits auxquels nous sommes tous exposés quotidiennement.

Quant au processus de réévaluation, il faut fixer une échéance à cet égard à l'ARLA. Nous avons des évaluations de pesticides qui datent de 20 ans. Si vous veniez à l'hôpital et que je voulais vous administrer un médicament qu'on utilisait il y a 20 ans, j'espère que vous refuseriez, car les choses évoluent. Nous savons maintenant que ce que nous considérions hier comme un médicament extraordinaire augmente aujourd'hui de deux ou trois fois vos risques de mourir. Et nous savons que cela vaut aussi pour les pesticides. Comment peut-on permettre à l'ARLA de piétiner ainsi pendant 20 ans?

• 1615

Toujours en ce qui concerne la réévaluation, quand on dit au secteur industriel de faire quelque chose, quand on dit aux gars qui pulvérisent les pesticides sur les pelouses d'utiliser telle ou telle concentration, comment savoir qu'ils le font bien? Il n'y a pas de réglementation et personne ne vérifie.

Quand nous recevons à l'Hôpital pour enfants de l'est de l'Ontario (HEEO) des enfants qui font des crises d'épilepsie et qui ont manifestement été exposés à des produits toxiques, nous nous adressons au centre antipoison de la Direction générale de la protection de la santé, où l'on nous dit qu'on ne croit pas avoir de preuves ni de données à cet égard, qu'on ne peut pas faire grand-chose et que cela n'a probablement rien à voir. Eh bien, la documentation est truffée d'observations qui prouvent que cela a quelque chose à voir.

La question est ensuite de savoir où il faut rapporter la chose? Nous recevons des enfants qui subissent les effets secondaires d'un médicament mais, comme nous n'avons aucun moyen de rapporter la chose, le secteur industriel a beau jeu de dire que rien ne prouve que des enfants souffrent de cela au Canada. Eh bien, nous en avons plein de ces cas à l'HEEO, mais nous ne pouvons rien faire; nous pouvons en parler, mais nous n'avons nulle part où les rapporter. Il faut que nous puissions les rapporter quelque part.

Principe de précaution: encore là, l'ARLA aurait dit que seulement pour mener des études, il faut appliquer le principe de précaution. On se demande bien comment il se fait que l'ARLA ne comprend pas le principe de précaution. Mener une étude avant de libérer une toxine dans l'environnement et d'y exposer tout le monde—le simple minimum—n'a rien à voir avec le principe de précaution. Cela a à voir avec le fait que nous avons des observations, que nous avons déjà établi cela, que nous sommes déjà passés par là avec toutes sortes de questions de santé publique, et qu'il faut faire quelque chose. Il n'est pas nécessaire d'attendre 20 ans. Servons-nous des observations que nous avons et agissons avec prudence! Assurons-nous que l'ARLA comprend ce qu'est le principe de précaution!

L'autre point concerne les solutions de rechange. Lorsqu'on siège à l'ARLA, à l'ACIM... c'est une espèce de petite balle floue, dans le coin, que l'on essaie de saisir, mais en vain. Des représentants de l'exploitation forestière et du secteur agricole se plaignent sans cesse. Ils essaient de proposer des choses à la division des solutions de rechange, mais cette division n'est pas sérieuse. La solution est pourtant là. Il faut réglementer ces choses. Ces secteurs industriels veulent trouver des solutions; faisons donc de celles-ci une partie sérieuse de l'ARLA!

Pour terminer, je tiens à vous dire que, pendant toues les heures que je me suis préparé à venir ici, je me suis demandé, en tant que médecin, si cela en valait la peine. Les preuves existent depuis tellement longtemps. Qui suis-je à côté du National Research Council américain? Les preuves existent. Je ne devrais pas avoir à les appeler à la Direction générale de la protection de la santé. Elles sont claires. La direction le sait. Les scientifiques de la Direction générale de la protection de la santé sont au fait des preuves.

Ne perdons-nous pas notre temps, dix ans après, à parler de cela? Ce qu'il faut, c'est qu'on oblige clairement l'ARLA à protéger la santé des Canadiens. Leur bien-être dépend de la Direction générale de la protection de la santé. Ils ne le savent pas, mais c'est vrai. C'est le rôle de la division. Oui, elle veut que les Canadiens demeurent compétitifs, mais son rôle consiste à protéger la santé des Canadiens. Compte tenu des preuves que nous avons, elle ne peut pas ne pas agir de façon responsable.

Je vous dirai enfin aujourd'hui que, en tant que médecin, je vous passe la balle. Si je suis ici aujourd'hui, c'est que, lorsque j'examine ces preuves, je me sens obligé de faire quelque chose en tant que médecin. Je ne suis pas payé pour le faire. Cela prend beaucoup de temps, mais j'estime qu'il faut faire quelque chose. La balle est donc désormais dans votre camp. Vous êtes payés, vous avez été élus pour régler des problèmes de ce genre. Faites quelque chose car, sinon, les Canadiens vous en tiendrons extrêmement responsables un jour.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

Nous passons maintenant aux questions. Chaque membre dispose de cinq minutes, questions et réponses comprises.

Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup.

Je remercie les témoins pour leur témoignage. Je reconnais mon ignorance dans ce domaine. Je les remercie de m'avoir aussi bien informé.

Je veux être sûr d'avoir bien compris. Vous laissez entendre, docteur Martin, qu'il nous faut tout simplement nous en tenir maintenant aux preuves tirées des observations, et que, franchement, ces preuves sont suffisamment nombreuses, tant au Canada qu'aux États-Unis et dans d'autres pays, je suppose, pour que nous allions de l'avant et mettions en place une réglementation vraiment sévère. C'est essentiellement là ce que vous dites.

• 1620

Voici quelle est ma question. Vous dites qu'il faut réglementer l'utilisation des pesticides. Cela va poser des problèmes pratiques aux gens. Je me demande si vous avez songé à la façon dont cela fonctionnerait. Par exemple—je viens d'une circonscription rurale—les agriculteurs utilisent des pesticides en quantité considérable. Qu'arrivera-t-il dans la pratique si certains de ces pesticides sont réglementés plus sévèrement? Je ne suis pas très sûr de ce que cela aura pour conséquences. Cela veut- il dire que des pesticides risquent de disparaître complètement des magasins, que les gens devront changer d'équipement? Quelles seraient au juste les conséquences de cela?

Dr Kelly Martin: Cette question comporte deux volets, dont celui de l'utilisation cosmétique des pesticides. Les agriculteurs conviendront, je crois, qu'on peut réglementer la pulvérisation de pesticides le long des routes, partout dans le parc de la Gatineau. Il est renversant de voir, dans les cours d'école—ou dans les parcs—les panneaux interdisant de marcher sur la pelouse par suite du traitement de celle-ci aux pesticides. C'est un volet du problème. On peut certes faire quelque chose à cet égard. Cela ne touche pas à l'agriculture.

Le second volet, c'est que, lorsqu'on siège à l'ARLA, on voit que quelques-unes des personnes les plus raisonnables là-bas sont des agriculteurs ou des agriculteurs qui représentent désormais quelque groupe. Ceux-ci comprennent qu'ils sont exposés à des produits comme le lindane, par exemple, et ils sont très raisonnables à cet égard. Ils sont nombreux à avoir pris des mesures bien avant l'adoption de quelque politique en interdisant l'usage parce qu'ils comprennent ce que suppose son utilisation.

Dans son rapport, le commissaire parle de l'opportunité d'évaluer les risques dans les secteurs à forte utilisation. Je répète que je n'y connais manifestement rien, mais on dit dans d'autres ministères qu'il existe des méthodes et qu'il en a été question. L'ARLA doit se mettre en communication avec ces autres ministères.

M. Monte Solberg: D'accord.

Vous n'avez pas abordé cette question, mais je remarque que vous recommandez dans votre rapport que soit créée une base nationale de données sur l'utilisation des pesticides. Je crois comprendre que l'Institut canadien pour la protection des cultures est d'accord, mais craint que les Canadiens ne mettent en doute les renseignements fournis par les manufacturiers. Qu'en pensez-vous?

Dr Kelly Martin: Je sais qu'il y a en Saskatchewan une base de données sur l'utilisation des pesticides; nous nous en servons dans nos recherches parce que c'est tout ce que nous avons... Je ne sais pas au juste. Je sais que la base de données de la Saskatchewan porte sur la quantité de pesticides qui sont vendus dans un secteur donné; on peut examiner ensuite les risques pour la santé et déterminer s'il y a vraiment un lien. Ce qu'il faudrait savoir, c'est si l'on fait quelque chose avec les résultats. Mais je répète que la plupart des autres pays ont une base de données de ce genre; je crois donc... Il ne faut pas réinventer la roue et on peut décider de se fonder... ne serait-ce que sur les ventes des manufacturiers... ou sur l'utilisation par les agriculteurs... pour établir un lien entre l'utilisation et les effets sur la santé.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

[Français]

Madame Girard-Bujold, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Je tiens à vous remercier et à vous féliciter des témoignages dont vous nous avez fait part aujourd'hui. Vos propos ne tomberont pas dans l'oreille de sourds. Nous, les députés, sommes confrontés à ces mêmes problématiques et estimons également que l'ARLA ne fait pas ce qu'elle est en devoir de faire. Vous êtes continuellement près des gens et vous avez en main des preuves dont, à vos dires, ne tient pas compte l'agence responsable de l'examen des pesticides.

Tout à l'heure, un témoin nous disait que nous devions tirer profit de ce qui se passe actuellement aux États-Unis et nous baser sur leur expérience si nous désirons modifier notre loi sur l'ARLA. Pourriez-vous préciser les points qui pourraient nous aider à améliorer notre loi?

Je sais que le constat est là, et tout le monde est venu nous le dire. Ce n'est pas la première journée que nous tenons des audiences sur cette question. Nous sommes tous conscients qu'il y a vraiment un gros problème. Lorsqu'il s'agit de santé, l'argent nécessaire n'a à mes yeux pas d'importance. Le gouvernement et cette agence devront tenir compte de tout ce que vous dites et se servir des études auxquelles vous faites allusion, bien que je ne sache pas s'ils ont déjà en main ces études.

• 1625

Vous disiez que tous les intervenants devaient pouvoir consulter une banque globale où ils pourraient puiser l'information voulue. Vous disiez également que vous ignoriez à quelles instances les plaintes devaient être soumises.

Comme vous le savez, notre comité devra formuler des recommandations, et j'aimerais que vous nous énonciez les prémisses des changements que nous devrions apporter à l'agence, afin que nous puissions être partie prenante de ce que vous êtes venu nous dire et que nous puissions lui indiquer la voie à suivre. Merci.

[Traduction]

Dr Kelly Martin: Je ne sais pas si c'est le représentant de l'Association canadienne du droit de l'environnement qui doit répondre à cette question ou moi-même, mais l'ARLA est certes en train de s'entretenir avec les Américains sur ce qu'ils font. Il y a des discussions avec d'autres pays.

Les Américains ont institué cette recommandation du National Research Council pour la protection des enfants, la multiplication par dix, en tenant compte de multiples résidus et de multiples risques dans différentes questions.

On a donc toujours accès à une banque de renseignements dans d'autres pays. Je répète que, si l'on en juge par le rapport du commissaire, l'ARLA n'a tout simplement pas accès à différentes parties de la bureaucratie fédérale. Les chercheurs sont évidemment au fait de ce qui se passe dans d'autres pays.

M. Paul Muldoon (directeur exécutif, Association canadienne du droit de l'environnement): Bonjour.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Bienvenue au comité. Auriez-vous l'obligeance de nous dire à quel groupe vous appartenez?

M. Paul Muldoon: Je m'appelle Paul Muldoon; je suis le directeur exécutif de l'Association canadienne du droit de l'environnement.

Nous avons présenté une étude qui comporte 45 recommandations environ. Celles-ci peuvent être classées de diverses manières, mais elles visent fondamentalement à s'assurer que les produits qui sont homologués sont évalués correctement et de façon à protéger la population et notamment ses membres les plus vulnérables; que les substances déjà en usage peuvent être réévaluées en cas de problèmes; que la base de données que nous avons est enrichie; et que l'accès à cette base de données est étendu à tous les intervenants.

Au nombre des questions les plus importantes, toutefois, celle de l'utilisation des pesticides nous préoccupe particulièrement. Il nous semble que l'ARLA a un rôle important à jouer, d'abord pour ce qui est de formuler une gestion intégrée des parasites et de devenir le champion de l'éducation du public à cet égard, de renseigner tous les secteurs qui utilisent des pesticides, et de se servir de cela pour complémenter son mandat habituel.

Aucune recommandation ne résoudra à elle seule le problème. Il y en a toute une série: réglementation, politique, éducation et information. Et l'on n'a peut-être pas suffisamment insisté sur la nécessité de prévoir des ressources pour exécuter la législation à la lettre et pour mettre en oeuvre la politique et la loi que nous avons déjà.

C'est beaucoup de travail, mais il s'agit manifestement d'un gros problème.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

Peter Mancini.

M. Peter Mancini: Merci, madame la présidente.

Je vous remercie tous pour votre exposé instructif, sérieux et je dirais même courageux.

Docteur Martin, j'accepte le défi que vous nous lancez en disant que la balle est désormais dans le camp des parlementaires, et je vous remercie d'accomplir un travail aussi important.

J'ai deux questions à poser au Dr Martin et deux autres à poser à M. Muldoon, qui, je crois, remplace Mme Cooper.

Docteur Martin, vous dites que les observations montrent clairement que, aux niveaux actuels, les pesticides ne sont pas sûrs pour les enfants et les nourrissons et qu'ils sont encore plus toxiques pour les nouveau-nés que pour les autres enfants. Est-ce à dire qu'ils sont encore plus dangereux pour le foetus, pour l'enfant à naître? Je le suppose, mais je ne le sais pas. Telle est ma première question.

Voici la seconde. Vous dites avoir traité cet été trois enfants présentant des éruptions cutanées et des vomissements dus à une exposition à des pesticides. Avez-vous observé dans votre pratique des cas de perturbation du système endocrinien? Répondez- moi si vous le pouvez.

Et monsieur Muldoon, j'ai deux questions pour vous. D'abord, on critique beaucoup l'ARLA dans le rapport. Lorsque je lis la page 8, je me demande si elle a fait quelque chose de bien.

Je suis intrigué aussi par cette observation que je lis à la page 9:

    Au nombre des problèmes, on a aussi cerné le manque de ressources suffisantes à l'ARLA et dans d'autres ministères de même que des exigences accrues et une plus grande influence du secteur privé sur les programmes de recherche.

• 1630

Pouvez-vous nous en dire plus long sur l'influence du secteur privé sur les programmes de recherche?

Merci.

Dr Kelly Martin: La première question était de savoir si j'ai observé une toxicité intra-utérine. Encore là, nous avons fait des observations chez les animaux et chez les humains. Nous avons observé des anomalies du système de reproduction chez les animaux. Il s'agit du grand problème que posent des organes génitaux anormaux, l'infertilité. Encore là, nous avons des études par observation des animaux. En Floride, les alligators et différents animaux qui vivent dans des régions à forte utilisation de pesticides présentent ce qu'on appelle «des organes génitaux indistincts», des taux de fertilité très bas et d'autres anomalies du genre.

Chez les humains, la Direction générale de la protection de la santé a examiné le nombre de spermatozoïdes de nourrissons dont les parents sont exposés à des pesticides en milieu industriel. À Montréal, une étude a révélé trois fois plus de cas de leucémie chez des enfants qui avaient été exposés à des pesticides avant leur naissance.

Ces études sont difficiles à mener. Souvent, la validité des renseignements fournis par les parents d'enfants atteints est mise en doute.

Ces études sont coûteuses. Il n'y en a pas eu beaucoup, et certes pas au Canada du moins. Beaucoup des observations que nous avons viennent des États-Unis, mais beaucoup d'études sur des animaux révèlent un problème de malformations intra-utérines. Les plus importantes sont d'ordre neurologique, mais elles sont très difficiles à étudier et exigent un long suivi. Elles n'ont pas été examinées faute d'argent. La Direction générale de la protection de la santé peut remédier à cela, car le financement est fourni sur l'initiative de la Direction générale de la protection de la santé.

La seconde question est de savoir si nous observons des cas de perturbation du système endocrinien. En médecine, nous voyons beaucoup de cas de perturbation du système endocrinien, mais nous ne sommes tout simplement pas sûrs de leur cause. Les cas de lymphome se sont multipliés, et c'est ce qui a motivé les études sur les pesticides. Pourquoi cette recrudescence de lymphomes chez les agriculteurs et puis chez les gens qui épandent des pesticides sur les terrains de golf? On se rend compte tout à coup que ces gens-là ont quelque chose en commun.

La perturbation du système endocrinien constitue donc un problème important. Les études sur les animaux montrent bien que le pénis ne se développe pas normalement ou qu'on obtient quelque chose qui se situe entre le pénis et le clitoris chez les animaux qui sont exposés à des pesticides. Chez les enfants, on a observé des taux accrus de cryptorchidie, malformation congénitale caractérisée par l'absence des testicules dans le scrotum par suite de leur rétention dans la cavité abdominale et par un nombre anormal de spermatozoïdes. Nous savons que cela existe dans la société en général. C'est un problème très important, mais il est très difficile d'établir un lien avec les pesticides. Faute d'argent, les études n'ont pas été menées. Mais les études sur les animaux ont certes cerné ce problème très important, et beaucoup de gens exercent des pressions pour qu'on fasse davantage d'observations chez les humains à cet égard.

Dr Peter Sakuls: J'aimerais seulement ajouter—et l'on me corrigera si je me trompe—que des études ont montré un risque accru de fausse couche, soit environ deux à cinq plus que la normale, chez les femmes qui ont été exposées à des pesticides.

Dr Kelly Martin: Lorsqu'on examine les observations, on se rend compte qu'elles forment tout un méli-mélo. Il y a probablement 300 études qui portent sur différentes conséquences pour les humains, mais il est difficile de lier celles-ci aux pesticides, d'essayer d'isoler l'influence des pesticides parmi tous les produits auxquels les humains sont exposés. Il faut tenir compte du tabagisme et des boissons alcoolisées et de toutes les autres choses qu'on peut examiner dans des études.

Je dirais qu'on est inquiet. Les preuves sont limitées, mais elles suscitent beaucoup d'inquiétude. Ce n'est pas comme la leucémie et le lymphome, pour lesquels les preuves sont assez bonnes pour qu'on agisse. On craint aussi que les pesticides ne causent le cancer du sein.

M. Paul Muldoon: Pour ce qui est de vos deux questions, je me demande comment je pourrais le mieux répondre à celle de savoir ce que l'ARLA fait de bien. Comme nous voulons avoir un organisme qui s'efforce d'agir dans l'intérêt du public, nous n'avons pas cherché à savoir ce qu'elle fait de bien ni ce qu'elle fait de mal, mais bien quels obstacles systémiques l'empêchent peut-être de défendre davantage l'intérêt du public. C'est pourquoi nous avons examiné la loi, les fondements de la politique et les ressources. À mon sens, l'ARLA doit chercher des moyens de mieux remplir son mandat, par la gestion intégrée des parasites, par exemple.

Le problème de la recherche est très intéressant. Comme le financement de la recherche scientifique se fait en général rare, la tendance est évidemment de recourir à des partenariats publics et privés.

• 1635

La question que nous devons tous nous poser à cet égard est simplement la suivante: y a-t-il un prix d'admission? Y a-t-il un prix à payer pour le financement privé de la recherche qui est, en fait, publique? Et je ne crois pas qu'on puisse affirmer généralement que toute la recherche privée est mauvaise ou que toute la recherche publique est bonne.

Ce que nous disons, c'est qu'il y a lieu d'être inquiet lorsque des secteurs industriels qui ont des intérêts acquis dans le résultat des études financent les études, qui sont menées dans les établissements d'enseignement ou ailleurs. Nous ne visions aucune étude ni aucune université. Nous ne faisons que sonner l'alarme. Nous estimons qu'il nous faut des études impartiales qui soient financées à même les fonds publics non seulement pour en assurer la crédibilité et l'objectivité, mais aussi l'apparence de crédibilité et d'objectivité. Ce sont des sonnettes d'alarme de ce genre que nous tirons en reconnaissant que le problème va au-delà des pesticides, qu'il est profond, mais nous sonnons l'alarme quand même, surtout dans ce domaine.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Herron.

M. John Herron: Nous avons entendu plus tôt bon nombre de témoignages sur l'utilisation urbaine et sur une plus grande utilisation agraire des pesticides, et je veux m'en tenir pour le moment aux problèmes d'utilisation urbaine.

Nous savons que Santé Canada doit déterminer si un pesticide peut être commercialisé et dans quelle catégorie. Mais nous savons aussi que les provinces en réglementent l'utilisation, l'application en fait.

Disons qu'une entreprise d'entretien des gazons doit être homologuée pour pouvoir appliquer un pesticide donné, alors que ce même pesticide est en vente libre au Canadian Tire ou dans n'importe quelle autre quincaillerie... Vous savez: «Plus vous en mettez, mieux c'est!»

Il faut donc remettre en question l'utilisation domestique des pesticides par des profanes. Plus précisément, nous attendons toujours que soit bel et bien déposée la mesure législative qui a prétendument été rédigée depuis 1997. J'essaie seulement d'imaginer ce qu'elle peut bien contenir. Prévoit-elle quelque règlement spécifique régissant plus agressivement l'utilisation urbaine des pesticides et leur application?

Dr Kelly Martin: J'ai passé six mois à examiner ce document ad nauseam et je n'ai rien trouvé sur l'application urbaine des pesticides dans le nouveau... Il s'agit d'un document vieux de 15 ans que l'on essaie de faire adopter depuis des siècles et qui traite très peu de ce dont il est question ici. Or, pour autant que je m'en souvienne...

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Docteur Martin, pourriez-vous nous dire, aux fins du compte rendu, de quel document au juste vous parlez?

Dr Kelly Martin: Il s'agit de la Loi...

M. John Herron: La nouvelle Loi sur les produits antiparasitaires qui, comme on l'a dit, a été rédigée depuis 1997?

Dr Kelly Martin: Exact. La nouvelle Loi sur les produits antiparasitaires. Celle-ci été présentée à l'ACIM, à notre comité il y a un an...

M. John Herron: Il y a un an.

Dr Kelly Martin: ...pour que nous l'examinions... Ma foi, comme elle est vieille de 15 ans, un an ici ou là... Pour que nous l'examinions et présentions des observations et essayions de nous entendre dessus au sein de l'ACIM. Pour autant que je m'en souvienne, elle ne prévoit absolument rien sur l'utilisation urbaine des pesticides. Elle est très élémentaire...

M. John Herron: Je n'en reviens tout simplement pas. Il n'y a donc absolument rien sur l'utilisation urbaine des pesticides, rien de tel.

Ma prochaine question concerne quelque chose qui me fait un peu peur du point de vue de la protection des agriculteurs. Une grande partie de l'utilisation des pesticides par les agriculteurs et leurs familles—et les agriculteurs sont en cause non seulement parce qu'ils produisent un produit, mais aussi parce qu'il vivent très souvent à l'endroit même où ils appliquent des pesticides.

Pour ce qui est de l'accès à l'information, dont il a été question deux ou trois fois déjà, nous savons donc que, conformément à la loi, il n'est même pas obligatoire de produire des fiches signalétiques pour les pesticides, des produits chimiques qui visent à tuer—de façon contrôlée, mais à tuer tout de même. Pouvez-vous me dire si des recommandations concernent spécifiquement des bases de données ou les fiches signalétiques qui ont été produites dans le cadre du Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT), de façon générale, de telle sorte que je puisse trouver sur Internet une fiche signalétique sur tout pesticide approuvé au Canada? Pouvez- vous me dire ce que prévoit ce document à ce sujet?

• 1640

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Pourrions-nous avoir... M. Herron a glissé une seconde question là-dedans.

M. John Herron: Vraiment? Je m'excuse.

Dr Kelly Martin: Cette nouvelle mesure législative ne prévoit rien sur la protection des enfants ni aucune de ces questions. Cela revient beaucoup à du pareil au même. Elle présente des aspects utiles. Pour ce qui est de permettre aux gens de chercher et de trouver quelles sont les preuves, ce document ne prévoit rien de tel. Je crois que l'ARLA devrait offrir cela sur son site Web, de telle sorte que les gens puissent y accéder.

Lorsqu'on s'entretient avec des agriculteurs, on se rend compte, comme vous le dites, que ce sont des gens raisonnables. Ils vous disent que lorsqu'ils épandent des pesticides sur leur pelouse, ils demandent au fournisseur si le produit est sûr—le fournisseur leur dit qu'il ne présente absolument aucun danger pour la santé, car autrement on ne pourrait pas l'utiliser, et qu'il ne contaminera pas l'eau.

Il faut donc éduquer la population. Cela doit faire partie du rôle de l'ARLA. Cette nouvelle mesure législative ne prévoit rien de tel, ni grand-chose d'autre. Vous devriez la lire—vous savez, elle est très élémentaire. Elle ne touche à aucun des sujets dont nous parlons maintenant.

M. Paul Muldoon: Je tiens seulement à ajouter que nous façon de voir comment cela fonctionnerait dans le cadre du SIMDUT est exposée en gros dans la recommandation que nous présentons.

M. John Herron: C'était une bonne question, toutefois, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui et vous avez probablement excédé de 15 secondes seulement la période de cinq minutes dont vous disposiez.

Monsieur Jordan, s'il vous plaît.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Le Règlement, c'est le Règlement.

Si cet avant-projet de loi existe, je me demande seulement, madame la présidente, si le comité en prendra connaissance bientôt. Je ne veux pas que cela soit déduit du temps mis à ma disposition.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Ma foi, je suis plutôt curieuse, docteur Martin. Vous dites que le projet de loi a été rédigé il y a 15 ans et que votre comité l'a à sa disposition. Je me demande seulement si la loi et les notions de protection de l'environnement ont évolué depuis 15 ans, mais nous y reviendrons plus tard.

M. Joe Jordan: Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos invités. Je m'excuse d'être en retard, mais nous nous avions un projet de loi d'initiative parlementaire à déposer concernant le moratoire sur l'épandage de pesticides à des fins cosmétiques dans les municipalités.

Je veux poser une question à M. Muldoon, car un représentant de la municipalité de Chelsea a comparu devant le comité hier, je crois. Il a parlé des efforts que déploie depuis longtemps cette municipalité—ma foi, celle-ci a bel et bien interdit l'utilisation des pesticides à des fins cosmétiques.

Avant ce témoignage, j'avais l'impression que, en vertu de lois provinciales distinctes, les municipalités du Québec pouvaient interdire l'utilisation de pesticides sur des propriétés privées alors que, en Ontario, on pouvait seulement l'interdire sur des propriétés publiques. Mais on m'a fait savoir que ce n'était pas le cas, que les deux provinces appliquaient la même loi, mais qu'aucune autre province ne le faisait. Que pensez-vous de cela? Êtes-vous au courant de cela?

M. Paul Muldoon: Nous menons des recherches là-dessus, car cela nous inquiète beaucoup que la loi de Chelsea ait été contestée.

M. Joe Jordan: Il s'agit, en fait, du jugement Hudson...

M. Paul Muldoon: En effet. Nous menons donc des recherches là- dessus et je me ferai un plaisir de vous envoyer les conclusions de nos recherches.

M. Joe Jordan: D'accord.

M. Paul Muldoon: Mais nous sommes maintenant d'avis, et cela n'a rien de définitif, que cette contestation aura des conséquences nationales. Mais nous examinons la question à fond et nous nous ferons un plaisir d'informer le comité de nos conclusions.

M. Joe Jordan: Je crois savoir que le jugement Hudson a déjà été contesté deux fois et que la municipalité a gagné les deux fois. Mais il pourrait être contesté encore une fois auprès de la Cour suprême, je suppose?

M. Paul Muldoon: Oui, je crois qu'il le sera. Tel est le problème.

M. Joe Jordan: D'accord.

Docteur Martin, un témoin nous a dit en substance hier—et je ne crois pas mal citer ou mal interpréter son témoignage—que les médecins considèrent comme un problème le fait que les compagnies pharmaceutiques sont aussi, dans bien des cas, les producteurs de pesticides. Il y a un silence assourdissant de la part du milieu médical, des médecins de médecine générale qui sont les premiers à observer ces choses et qui formeraient peut-être une lame de fond en faveur du changement. Ce témoin a clairement laissé entendre que l'économie de la chose empêchait les médecins de parler. Je vois que ce n'est pas le cas des témoins qui sont ici aujourd'hui. Mais avez-vous pu observer cela parmi vos rangs?

Dr Kelly Martin: Oui. Comme nous le savons tous, les compagnies de produits pharmaceutiques et chimiques sont étroitement liées. Les médecins en général consacrent une bonne partie de leur temps à cette question. Pour ma part, c'est 20 heures et parfois même 30 heures de plus par semaine, non rémunérées. C'est, je crois, une source de problème chez les médecins. Nous avons déjà tellement de travail que nous ne sommes pas très enclins à nous occuper de la chose.

Je ne le crois pas. Je l'ignore. Je sais bien que cela ne répond pas vraiment à votre question.

• 1645

Malheureusement, M. Mancini est parti. Il parlait de demander de l'information sur les pesticides provenant des exposés de l'industrie, relativement à la preuve des effets de ces produits. Quand j'entends une chose pareille, je trouve cela scandaleux. Il y a dix ans, le milieu médical a produit une information abondante démontrant que les résultats des essais effectués sur des médicaments variaient considérablement selon que ces essais étaient ou n'étaient pas subventionnés par l'industrie. Aujourd'hui, si vous voulez publier quelque chose, vous devez le faire sans l'aide financière de l'industrie, sinon vous ne serez pas publié.

L'information provenant d'un fabricant de pesticides, qu'elle porte sur les risques ou quelque autre aspect, ne peut être retenue. Elle doit être examinée par des pairs. Si cette information se retrouve dans un journal et qu'on examine la méthode employée...

Nous pouvons tous faire preuve de parti pris, d'où la nécessité d'un examen des pairs. Il s'agit de s'assurer que la méthode est crédible, les statistiques fiables et les résultats valables. Cette règle doit aussi s'appliquer à l'industrie des pesticides.

Le milieu médical a des preuves abondantes et si vous voulez faire paraître un article dans le New England Journal of Medicine et qu'une compagnie pharmaceutique a accordé une aide financière importante à votre étude, renoncez-y. Nous savons que cela influe sur les résultats des travaux. C'est cet aspect de la question qui me préoccupe. Lorsque l'industrie contacte l'ACIM, elle fait valoir toutes sortes d'études qu'elle a effectuées. Je ne doute pas qu'elle les juge valables, mais nous refusons d'en tenir compte si elle ne nous prouve pas qu'elle les a soumises à l'examen de pairs pour en vérifier la fiabilité.

M. Joe Jordan: C'est précisément ce qu'elle voulait faire valoir. Elle a énuméré une trentaine d'articles de journaux examinés par des pairs, qui démontraient l'existence de liens évidents, puis elle a exposé de la documentation non vérifiée par des pairs provenant de fabricants de produits chimiques et elle a ensuite porté une accusation directe.

Au lieu de nous renvoyer la balle, nous ferions peut-être mieux de collaborer pour faire avancer le dossier.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Jordan.

M. Reed a la parole.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je voudrais faire une rectification. Dans ses propos, un membre de ce comité a donné l'impression qu'un produit domestique qu'on peut se procurer dans une quincaillerie est le même que celui qui est appliqué au moyen d'un applicateur sous permis. On nous a pourtant démontré que ce n'est pas forcément le cas.

M. Peter Mancini: Non, non, ce peut être...

M. Julian Reed: Le produit peut être mal utilisé. Là n'est pas mon propos. Toutefois, si on examine le compte rendu des témoignages que nous avons entendus, on verra qu'il faut se procurer un permis pour utiliser les produits chimiques appliqués au moyen d'applicateurs sous permis.

M. Peter Mancini: Je crois que M. Reed fait référence au témoignage du Urban Pest Management Council que nous avons entendu au cours de la séance qui s'est tenue dans l'édifice de l'Est.

M. Julian Reed: Était-ce là?

M. Peter Mancini: Oui.

M. Julian Reed: Je ne me rappelle pas.

M. Peter Mancini: Je ne me souviens pas de la date précise, mais il suffit de vérifier dans le hansard.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): On trouvera certainement dans le compte rendu les opinions qui...

M. Julian Reed: En effet. Nous devrions vérifier le compte rendu.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Tout à fait.

M. Julian Reed: Merci.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Reed.

M. Julian Reed: Lorsque mon fils aîné avait trois ans, il était très actif et aventurier. Un jour, il a réussi à ouvrir une armoires à médicaments fermée à clé et il a avalé de nombreuses capsules de Pepto-Bismol. Nous avons appelé le centre anti-poison de l'hôpital pour enfants de Toronto et on nous a recommandé une aspiration gastrique, ce que nous lui avons fait subir. Le poison contenu dans ce produit est l'AAS. Je rappelle cet épisode simplement pour mettre en évidence ce que disait l'un de vos prédécesseurs au dernier millénaire, à savoir que tout médicament est un poison: tout dépend de la concentration.

Docteur Martin, vous avez parlé du cas survenu en Floride, où des animaux aquatiques étaient atteints d'anomalies génitales. Je rappelle que cela est survenu à la suite d'un déraillement ferroviaire qui avait entraîné le déversement, dans un lac, de tonneaux entiers de produits chimiques concentrés, qui n'ont jamais été récupérés.

Je le dis simplement pour montrer l'importance de la concentration.

• 1650

Je voudrais également savoir si vous estimez qu'il y a eu une évolution en ce qui concerne les pesticides. Lorsque j'étais enfant, nous vaporisions les pommes sur la ferme. J'épandais du plomb, de l'arsenic, du mercure et, plus tard, du DDT. C'est peut- être de qui explique que je me sois lancé en politique.

Des voix: Oh, oh!

M. Julian Reed: Aujourd'hui, nous utilisons de nouveaux composés chimiques dont un nombre grandissant sont biodégradables: après utilisation, ces produits sont transformés en éléments de base par les bactéries contenues dans le sol.

J'ignore combien d'enfants ont présenté des symptômes d'empoisonnement au plomb ou à l'arsenic à l'époque. J'étais probablement du nombre. Mais beaucoup de produits utilisés aujourd'hui ne laissent plus aucun résidu quelques jours à peine après leur utilisation. Croyez-vous que l'utilisation des pesticides a évolué?

Dr Kelly Martin: Je ne crois pas que ces produits ne laissent aucune trace. Nous siégeons à ce comité en compagnie de personnes qui font des recherches sur les pesticides utilisés en agriculture et en foresterie. Ils présentent les meilleurs produits, mais ils ne disent pas qu'ils sont sans résidus. Je parle ici de personnes qui travaillent pour l'industrie ou qui effectuent de la recherche pour le compte de l'industrie. Même les composés organophosphorés ou d'autres produits nouveaux de ce genre finissent par se retrouver dans l'eau et dans notre nourriture. Nous les transportons un peu partout. Les organochlorés, par exemple, ne restent peut-être pas présents des siècles dans l'environnement, mais en définitive peut-être que si. Ce sont des produits différents, mais qui ne sont pas biodégradables, en tout cas pas la plupart de ceux que nous utilisons et pas d'après ce que nous disent ceux qui les fabriquent. D'ailleurs, autant que je sache, ces gens ne l'ont jamais prétendu.

Par ailleurs, en recherche, si on ne cherche pas à déceler la présence de plomb ou d'un autre élément, on ne le voit pas. Lorsque nous avons commencé à rechercher la présence de plomb chez les enfants, notamment dans le nord du Canada, nous avons constaté des niveaux de concentration très élevés. Cela affectait considérablement la capacité d'apprentissage des enfants. Nous le savons aujourd'hui. Nous ne nous sommes pas préoccupés de la conduite automobile avec facultés affaiblies tant que nous ne nous sommes pas arrêtés aux conséquences, aux effets de ce comportement.

Le moteur de la société est l'évolution. Nous créons de nouveaux pesticides, mais nous devons par ailleurs tirer les leçons des erreurs du passé. Comme pour le plomb, si on ne se préoccupe pas des effets... Nous ne cherchons pas à reconnaître les conséquences de l'utilisation de ces pesticides. Nous n'avons prévu aucun moyen de recherche sur ces nouveaux produits. Nous ignorons les quantités utilisés. Il est très difficile de quantifier dans ce domaine. Tant que nous ne nous sommes pas intéressés aux effets de l'utilisation du plomb, personne n'en parlait. Si on dénombrait une cinquantaine d'enfants retardés dans une municipalité, on l'attribuait à des causes naturelles, mais en fait c'était attribuable à une intoxication par le plomb. Il a fallu faire des recherches sur les effets du plomb pour pouvoir les reconnaître.

C'est la même chose pour les pesticides. Il faut effectuer des recherches pour se rendre compte des effets. Nous recevions des enfants intoxiqués à l'hôpital pour enfants. Un enfant peut avoir une réaction cutanée, des vomissements ou une crise. Pour en connaître la cause, il faut d'abord mesurer les concentrations, après quoi on trouve des choses. Il faut d'abord mesurer les concentrations, et à tout le moins penser de le faire, pour pouvoir se rendre compte qu'elle posent un problème.

M. Julian Reed: Les cas qui vous étaient présentés résultaient-ils d'une utilisation normale ou d'une mauvaise utilisation de produits?

Dr Kelly Martin: D'une utilisation normale. À Ottawa, le problème était imputable à l'arrosage effectué par le gouvernement le long du canal Rideau. Le personnel a probablement employé la technique appropriée pour le faire. L'épandage dans des quartiers a également causé des problèmes. Il ne s'agissait pas de produits répandus par les résidents eux-mêmes. De jeunes enfants y ont été exposés brièvement. Dans ces cas, il s'agissait de produits utilisés normalement.

Nous savons où se situe le seuil d'innocuité. Un adulte habillé ne court aucun risque. Mais il n'y a pas que des adultes habillés autour de nous et nous sommes par ailleurs exposés à d'autres sources de toxicité dans le courant d'une journée. Des études de cas américaines ont démontré que c'est notamment le cas pour les enfants. Il suffit de vérifier pour s'en rendre compte. Mais qui s'en donne la peine? Qui prend le temps, durant l'été, de demander à des milliers de familles si leurs enfants ont eu une réaction cutanée ou de leur proposer de faire une évaluation de concentration? On ne fait pas ce genre de recherche et on ne l'a jamais fait.

Quand des enfants malades se présentent, nous avons alors la possibilité de faire des recherches, mais si on ne le fait pas, qu'il s'agisse de plomb ou d'autres éléments on ne trouvera rien.

• 1655

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

Monsieur Reed, certaines des questions que vous avez posées au sujet de l'évolution de l'utilisation des pesticides sont peut-être traitées dans le document rédigé par Christine Labelle. Je veux simplement signaler aux membres du comité que la Bibliothèque du Parlement a fait un historique de l'utilisation des pesticides.

Madame Torsney, vous avez la parole.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

Je reviens à la question de savoir qui paie pour les études. Bien sûr, les auteurs de ces études doivent les faire examiner et les effecteur selon des méthodes appropriées avant que nous ne puissions en accepter les résultats, mais pourquoi les contribuables devraient-ils payer pour une entreprise privée qui désire mettre un nouveau produit sur le marché? C'est aux entreprises de payer pour le recouvrement des coûts, notamment, tout en soumettant leurs études à un examen et en les effectuant selon des méthodes appropriées. Il n'appartient pas aux contribuables de payer pour cela. C'est aux entreprises de le faire.

Comment conciliez-vous ces deux positions?

Mme Loren Vanderlinden: Je travaille aussi dans une université et nous disposons d'une nombre limité de sources de financement. Pour des raisons qui ont déjà été indiquées, les études financées par l'État sont soumises à un processus d'examen très rigoureux lorsque des demandes d'aide financière sont présentées. On tient alors compte des coûts et des avantages.

Si on veut que les résultats des travaux de recherches aient la confiance du public, je crois qu'en définitive il n'y a pas d'autre solution que de faire payer les contribuables.

Mme Paddy Torsney: Il n'y a pas d'autre moyen?

Mme Loren Vanderlinden: Eh bien...

Dr Peter Sakuls: Je répéterai simplement ce que disait le Dr Martin. Si je lis, dans une revue médicale, une étude dont l'auteur est associé à une compagnie pharmaceutique ou dont il reçoit une aide financière, je ne puis accorder fois à ses conclusions. Des études sur la partialité ont bien démontré pourquoi. Cela fait une différence énorme. Le fait qu'une entreprise accorde son aide financière à l'auteur d'une étude entraîne une distorsion des résultats de l'étude.

Mme Paddy Torsney: Je veux être sure de bien comprendre. L'État finance une faible partie de la recherche au Canada. Or, au lieu de s'attaquer au problème de la partialité ou des protocoles—comment les Dr Olivieri du monde réagissent à la question de l'aide financière des compagnies pharmaceutiques et à la contestation des résultats de leurs études—vous préféreriez que les précieuses ressources financières du gouvernement servent à financer des études visant à lancer de nouveaux produits? Vous préféreriez cette solution plutôt que d'obliger les compagnies à qui profiteront ces produits à régler le problème de la partialité et de laisser les milieux de la recherche trouver de meilleurs méthodes d'interprétation des travaux de recherche et effecteur les études par les pairs et tout le reste? Pourquoi le gouvernement devrait-il payer pour tout cela? C'est l'argent des contribuables.

Dr Kelly Martin: Il n'y a sans doute personne qui nous prête cette intention. À l'heure actuelle, toute la recherche est faite par l'industrie. Lorsqu'un document traitant d'un pesticide est présenté à l'ARLA, qu'il ait ou non été examiné, c'est l'industrie qui fait toute la recherche.

Mme Paddy Torsney: Bien sûr.

Dr Kelly Martin: Nous remettons en question la validité de cette façon de faire. Nous sommes sans doute tous d'accord pour dire que l'industrie devrait payer pour ces travaux, surtout au vu de ce que cela rapporte aux entreprises, en un certain sens. Les gens peuvent regarder un peu partout dans le monde pour voir comment on procède ailleurs et proposer des solutions. C'est le rôle de l'ARLA.

Nous sommes chercheurs, médecins, avocats. Nous voyons bien que le processus doit être validé, qu'il doit être ouvert et valide et nous sommes conscients que le financement, que ce soit par recouvrement des coûts ou autrement, nécessitera une réflexion. Nous devons traiter cette question en priorité et réunir des gens pour qu'ils examinent les méthodes utilisées ailleurs dans le monde et proposent une solution. Il existe évidemment une solution raisonnable. Elle ne me viendra pas à l'esprit en restant assis ici. Nous y avons réfléchi à l'ARLA. La solution n'est pas évidente, elle ne saute pas aux yeux car il y a de grandes questions à résoudre, mais il existe une solution selon laquelle les contribuables n'auront pas à payer et ne doivent pas payer.

On dit que les pesticides réduisent le coût des aliments. C'est vrai, si l'on ne tient pas compte de tous les effets sur la santé des gens, de tous les travaux de recherche et autres facteurs dont il faudra bien tenir compte dans cent ans. Si nous en tenions compte aujourd'hui, les aliments ne coûteraient pas moins cher. Il leur incombe donc de payer. Comment? Je laisserai quelqu'un de plus compétent en la matière répondre à cette question.

• 1700

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup. J'aimerais poser rapidement quelques questions. J'accorde une grande importance à l'accès à l'information concernant les effets dangereux des pesticides enregistrés par l'ARLA. Peut-être les deux médecins pourraient-ils me répondre.

Si on vous amène un enfant qui a une réaction cutanée et est en état de crise, et que vous avez de bonnes raisons de croire qu'il a été exposé à un pesticide, comment faites-vous pour obtenir de l'information sur les effets toxiques de ce produit?

Dr Kelly Martin: Nous nous sommes penchés sur ces questions à l'hôpital pour enfants. Nous avons procédé à des rondes d'information au service d'urgence. J'ai été invité à l'hôpital pour enfants de Toronto à présenter l'information. Nous n'avons aucun moyen d'y accéder. Je n'ai pas vu le premier enfant. Il a été vu par un de mes collègues de l'urgence, qui m'a ensuite appelé à la maison parce qu'il savait que j'avais étudié la question. On ne trouve rien sur l'Internet ni au centre anti-poison.

Nous avons présenté des documents d'information aux personnes présentes. Nous avons partagé l'information. À l'hôpital pour enfants, les gens m'ont dit qu'ils ignoraient tout de la question. Ils ne savaient pas qu'on pouvait faire une analyse de concentration sanguine. Ils n'étaient même pas certains du nombre de cas rapportés.

Je crois que la réponse claire—ce sont les deux principaux hôpitaux pour enfants dans cette partie du pays. À Ste-Justine, l'hôpital pour enfants de Montréal, lorsque nous avons fait des rondes au cours des derniers mois... Le centre anti-poison n'a pas d'information et Santé Canada... Le Dr Peterson, qui dirige le centre anti-poison ici et qui est également responsable des services anti-poison au Québec, siège à l'ARLA. Cette question est une grande source d'inquiétude pour cet organisme. Le Dr Peterson vous dira carrément qu'il n'y a pas d'information, ce qui n'est pas acceptable. Ils n'ont pas accès à l'information et les médecins n'ont accès à aucune information.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Un représentant du Urban Pest Management Council nous a dit qu'il y avait un numéro d'appel d'urgence 1-800 sur chaque produit. Un de mes adjoints législatifs est allé acheter deux de ces produits. Le premier, un fongicide, ne portait aucun numéro d'appel d'urgence. Le second portait un numéro 1-800. Mon adjoint a composé le numéro d'appel et on lui a répondu qu'il devrait rappeler durant les heures d'ouverture.

En tant que médecin, avez-vous appelé à l'un de ces numéros d'urgence pour savoir quel genre d'information vous pouviez obtenir?

Dr Peter Sakuls: Je n'ai pas essayé.

Dr Kelly Martin: Nous avons eu recours à ce moyen à l'hôpital pour enfants. Le Dr Peterson, de la Direction générale de la protection de la santé, a eu une discussion à ce sujet. Nous avons fait des rondes d'information et nous avons ensuite discuté avec lui de l'information qu'il avait obtenu du centre anti-poison, selon laquelle il n'existait aucune preuve concernant quoi que ce soit. Les recherches effectuées tendent à infirmer cela et le directeur au Québec n'est pas d'accord non plus.

Nous avons exploré toutes ces possibilités. La personne a communiqué avec la compagnie qui avait fait l'épandage dans son quartier et elle a rapporté le produit. On y trouvait très peu d'information. Il y avait un numéro 1-800, qu'on pouvait également obtenir par l'Internet, ce que nous avons fait à l'hôpital. On recommandait de se laver les mains et, en cas d'ingurgitation du produit par un enfant, de le faire vomir. En somme, des renseignements élémentaires. L'information fournie n'était pas de nature médicale et ne faisait pas état d'un risque de crise ou de toxicité cardiaque.

Un enfant, qui éprouvait beaucoup de difficulté à respirer et à qui il a fallu porter secours, a également eu une crise. Que fallait-il faire? Quelle devait être la nature de notre intervention? La documentation ne disait rien à ce sujet. À l'hôpital pour enfants, nous avons fait des tentatives auprès de l'organisme de prévention des risques pour la mère et l'enfant à Toronto et auprès du centre anti-poison et nous avons consulté un certain nombre de sites Web. Nous espérions trouver quelque chose sur les pesticides dans les sites Web du gouvernement, mais il n'y avait rien.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

J'ai une longue question à poser, mais je la réserverai pour la seconde ronde. Je me contenterai d'une brève question pour l'instant.

Le comité a entendu un représentant de la Fédération canadienne des municipalités et il nous a dit que l'ARLA ne jouait pas un rôle préventif, que cet organisme n'avait pas les ressources voulues ni le mandat pour le faire.

Mis à part la question des ressources que nous avons déjà abordée, j'aimerais que l'un de vous me dise s'il estime que l'ARLA a un mandat préventif.

• 1705

M. Paul Muldoon: Il existe sans doute plusieurs définitions de la prévention, mais nous recommandons fondamentalement, dans une optique préventive, le recours à des mesures et programmes qui débarrasserait la société canadienne des pesticides, par tous les moyens possibles. Il faudra pour cela tout un éventail de mesures, à commencer par des mesures législatives, des programmes de sensibilisation du public et des mesures incitatives. Là encore, il s'agit de voir quels programmes pourraient être mis en place, sous l'égide de l'ARLA pour prévenir l'utilisation des pesticides ou trouver des solutions de rechange.

Un problème inhérent est le fait qu'en vertu de la loi elle- même, qui a pour titre Loi sur les produits antiparasitaires, les pesticides sont vendus sur le marché. C'est pourquoi, lorsque nous employons le mot «utiliser» nous suggérons que l'utilisation de certains produits devrait être contestée, ce qui cause beaucoup de réticences chez certains. Pour notre part, nous n'en avons aucune.

Selon nous, la prudence commande de prendre des mesures préventives pour réduire l'application et l'utilisation de ces produits. Notre rapport recommande des mesures précises à cette fin. En fin de compte, cette solution nous apparaît être la meilleure, sans oublier la nécessité de moyens plus efficaces de vérification, d'évaluation des risques, etc.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je donne maintenant la parole à M. Herron, puis à Mme Girard-Bujold et M. Solberg.

Monsieur Herron.

M. John Herron: J'ai une autre question inusitée, qui exige une certaine perspicacité.

Vous avez tous parlé de réévaluation; j'ai donc trois question à vous poser à ce sujet. Y a-t-il des échéances serrées ou des pressions exercées pour obtenir des réévaluations des pesticides au Canada? L'ARLA prévoit-elle une nouvelle loi?

Dr Kelly Martin: L'ARLA prévoit une réévaluation en 2005-2006. L'association a actuellement 350 pesticides qui n'ont pas encore été évalués. Elle en a déjà évalué un ou deux et a l'intention de faire le reste d'ici 2005-2006, mais les fonds lui manquent. Les fonds nécessaires proviendront du recouvrement des coûts. Je crois que quiconque, y compris les représentants de l'industrie, refuse de payer par recouvrement des coûts devrait de toute façon être saisi de nouveau du problème. Pour moi, c'est du pareil au même.

Nous ne voyons aucun plan de réévaluation qui soit viable. L'association voudrait le faire d'ici 2005-2006, mais les fonds lui manquent. Où trouvera-t-elle l'argent nécessaire? Les gens débattent déjà de cette question. Il faut donc faire valoir à l'ARLA qu'il faudra un certain temps pour le faire. Il faudra arrêter une solution de financement, sinon rien ne se fera.

M. John Herron: Vous et vos collègues consacrez beaucoup de temps et d'énergie à parler de formules par opposition aux ingrédients actifs des pesticides. D'après ce que vous avez constaté à l'ARLA, avez-vous l'impression que la loi qui sera adoptée exigera la présence d'information exhaustive concernant les risques des formules pour la santé des gens et pour l'environnement?

M. Paul Muldoon: Parlez-vous de la nouvelle loi?

M. John Herron: Oui.

Dr Kelly Martin: Je ne me rendais pas compte que la nouvelle loi avait un caractère aussi secret, mais il est question de formules à peu près au même titre que des pesticides à l'heure actuelle. Les gens ne croient pas qu'on divulgue tout au sujet des formules et ils pensent que l'information pourrait être plus complète. Ils n'ont pas pu s'entendre à ce sujet et on s'en est donc tenu aux exigences actuelles, à savoir que la liste des formules, au moins, soit fournie. Cela me paraît être un principe fondamental dans la nouvelle loi.

M. John Herron: Nous parlions des personnes chargées d'évaluer les risques. En vertu du régime de recouvrement des coûts actuel, nous demandons aux sociétés d'effecteur la recherche nécessaire. Ce n'est peut-être pas la meilleure solution car nous n'obtenons pas les mêmes données que celles qui proviennent de sources indépendantes.

• 1710

Un entrepreneur pourrait se dire que puisqu'il consacre, disons, six p. 100 de son budget de recherche aux effets de ses produits sur la santé, lorsqu'il les soumet, on pourrait bien demander aux fabricants de pesticides de contribuer à un caisse de cotisation commune. Un entrepreneur indépendant pourrait ensuite puiser dans cette caisse pour faire les évaluations. En définitive, les évaluations seraient financées par les sociétés, mais le gouvernement déciderait qui choisirait les scientifiques appelés à intervenir. Est-ce que ce pourrait être une troisième voie possible?

Dr Kelly Martin: Oui. Cela me paraît raisonnable. Il existe des solutions raisonnables. Ce pourrait être une solution raisonnable pour l'ARLA et pour la Direction générale de la protection de la santé.

Il faut faire preuve de prudence. Oui, l'industrie doit payer une partie des coûts. Non, l'argent ne peut pas venir de Santé Canada, parce que le ministère n'a pas l'argent et n'a pas avancé les fonds nécessaires à la recherche. C'est une réalité.

Cette solution m'apparaît donc acceptable et on pourrait charger la Direction générale de la protection de la santé de veiller à ce que ce soit fait de façon valable. Je crois que la Direction juge cette question importante et qu'elle établit des lignes directrices. Je suis certain qu'il existe de nombreuses solutions acceptables.

[Français]

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Madame Girard-Bujold, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je voudrais aller un petit peu plus loin que ne l'a fait M. Herron et proposer qu'on exige qu'avant que l'ARLA n'homologue un pesticide que fabrique une compagnie, ce produit soit évalué par ses pairs. Est-ce que cette proposition irait dans le même sens que les évaluations scientifiques que vous êtes obligés d'obtenir de la part de vos pairs? Pourrait-on soumettre ces insecticides aux mêmes exigences? Est-ce que vous seriez disposés à aller jusque-là? Est-ce que la loi devrait prévoir de telles exigences?

[Traduction]

Mme Loren Vanderlinden: Je crois que c'est un pas dans la bonne direction. Un premier pas du moins.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: On disposerait de ressources financières communes pour en faire l'évaluation. Nous reconnaissons tous que Santé Canada n'a pas d'argent à l'heure actuelle et qu'il n'en aura pas non plus plus tard. Ces compagnies seraient obligées de faire des dépenses et de soumettre leurs produits à leurs pairs avant qu'ils ne soient homologués par un comité de l'ARLA qui les évaluerait. Un tel processus ne représenterait-il pas une protection pour vous, qui dites être toujours contestés? Ne serait-ce pas au moins un pas dans la bonne direction?

[Traduction]

Dr Kelly Martin: Je crois qu'il y aura toujours de la recherche indépendante. Des chercheurs indépendants feront toujours des études et leurs travaux devront être soumis à l'examen de leurs pairs. À l'heure actuelle, les évaluations et réévaluations sont faites par l'industrie. Il devrait donc y avoir évaluation.

Là encore, il faut s'asseoir, réfléchir et trouver des solutions. Elles ne m'apparaissent cependant pas évidentes dans l'immédiat.

Un central de recherche dans l'industrie devrait être validé. On sait que dans le cas des sociétés de produits médicaux et de médicaments—pour moi, c'est exactement la même chose—une certaine réglementation est nécessaire. Comment faire dans le cas des fabricants de médicaments? Il existe plusieurs solutions. Il y a des gens pour faire ce genre de travail. Laissons-les réfléchir à une solution.

[Français]

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Monte Solberg, vous avez la parole.

J'ai oublié de souhaiter la bienvenue à M. Solberg à notre comité. Il vient du Comité des finances. C'est heureux, car il pourra y rapporter quelque chose.

M. Monte Solberg: Merci. C'est un changement important pour moi.

Je me permets une brève digression pour faire suite à ce que disait plus tôt Julian. Les pesticides ont-ils été améliorés depuis une génération? Sont-ils plus sûrs?

Nous avons certainement appris des choses depuis l'époque du DDT et autres produits de ce genre. De façon plus précise, compte tenu de toutes leurs obligations, les sociétés sont certainement plus prudentes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient dans le passé. Je présume qu'elle refusent elles-mêmes de nombreux produits avant même de les soumettre à l'approbation de l'ARLA, par exemple.

• 1715

D'autre part, je suppose que la population a elle aussi fait des progrès. Il arrive encore que les gens ne soient pas suffisamment prudents ou fassent des erreurs, mais je sais, pour en avoir parlé avec des amis, que j'utilise les produits de ce genre de façon beaucoup plus prudente que par le passé.

Si je dis cela, c'est sans doute pour mettre la question en perspective ou pour mieux montrer l'ampleur du problème. Est-ce que je fais fausse route ou ai-je fait une description exacte de la situation actuelle?

Si j'ai raison, cela nous permet de mieux comprendre sur quoi il faut insister davantage. Le plus important est peut-être de poursuivre les efforts pour encourager les gens à faire preuve d'une prudence accrue lorsqu'ils utilisent des pesticides, tout en faisant comprendre aux compagnies qu'elles s'exposent à de lourdes sanctions si elles s'écartent de la bonne voie.

Dr Kelly Martin: Je ne crois pas que les entreprises soient de mauvais citoyens. La plupart d'entre nous venons de familles qui possèdent des entreprises.

M. Monte Solberg: Oui.

Dr Kelly Martin: Elles ne sont pas de mauvais citoyens. Mais elles sont là pour le profit. Les fabricants de cigarettes en sont un bon exemple. Une société fera tout ce qu'elle pourra pour réaliser des profits, et ses actionnaires l'y obligeront même si, au départ, elle avait des scrupules d'ordre moral.

M. Monte Solberg: En effet.

Dr Kelly Martin: Aussi, je ne crois pas qu'on puisse obliger les compagnies, les fabricants, à assumer une part de responsabilité. Je crois que c'est impossible dans le contexte commercial international à l'heure actuelle.

M. Monte Solberg: Une façon de faire de l'argent est d'éviter de s'empêtrer dans des poursuites judiciaires en n'empoisonnant pas les gens.

Dr Kelly Martin: Voyez le cas des fabricants de cigarettes. Cela se préparait depuis longtemps. Elles se tirent très bien d'affaire. Elles vont payer une modeste somme, mais elles n'ont pas arrêté de fabriquer des cigarettes il y a dix ans et les cartes leur étaient nettement favorables. Je n'accepte donc pas cet argument. Je ne crois pas que ce soit possible dans le cas d'une société cotée en bourse.

Je crois par ailleurs que l'éducation du public doit jouer un rôle important. En tant que médecins, nous croyons d'ailleurs avoir un rôle à jouer à cet égard. Je crois aussi que l'ARLA a un rôle d'éducateur à jouer. Plus la population sera informée, plus les problèmes deviendront manifestes et il ne sera plus possible de les éviter. Vous n'écarterez pas un problème simplement en évitant d'utiliser un produit sur vos plantes. Ce même produit se retrouve aussi dans votre nourriture, dans l'eau que vous buvez. Il est présent partout.

M. Monte Solberg: En effet.

Dr Kelly Martin: Nous n'utilisons peut-être pas de DDT au Canada, mais ce produit est utilisé au Mexique et au Costa Rica. Les fruits et légumes que nous consommons en hiver ne viennent pas du Canada et une bonne partie ne provient pas non plus des États- Unis.

M. Monte Solberg: Le marché des aliments organiques, cultivés sans pesticides, pourrait être beaucoup plus important, si seulement les gens étaient davantage sensibilisé à ce genre de culture.

Dr Kelly Martin: En effet. Je crois que si les gens sont éduqués, ils changeront leurs habitudes, mais la sensibilisation de la population à ce genre de produits fait défaut à l'heure actuelle et le gouvernement ne fait rien pour informer les gens.

Je ne crois pas que nous répondions aux attentes du public en matière de sensibilisation. Les gens pourraient être davantage préoccupés par la question et mieux informés, mais où trouvent-il l'information nécessaire? Ils en trouvent un peu ici et là. L'ARLA devrait peut-être avoir pour mandat de diffuser l'information ou...

M. Paul Muldoon: Je me permettrai d'ajouter quelque chose, pour compliquer votre question. Dans le cas des fabricants de tabac qui a été donné en exemple, le litige dans lequel ils sont actuellement impliqué porte en grande partie sur la relation causale entre l'inhalation de la fumée du tabac et le cancer.

M. Monte Solberg: En effet.

M. Paul Muldoon: On est même allé jusqu'à soulever la question des dommages causés aux non-fumeurs par la fumée de cigarette. Il existe une abondante documentation scientifique qui démontre l'existence d'une relation causale, laquelle ne fait d'ailleurs aucun doute pour la plupart des scientifiques.

Nous parlons ici de pesticides, dont les effets sont beaucoup plus subtils et peuvent être transmis d'une génération à l'autre. Il existe dans le cas des pesticides toutes sortes de relations causales qui peuvent être à l'origine de troubles. Nos règles actuelles concernant l'écosystème font qu'il est très difficile de prouver l'existence crédible de relation causale devant la loi.

Si bien que même s'il existe des preuves scientifiques de dommages et d'une relation causale, et que les témoignages en ce sens concordent, cela ne répond pas toujours aux exigences de probabilité des tribunaux.

Aussi, une question se pose à vous en tant que législateurs et décideurs: faut-il attendre que la quantité de preuve recueillie soit jugée satisfaisante par les tribunaux, ou faut-il prendre dès maintenant des mesures de protection? Si nous vous posons la question, c'est qu'il n'est pas seulement question ici de responsabilité; le sort des générations futures est en jeu.

M. Monte Solberg: Je comprends.

• 1720

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie beaucoup.

M. Reed prendra la parole, puis ce sera au tour de M. Jordan.

M. Julian Reed: Merci, madame la présidente.

Je vous remercie pour le document sur l'histoire des pesticides. J'en suis venu à me demander comment il se fait qu'il y ait encore des Chinois sur la planète. Ils utilisaient déjà l'arsenic au XVle siècle.

Des voix: Oh, oh!

M. Julian Reed: En revenant à la question de l'évolution, on peut lire dans le document sur l'histoire des pesticides que «bon nombre de nouveaux produits sont complètement biodégradables dans les deux semaines de l'application». Est-ce une inexactitude?

Dr Kelly Martin: C'est possible dans certains cas. Vous pourriez poser la question à un autre comité, mais comme je siège à l'ACIM avec des représentants du secteur de la protection des cultures et avec des agriculteurs, je sais qu'il existe des solutions de rechange. Toutefois, la plupart des herbicides et composés organophosphorés les plus couramment utilisés ne sont pas biodégradables.

M. Julian Reed: C'est nouveau. La portée de cette affirmation est cependant nuancée par les mots «nouveaux produits».

Dr Kelly Martin: Oui. Je ne crois pas que ce soit le cas des herbicides que nous utilisons actuellement. C'est ce que je crois. Je siège avec des représentants de l'industrie et je crois que s'ils pouvaient faire valoir cet argument, ils le feraient. Mais ils ne le font pas.

M. Julian Reed: Dans ce cas, n'y a-t-il pas lieu de se demander s'il ne faudrait pas accélérer nos travaux avec les autres pays, notamment les États-Unis et l'Europe, pour que les résultats de la recherche qui est effectuée dans ce domaine, en supposant qu'elle est valable, puissent être appliqués? Nous faisons une parie de la recherche chez nous et nous combinons nos efforts pour mettre ces nouveaux produits sur le marché.

Dr Kelly Martin: L'ARLA le fait déjà. L'association a conclu un nouvel accord avec les Américains et elle a tenu des rencontres avec les Européens l'an dernier. Elle peut donc utiliser une bonne partie des résultats de la recherche américaine sur les pesticides.

Nous y sommes contraints par les Américains eux-mêmes parce que nous avons des niveaux plus élevés qu'eux. Ils menacent de ne pas utiliser nos produits. Nous ne sommes donc pas à l'avant-garde dans ce domaine. On nous oblige à agir. Quoi qu'il en soit, nous devrions utiliser les résultats d'autres travaux de recherche, bien que nous nous fondions essentiellement sur la recherche américaine à l'heure actuelle. De toute manière, les enfants aux États-Unis ne sont guère différents des jeunes Canadiens.

Pour ce qui est des produits biodégradables, qu'on n'utilise pas beaucoup, bien sûr, on devrait commencer à faire ensemble des travaux de recherche et à nous en servir, mais c'est une très petite partie de ce qui se passe vraiment.

M. Julian Reed: Mais ça pourrait être une plus grande partie.

Dr Kelly Martin: Ça pourrait être une plus grande partie si nous avions la volonté politique de donner plus d'importance à ce volet. Il y a beaucoup de monde, notamment des scientifiques, qui siègent au comité consultatif ou qui participent à ses travaux et qui disent qu'on pourrait facilement accroître l'utilisation de ces produits si l'ARLA avait davantage intérêt à promouvoir leur utilisation.

M. Julian Reed: Il y a une dernière question que j'aimerais poser. On nous bombarde de produits chimiques de toutes sortes—pas seulement de pesticides. Je sais qu'on a discuté des effets synergiques des pesticides, qui sont mal connus. Toutefois, si l'on pense aux modifications physiologiques, il me semble, d'après ce que j'ai lu, que le nombre de spermatozoïdes chez les mammifères, par exemple, et particulièrement chez les humains, avait déjà commencé à diminuer longtemps avant que ces nouveaux pesticides arrivent sur l marché. Je ne sais pas à quel point les chiffres étaient fiables, à l'époque, mais je me demande si nous ne devrions pas étudier les effets de l'essence.

C'est tellement répandu. C'est toxique en grand. On ne voudrait pas en boire, et c'est probablement un produit qui, s'il arrivait sur le marché aujourd'hui, ne serait pas admis parce qu'on le jugerait trop dangereux.

Dr Kelly Martin: C'est juste, je pense. La conduite en était d'ébriété était acceptable il y a 30 ans, et ne l'est plus maintenant parce qu'elle représente des risques importants. C'est la même chose pour les pesticides et l'essence. S'ils arrivaient sur le marché maintenant et qu'il étaient soumis à une batterie de tests raisonnables, la société évoluerait d'un coup, du moins on peut l'espérer.

Nous avons commencé à utiliser des produits comme la cigarette sans connaître leurs effets sur la santé. NOus avons cru que nous allions nourrir le monde, mais il y avait des problèmes plus importants. Plus on en connaît sur les effets pour la santé, plus nous nous interrogeons sur les conséquences économiques des changements.

• 1725

Il faut donc réévaluer ces choses. On ne peut pas se contenter de dire qu'on continuera à les utiliser parce qu'on les utilise depuis des années. Non, je ne crois pas que nous ayons de bonnes études sur les spermatozoïdes qui remontent à 50 ans; c'est à peine si nous en avons qui aient 10 ans. Mais c'est insensé de dire que nous allons continuer à utiliser quelque chose dont nous connaissons les graves effets toxiques, surtout chez les enfants et les nouveau-nés. Si l'essence avait les mêmes effets, ou les rejets des voitures et la pollution de l'air, nous devrions prendre des mesures. Nous n'en savions rien il y a 20 ans, alors nous n'avons rien fait, mais maintenant, nous savons. Quand il n'existait que dix personnes au monde, c'était très différent. De nos jours, les Chinois se reproduisent à un rythme effarant.

M. Julian Reed: Je ne sais pas comment ça se fait. C'est un miracle qu'ils ne soient pas tous empoisonnés.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je pense que, si l'on regarde le tableau de la page 9, dans le document que Christine Labelle, de la Bibliothèque du Parlement, nous a préparé, je crois qu'on parle ici d'organophosphatés. M. Reed a signalé qu'ils ne sont pas persistants, mais il sont très toxiques. Il y a d'autres produits qui sont peut-être persistants, mais moins toxiques. Je crois donc qu'il faut faire une lecture soigneuse des documents.

Monsieur Jordan, vous avez la parole.

M. Joe Jordan: Oui. Je veux revenir sur un point que nous avons abordé, soit l'économie et l'harmonisation avec les États-Unis. Nous avons entendu un témoin qui a travaillé avec l'ARLA et avec l'EPA. Je l'ai interrogée à cet égard. Essentiellement, elle a répondu que l'EPA faisait certaines choses mieux que nous et que l'ARLA faisait d'autres choses mieux que les Américains.

Dois-je croire, docteur Martin, d'après ce que vous avez dit, que l'on constate le même problème de l'absence d'examen par les pairs concernant les données des entreprises qui produisent des produits chimiques persiste également aux États-Unis? Est-ce un problème nord-américain?

Dr Kelly Martin: C'est un problème universel. Comment parvenir à obtenir des preuves sans que les fabricants de produits chimiques doivent attendre 50 ans avant de pouvoir mettre un produit en marché?

M. Joe Jordan: Si je peux parler un peu à la défense des agriculteurs, je dirais que, quand je parle à des agriculteurs, ils me disent que cela augmente leurs coûts. Ils n'utilisent pas plus de ces produits que ce qu'ils jugent nécessaire. Si nous continuons avec le fonds Herron, pour ce qui est d'amener les fabricants à s'engager dans une forme quelconque de processus d'examen par les pairs, l'une des conséquences déjà constatées, je pense, du moins c'est ce qui risque d'arriver, c'est que... Le Canada est un très petit marché et, si les entreprises doivent payer très cher pour obtenir l'autorisation de commercialiser leurs produits sur ce petit marché, elles ne le feront tout simplement pas.

Pensons aussi que les pesticides changent, parce que nous ne faisons pas de nouvel enregistrement ou de nouvelle évaluation des vieux produits—il y en a 400 qui attendent, et environ six par année sont étudiés. Nous risquons de nous faire du tort, dans le sens que nous empêchons l'entrée de certains produits sur nos marchés et que les gens utilisent donc des produits chimiques plus anciens, plus toxiques ou plus dangereux.

Je ne veux pas chercher des excuses. Ce que je dis, c'est que nous devrions peut-être chercher à diffuser l'idée que nos entreprises pourraient contribuer en dehors de nos frontières. Ne serait-il pas sensé d'essayer de promouvoir cette idée partout dans le monde, afin que nous puissions obtenir de bonnes données sur les effets? Je pense qu'on pourrait aller à l'encontre du but recherché en considérant simplement que les questions économiques ne comptent pas, parce que, comme vous dites, le problème, c'est que nous importons des produits du Chili, du Costa Rica et du Mexique, qui utilisent eux-mêmes ces produits, et que nos propres fabricants sont ainsi désavantagés. En fin de compte, nous n'avons rien fait pour aider quant aux effets nocifs de ces produits. Ils entrent au pays de toute façon. Nous n'empêchons pas leur importation. Sur la question de l'harmonisation, je constate qu'il y a un risque, soit le risque qu'on en vienne à appliquer le plus petit dénominateur commun en matière de normes, mais je pense que le processus d'harmonisation a un certain mérite. C'est juste qu'on trouve toutes sortes de risques quand on examine la question en détail.

Dr Kelly Martin: Pour moi, l'harmonisation a d'énormes avantages. Elle permet le partage d'information. Pourquoi réinventer la roue? Je pense que, en fait, l'harmonisation nous amène à évaluer plus sévèrement les risques. Je pense que, en général, ce doit être la tendance. Pour ce qui est du représentant de l'ARLA, combien de pesticides sont finalement entrés au Canada sans avoir été étudiés aux États-Unis? Je pense qu'on pourrait presque dire zéro. Personne ne produit de pesticides spécialement conçus pour le Canada—ou peut-être quelques produits de rechange. Donc, dans cette optique, l'harmonisation, sur le plan de la recherche... Bien sûr, les Américains auront toujours plus de poids. Si nous croyons que nous voulons quelque chose de mieux que ce qu'ils ont, il faudra beaucoup de volonté politique pour ce faire. Je pense que l'harmonisation est vraiment la voie à suivre, en mettant un peu l'accent sur les recherches précises auxquelles nous tenons et qui sont nécessaires. Les Américains en arrivent à ce point plus vite que nous, et cela pourrait nous aider.

• 1730

M. Joe Jordan: Merci.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Madame Kathy Cooper, de l'Association canadienne du droit de l'environnement, vouliez-vous répondre à cela?

Mme Kathy Cooper: Oui. Ce dont vous parlez existe déjà, jusqu'à un certain point, dans le cadre du processus de l'ALENA. On en discute aussi un peu dans le mémoire, et je crois que certaines recommandations traitent de cette question—c'est ce qu'il me semble, mais je peux me tromper. Je sais toutefois que nous avons abordé cette question.

M. Joe Jordan: Merci.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je veux revenir à la question des enfants, parce que je pense que c'était essentiellement le sujet de notre réunion.

J'ai ici un document dont Philip Landrigan est l'un des auteurs. Il traite de la santé des enfants, de l'environnement, et d'un nouveau programme de recherche en prévention. Dans ce document, il parle de certaines des choses qu'ils font aux États-Unis. C'est sûr que cette étude dont le Dr Martin a parlé, effectuée par le Conseil national de recherche, sur les pesticides et leurs effets sur les enfants et les nouveau-nés, avait beaucoup à voir avec les efforts pour donner plus de mordant à la loi sur la protection de la qualité des aliments, en 1996, ainsi qu'avec la restructuration du processus fédéral de réglementation concernant les pesticides utilisés en agriculture.

L'une des choses dont ils ont parlé... Il existe un réseau d'organismes voués à la santé environnementale et aux enfants, aux États-Unis. Il existe aussi un réseau canadien du même type, mais il est passablement nouveau. Selon le document de Landrigan, le réseau américain réclame le développement d'un programme de santé environnementale complet, national et axé sur les enfants. Il parle d'y englober des choses comme la recherche, l'évaluation des risques, la formation sur la politique en matière de santé et l'éducation—en écoutant nos témoins, aujourd'hui, je pense que nous avons pu comprendre à quel point l'éducation peut jouer un rôle important.

Pour ce qui est de la recherche, de l'évaluation des risques et de la formation sur la politique en matière de santé, surtout sur ces trois éléments, je me demande quelles recommandation vous aimeriez qu'on fasse. Je sais que vous présentez beaucoup de recommandations dans votre mémoire, mais je me demande si vous aimeriez, pour les fins de la présente discussion, nous faire savoir quel type de recommandations vous aimeriez voir, que ce soit au sujet de la nouvelle loi ou de l'ARLA elle-même, de la recherche, de l'évaluation des risques ou de la formation sur la politique en matière de santé pour les enfants.

Mme Kathy Cooper: J'aimerais bien avoir un exemplaire du mémoire sous les yeux. Il comporte des recommandations précises sur les questions que vous avez soulevées pour ce qui est de mettre à jour le processus d'évaluation des risques afin de prendre précisément en compte les conditions d'exposition et la sensibilité particulières des enfants. Je pense que nous avons traité de ces questions en détail. Beaucoup de ces recommandations devraient être intégrées aux modifications législatives proposées à la Loi sur les produits antiparasitaires.

Ce serait bien si ce projet de loi, s'il existe, était déposé, afin que nous puissions savoir de quoi il retourne. Je pense qu'il est grand temps que le ministre Rock le dépose. Existe-t-il seulement?

Une voix: Oh, oui.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Le Dr Martin dit que son comité, le Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire, l'a déjà examiné.

Mme Kathy Cooper: Bon, je vais tâcher d'obtenir l'information. S'agit-il de propositions ou d'un véritable projet de loi?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): S'agit-il de propositions ou d'une mesure législative...

Mme Kathy Cooper: Je pense que nous avons proposé des modifications, mais que ce n'est pas encore sous la forme de projet de loi. Il faudrait vérifier.

M. Peter Mancini: Je peux peut-être répondre à cela, madame la présidente. Claire Franklin, directrice exécutive de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, a dit que le document provisoire existait, en fait, depuis 1997. Je pense que cela a été dit dans un témoignage au comité. En fait, j'ai posé une question là-dessus à la période des questions.

Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Cela n'a pas été présenté à la Chambre. Par conséquent, ce n'est pas...

Mme Kathy Cooper: Ce n'est pas un document rendu public suivant le processus parlementaire normal...

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Pas que je sache...

Mme Kathy Cooper: Voilà le problème.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Parce que, dans ce cas, le Cabinet aurait dû être saisi du document et tout cela.

Mme Kathy Cooper: Exact. Enfin, il faudra que cela se fasse.

Dr Kelly Martin: Dans le cas de cette mesure précise, elle n'a rien à voir avec l'évaluation des risques pour les enfants—absolument rien.

• 1735

Ce que dit l'ARLA, c'est que ces produits évoluent et que nous ne voulons pas que cela figure dans la politique. Il a fallu 20 ans pour changer cette mesure et, dans ce cas, les choses seraient fixées et nous ne pourrions rien y changer.

Je pense toutefois qu'il existe des arguments de poids contre cela, par exemple ceux que le NRC américain fait valoir, soit qu'ils ont évolué vers la FQPA, dont vous avez parlé. Ils examinent très précisément s'il est juste de considérer que, pour les enfants, le facteur de risque est dix fois plus grand. Pour ceux d'entre nous qui font des évaluations des risques, on pourrait croire qu'on se contente de relever quelques indices et de tracer une ligne entre des points. Vous savez, on prend quelques souris et quelques rats et on examine les effets qu'ils subissent. On ne se fonde pas sur des résultats obtenus avec des humains. Que serait l'effet sur les enfants, sur les petits humains, qui sont exposés à ces produits pendant 15 ans plutôt que 9 jours ou un mois? Beaucoup d'intéressés, dans le domaine de l'évaluation des risques, disent qu'il faudrait considérer que les effets seront 50 ou 100 fois plus grands, et non dix fois.

Il faudrait donc que le facteur de risque soit considéré comme au moins dix fois plus grand, et il faudrait aussi faire des évaluations pédiatriques plutôt que de se fonder sur des évaluations sur des adultes. Nous devons aussi recueillir des données sur des humains, puisque nous en avons et que rien ne nous empêche de nous en servir—mais nous ne le faisons pas.

Dans la loi elle-même, on dit maintenant que tout consensus qui serait atteint sur un pesticide donné devrait respecter la décision ministérielle au Canada, étant donné la manière dont notre Parlement fonctionne. Nous disons que c'est ridicule et qu'il faut que ça change. Quand un nouveau pesticide arrive sur le marché, nous savons combien il faut de temps pour qu'il soit évalué. Il reste inutilisé durant quelques années, et les groupes de pression s'agitent.

Non, nous n'avons pas de cible mobile. C'est un risque inacceptable. C'est une décision scientifique. Le ministre n'est pas en position de prendre cette décision. Qu'on l'inscrive dans la politique, quoi qu'on décide.

Ce sont les choses qui devraient figurer dans cette loi et qui n'y sont pas. Je crois que les gens s'inquiètent du fait que, en essayant d'obtenir certaines de ces choses, on les retarderait. Dans l'état actuel des choses, la loi ne traite d'aucune de ces questions de risques pour les enfants que cet organisme incroyablement conservateur, le NRC, a soulevées. Tâchons au moins de tenir compte de celles-ci, parce que c'est un minimum absolu.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Constatez-vous une attitude favorable en général ou une acceptation de certaines de ces idées au sein de l'ARLA elle-même?

Dr Kelly Martin: Au sein de l'ARLA, quand nous avons posé la question pour la première fois, on nous a dit que l'on s'occupait réellement de ces choses en matière d'évaluation des risques au Canada. Je pense donc qu'il est clair que l'ARLA n'a aucune idée de qui se fait en matière d'évaluation des risques. Non, l'agence n'est pas très ouverte sur bon nombre d'idées.

Je pense que M. Rock était là quand nous avons fait tout ce que nous avons pu pendant trois heures, avec Claire Franklin et l'ARLA, pour tenter de trouver une solution sur ces questions. Je ne les ai pas trouvés très ouverts. Je n'ai pas eu l'impression non plus qu'ils en connaissaient beaucoup sur la question. Comme le commissaire le dit, je pense qu'on ne sait pas ce qui se passe ailleurs, et je ne crois pas que l'agence soit vraiment déterminée. Ça fait maintenant deux ans que nous avons présenté cela en tant que point de discussion, et l'on ne cesse de le remettre à plus tard.

L'ARLA n'est donc pas déterminée à régler le problème. Je ne sais pas quoi faire pour que les choses changent, sauf peut-être des pressions publiques et ministérielles. Je ne vois aucune détermination de l'ARLA à faire progresser les choses, à moins que l'harmonisation ne la force à s'en occuper.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Tant l'ARLA que les témoins de l'industrie nous ont dit qu'ils font des évaluations des risques fondées sur la sensibilité particulière des enfants.

Mme Kathy Cooper: On nous a dit cela aussi, verbalement et dans la correspondance, mais quand nous avons vérifié avec de la véritable documentation, nous avons trouvé que tout cela était subjectif. Parfois c'est le cas, parfois non. Nous avons constaté que le processus n'est pas transparent et accessible pour nous.

Nous avons fait beaucoup de recommandations visant à éclaircir la situation à savoir si ces choses se produisent ou non, et proposé des étapes précises qui doivent être prises pour assurer une évaluation adéquate des enjeux spécifiques de la santé des enfants.

Effectivement, c'est ce qu'ils disent, verbalement et dans leur correspondance, mais quand on prend connaissance de la documentation véritable, ce n'est pas adéquat. C'est l'une des recommandations. Il faut une ligne directrice, probablement inscrite dans la loi, qui établisse le processus qu'ils doivent appliquer afin que nous sachions ce qu'ils font.

Quant aux formules, elles ne sont absolument pas précisées. C'est pourquoi nous avons présenté une liste de recommandations tellement détaillée et plutôt rébarbative. C'est vraiment pour le faire remarquer—par exemple leur dire de nous montrer ce qu'ils veulent dire quand ils disent qu'ils intègrent vraiment tel ou tel facteur, parce que ça ne paraît pas dans la documentation. Franchement, nous n'allons pas nous contenter de les croire sur parole. Nous voulons voir la preuve d'un processus qui fait réellement...

• 1740

Il y a un autre point que je voulais souligner. Comme Kelly l'a dit, nous pouvons apprendre beaucoup de ce qui s'est fait aux États-Unis et des erreurs qu'on y a commises. Les choses progressent très lentement, en raison des pressions des lobbyistes et de cette insistance sur la nécessité d'avoir des preuves absolues. Donc, encore une fois, nous devons faire en sorte que la loi prévoie toutes les précautions nécessaires, afin que nous prenions des décisions avec preuves à l'appui, en prenant les précautions voulues pour réduire l'ensemble des risques et prévenir les dommages à long terme.

Dr Kelly Martin: À cet égard, un point est représentatif de l'ARLA. Pour ceux d'entre nous qui siègent à ce comité, c'est incroyable de voir la manière dont l'ARLA agit, très franchement—j'ai lu des lettres disant que cela se produisait effectivement... Des évaluateurs des risques de la Direction générale de la protection de la santé ont fait un exposé, sous forme de documents écrits présentés à l'ARLA. À partir de cet exposé, on constate que non, on n'y intègre pas ces données; que non, on n'y utilise pas une approche systématique; que tout dépend de qui s'en occupe et du moment où c'est fait.

M. Dan Krewski, l'évaluateur des risques de la Direction générale de la protection de la santé, le principal enquêteur des Américains, un évaluateur de renommée mondiale, à quitté tout récemment la Direction générale de la protection de la santé. Il est maintenant à l'Université d'Ottawa. Il parle de cette situation. C'est un évaluateur des risques. Je travaille avec lui. Il nous dit que ce n'est pas ce qui se fait. Voilà ce qu'est l'ARLA.

Qu'on nous le montre; qu'on nous le dise. Comment peut-on prétendre qu'on fait quelque chose quand on n'en est pas sûr ou quand ce n'est pas ce qui se fait. Pourtant, c'est la sorte de réponse que nous donne l'ARLA.

Il s'agit d'une approche scientifique. S'il n'y a pas de telle approche, qu'on dise qu'il n'y a pas de véritable approche systématique mais qu'on fait ceci ou cela. Or ce n'est pas ainsi qu'on présente les choses. On présente en gros ce qu'on va obtenir, même au ministre, et, deux ans plus tard, nous n'avons rien, et nous n'aurons rien, parce que l'Agence n'a tout simplement pas d'approche systématique à nous présenter.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

Madame Girard-Bujold.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Madame la présidente, la Dre Martin fait toujours allusion à un projet de loi qui aurait été déposé en 1997, mais dont vous et moi semblons ignorer l'existence même. J'aimerais avoir l'heure juste au sujet de ce que dit ce projet de loi qui, selon elle, ne tenait pas compte de certains éléments. Je voudrais également savoir de quels éléments il s'agit.

Les informations dont nous ont fait part nos témoins aujourd'hui ont été très utiles et nous ont aidés à avancer beaucoup. Nous avons pu discuter de ce que l'ARLA aurait dû faire et n'a pas fait, ainsi que de ce qu'elle s'était engagée à faire et n'a pas fait.

Je vous remercie infiniment. Vos témoignages m'ont ouvert les yeux dans bien des domaines que je ne connaissais pas. Cette réunion a été très productive. Je vous en remercie.

Enfin, j'apprécierais que vous me donniez des éclaircissements au sujet de ce projet de loi.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je pense que nous avons besoin d'un éclaircissement à savoir s'il s'agit d'un véritable projet de loi ou d'éléments ou de propositions en vue de la présentation d'une mesure législative.

Mme Kathy Cooper: Il existe certainement des propositions que j'ai datées de janvier 1999.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui, et nous les avons.

Mme Kathy Cooper: Que je sache, cependant, elles ne sont pas rédigées sous la forme d'un projet de loi, et n'ont pas été présentées en vue de la première lecture.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Non, rien n'a été présenté à la Chambre. Mais nous obtiendrons cet éclaircissement.

Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: La Dre Martin parlait de 1997 et non de 1990, comme vient de le faire Mme Cooper. Ce n'est donc pas le même projet de loi.

[Traduction]

Dr Kelly Martin: Ce sont les mêmes propositions. Elles sont en veilleuse. Nous ne nous sommes pas réunis pendant huit mois. J'avais donc compris qu'elles allaient être rédigées sous forme de projet de loi. Je ne sais pas où en est le projet actuellement. Elles sont en veilleuse depuis des années. Elles sont dépassées, mais les gens ont peur d'essayer de présenter de gros changement ou toute modification à la loi, parce que cela risquerait de retarder les choses pendant encore cinq ou dix ans.

Mme Kathy Cooper: Parlons-nous de la même chose?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui, vous parlez de la même chose. Je crois que le ministre a dit à la Chambre que les propositions—ou ce qui a été préparé—ont maintenant été soumises à l'ARLA...

Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan: Je veux soulever une question de procédure. Demain, nous réunissons-nous à 8 h 45?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Le problème, c'est que je voulais discuter de cette question avec le comité. Nous allons terminer et je soulèverai ensuite cette question.

M. Joe Jordan: D'accord.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Y a-t-il d'autres questions pour les témoins?

Des voix: Non.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): J'avais juste une petite question. Je vous ai demandé si l'on était favorable en général ou si l'on acceptait l'idée d'une approche davantage axée sur les enfants au sein de l'ARLA. Je repose la question au sujet du comité consultatif.

• 1745

Dr Kelly Martin: Non, ou peut-être que oui? Vous savez, l'ARLA a deux comités consultatifs. L'un est un comité chargé des question économiques, formé de représentants de l'industrie. Le second, c'est le Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire, qui compte des représentants de l'industrie et divers autres représentants. Cette situation fait donc l'objet d'une âpre discussion. C'est un peu explosif. Pourquoi n'avons-nous pas de comité consultatif purement médical ou purement scientifique? Rien ne bouge dans l'état actuel des choses. Les représentants de l'industrie sont payés par l'industrie pour être là. Même s'ils se disent d'accord quand on discute en prenant un café, ils ne peuvent pas franchir le pas sur ces questions.

Donc, y a-t-il une approche axée sur les enfants? Il y a des gens au sein de ces comités qui s'intéressent aux enfants, c'est sûr, mais il n'y en a que quelques-uns. La réponse est non, le Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire ne présente certainement pas cet aspect de la question à l'ARLA. Je pense que cela pourrait certainement être le cas s'il y avait un comité chargé des questions médicales ou scientifiques, mais ce n'est pas ainsi que l'ARLA est organisée. C'est une situation très... On se bat pour maintenir ce qui revient presque au statu quo. Donc, je pense que je peux répondre non.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Les représentants de l'industrie nous ont dit la semaine dernière que l'ARLA était composée d'environnementalistes pour plus de la moitié de ses membres.

Dr Kelly Martin: J'en ai parlé dans mon intervention.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je sais.

Dr Kelly Martin: Ils aiment nous catégoriser. Je travaille dans la salle d'urgence. Qu'est-ce qu'un environnementaliste? Nous sommes les médecins. Le chef de la direction générale de la santé publique de Calgary n'est pas un environnementaliste. Il y a un agriculteur qui y siège à mes côtés. Qui est-il? Je pense que ces catégories leur facilitent grandement les choses. Ils se contentent d'avoir des gens aux deux extrémités.

La moitié des représentants sont de l'industrie. La question est bien défendue par l'industrie, et on y voit aussi des représentants de la Fédération mondiale de la faune et du Sierra Club ainsi que d'un groupe intéressé aux difficultés d'apprentissage scolaire, différents médecins, différents chercheurs d'université qui ont été invités. Je pense que les chercheurs sont aussi considérés comme des éléments des groupes environnementalistes. Je n'en suis pas sûre, mais je pense que tout dépend de la façon dont on catégorise les gens.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Y a-t- il d'autres questions pour les témoins?

Je vous remercie beaucoup de votre témoignage, qui nous en a appris beaucoup.

Avant d'ajourner, il y a une question de procédure dont nous devons discuter rapidement. Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan: Étant le seul à arriver vraiment à 8 h 45, je me sens un peu seul. Nous devrons le faire demain, parce que c'est ce que nous avons dit aux témoins, mais je me demande s'il est bien judicieux de nous réunir à 8 h 45.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je ne sais trop comment c'est arrivé que nous commencions à 8 h 45, mais nous avons...

M. Joe Jordan: Je pense que ce n'est encore jamais arrivé.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Nous n'avons pas commencé à 8 h 45.

M. Joe Jordan: Nous devrions peut-être remettre l'heure en question.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je pense que nous devrions soulever la question quand le président sera présent, la semaine prochaine, et nous devrons aussi discuter du nombre de réunions à tenir par semaine.

M. Joe Jordan: Pourriez-vous le faire à ce moment-là?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Si je pourrais le faire? Monsieur Jordan, vous êtes tout à fait libre de le faire.

Une voix: Il a peur.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Ne le laissez pas vous impressionner.

La séance est levée.