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CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 avril 1999

• 0932

[Français]

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.)): Nous commençons, en ce jeudi 22 avril 1999, la 59e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. L'ordre du jour est le suivant: conformément à un ordre de renvoi de la Chambre daté le 1er mars 1999, nous continuons l'examen du projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

Je suis très heureuse de vous accueillir. Vous aurez l'occasion, monsieur Bouthillier et monsieur Philpot, de parler devant des députés venant d'ailleurs au Canada.

Nous avons donc le plaisir d'entendre deux personnes représentant la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, M. Guy Bouthillier, le président, et M. Robin Philpot, le directeur des communications.

Soyez les bienvenus à la réunion. Monsieur Bouthillier, vous pouvez commencer. Vous avez dix minutes pour faire votre présentation et ensuite les députés de l'opposition seront les premiers à vous poser des questions.

M. Guy Bouthillier (président, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal): Merci, madame la présidente. Je vais d'abord passer la parole à mon collègue Robin Philpot et ensuite j'interviendrai.

[Traduction]

M. Robin Philpot (directeur des communications, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal): Je vais commencer en anglais, surtout pour m'adresser aux gens de l'extérieur du Québec. Je suis originaire de Thunder Bay, en Ontario.

Je suppose qu'ils n'ont jamais entendu parler de la Société Saint-Jean-Baptiste, ce qui a été mon cas pendant longtemps. Je crois qu'il importe avant que nous fassions notre exposé de donner un bref historique de notre organisation. Elle a été fondée en 1834, bien avant la Confédération. Elle a participé de près à la rébellion des patriotes en 1837-1838, tant dans le Bas-Canada, qui est devenu le Québec, que dans le Haut-Canada. En fait, nous avons dernièrement commémoré les exécutions qui ont eu lieu il y a 160 ans en publiant une annonce dans le Globe and Mail et dans Le Devoir. Cette annonce visait à souligner qu'à différentes époques nous avons combattu côte à côte pour défendre la démocratie et les droits de la personne. Cette annonce comprenait le nom de tous ceux qui ont été exécutés dans le Haut-Canada à l'époque.

Lorsque vous chantez l'hymne national avant le début d'une partie de hockey, et vous le faites probablement très souvent ici, vous ne vous rendez peut-être pas compte que cet hymne a été commandé par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal en 1880. Il est assez ironique que ce soit maintenant l'hymne national du pays dont le Québec voudrait se séparer. De plus, la feuille d'érable était l'emblème de la Société Saint-Jean-Baptiste. Celle-ci a également été l'un des membres fondateurs de l'École des hautes études commerciales, rattachée à l'Université de Montréal. Elle a également été l'un des fondateurs de la Chambre de commerce de Montréal. Elle participe activement au développement social, culturel, politique et économique du Québec.

• 0935

Le fait qu'il y ait si peu de députés de l'extérieur du Québec ici présents explique un peu pourquoi, pendant mon enfance, je n'ai jamais entendu parler de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Nous regrettons qu'il n'y ait pas plus de gens présents. J'espère que nos regrets seront transmis aux absents.

[Français]

M. Bouthillier va faire notre présentation et nous allons répondre aux questions par la suite.

M. Guy Bouthillier: Merci, Robin.

Madame la présidente, mesdames et messieurs, notre intervention portera sur un seul aspect du projet de loi, soit la proposition concernant le texte du serment d'allégeance. Nous voulons souligner premièrement que ce texte nous apparaît en retard ou en retrait par rapport à la nouvelle réalité qui s'est inscrite dans la vie québécoise au cours des 30 dernières années. Nous voulons aussi souligner qu'il nous apparaît dangereux en ce qu'il accentue une tendance qu'on peut et qu'on a pu apercevoir et entendre dans la vie politique, soit cette tendance antidémocratique et menaçante pour la liberté politique et la liberté d'expression de certaines personnes.

La première idée, donc, porte sur le retard par rapport à la nouvelle réalité. Prêter serment d'allégeance à Sa Majesté et au Canada correspondait jadis à la réalité de l'immigration, la réalité d'avant 1947 jusqu'au début des années 1960, alors que, pour toutes sortes de raisons que l'on comprend, les immigrants partout au Canada, y compris au Québec, avaient tendance à s'agréger à la société anglophone ou canadienne-anglaise. Aujourd'hui, on connaît l'effort fait depuis 25 ou 30 ans par tous les éléments de la société québécoise pour que les immigrants s'intègrent à la vie québécoise, dont la langue officielle et commune est le français.

Cette affaire a évolué considérablement de part et d'autre, aussi bien parmi les Québécois comme société d'accueil que parmi les immigrants qui s'installent au Québec, et on voit s'installer, s'instaurer et se renforcer le lien entre les deux éléments. L'intégration de l'immigration se fait tous les jours un peu plus à la société de langue française, la société québécoise, qui intervient, bien sûr, dans le processus de sélection. On connaît l'entente Cullen-Couture sur l'immigration de 1978. Cette société intervient aussi de différentes façons et à plusieurs occasions en matière de sécurité sociale, en matière culturelle, linguistique et, peut-être par-dessus tout, en matière scolaire.

La Loi 101 a eu un effet formidable sur ce plan-là, et c'est pour cela qu'elle occupe une telle place dans la vie du Québec et de celle des nouveaux immigrants qui viennent s'installer au Québec pour devenir de nouveaux Québécois. La loi 101 fait que dorénavant, sauf dans quelques exceptions, les enfants issus de l'immigration internationale vivent, se forment et apprennent dans les écoles françaises du Québec. Ceci est extrêmement important et témoigne de cette omniprésence de la structure collective québécoise dans la vie de l'immigrant qui vient s'installer au Québec.

Bien sûr, le processus d'immigration est un processus de sélection, d'installation et d'accueil, mais il n'est complet qu'à son point d'aboutissement, appelé la naturalisation. Cette dernière transforme l'immigrant en citoyen et fait disparaître, en quelque sorte, l'immigrant derrière le nouveau citoyen. Le citoyen cache l'immigrant qui n'est plus. C'est l'aboutissement souhaité et heureux du processus.

• 0940

Or, qui dit naturalisation dit forcément serment d'allégeance. C'est pratiqué ainsi, je crois, dans tous les pays du monde. Quand on regarde le serment d'allégeance proposé—c'est le premier point sur lequel on veut attirer votre attention—on constate que le Québec en est totalement absent. L'immigrant devenant nouveau citoyen au moment du serment d'allégeance est un petit peu en situation schizophrène.

Depuis qu'il est là, on lui dit qu'il est en train de s'intégrer au Québec et de devenir citoyen québécois, mais lorsque vient pour lui le moment solennel et extrêmement important de prêter serment, soudainement, le Québec disparaît. Cela nous paraît tout à fait regrettable et inadmissible. On souhaiterait que ce texte soit amendé pour que ceux qui prêtent le serment d'allégeance et qui habitent sur le territoire du Québec prêtent serment d'allégeance aussi bien au Québec qu'au Canada. C'est la première idée. Le texte proposé, qui convenait peut-être à la réalité d'il y a 30 ans, ne convient plus du tout à celle d'aujourd'hui.

L'autre aspect qui est peut-être plus grave et plus inquiétant est le suivant: la vie étant ce qu'elle est, les passions politiques étant ce qu'elles sont, il y a parfois des excès de langage de part et d'autre. Ce qui me frappe dans la vie politique à laquelle je participe, c'est d'entendre parfois des partisans du Canada, par opposition à des partisans du Québec, s'insurger quand ils ont devant eux un partisan du Québec qui n'y est pas né, étant un immigrant naturalisé citoyen canadien.

Je l'ai vu et je l'ai entendu. J'ai assisté à des scènes absolument désagréables de personnes disant que ceux nés au Canada avaient le droit d'être séparatistes, mais que ceux venant de l'étranger, du Maroc, de la Lituanie, de l'Italie ou de la Grèce, n'avaient pas le droit d'être séparatistes parce qu'ils avaient prêté serment d'allégeance au Canada.

Ce qui m'apparaît extrêmement regrettable et dangereux, c'est le fait que les libertés et les droits politiques, dont le le droit d'être indépendantiste, sont reconnus ou pas selon votre lieu de naissance. Si vous êtes né ici, vous avez le droit d'être souverainiste; si vous n'êtes pas né ici, vous n'en avez pas le droit. Il y a une inégalité de traitement, mais surtout, il se crée autour de ça un climat extrêmement passionnel voulant que ces gens soient des traîtres au Canada et qu'ils seraient mieux de quitter le pays.

Vous assistez alors à cette scène, qui a d'ailleurs été décrite quelque temps après dans le journal Le Devoir, d'une personne disant à une autre: «Sortez d'ici—nous étions dans une synagogue—vous n'avez pas le droit d'y être, vous n'êtes pas le bienvenu parce que vous êtes souverainiste; lui, ça va, il est né à Montréal, au Canada, à l'hôpital Notre-Dame; vous, vous êtes né au Maroc, vous n'avez pas ce droit et vous êtes un traître au Canada.» L'exemple vient parfois de très haut.

On se rappellera que, sinon dans cette enceinte même, du moins en ce lieu qui s'appelle le Parlement du Canada, un ministre haut placé a dit à un député né ailleurs et naturalisé au Canada que s'il n'était pas content, il pouvait s'en aller. Ces propos venant d'un ministre à l'adresse d'un nouveau citoyen ont une charge menaçante considérable. Si un député a le dos assez solide et les épaules assez larges pour ne pas se laisser impressionner, ce n'est pas nécessairement le cas de gens qui ne sont pas députés ou qui n'ont pas la même formation.

• 0945

Je crains que le texte proposé pour le serment accentue cette tendance à exclure du débat politique ceux qui ne sont pas des naturels de naissance mais des naturalisés et soit une atteinte à la liberté politique et à la sécurité personnelle des citoyens. Il y a de nombreux témoignages de personnes qui se fait ainsi traiter. Lisez les textes de Mme Ghila Sroka dans La Tribune juive, par exemple, et vous y verrez de nombreux exemples de personnes disant que c'est dur de se faire exclure par son propre milieu pour des raisons politiques.

Le Canada étant ce qu'il est et ayant de lui-même l'idée qu'il se fait, et que je comprends, il devrait être à la hauteur de l'idée qu'il se fait de lui-même en modifiant le serment dans le sens qu'on indique. Nous éviterions ainsi de nombreuses situations désagréables et tout à fait contraires aux droits fondamentaux des hommes et des femmes du territoire québécois et canadien. C'était le sens de mon intervention. Merci.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Bouthillier.

Monsieur Philpot, vous n'ajoutez rien pour le moment?

M. Robin Philpot: Non, merci.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je vous remercie.

[Traduction]

Nous en sommes maintenant à la période des questions. Monsieur Benoit, avez-vous des questions à poser aux témoins?

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Oui. Merci, madame la présidente.

Bonjour, messieurs. Il est intéressant que vous ayez proposé de modifier le serment. D'après ce que je sais de vos déclarations antérieures au sujet du serment d'allégeance au Canada, vous avez laissé entendre que vous ne respectiez pas l'intention du serment de toute façon. Vous avez dit que lorsque des gens arrivent au Canada, qu'ils prêtent serment et qu'ils décident ensuite de se séparer du Canada, cela n'a pas d'importance, que le serment qu'ils ont pris ne signifie pas grand-chose. Il est donc intéressant que vous proposiez de le modifier. J'aurais cru que vous auriez préféré l'éliminer entièrement.

M. Guy Bouthillier: Le serment existe, et il est là pour y rester. Commençons par là. Le serment dit «Canada». Nous disons simplement pourquoi ne pas ajouter au mot «Canada» le mot «Québec»? Dans la mesure où les gens qui sont naturalisés habitent au Québec...

M. Leon Benoit: Proposez-vous qu'on procède de la sorte pour chaque province?

M. Guy Bouthillier: Je parle du Québec. Je ne parle pas pour les autres régions du Canada.

Cependant, je crois que cela pourrait rendre le débat plus civilisé. Il était inconcevable d'entendre à cette époque, dans ce monde civilisé, dans cette ville très civilisée qu'est Montréal, une personne dire à une autre «Sortez de cette synagogue. Parce que vous avez voté non... Je veux dire parce que vous avez voté oui»—désolé, le fait de changer de langue a parfois des conséquences, c'était le cas en 1992—«Vous êtes un traître. Vous, monsieur Bouthillier, pouvez voter oui, et je peux l'accepter parce que vous êtes né ici. Il était né au Maroc. Il n'était pas autorisé à choisir le Québec plutôt que le Canada.» C'est absurde.

M. Leon Benoit: Mais dans le serment que cette personne a prêté à son arrivée au Canada, elle jurait allégeance au Canada. Le fait de voter en faveur de la séparation et de ne plus avoir aucune allégeance envers le Canada est tout de même une contradiction. C'est une violation du serment qui a été prêté, par conséquent...

M. Robin Philpot: Vous arrivez au coeur de la question. Les gens ont des droits et des libertés. Nous avons une Charte, et les gens ont le droit d'avoir des convictions politiques et d'agir en conséquence. Cela pourrait comprendre, et comprend, un certain nombre de personnes qui décident que l'indépendance assurera au Québec un meilleur avenir. Ils ont le droit politique de l'exprimer et de travailler à cet objectif.

De plus, malgré tous ses défauts, la Cour suprême du Canada a déclaré que le mouvement indépendantiste québécois et le désir de créer un nouveau pays constituent un mouvement légitime. Par conséquent, il est de la plus grande importance que dans le nouveau serment les gens jouissent de droits politiques égaux à ceux des autres citoyens canadiens qui habitent au Québec; qu'après l'obtention de la citoyenneté, ils ne puissent faire l'objet de discrimination parce qu'ils ont fait un choix politique que les autres citoyens ont légitimement le droit d'exercer.

• 0950

M. Leon Benoit: Vous insinuez donc que le serment n'a donc pas vraiment beaucoup d'importance. Le fait de jurer allégeance au Canada ne signifie donc rien, d'après ce que vous dites. Je suis surpris que vous ne réclamiez pas tout simplement l'élimination du serment.

[Français]

M. Robin Philpot: Oui, mais dans le serment, je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays et à défendre les valeurs démocratiques. Ces droits, libertés et valeurs s'appliquent à tout le monde et incluent le droit d'avoir une option politique qui n'est pas celle de l'unité canadienne.

[Traduction]

M. Leon Benoit: Je suppose que je ne comprends pas le lien.

M. Robin Philpot: Eh bien, si le serment comprend le respect des droits et libertés de notre pays ainsi que le respect des valeurs démocratiques, cela comprend le droit de choisir une autre option que l'unité canadienne et de reconnaître que la séparation constituerait la meilleure option. Tout le monde doit pouvoir jouir de ce droit politique, y compris ceux qui sont naturalisés.

M. Guy Bouthillier: Si en tant que citoyen j'ai le droit de proposer et de défendre la cause de l'indépendance du Québec, j'estime que chaque citoyen de ce pays a le même droit, qu'il soit citoyen de naissance ou qu'il soit naturalisé. Et c'est ce que nous essayons de corriger, la situation où vous créez deux catégories de citoyens, deux catégories de droits ou de citoyens ayant des droits différents. Je suis un citoyen de naissance, et je peux donc défendre la cause de l'indépendance. Il n'est pas né au Canada, mais est citoyen naturalisé, et il ne peut donc pas le faire; c'est illégal dans son cas et d'une certaine façon immoral; il lui est interdit de défendre la cause de l'indépendance. Je veux éliminer cette différence et garantir l'égalité de tous les citoyens.

M. Leon Benoit: Peut-être qu'un élément de la solution serait de demander à tous les Canadiens, lorsqu'ils sont en âge de le faire, de prêter serment d'allégeance au pays. De cette façon, tout le monde prêterait un serment d'allégeance et il n'y aurait plus de discrimination. Peut-être que ce serait la solution.

M. Guy Bouthillier: Je ne crois pas que ce soit la solution que nous préconiserions.

M. Leon Benoit: Nous pourrions commencer par les députés et leur faire prêter le serment d'allégeance au pays.

M. Guy Bouthillier: Je m'en remets à vous.

M. Leon Benoit: Merci.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Avez-vous d'autres questions, monsieur Benoit?

M. Leon Benoit: Non.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci.

[Français]

Monsieur Ménard, je suppose que vous avez des questions à adresser à nos témoins.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la présidente, vous avez tout compris.

Une voix: Quelle perspicacité!

M. Réal Ménard: C'est très intéressant que vous veniez nous rencontrer aujourd'hui parce que c'est une période dans laquelle toutes ces idées sont débattues par ma formation politique et sans doute par d'autres.

On vit une contradiction à tous les jours, dans ce Parlement, qui peut quelquefois prendre la forme d'une certaine désolation. J'ai rappelé à la ministre de l'Immigration, quand elle est venue devant le comité, qu'on est souverainistes et que, comme elle, on croit à la règle de droit. Il y a quelques années, on nous a fait voter à la Chambre des communes une motion disant que, dans les lois et politiques gouvernementales, la spécificité du Québec devait avoir un écho. En partant de cette prémisse, j'ai demandé à la ministre s'il ne serait pas normal de parler du Québec dans une Loi sur la citoyenneté. C'est ce que vous nous nous dites aujourd'hui concernant le serment, et je voudrais que vous soyez plus explicites là-dessus pour que je puisse bien vous comprendre. Vous souhaitez qu'il y ait un espace pour le Québec dans le serment et qu'il y ait une façon de parler du Québec pour ce qu'il est.

La suite des événements quant au droit à l'autodétermination, etc., est un autre débat. Vous parlez des gens qui sont des résidants permanents et qui deviennent des citoyens alors qu'ils sont en territoire québécois—vous ne prétendez pas faire le débat pour la Colombie-Britannique ou le Yukon, mais pour le Québec—et vous souhaitez qu'on soit capable de parler au Québec.

Savez-vous ce que la ministre m'a répondu? Elle m'a dit qu'elle ne voyait pas le lien et ne comprenait pas pourquoi je posais la question. Je veux m'assurer de bien vous comprendre. Dites-nous la forme que cela devrait prendre dans le serment, comment vous voyez la cérémonie et l'élément explicite que souhaitez y voir figurer.

• 0955

M. Guy Bouthillier: À la fois un texte et un élément extérieur au texte. Robin, voulais-tu...

M. Robin Philpot: Non, continue.

M. Guy Bouthillier: On a un semblant d'originalité. On s'est inspirés du texte proposé par Mme la ministre—une fois n'est pas coutume—et on a ajouté le mot «Québec» au mot «Canada» tout simplement.

    Dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Québec et au Canada et à Sa Majesté Élizabeth Deux, Reine du Canada.

Nous n'avons pas oublié Sa Majesté

    Je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à défendre nos valeurs démocratiques, à observer fidèlement nos lois et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne) et du Québec.

Bien que ce ne soit pas dans le texte, j'ajouterais à cela, pour faire bien comprendre au nouveau candidat à la naturalisation qu'il l'est à deux citoyennetés, au fond, l'allégeance au Québec et l'allégeance au Canada. Je souhaiterais que dorénavant, les cérémonies de naturalisation sur le territoire du Québec se fassent en présence de deux agents, un représentant de l'État du Québec et un de l'État du Canada avec, évidemment, deux drapeaux, un du Canada et l'autre du Québec. Il y aurait là un élément d'innovation qui ferait comprendre au nouveau citoyen qu'il est effectivement au Québec, dans cette partie bien spéciale du Canada qui s'appelle le Québec.

M. Réal Ménard: C'est très... Excusez-moi, monsieur Philpot.

M. Robin Philpot: Il s'agirait d'être conséquent avec le reste du processus d'immigration et de naturalisation, qui va de la sélection à l'intégration. Le Québec y consacre beaucoup d'argent et on est fiers des résultats en termes d'intégration.

La prochaine étape est tout à fait logique. Nous demandons à la ministre d'être conséquente avec les étapes précédentes. Elle a dit qu'elle voulait modifier la Loi sur l'immigration et il est à peu près temps, après 50 ans, de modifier le serment d'allégeance. Modifions-le donc selon ce qui a déjà été accepté: il y a a deux sociétés, la société québécoise et la société canadienne. Il faut que cet élément soit présent dans le serment.

M. Réal Ménard: Je comprends que vous voulez mettre fin à une aberration où on demande à des gens de prêter allégeance à une réalité qui n'est pas nommée. On dit à des gens qu'ils sont des résidants permanents sur le territoire du Québec et il n'est pas question qu'on ne fasse pas allusion à la société dans laquelle ils vont s'insérer. Vous avez une mission particulière et vous avez fait beaucoup d'efforts au cours des dernières années sur cette notion d'intégration. Cela est intéressant. Pouvez-vous nous en parler? Il faut comprendre quels sont les outils nécessaires à ces gens qui auront s'intégrer dans leur nouvelle société d'adoption.

Dans deux semaines, le Bloc québécois aura l'occasion de faire une conférence de presse et d'expliquer ses amendements proposés en troisième lecture. J'ai été surpris d'apprendre—je ne veux pas révéler trop notre stratégie parce qu'il y a ici des journalistes et, malgré leur discrétion, il faut garder tout cela pour la conférence de presse—qu'il y avait d'autres confédérations sur la planète où un espace est occupé... Pardon?

[Traduction]

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Nous ne le dirons à personne.

[Français]

M. Réal Ménard: Je connais votre discrétion, monsieur.

Il y a donc d'autres exemples à travers le monde où on permet, dans le cadre d'États fédérés, que des constituantes de ces fédérations associent leurs citoyens au processus de naturalisation, et je pense qu'il pourrait être très utile pour le Québec de s'en inspirer. C'est ce qu'on aura l'occasion d'expliquer en conférence de presse.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la façon dont vous voyez le processus d'intégration? J'ai été très heureux de lire dans la Gazette, il y a déjà quelques semaines, que vous faisiez des efforts très précis pour aller vers nos concitoyens d'origines autres. Je sais que, comme société, vous avez établi des alliances avec des groupes particuliers. Que pouvez-vous nous dire sur le processus d'intégration tel que vous le voyez?

M. Guy Bouthillier: Oui, on peut dire que cela fait partie du processus d'intégration. La partie la plus civilisée, la plus agréable du processus d'intégration est d'aller parmi les autres, d'aller chez les autres, de deviser avec eux, pas toujours de politique parce que cela peut parfois devenir plus difficile, mais au moins de prendre contact et de sortir de l'isolement. Quelqu'un qui est isolé risque de voir l'autre comme étant quelqu'un d'indésirable et parfois même d'inquiétant. Le fait de sortir de l'ombre et de prendre contact—nous le faisons souvent ensemble, Robin et moi, et je le fais avec d'autres aussi—permet de prendre conscience du fait que le souverainiste n'est pas comme on le pensait. On le croyait autre, différent.

• 1000

Pour ce qui est de l'article de la Gazette, cela fait partie d'une action que nous avons engagée à l'occasion. On profite des journaux anglophones. Cela a parfois été le Globe and Mail, mais c'est souvent la Gazette, pour des raisons évidentes, à Montréal. On lance des messages aux lecteurs et à ceux de différentes communautés.

À l'occasion du 17 mars, fête de la Saint-Patrick, on a rendu hommage aux Irlandais de Montréal et à leurs amis. Nous sommes tous les amis des Irlandais, ne serait-ce que le 17 mars. On a voulu rendre hommage d'abord à l'Irlande, car s'il n'y avait pas d'Irlande, il n'y aurait pas d'Irlandais à Montréal, mais on voulait surtout attirer l'attention sur le fait que les Irlandais de Montréal faisaient cette année leur défilé pour la 175e année consécutive. C'est un fait banal quand vous vivez à Montréal. C'est un fait annuel et vous n'y pensez même plus. C'est comme l'air que vous respirez. Mais quand vous regardez la situation ailleurs, vous constatez que la situation à Montréal est tout à fait exceptionnelle. On a constaté que pendant un siècle, 100 ans, le défilé de la Saint-Patrick avait disparu à Toronto parce qu'il était devenu impossible aux catholiques de Toronto de faire leur défilé, compte tenu de l'ambiance défavorable ou hostile.

On a voulu, à l'occasion de cette opération-là, donner un coup de chapeau à l'Irlande et aux Irlandais, bien sûr, mais aussi et par dessus tout à l'esprit des Montréalais, qui fait qu'une telle chose se fait naturellement ici alors qu'elle a été rendue impossible pendant un siècle dans la ville voisine qui s'appelle Toronto.

Prenons un autre exemple. À peu près à la même époque, on a fait un coup de chapeau à la communauté juive à l'occasion du 80e anniversaire de la fondation du Congrès juif. On a voulu rappeler que le congrès de fondation du Congrès juif, ce qui est paradoxal et pourrait en étonner plusieurs, a eu lieu dans les locaux de la Société Saint-Jean Baptiste, au Monument national de la rue Saint-Laurent, qui a longtemps été notre siège social. C'est aussi le lieu où la communauté juive de Montréal et du Canada s'est rassemblée pendant trois jours au mois de mars 1919, pour son congrès de fondation.

M. Réal Ménard: Cette tradition d'ouverture fait donc partie de l'identité de la Société Saint-Jean-Baptiste.

M. Guy Bouthillier: Voilà.

M. Réal Ménard: C'est la conclusion à laquelle il faut arriver, madame la présidente. Vous donnez des exemples pertinents à travers l'histoire...

M. Guy Bouthillier: Et il y en a d'autres.

M. Réal Ménard: ...où vous avez été des précurseurs pour tendre des ponts vers différentes communautés. Vous pourriez être intarissables et donner d'autres d'exemples, car il y en a d'autres.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Oui, mais il ne nous reste plus de temps pour cette question-ci, monsieur Bouthillier. On reviendra à un deuxième tour.

[Traduction]

Monsieur Telegdi, avez-vous des questions à poser aux témoins?

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Bienvenue, messieurs. J'ai trouvé votre exposé très intéressant. J'aimerais d'abord vous demander si vous reconnaissez que les immigrants qui s'établissent au Canada et que ceux qui s'établissent au Québec et dans les autres provinces, lorsqu'ils deviennent citoyens, sont égaux?

M. Guy Bouthillier: Oui, et c'est exactement ce sur quoi nous voulons insister, et nous assurer que cela est compris par tous et que plus jamais nous entendrons dans notre ville, dans notre pays, quelqu'un dire à un autre, vous n'avez pas le droit d'adopter telle position politique parce que vous n'êtes pas né ici.

M. Andrew Telegdi: En tant que citoyen canadien né à l'étranger, en Hongrie plus particulièrement, je suis d'accord.

Dans le même ordre d'idées, lorsque le référendum a été perdu, pourquoi le premier ministre de la province du Québec a-t-il attribué la perte du référendum au vote ethnique et à l'argent? Et pourquoi chaque fois qu'il y a un vif débat sur la question de la séparation du Québec, l'ethnicité se trouve-t-elle à l'avant-scène?

• 1005

M. Guy Bouthillier: Votre question est intéressante, et je crois que la réponse le sera aussi. Robin va y répondre.

M. Robin Philpot: Une semaine avant le référendum, le Congrès juif canadien au Québec, le Congrès italien et le Congrès hellénique ont tenu une conférence de presse pour demander aux membres de leurs communautés de voter non. Ils ont joué, si vous voulez, la carte ethnique. Un des leaders du Parti libéral a dit: «C'est terminé maintenant, nous allons les avoir grâce à la démographie, car nos votes sont...». Je vais le nommer: Christos Sirros.

D'entrée de jeu, les gens ont beaucoup joué la carte ethnique au Québec et dans la politique québécoise, et j'ajouterais même dans la politique canadienne. Ils ont parlé du vote francophone au début du siècle parce que les francophones votaient pour Laurier dans le reste du Canada. Il y a eu le vote ethnique. Vous pourriez dire que l'utilisation du terme «ethnique» est devenue une obsession, presque une maladie dans la politique canadienne.

Ce que M. Parizeau a décrit était l'évidence. Les gens ont joué la carte ethnique auparavant, et lorsqu'il l'a dit, c'est le seul qui a été pris à partie. Notre objectif est de nous assurer que les gens ne vont pas voter suivant des lignes ethniques; ils vont voter en fonction de leurs choix politiques, qui sont offerts à tout le monde.

M. Andrew Telegdi: Je crois que ce que je trouve le plus intéressant dans tout cela—avant tout, je suis canadien, et je crois qu'il importe de le reconnaître. En tant que Canadien, lorsque je suis arrivé dans ce pays, j'ai trouvé étrange le débat qui s'y déroulait, et j'estime étrange lorsque je lis la biographie du premier ministre du Québec, M. Bouchard, qu'on mette tant l'accent sur l'histoire, sur la discrimination dont les Québécois étaient victimes de la part des anglophones. Lorsque j'entends ensuite dire que les Canadiens, et il y a beaucoup de néo-Canadiens—sont en quelque sorte responsables de cette discrimination, cela n'a aucun sens pour moi ni pour de nombreux néo-Canadiens.

Je crois que si nous sommes d'accord pour affirmer l'égalité de tous les citoyens, ce que le chef de la communauté juive, de la communauté italienne ou du Parti québécois peut dire ne devrait pas avoir tant de poids. On peut prétendre que le Parti québécois attire surtout—et on peut le constater d'après les appuis en faveur de la séparation—les Québécois de souche par rapport à la population québécoise en général. Il conviendrait que tous les Québécois soient traités de façon égale par le chef du gouvernement du Québec, qu'ils soient du Parti québécois, du Parti libéral ou d'un autre parti.

M. Guy Bouthillier: C'est intéressant. Effectivement, les déclarations du président du Congrès italien ou du Congrès juif ne devraient pas avoir plus de poids que celles des autres citoyens. Mais la situation est toute autre. Ghila Sroka, qui est chef de la Tribune juive à Montréal, l'a vécu au cours du dernier référendum... elle a voté oui, et elle était très visible sur la scène publique, elle parlait haut et fort. Elle a dit que cette période de sa vie a été très difficile. Des gens l'appelaient à trois heures du matin pour lui dire qu'elle était un traître au Canada et qu'elle devrait retourner chez elle, c'est-à-dire quelque part en France, en Israël ou au Maroc, je ne sais pas. On s'en est pris à elle parce qu'elle était du côté du oui. Et comment se fait-il que sa propre communauté l'ait apparemment rejetée en bloc? C'est parce que le chef de cette communauté, le président du Congrès juif canadien, etc., ne cessait d'affirmer qu'il fallait voter non.

• 1010

Mais si l'on se tourne vers l'avenir plutôt que vers le passé, ce que je trouve intéressant au sujet du vote ethnique... Je n'aime pas le terme; je n'aime pas la réalité. J'espère qu'un jour le Québec deviendra une république et que nous définirons les gens en tant que citoyens et non en fonction de leurs origines, de leur religion ou de leur langue. Je suis persuadé que ce jour viendra. Entre-temps, je crois que des progrès ont été réalisés depuis octobre 1995.

Malgré la déclaration dont vous avez parlé au sujet de l'argent et des votes ethniques, je me souviens et je répète à mes amis de ne jamais oublier cette merveilleuse prise de position, cette déclaration publique, de la part des membres de la communauté italienne de Montréal en octobre 1996. Vous la trouverez dans la Gazette du 6 octobre. Sept de ces personnes ont voté oui et sept ont voté non, et parmi ceux qui ont voté non on compte aujourd'hui le sénateur Rizutto.

Qu'ont-ils dit, en résumé? D'abord, notre communauté est établie au Québec depuis un siècle. Le Québec est notre foyer; c'est notre société. Cette société, celle du Québec à laquelle nous appartenons, discute de son avenir. Quatre chemins s'offrent à cette société: ne rien faire; accepter un accord semblable à celui du lac Meech; accepter une sorte de souveraineté-association; ou faire l'indépendance pure et simple. Peu importe la voie choisie par le Québec, dont nous faisons partie, ce sera la nôtre; nous accepterons cette décision et personne dans notre communauté ne s'exilera. Notre patrie est ici et nous ne permettrons à personne de quitter avec une partie de notre territoire.

J'estimais que c'était très optimiste, très bon, et de très bon augure pour l'avenir d'un Québec qui aura intégré tous ceux qui vivent sur son territoire et qui font partie de la société québécoise.

M. Andrew Telegdi: Permettez-moi de vous dire que la plupart des Canadiens qui viennent ici ont...

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Aviez-vous une question?

M. Andrew Telegdi: Oui.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Soyez bref. Vous avez presque épuisé le temps qui vous est accordé.

M. Andrew Telegdi: On leur a dit à un certain moment de rentrer chez eux, et ils ont dit, très bien, nous sommes chez nous.

Est-ce que le serment d'allégeance au Québec dans le cadre du serment de citoyenneté ne permettrait pas à un gouvernement séparatiste de recruter à l'étranger des personnes qui soutiennent son option? À mon avis, cela n'a aucun sens dans le contexte du Canada.

M. Guy Bouthillier: Le gouvernement du Québec aujourd'hui n'aurait pas besoin d'un document de ce genre pour défendre la cause de l'indépendance à l'étranger. Il n'a qu'à se référer au jugement de la Cour suprême du mois d'août dernier, où l'on affirme que si le peuple québécois vote oui, la politique canadienne doit en tenir compte et négocier. C'est une façon d'affirmer la légitimité de cette cause.

M. Andrew Telegdi: Mais de recruter des séparatistes à l'étranger...

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci. Je suis désolée, monsieur Telegdi. Peut-être pourrez-vous y revenir plus tard.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Je m'excuse tout d'abord d'avoir raté l'essentiel de votre exposé, mais d'après ce que j'ai retenu de la conversation c'est qu'essentiellement vous voulez ajouter le Québec au serment de citoyenneté. Ma première réaction est que vous créez un conflit de loyauté. Vous dites que dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Canada et au Québec. En cas de conflit, qu'est-ce qui prévaut?

• 1015

M. Robin Philpot: Le but recherché est d'assurer l'égalité des droits. Il y a deux choses: l'égalité des droits de ceux qui sont naturalisés et la logique du reste du processus. C'est conforme aux ententes. Cela vise fondamentalement à clore le processus qui a commencé lors de la sélection et de l'intégration des nouveaux immigrants—la présélection, la sélection, l'arrivée et l'intégration.

M. John McKay: J'aimerais que vous m'expliquiez davantage votre argument au sujet de la différence que vous percevez entre un citoyen qui est naturalisé et un citoyen qui acquiert la citoyenneté de naissance. Je ne comprends pas la différence politique que vous faites. Je vois la réalité politique, si l'on veut mais je ne comprends pas, du point de vue de la Constitution ou du droit, comment un citoyen naturalisé est plus ou moins en mesure de participer pleinement au débat politique, par exemple, entourant la séparation éventuelle d'une province. Pouvez-vous m'indiquer où cela se trouve dans la Constitution ou la législation.

M. Robin Philpot: Je reviens à votre première question. Vous avez demandé ce qui se produisait en cas de conflit? Dans la même phrase, vous dites «je promets allégeance au Canada et à Sa Majesté la Reine». Et si le Canada devenait une république? N'y a-t-il pas un conflit? Il y aurait deux allégeances.

M. John McKay: Si le Canada devenait une république, cet élément du serment serait éliminé.

M. Robin Philpot: Il y a un conflit.

M. John McKay: Je ne vois pas en quoi cela constitue un conflit.

M. Robin Philpot: Il y aurait un conflit. Donc, le risque de conflit existe déjà. Vous pouvez simplement ajouter «Québec» et affirmer qu'il y a un conflit possible parce qu'il faut prêter allégeance soit à l'un, soit à l'autre.

Au cours des 10 dernières années, il y a eu des cas—nous pourrions en nommer quelques-uns—où des membres du gouvernement, au sein du gouvernement libéral actuel et du gouvernement libéral précédent, ont dit à de nouveaux citoyens qui avaient été élus députés à la Chambre que s'ils n'étaient pas contents ils devraient rentrer dans leur pays. Ce sont des citoyens; ils ont des droits égaux. Et il s'agissait d'un ministre haut placé du gouvernement libéral.

Il y en a eu d'autres, une autre personne qui est aussi au sein du gouvernement actuel, qui a utilisé les mêmes termes.

M. John McKay: Mais cela ne fait-il pas partie du dialogue politique regrettable que l'on observe dans toutes les provinces? Je viens de Toronto, et je dois dire franchement que chaque fois qu'il y a un léger obstacle sur la route de l'intégration de différentes communautés, les gens disent des choses assez absurdes, comme vous devriez rentrer chez vous, etc.

M. Robin Philpot: Lorsque quelqu'un dans une taverne sur la rue Bloor quelque part à Toronto dit quelque chose de semblable, ce n'est pas la même chose que lorsque c'est un ministre qui fait une pareille déclaration, un ministre de la Défense, s'il faut le nommer, qui emploie ces mots et qui les adresse à un autre député élu parce que cette personne a fait un choix politique. Lorsqu'une personne en position d'autorité emploie des termes de ce genre, cela constitue une menace flagrante pour tous ceux qui, à un certain moment... Nous ne prétendrons pas qu'ils vont tous choisir l'option, mais ils ont le droit de le faire.

M. John McKay: Vous donnez un exemple de discours politique. Avez-vous un exemple constitutionnel, ou pouvez-vous citer une décision rendue par un tribunal du Québec ou un autre tribunal où l'on a fait une distinction entre la citoyenneté de naissance et celle obtenue par naturalisation?

M. Guy Bouthillier: Non. Ce qui compte, d'après moi, c'est la vie de tous les jours, et celle-ci ne se déroule pas devant les tribunaux; elle se déroule, comme vous l'avez dit, sur la rue Bloor et sur l'avenue Park, et lorsqu'une personne dit à une autre, et surtout une personne en position d'autorité, ou lorsque vous avez... Ce sont des menaces. Pensez à mon ami, Ghila Sroka, qui est juive, qui se fait réveiller à 3 heures du matin par un inconnu qui lui dit «Raus!» parce qu'elle a voté ou qu'elle se proposait de voter oui. C'est terrible.

M. John McKay: Je ne conteste pas que ces propos aient été tenus, et je ne doute pas que mes collègues de l'autre côté puissent trouver d'autres exemples qui seraient tout aussi convaincants.

Le gouvernement a préparé un serment d'allégeance au Canada, et essentiellement, si j'ai bien compris, vous affirmez qu'il devrait inclure le Québec à cause, si l'on peut dire, de déclarations regrettables prononcées par certaines personnalités politiques. Ai-je bien compris?

• 1020

M. Robin Philpot: Il y a deux raisons. L'une c'est d'assurer l'égalité des droits au nom des droits et libertés de la personne aux nouveaux citoyens pour leur permettre de faire un choix politique.

M. John McKay: Mais en droit, ils ont effectivement ce choix.

M. Robin Philpot: En droit, ils ont le choix, mais dans la pratique, ce choix est menacé car il y a la crainte qu'ils ne puissent pas l'exercer.

La deuxième raison, c'est qu'il faut être logique avec ce que les gouvernements des années 70 et les gouvernements d'aujourd'hui ont reconnu, à savoir que le Québec a une responsabilité en matière d'immigration, une responsabilité en ce qui concerne l'intégration. Le Québec y a consacré beaucoup d'argent et ses initiatives dans ce domaine ont connu beaucoup de succès. Il est donc logique que le serment, pour les personnes naturalisées au Québec, inclue le Québec, parce que cela est tout à fait logique avec les lois et pratiques en vigueur au Québec et au Canada.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Nous allons passer maintenant au deuxième tour. Nous avons tous cinq minutes.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Je vous remercie, madame la présidente.

En ce qui concerne l'observation que vous venez de faire à propos du grand contrôle que le Québec exerce sur l'immigration, je pense que les autres provinces auraient intérêt à accroître leur participation dans ce domaine de manière à pouvoir nettement mieux choisir les personnes qui répondront à leurs besoins. Et je tiens à féliciter le Québec de sa participation. Je pense que cela est tout à fait logique.

Bien entendu, je ne suis pas satisfait du financement que reçoit le Québec au chapitre de l'immigration comparativement aux autres provinces, car il n'est pas proportionnel au nombre d'immigrants, et cela me préoccupe vraiment et devrait à mon avis être modifié. Mais je tiens à féliciter le Québec de sa participation. J'estime que c'est un élément important. Nous pourrons répondre beaucoup mieux aux besoins si les provinces participent au processus et si le secteur privé participe davantage à la sélection des personnes qui répondront aux besoins de leurs entreprises.

J'ai trouvé très intéressante l'observation que vous avez faite plus tôt, en réponse je crois à une question, lorsque vous avez dit que votre organisme s'occupe d'aider à intégrer les nouveaux Canadiens dans la collectivité. Je me demande si une partie de ce travail d'intégration que vous faites consiste à encourager ces immigrants à appuyer le mouvement séparatiste. Cela fait-il partie du processus par lequel vous aidez les immigrants à s'intégrer à la société canadienne?

M. Guy Bouthillier: Si nous arrivions uniquement à faire en sorte que personne ne diabolise plus l'idée de l'indépendance, nous aurions atteint un objectif très important. Disons que nous ne demandons pas aux gens de voter pour notre cause. Nous tâchons de leur faire comprendre que nous ne sommes pas l'équivalent québécois de tel ou tel tyran. Comme vous le savez, il existe une abondante littérature qui a tendance à diaboliser, sinon chacun d'entre nous, du moins nos dirigeants, les personnalités de notre groupe. Nous devons briser cette image car aucun dialogue n'est possible entre un être humain normal et un diable. Et nous essayons de briser cette image.

Nous ne leur disons pas de voter pour nous. Nous leur disons que nous sommes des êtres humains tout à fait normaux et qu'ils devraient nous considérer ainsi que notre cause et nos idées comme la cause et les idées de personnes normales. Si nous arrivons à le faire, cela nous suffira.

M. Leon Benoit: Une question me préoccupe. Dernièrement, dans les journaux, on a pu lire qu'un grand nombre d'immigrants qui s'étaient d'abord établis au Québec ont très rapidement déménagé dans la région de Toronto, et bien entendu le financement n'a pas suivi. C'est une réelle préoccupation exprimée par les collectivités à Toronto et dans les régions environnantes...

Une voix: Et par les députés.

M. Leon Benoit: ...et par les députés. Je pense que c'est une préoccupation qu'il faut exprimer et je tiens à féliciter les députés de l'avoir fait.

Ici encore je pense que vous avez indiqué qu'une partie de votre travail consiste assurément à familiariser les immigrants avec ce que vous envisagez comme avenir pour le Québec. Je me demande—et c'est simplement une question, pas du tout une accusation. Je vous pose donc la question...

M. Guy Bouthillier: Je vous remercie.

M. Leon Benoit: ...et j'espère que nous pouvons établir un dialogue ici. Je me demande, si vous constatez que des gens sont très peu susceptibles d'adhérer à la cause du séparatisme au Québec, si vous les décourageriez en fait de rester au Québec.

M. Robin Philpot: Absolument pas.

• 1025

Comme vous le savez, Montréal est une ville merveilleuse avec une population merveilleusement cosmopolite. Le mouvement séparatiste du Québec continuera de progresser et nous tenons tous à éviter qu'il dégénère.

Brian Moore, l'écrivain, a écrit un livre sur la crise d'octobre de 1970. Il s'agit d'un auteur irlandais, né à Belfast. Quelqu'un lui a demandé: «Pourquoi n'avez-vous pas écrit sur Belfast?» Il a répondu: «Montréal pourrait devenir Belfast dans une cinquantaine d'années.» Notre travail consiste à nous assurer que Montréal ne devienne pas Belfast dans 50 ans, et il faut donc pour cela établir des ponts et s'entendre avec tout le monde. Tout le monde a le droit et la liberté politique de faire les choix qui lui plaisent et d'adopter la devise de Montréal: Concordia Salus.

Nous tâchons de maintenir cet esprit de civisme et c'est pourquoi nous avons parlé du défilé de la Saint-Patrick et de la création du Congrès juif canadien. C'est notre objectif. Alors les gens pourront faire le choix qu'ils veulent. Mais nous devons éviter de susciter des conflits et dresser des obstacles en fonction de facteurs ethniques.

M. Leon Benoit: Je comprends un grand nombre des raisons qui motivent le mouvement séparatiste au Québec—mais pas toutes les raisons. Dans l'Ouest, nous avons éprouvé la même chose. En fait, nous avons eu un mouvement séparatiste assez important dans l'Ouest à la fin des années 70 et au début des années 80. Je pense que nous avons décidé de recourir à la négociation pour régler le problème—garder notre pays uni.

Je comprends l'aliénation des provinces en raison de l'important rôle fédéraliste du gouvernement central, qui va au-delà de ce que prévoit la Constitution, et ne respecte pas les droits des provinces en vertu de la Constitution. Dans bien des cas, il a outrepassé son pouvoir. Mais je crois que la solution n'est pas la séparation mais le respect de la compétence provinciale prévue par la Constitution, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, et bien entendu le contrôle pour chaque province—pas uniquement le Québec—sur la langue et la culture. Cela contribuerait nettement à aider le Québec et l'Alberta qui est la province d'où je viens.

Donc, nous envisageons des solutions différentes. Je conviens que la diffamation n'est pas la voie à suivre, et je n'ai personnellement aucun sentiment négatif à l'endroit des séparatistes. Cependant, je méprise ce qu'ils font et ce qu'ils essaient de faire à notre pays.

[Français]

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur Bouthillier, je ne vous donnerai pas la parole, mais vous aurez peut-être l'occasion de répondre à M. Benoit si vous le désirez. Je vais passer la parole directement à M. Bergeron.

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Madame la présidente, j'ai le goût de réagir immédiatement aux propos que vient de tenir M. Benoit. Je dirai que le mouvement souverainiste est 30 ans en avance sur le mouvement réformiste, en ce sens que beaucoup de gens qui partagent aujourd'hui notre option et croient que la souveraineté est la meilleure solution, tant pour le Québec que pour le Canada, ont tenté, au cours des 30 ou 40 dernières années, d'en arriver à une entente à l'intérieur du Canada, de réformer le Canada, de faire en sorte que le Québec puisse s'y sentir à l'aise. Voyant l'impossibilité de parvenir à cette solution ou d'en arriver à une entente qui soit satisfaisante, ils en sont venus à la conclusion que la meilleure option pour les deux pays était de faire en sorte que nous vivions ensemble, mais de façon séparée.

Cela dit, j'aimerais remercier nos témoins de s'être présentés au comité aujourd'hui. Je les remercie également et les félicite pour leur patience et leur indulgence pour ce comité qui a tardé à commencer.

J'écoutais M. Robin Philpot faire la présentation de la Société Saint-Jean-Baptiste et je me sentais interpellé à plusieurs égards par sa présentation, non seulement lorsqu'il faisait état du mouvement patriote, mais aussi lorsqu'il parlait de la fondation de la Société Saint-Jean-Baptiste, puisque le fondateur, Ludger Duvernay, est originaire de ma circonscription électorale, la circonscription de Verchères—Les-Patriotes. J'ai écouté cette présentation avec beaucoup d'attention.

J'aimerais revenir sur la question que posait mon collègue d'Hochelaga—Maisonneuve. Pour le bénéfice de la question, mettons de côté complètement le débat constitutionnel quant à savoir si nous sommes souverainistes ou fédéralistes.

• 1030

Je suis étonné d'entendre M. Benoit s'interroger sur les raisons pour lesquelles vous demandez que, pour le Québec seulement, nous intégrions dans le serment d'allégeance une référence au Québec. Je m'interroge et je m'étonne de cette réaction de M. Benoît, d'autant plus qu'il y a quelques mois, il s'est fièrement levé à la Chambre des communes pour appuyer une motion du gouvernement qui reconnaissait le fait que le Québec était une société distincte et que ce fait devait être reconnu dans toute nouvelle loi. Nous savons pertinemment que ce concept de société distincte a été fièrement appuyé par les députés fédéralistes de cette Chambre, mais n'a eu aucune incidence...

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Excusez-moi, monsieur Bergeron. Il y a un rappel au Règlement.

Monsieur Benoit.

[Traduction]

M. Leon Benoit: Madame la présidente, je tiens absolument à rectifier cette déclaration. En fait, je tiens à préciser que les réformistes n'ont pas appuyé la reconnaissance de la société distincte.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Donc, la majorité des députés fédéralistes de la Chambre ont appuyé cette motion sur la société distincte. Jusqu'à présent, nous n'en avons vu aucune application concrète et nous avons là une occasion d'en faire une application concrète. Le Québec étant une société distincte, il est nécessaire de reconnaître, dans le serment d'allégeance, l'allégeance à cette société tout à fait particulière à l'intérieur du Canada.

J'aimerais que vous commentiez sur la pertinence d'avoir à l'esprit cette motion qui a été adoptée par la majorité fédéraliste de la Chambre et qui reconnaît le Québec comme société distincte, cette reconnaissance devant s'appliquer dans les nouvelles lois fédérales.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur Bergeron, je dois vous dire que nous sommes très au-delà de notre temps. Évidemment, vous avez droit à une réponse. Monsieur, je vous demanderais d'être bref, s'il vous plaît.

M. Guy Bouthillier: Si cela correspond à une position qui a été adoptée par vos collègues d'en face ou d'à côté, c'est très bien, mais on n'a pas fait cela dans l'idée du Québec société distincte, car cette notion ne fait pas exactement partie de notre vocabulaire, comme vous le devinez. Notre définition est celle d'une société pleine et entière, définie par rapport à elle-même et non pas par rapport aux voisins. Elle n'est pas distincte. Elle est elle-même. C'est parce qu'elle est elle-même qu'on souhaite que les nouveaux immigrants qui se feront naturaliser sur notre territoire prêtent également serment d'allégeance au Québec. Lorsque le Québec sera devenu une république, ils le feront au Québec et uniquement au Québec.

Actuellement, il y a aussi le Canada, cela pour quelque temps encore, et on accepte très bien qu'ils prêtent serment d'allégeance à l'un et à l'autre.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci.

[Traduction]

Monsieur Bryden, vous avez cinq minutes.

[Français]

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Merci. Je suis un homme de lettres anglophone, un ancien journaliste et auteur. J'ai été élu à la Chambre des communes pour la première fois en 1993. Par la suite, j'ai appris le français à cause des débats à la Chambre, en fait à cause des bloquistes. À cause du mouvement séparatiste, la Chambre des communes est devenue un lieu où on parle beaucoup le français. En raison de cela, un homme âgé anglophone comme moi a appris le français.

Comme homme de lettres, je crois qu'il y a une nuance entre le mot «nation» en français et le mot «nation» en anglais. En anglais, ce mot a le sens que lui donne M. Milosevic, en Serbie. En français, le mot «nation» a une autre signification. La nuance est très subtile, et il s'agit d'une nuance culturelle. Je crois que c'est cela, la différence entre les séparatistes du Canada et les séparatistes d'autres pays du monde.

• 1035

À mon avis, le mouvement est ici très constructif à cause du concept nationaliste des francophones. Le pays du Canada est devenu un pays de tolérance, mais j'ai un problème face à votre proposition. Je pense que c'est une idée sincère, mais si on ajoutait le mot «Québec» au serment, il y aurait peut-être un danger que le serment devienne un serment d'ethnicité au lieu d'un serment de citoyenneté. Je pense que dans les pays où il y a des conflits ethniques, c'est à cause du conflit entre... Vous n'êtes pas d'accord. Très bien.

[Note de la rédaction: Inaudible]

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): ...

M. John Bryden: Non, ça va. Vous voudrez peut-être faire quelques commentaires à ce sujet.

M. Guy Bouthillier: Tel n'est pas l'esprit de notre proposition. Il s'agit de combattre cette attitude ethniciste qui consiste à reconnaître ou pas des droits politiques suivant le lieu de naissance. Telle est l'idée qui était à l'origine de cette proposition.

Maintenant, vous dites que le mot «nation» n'a pas le même sens en anglais et en français. C'est très bien, mais je remarque toutefois qu'il y a de par le monde, et notamment à New York, un organisme qui s'appelle l'Organisation des Nations unies dont le nom en anglais est United Nations Organization. Donc, je vois le même mot appliqué à la même réalité, et c'est justement à cette réalité que nous aspirons, nous, indépendantistes québécois. Vous voulons être une de ces nations ou nations qui participent à l'Organisation internationale des Nations unies. Voilà.

M. John Bryden: Je me souviens clairement des paroles de M. Parizeau, qui avait parlé des ethnies au Québec. Je suis fédéraliste et je respecte les points de vue de mes collègues bloquistes, mais ces mots de M. Parizeau sur les ethnies ont créé un grand abysse entre moi et les nationalistes extrêmes du Québec.

M. Robin Philpot: Votre collègue de Kitchener—Waterloo a posé la même question. Vous pourrez lire la réponse dans la transcription.

M. John Bryden: Vous pouvez répondre en français si vous le voulez.

M. Robin Philpot: Pardon?

M. John Bryden: Vous pourriez reprendre en français la réponse à cette question parce qu'il y a des nuances en français. Je cherche la réponse en français.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur Bryden, il va falloir que je vous interrompe. Nous sommes très en retard.

Monsieur Telegdi, très rapidement.

M. Andrew Telegdi: Bravo, monsieur Bryden.

[Traduction]

En ce qui concerne la civilité du débat, je suis heureux que vous ayez soulevé la question. L'une de mes préoccupations, c'est la façon dont les dirigeants fédéralistes, les premiers ministres, qu'il s'agisse de Pierre Trudeau ou de Jean Chrétien, ont été bassement accusés par le mouvement séparatiste de ne pas être de véritables Québécois.

Je ne suis pas d'accord pour que l'on prête allégeance au Québec dans le cadre du serment. Lorsque nous sommes arrivés au Canada, nous nous sommes installés en Colombie-Britannique, puis nous avons déménagé en Ontario. En tant que citoyen canadien, j'ai le droit de choisir la province dont je veux être un citoyen en allant m'y installer. Donc assurément, si nous devons prêter allégeance à l'une ou l'autre province du Canada, nous devrions prêter allégeance à toutes les provinces, ce qui serait assez fastidieux, selon moi.

Qu'arriverait-il si quelqu'un prêtait allégeance à la province de Québec et déménageait en Colombie-Britannique? Et si quelqu'un prêtait allégeance à la province de la Colombie-Britannique, puis déménageait au Québec, devrait-il prêter de nouveau serment? Ça ne semble pas pratique de reprêter serment? Ça ne l'est pas parce que les provinces fonctionnent à l'intérieur du Canada, conformément à la Constitution.

• 1040

M. Guy Bouthillier: Si vous déménagiez non pas d'une province à une autre mais d'un pays à un autre et que vous alliez aux États-Unis, au Mexique ou en Australie et prêtiez un serment d'allégeance à ces pays, y aurait-il une contradiction? Seriez-vous toujours canadien et auriez-vous la double citoyenneté?

Je pense que nous pouvons

[Français]

penser aussi dans ces termes-là.

[Traduction]

Ce n'est pas incommode. En cette ère de la mondialisation, les gens ont de nombreux passeports, de nombreuses nationalités et de nombreuses allégeances. Cela devient plus facile et plus naturel à l'intérieur des frontières internationales d'un État.

M. Andrew Telegdi: Le problème, c'est que vous partez du principe qu'il s'agit d'une situation de pays à pays, ce qui n'est pas le cas ici. Il s'agit de provinces du même pays, le Canada. Certains pays ne reconnaissent pas la double citoyenneté.

M. Guy Bouthillier: Oui, je sais.

M. Andrew Telegdi: Je tenais simplement à apporter cette précision.

Je vous remercie, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je vous remercie.

Monsieur Bryden, vous avez exactement trois minutes.

[Français]

M. John Bryden: Vous avez répondu à mon collègue en disant qu'il y avait un conflit dans le serment actuel parce qu'on a la reine et le Canada. Si on éliminait la reine du serment, est-ce qu'il n'y aurait pas un conflit de citoyenneté dans votre proposition? Ce serait simplement un serment au pays au lieu d'un serment au monarque d'un autre pays. À mon avis, on doit éliminer la reine parce que si les Québécois et les francophones du Canada veulent avoir une loyauté à un pays, ce sera une loyauté au Canada.

M. Robin Philpot: Le problème est qu'il n'y a pas seulement un conflit entre l'allégeance au Canada et à la reine. Si l'allégeance est seulement au pays, la phrase suivante va poser problème. Tel que le serment est écrit, si vous n'y mettez que le Canada, cela posera problème parce que les citoyens naturalisés du Québec choisiront peut-être l'option souverainiste. Il y a là un conflit. Eux n'auront pas accès à tous les droits et libertés prévus dans la Charte si votre serment d'allégeance n'est qu'au Canada.

M. John Bryden: Peut-être faudrait-il récrire le serment. À mon avis, le serment qu'il y a dans le projet de loi n'est pas un bon serment.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci. Monsieur Bouthillier et monsieur Philpot, je ne veux pas laisser passer cette occasion de vous adresser la parole et de répondre à deux ou trois des éléments que vous avez présentés.

Tout d'abord, en ce qui a trait au défilé des Irlandais catholiques à Toronto, je suis très au courant de la situation et je sais qu'une des raisons pour lesquelles les Irlandais catholiques ne défilaient plus à Toronto était qu'il y avait des problèmes avec les Irlandais protestants, les Orangemen. Donc, je ne pense pas qu'on puisse vraiment mettre cela sur le dos de la population en général, car à l'intérieur même de la population de souche irlandaise, il y avait déjà des problèmes.

Deuxièmement, je suis très contente que vous ayez abordé la question de l'ouverture des Québécois francophones par rapport à des populations venant d'ailleurs, et en particulier de la population juive. Ce que vous avez dit au sujet du théâtre national est tout à fait vrai, mais pendant des années, malheureusement pour tous, il y a eu une divergence. Par exemple, on sait que les populations immigrantes catholiques n'avaient pas le droit d'aller dans les écoles catholiques de l'Île de Montréal et que cela a mené à des divergences. C'est ce que la Loi 101 a essayé de rediriger. Si les gestes que vous posez aujourd'hui pour aller vers les communautés culturelles sont des gestes d'une plus grande ouverture nationale et ethnique, je ne peux que m'en réjouir, même s'il y a peut-être un fond politique à ces gestes. Mais je ne poserai pas la question.

• 1045

Troisièmement, vous avez dit en anglais: «playing the ethnic card. Vous savez que mon nom de famille est Folco. Je ne suis pas sans savoir ce qui s'est passé par rapport à la coalition des communautés italienne, hellénique et juive. À mon avis, ce que les trois communautés ont essayé de dire en 1995 et encore en 1996, à travers les paroles du sénateur Rizzuto, c'est que, d'une part, ces communautés partagent la vie et la citoyenneté commune des Québécois. C'est pour ça que le sénateur a dit que, d'une part, il n'allait pas partir, non plus qu'aucun des membres de ces trois communautés, et que, d'autre part, ces gens ont aussi bien le droit de parler...

M. Réal Ménard: C'est une déclaration.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): ...au nom de leur communauté que M. Bouthillier a le droit de parler au nom de la Société Saint-Jean-Baptiste, droit qu'on ne veut pas lui enlever et qu'il ne serait pas souhaitable de lui enlever. Si M. Bouthillier peut parler au nom d'un groupe, les élus d'un autre groupe ont tout autant ce droit. Je vous rappelle que les présidents de ces trois communautés culturelles sont des élus de leur groupe et qu'ils ont tout autant, à mon avis, le droit de représenter ces groupes par rapport à un vote sur les référendums.

Je vais vous donner le temps de réagir. En ce qui concerne l'ajout que vous souhaitez apporter au serment de citoyenneté, vous savez que dans un temps futur, si jamais les Québécois séparatistes gagnaient un prochain référendum et que le Québec se séparait et voulait changer le serment de citoyenneté, ce serait possible parce qu'à ce moment-là le Québec serait un État indépendant. Mais en ce moment, monsieur Bouthillier, le Québec n'est pas un État indépendant. Au moment où on se parle, on discute du projet de loi C-63, et le Québec est une province. La société distincte est reconnue par la grande majorité des parlementaires et la grande majorité des Canadiens, mais société distincte ne veut pas dire État séparé ou État indépendant. Le Québec est en ce moment une province dont le statut est plus ou moins—je dis bien plus ou moins—le même que celui des autres provinces canadiennes et, au-delà de ce statut, il partage un certain nombre de pouvoirs avec le gouvernement canadien. Donc, je ne vois pas comment on peut ajouter au serment de citoyenneté «allégeance au Québec et au Canada» alors qu'à mon avis, en disant le mot «Canada», on inclut déjà le Québec puisque le Québec fait partie du Canada.

Une voix: Bravo!

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Si vous voulez bien réagir.

M. Guy Bouthillier: D'abord, le Québec est un État. C'est ce Québec qui, un peu plus tous les jours, accueille et intègre la population venue de l'extérieur, la population issue de l'immigration. Cet État du Québec a des devoirs envers les immigrants. Les immigrants ont des droits à faire valoir à l'encontre de cet État. Je crois que parce qu'il y a ce jeu de droits, de devoirs et d'obligations, on peut fort bien demander à cette population qui vient s'installer sur le territoire, qui décide de vivre la vie de cette société-là, de prêter allégeance à cette société qui l'a accueillie, qui l'accueille dans ses écoles, dans ses hôpitaux, dans ses CLSC, et qui lui assure tous les droits sociaux et économiques.

Il me semble que, pour cette raison, il serait important pour les uns et les autres que les gens qui viennent s'installer sur notre territoire reconnaissent ce lien particulier, très intimement lié à l'État du Québec. Le Québec n'est pas une province. Le Québec est un État, un État fédéré, avec son statut d'État. Son statut d'État est incomplet, mais il est un État. Il y a de par le monde des États fédérés qui ont une citoyenneté.

C'est un peu dans ce même esprit que l'on a présenté cette proposition aujourd'hui.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur Bouthillier et monsieur Philpot, je dois m'excuser encore une fois. Vous entendez les cloches. Cela veut dire que tous les députés doivent se rendre à la Chambre pour un vote. Il y a un vote à 11 h 15.

[Traduction]

Il y aura un vote à 11 h 15.

• 1050

[Français]

Cette réunion est suspendue. C'est la fin de cette première partie de la réunion. Je pense que vous êtes au courant, monsieur Bouthillier et monsieur Philpot, que j'ai étiré la réunion le plus possible pour vous donner le plein droit de parole.

M. Robin Philpot: Merci, madame.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je vous remercie d'être venus.

[Traduction]

En ce qui concerne les autres témoins, l'organisme Windsor Women Working with Immigrant Women, le Centre multiculturel Kitchener-Waterloo, M. Benson et M. Jervis, nous devons aller voter maintenant. Nous reviendrons ici immédiatement après le vote et entendrons les autres témoins. Merci beaucoup.

• 1051




• 1148

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Nous reprenons la séance 59 portant sur l'examen du projet de loi C-63.

Tout d'abord, je tiens à m'excuser auprès de Mme John, qui représente le Windsor Women Working with Immigrant Women—est-ce exact?—et Mme Rivera qui représente le Centre multiculturel Kitchener-Waterloo. Je tiens à vous exprimer toutes mes excuses, mesdames. Il s'agissait de circonstances indépendantes de notre volonté. On nous a appelés pour que nous allions voter. Certains d'entre nous sont de retour. Mais je tiens à vous assurer que ceux d'entre nous qui sont toujours ici écoutent très attentivement vos remarques. Comme je l'ai dit, elles sont enregistrées, donc tous les députés auront l'occasion de prendre connaissance de ce que vous avez à dire.

Je propose que nous commencions par Mme John, qui présentera son exposé. Nous lui donnerons sept minutes pour le faire. Puis nous passerons directement à Mme Rivera, qui aura elle aussi sept minutes pour présenter son exposé. Puis les membres poseront des questions.

Madame John, si vous voulez bien commencer.

Mme Sungee John (présidente et coordonnatrice, Third World Resource Centre, Windsor Women Working with Immigrant Women): Bonjour. Je m'appelle Sungee John et je représente le Windsor Women Working with Immigrant Women. Notre organisme est heureux d'avoir l'occasion de présenter cet exposé au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration concernant le projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne. Tout au long de cet exposé, nous désignerons notre organisation sous le nom de Centre pour les immigrantes.

Je m'excuse de ne pas vous avoir fourni mon document plus tôt afin que vous puissiez le faire traduire en français. Je n'ai que la version anglaise ici.

• 1150

Le Windsor Women Working With Immigrant Women a été établi en 1981 en tant qu'organisation communautaire visant à améliorer le bien-être et le développement des immigrantes et des femmes membres de minorités visibles dans les comtés de Windsor et d'Essex. Notre mission consiste à aider les Canadiennes de la première génération à devenir des membres à part entière de la société canadienne. Le Centre pour les immigrantes offre à la collectivité des services tels que des cours d'anglais, du counselling, des services de préparation à la citoyenneté, des cours d'habiletés sociales, des groupes de soutien ainsi que des services d'information et d'aiguillage. Il sert aussi de centre d'accueil.

Le Centre pour immigrantes représente aussi les femmes isolées qui ont une capacité restreinte de communiquer dans la langue de leur pays d'adoption. À l'heure actuelle, nous sommes en train d'aider des professionnelles formées à l'étranger en vue d'éliminer les obstacles à l'emploi dont un grand nombre sont simplement attribuables à une mauvaise communication entre les divers paliers d'instances gouvernementales et professionnelles.

Ce mémoire est également présenté au nom d'une coalition d'organisations communautaires de Windsor qui comprend le Third World Resource Centre, l'African Community Organization de Windsor, la Windsor Islamic Association, le Arab-Canadian Intercultural Orientation Centre et la Windsor Urban Alliance.

Dans ce mémoire, le Centre pour immigrantes indiquera ses préoccupations concernant les changements proposés au projet de loi C-63 et les obstacles qu'il posera aux femmes et aux hommes avec qui nous travaillons de façon quotidienne.

Nous sommes heureux d'apprendre que la citoyenneté canadienne continuera d'être automatiquement accordée aux gens nés au Canada. Nous nous réjouissons également de la proposition du gouvernement visant à amoindrir la distinction que l'on fait entre des enfants nés à l'étranger de parents canadiens et les enfants étrangers adoptés par des Canadiens. Cependant, nos réserves concernant les changements proposés et l'élimination des droits qu'ils comportent l'emportent nettement sur les aspects positifs du projet de loi C-63.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Excusez-moi de vous interrompre, madame John. Je me rends compte que vous lisez votre texte. Je me demande, compte tenu des limites de temps que nous subissons tous, s'il vous serait possible de prendre deux ou trois des principaux points de votre exposé et de nous les résumer. Je pense que vous aurez l'occasion de fournir des explications plus détaillées au fur et à mesure que les membres vous poseront des questions. Autrement, je ne crois pas que nous allons pouvoir entendre votre exposé jusqu'à la fin.

Mme Sungee John: Très bien, j'y arrivais. En fait...

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Pourrais-je ajouter autre chose? Vous avez présenté un mémoire écrit en anglais, d'après ce que je crois comprendre. Nous allons faire traduire ce mémoire et le distribuer dans les deux langues aux membres du comité afin qu'ils aient l'occasion de prendre connaissance de toute l'information.

Mme Sungee John: Très bien.

Tout d'abord, nous déplorons l'insuffisance des consultations au sujet d'un changement aussi important à la loi.

Le Centre pour immigrantes n'a appris qu'au cours de la semaine dernière la tenue des séances de votre comité grâce à nos personnes-ressources et à nos réseaux dans la région du grand Toronto, et nous venons de recevoir tout juste de l'information sur le projet de loi C-63. Par conséquent, nous n'avons pas eu le temps de préparer un rapport aussi approfondi que nous l'aurions voulu.

En ce qui concerne les questions qui nous préoccupent et plus particulièrement l'octroi de la citoyenneté, en vertu de l'article 6 du projet de loi, les exigences en matière de résidence pour l'octroi de la citoyenneté canadienne seront modifiées de façon importante. À l'heure actuelle, la loi permet aux personnes qui présentent une demande de résidence permanente d'appliquer la moitié de leur temps passé au pays. Les changements prévus élimineront cette possibilité. Il faudra désormais que les gens soient présents physiquement pendant trois ans en tant que résidents permanents. Nous craignons que pour bien des groupes, surtout les réfugiés, il s'agira d'un obstacle difficile à surmonter. Compte tenu de l'arriéré actuel des cas de réfugiés, il faudra des années pour traiter leurs demandes. Ces années pendant lesquelles les réfugiés attendent que leurs causes soient entendues ne seront pas comptées dans leur demande de citoyenneté.

De plus, nous nous opposons aux changements qui exigent trois années de présence physique dans le pays pour obtenir la résidence permanente. Nous craignons que cela touche ceux qui n'ont peut-être pas la possibilité, tant sur le plan économique que familial, de rester au Canada pendant trois années consécutives.

• 1155

L'alinéa 6(1)d) éliminerait les dispositions actuelles qui permet l'aide d'un interprète. Nous trouvons cela injuste car de nombreux résidents permanents ne sont pas en mesure d'apprendre aussi rapidement à parler couramment l'une ou l'autre des langues officielles, surtout les aînés, qui ont besoin de plus de temps pour s'adapter à une nouvelle langue. Il leur sera alors plus difficile de demander la citoyenneté.

Ces changements touchent également les immigrantes qui sont isolées de la communauté en général parce qu'elles doivent s'occuper de leur famille et n'ont pas la possibilité de profiter de cours de langue ou ne savent pas qu'il en existe.

En ce qui concerne l'article 14 du projet de loi qui porte sur la perte automatique de la citoyenneté, nous avons certaines réserves. Il y a entre autres le fait qu'une personne devra attendre jusqu'à son 28e anniversaire ou courir le risque de ne pas se voir accorder la citoyenneté et de devoir présenter une demande à titre d'immigrante. Il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles une personne n'aurait pas l'occasion de se rendre compte qu'elle n'a pas une la citoyenneté de naissance. Il faut prendre ces facteurs en considération.

En outre, là encore, la condition de résidence physique empêche certains résidents permanents d'accumuler les trois ans de résidence physique permanente—par exemple, dans le cas des gens qui voyagent à l'étranger pour affaires. Comme nous le savons, une de nos catégories d'immigrants est celle des entrepreneurs. Les requérants doivent avoir une certaine somme à investir dans notre pays, mais pour avoir ce genre d'investissement, il est fort probable que ces candidats à l'immigration soient des gens d'affaires qui devront voyager à l'étranger pour maintenir leurs contacts professionnels. Il se pourrait que ces personnes ne puissent pas accumuler les trois ans de résidence physique. En outre, les étudiants qui suivent des cours à l'étranger risquent également de ne pas accumuler les trois ans. De même, en cas de maladie soudaine dans la famille, certaines personnes devront éventuellement renoncer à leur chance de faire une demande plus rapide pour obtenir la citoyenneté.

Pour en venir au décret de révocation, qui se trouve au paragraphe 16(1), les modifications proposées donneront à notre avis à la ministre le pouvoir de révoquer la citoyenneté, mais ce pouvoir ne s'accompagne d'aucun recours pour la personne en cause. Aux termes de la loi actuelle, s'il y a des motifs de révocation, il est dit clairement que la citoyenneté ne sera révoquée que si la personne a l'intention de commettre une fraude ou de dissimuler des renseignements. Aux termes de la nouvelle loi proposée, il n'est plus question d'intention. On a supprimé le terme «sciemment» et la disposition est très vague.

En outre, aux termes du paragraphe 16(4), toute personne qui a obtenu la citoyenneté grâce à une personne visée au paragraphe 16(1)—c'est-à-dire une personne qui a fait une fausse déclaration—risquera également de voir sa citoyenneté révoquée. Dans ce cas-là, nous estimons qu'il faut revoir cette disposition, car la personne pourrait avoir demandé de l'aide en toute bonne foi ne sachant pas que la personne qui l'a aidée a agi de façon frauduleuse.

Pour en venir à l'intérêt public, aux termes de l'article 21 du projet de loi C-63, le Cabinet a le pouvoir de refuser la citoyenneté si cela est contraire à l'intérêt public. On ne définit pas clairement ce que représente l'intérêt public. Il y a lieu de craindre également que certaines personnes se voient refuser la citoyenneté pour des raisons d'ordre politique. Qui plus est, aux termes du paragraphe 22(3), le refus d'accorder la citoyenneté n'est susceptible ni d'appel ni de contrôle judiciaire.

Enfin, s'agissant des commissaires à la citoyenneté, il est prévu à l'article 29 du projet de loi C-63 que les juges de la citoyenneté n'existeront plus mais seront remplacés dans la nouvelle loi par des commissaires à la citoyenneté. Ces derniers seront de simples fonctionnaires qui ne jouiront pas de la même indépendance ni des mêmes pouvoirs discrétionnaires que les juges des cours de citoyenneté. À notre avis, cela représente un pas dans la mauvaise direction et nous demandons instamment au comité d'examiner tous ces points et de supprimer certaines dispositions qui nous préoccupent.

• 1200

Bon nombre des modifications prévues dans ce projet de loi, je le répète, ont d'énormes répercussions sur les citoyens. Il faut réfléchir à tout cela, mais il faut également procéder à des consultations approfondies et non adopter ce projet de loi à la hâte comme on propose de le faire actuellement.

Nous estimons également que le comité doit prendre le temps de se déplacer dans un maximum de collectivités pour entendre les opinions des citoyens de tout le pays. Par exemple, à Windsor, dans le comté d'Essex, les données de Statistique Canada provenant du recensement de 1996 indiquent que plus de 20,7 p. 100 de la population se compose d'immigrants. Cela place cette ville au 6e rang du Canada pour ce qui est de la proportion d'immigrants. Nous sommes fermement convaincus que certains problèmes ne pourront être examinés que si le comité vient à Windsor et constate l'incidence qu'a l'immigration, ainsi que les répercussions éventuelles que les modifications à la Loi sur la citoyenneté auront sur les immigrants et les résidents permanents.

Voilà qui met fin à mon exposé.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci beaucoup. Je vous ai accordé beaucoup plus de temps que ce que j'avais dit.

Madame Rivera, c'est votre tour de prendre la parole.

Mme Myrta Rivera (directrice générale, Centre multiculturel de Kitchener—Waterloo): De combien de temps est-ce que je dispose?

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Vous avez sept minutes.

Mme Myrta Rivera: Merci.

Je viens de la région de Waterloo, une région que bien des gens considèrent comme étant principalement allemande et mennonite. En revanche, nous savons que nous comptons plus de 60 groupes linguistiques dans notre collectivité. Nous venons au 4e rang du Canada pour ce qui est du nombre de réfugiés accueillis par habitant. Dans notre propre ville, plus de 4 000 personnes obtiennent la citoyenneté chaque année. C'est un chiffre énorme pour une collectivité de petite taille.

Je suis la directrice générale du Centre multiculturel de Kitchener. C'est un organisme qui, l'an dernier, a offert des services à plus de 9 000 personnes. Nous avons notamment fourni plus de 3 000 services d'interprétation dans 52 langues différentes. Nous offrons une vaste gamme de programmes, mais les plus importants à l'heure actuelle sont les programmes d'emploi. Notre taux de succès pour les gens qui participent à nos programmes jusqu'au bout est d'au moins 80 p. 100. Trois ans après avoir terminé, ces personnes ont déjà trouvé un emploi. Je vous dis tout cela parce que ça replace mes observations dans une juste perspective.

J'aimerais également signaler que sur un budget de 400 000 $, nous n'avons reçu que 35 000 $ du gouvernement fédéral. Le reste nous vient d'autres sources. Ce n'est pas que nous ne voulons pas de votre argent, remarquez bien. Si vous nous le donnez, nous l'accepterons volontiers.

Nos observations concernant la Loi sur la citoyenneté se font sur 33 ans d'activités de développement communautaire avec des immigrants. Nous limiterons notre réflexion et nos propos d'aujourd'hui aux secteurs dans lesquels nous pensons avoir une compétence précise. Nous nous intéressons tout particulièrement à la possibilité d'édification de la nation qu'offrent cette loi et nos activités.

Nous allons nous concentrer sur cinq secteurs: l'exigence concernant la connaissance du Canada et de ses valeurs; le rôle du commissaire dans l'extension des services à la communauté et la valorisation de la citoyenneté; quelques idées sur la sélection et la formation des commissaires à la citoyenneté; quelques suggestions relatives au rôle élargi du commissaire, qui n'a pas encore été défini—nous proposons notamment d'envisager de confier au commissaire un rôle d'assistance dans les cas limites, pour les personnes qui n'ont pas tout à fait réussi l'examen, pour trouver d'autres façons d'acquérir les connaissances requises—et, enfin, la nécessité d'accorder au commissaire un petit budget discrétionnaire et une certaine indépendance par rapport à l'appareil bureaucratique, pour qu'il puisse vraiment agir au niveau de la collectivité.

D'après mon expérience de l'enseignement de cours sur la citoyenneté par le passé, je constate que bien souvent, nous passons plus de temps à aider les gens à apprendre comment réussir l'examen plutôt qu'à acquérir une véritable connaissance du Canada, de ses traditions démocratiques et de ses valeurs. Après avoir pris connaissance de la loi, je n'y vois rien qui puisse changer cet état de chose.

• 1205

J'aimerais donc vous signaler et vous rappeler que, si vous comptez normaliser le système et agir de façon cohérente et objective, il va sans dire que si l'on fait passer le même examen à tout le monde dans le pays, on va obtenir des réponses cohérentes; toutefois, cela ne permettra pas nécessairement d'établir si le requérant a bien compris nos valeurs démocratiques et s'il s'engage à les respecter. Il n'existe pas de processus officiel—et le projet de loi ne le précise pas—quant à la façon dont les gens sont censés acquérir ces connaissances. C'est peut-être à Patrimoine canadien ou à un autre organisme qu'il revient de s'en occuper.

Je voulais simplement signaler que, si l'on demande aux gens, lorsqu'ils prêtent serment, de s'engager à respecter certaines valeurs, il nous faut trouver une façon de faire en sorte que ces personnes puissent apprendre quelles sont ces valeurs. Ce n'est pas toujours aussi évident que pour ceux d'entre nous qui sont totalement imprégnés de cette culture.

J'aimerais vous citer un exemple tiré de ma propre expérience professionnelle. Dernièrement, j'ai reçu la visite d'un nouveau Canadien, qui est originaire de l'ex-Yougoslavie. Il était extrêmement anxieux. Il a suivi un cours de citoyenneté, et il refuse d'apprendre—cela risque d'intéresser certains d'entre vous—les noms des dirigeants de l'opposition. Il m'a dit: «Je ne peux pas croire qu'on va me poser ce genre de question lors de l'examen. C'est parce que je savais ce genre de chose que je me suis trouvé dans le pétrin au départ. Pourquoi referais-je la même erreur?»

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): À l'exception des personnes présentes.

Mme Myrta Rivera: Cela va sans doute vous intéresser.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je ne veux pas avoir à le dire mais...

Une voix: La démocratie en a encore pris un sérieux coup.

Mme Myrta Rivera: Exactement.

[Note de la rédaction: Inaudible]

Une voix: ...

Mme Myrta Rivera: C'est exactement ce que je voulais dire. Merci, monsieur, de l'avoir dit pour moi.

Pour quelqu'un qui nous vient d'une autre culture, le principe de l'opposition loyale de Sa Majesté n'est en fait qu'un oxymoron, une suite de termes contradictoires, et il faut trouver le moyen de s'assurer que ces personnes puissent apprendre ces valeurs démocratiques. Autrement, pourquoi leur demandons-nous dans le serment de s'engager à respecter ces valeurs si nous ne faisons pas en sorte qu'ils les apprennent?

Le livre actuel—soit dit en passant, le chauffeur de taxi ce matin avait encore en main la version à couverture rouge d'il y avait des années—porte davantage sur la technique que sur le fond. Même si j'ai peu de temps à ma disposition, j'aimerais parler pendant un instant de la différence entre la technique et le fond. Je peux savoir tout ce qu'il faut savoir au sujet des hormones et de leur fonctionnement, mais ce n'est pas une raison pour que je vous aime vraiment. Il en va de même pour la citoyenneté que pour les relations entre amis ou amants. Je sais peut-être si les initiales MP correspondent, en anglais, à médecin généraliste, police militaire ou député—question qui fait partie de l'examen actuel et qui ne présente aucun intérêt—mais il se peut que je ne comprenne toujours pas les traditions démocratiques du Canada. Il faut donc faire quelque chose pour y remédier.

Enfin, j'aimerais également parler du rôle du commissaire en disant que, même si par le passé le juge assumait des fonctions très importantes, sur le papier celles-ci semblent avoir disparu. Je continue de croire que le commissaire a un rôle à jouer dans l'extension des services à la collectivité.

Là encore, je vais vous donner un exemple qui me touche de près. Selon nous, la demande de citoyenneté constitue pour le futur immigrant le dernier moment officiel où il peut avoir des rapports personnels avec les fonctionnaires canadiens—mis à part l'impôt sur le revenu—pour expliquer comment s'est fait son établissement, quelle a été son expérience depuis son arrivée au Canada. L'entrevue avec un juge ou un commissaire est donc importante. Bien souvent, à la suite d'un appel à mon bureau par le juge ou la juge, on décide d'offrir des cours d'anglais à une femme, de l'aide à une femme battue et à ses enfants, ou du counselling d'emploi à un homme qui a été mis à pied récemment.

Cette possibilité n'existera plus avec les juges. C'est pourquoi je vous encourage, lorsque vous vous pencherez notamment sur le nouveau rôle du commissaire—et nous pourrons peut-être revenir sur ce point lors de la période des questions—à permettre aux requérants, au moins dans les cas limites de ceux qui ont échoué à l'examen et avant de ne leur laisser que le choix de faire appel—de rencontrer le commissaire pour examiner d'autres options au sein de la collectivité.

Il y aurait bien d'autres choses à dire, et je suis certaine que nous aurons le temps d'y revenir. Merci.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci, madame Rivera. Comptez-vous présenter un mémoire écrit au comité?

Mme Myrta Rivera: Je l'ai déjà remis à la greffière, et je m'excuse de ne pas avoir eu le temps de le faire traduire.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): C'est bien. Nous aurons donc l'occasion de l'examiner plus en détail. Merci beaucoup d'avoir respecté le temps qui vous était imparti.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: J'aimerais...

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Veuillez m'excuser, monsieur Benoit, je précise que chaque député n'aura que cinq minutes pour poser ses questions, plutôt que dix, dans le but de gagner du temps.

• 1210

M. Leon Benoit: Merci beaucoup de vos exposés que j'ai écoutés avec beaucoup d'intérêt. Le fait que vous n'ayez pas lu des mémoires écrits a été particulièrement utile.

J'aimerais vous demander de revenir, madame John, à votre remarque selon laquelle vous avez entendu parler de ce projet de loi pour la première fois il y a une semaine et demie environ. Vous n'êtes pas la première à nous le dire, même lorsque nous rencontrons des gens qui sont des chefs de groupe. Cela me préoccupe vivement, car chaque fois que je soulève la question auprès de la ministre ou d'autres responsables, on me répond qu'il y a eu de vastes consultations. Il y a là une contradiction. Cela me préoccupe.

En ce qui concerne la condition de résidence—et je veux aller droit à la question qui me paraît extrêmement importante—vous semblez avoir certaines réserves quant à la période de trois ans de présence physique, surtout pour les requérants de la catégorie des investisseurs, les étudiants et ceux qui ont une maladie dans la famille. C'est une préoccupation qui revient souvent sur le tapis.

J'aimerais vous demander tout d'abord si, selon vous, il importe que les gens qui font une demande de citoyenneté prouvent qu'ils se sentent véritablement engagés à l'égard du pays.

Mme Sungee John: Oui, mais le critère pour évaluer cet engagement n'est pas nécessairement la présence physique.

M. Leon Benoit: Par quelle autre façon pourrait-on prouver cet engagement?

Mme Sungee John: On pourrait prouver son engagement en participant à la vie de la collectivité, mais cela ne veut pas dire nécessairement qu'il faille être présent physiquement pendant trois années civiles.

Pour en revenir à votre question au sujet de ma remarque concernant la date où nous avons entendu parler du projet de loi, nous savions qu'il avait été proposé, mais nous n'avons été informés du processus de consultation proprement dite, de cette audience de votre comité, qu'il y a un peu moins de deux semaines.

M. Leon Benoit: Très bien. Je vous remercie de cette précision.

Avez-vous réfléchi au processus que l'on pourrait utiliser pour établir s'il y a bien trois ans de présence physique? Que devrait faire le gouvernement, le ministère de la Citoyenneté, selon vous, pour déterminer si un requérant a vraiment été présent pendant trois des cinq dernières années?

Mme Sungee John: Il y a de nombreuses façons d'établir si les personnes ont été présentes. Je suis sûre que le gouvernement a les moyens de le vérifier. On peut examiner les projets de voyage. On peut envisager d'autres façons de calculer la durée des séjours dans le pays. Par exemple, si ces personnes sont à l'école, on peut vérifier leurs fiches de présence.

M. Leon Benoit: Qu'entendez-vous par vérifier les projets de voyage?

Mme Sungee John: Si le requérant dit avoir fait des voyages d'affaires, il doit certainement exister un horaire des vols.

M. Leon Benoit: Pour ce qui est de la documentation, surtout entre le Canada et les États-Unis, si l'on conduit son automobile—ce qui est très fréquent lorsqu'on habite dans le sud du Canada, où se trouve concentrée la population—pour faire des affaires, il est impossible de vérifier si une personne a quitté le pays pour aller traiter des affaires aux États-Unis et si elle est revenue ensuite.

Ce projet me paraît tout à fait irréaliste. En réponse à une question à ce sujet, la ministre elle-même a déclaré, sauf erreur, qu'il faudrait en grande mesure compter sur l'honnêteté des gens.

Mme Sungee John: C'est évident.

M. Leon Benoit: J'aimerais savoir si l'idée d'adopter une loi qui se fonde sur l'honnêteté des gens ne vous inquiète pas quelque peu. On risquerait de voir accepter des gens qui ont un peu abusé et prétendu être restés au Canada. Tandis que d'autres qui veulent être tout à fait honnêtes et francs se verront refuser leur demande, même s'ils sont restés aussi longtemps dans le pays. Cela m'inquiète vraiment.

Lorsqu'on adopte une loi, il faut faire en sorte qu'il soit possible de la faire respecter. Là encore, c'est pourquoi je vous demande si vous avez envisagé une façon pour le gouvernement de mettre en place un système qui permettra d'appliquer les dispositions législatives à l'étude.

Mme Sungee John: Je n'approuve pas les modifications, et le système actuellement en vigueur répond de façon tout à fait satisfaisante à nos besoins. Je ne peux pas vous proposer une idée quant à la façon de mettre ces modifications en vigueur puisque je ne les appuie pas.

M. Leon Benoit: C'est une chose qui me préoccupe. Le projet de loi a une portée si vaste et vague que quelqu'un qui le lit aura beaucoup de mal à en comprendre véritablement le sens. Le règlement qui découlera de cette mesure ne sera jamais approuvé par le Parlement dans le cadre du processus démocratique—puisqu'on parle de la compréhension d'un processus démocratique. Le règlement ne sera jamais adopté à la Chambre des communes. C'est le règlement qui déterminera comment la loi s'applique dans les secteurs essentiels, comme celui dont vous avez parlé, notamment l'exigence relative à la présence physique. Cela m'inquiète au plus haut point, et c'est une inquiétude que bien des gens partagent.

• 1215

Mme Sungee John: La majorité des gens qui demandent la citoyenneté canadienne veulent vivre ici. Par conséquent, si fraude il y a, comme dans tout autre domaine où il y a des cas frauduleux, c'est le fait d'une minorité. Il n'est pas pertinent en l'occurrence, je pense, de soulever ces questions, car dans toute société, dans tous les domaines et dans tous les secteurs, on trouvera des gens qui veulent se faufiler et profiter de la situation.

M. Leon Benoit: C'est exactement ce que je veux dire.

Mme Sungee John: Je pense qu'il est inutile de souligner que des immigrants profitent de la situation.

M. Leon Benoit: Je tiens à préciser que ce n'était pas ce que je faisais.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je vous en prie. Je dois vous interrompre. Je suis désolée, monsieur Benoit. Je suis très désolée.

Monsieur Ménard.

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Madame la présidente, je serai bref. J'ai deux courtes questions s'adressant à l'une ou l'autre d'entre vous ou aux deux. D'ailleurs, je crois que vous une concitoyenne de M. Telegdi. Est-ce que vous venez du comté de M. Telegdi, madame Rivera?

[Traduction]

Mme Myrta Rivera: Oui.

[Français]

M. Réal Ménard: Je pense que vous devez le vivre comme ça, en effet.

L'idée que l'on élimine les juges de la citoyenneté me semble être une chose plutôt positive. Leurs fonctions étant assez routinières, est-il nécessaire que le processus soit entre les mains d'un juge, alors qu'un commissaire à la citoyenneté ou même un agent d'immigration pourrait très bien faire le travail? Dans un certain nombre de cas, ce sera des agents d'immigration, les commissaires à la citoyenneté ayant un rôle de promotion du civisme et des valeurs canadiennes.

Quel problème l'idée que le processus administratif de la citoyenneté ne soit plus entre les mains d'un juge vous pose-t-elle? N'est-il pas normal qu'après trois, quatre ou cinq ans de présence au Canada, on s'attende de nos concitoyens qu'ils soient capables de passer un test sans avoir recours à un interprète?

J'aimerais vous entendre sur ces deux aspects du projet de loi.

[Traduction]

Mme Myrta Rivera: Merci. Je ne m'oppose pas à l'élimination des juges et j'appuie le changement qui élargira le rôle de ceux qu'on appellera dorénavant des commissaires. Je ne vois donc pas de difficulté. Je pense que le titre de «commissaire» est peut-être un peu trop banal et commun. Nous pourrions peut-être penser à un autre titre qui se situerait entre celui d'un juge et d'un commissaire. Toutefois, je ne m'oppose certainement pas à l'idée.

J'ai cependant de la difficulté à me défaire de cette idée, pour la raison que j'ai mentionnée, c'est-à-dire que si nous voulons nous en tenir à la procédure technique d'obtention de la citoyenneté, il faut certainement que ce soit un fonctionnaire qui s'en occupe. Si vous voulez tenir compte de l'essence même de la citoyenneté, de ce que cela signifie vraiment de bâtir une nation, si vous voulez parler de ce que cela signifie d'être canadien et de ce que sont les valeurs canadiennes, c'est une bonne occasion de le faire. Nous ne nous occupons pas assez de cet aspect de la chose.

Je ne vois donc pas de problème à ce qu'on élimine l'aspect judiciaire que représentent les juges. Je suis cependant quand même en faveur de l'idée d'un commissaire, mais je pense qu'il faudrait peut-être trouver un meilleur titre.

Pour ce qui est de passer un test, je répète que c'est...

[Français]

M. Réal Ménard: Je veux comprendre. Vous êtes d'accord sur le partage du travail dans l'attribution des responsabilités qui seront dévolues aux agents de la citoyenneté et aux commissaires. Vous trouvez simplement que l'appellation «commissaire» n'est pas judicieuse.

[Traduction]

Mme Myrta Rivera: En effet. Je crois cependant qu'il convient de confier un rôle à une personne nommée et non seulement à un fonctionnaire, car on s'en tiendrait alors à la technique seulement, et non à l'essence même de l'obtention de la citoyenneté. Le fonctionnaire aura une matrice de référence, et si une personne passe le test, elle obtiendra automatiquement la citoyenneté. Cela ne permet pas de vérifier si la personne a quelque chose... devenir citoyen, c'est comme se marier. Le Canada et moi entamons une sorte de relation qui est très spéciale. On ne devrait pas laisser au seul fonctionnaire le soin de prendre une décision en fonction d'un test objectif.

[Français]

M. Réal Ménard: Donc, dans votre esprit, s'il y a des mariages à la citoyenneté, il peut aussi y avoir des divorces à la citoyenneté, mais c'est un tout autre débat que je ne souhaite pas aborder avec vous.

[Traduction]

Mme Myrta Rivera: Invitez-moi à venir au Québec un jour et nous en discuterons en prenant un café.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous serez la bienvenue.

Je sais que les agents de la citoyenneté sont des gens qui font partie de la fonction publique et qui sont considérés comme tels, tandis que dans le cas des commissaires, il s'agit de nominations politiques. Ce sont des gens qui seront nommés. Êtes-vous d'accord avec moi?

• 1220

[Traduction]

Mme Myrta Rivera: Vous avez raison. Dans mon mémoire je demande—je demande instamment même—qu'on trouve une nouvelle façon de choisir et de former ces commissaires. Le simple fait que quelqu'un ait reçu l'Ordre du Canada ne signifie pas nécessairement que cette personne a la compétence voulue pour être commissaire à la citoyenneté. Cette personne peut avoir fait carrière dans les sports ou...

[Français]

M. Réal Ménard: Pourrais-je devenir, moi, commissaire à la citoyenneté?

[Traduction]

Mme Myrta Rivera: Eh bien, discutons-en.

[Français]

M. Réal Ménard: Je n'ai plus de questions. Merci.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je vous remercie. Monsieur Bryden, vous avez une question?

[Traduction]

Je suis désolée. Avez-vous une question à poser aux témoins?

M. John Bryden: Oui, j'ai plusieurs questions à poser.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je suis désolée, monsieur Telegdi, je ne m'étais pas rendu compte que vous vouliez la parole. Je vous en prie.

M. Andrew Telegdi: Merci, madame la présidente.

Tout d'abord, j'aimerais parler avec vous, madame Rivera, du type de formation qu'il faut offrir aux nouveaux Canadiens pour les sensibiliser aux diverses cultures. Vous pouvez certainement vous rendre compte que dans nos diverses collectivités, nous avons un assez bon nombre de réfugiés venant de la Bosnie-Herzégovine. Nous avons donc des gens qui sont d'ascendance croate, serbe et islamique. Nous apprécions que les gens apportent avec eux le meilleur que leur culture peut offrir à notre pays, mais nous tenons aussi à ce qu'ils laissent derrière eux tout leur bagage de haines passées.

En ce qui concerne les commissaires, quel rôle pourraient-ils jouer à cet égard selon vous, afin que les nouveaux citoyens reconnaissent les valeurs canadiennes, en particulier l'importance de la paix et de l'harmonie dans nos collectivités?

Mme Myrta Rivera: Je le répète, le choix des commissaires est extrêmement important. En outre, le genre de formation que nous voulons donner aux commissaires est très important, tout d'abord parce qu'ils peuvent notamment avoir pour rôle d'exposer, d'expliquer et d'appuyer les valeurs canadiennes auxquelles nous aspirons et que nous respectons dans ce pays, que nous vivions au Québec, à l'Île-du-Prince-Édouard ou ailleurs. Nous parlons par exemple du fait qu'il existe un processus pour régler nos différends. Il existe des façons ordonnées de régler des conflits dans notre pays. Ce n'est pas quelque chose qui va nécessairement de soi. C'est un trait culturel de notre peuple qui s'est affirmé sur une période de plus de 100 ans d'expérience et je ne pense pas qu'on puisse dire que cela va de soi, que c'est le simple bon sens et que tout le monde devrait le savoir.

Nous sommes en effet sensibilisés aux différences culturelles et nous savons donc que les gens viennent ici avec les meilleures aspirations, mais qu'ils apportent aussi leur bagage culturel. Les commissaires peuvent jouer un rôle important s'ils savent comment amener ces gens à mettre au rancart leur bagage culturel, non seulement à le glisser sous leur lit, mais à le reléguer au grenier ou même à s'en défaire complètement.

Nous finançons parfois des chaires de sociologie à l'université, monsieur Telegdi, et pourtant nous n'accordons pas de valeur à ce qu'on y apprend. Lorsque nous faisons de la recherche en sociologie, nous apprenons que les éléments émotionnels de notre culture sont les derniers auxquels nous renonçons. Les gens peuvent acheter le four à micro-ondes, la maison en banlieue, la deuxième voiture, si la femme en a besoin. Ils feront comme tout le monde, mais il faut du temps pour renoncer à certaines des valeurs fondamentales apportées d'ailleurs, et cela se fait parfois seulement à la deuxième ou même à la troisième génération. Au Canada, nous voulons accélérer ce processus afin de pouvoir vivre davantage en harmonie. Le commissaire devrait en effet jouer un rôle important dans ce processus et il pourrait jouer un rôle important dans la collectivité.

M. Andrew Telegdi: Pensez-vous qu'il serait bon qu'il y ait une certaine interaction avec les gens venant de cette partie du monde?

Mme Myrta Rivera: Dans le cas du commissaire?

M. Andrew Telegdi: Dans le cas du commissaire, mais aussi entre les personnes concernées.

Mme Myrta Rivera: Certainement.

M. Andrew Telegdi: L'une des choses que je trouve vraiment magiques au sujet du Canada est le fait qu'on ait des gens de partout dans le monde. On peut se faire des amis dans des groupes avec lesquels on aurait pu avoir des problèmes, sur le plan culturel, par exemple, dans son pays d'origine.

Mme Myrta Rivera: Je répète que c'est la raison pour laquelle il faut quelqu'un comme le commissaire. Ce n'est pas quelque chose qu'un fonctionnaire peut faire. Un fonctionnaire ne peut pas parler du pays avec une telle autorité. Je déteste utiliser le mot «autorité»; j'aimerais bien pouvoir trouver une meilleure expression. C'est important.

• 1225

C'est pourquoi—si vous me permettez de glisser ici une petite suggestion—je propose au comité d'envisager sérieusement l'idée d'attribuer un petit budget, des crédits, au bureau du commissaire. J'ai vu trop souvent—et il s'agit d'une expérience personnelle—des cas où le juge ne pouvait même pas écrire une lettre à certains groupes si le directeur du bureau ne l'approuvait pas. Il est essentiel, si nous voulons confier au commissaire un rôle d'extension des services, même sur une échelle réduite, d'accorder un petit budget afin que la personne n'ait pas à demander la permission d'un fonctionnaire dans une telle situation, pour réunir un certain nombre de groupes afin de discuter de citoyenneté, par exemple, ou pour organiser une réunion dans une école secondaire, ou pour faire participer des étudiants du niveau secondaire à un programme coopératif leur permettant d'observer le commissaire au travail dans son bureau. Dans ce cas, il faut une association de travail bénévole. On ne devrait pas avoir à supplier le fonctionnaire pour obtenir 25c. pour acheter un cola.

M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci, madame Rivera. Merci, monsieur Telegdi.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Merci.

Madame John, mes remarques s'adressent à vous. Vous êtes préoccupée par l'article 14, qui concerne le cas d'une personne vivant à l'étranger jusqu'à son 28e anniversaire, car elle perd sa citoyenneté, à moins de faire certaines choses. Quelle est votre position à ce sujet? Pensez-vous que nous devrions supprimer cet article, ou devrions-nous avoir une disposition concernant les personnes nées à l'étranger?

Mme Sungee John: Oui, il faut des dispositions à ce sujet. Il ne faut pas dire catégoriquement que la limite est de 28 ans et que quiconque ne respecte pas cette limite devra présenter une demande d'immigrant et passer par tout le processus d'immigration. Je pense qu'il y a des cas qui méritent une considération spéciale et il faut le préciser dans la loi.

M. John Bryden: Vous ne vous opposez pas en principe à l'idée que quelqu'un qui est né à l'étranger doit respecter une certaine exigence...

Mme Sungee John: La loi actuelle impose également un âge limite. Je suis en faveur de la loi actuelle.

M. John Bryden: Si vous le permettez, madame, ainsi que madame la présidente, je veux faire certaines observations qui découlent de témoignages entendus hier.

Nous avions un témoin très éminent, un membre de l'Association du Barreau canadien, qui a parlé de certaines questions d'une façon extrêmement éloquente, mais il a également formulé un argument particulier. Je dois vous avouer, madame la présidente, que je me suis réveillé au beau milieu de la nuit et que j'ai été soudain frappé par la signification de ses remarques, car elles se rapprochaient énormément de ce que je considère comme étant au coeur de cette mesure législative.

Lorsqu'il a parlé de son opposition à l'article 14, il a dit «la citoyenneté est conférée par le droit du sang». C'est exactement ce qu'il a dit. Il a dit que l'ascendance familiale conférait le droit à la citoyenneté. D'après son argument, quelqu'un qui est né de parents canadiens, quel que soit l'endroit de sa naissance, est canadien.

J'ai réfléchi à la question et je me suis rendu compte que ce n'était pas du tout le cas. La lignée ne détermine même pas l'ethnicité, parce que nous avons diverses origines ethniques et culturelles en raison de notre expérience de vie, et non en raison de notre ascendance familiale. Il a établi un parallèle avec les Autochtones. Il a dit que les Autochtones étaient nés autochtones.

En y réfléchissant, madame la présidente, je me suis dit que sa confusion provenait du fait que la seule chose qui nous vient de naissance est la race. L'une des choses fondamentales que nous essayons de corriger ou de faire dans cette mesure est de confirmer que nous sommes une société pluraliste et que nous ne définissons pas la citoyenneté en fonction de la race. C'est la chose que nous tenons à éviter par-dessus tout.

Je devais absolument déballer ce que j'avais sur le coeur, madame la présidente, parce que c'était un témoin très éminent, mais je crois qu'il était absolument dans l'erreur. Si vous le permettez, j'aimerais passer maintenant...

Avez-vous une observation à faire, madame John?

Mme Sungee John: Je n'étais pas ici hier.

M. John Bryden: Cela n'a pas d'importance.

Mme Sungee John: Je préférerais lire d'abord le compte rendu du témoignage.

M. John Bryden: Bien. Quoi qu'il en soit, j'espère que vous êtes d'accord avec moi pour dire que dans notre pays, à tout le moins, la citoyenneté n'a rien à voir avec la race. Je ne voudrais jamais qu'il en soit ainsi.

Cela me ramène à l'argument de Mme Rivera. Vous disiez que ce n'était pas seulement une question de technique, que c'était une question aussi d'essence. Nous avons dans cette mesure législative la possibilité—ainsi que dans le serment de citoyenneté, je crois—d'établir ce qu'est l'essence même de la citoyenneté. Les témoignages que nous avons entendus nous ont fait découvrir que la Charte des droits, par exemple, n'est pas reflétée du tout dans ce projet de loi. Dans le serment de citoyenneté, comme je l'ai déjà signalé, il est dit que nous devons observer les lois du Canada, remplir nos devoirs et obligations de citoyens canadiens, mais il n'y a rien au sujet de la primauté du droit comme principe fondamental de ce que cela signifie d'être canadien. On ne mentionne aucunement que le respect des droits fondamentaux de la personne est un principe de base auquel les Canadiens en général adhèrent.

• 1230

J'en arrive donc maintenant à parler de toute la question du titre, car d'après ce que vous dites, madame Rivera, ce n'est pas le poste même qui vous préoccupe, c'est plutôt la dignité du titre et le fait que le mot «commissaire» pourrait représenter un commissaire de n'importe quoi. Il pourrait s'agir d'un commissaire des permis de pêche ou encore un commissaire de l'Hydro.

Je pourrais peut-être vous renvoyer la question. Nous avons entendu dire ici que la raison pour laquelle on a éliminé le titre de «juge» pour ceux qui administrent la citoyenneté, est que l'Association du Barreau canadien s'est opposée à l'utilisation du mot «juge» dans ce contexte. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si nous croyons que le principe de la primauté du droit va de pair avec la démocratie—nous voudrions sûrement qu'on attribue le titre de «juge» à ceux qui administrent la question de la citoyenneté, à cause de la dignité conférée par ce titre. Qu'en pensez-vous?

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je vous demanderai de donner une réponse très brève.

M. John Bryden: Je suis désolé d'avoir pris tant de temps.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Vous avez épuisé tout le temps qui vous était alloué, monsieur Bryden, et vous l'avez même dépassé.

Mme Myrta Rivera: Vous parliez avec tellement d'éloquence. N'est-ce pas?

Quoi qu'il en soit, n'utilisez pas le titre de juge si vous ne voulez pas, mais il faut quand même garder l'essence de la dignité du poste. Vous pourriez parler d'un «magistrat»; j'ignore si le terme a une autre connotation en français. Le mot «commissaire» est un peu trop ordinaire.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci.

M. Benoit voulait poser une deuxième question. Vous avez droit à deux minutes cette fois, monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Madame John, je voudrais d'abord poursuivre un peu dans la même veine que votre commentaire. Vous vous êtes dites offusquée de m'entendre déclarer que certains demandeurs de la citoyenneté seraient disposés à contourner les règles pour respecter l'exigence minimale de trois ans en matière de résidence, et qu'à cause du manque de clarté de la loi et du fait que nous ne savons pas vraiment comment on pourrait déterminer la présence effective d'une personne pendant trois ans, cela serait certainement possible. Pourtant vous avez dit vous-même dans vos observations que dans tout groupe il peut y avoir des gens prêts à contourner la loi et à trouver des échappatoires. Vous avez donc vous-même formulé exactement le même argument, après m'avoir critiqué pour l'avoir fait moi aussi.

Mme Sungee John: Non.

M. Leon Benoit: Cela me préoccupe quelque peu. J'ignore pourquoi vous avez réagi ainsi à mes commentaires, alors que vous étiez d'accord en réalité, d'après vos propres déclarations.

Vous avez mentionné plusieurs autres préoccupations, mais il y en a une en particulier qui a attiré mon attention. Vous avez dit être préoccupée par le fait que le Canada a le pouvoir de refuser à quelqu'un la citoyenneté en raison de l'intérêt national, alors que cet élément n'est pas défini. Il y a encore un autre endroit dans ce projet de loi, parmi plusieurs autres, où l'on trouve une affirmation générale, mais sans qu'il y ait une définition suffisante pour qu'on en connaisse vraiment la signification. J'aimerais savoir ce qui vous préoccupe par l'idée que l'expression «intérêt national» demeure comme motif pour le gouvernement de rejeter une demande de citoyenneté ou même d'annuler la citoyenneté de quelqu'un.

Mme Sungee John: Premièrement, je n'ai pas dit que j'étais d'accord avec vous quand vous avez affirmé qu'il y en avait dans tous les systèmes. Chaque fois que les gouvernements font la chasse aux prétendus fraudeurs, il constate que les fraudes sont très peu nombreuses, qu'elles représentent moins de 3 p. 100 des cas, de sorte que la question n'est plus pertinente. L'expression «intérêt national» est très vague. Elle n'est pas clairement définie, de sorte qu'elle donnera lieu à une interprétation de la part du ministre de la Citoyenneté et l'Immigration et même du Cabinet. À moins qu'on définisse clairement ce qui constitue une infraction au principe de l'intérêt national ou une menace à cet intérêt, je ne pense pas qu'on devrait inclure une telle expression dans la loi.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci.

M. Leon Benoit: Ou il faudrait en préciser le sens.

Mme Sungee John: C'est ce que j'ai dit. Il faut en préciser le sens.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci beaucoup.

Monsieur Telegdi, vous avez droit à une minute. Ce temps comprend la question et la réponse.

• 1235

M. Andrew Telegdi: Madame la présidente, il est important, je pense, comme vous le disiez de ne pas établir de liens entre les réfugiés, les immigrants et les transgresseurs de la loi. Je pense qu'on fait trop souvent ce lien et je vous remercie de l'avoir signalé.

Merci beaucoup.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci beaucoup, mesdames John et Rivera. Je m'excuse encore une fois du peu de temps que nous avons pu vous consacrer, mais je sais que vous nous avez déjà remis des documents et nous leur accorderons toute l'attention nécessaire. Merci beaucoup d'être venues.

Mme Myrta Rivera: Puis-je prendre les 30 dernières secondes accordées à Andrew?

Je tiens à dire que je suis canadienne d'abord. Je parle grec, je suis espagnole, mais je crois très fermement que Dieu n'a pas encore fini de faire le Canada, et je pense que nous avons tous ici la possibilité de collaborer à cet effort. Je vous félicite pour ce bon projet de loi et j'espère que vous apporterez ces modifications mineures pour le rendre encore meilleur.

Merci de nous avoir entendues aujourd'hui.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci beaucoup.

Je suis heureuse d'accueillir nos témoins suivants, qu'on appellerait, là d'où je viens, maître Benson et maître Jervis.

Nous sommes évidemment très limités par le temps. Je propose que chacun d'entre vous fasse un exposé oral de cinq minutes, après quoi nous pourrons consacrer plus de temps aux questions des députés.

Voulez-vous commencer, monsieur Benson?

M. Ian Benson (témoignage à titre personnel): M. Jervis fera quelques observations liminaires.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je vois. Je vous en prie, monsieur Jervis.

M. Peter Jervis (témoignage à titre personnel): En réalité, nous partagerons les 10 minutes...

La vice-présidente (Mme Raymond Folco): Entre vous deux.

M. Peter Jervis: ...nous nous les diviserons.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): C'est parfait.

M. Peter Jervis: Il serait peut-être bon que vous sachiez qui nous sommes. Je suis avocat à Toronto et je suis associé d'une étude d'avocats de cette ville. Ian Benson est un avocat de Vancouver. Nous avons tous deux de l'expérience dans le contentieux constitutionnel et nous voulons parler aujourd'hui de la question de ce que j'appellerais «la compétence institutionnelle» en ce qui concerne la définitions du terme conjoint, qui apparaît dans le projet de loi à l'alinéa 43i). J'ajouterai que Ian Benson et moi avons plaidé dans des causes concernant cette question particulière pour un large groupe d'organisations.

Nous ne sommes pas venus aujourd'hui discuter de décisions particulières sur des questions de fond, mais plutôt de questions de processus. Nous avons plaidé dans l'affaire Egan sur laquelle la Cour suprême du Canada a rendu une décision, et plus récemment dans l'affaire M et H, les cas d'espèce dans lesquels la Cour a déterminé la constitutionnalité de définitions du mot conjoint figurant déjà dans la législation fédérale. Je suis aussi intervenu récemment dans la décision Rosenberg de la Cour d'appel de l'Ontario, dans laquelle la Cour s'est concentrée sur la constitutionnalité de la définition du mot conjoint dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

D'une manière générale, il est ressorti clairement de ces décisions qu'un débat est actuellement en cours dans les tribunaux quant à savoir où se situe la compétence institutionnelle pour décider de questions fondamentales de politique sociale et la définition du mot conjoint est précisément l'une de ces questions. Dans la décision Egan de la Cour suprême du Canada, c'est-à-dire le cas d'espèce aujourd'hui au Canada sur cette question, la majorité des juges s'en sont remis au Parlement, disant que la question de la définition du terme «conjoint» est une question fondamentale de politique sociale et qu'il incombe au Parlement de décider. Ils ont ajouté que le Parlement doit examiner et soupeser les questions sociales, les questions philosophiques, les questions d'ordre légal, moral et théologique, opposées qui entrent dans ce processus de définition.

Ce n'est pas à la Cour de décider. Le Parlement doit prendre la décision et la Cour doit s'en remettre au Parlement.

• 1240

Dans d'autres cas, et le meilleur exemple est l'affaire Rosenberg jugée par la Cour d'appel de l'Ontario l'été dernier, la cour a dit que c'était aux tribunaux de décider, et non pas au Parlement; il y a des limites à ce qu'un renvoi des tribunaux au Parlement peut accomplir.

Essentiellement, il est ressorti de ces cas, à mon avis, que si le Parlement doit prendre ces décisions, les tribunaux s'en remettront à lui. Si le Parlement ne prend pas ces décisions ou ne règle pas ces questions, les tribunaux le feront. Je ne me lancerai pas dans un débat pour dire si c'est une bonne chose ou une mauvaise chose. C'est ce qui se passe.

Nous mettons donc l'accent aujourd'hui sur le processus. Dans cette mesure législative, le Parlement délègue essentiellement la responsabilité de définir le mot conjoint à l'article sur les règlements, ce qui revient à dire au gouverneur en conseil. Je pense que toute personne intelligente sait que si le gouverneur en conseil le fait, au fond ce n'est pas le Parlement qui le fait, et il n'y a pas d'examen démocratique. On ne départage pas publiquement les intérêts opposés, quels qu'ils soient. Par conséquent, lorsque les tribunaux examineront la définition utilisée, ils le feront au regard de la Charte et décideront si cette définition tient compte d'une manière équilibrée et proportionnelle d'intérêts opposés d'ordre social, moral, philosophique et légal. Ils se demanderont si tout est fait comme il se doit.

Si les tribunaux concluent que tout a été fait conformément aux règlements pris par décret, qu'il n'y a eu aucun processus public, les divers groupes d'intérêts opposés dans la société qui pourraient être concernés par ce processus n'auront pas eu voix au chapitre. Il n'y aura pas de document public sur la façon dont le Parlement aura soupesé ces intérêts divers. Je vous dis très franchement qu'il serait très difficile, sinon impossible, qu'une définition puisse résister à l'examen au regard de l'article 1 de la Charte. Je ne veux pas entrer dans des détails techniques et juridiques, mais c'est le processus en vertu duquel les tribunaux vérifient si une mesure législative donnée va à l'encontre de droits constitutionnels, et si c'est le cas, est-ce un exercice légitime du pouvoir législatif?

Nous sommes donc ici pour parler du processus, et nous disons que cette mesure est imparfaite parce qu'elle annule la responsabilité du Parlement de régler une question de cette nature et la délègue par la voie détournée des règlements. Il ne devrait tout simplement pas en être ainsi.

M. Benson vous parlera maintenant plus en détail de ces questions.

M. Ian Benson: Madame la présidente, je tiens d'abord à vous remercier de nous donner la possibilité de comparaître et de faire ces observations aujourd'hui.

Je veux d'abord prendre un peu de recul pour regarder dans une perspective globale la question dont M. Jervis vient de parler.

Premièrement, comme ce projet de loi sera discuté éventuellement à la Chambre, il est important de constater que la jurisprudence des causes fondées sur la Charte en est encore à ses débuts. Le rapatriement de la Charte est survenu il y a moins de 20 ans, et, comme vous le savez, la disposition concernant l'égalité, c'est-à-dire l'article 15, est entrée en vigueur trois ans plus tard, et le premier jugement a été rendu en réalité il y a à peine une quinzaine d'années.

Tout observateur de la scène culturelle canadienne reconnaît que le débat sur les institutions de la vie publique au Canada s'est échauffé dernièrement, en particulier en ce qui concerne la question de la compétence des tribunaux par opposition à celle de la Chambre. À certains égards, le débat est analogue à celui que nous observons chez nos voisins du Sud; à d'autres égards, il est différent. Nous devons cependant prendre note du débat concernant la compétence de la Chambre par rapport à celle des tribunaux quand nous examinons un problème comme celui que mon ami, M. Jervis, a abordé.

Un débat animé a cours dans les milieux préoccupés par la Charte au sujet des recours possibles à l'article 33, la clause dérogatoire. Par conséquent, l'application de la Charte à diverses questions de notre vie sociale et à d'autres qui sont incluses dans des lois est vraiment tout à fait d'actualité.

Voilà le contexte en ce qui concerne la Charte et la Constitution. Il y a une autre question sociale qui fait l'objet d'un débat houleux à l'heure actuelle au Canada; c'est la défense des droits et les poursuites relatives à des termes tels que «conjoint». M. Jervis a déjà fait allusion à notre participation à l'affaire Egan, en 1995.

• 1245

Un débat social fait donc rage sur le rôle de la Chambre et des tribunaux, et, dans ce contexte, lorsque nous examinons l'alinéa 43i), nous voyons, comme l'a dit M. Jervis, que l'on s'éloigne de l'ouverture qui prévaut à la Chambre, avec tous ses comités, etc., pour préférer plutôt le cadre fermé de la réglementation. À mon sens, compte tenu du débat et du fait que la Charte n'en est encore qu'à ses premiers balbutiements, ce n'est pas un bon choix. Bien des gens estimeront qu'un enjeu social d'une importance extrême ne pourra plus faire l'objet d'analyses et de débats publics. Du point de vue de la théorie de la démocratie, cela ne paraît pas une bonne idée.

Mesdames et messieurs, il faut, à tous les égards, non seulement rendre justice, mais aussi donner l'impression de rendre justice, et cette disposition du projet de loi ne permettra pas d'accroître l'ouverture du gouvernement, dans son sens le plus vaste, au contraire. La règle de droit exige l'ouverture du gouvernement.

Merci beaucoup.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Benson.

Monsieur Benoit, vous avez des questions à poser?

M. Leon Benoit: Merci beaucoup, messieurs. J'ai bien aimé vos remarques.

C'est une question que j'ai moi-même soulevée pendant notre débat en deuxième lecture. Cela me préoccupe beaucoup, surtout que les décisions telles que la définition de conjoint et, dans l'article sur la réglementation—ma mémoire est bonne—la définition de la relation parent-enfant, ainsi que d'autres questions, relèvent complètement du pouvoir réglementaire. Lorsqu'on passe ce projet de loi en revue, on constate qu'il y a bien d'autres dispositions qui sont formulées de telle sorte que seul le règlement déterminera la véritable signification de cette loi, et qu'à bien des égards seul le règlement donnera tout son sens à la loi.

Je suis très inquiet de voir que le gouvernement rédige ses lois de façon si vague que seul le règlement pourra la préciser; j'ai réclamé que plusieurs articles soient plus précis. Si cela n'est pas fait, honnêtement, ce projet de loi sera inacceptable.

J'ai pris bonne note de la question que vous avez soulevée. Il y a toujours eu des conflits entre la Constitution et, en l'occurrence, la Charte et le Parlement. À certains chapitres, le tribunal jugera que la loi viole la Constitution du pays et que certaines dispositions restent litigieuses à cet égard. Manifestement, ces articles à la constitutionnalité douteuse seraient moins nombreux si le projet de loi était plus clair et si les changements que vous avez suggérés étaient apportés au projet de loi même plutôt que par règlement ultérieurement.

M. Peter Jervis: En réponse à votre remarque, ce député, dont je ne peux voir le nom, a parlé tout à l'heure de la règle de droit. L'élément clé de la règle de droit, c'est que les lois ne doivent pas être appliquées de façon arbitraire. Elles doivent avoir des fondements rationnels; il doit y avoir proportionnalité.

De toute évidence, si le Parlement élude la question, refuse de mieux définir la loi et s'en remet essentiellement à ceux qui rédigent les règlements, à des gens qui ne sont pas des parlementaires, le processus décisionnel sera arbitraire et pourrait ne pas refléter les principes constitutionnels. Par conséquent, on pourrait devoir recommencer à zéro dans cinq ans, après que la loi aura été examinée par les diverses instances judiciaires, si la Cour suprême du Canada juge que le règlement est arbitraire et contraire à la Constitution. Il faudra tout recommencer dans cinq ans, et, entre-temps, on pourrait assister à de nombreuses injustices et inégalités.

M. Leon Benoit: Je crois que vous avez répondu à ma question, mais j'aimerais que vous y répondiez plus directement—et peut-être que vous aimeriez y répondre tous les deux.

Est-il fort ou hautement probable que ce projet de loi, s'il est adopté dans sa forme actuelle, soit jugé contraire à la Charte et donc révoqué? Peut-être que je n'emploie pas les bons termes.

M. Peter Jervis: Je comprends ce que vous dites, et nous avons en effet décelé un problème. Au sujet de la définition de conjoint, nous ignorons quelle sera la définition qui figurera dans le règlement. Honnêtement, si le règlement comporte une définition de conjoint qui aux yeux de certains groupes de la société paraît inconstitutionnelle ou d'application trop restreinte ou trop large, il pourrait y avoir contestation judiciaire aux termes de la Constitution; il nous est impossible de dire si la définition sera jugée constitutionnelle, car, premièrement, nous ignorons toujours ce qu'est cette définition et, deuxièmement, nous ignorons dans quelle mesure elle saura traduire en toute proportionnalité les facteurs et intérêts qui s'opposent.

• 1250

Alors, qui sait, tant qu'on n'aura pas vu la définition? Voilà pourquoi le Parlement devrait définir ces questions et en débattre de façon exhaustive tout en permettant aux divers groupes de la société d'avoir voix au chapitre.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Jervis.

M. Leon Benoit: Mon temps est écoulé?

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Ce témoignage me paraît assez important pour que je veuille donner à tous l'occasion d'intervenir une deuxième fois.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Merci beaucoup de votre présentation. Peut-être savez-vous que j'ai déposé à trois reprises un projet de loi pour la reconnaissance des conjoints de même sexe et qu'en 1995, mon projet de loi a fait l'objet d'un vote et a été battu par les parlementaires. Je crois que vous souhaiteriez qu'on inclue dans la définition de «conjoints» la notion de «conjoints de même sexe».

[Traduction]

M. Peter Jervis: Pour l'instant, nous nous en tenons au processus. Je ne préconise pas une définition plutôt qu'une autre; M. Benson non plus. Plutôt, nous croyons que cette définition devrait être élaborée et examinée au Parlement. Nous n'avons pas l'intention, dans le cadre de cette discussion sur le processus, de promouvoir une définition plutôt qu'une autre. Manifestement, ce n'est qu'un des principaux enjeux à examiner. Il y en a d'autres.

[Français]

M. Réal Ménard: Dans l'état actuel du droit, il y a trois critères qui définissent un conjoint: la commune renommée, la cohabitation et la présence d'enfants. Il y a quelque 90 lois fédérales où il y a des définitions de «conjoints» qui gravitent autour de ce que je vous dis. De votre côté, vous dites que, le législateur n'ayant pas défini la notion de «conjoints», il peut y avoir un évitement des responsabilités et vous souhaiteriez que, comme parlementaires, on définisse la notion de «conjoints». Vous ne voulez pas que ce soit défini par voie réglementaire, sans qu'il y ait un débat.

Vous avez dit que vous avez été associé à la cause Nesbit-Egan dans la trilogie de 1995. Si vous pouviez me dire si vous êtes intervenu pour ou contre, cela pourrait m'aider à me faire une idée. Qu'est-ce que vous souhaitez voir comme définition de «conjoints»? Je suis conscient que le processus est erroné et que c'est aux parlementaires de définir cela, mais qu'est-ce qu'on doit retenir de votre témoignage devant nous ce matin?

[Traduction]

M. Ian Benson: Pourrais-je répondre à cette question?

M. Peter Jervis: Pourquoi ne répondons-nous pas tous les deux? Allez-y.

M. Ian Benson: Pouvons-nous y répondre un à la fois?

À une telle question, la réponse habituelle d'un avocat serait: bien sûr, lorsque nous avons comparu devant la Cour suprême du Canada, en 1995, nous l'avons fait à titre d'intervenants, et, par conséquent, nos vues personnelles importaient peu. À titre d'avocat du groupe qui est intervenu, je peux dire que le groupe avait adopté la position selon laquelle la définition de conjoint ne devrait pas être établie par les tribunaux. C'est essentiellement ce que nous disons aujourd'hui.

[Français]

M. Réal Ménard: Mais qui représentiez-vous en 1995? Je connais très bien le jugement Nesbit-Egan, le jugement Thibaudeau et tout cela. Qui représentiez-vous en 1995?

[Traduction]

M. Ian Benson: M. Jervis et moi-même sommes intervenus au nom de l'Interfaith Coalition for Marriage and the Family; le mémoire que nous avons présenté à la Cour suprême du Canada traitait essentiellement des traditions religieuses et philosophiques, et, dans le cadre de ce débat, nous avons prié instamment le tribunal de laisser aux assemblées législatives le soin de tenir des discussions publiques sur de tels sujets, puisqu'elles connaissent bien les points de vue des groupes ethniques et religieux sur la question des conjoints de même sexe.

Vous vous rappelez sans doute que dans l'affaire Egan, c'était la définition de conjoint figurant dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse qui était en litige, et, pour bien des groupes religieux au nom desquels nous avons comparu, la nature hétérosexuelle du mariage est d'un grand intérêt. Le Canada s'étant toujours engagé publiquement à protéger le pluralisme de sa société, ces groupes—hindous, sikhs, musulmans, catholiques, protestants—ont fait valoir qu'il était important que leur point de vue religieux et bien informé soit compris et débattu par le Parlement, et non pas imposé par le tribunal.

• 1255

[Français]

M. Réal Ménard: Pour que nous comprenions bien votre témoignage, vous avez vous-même, comme individu, demandé à comparaître devant le comité. Vous dites que la notion de «conjoints» ne doit pas être définie par voie réglementaire, et je suis absolument d'accord sur ça. Qu'est-ce que vous souhaitez voir comme définition de «conjoints»? Vous avez sûrement une idée là-dessus. Si vous faites un exposé là-dessus, c'est que vous avez réfléchi à la question.

[Traduction]

M. Ian Benson: Pour ma part, l'opinion que j'ai présentée aujourd'hui est entièrement la mienne. Je ne voudrais pas que votre comité, dans son examen du projet de loi, se lance dans un vaste débat philosophique ou théologique. Ce ne serait pas indiqué. Mes vues personnelles sur l'état civil, la nature du mariage, la nature des relations entre les hommes et les femmes, etc., se fondent sur des connaissances philosophiques et théologiques approfondies qu'il ne serait pas pertinent d'invoquer ici aux fins de notre discussion.

Comprenez-vous ma réponse? Il est très important...

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je comprends votre réponse. Non, je ne vous accorderai pas davantage de temps. Vous avez tous les deux dit la même chose trois ou quatre fois de différentes façons.

M. Réal Ménard: Je n'ai besoin que d'une minute.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Non, votre temps est écoulé. Il y aura peut-être une deuxième série de questions.

M. Réal Ménard: J'aurai la parole de nouveau?

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Oui.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Je n'ai pas de question.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je vois votre nom sur ma liste, pourtant.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: J'aimerais donner suite aux remarques de M. Ménard, car je crois comprendre son point de vue. Moi, je vais m'y prendre autrement.

Je tiens d'abord à vous dire que j'abonde dans le même sens que vous. Je suis l'un de ceux qui estiment que la règle de droit devrait figurer dans le projet de loi. Il ne faudrait surtout pas faire fi de la règle de droit précisément dans la loi qui devrait la célébrer.

Cela dit, je me demande dans quelle mesure il serait compliqué de définir le conjoint dans la loi. Je note que l'alinéa 43i) auquel vous faites allusion dit «définir qui est un conjoint pour l'application de la présente loi». Pourrait-on définir ce terme aux fins bien précises de la coresponsabilité des enfants sans aborder des questions constitutionnelles plus larges? En matière d'immigration, de citoyenneté et d'état civil dans le contexte de ce projet de loi, ce que nous voulons, c'est définir le conjoint comme étant l'un de ceux qui assument la responsabilité partagée des enfants.

Voici donc ma question: pouvons-nous éviter certains des pièges constitutionnels que craint le gouvernement? Manifestement, le gouvernement craint certains problèmes, et c'est pour cela que ce point a été relégué ici. Le gouvernement n'est pas encore prêt à faire face à ce problème. Pouvons-nous éviter le piège en définissant le terme «conjoint» si étroitement?

M. Ian Benson: Nous ne pouvons éviter le problème comme vous le suggérez. Du point de vue historique, bien des gens seraient insatisfaits d'une définition de conjoint faisant uniquement allusion au partage de la responsabilité des enfants. Bien des gens qui ne sont pas mariés assument la responsabilité partagée des enfants.

Si vous faites valoir votre argument à partir de la définition qui figure dans le projet de loi, à savoir que le partage de la responsabilité crée des conjoints, ce serait une erreur. Je connais des couples qui sont responsables de leurs enfants, mais cela n'en fait pas pour autant des conjoints, et ils ne présentent d'ailleurs aucune des caractéristiques des conjoints. Je ne crois donc pas que la définition que vous proposez fasse l'affaire.

M. John Bryden: Alors je vais tenter autre chose. Manifestement, si nous tentons de définir le conjoint dans ce projet de loi, cette définition pourrait faire l'objet d'une contestation aux termes de la Charte, n'est-ce pas?

M. Peter Jervis: C'est exact.

M. John Bryden: Alors, essentiellement, vous préférez que le Parlement conteste dès maintenant cette mesure plutôt que de voir les tribunaux contester le règlement.

M. Peter Jervis: La chose la plus importante que doit retenir votre comité, c'est que les tribunaux ont jugé que cette question était fondamentale et que, jusqu'à présent, ils préféraient à ce sujet s'en remettre au Parlement. Si le Parlement a l'occasion de régler cette question, mais évite de le faire ou de tenir compte de toutes les ramifications relatives à l'égalité, les tribunaux se saisiront de nouveau de ce sujet.

Le Parlement doit examiner toutes ces questions et tenter de trouver le juste milieu. Ainsi, lorsqu'on définit le conjoint, on doit tenir compte de diverses choses. Le moment est mal choisi pour discuter de tous ces paramètres, mais il y a divers facteurs dont on doit tenir compte. En Europe, il y a des modèles permettant de déterminer comment on peut prendre en compte les unités sociales semblables aux familles, comment on peut les définir, quelles sont les raisons qui justifient ces définitions historiques, pourquoi on devrait apporter des changements. Si on balaie tout cela sous le tapis, le projet de loi sera jugé non conforme à la Charte.

• 1300

M. John Bryden: Je ferai deux observations, puis je vous poserai deux questions. Nous demandez-vous de modifier ce projet de loi et de définir le terme «conjoint»?

M. Peter Jervis: Oui. Sinon, vous vous trouveriez dans une position indéfendable si la définition que prévoira le règlement entraînait des injustices.

M. John Bryden: Ne pourrait-on pas simplement éliminer l'alinéa 43i) et s'abstenir d'y faire allusion au conjoint?

M. Peter Jervis: Le problème, c'est que le projet de loi fait mention du conjoint, sans le définir. Vous laissez aux tribunaux le soin de définir ce terme; vous déléguez votre pouvoir aux tribunaux.

M. John Bryden: Nous revenons à la case départ.

M. Peter Jervis: En effet.

M. John Bryden: Vous souhaitez donc une définition ou rien du tout.

M. Peter Jervis: Ce sera votre définition ou celle des tribunaux. Nous préférerions ce que ce soit le Parlement qui définisse ce terme.

M. John Bryden: Je suis entièrement d'accord avec vous.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Bryden.

Monsieur Benoit, vous avez le temps de poser une très brève question.

M. Leon Benoit: Je suis tout à fait d'accord avec cette approche. J'ai beaucoup de respect pour la position que vous avez présentée aujourd'hui. Il est évident que cette décision appartient au Parlement, et qu'elle devrait être prise dans ce projet de loi-ci. Le gouvernement pourrait proposer une définition, nous pourrions en débattre à l'échelle du pays, puis le Parlement pourrait trancher. À mon avis, le temps est venu de faire précisément cela.

Comme l'a dit M. Bryden, si la définition est très restreinte, pourquoi ne figure-t-elle pas dans le projet de loi plutôt que dans le règlement? Il n'est tout simplement pas logique, si cette définition est d'application très restreinte, qu'elle ne figure pas dans la loi. Il me paraît essentiel qu'on règle cette question.

Il y a aussi d'autres points qui relèvent de cette disposition sur le pouvoir réglementaire, tels que la définition de la filiation. Je crois que c'est aussi extrêmement important et que cette définition, ainsi que d'autres, devrait être dans la loi. Il y en a d'autres qui ne sont même pas dans cette disposition—que j'ai mentionnées aujourd'hui à d'autres témoins—qui sont si vagues et si étendues qu'elles n'auront aucun sens à moins d'être précisées.

M. Peter Jervis: J'aimerais dire une chose. Les tribunaux ont signalé que l'élaboration des lois assurant l'égalité est un processus graduel, qui suit l'évolution de la société, et que le Parlement doit respecter cet état de choses. Cela peut se faire de différentes façons. Si le Parlement refuse d'intervenir parce que c'est un enjeu délicat du point de vue politique et parce que l'interprétation des lois est en pleine évolution, le Parlement ne fait pas son travail.

Nous estimons que le Parlement doit reconnaître les droits à l'égalité, et ce, de façon responsable. Il doit tenir compte des intérêts opposés, autant du point de vue historique que du point de vue sociologique. C'est à vous d'agir. Si vous ne le faites pas, les tribunaux le feront; or, les juges ne sont pas élus et ils peuvent imposer des valeurs qui sont les leurs. Le régime n'a pas été conçu pour fonctionner ainsi, mais c'est ce qui se passera.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je pourrais peut-être clore cette discussion en disant que, manifestement, nous parlons ici de conjoints de même sexe. Mais en matière d'immigration nous pourrions peut-être inclure les situations de polygamie dans la définition de conjoint; autrement dit, un homme—car il s'agit généralement d'un homme—qui est l'époux de plusieurs femmes en même temps, ce qui est légal dans certains pays, et qui vient ensuite au Canada. Je sais que d'autres pays, notamment la France, ont eu à se débattre avec ce problème. Je crois toutefois que ce genre de difficulté devrait être examinée aux termes de l'alinéa 43i).

À mon avis, la ministre a déjà répondu à vos remarques, à vos préoccupations. Elle a dit qu'elle était prête à aller au-delà de la définition très vague de l'alinéa 43i) et à accepter les mariages entre conjoints de même sexe. La ministre de la Justice en a fait autant. Si je me trompe, mes collègues me corrigeront.

• 1305

Je suis d'accord avec vous concernant la règle de droit et l'équilibre entre les décisions du Parlement et les décisions de la cour, et je suis fondamentalement d'accord avec votre position. Mais je ne suis pas certaine que l'exemple que vous avez choisi, l'alinéa 43i), la définition de conjoint, soit celui qui illustre le mieux votre argument. Qu'en pensez-vous?

M. Peter Jervis: D'abord, les tribunaux sont actuellement saisis de cette question; c'est donc une question qui reste à définir. Deuxièmement, c'est l'une des raisons qui font que ces définitions devraient être élaborées par le Parlement, parce que vous avez tenu pour acquis qu'il ne s'agit ici que de conjoints de même sexe. Vous avez dit que, manifestement, c'est de cela qu'il s'agit.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Non, j'ai conclu que cela s'appliquait à au moins deux situations. Vous avez suggéré la deuxième.

M. Peter Jervis: Excusez-moi, mais là où je veux en venir, c'est que diverses ententes familiales ont peut-être été exclues des définitions précédentes ou pourraient ou non être incluses dans les définitions futures. Ainsi, pourquoi la définition de conjoint devrait-elle se fonder sur le modèle de l'union conjugale? Si on élargit la définition, qu'en est-il des partenaires dont l'union n'est pas sexuelle, mais plutôt fondée sur une amitié à long terme? Ces gens devraient-ils être exclus si ces catégories sont élargies? Si l'on élargit la définition, quelle est la meilleure façon de le faire?

Si c'est le Parlement qui se penche sur ces questions, il devrait en discuter de façon exhaustive et demander pourquoi les définitions précédentes étaient si restrictives. Il devrait aussi se demander s'il serait justifié d'élargir la définition et, dans l'affirmative, pourquoi et comment cela devrait se faire. Devrait-on inclure d'autres catégories de partenaires? Ce sont là toutes sortes de questions dont les tribunaux sont actuellement saisis; vous en avez nommé deux, mais il y en a bien d'autres.

Comme je l'ai dit tout à l'heure—je n'ai pas eu la chance de répondre à la question de M. Ménard—nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour promouvoir une définition plutôt qu'une autre. Plutôt, nous voulions faire valoir que bien des facteurs entrent en jeu et il se peut fort bien qu'adopter une définition particulière parce que des pressions politiques s'exercent en ce sens—vous avez parlé des conjoints de même sexe—entraîne d'autres distinctions arbitraires qui ne seraient pas justifiables du point de vue constitutionnel. Cela pourrait entraîner toutes sortes d'autres problèmes, notamment ceux qui ont été relevés par la Commission de réforme du droit de l'Ontario.

En dernière analyse les tribunaux ne devraient pas trancher cette question en se limitant à un seul aspect—ce n'est pas la meilleure façon d'élaborer la politique sociale—et, de même, on ne devrait pas s'en remettre au règlement, où l'enjeu politique du jour donnera un résultat qui sera peut-être mal fondé et qui ne pourrait faire l'objet du genre de discours démocratique qui est fait à la Chambre et en comité. Ici, en comité, et à la Chambre, on devrait tenir une discussion de fond sur la définition. La définition ne devrait pas être établie par décret.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Nous en avons pris bonne note. Vous avez présenté votre argument de bien des façons. Vous et M. Benson l'avez répété plusieurs fois. Vous n'avez pas répondu à la question évidente de M. Ménard parce que vous êtes venus ici dans un but bien précis. Je crois que ce but est évident pour tous les membres du comité.

Monsieur Bryden, vous avez une minute, pas une seconde de plus, je vous l'assure.

M. John Bryden: C'est important pour le compte rendu, car je crois que c'est l'un des enjeux clés. J'ai deux courtes questions.

Si on ne le définit pas dans la loi, peut-on définir le terme «conjoint» dans d'autres lois et faire en sorte que cette définition s'applique à cette loi-ci? Autrement dit, pouvons-nous aller de l'avant avec ce projet de loi et définir le conjoint dans une autre loi d'importance?

Deuxièmement, la question de la citoyenneté est-elle pertinente à cette définition, en ce sens que l'on traite ici de gens qui ne sont pas encore des citoyens? Est-ce pertinent pour la définition que nous cherchons?

M. Ian Benson: La définition qu'il nous faut devrait en fait figurer dans la loi d'interprétation ou dans les toutes premières dispositions de cette loi-ci, pour répondre à votre deuxième question en premier.

En ce qui a trait à votre première question, à savoir s'il n'existe pas un mécanisme plus général de définition du terme «conjoint» dans les lois fédérales, je dirais oui. Les provinces et le gouvernement fédéral ont des lois d'interprétation qui sont plus susceptibles de comprendre des définitions, mais n'oublions pas qu'il ne s'agit pas ici simplement de définir le conjoint. À l'heure actuelle, les opinions divergent au sein de la société canadienne sur l'inclusion des relations entre conjoints de même sexe, de même que sur le moment et l'endroit où cela devrait être inclus.

Il faut comprendre que le processus démocratique ne donne pas toujours à chacun ce qu'il veut. C'est un dialogue continu. Tout à l'heure, M. Ménard a indiqué qu'il avait tenté à plusieurs reprises de déposer un projet de loi d'initiative parlementaire ou une autre forme de mesure législative, mais en vain. C'est la nature même de la démocratie. Les changements que certains souhaitent ne se concrétisent pas toujours, et il y a toujours, à un moment donné, des gens qui sont plus ou moins insatisfaits. À l'heure actuelle, c'est ce groupe en particulier qui est insatisfait.

• 1310

Nous participons tous à ce dialogue continu, par l'entremise des tribunaux et de la Chambre, sur cet enjeu social litigieux. L'essentiel, c'est que, comme citoyens de cette entreprise commune qu'est la société, nous fassions l'impossible pour poursuivre un dialogue engagé et civilisé sans pour autant que cela se fasse au détriment de notre analyse.

La présidente a employé le terme «mariage entre conjoints de même sexe», mais les groupes qui en font la promotion devant les tribunaux ont pris soin d'abandonner les causes dans lesquelles le mariage avait été contesté. L'arrêt Layland, en Ontario, portait sur une contestation de la Loi sur le mariage, mais la cause a été abandonnée avant que l'instance supérieure n'en soit saisie. La contestation judiciaire se fait donc en fonction d'une stratégie précise, et la Chambre et votre comité devraient prendre garde de s'engager dans ce débat de façon malavisée, dans de mauvaises circonstances.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Non, monsieur Bryden, je suis désolée, mais je dois...

M. John Bryden: Je demande aux membres du comité de bien vouloir consentir unanimement à ce que je pose une autre question, car ce sont les deniers témoins, et je ne crois pas que cela les ennuierait.

M. Peter Jervis: Madame la présidente, je voulais aussi prendre 30 secondes pour répondre à cette question.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Je vais laisser M. Bryden poser sa question, puis peut-être pourriez-vous résumer le tout. Mais c'est bien votre dernière question, monsieur Bryden.

M. John Bryden: J'ai une dernière question à vous poser, puis vous pourrez aller aussi loin que vous le voulez.

Ce que je voulais dire, c'est qu'on traite ici des conjoints de gens qui ne sont pas encore des citoyens du pays. Je reconnais que la Charte confère des droits à ceux qui ne sont pas encore des citoyens du Canada. Mais dans ce contexte-ci, si ce n'était que la Charte s'applique non seulement aux citoyens du pays, mais aussi à d'autres, la préoccupation concernant la définition de conjoint dans ce projet de loi serait-elle la même?

M. Peter Jervis: Je dirais simplement que, puisque la Charte s'applique, les tribunaux se doivent d'examiner ce terme. Je crois que cela répond à votre question. N'oublions pas toutefois que les tribunaux ont interprété les termes figurant dans les lois dans leur contexte législatif.

Par exemple, les lois créant des prestations, donnant de l'argent aux citoyens, sont parfois interprétées différemment et de manière moins restrictive que les autres. Ce genre de loi n'apporte aucun avantage pécuniaire, et, par conséquent, il y a peu de ressources à répartir entre des intérêts concurrents, et cela serait examiné plus soigneusement par les tribunaux.

Je ne pense pas qu'il soit possible de laisser la définition de conjoint à une disposition d'interprétation générale, puisqu'elle pourrait être différente selon les articles, d'après la façon dont le Parlement a traité de ces questions. Le Parlement pourrait présenter d'autres définitions de groupes qui ont droit à certains avantages; par conséquent, il ne peut pas y avoir une réponse unique à cela.

La vice-présidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Jervis.

La séance est suspendue jusqu'à 15 h 30 cet après-midi. Nous reprendrons nos travaux à la salle 269 de l'édifice de l'Ouest. Merci.

• 1548

Le président: Nous reprenons nos travaux en accueillant Mme Nancy Riche et M. David Onyalo, dans le cadre de notre examen du projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

Monsieur David Onyalo et madame Nancy Riche, vous pouvez nous présenter votre exposé.

Mme Nancy Riche (vice-présidente exécutive, Congrès du travail du Canada): Merci.

Rapidement, je dois vous dire que je dois partir dans neuf minutes pour aller à un autre comité. Mais David, qui est le directeur national du Département anti-racisme et des droits humains du CTC peut certainement rester. Je ne resterai pas longtemps, parce que, honnêtement, ce projet de loi n'est pas très controversé à nos yeux. Nous n'avons pas de grandes objections à son sujet.

Nous avons quelques questions et quelques préoccupations, tout de même. Ce ne sera pas long; je vais m'efforcer de lire très rapidement. Je crois que nous avons distribué des copies de notre exposé en anglais et en français.

Comme vous le savez, nous représentons deux millions de travailleurs et de travailleuses, dont beaucoup n'ont pas toujours été citoyens du Canada. Nous sommes donc une organisation qui a sérieusement à coeur la situation de notre pays. Nous nous intéressons à la façon dont le Canada traite ses citoyens et ses citoyennes et dont il joue son rôle au sein de la communauté internationale.

• 1550

Nous nous présentons devant ce comité parce que nous nous intéressons aux questions relatives à la citoyenneté et à l'immigration. Au fil des ans, nous avons présenté des mémoires au sujet du projet de loi C-86, du projet de loi C-44, dans le cadre de consultations ministérielles, et nous participons par ailleurs au processus de modification de la Loi sur l'immigration. Nous travaillons étroitement sur ces questions avec des groupes représentant les femmes, les personnes de couleur, les nouveaux immigrants et immigrantes, les réfugiés, les lesbiennes, les homosexuels, les personnes handicapées et tous les autres groupes qui aspirent à l'égalité.

Des résolutions et des énoncés de politique importants sur la citoyenneté, l'immigration et le statut de réfugié feront l'objet des discussions et des délibérations de l'assemblée statutaire du CTC qui aura lieu prochainement. Certaines de ces résolutions exigent du gouvernement qu'il prenne certaines mesures.

À propos du projet de loi C-63, nous voulons d'abord féliciter le gouvernement d'avoir mis de l'avant des modifications constructives. Au sujet des dispositions sur l'adoption, nous saluons le fait que les enfants adoptés à l'étranger obtiendront automatiquement la citoyenneté sans devoir se soumettre aux formalités d'immigration entourant le statut de résident permanent, dont l'examen médical. Nous accueillons favorablement cette nouvelle disposition, qui atténue les distinctions entre les enfants nés au Canada et les enfants adoptés.

Nous donnons également notre aval à la disposition sur l'attribution de la citoyenneté aux enfants nés au Canada, qui met fin au débat public sur une question qui sème la division. Nous sommes préoccupés par le fait que ce débat était teinté de sous-entendus racistes et sexistes de la part de l'extrême-droite, qui mettait en doute les intentions des nouvelles mères provenant des pays du Sud.

À propos des droits des enfants, il est important de souligner que les enfants abandonnés et les enfants nés après la mort de leurs parents jouiront d'une certaine mesure de compassion en obtenant la citoyenneté canadienne. Les enfants abandonnés, pour leur part, devraient conserver leur citoyenneté, à moins d'y renoncer, au lieu d'être visés par la disposition sur la période de sept ans.

Nous appuyons la disposition sur les interdictions visant les activités des violateurs des droits de la personne et des semeurs de haine. Il s'agit d'une disposition importante, compte tenu de l'intensification des violations des droits de la personne à l'échelle mondiale, notamment au Soudan, au Rwanda, en Bosnie et, récemment, au Kosovo. Nous voulons éviter que les groupes haineux et semeurs de haine ne prennent de l'ampleur au Canada.

Nous voulons signaler les domaines qui nous préoccupent et qui, à notre avis, devraient faire l'objet de modifications qui renforceraient le projet de loi.

Des exemptions relatives à l'exigence en matière de résidence devraient être accordées aux demandeurs du statut de réfugié. Un certain nombre de réfugiés ne pourront répondre aux conditions relatives à la période de trois ans s'il y a un retard dans le traitement de leur demande en raison du manque de pièces d'identité.

À propos de la révocation de la citoyenneté, nous reconnaissons que les criminels ne devraient pas être admis au Canada, mais nous craignons les répercussions défavorables sur les militantes et les militants syndicaux et des droits de la personne s'ils ont un statut de criminel dans leur pays d'origine. Certains régimes répressifs ont pris l'habitude de criminaliser les activités légitimes des militantes et militants syndicaux et des droits de la personne afin d'éliminer l'opposition. Sur quelles normes se fonderait-on pour évaluer le casier judiciaire des nouveaux Canadiens? Nous pensons que c'est une question très délicate, très importante et fondamentale. Il y a quelques années, on a proposé des changements à la Loi sur l'immigration qui auraient frappé d'interdit des personnes comme Nelson Mandela et Gandhi. Il nous faut donc être très prudents quand on définit ce qu'est un criminel ici.

Au sujet des exigences relatives à la connaissance de la langue, bien que l'intention soit valable, nous sommes d'avis que l'acquisition des compétences nécessaires pour communiquer efficacement dans une langue seconde n'est pas uniquement une question de résidence. Il faut tenir compte de facteurs tels que l'accès à l'école dans le pays d'origine, les événements qui continuent de traumatiser les réfugiés et l'accès à des cours de langue seconde au Canada. À propos de ce dernier point, il convient de souligner que l'accès à l'apprentissage de l'anglais et du français en tant que langues secondes est devenu difficile, sinon impossible, car les gouvernements provinciaux et fédéral ont réduit le financement ou éliminé les programmes.

Aussi, le projet de loi C-63 ne devrait pas prévoir d'exigences relatives à la connaissance de la langue. Nous recommandons vivement que les gouvernements à tous les niveaux rétablissent le financement de l'anglais langue seconde et du français langue seconde afin de faciliter le processus d'intégration des nouveaux arrivants dans leur collectivité.

Nous souhaitons soulever deux autres points. À propos de la disposition selon laquelle les enfants adoptés à l'étranger obtiendront automatiquement la citoyenneté sans devoir se soumettre aux formalités d'immigration, le projet de loi est muet sur la question du traitement égal accordé aux parents de même sexe. En fait, l'examen de la Loi sur l'immigration dans son ensemble peut régler ce problème, de même que la motion omnibus proposée par divers groupes; il est tout de même important à nos yeux de nous prononcer sur cette question.

Nous espérons que le bureau des nouveaux commissaires à la citoyenneté ne perpétuera pas le favoritisme politique. Nous craignons que les gouvernements qui se sont succédé, tant libéraux que conservateurs, n'aient accordé de tels postes pour récompenser la fidélité au parti. Quel message transmettons-nous ainsi aux nouveaux citoyens et citoyennes au sujet du rôle de l'État?

• 1555

En lisant vos propres documents, j'étais ravie de voir qu'on fera suivre les règles au personnel, aux fonctionnaires ou aux bureaucrates, mais qu'on laissera les juges de la citoyenneté, qu'on appelle maintenant des commissaires, essentiellement tenir des pique-niques le 1er juillet ou être ambassadeurs. Il faut décider si nous avons besoin de juges ou si le personnel peut faire le travail. Nous estimons qu'on fait preuve d'un certain cynisme en conservant les juges simplement pour garder cette fonction de favoritisme.

Pour conclure, nous réaffirmons notre appui à l'égard des politiques sur la citoyenneté qui respectent les principes de la responsabilité collective, de l'équité, de la justice sociale et de l'égalité.

Le président: Merci beaucoup, madame Riche.

Le premier intervenant est M. McNally.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci pour cet exposé. J'ai deux ou trois petites questions pour vous.

Beaucoup de témoins ont comparu devant nous jusqu'ici, et certains disent que la Loi sur l'immigration et la Loi sur la citoyenneté sont étroitement reliées. Il me semble que dans vos commentaires d'ordre général vous dites exactement la même chose. Êtes-vous d'accord avec cette idée? Est-ce ce que vous nous dites?

Mme Nancy Riche: Je le présume, oui.

M. Grant McNally: Merci.

Vous avez aussi parlé de grandes généralités. Je me demande si vous avez des commentaires plus précis pour nous au sujet des dispositions particulières du projet de loi sur lesquelles vous aimeriez vous pencher, pour lesquelles vous proposeriez des modifications ou des suggestions de changement que nous pourrions apporter très bientôt en comité. À vos yeux, comment peut-on améliorer le projet de loi, que faut-il en supprimer, y ajouter, ou y modifier?

Mme Nancy Riche: Nous n'avons pas examiné le projet de loi article par article, surtout parce qu'il ne suscitait pas chez nous de grandes craintes. Mais nous voudrions qu'on travaille davantage sur le libellé. Je ne vais pas vous donner un exemple précis. Le fait qu'on offre des occasions... Si nous voulons que les gens parlent français et anglais, je ne pense pas qu'on puisse présumer, dans bien des cas, que c'est aussi facile ailleurs. On avait autrefois au Canada d'excellents programmes d'anglais et de français langues secondes, offerts par les collèges communautaires, par le réseau d'enseignement public. Nous aimerions voir cela. Il y a eu toute une levée de boucliers quand on s'en est défait. Depuis, les positions se sont adoucies. J'aimerais qu'on voie une certaine compréhension du genre de formation nécessaire. Il faudrait que ce soit un peu moins sévère.

M. Grant McNally: Oui. J'ai déjà enseigné l'anglais langue seconde moi-même, et je comprends votre point de vue. J'ai eu l'occasion de travailler avec des gens de toutes provenances, et...

Mme Nancy Riche: J'ai déjà enseigné dans un collège communautaire, et ma classe était proche de celles des cours d'anglais langue seconde. On y enseigne bien plus qu'une langue seconde. C'est une excellente occasion. Les commissaires devraient se pencher là-dessus, parce qu'on apprend aux gens bien plus qu'une langue. On y parle autant du Canada que du rôle des commissaires comme ambassadeurs, je crois.

M. Grant McNally: Bien. Je sais que les témoins n'ont pas beaucoup de temps, alors je vais...

Mme Nancy Riche: Il n'y a que moi qui suis pressée. David peut rester.

M. Grant McNally: Très bien. Je vais peut-être céder la parole à mes collègues, pour qu'ils aient le temps de poser des questions, et j'en poserai moi-même d'autres pendant la deuxième ronde.

Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Comme je sais que vous êtes occupée, je vais aller à l'essentiel.

Il y a certains témoins qui nous ont dit que l'exigence de la citoyenneté pour occuper un emploi dans la fonction publique était discriminatoire et posait un problème. Avez-vous déjà eu des représentations de la part de votre base militante en ce sens, et quel est votre point de vue sur cette question?

[Traduction]

Mme Nancy Riche: À moins que David ne soit au courant, je...

M. David Onyalo (directeur national, Département anti-racisme et des droits humains, Congrès du travail du Canada): Non. Nous avons choisi de ne pas en parler. Nous ne voulions pas formuler de commentaires à ce sujet.

• 1600

Mme Nancy Riche: Redites-moi quel est le problème.

[Français]

M. Réal Ménard: Certains témoins qui sont venus nous voir nous ont dit que la nécessité d'avoir la citoyenneté canadienne pour occuper certains emplois dans la société, notamment des postes dans la Fonction publique et d'autres postes, était perçue comme un facteur de discrimination. Comme association syndicale, avez-vous déjà eu des représentations en ce sens? Croyez-vous que l'on doit exiger la citoyenneté pour occuper des emplois dans la fonction publique ou ailleurs?

[Traduction]

Mme Nancy Riche: Pas moi, mais peut-être David.

M. David Onyalo: Nous ne voulions pas parler de cette question, mais vous avez raison: pour la plupart des groupes avec lesquels nous travaillons, surtout ceux qui représentent des gens en fonction de leur couleur, des gens du Sud, il y a eu des discussions visant à s'assurer que les exigences relatives à la citoyenneté ne deviennent pas un obstacle pour l'accès à des charges publiques.

Comme vous le voyez, nous n'avons pas pris position là-dessus, mais c'est un débat que nous connaissons. Dans le cadre de nos discussions sur l'intégration et l'équité en emploi, et dans le cadre de nos politiques, c'est une question qui a normalement notre appui; nous voulons nous assurer que si des obstacles empêchent les gens d'avoir accès à des postes au sein du gouvernement, le gouvernement se penche là-dessus. Mais nous n'avons pas exprimé cette position aujourd'hui.

[Français]

M. Réal Ménard: Voici deux courtes questions. Vous dites que vous craignez que le délai de présence physique effective de trois ans pose des difficultés pour les réfugiés politiques en raison des papiers d'identité et du temps qu'il faut pour traiter une demande. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus d'information là-dessus.

Que pensez-vous du serment qu'on exige? Vous n'en avez pas vraiment parlé dans votre mémoire, mais si jamais on demandait que l'on puisse prêter serment d'allégeance à la fois au Canada et au Québec, est-ce que votre association serait prête à examiner cela?

[Traduction]

Mme Nancy Riche: Je vais répondre à la deuxième question, et David à la première.

J'ai pensé que nous devrions faire des observations au sujet du serment. Nous avons décidé de ne pas le faire. Moi, je serais très contente d'un serment d'allégeance au Canada. Mais votre question porte sur des serments séparés, un pour le Canada et un pour le Québec?

Personnellement, j'ai une position, mais nous n'en avons pas discuté au CTC. Quant à moi, je crois qu'on devrait prêter serment d'allégeance au Canada. J'oublierais la Reine, et je garderais le Québec comme partie du Canada, pour l'instant, dans le serment. Les choses peuvent évoluer.

M. David Onyalo: Pour répondre à notre première question, nous estimons que personne ne devrait être pénalisé dans l'obtention de la citoyenneté canadienne pour des choses qu'il ne contrôle pas, par exemple la lenteur des procédures d'obtention de la résidence permanente. C'est essentiellement à cela qu'on veut en venir: il faut laisser le bon sens primer pour déterminer si quelqu'un est légitimement au pays. On peut avoir demandé le statut de réfugié, mais à cause d'exigences idéalistes ou d'autres petites anicroches de procédure, on ne peut pas satisfaire à cette exigence de trois ans de résidence permanente.

[Français]

M. Réal Ménard: Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, monsieur le président.

Ce matin, nous avons reçu des représentants d'une organisation multiculturelle, soit la directrice générale du Centre multiculturel de Kitchener-Waterloo, qui nous a parlé précisément du rôle du commissaire, de sa contribution à l'éducation, de ses interactions avec les aspirants citoyens et de la nécessité d'avoir un élément de communication avec la communauté. On a même parlé de formation aux relations interculturelles, de certains problèmes vécus par les immigrants de Bosnie-Herzegovine, et du fait qu'on ne veut pas qu'ils importent leur haine en arrivant ici. Nous voulons ce qu'il y a de bon, pas ce qu'il y a de mauvais.

• 1605

Elle estimait qu'il était important d'isoler les commissaires de la bureaucratie. Je vous signale que cette femme qui a comparu devant nous a été nommée par la commission de police de l'ancien gouvernement néo-démocrate et qu'elle n'a aucune affiliation politique. Elle a beaucoup insisté sur l'étanchéité entre le rôle du commissaire et celui des bureaucrates, à cause de ce qu'ils peuvent contribuer au développement communautaire pour ces questions.

Dans votre mémoire, vous avez parlé du fait que cela ne doit plus être considéré comme une nomination politique, mais je vois peu d'autres choses. Est-ce que le Congrès du travail du Canada a réfléchi à la question?

M. David Onyalo: Je vais essayer de répondre à votre question en donnant les raisons pour lesquelles nous avons formulé ce commentaire. D'après notre expérience, le parti au pouvoir, que ce soit le Parti conservateur ou le Parti libéral, s'est toujours servi des nominations pour récompenser ses alliés politiques. Que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, c'est ce que nous avons constaté.

Ce que nous voulons dire, c'est qu'à nos yeux il s'agit de charges publiques vraiment importantes qui ne doivent pas être entachées par du favoritisme politique. Comme les commissaires font partie des rares personnes qui ont un premier contact avec les nouveaux arrivants, nous ne voudrions pas que ceux-ci comprennent que dans notre pays on peut avancer dans la société grâce au favoritisme. C'est cela que nous voulons dire.

Toute la question de la formation interculturelle est distincte. Je pense que cela s'applique à tout le monde dans la fonction publique, puisqu'il faut avoir la capacité de communiquer avec des gens provenant d'autres cultures. Nous voulions surtout dire que les nominations à ces postes ne devraient plus faire l'objet de favoritisme.

M. Andrew Telegdi: Je pense que vous avez tort de dire cela, puisque je puis vous signaler, ainsi qu'aux Néo-démocrates en poste en Ontario, qu'il y a des tas et des tas de gens qui sont venus de tout le pays, grâce à des nominations, et qui ont des liens étroits avec le Congrès du travail du Canada et le Nouveau Parti démocratique... Mais je pense qu'on a tort de dire cela, et je vais vous dire pourquoi. Vous dites que les nominations politiques entachent la réputation des commissaires quand ils ont participé au processus politique, et qu'il ne faut pas encourager ce mouvement.

Laissez-moi vous dire que lorsque nous avons pris le pouvoir à Kitchener-Waterloo, il y avait là un juge de la cour de la citoyenneté, le juge Somerville, qui avait été nommé par le gouvernement précédent. Il a été nommé de nouveau à ce poste à maintes occasions par le gouvernement actuel, parce qu'il est compétent, parce qu'il fait un bon travail et parce que c'est une chose reconnue. Mais il s'agissait d'une nomination des Conservateurs, si l'on veut.

Je crois que les commentaires désobligeants peuvent être dangereux, et que c'est un commentaire désobligeant de la part du Congrès du travail du Canada, qui sait qu'il se trompe. Il sait que cela aussi, c'est important. L'engagement politique fait partie des rôles du citoyen.

Permettez-moi de dire que je suis un peu déçu de vous à ce sujet.

Le président: Avez-vous un commentaire à faire, monsieur Onyalo, ou laissez-vous passer la question?

M. David Onyalo: Je n'ai pas de commentaires.

Le président: Monsieur Telegdi, avez-vous d'autres questions?

M. Andrew Telegdi: Non, c'est tout.

Le président: Monsieur Martin.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci.

Il serait tentant de répondre à cela, mais je vais m'en abstenir. Je vais me retenir un peu aujourd'hui.

Il y a deux questions dont vous avez traité et qui ont été traitées aussi par de nombreux autres témoins: d'abord la question de la présence physique au Canada, soit les trois années. Pour beaucoup de témoins, ce n'est pas un critère fiable de l'opportunité pour quelqu'un de devenir citoyen canadien, de ses qualités comme aspirant canadien, et beaucoup ont signalé que cela représentait un obstacle indu.

Vous avez parlé des réfugiés. D'autres ont parlé de personnes qui doivent quitter le pays pour s'occuper d'un proche qui est malade ou de leurs affaires à l'étranger.

Le chiffre actuel est de 1 095 jours, soit trois fois 365, trois ans. Pourriez-vous recommander un délai raisonnable, à votre avis?

M. David Onyalo: Je suis tout à fait d'accord avec ceux qui ont dit à vos audiences que trois ans, c'est un peu trop. Mais dans ce cas-ci il faudra peut-être choisir un délai raisonnable. Je dirais entre un an ou deux, sans être plus précis. Essentiellement, nous voulons dire que nous serions en faveur d'une réduction de la période de trois ans.

• 1610

M. Pat Martin: L'autre question que presque tous les témoins soulèvent, c'est celle du test assez compliqué qu'il faudrait subir pour prouver, outre une connaissance suffisante d'une des deux langues officielles, ses connaissances au sujet du gouvernement canadien, de l'adoption des projets de loi à la Chambre des communes, etc., soit des concepts assez complexes, sans les services d'un interprète. Beaucoup de témoins ont signalé qu'on pourrait contester cela en vertu de la Charte, puisque de nombreux articles de la Charte... En fait, on dit notamment qu'on a droit à l'interprétation pour toute procédure juridique.

Je présume que notre parti voudra supprimer les mots «sans les services d'un interprète» au sujet du test sur la citoyenneté. Pour beaucoup de témoins il ne s'agit pas là de déterminer si quelqu'un sera un bon ou un mauvais citoyen. En fait, une fois qu'ils ont ces connaissances... pour beaucoup de nouveaux Canadiens, à leur arrivée ici, il faut prendre un ou deux emplois mal rémunérés, élever des enfants, etc., et ils peuvent manquer de temps pour prendre des leçons d'anglais ou de français en soirée. Ils peuvent avoir des connaissances suffisantes pour travailler, pour fonctionner au travail, pour faire leurs courses et leurs affaires dans la communauté, sans pour autant pouvoir passer un test aussi compliqué. Avez-vous des observations à faire au sujet de cet obstacle potentiel?

M. David Onyalo: C'est justement pour cela que dans notre exposé nous avons parlé des points faibles de l'exigence selon laquelle il faut bien posséder l'anglais ou le français. Nous avons signalé qu'on ne peut s'attendre à ce qu'une personne qui est ici depuis trois ou cinq ans parle couramment l'anglais ou le français, soit une langue seconde. Voilà pourquoi nous recommandons que cette disposition sur les exigences linguistiques soit supprimée du projet de loi.

M. Pat Martin: Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions.

Le président: Merci.

J'aimerais moi-même poser des questions, si vous le permettez.

Au sujet des exigences linguistiques, votre conclusion repose en partie sur la disponibilité des ressources pour enseigner le français et l'anglais, n'est-ce pas?

M. David Onyalo: C'est un des facteurs, en effet.

Le président: Si ces ressources étaient offertes, les exigences seraient-elles raisonnables à vos yeux?

M. David Onyalo: Ce serait une chose positive, mais les exigences n'en seraient pas pour autant raisonnables.

Le président: Alors, à votre avis, il ne devrait pas du tout y avoir d'exigences linguistiques?

M. David Onyalo: C'est notre position. Par le passé, des générations de Canadiens n'ont jamais eu à répondre à ces...

Le président: Comment vous attendez-vous à ce qu'un Canadien, qu'il soit immigrant ou citoyen canadien, puisse fonctionner dans son propre intérêt; qu'il n'ait même pas l'envie de le faire pour obtenir sa citoyenneté, s'il n'y a pas cette exigence pour devenir citoyen?

M. David Onyalo: J'ai vécu à Toronto pendant des années, dans divers quartiers, avec des gens qui avaient immigré d'Europe, d'Asie du Sud-Est, de divers pays. Nous avons des communautés qui ont survécu ici pendant des années et des années sans avoir à satisfaire à ces exigences linguistiques strictes.

À mon avis, on parle probablement de peu de gens, et nous ne devrions pas nous limiter par des exigences semblables dans la loi. Je présume que même sans répondre à ce critère strict, des personnes peuvent tout de même fonctionner en société. Ce que je dis, c'est que je ne mesure pas le succès en fonction de la réussite à des tests d'anglais ou de français, d'après mon expérience. Il n'y a qu'à penser à Toronto ou à Vancouver. Il y a là des communautés qui sont au Canada depuis des générations et qui ont survécu. Elles contribuent de manière positive à la collectivité et à la société, sans pour autant avoir jamais réussi ce test linguistique. C'est mon argument.

Le président: Mais vous dites qu'il n'y en a que très peu, des cas isolés.

M. David Onyalo: En effet, je dirais qu'il y en a très peu et qu'ils sont très isolés, ceux qui n'ont pu... Je n'ai pas de chiffres, à moins que vous n'ayez accès à des statistiques... Par exemple, je connais trois personnes à Toronto qui...

Le président: Si vous n'avez pas de statistiques, comment pouvez-vous dire qu'ils sont peu nombreux et isolés?

M. David Onyalo: Je me fie... Sauf votre respect, il faut aller à Toronto, Vancouver ou Winnipeg. Il y a là des communautés de gens qui n'ont jamais passé de test comme celui que voudrait prescrire votre gouvernement. Pourtant, ils contribuent à la société.

• 1615

Le président: Je vois ce que vous voulez dire. Vous parlez de données non scientifiques.

M. David Onyalo: Je parle de l'expérience de gens qui vivent dans ces villes, en effet.

Le président: Au sujet des normes, le Congrès a demandé qui fixerait les normes devant servir à l'évaluation des casiers judiciaires des nouveaux Canadiens. Qui devrait fixer ces normes?

M. David Onyalo: Comme c'est le gouvernement canadien qui déterminera ce qu'est la criminalité, je pense que nous devrions examiner nos propres normes plutôt que de nous fier à un bout de papier attestant que tel syndicaliste a commis une infraction dans un autre pays. Nous disons que le gouvernement canadien devrait pouvoir réexaminer la situation si quelqu'un lui dit: «Je n'étais pas un criminel. Je m'acquittais simplement de mes tâches syndicales, mais je me suis retrouvé en prison, et devant les tribunaux.» Nous disons qu'il faut appliquer les normes canadiennes.

Le président: Vous dites donc que ce n'est pas parce qu'une personne a été condamnée à l'étranger qu'elle a nécessairement commis l'infraction qui lui est reprochée.

M. David Onyalo: Je dis qu'il faut bien examiner la situation, et se servir des conventions internationales sur les droits de la personne comme d'un autre guide.

Le président: Comment évalueriez-vous alors le cas des violateurs des droits de la personne et des marchands de haine venus d'autres pays?

M. David Onyalo: De la même façon que cela se fait ici à l'heure actuelle.

Le président: Devrait-on se fonder sur le fait qu'ils sont soupçonnés d'un délit ou qu'ils en ont été reconnus coupables?

M. David Onyalo: Vous voulez bien répéter votre question, monsieur le président?

Le président: Devrait-on se fonder sur un chef d'accusation et une condamnation par un tribunal, ou pourrait-on se contenter du fait que le délit est de notoriété publique ou qu'il y a eu une accusation portée devant un tribunal?

M. David Onyalo: Quand le ministre ou un fonctionnaire du ministère détermine qu'une personne a un casier judiciaire, et que la personne est connue comme un militant pour les droits de la personne et un syndicaliste dans un pays donné, il faudrait réexaminer son cas pour être bien renseigné sur les circonstances qui font qu'il a un casier judiciaire. Voilà ce que nous demandons.

Le président: Ma dernière question concerne l'adoption, et je suis heureux que vous fassiez bon accueil aux propositions en ce sens. Pensez-vous que les dispositions à cet égard pourraient présenter un problème quelconque? Vous ne pensez pas qu'il y aura de problèmes?

M. David Onyalo: Pour ce qui est de...

Le président: Des critères en matière d'adoption.

M. David Onyalo: Nous tenons à appuyer les bonnes intentions et les principes du gouvernement, qui dit vouloir s'assurer que les enfants adoptés aient droit au même traitement que les enfants naturels. S'il y a des problèmes, nous ne les avons pas encore relevés. Nous vous accordons simplement notre appui de principe.

Le président: Merci, monsieur Onyalo.

Les membres du comité ont-ils d'autres questions?

Merci beaucoup pour votre contribution aux délibérations de notre comité.

Nous passons maintenant au témoin suivant. Nous tenons à souhaiter la bienvenue à notre comité à M. Tom Denton, un ami à moi et un Manitobain. Nous attendons avec impatience d'entendre votre exposé préliminaire et d'échanger ensuite avec vous dans une séance de questions et de réponses. Monsieur Denton.

M. Tom Denton (directeur exécutif, Conseil manitobain de la citoyenneté): Merci d'avoir bien voulu me rencontrer.

Le Conseil manitobain de la citoyenneté a 51 ans cette année. Créé en 1948, à la suite de l'adoption de la première Loi sur la citoyenneté canadienne, le conseil est la seule organisation parmi un grand nombre d'organisations provinciales semblables à avoir prospéré, à avoir élargi son activité et dépassé ainsi ses modestes débuts. Il doit son succès à sa vocation comme important organisme Centraide de service aux immigrants et à la communauté de Winnipeg, qui est mieux connu pour son travail sous le nom de Centre international. Chaque année, des milliers de clients passent chez nous.

• 1620

Le Conseil de la citoyenneté est membre du Conseil canadien pour les réfugiés. Je suis d'ailleurs membre du comité de direction national du CCR, de sorte que je sais quelle est la position que le CCR a présentée à votre comité hier soir sur le projet de loi C-63, et j'appuie cette position. Au lieu toutefois de m'intéresser aux questions qui touchent le CCR et qui, je le sais, vous ont été bien présentées par le CCR, tout comme par d'autres, j'en suis sûr, je préfère vous entretenir de principes généraux et vous présenter d'autres points.

Je ne vais pas parler de critères d'admissibilité, mais plutôt d'objectifs, de processus et de ressources.

Depuis ses débuts, notre organisme soutient que les immigrants devraient obtenir leur citoyenneté canadienne. Il soutient aussi l'importance de bonnes pratiques en matière de citoyenneté, y compris la participation civique des nouveaux arrivants au Canada. Il devrait aller de soi que la santé civique de notre pays dépend de la participation de ses citoyens. Je suis sûr que votre comité est de cet avis. La question est toutefois assez préoccupante pour qu'on ait décidé d'en faire un sujet d'atelier aux rencontres nationales du CCR qui doivent avoir lieu à Halifax le mois prochain.

Pourquoi cette préoccupation? Nous sommes d'avis que l'acquisition de la citoyenneté est quelque chose qu'il faut encourager et pour lequel il faut se préparer. Nous sommes d'avis qu'en même temps qu'on amène les immigrants à adhérer à la citoyenneté canadienne comme valeur, il faut aussi leur inculquer les responsabilités afférentes. Comment s'y prendre pour faire cela? Je crois que c'est par l'éducation que cela doit se faire, et je sais que les ressources sont déjà en place.

Le processus fait toutefois problème. J'ai été à même ces 15 dernières années de constater les changements apportés au processus, et j'ai aussi constaté sa détérioration. Au nom de l'efficience et de la rentabilité, on a sacrifié un processus convenable à un processus médiocre. J'annexe à mon mémoire un article éloquent intitulé «Must Citizenship Classes End?», qui a été rédigé en 1996 par le directeur d'un des services du conseil. L'article décrit essentiellement comment l'éducation s'est développée à Winnipeg et comment elle y a pris fin, après avoir été remplacée par un système de traitement par la poste, un livret très sommaire intitulé «Regard sur le Canada» et un questionnaire comportant 20 questions, auxquelles il est facile de répondre en apprenant les réponses par coeur, et une note de passage de 12.

Ce système ne semble guère compatible avec le communiqué de presse 98-62 du ministère, où on dit que le nouveau citoyen canadien

    sera [...] familier avec les valeurs de la société canadienne puisqu'il aura acquis une connaissance approfondie de son nouveau pays et sera capable de le démontrer [...]

Je trouve cela absurde, étant donné le système que nous avons maintenant en place. Il ne suffit pas de dire qu'il en est ainsi pour qu'il en soit effectivement ainsi.

Le système de traitement par la poste et le délai de traitement escompté d'un mois des demandes de citoyenneté à Sydney ne donnaient pas suffisamment de temps pour suivre des cours de citoyenneté, si bien que la demande pour nos cours a baissé radicalement, comme le dit Mme Yacula dans l'essai annexé à notre mémoire. Par un ironique retour des choses, le délai de traitement des demandes est maintenant passé à dix mois, ce qui est bien pire que le délai de six à huit mois que nous avions autrefois. Ainsi, le processus accéléré dont on vantait les mérites est un échec, et il n'est dorénavant plus possible d'enseigner des cours de civisme. Le seul aspect positif est que le total des droits de citoyenneté perçus par le ministère a doublé, passant de 16 835 000 $ en 1993-1994 à 33 500 000 $ en 1997-1998.

Nous osons espérer que votre comité surveille le nombre de demandes de citoyenneté pour s'assurer que le coût n'a pas un effet de dissuasion. J'espère qu'il n'en est pas ainsi, mais si tel est le cas, ce serait là un signal préoccupant pour un pays qui veut que sa population participe pleinement et légalement au processus de citoyenneté.

• 1625

D'après ce qu'on entend dire, certaines personnes qui n'ont pas la citoyenneté se retrouvent sur les listes d'électeurs et votent sans qu'on conteste leur droit de le faire. Peut-être que la préoccupation que j'ai au sujet de la participation civique devrait céder la place à une préoccupation pour le respect de la loi.

Bref, le processus existant est en contradiction avec les objectifs de mon organisme et avec la soi-disant volonté du gouvernement d'avoir des citoyens informés qui participent à la vie de leur société. Le processus est aussi mal conçu aux yeux de toute personne raisonnable qui s'intéresse à la question.

Il ne s'agit pas d'argent, mais plutôt de bon sens. En fait, les cours de civisme que nous avions l'habitude de donner étaient sans doute un de nos programmes les plus économiques et pourraient sans doute être donnés encore à raison de 20 $ ou 30 $ par personne, à condition d'avoir un nombre assez élevé de participants.

Il faudrait revoir attentivement le processus en vue de réaliser les objectifs du Canada de manière réaliste. Je le répète, ma campagne vise, non pas à ce qu'on dépense de l'argent, mais à ce que le processus se fonde sur le bon sens et sur de véritables objectifs, qui soient autres que ce que semble s'être donné le ministère, à savoir la rapidité, l'échec et l'argent.

Il serait irresponsable d'offrir des critiques sans offrir aussi une solution de rechange. Permettez-moi de dire tout d'abord que je ne vois aucun inconvénient au système de traitement par la poste, dans la mesure où il peut fonctionner à Sydney sans le délai très long qu'on connaît à l'heure actuelle.

Je ne vois aucun inconvénient à la tarification actuelle, dans la mesure où votre comité détermine qu'elle ne réduit pas de façon importante le nombre de demandes de citoyenneté que nous devrions avoir.

Je ne vois aucun inconvénient aux cérémonies entourant l'octroi de la citoyenneté, à condition qu'il y ait une cérémonie à laquelle le nouveau citoyen soit présent. J'ai trop souvent assisté à des cérémonies très belles et très émouvantes pour les déprécier.

Je ne vois aucun inconvénient à la façon dont les juges et les commissaires de la citoyenneté sont nommés ni au rôle qu'ils jouent, à condition que ces personnes aient la compétence voulue et un certain prestige dans la collectivité, comme c'est le cas à l'heure actuelle à mon avis.

J'ai des craintes au sujet du manque d'éducation à la citoyenneté, comme préparation au rôle futur du citoyen informé, engagé et responsable. On peut facilement trouver une solution en changeant la procédure. Si on exigeait que soient suivies des classes de préparation à la citoyenneté—et un certificat à ce sujet pourrait accompagner la demande de citoyenneté—je pense que nous aurions une procédure appropriée. Pour réussir le cours, il faudrait passer un examen à choix multiples.

Quel serait le contenu du cours? La réponse est étonnamment simple. Il y a déjà beaucoup de matériel pédagogique. Bien entendu, des organismes de services comme le nôtre ont depuis des années mis au point et utilisé ce genre de matériel et peuvent fournir des enseignants chevronnés. Mais pour avoir d'excellentes ressources, il n'y a qu'à se tourner vers le ministère du Patrimoine canadien. Ainsi, ce ministère a mis au point un excellent programme intitulé «Modules du Projet de participation civique». On appelle cela les modules PPC. On les a préparés tout récemment, au coût de quelques millions de dollars. Des organismes comme le nôtre ont participé à leur préparation. Nous avons préparé le module sur la santé. L'objectif de ces modules est d'enseigner divers aspects du Canada aux nouveaux arrivants, une fois qu'ils sont devenus citoyens, dans le but de les encourager à participer à la vie de leur communauté.

Cela m'amène à parler des compétences des ministères. Patrimoine canadien, ou le Secrétariat d'État, avait autrefois la responsabilité de la citoyenneté. C'est maintenant celle du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Une importante collection de documents spécialisés ne peut pas, semble-t-il, s'adresser à des candidats à la citoyenneté, mais doit s'adresser aux nouveaux citoyens.

• 1630

D'après un sondage récent, commandé par Patrimoine canadien, pratiquement personne n'utilise cette excellente ressource. Je ne suis pas étonné. La possibilité d'enseigner aux demandeurs de la citoyenneté disparaît dès qu'ils deviennent citoyens. Les modules PPC sont donc mis au rancart dans tout le pays, et, jusqu'ici, l'argent qu'on y a consacré est perdu.

À Winnipeg, en février, nous avons rassemblé trois groupes de discussion dont les membres ont été soigneusement choisis dans nombre de communautés ethnoculturelles de nouveaux arrivants. Chacun a écouté des conférences bien préparées par des enseignants professionnels, pour deux des modules PPC. On leur a demandé de les évaluer. Presque unanimement on nous a dit que c'était de bons documents, mais que le groupe de discussion était composé de citoyens canadiens qui, bien qu'ils soient de nouveaux arrivants au Canada, n'étaient pas l'auditoire cible. Le matériel aurait dû être présenté à des candidats dans les trois premières années de leur arrivée au Canada—avant qu'ils deviennent citoyens, et non, après. N'est-ce pas une situation absurde?

Patrimoine canadien a d'autre matériel d'enseignement utile qu'on peut trouver dans les centres Place du Canada, d'un bout à l'autre du pays. Ces ressources sont là, et il y a un besoin; il faut toutefois une volonté politique pour les réunir.

En terminant, je répéterai qu'il faut réévaluer le rôle de l'éducation à la citoyenneté dans le processus d'acquisition de la citoyenneté. Je pense que l'éducation est un outil utile et pratique pour atteindre des objectifs pratiques et philosophiques. J'espère que vous partagez ce point de vue.

Ce n'est pas une question d'argent. On pourrait même demander aux candidats de payer 25 $, environ, pour un cours en huit volets, réparti sur huit semaines, se terminant par une séance sur la façon de remplir la demande de citoyenneté—cela permettrait d'accélérer le traitement pour Sydney. Les organismes de services aux immigrants de tout le pays pourraient offrir ce service. Je suis convaincu qu'ils feraient bon accueil à cette proposition, parce qu'ils sont très préoccupés par la question de la participation communautaire des nouveaux arrivants, comme on le voit en examinant l'ordre du jour du congrès national du CCR qui aura lieu le mois prochain.

Le gouvernement n'a qu'à considérer l'ensemble de la question et à constater les avantages et la facilité de la mise en oeuvre d'une procédure améliorée. J'espère que c'est ce que votre comité recommandera. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Denton, pour cet exposé très réfléchi. Vous avez certainement touché à l'un des points sensibles de cette question.

Là-dessus, la parole est à M. McNally.

M. Grant McNally: Merci, monsieur le président.

Merci pour votre exposé. Manifestement, la question de la citoyenneté compte beaucoup pour vous. Vous avez présenté d'excellentes idées sur la façon dont on peut remanier l'éducation à la citoyenneté, et vous avez signalé son importance. Vous avez montré combien il serait facile de mettre en oeuvre ces idées. À mon avis, on pourrait avoir quelques réticences à les mettre en oeuvre, pas nécessairement faute de volonté d'agir, mais peut-être à cause de l'énergie et de l'orientation nécessaires pour le faire.

Je me demande comment on pourrait insérer cela dans des articles du projet de loi. Notre tâche consiste notamment à examiner les fondements du projet de loi, ses articles, et la possibilité d'y apporter des amendements ou des changements. Y a-t-il des parties du projet de loi dont vous proposez la modification? Au début, vous avez dit que non.

M. Tom Denton: Non. J'estimais qu'il ne convenait pas que je me mêle des modifications législatives pour l'instant. C'est une question large, qui doit être réglée. On mentionne que les gens doivent connaître le pays quand ils peuvent obtenir l'information.

J'aimerais dire une ou deux choses. D'abord, je ne crois pas que ce serait difficile. Il y a un réseau d'organismes comme le mien, dans tout le pays, qui veulent faire ce genre de choses, si seulement on leur en laisse la chance. Nous avons été évacués du processus par le système d'envoi postal. Autrefois, nos brochures étaient disponibles pour les gens qui se rendaient au comptoir, à Winnipeg, pour faire une demande de citoyenneté. La brochure décrivait nos cours. Elle était gratuite, et presque tous ceux qui venaient au comptoir en prenaient une. Maintenant, nous ne pouvons même pas demander au ministère d'insérer dans son envoi postal la circulaire décrivant nos cours, même si nous avions le temps de les offrir. Il y a un manque de collaboration, de la part du ministère, pour toute cette question.

• 1635

Manifestement, pour le ministère, l'éducation à la citoyenneté n'est plus une priorité, même s'il prétend le contraire dans son petit livret et avec ses 20 questions. Je pense qu'on pourrait le faire facilement. Comme je le disais, le système est en place. Des gens comme moi, dans mon organisme, et des gens du CCR, d'un bout à l'autre du pays, seraient ravis de le faire, sans que cela coûte un sou au gouvernement.

M. Grant McNally: Merci. Ce sont des suggestions pratiques sur la façon de faire.

Côté opérationnel, comment pourriez-vous vous mettre en réseau avec les divers groupes du pays pour que l'information et les cours offerts soient relativement uniformes? Est-ce que les cours sont les mêmes dans chaque région du pays? Sont-ils offerts dans les deux langues officielles? Voilà le genre de questions que je me pose.

M. Tom Denton: Il faudrait certainement une certaine uniformité, mais à une certaine époque, c'est ce qu'on faisait.

M. Grant McNally: Oui.

M. Tom Denton: Je ne sais pas...

M. Grant McNally: Vous avez été évacués du système. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce qui s'est produit, à votre avis?

M. Tom Denton: Oui. C'est à cause de la méthode des envois postaux. Au départ, le processus d'envoi postal était destiné à accélérer les choses à Sydney, pour que le traitement se fasse en un mois, ou certainement en moins de deux ou trois mois.

M. Grant McNally: Vous a-t-on consultés par avance?

M. Tom Denton: Non.

M. Grant McNally: Pensez-vous que c'est un effet inattendu de la procédure, elle-même destinée à rendre le système plus efficace, sans tenir compte du problème qu'on voulait régler au départ?

M. Tom Denton: Sans doute. Nous nous sommes certainement exprimés au sujet de ces problèmes, à l'époque, mais d'après mon expérience avec le ministère, quand une décision a été prise, on pourrait aussi bien crier dans le désert.

M. Grant McNally: Bien. Vous dites donc que votre organisme ne s'est pas du tout senti écouté pour ces projets, même si vous dites que cela n'aurait pas coûté un sou au gouvernement.

M. Tom Denton: C'est exact.

M. Grant McNally: Ce serait... en présumant que vous êtes un organisme à but non lucratif, évidemment.

M. Tom Denton: C'est exact.

M. Grant McNally: Et pourtant, c'est un service dont on n'a pas profité.

M. Tom Denton: C'est exact. Et si on exigeait que le cours soit suivi, on n'aurait même pas à modifier le style des formulaires ou à faire des transactions monétaires pour payer les cours parce que les organismes s'en occuperaient. Cela fonctionnerait simplement sur une base de recouvrement des coûts servant à payer le professeur. Comme je l'ai dit, il existe une foule de documents utiles, dont la plupart est disponible au gouvernement à l'heure actuelle.

M. Grant McNally: Très bien. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Je voudrais vous poser trois questions. Premièrement, est-ce que vous avez pu regarder le serment? Qu'est-ce que cela vous inspire? Quelle est votre appréciation globale du serment?

Deuxièmement, vous êtes un avocat de formation. Je sais qu'on n'a pas tout dit une fois qu'on a dit cela et qu'il y a plusieurs autres facteurs qui vous définissent, mais vous êtes entre autres un avocat, et cela ne pose pas de problème au comité. Que pensez-vous de l'article 43 du projet de loi? Les témoins de ce matin nous ont dit qu'un énorme pouvoir de réglementation était délégué au gouverneur en conseil. Je ne sais pas si vous avez le projet de loi; sinon, on pourra vous en acheminer une copie. Donc, beaucoup de témoins ont attiré notre attention sur l'énorme pouvoir de réglementation et de définition qui sera confié au gouverneur en conseil. Il pourra définir la notion de «conjoints», les frais à acquitter et ainsi de suite. Bref, il aura des pouvoirs autant quant à des considérations de nature administrative que quant à des considérations de définitions qui sont au centre du projet de loi. Je ne sais pas si vous avez pu regarder cela.

• 1640

Dans votre intervention, vous avez dit qu'il fallait atteindre des buts philosophiques et politiques par le biais de la Loi sur la citoyenneté. J'aimerais que vous élaboriez sur ce que vous aviez à l'esprit quand vous avez fait cette déclaration.

[Traduction]

M. Tom Denton: Ce sont trois questions. Tout d'abord, en ce qui concerne le serment, cela est peut-être dû à mon âge, mais je préfère ne pas débattre de cette question et je préfère une solution du gouvernement qui fait le moins de vagues possible. Je pense que c'est selon toute apparence ce qu'il a fait.

En fait, il m'importe peu que l'on mentionne Sa Majesté ou non. Je pense qu'à ce stade il faudrait recommander la formule qui cause le moins de controverse, mais qui permet d'obtenir un serment acceptable à long terme. Donc je suis satisfait de la solution apparente, ou de la solution de compromis, qui semble implicite de manière à éviter que la Ligue monarchiste ne s'énerve trop à ce sujet. J'adopte une attitude pragmatique à cet égard.

En ce qui concerne l'article que vous avez mentionné, pour ce qui est de savoir si les pouvoirs du Cabinet sont trop vastes, le CCR estime qu'ils le sont. Pour ma part, je n'en suis pas aussi sûr, car je crois qu'on a tendance, lorsque l'on adopte de nombreux projets de loi, à essayer de répondre à un trop grand nombre de questions détaillées. Je pense que nous devons faire confiance jusqu'à un certain point au processus politique qui permet de prendre des décisions pratiques et justes et ne pas tâcher de définir les moindres nuances au moyen d'un texte de loi ou de règlements découlant d'une loi.

Si on prend par exemple la Loi sur l'immigration, plus nous la modifions, plus nous resserrons ses dispositions et moins nous avons de souplesse. C'est comme si la bureaucratie voulait faire en sorte que la loi propose des réponses faciles, et je pense qu'il y a certains cas où il est utile d'avoir une certaine souplesse. Est-ce que cela vous aide? C'est mon opinion.

Quelle était la troisième question?

[Français]

M. Réal Ménard: Vous avez dit qu'il fallait atteindre des buts philosophiques par le biais de la Loi sur la citoyenneté.

[Traduction]

M. Tom Denton: Je n'ai pas dit philosophique et politique; j'ai dit philosophique et pratique. Je pense que sur le plan philosophique, je tiens bien sûr à ce qu'on ait un processus qui assure la participation des citoyens. Je pense que c'est une bonne chose pour la santé générale du pays. J'ai toujours trouvé étonnant que le pourcentage de gens qui participent aux élections nationales ou présidentielles aux États-Unis, malgré tout le battage médiatique qui les entoure, est habituellement de 45 ou 50 p. 100, tandis qu'au Canada notre taux de participation aux élections nationales est habituellement de 75 à 78 p. 100. Je n'en connais pas la raison, mais je ne voudrais pas que cela disparaisse.

[Français]

M. Réal Ménard: Pour ajouter à votre culture démocratique, je dirai que lors du dernier référendum au Québec, en 1995, 97 p. 100 des gens ont voté. Je suis sûr que vous partagez mon enthousiasme face à une démocratie aussi agissante.

• 1645

[Traduction]

M. Tom Denton: Je pense que c'est formidable. Nous avons fait ce qu'il faut dans notre pays, mais au fur et à mesure que de plus en plus de gens se joignent à nous de différentes parties du monde, où n'existent peut-être pas les mêmes traditions démocratiques, je tiens à ce que nous continuions à maintenir ces valeurs en les enseignant aux nouveaux arrivants par le biais d'une formation à la citoyenneté.

Le président: Très bien, monsieur Ménard.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier de votre exposé. Vous avez réussi à survivre pendant cinquante et un ans, ce qui est très long, et à vous épanouir.

J'imagine que toutes sortes de gens suivent ces cours, que ce soit quelqu'un qui vient d'un pays démocratique comme le Danemark ou quelqu'un qui fait partie de ceux qu'on a appelés les réfugiés de la mer. De toute évidence, les expériences de vos étudiants sont diverses.

Pouvez-vous m'expliquer aussi comment votre programme est utile pour la préparation à la vie active?

M. Tom Denton: D'abord, je me dois de mentionner que, comme les gens que nous accueillons parlent toute une diversité de langues, les enseignants associés au programme dans le passé—et n'oubliez pas que ce n'est pas le cas maintenant—étaient en mesure d'enseigner l'anglais langue seconde, dans notre cas, ou encore le français, langue seconde. Ils ont l'expérience nécessaire pour travailler avec des gens dont la langue maternelle n'est pas l'anglais, et le programme est structuré en conséquence.

D'ailleurs, nous avons tenu compte de cette réalité lors de l'élaboration, de concert avec Patrimoine Canada, des modules de l'Initiative de participation des citoyens dont j'ai parlé dans mon exposé. Nous sommes donc sensibles à cette réalité. Cependant, le programme d'études met surtout l'accent sur l'histoire, la géographie, les systèmes politiques, les trois ordres de gouvernement et leur interaction au Canada—ce genre de choses. On a mis l'accent surtout sur l'instruction civique.

L'un des modules de l'IPC sur lequel nous travaillons maintenant concerne le système de justice. Il y a aussi le bénévolat, et il est bon d'en faire mention, puisque c'est la semaine du bénévolat au Canada. Je pense que si l'on veut inculquer aux gens des valeurs canadiennes on doit leur parler du bénévolat, puisque j'ai constaté tout au long des nombreuses années où j'ai travaillé avec des gens d'autres régions du monde qu'ailleurs c'est bien moins courant de se dévouer bénévolement à la collectivité comme ce l'est au Canada. C'est un autre module qui sera bientôt disponible. Cela représente énormément de matière.

Mais nous ne parlons pas exactement de ce que nous enseignons aux immigrants pour les aider à s'intégrer à la vie au Canada. C'est un programme d'études totalement différent, mais c'est le genre de choses dont nous traitons couramment. Quand je parle de la participation des citoyens, je déborde ce cadre-là.

M. Andrew Telegdi: Vous avez dit que ces classes devraient être offertes par les groupes qui travaillent avec les nouveaux citoyens et qui les aident à s'intégrer à la vie de la collectivité.

Plus tôt, nous avons reçu la directrice générale du Centre multiculturel de Kitchener-Waterloo.

M. Tom Denton: Je la connais.

M. Andrew Telegdi: Elle a présenté des arguments très convaincants sur les commissaires, la sensibilité culturelle et ce que certains vont comprendre. Elle a cité l'exemple d'un Serbe de l'ex-Yougoslavie. Il refusait d'apprendre les noms des partis d'opposition sous prétexte que c'est justement la raison pour laquelle il se retrouvait réfugié ici, parce qu'il avait voulu se renseigner sur les partis d'opposition dans son pays et les avait peut-être même fréquentés.

C'est là un élément très important si nous voulons aider les néo-Canadiens. Je me demande s'il ne serait pas possible d'offrir ces cours plus tôt après l'arrivée des réfugiés.

• 1650

M. Tom Denton: L'une des difficultés, c'est que quand les gens arrivent... comment savoir qui arrive? Il y a des années, notre organisme, par exemple, invitait tous les nouveaux immigrants à Winnipeg à venir prendre le café le samedi matin. Il y avait une petite cérémonie, et les Canadiens rencontraient les nouveaux arrivants. Cela a fonctionné fort bien pendant de nombreuses années. Toutefois, depuis qu'il est question de la protection des renseignements personnels, on ne peut plus nous révéler l'identité de ceux qui arrivent. Auparavant, nous obtenions tout simplement la liste et nous leur envoyions des invitations. On ne peut plus faire cela à cause des règles sur la protection des renseignements personnels. Et il y a une limite au nombre de brochures qu'on peut laisser dans les aéroports dans l'espoir que quelqu'un les prendra.

Voilà pourquoi nous avons davantage de contacts avec les réfugiés parrainés par le gouvernement, parce que le gouvernement les dirige vers nous, et nous les logeons dans notre centre d'accueil pendant quelque temps et leur enseignons comment se débrouiller au Canada. Le seul problème, c'est que l'expérience nous a appris que nous faisions du meilleur travail quand ces gens étaient avec nous pendant 21 jours. Certains restaient un peu plus longtemps parce que leur logement n'était pas prêt. D'autres repartaient plus rapidement. Nous avions conçu un cours qui durait environ 21 jours. Ce que nous faisions n'avait rien d'unique. À ma connaissance, on offrait le même service dans d'autres villes de l'Ouest canadien.

Maintenant le gouvernement a décidé qu'il suffit de 13 heures et a décidé de réduire la durée du séjour au centre d'accueil dont il assure les frais, la ramenant à 10 jours dans le cas de Winnipeg. C'est quasiment impossible. Dans toute période de 10 jours il y a habituellement quatre jours de fin de semaine et peut-être même un jour férié. Les contraintes sont telles qu'il nous est quasiment impossible de faire les choses que nous aimerions faire et que nous faisions dans le passé. Maintenant nous devons brasser les papiers, leur montrer où ils logeront, comment meubler leur appartement, et salut la compagnie; tout cela à la va-vite.

J'ai constaté qu'une fois les gens installés, il est très difficile de les convaincre de prendre des cours d'éducation aux adultes, pour ainsi dire. C'est très difficile. Voilà pourquoi Patrimoine Canada a essuyé un échec avec ces modules de l'Initiative de participation des citoyens. Ils sont très bien, mais personne ne s'en sert, parce que personne ne vient nous voir pour entendre ce genre de choses. Les gens veulent vivre leur vie, et quand ils arrivent ici comme immigrants ils ont beaucoup à faire. C'est donc une belle occasion qui se perd.

Je pense que les propositions sur la citoyenneté dont nous parlons ici aujourd'hui vous donnent la possibilité de les ramener à vous. Je ne suis pas naïf au point de croire qu'un programme de six ou huit leçons réglera tous les problèmes et permettra d'enseigner aux gens tout ce qu'ils doivent savoir, mais c'est un début et c'est plus que ce qui se fait maintenant. Nous pouvons élaborer un programme d'études aussi ciblé que possible, aussi complet qu'il le faut, et c'est un début. À l'heure actuelle, il ne se fait rien du tout.

M. Andrew Telegdi: Merci.

Le président: Merci, monsieur Denton. J'aimerais poser quelques questions sur les cours de citoyenneté que l'on songe à offrir. Est-ce bien nécessaire? Croyez-vous qu'il faille une procédure d'agrément pour éviter que ne se multiplient les classes et les écoles dans tout le pays où nous perdrions le contrôle de la qualité? Si je vous pose cette question, c'est que je me souviens, dans le contexte de ce que vous nous avez dit du Manitoba, que les enseignants à l'époque étaient agréés. Voulez-vous que nous rétablissions cette procédure d'agrément pour garantir la qualité des cours, si nous décidons de les offrir de nouveau?

• 1655

M. Tom Denton: Oui, je crois que cela serait assez facile à faire. Je suis d'accord pour dire que les enseignants doivent être agréés. Il faut aussi que le contenu du cours soit approuvé. Mais je ne crois pas que cela soit terriblement difficile à faire, parce qu'il y a des organismes communautaires qui poursuivent les mêmes buts que le gouvernement.

Je crois que tous les intéressés souhaitent que nous atteignions le même objectif, tout comme nous souhaitons des normes nationales pour l'établissement, et nous avons des comités qui s'occupent de cela. Nous souhaitons faire le meilleur travail possible; c'est notre raison d'être. Vous constaterez, je crois, que si les organisations communautaires et le gouvernement réussissent à travailler dans un esprit de partenariat, ce ne sera pas trop difficile à faire.

Le président: Quand vous parlez de partenariat avec le gouvernement, incluez-vous les gouvernements fédéral et provinciaux?

M. Tom Denton: Ce n'est pas un domaine de compétence provinciale mais bien fédérale. Nous parlons maintenant de citoyenneté.

Le président: C'est un fait. Or, les provinces profiteraient immédiatement des effets positifs de ces cours. Autrement dit, ces cours sont aussi dans leur intérêt.

M. Tom Denton: Oui.

Le président: Et d'ailleurs les provinces ont des ministères de la Citoyenneté.

M. Tom Denton: C'est exact.

Le président: C'est donc une raison qui justifierait une coopération fédérale-provinciale.

M. Tom Denton: Oui, c'est exact. Ce ne serait pas du tout un problème au Manitoba. En matière d'immigration au Manitoba, il y a quasiment une cité-État: Winnipeg. Comme vous le savez, ce n'est pas très grand, et nous travaillons très bien ensemble. Je ne sais pas comment les choses se passeraient dans les grandes provinces comme l'Ontario.

Le président: Et dans le cadre de cette proposition vous croyez que les bénévoles ont toujours un rôle à jouer.

M. Tom Denton: Absolument.

Le président: Quand vous parlez de ces cours, prévoyez-vous qu'il faudra davantage de salles de classe, de fournitures, de livres, etc.? Vous avez parlé de la disponibilité du matériel pédagogique, et donc vous calculez le coût pour le minimum.

M. Tom Denton: Vous voyez, bon an mal an, environ 3 000 personnes obtiennent leur citoyenneté à Winnipeg. Si chacune payait 25 $ pour suivre le cours, cela représente 75 000 $. Cela permet de couvrir les frais des enseignants, du matériel pédagogique. Ce n'est pas un problème.

Le président: Iriez-vous jusqu'à dire que ce serait une façon d'éviter l'épineuse question des exigences linguistiques?

M. Tom Denton: Eh bien, en un sens oui, parce qu'il serait quasiment impossible de suivre le cours sans connaître l'anglais ou le français.

Le président: Ainsi, ce serait naturel que la connaissance de l'une des deux langues officielles...

M. Tom Denton: Je pense qu'il faut être sensible aux problèmes spéciaux que pourraient avoir les immigrants âgés, notamment en ce qui a trait aux connaissances linguistiques. Je crois qu'il serait inévitable de prévoir des exceptions. Je crois toutefois que pour la majorité des gens ce serait une formule qui fonctionnerait bien.

Le président: Quant à la protection des renseignements personnels, si la liste des demandeurs vous était transmise, serait-il difficile de protéger les renseignements personnels de ceux dont les noms figureraient sur la liste s'il y avait des classes ou des mini-écoles agréées? Autrement dit, si les noms devaient être rendus publics ils ne le seraient qu'à une fin bien précise, dans ce cas-ci pour les avis d'information relatifs aux cours de citoyenneté.

M. Tom Denton: Je ne crois pas que la question de la protection des renseignements personnels se pose ici. Si les gens sont tenus de suivre un cours pour obtenir un certificat à joindre à leur formulaire de demande, la protection des renseignements personnels n'entre pas en ligne de compte.

Quand j'ai parlé de la protection des renseignements personnels, je faisais allusion au fait qu'auparavant nous pouvions communiquer avec les nouveaux immigrants pour les inviter à participer à une activité sociale. C'était autre chose.

Le président: Je vois.

Je suis heureux de noter, et ce n'est pas la première fois que je vous l'entends dire, qu'au moment où les droits étaient imposés, les utilisateurs ne se sont pas opposés à l'imposition de droits minimes. J'y ai vu un signe encourageant...

M. Tom Denton: Vous voulez dire pour les cours de citoyenneté.

Le président: Oui.

• 1700

M. Tom Denton: Non, c'est exact.

Le président: Toutefois, vous avez dit aujourd'hui que le coût pourrait dissuader les immigrants de demander la citoyenneté. Vous êtes d'avis que nous devons suivre cela de très près.

M. Tom Denton: Oui.

Le président: Êtes-vous en mesure de le vérifier?

M. Tom Denton: Vous voyez, je ne connais pas la réponse à cette question. De temps en temps j'entends parler de familles qui ne demandent pas leur citoyenneté parce que c'est trop cher, mais je ne sais pas si cela représente un nombre statistiquement significatif. J'imagine que votre comité pourrait obtenir la réponse du ministère, qui pourrait vérifier le nombre de demandes de citoyenneté en proportion du nombre d'immigrants arrivés depuis trois ou quatre ans, et comparer les chiffres d'une année sur l'autre.

Si vous constatez qu'il y a eu une importante diminution du nombre de demandes de citoyenneté, alors je pense qu'il y a un problème. Par contre, s'il n'y a pas d'importante diminution, alors il n'y a pas de problème. Il me semble qu'à votre place je voudrais le savoir.

Le président: M. McNally a mentionné l'endroit dans le projet de loi où vous voudriez insérer cette proposition. Vous n'avez pas voulu nous en dire plus. Est-ce que cela ne pourrait pas être l'une des responsabilités ou attributions qui pourraient être assignées à ce commissaire à la citoyenneté que prévoit le projet de loi?

M. Tom Denton: Je ne crois pas que l'on ait besoin de faire cela. Je sais qu'autrefois les juges de la citoyenneté avaient pour habitude de poser des questions aux gens. Je pense que cela avait une certaine valeur dans la mesure où les gens entraient en contact avec le juge, et c'était probablement une expérience positive pour beaucoup de gens, mais je ne pense pas que c'était nécessaire pour ce qui était de mesurer leur connaissance du Canada. Je pense que ce n'était pas très sérieux.

Le président: Il ne s'agirait pas tant pour le commissaire de mesurer cela, mais de voir plutôt s'il n'y a pas des attributions que l'on pourrait assigner à ces types de classes, de temps à autre, pour que nous puissions assurer la qualité de l'ensemble du système.

M. Tom Denton: Eh bien, peut-être, mais je pense que cela pourrait se faire au niveau du ministère.

Le président: Merci beaucoup.

Les membres du comité ont-ils d'autres questions? Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Oui, j'aimerais poser une petite question.

Je tiens à vous remercier pour cet exposé très bien fait. J'ai pris grand plaisir à vous écouter.

Vous avez fait dans votre allocution liminaire une observation que nous avons entendue au moins une fois de la part d'autres témoins. Si je vous ai bien compris, vous disiez que la citoyenneté doit être plus qu'un simple bout de papier. Un autre témoin a établi une analogie avec l'acte de mariage, qui est beaucoup plus qu'un simple bout de papier et dont la signification est considérable. Si c'est donc plus qu'un bout de papier et plus que le droit de vote, je pense que cela renforce beaucoup votre position lorsque vous dites qu'il faut faire comprendre cela aux diverses catégories de citoyens et les aider à bien voir l'honneur, le privilège et l'obligation qui sont assortis au fait d'être citoyen. Sur ce point, je suis tout à fait d'accord avec vous.

Au sujet des chiffres que vous avez mentionnés—16 millions de dollars en 1993-1994 en droits, et 33 millions de dollars en 1997-1998—dans quelle mesure a-t-on augmenté les droits au cours de cette période?

M. Tom Denton: Je pense que c'est passé de 80 $ à 200 $.

M. Pat Martin: C'est 200 $ en ce moment?

M. Tom Denton: Oui.

M. Pat Martin: À mon avis, cela pourrait être un obstacle pour certaines personnes. Si on ne leur dit pas que la citoyenneté, c'est plus qu'un bout de papier et le droit de vote, ils vont alors y penser à deux fois avant de dépenser 200 $ de plus.

M. Tom Denton: Oui, c'est exact.

M. Pat Martin: Particulièrement après tous ces droits qu'ils ont eus à payer en venant au Canada: la taxe d'établissement et tout le reste.

J'imagine que ce qui m'alarme le plus, et ce sur quoi je veux vous entendre, a trait au travail que vous dites accomplir au niveau de l'établissement, pour lequel votre centre d'accueil touchait du financement pour 21 jours, et une autorité quelconque a décidé que 13 heures de temps de contact et 10 ou 14 jours sont suffisants pour l'établissement. Avez-vous calculé combien on a économisé en limitant ainsi votre financement? Combien d'argent vous en coûtera-t-il pour offrir le service que vous offriez avant?

• 1705

Je tiens à déclarer que nous reconnaissons tous dans la ville de Winnipeg la contribution précieuse du Centre international, et je tiens à dire franchement que mon bureau y a souvent eu recours jusqu'à présent. Avez-vous une idée de ce qu'il vous en coûterait pour offrir ces services que vous offriez avant, pour être aussi efficaces que vous l'étiez?

M. Tom Denton: Bien sûr. Nous avons subi l'effet de ce changement la première année, lorsque nous avons été coupés à 14 jours, puis nous avons été coupés à 10 jours. Nous avons perdu au total plus de 300 000 $, à savoir une part importante des crédits que nous recevions pour nous occuper de l'un des plus gros groupes de réfugiés assistés par le gouvernement au Canada. Nous en recevons 540 à Winnipeg.

Il est intéressant que vous souleviez ce point, car il y a un autre phénomène qui vous est sans doute à tous très familier. La fermeture du service au comptoir dans les CIC à l'échelle du pays, pour le remplacer par des numéros sans frais et l'envoi d'informations par la poste, a complètement transformé notre bureau et les autres bureaux qui remplissent les mêmes fonctions que nous à l'échelle du pays, de même que vos bureaux de circonscription, car vous et nous avons été projetés aux premières lignes pour traiter des questions d'immigration. Ainsi, le gouvernement a sans doute réalisé des économies en fermant ces comptoirs-là et en procédant autrement pour la prestation de services, mais cela signifie que des quantités de gens se présentent désormais en conséquence à notre bureau et aux vôtres également, je pense. Y a-t-il eu véritable économie alors?

Quant à nous, de plus en plus de gens entrent dans nos bureaux, et on ne nous aide absolument pas financièrement pour la prestation de tout ce nouveau service. Pour ajouter l'injure à l'insulte, les subventions que nous recevons ont diminué de 300 000 $ au fil des ans. C'est épouvantable.

Le président: Là-dessus, nous mettons un terme à cette partie de nos délibérations.

Merci encore, monsieur Denton, de votre exposé très bien pensé.

M. Tom Denton: Merci.

Le président: J'invite maintenant M. Davis et M. Trister à prendre place.

Il est inusité que deux avocats se trouvent à la barre des témoins.

M. Réal Ménard: C'est la deuxième fois. Cela ne vous rappelle pas quelque chose?

Le président: Je pense que oui.

Nous tenons à souhaiter officiellement la bienvenue à nos deux témoins, qui prendront part à cette partie de nos délibérations, l'étude du projet de loi sur la citoyenneté. Nous sommes impatients de vous écouter. Qui va commencer?

Maître David H. Davis (président, Manitoba Immigration Lawyers' Section; membre, Coalition d'organisations non gouvernementales): Je vais commencer.

Le président: Monsieur Davis.

Me David Davis: Merci beaucoup. Je suis ravi d'être ici, et je vous remercie encore une fois de me donner l'occasion de comparaître.

Tout d'abord, je tiens à préciser qui je représente. M. Trister et moi-même sommes des avocats spécialistes en matière d'immigration. Nous représentons une coalition d'organisations non gouvernementales qui regroupe notamment le Conseil canadien de mutation d'employés, le Conseil national des Canadiens chinois, la Yee Hong Community Wellness Foundation, la Buddhist Light International Association, la Chambre de commerce du Canada, le Congrès juif canadien et l'Organisation des conseillers professionnels en immigration.

Vous avez entre les mains un synopsis de notre mémoire que j'ai envoyé à la greffière il y a une semaine. J'espère qu'il a été traduit. Je vais le lire en guise de remarques liminaires.

M. Réal Ménard: Avons-nous une version française?

Le président: Oui, vous avez le texte dans les deux langues.

M. Réal Ménard: Deux langues? Quel merveilleux pays.

Me David Davis: Voulez-vous que j'attende quelques secondes pendant qu'on distribue le mémoire?

M. Réal Ménard: Il est toujours utile de pouvoir se reporter à un texte.

• 1710

Me David Davis: Assurément.

Le président: Allez-y, monsieur Davis.

Me David Davis: Il y a essentiellement quatre questions auxquelles notre groupe a réduit le sujet. Tout d'abord, le droit d'appel.

Le projet de loi C-63 propose qu'une décision de la Cour fédérale concernant la révocation de la citoyenneté soit définitive et non susceptible d'appel. Les personnes touchées n'auraient aucun recours, ce qui est injuste et viole les règles de la justice naturelle. Sauf pour les cas de crime de guerre, on devrait pouvoir en appeler à la Cour fédérale des décisions prises par la Section de première instance de la Cour fédérale.

En vertu de la Loi sur l'immigration, un résident permanent dans des circonstances similaires aurait un recours. Il est donc inacceptable qu'une personne dont la fausse déclaration, innocente ou non, est découverte après des années de résidence et l'acquisition de la citoyenneté soit dans une position moins favorable qu'une personne dont la fausse déclaration est découverte alors qu'elle a le statut de résident permanent.

La législation propose que les enfants d'une personne dont la citoyenneté a été révoquée ou annulée aient eux-mêmes leur citoyenneté révoquée ou annulée—et cela est prévu au paragraphe 16(4) du projet de loi. D'après notre interprétation, cette disposition pourrait s'appliquer à des enfants adultes qui sont des citoyens canadiens depuis des années. Il s'agit d'une mesure punitive et injuste. Les enfants ne devraient pas être pénalisés pour les actions de leurs parents.

Les décrets devraient être susceptibles d'appel, et le ministre ne devrait pas être habilité à renverser des décisions.

Les exigences concernant la résidence sont à notre avis sans doute les questions les plus importantes du projet de loi—en l'occurrence les alinéas 6(1)b) et 2(2)c). Le projet de loi redéfinit les critères d'obtention de la citoyenneté pour ceux qui ont fait du Canada leur pays d'adoption. De l'avis du gouvernement, les résidents permanents qui obtiennent la citoyenneté auront fait la preuve de leur engagement profond à l'égard du Canada, et cet engagement n'est possible que si les personnes se trouvent effectivement au pays.

L'inclusion d'une exigence de résidence vise à empêcher ceux qui ne désirent pas faire du Canada leur résidence permanente de pouvoir jouir des droits et privilèges associés à la citoyenneté. Cette exigence impose toutefois un fardeau indu aux résidents permanents qui ont élu domicile au Canada, mais qui, pour des raisons souvent indépendantes de leur volonté, sont incapables d'y satisfaire. Il pourrait s'agir par exemple de chercheurs, de professeurs et de gens d'affaires travaillant à l'étranger pour des sociétés canadiennes.

Alors qu'une personne admise au Canada à des fins de résidence permanente en vertu de la Loi sur l'immigration devient un résident de fait du Canada, le projet de loi C-63 impose un critère plus rigoureux pour un résident permanent qui veut obtenir la citoyenneté. Le gouvernement devrait laisser tomber l'exigence de la présence effective de cinq ans en tant que fondement unique de l'octroi de la citoyenneté. La présence effective ne devrait pas se substituer à un engagement à l'égard du Canada et à une compréhension des droits et obligations de la citoyenneté canadienne.

Comme solution de rechange, on pourrait avoir une exigence à trois paliers. Le premier palier, par exemple, serait la présence effective pendant trois ans. Le deuxième palier, la résidence habituelle pendant cinq ans. Le troisième palier, l'absence pour raisons impérieuses, mais avec démonstration d'intérêts canadiens probants.

Il y va de l'intérêt du Canada de faciliter la concrétisation des intérêts commerciaux internationaux de ses immigrants, pour autant que ces intérêts concordent avec ceux du Canada. En effet, le Canada peut y gagner économiquement s'il s'emploie à établir une cohérence progressive avec les ententes commerciales internationales ainsi qu'à réduire la paperasserie relative à la mobilité de la main-d'oeuvre et aux qualifications professionnelles, car il créera ainsi davantage de possibilités d'investissement international. Voilà comment réussissent sur le marché international les économies avancées.

Si on adopte une exigence de présence effective, elle ne devrait pas être appliquée avant que les entrées et les sorties des immigrants puissent faire l'objet d'une vérification fiable. La possibilité d'utiliser les dossiers scolaires et les affidavits des employeurs pour confirmer la présence effective n'est pas réaliste, puisque, même si ces documents peuvent confirmer la résidence, ils ne pourraient pas vérifier la présence effective au jour le jour. Une méthode plus fiable serait l'utilisation d'une carte électronique de résident permanent. Permettez-moi d'ajouter qu'un représentant du gouvernement fédéral nous a rendu visite à Winnipeg au mois d'octobre et a proposé le recours à cette carte de résident, dont on envisage l'utilisation d'ici un an ou deux. Il ne devrait pas y avoir de limite pour la période servant au calcul du temps de résidence.

• 1715

Nous allons aborder maintenant la troisième question, qui concerne l'article 8 sur l'adoption. Il est logique d'accorder la citoyenneté canadienne aux enfants adoptés. Par contre, le C-63 devrait être amélioré grâce aux cinq éléments suivants.

Tout d'abord, les agents de la citoyenneté au Canada et les agents des visas à l'étranger devraient être habilités à traiter et à approuver les adoptions d'enfants dans d'autres pays par des Canadiens, comme c'est le cas maintenant pour les enfants naturels de citoyens canadiens.

Deuxièmement, tout déni de la citoyenneté canadienne à un enfant adopté devrait pouvoir faire l'objet d'un appel à la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Troisièmement, le projet de loi limite l'octroi de la citoyenneté aux enfants adoptés après la mise en vigueur de la mesure. Les dispositions sur l'adoption devraient couvrir les cas déjà en traitement.

Quatrièmement, l'exigence voulant que l'adoption soit valide au lieu de résidence des citoyens qui adoptent n'est pas nécessaire. La seule exigence devrait être que l'adoption soit valide dans le pays où elle s'est produite.

Cinquièmement, toute décision d'octroyer la citoyenneté canadienne à des enfants adoptés devrait être considérée comme une décision administrative fondée sur une ordonnance officielle d'adoption et une lettre de non-objection venant de la province.

En terminant, nous allons parler de la quatrième question, celle de la rétroactivité, qui figure au paragraphe 55(1) du projet de loi. Le projet de loi prévoit que les demandes de citoyenneté non réglées avant l'entrée en vigueur de ces dispositions soient traitées en fonction de la nouvelle loi. L'application rétroactive est inopportune et injuste pour les personnes qui ont déjà présenté une demande, et c'est aussi en contradiction avec la loi. Les nouvelles dispositions de la Loi sur la citoyenneté au Canada devraient s'appliquer seulement aux demandes présentées après sa mise en vigueur.

Voici deux affaires qui ont été entendues à la Cour suprême du Canada et qu'il est intéressant de signaler: Angus c. Sun Alliance Insurance Co., 1988, no 2, Rapports de la Cour suprême, page 256; et R. c. Stevens, 1988, 41 Affaires pénales canadiennes, troisième à 193—dans les deux cas à la Cour suprême du Canada.

Voilà qui termine nos remarques liminaires. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Davis.

Monsieur Ménard, vous avez la parole.

[Français]

M. Réal Ménard: C'est avec plaisir que je vous retrouve. Je ne sais pas si vous avez eu accès à la trousse d'information qui a été remise aux députés concernant l'explication du projet de loi article par article. Je voudrais vous lire un paragraphe concernant la demande de résidence:

    Afin de permettre d'accumuler les trois ans de présence effective, la période de référence passe de quatre ans à cinq ans; ainsi, cela facilitera la situation des personnes devant s'absenter fréquemment des pays comme, par exemple, les gens d'affaires.

J'ai de la difficulté à penser qu'il faut abandonner complètement le critère de présence effective au Canada. Vous dites qu'une carte électronique permettrait peut-être de faire de véritables vérifications, mais quelle est, selon vous, la rationalité d'abandonner complètement la présence effective, d'autant plus qu'il me semble qu'on donne la chance au coureur? Il ne faut pas avoir demeuré cinq ans au Canada. Dans votre exposé, vous semblez dire qu'il faut y avoir demeuré cinq ans, mais ce n'est pas la règle. C'est trois ans au cours des cinq dernières années, ce qui m'apparaît raisonnable. En tant que parti de l'opposition, on n'est pas là pour faire la promotion du projet de loi, mais honnêtement, cela m'apparaît raisonnable.

[Traduction]

Maître Ben Trister (membre, Coalition d'organisations non gouvernementales): Notre position est la suivante: nous acceptons l'exigence de présence effective pendant trois ans sur cinq, en principe. Nous pensons qu'il est important que les candidats à la citoyenneté prouvent leur engagement à l'endroit du Canada, et dans la vaste majorité des cas, dans 95 p. 100 des cas, les gens n'auront pas de mal à respecter cette exigence.

• 1720

Parmi nos inquiétudes concernant l'imposition dorénavant d'une exigence de présence effective, la principale tient au fait que suivant le régime actuel, où il suffit d'être un résident habituel, les gens n'ont pas de balise. Si nous ne pouvons pas suivre leur déplacement vers l'étranger et leur retour au Canada, ce que nous ne pouvons pas faire, les gens seront portés à mentir, et cela va jeter le discrédit sur notre gestion du régime de citoyenneté. Nous savons ce qui se passe. Nous savons par exemple que les gens vont à Buffalo et ensuite traversent la frontière. Ils vont donc prendre un avion jusqu'à Buffalo et ensuite une voiture parce qu'ils savent que cela leur évitera l'estampillage de leurs documents.

Il est tout à fait louable de vouloir imposer une exigence de présence effective, mais tant que l'on ne pourra pas prouver que les gens sont de fait demeurés au Canada ou en sont partis, cela ne va faire qu'accentuer les complications qui existent déjà. Ce sont seulement les honnêtes gens que l'on va attraper, qui ne vont pas mentir, et cela leur occasionnera des difficultés supplémentaires que les gens malhonnêtes n'auront pas à subir.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous n'êtes pas contre le principe, mais vous souhaitez qu'on ait de véritables contrôles sur la présence effective et, pour arriver à ces contrôles, vous proposez un moyen électronique, soit la carte électronique.

[Traduction]

Me Ben Trister: Je vois. Dans la plupart des cas, c'est vrai.

Je voudrais revenir sur votre autre question concernant l'opportunité d'imposer une période de cinq ans... c'est-à-dire trois ans sur cinq ans sont-ils suffisants? Nous connaissons quelques cas de gens qui travaillent pour des compagnies canadiennes, qui n'ont aucun lien avec leur pays d'origine, dont les familles sont ici, dont les bureaux sont ici, dont les emplois sont ici, et qui versent des impôts comme n'importe quel résident ordinaire du Canada sur les revenus qu'ils gagnent à l'échelle mondiale et qui ne pourront jamais être admissibles à la citoyenneté canadienne si cette exigence de trois ans sur cinq est maintenue.

Il y a eu un article qui a paru dans le Globe and Mail, de sorte que c'est du domaine public, concernant une personne du nom de Joe Danni, de Placer Dome. C'est un Américain qui est venu s'installer ici et est devenu résident permanent. Il voyage de par le monde pour une société dont le chiffre d'affaires se calcule en plusieurs milliards de dollars et qui a son siège social ici au Canada, et il s'occupe des intérêts de cette société dans diverses mines. Son seul bureau est situé ici, et c'est son travail. Ces règles lui interdiraient d'obtenir la citoyenneté.

Nous proposons une chose toute simple, car nous comprenons très bien que le gouvernement veut pouvoir vérifier administrativement si les exigences sont respectées et économiser de l'argent lors de l'examen des candidatures. Pour les gens qui sont dans ce cas-là, il faut reconnaître que la citoyenneté est essentielle. Nous préconisons que, s'ils versent des impôts en tant que résidents canadiens sur un revenu touché à l'étranger pendant cinq ans, on devrait leur accorder la citoyenneté. La démarche administrative est facile, et l'objectif est atteint.

Les employeurs s'inquiètent que leurs employés écourtent la durée de leur séjour à l'étranger pour le compte de la société ou bien refusent d'être mutés. J'ai un client qui vient d'envoyer quelqu'un en Amérique du Sud. Les gens sont déplacés sur une base hebdomadaire. Les résidents permanents hésiteront à accepter des postes à l'étranger, car cela signifie une absence d'une année ou deux. Ils hésiteront à accepter ces postes.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous êtes un jeune avocat. Depuis combien de temps pratiquez-vous le droit de l'immigration?

[Traduction]

Me Ben Trister: Dix ans.

[Français]

M. Réal Ménard: Déjà 10 ans! Vous avez l'air tellement jeune. C'est confondant. Est-ce que la majorité des gens que vous rencontrez appartiennent à cette réalité de la mondialisation d'un travail à l'extérieur ou dans la ville de Toronto? Est-ce qu'on ne peut pas penser que la majorité des gens dont on parle sont des gens qui ont une présence effective au Canada et qui ne sont pas dans la mouvance internationale? Dans votre pratique, quelle est la proportion de ceux qui pourraient satisfaire à ce critère-là et celle de ceux qui ne pourraient pas y satisfaire en raison d'obligations internationales?

[Traduction]

Me Ben Trister: Je tiens à dire qu'il ne s'agit pas d'un problème majeur. Cette partie du projet de loi n'est pas renversante, mais étant donné que c'est un problème facile à régler... On comprend que la ministre a décidé à dessein de—vous connaissez l'expression—jeter le bébé avec l'eau du bain. Elle savait très bien que l'on refuserait la citoyenneté à ces gens. Selon nous, il y a une façon très simple de répondre à leurs besoins tout en préservant les objectifs du gouvernement. Même si pour le gouvernement il s'agit d'un petit groupe seulement, l'effet est important pour les sociétés concernées. C'est seulement une question de résidence.

D'autre part, on retire le crédit d'une demi-journée qui correspondait à chaque jour de présence au Canada avant de devenir résident permanent. Nous sommes en désaccord là aussi. Nous ne comprenons absolument pas la logique de cela, hormis le fait qu'on ne veut pas que les préposés au calcul s'embarrassent de fractions. Quand on donnait ce crédit, c'était parce qu'on reconnaissait que le temps de présence au Canada n'est pas une fin en soi, mais seulement une façon de déterminer qu'une personne est canadianisée, qu'elle a passé assez de temps ici à lire nos journaux et à regarder nos émissions de télévision, nos bulletins d'information, pour connaître ses droits et obligations en tant que Canadien. Il n'y a aucune raison de supprimer ce crédit d'une demi-journée. Cela pénalise également les gens qui sont ici en vertu de permis de travail et qui ont déjà accumulé le temps de présence effective nécessaire.

• 1725

Et il y a d'autres problèmes. Dans un mémoire de l'Association du Barreau canadien, nous affirmons que le maintien de l'exigence de résidence débouche sur des incertitudes. Si vous vous absentez du Canada pendant plus de six mois sur une période de douze mois, vous êtes réputé avoir abandonné le Canada. Étant donné qu'il est difficile d'obtenir un permis de retour pour résident permanent... le gouvernement, s'il impose cette exigence de présence effective, devrait rendre au moins les choses plus faciles et plus claires pour ce qui est de l'obtention du statut de résident permanent afin que les gens puissent au moins se dire que même s'ils compromettent leur candidature à la citoyenneté, du moins ils peuvent toujours revenir.

[Français]

M. Réal Ménard: Est-ce que j'ai encore du temps? Je vais prendre tout le temps de l'opposition car je suis seul. Je vais prendre les cinq minutes du Parti réformiste et les cinq minutes du NPD. Je suis seul avec M. Telegdi. Est-ce que ça va pour vous, monsieur le président?

[Traduction]

Le président: Une dernière question.

[Français]

M. Réal Ménard: D'accord. Que voulez-vous vraiment obtenir par le biais de votre recommandation concernant l'article 3? Je crois savoir que plusieurs parents étaient très heureux qu'on ne fasse plus la distinction entre les enfants naturels et ceux qui sont adoptés. Vous souscrivez à ce principe, mais vous dites que le projet de loi limite l'octroi de la citoyenneté aux enfants adoptés après la mise en vigueur de la mesure.

Par ailleurs, certaines personnes perdront leur citoyenneté pour des raisons liées à de la criminalité, à de la propagande haineuse ou à des mesures liées à la sécurité nationale, et vous dites que l'on ne devrait pas appliquer le même traitement à leurs enfants. Vous souhaitez que même si un parent perd sa citoyenneté, ses enfants puissent la conserver. Est-ce bien ce que je dois comprendre?

[Traduction]

Me David Davis: Nous pensons que les enfants ne devraient pas pâtir des mensonges de leurs parents. C'est notre position.

[Français]

M. Réal Ménard: À quel principe de droit cela se rattache-t-il? Si on peut transmettre la citoyenneté par filiation, pourquoi l'inverse ne serait-il pas aussi vrai? Dans le droit, on est responsable de ce que les enfants font, mais il ne faudrait pas que l'inverse soit possible. Vous dites qu'il ne faut pas pénaliser les enfants parce que les parents ont commis une faute. Lors d'un examen de droit à l'Université d'Ottawa, on serait obligé de vous enlever des points là-dessus. Il faut quand même que cela se rattache à un concept juridique.

[Traduction]

Me Ben Trister: L'idée que l'on rendrait les enfants responsables des actes de leurs parents et qu'ils en seraient punis est floue. Il peut arriver que le mensonge soit découvert peu de temps après l'arrivée de l'enfant ou il peut arriver que l'enfant soit assez mûr pour comprendre que le père ou la mère ont mal agi.

Par exemple, en France, si je ne m'abuse, on se fonde sur le principe que si quelqu'un réside en France pendant 20 ans—t je ne sais si c'est le nombre d'années juste—la France estime qu'il faut qu'elle s'occupe de vous. Il serait indûment sévère de punir une personne innocente en la forçant à retourner dans un pays dont elle ne connaît rien et avec lequel elle n'a jamais eu de véritables attaches depuis qu'elle a l'âge de raison.

Nous essayons d'être un petit peu plus compréhensifs, mais nous pensons qu'on devrait instruire ces affaires au cas par cas plutôt que d'interdire toute possibilité d'appel. Nous pensons que notre régime ne devrait pas se borner à laisser des fonctionnaires prendre des décisions, compte tenu de toutes les circonstances, et aboutir à la conclusion qu'une sanction aussi sévère s'impose. Dans certains cas, ce serait peut-être justifié, mais dans d'autres pas. Nous réclamons un petit peu d'humanité et de justice.

• 1730

[Français]

M. Réal Ménard: J'aurai d'autres questions au prochain tour.

[Traduction]

Le président: Monsieur Telegdi, vous avez la parole.

M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Trister, pouvez-vous me donner un chiffre... Vous avez dit que les cas comme celui des cadres de Placer Dome n'étaient pas très nombreux. De combien de cas s'agit-il?

Me Ben Trister: Si vous prenez la situation des cadres de multinationales, ou des gestionnaires, et que vous calculez le nombre total d'employés qui sont susceptibles de refuser d'être mutés à l'étranger, vous constaterez sans doute qu'il s'agit de 1 000 à 2 000 personnes. Pour ce qui est strictement des cadres, il s'agit de quelques centaines.

M. Andrew Telegdi: Vous proposez que ceux qui pendant cinq ans auraient fait au Canada une déclaration des revenus qu'ils touchent à l'étranger puissent...

Me Ben Trister: C'est cela. Si leur employeur est canadien et qu'ils font des déclarations de revenus pendant cinq ans... dans les circonstances que j'ai dites, leur famille étant installée ici, leurs fonctions au Canada les amenant à se rendre à l'étranger pour leur société, oui. Un commis aura tôt fait de vérifier ces cas-là.

La loi actuelle contient une disposition qui permet aux gens d'être candidat à la citoyenneté s'ils apportent une contribution extraordinaire au Canada. À mon avis, les cadres auxquels je songe pourraient facilement être considérés comme tels, car c'est ainsi que l'on a fait de tout temps fait dans le cas des athlètes qui veulent représenter le Canada. Mais la ministre n'est pas prête à faire de telles évaluations, en tenant compte de l'ensemble des circonstances concernant une personne donnée, et pour cette raison nous sommes forcés d'avoir recours à une solution boiteuse, à savoir la déclaration de revenus.

M. Andrew Telegdi: Merci.

Le président: Merci, monsieur Telegdi.

Permettez-moi de poursuivre sur la question des enfants qui seraient punis alors qu'ils sont innocents. Je pense que nous convenons tous que le gouvernement ne songerait jamais à punir un innocent, ou à punir un enfant qui n'aurait rien fait de mal. C'est donc la première hypothèse.

D'après mon interprétation du paragraphe 16(1), concernant la révocation de la citoyenneté, duquel je rapproche le paragraphe (4) du même article, où il est précisé que le décret peut viser d'autres personnes, nommément, je conclus que l'on fait preuve là de compassion, de souplesse, ce qui témoigne des précautions que l'on prendra auparavant.

En d'autres termes, je peux facilement imaginer quelqu'un qui aurait fait de graves fausses déclarations, et qui aurait également un nourrisson, faisant de sa candidature une candidature multiple, l'enfant n'étant pas né au Canada; c'est la citoyenneté de naissance. Dans un autre cas, un adulte qui aurait agi de la même façon, mais dont on aurait découvert le cas longtemps après, la ministre pourra exercer son pouvoir discrétionnaire. Il ne faudrait pas automatiquement interdire qu'un décret touche d'autres personnes, car cela pourrait être contre-productif. N'êtes-vous pas d'accord?

Me Ben Trister: Au moment de l'examen du projet de loi C-86, on a prévu cette disposition, à savoir que le ministre peut désigner des bureaux où les gens peuvent demander la résidence permanente. On nous a garanti que ce pouvoir ne serait jamais exercé mais bien sûr nous savons qu'il l'a été dans le cas du programme d'immigration des gens d'affaires.

Nous n'aimons pas beaucoup que des lois donnent des pouvoirs aux gouvernements, alors que ces derniers disent qu'ils ne les exerceront qu'avec compassion, car, malheureusement, dans la réalité, les fonctionnaires ne sont pas des modèles de compassion. Nous accepterions que cet article soit maintenu s'il y avait droit d'appel. Si une personne indépendante pouvait analyser la décision prise et déterminer si c'était oui ou non raisonnable, nous accepterions que le libellé dise «peut». Mais sans droit d'appel, nous nous méfions. Nous nous méfions tout simplement.

Le président: Vous ne vous opposez donc pas nécessairement au fond de l'article. Vous craignez seulement des erreurs de jugement, et c'est pour cela que vous réclamez un droit d'appel, n'est-ce pas?

• 1735

Me Ben Trister: La révocation de la citoyenneté touche une corde très sensible dans notre démocratie. Le fait de retirer à quelqu'un sa citoyenneté est une mesure très grave, et sans recours...

Le président: J'en conviens. Pour ce qui est de l'appel, vous dites par exemple que dans le cas des enfants adoptés, on devrait pouvoir interjeter appel à la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Comment un tribunal ou un organe habilité en matière d'immigration pourrait-il être saisi d'une question de citoyenneté?

Me David Davis: La Commission de l'immigration et du statut de réfugié traite actuellement de questions concernant le statut de résident permanent. Pourquoi ne pourrait-elle pas s'occuper de questions de citoyenneté? On devrait prévoir un droit d'appel devant un comité d'arbitrage pour que les affaires de citoyenneté soient considérées en vertu des principes de la justice naturelle.

Me Ben Trister: Il faudrait une modification législative, mais c'est faisable.

Le président: Je vois. Là où je voyais un inconvénient, c'était dans le mélange de questions d'immigration et de citoyenneté.

Me Ben Trister: Les enjeux sont essentiellement les mêmes, car cette commission fait intervenir des considérations humanitaires quand elle prend ses décisions. Elle a donc l'expérience que ce genre d'évaluations exigent en l'occurrence.

Le président: Combien de paliers d'appel... Doit-on imposer un minimum de paliers d'appel qui, une fois franchis, éviteraient des appels perpétuels, mais qui doivent être prévus pour respecter les principes de justice naturelle?

Me Ben Trister: Eh bien, il est étonnant de constater qu'en matière de citoyenneté les candidats n'ont aucun droit d'appel actuellement. Cela vous donne... Pourquoi voyez-vous des avocats ici aujourd'hui? C'est parce que nous, avocats, nous nous offusquons quand la loi est bafouée. La Loi sur la citoyenneté déclare qu'existe le droit à ce que nous appelons un procès de novo. Vous vous présentez à la Cour fédérale et vous recommencez à neuf, ce qui est juste. Le gouvernement a décidé qu'il n'aimait plus la notion de procès de novo, de sorte que la Cour fédérale a changé ses règles, et désormais on a recours à l'examen judiciaire dans les affaires de citoyenneté plutôt qu'à l'exercice du droit d'appel, même si la loi dispose que nous pouvons avoir des procès de novo.

Il y a donc comparution devant le tribunal pour découvrir si c'est justifiable—et ce ne l'est pas. Voilà donc les inquiétudes que nous avons en matière de citoyenneté. Actuellement, il n'existe pas de droit d'interjeter appel à n'en plus finir, et il va en exister encore moins. Il est impossible d'interjeter appel à la Section d'appel de la Cour fédérale, et il est impossible de le faire à la Cour suprême.

Le président: Je vais m'arrêter maintenant de poser des questions parce que quelques membres du comité ont demandé la parole.

Monsieur Bryden, et puis nous reviendrons à M. Ménard.

M. John Bryden: Je suis désolé d'avoir raté votre exposé. Je constate qu'il y a un thème central dans les questions qui sont interreliées et que je rapproche de votre exposé écrit. Vous rappelez l'absence de possibilités d'interjeter appel, comme vous venez de le faire il y a un instant. En fait vous avez tout à fait tort. Vous dites que c'est contraire aux règles de justice naturelle. Si l'on compare le Canada aux autres pays, ne nous démarquons-nous pas ici du point de vue de l'application régulière de la loi, du droit d'appel, etc., toutes choses que nous accordons à des gens qui ne sont pas encore citoyens?

Me David Davis: J'en conviens, mais, comme M. Trister vient de le signaler, la possibilité d'interjeter appel quand il y a erreur dans un jugement est de moins en moins grande. Jusqu'ici nous étions exemplaires, mais si les dispositions de ce projet de loi sont adoptées, nous allons supprimer un recours que d'autres pays offrent, et je songe ici à l'Australie et aux États-Unis. Voilà ce que je vous répondrais.

M. John Bryden: Je suis un peu étonné. Je vais vous donner l'exemple qui me turlupine—et je l'ai déjà cité ailleurs. Tout près de là où j'habite, on a arrêté un individu parce qu'on avait déterminé que c'était un ancien terroriste palestinien qui avait participé au détournement d'un avion turc au cours duquel il y a eu des pertes de vies. Cela remonte à 10 ou 15 ans. La difficulté dans un tel cas, c'est que si l'on permet l'application régulière de la loi à tout le monde, même avant l'obtention de la citoyenneté—c'est-à-dire l'application régulière de la loi du simple fait qu'on se trouve sur un territoire où on respecte une charte des droits—ne risque-t-on pas de faire du Canada un refuge pour tous les criminels de la terre? Prenez le cas que je viens de citer. Ces criminels savent que si l'on découvre qu'ils ont obtenu la citoyenneté au moyen d'une fausse déclaration, et ils ne sont pas tout à fait prêts à reconnaître qu'ils ont par exemple participé à un détournement d'avion... Le Canada ne devient-il pas un refuge pour tous les criminels de la terre? Je comprends votre point de vue, mais comme législateur je ne voudrais absolument pas que le Canada devienne un repaire d'anciens terroristes, si je puis dire.

• 1740

Me David Davis: Voici la réponse que je ferais à cette question—et peut-être que M. Trister pourra compléter ce que je vous dirai—c'est qu'il y aura toujours quelques cas qui soulèveront la colère du public.

M. John Bryden: Non, je ne parle pas de la colère du public. Je parle de la sécurité nationale et de ma responsabilité en tant que législateur. Je ne m'inquiète pas de l'opinion publique dans ce dossier. Continuez, je vous en prie.

Me David Davis: Je ne voulais pas laisser entendre que cela vous inquiétait, mais je dirais qu'il faut faire en sorte que les principes de la justice naturelle s'appliquent à tous.

M. John Bryden: Oui, d'accord; cela dit...

Me David Davis: On ne peut pas isoler certaines personnes et dire que les règles ne s'appliqueraient pas à elles.

M. John Bryden: Je ne suis pas sûr que vous ayez raison là-dessus. Je ne suis pas sûr que la majorité des autres pays ne se réservent pas le droit, quand ils ont des motifs raisonnables de soupçonner la personne en raison d'informations reçues d'organisations étrangères de renseignements... ne serait pas possible de déposer ces informations devant un tribunal au Canada, devant la Cour fédérale en l'occurrence. Que faut-il faire quand le SCRS ou une autre de nos organisations de sécurité reçoit des informations des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou encore de la Russie selon lesquelles telle personne qui est chez nous a des liens avec une organisation terroriste? Notre pays doit sûrement se réserver le droit, pour des raisons de sécurité nationale, d'expulser la personne qui n'a pas encore obtenu la citoyenneté. La justice naturelle, c'est bien, mais qu'en est-il de la sécurité nationale?

Le président: Monsieur Trister.

Me Ben Trister: Je comprends tout à fait votre préoccupation. On entend parler de ces histoires comme celle de l'école aux États-Unis, celle de l'École polytechnique et toutes ces autres histoires d'horreur. Il faut être très prudent. Nous savons que la première préoccupation sur le plan de la sécurité publique à Toronto est le crime organisé russe, d'après ce que m'a dit la police. Il s'agit d'un problème très grave.

Il faut reconnaître que Citoyenneté et Immigration et le SCRS ont une obligation envers le Canada pour ce qui est d'assurer la sécurité publique. Nous ne devrions pas permettre à ces gens-là d'entrer chez nous.

Si toutefois la personne est entrée, si elle est passée par les vérifications de sécurité qu'on effectue en vue de l'octroi de la citoyenneté et qu'elle est passée par deux niveaux de sécurité sans que le SCRS ait décelé le problème, je dirais que, tout comme les citoyens canadiens légitimes comme vous et moi, la personne a le droit à un examen en bonne et due forme si elle croit être innocente; je dirais qu'elle ne devrait pas avoir à subir les conséquences du fait que nous avons quelques pommes pourries que le SCRS et Citoyenneté et Immigration Canada n'ont pas réussi à déceler.

En ce qui a trait aux résidents permanents, je suis d'accord avec vous, mais j'estime qu'il y a lieu de faire une distinction entre eux et ce à quoi ils ont droit et ce à quoi ont droit les personnes qui vivent ici en tant que citoyens. Ce sont eux qui devraient être le plus protégés.

Le président: Je vous invite à conclure. Il ne reste que deux minutes.

M. John Bryden: Il y a peut-être un terrain d'entente à cet égard. Vous comprendrez toutefois que, de nos jours, le crime organisé, les criminels, les terroristes et les autres ont les moyens de créer des identités très bien documentées, de manière à être acceptés chez nous. Il y aurait peut-être un terrain d'entente si on disait qu'au lieu de s'en remettre aux tribunaux on pourrait peut-être faire appel à un ombudsman ou à quelque autre personne de ce genre—je ne sais même pas à qui au juste on pourrait faire appel—qui pourrait assumer cette responsabilité et en soulager le ministre. Je ne sais pas.

Merci.

Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: J'ai trois courtes questions.

Dans l'état actuel du droit, il y a deux arrêts très importants qui devraient convaincre mon collègue Bryden qu'on ne peut pas faire de de discrimination sur la base de la citoyenneté: l'arrêt Singh et l'arrêt Andrews.

• 1745

Nous dites-vous qu'en ce moment, il est impossible de contester une décision en matière de citoyenneté? Il y a pourtant de la jurisprudence. Dans l'état actuel du droit, il y a des cours qui peuvent accueillir des contestations de décisions liées à la citoyenneté. Est-ce que je me trompe en affirmant cela?

Je vais poser mes trois questions et vous pourrez y répondre. Votre collègue vous dit que ce sera vous. Alors, préparez-vous. C'est comme cela, les avocats: quand l'un ne connaît pas la réponse, il envoie la question à l'autre.

Me Ben Trister: C'est beau.

[Traduction]

Le président: Il ne vous reste que quelques minutes.

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le président, c'est tellement agréable. Vous ne pouvez pas interrompre cela.

Deuxièmement, est-ce que vous n'êtes pas un peu inquiet de l'article 43? Je suis très étonné que vous ne nous en parliez pas, parce que l'article 43 du projet de loi donne énormément de pouvoir au gouverneur en conseil, s'agissant de définitions très importantes.

Monsieur Trister, j'aimerais bien que vous répondiez à ma troisième question. C'est une question pour vous. Est-ce que vous seriez disposé à accueillir une revendication du Québec qui demanderait que dans le serment, il puisse y avoir une mention de l'allégeance au Québec? Il y aurait au Québec un double serment. Les résidants permanents du Québec qui deviennent citoyens canadiens pourraient prêter serment d'allégeance au Canada mais également au Québec. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus, mais commençons par les mécanismes d'appel.

[Traduction]

Le président: Soyez concis, messieurs Trister et Davis.

Me David Davis: Je n'ai pas tout à fait compris la première question. Vous avez cité deux cas, le cas Singh et le cas Drews, je crois, mais je ne sais pas trop quelle était votre question.

[Français]

M. Réal Ménard: La première cause a été la cause Andrews. L'arrêt Andrews est le premier à avoir été rendu s'agissant de l'article 15 portant sur le droit à l'égalité. Si je me rappelle bien, cela a été rendu en 1989. L'article 15 est entré en vigueur en 1985, et c'était un avocat de la Colombie-Britannique à qui on refusait le droit de pratiquer le droit parce qu'il n'avait pas encore la citoyenneté. C'est comme cela que la citoyenneté est devenue un motif de discrimination interdit, même si ce n'était pas dans l'article 15 initialement. Il y a trois motifs qui se sont ajoutés: la citoyenneté, l'orientation sexuelle et l'état matrimonial.

C'est vous qui avez dit qu'on ne pouvait pas contester une décision liée à la citoyenneté. On peut contester présentement. Les mécanismes de contestation existent. Vous souhaitez que, s'agissant de certains aspects du projet de loi, on puisse contester également, parce qu'il n'y a pas de droit d'appel. Faites-nous un peu le point sur ce qui existe présentement. Quelle est la filière? Jusqu'où peut-on aller dans les mécanismes de contestation, s'agissant de la Loi sur la citoyenneté?

[Traduction]

Le président: Monsieur Davis.

Me David Davis: Merci beaucoup. Je n'avais pas bien entendu le nom du cas. Je pensais que vous aviez dit Drews. Je connais bien, naturellement, le jugement Andrews.

Voici ce que je répondrais à la question. Il s'agissait là de toute évidence d'un cas où l'on avait invoqué la Charte. Je ne dis pas que la Charte ne s'appliquerait pas à la nouvelle Loi sur la citoyenneté, et il y aurait sûrement des arguments bien étayés qui pourraient être invoqués aux termes de la Charte, mais l'article 15 de la Charte ne s'applique pas dans toutes les circonstances. Par ailleurs, s'il y a violation de l'article 15, l'avocat doit néanmoins persuader le tribunal que la violation ne saurait être justifiée en vertu de l'article 1 de la Charte. L'article 1 a été invoqué avec beaucoup de succès ces 10 ou 15 dernières années pour justifier la violation d'un droit. Ainsi, vous ne pouvez pas simplement dire qu'en l'absence d'un mécanisme d'appel dans la nouvelle Loi sur la citoyenneté on n'a qu'à s'en remettre à la Charte des droits et libertés.

[Français]

M. Réal Ménard: Croyez-vous que cela pourrait être contesté devant les tribunaux? Mon interprétation est que, s'il n'y a pas de droit d'appel sur des décisions aussi importantes que celles portant sur la révocation de la citoyenneté, cela pourrait éventuellement aboutir en Cour suprême et faire l'objet d'une contestation très importante. La Charte s'appliquerait ici puisque cela concerne le gouvernement et un individu. La Charte ne s'applique pas quand c'est deux individus, mais elle s'applique lorsqu'il s'agit d'un individu et du gouvernement. S'il n'y a pas de droit d'appel, le gouvernement s'expose à des contestations.

Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il y a quelque chose de très inéquitable dans le fait qu'il n'y a pas de droit d'appel. Nous allons d'ailleurs proposer un amendement à ce sujet. J'espère que les libéraux vont voter avec nous, mais ne soyez pas trop optimistes.

• 1750

[Traduction]

Le président: Monsieur Davis, rapidement.

Me David Davis: Enfin, je répondrais à cela que je comprends exactement ce dont vous parlez, mais accepter que le projet de loi soit adopté tel qu'il est formulé et espérer ensuite qu'un avocat défende la cause devant les tribunaux des différentes instances... Cela coûte très cher, et en règle générale, quand un cas se rend jusqu'à la Cour suprême du Canada, exception faite des situations d'urgence, cela peut prendre de quatre à six ans en tout. Vous dites finalement que c'est le contribuable qui devra en assumer le coût, mais le coût peut s'élever à des dizaines de milliers de dollars à partir du moment où la cause est entendue en première instance jusqu'au moment où elle arrive en dernière instance.

Je dirais donc qu'il faut corriger le problème dès maintenant. On fera ainsi économiser beaucoup d'argent au contribuable en prévoyant dès le départ l'application régulière de la loi.

[Français]

M. Réal Ménard: Il y avait deux autres questions. Voulez-vous y répondre?

[Traduction]

Me David Davis: En fait, l'article 43... J'ai pu entendre la question qui a été posée à M. Tom Denton ainsi que la réponse qu'il a faite. J'abonde à certains égards dans le sens des propos de M. Denton, à savoir qu'il faut avoir confiance dans le processus administratif et ne pas imposer un fardeau trop lourd aux divers tribunaux administratifs en leur demandant de faire respecter la loi dans des cas qui, sinon, semblent aller de soi. Je ne me suis pas vraiment arrêté à chacun de ces points au regard de l'article 43, mais dans l'ensemble je trouve qu'il s'agit de questions plutôt administratives.

Cela dit, je tiens toutefois à préciser que, s'il se posait une question relative à une de ces dispositions aux termes de l'article 43, je supposerais qu'en cas d'erreur il serait possible d'interjeter appel. On pourrait donc ajouter une disposition pour permettre d'en appeler d'une décision du gouverneur en conseil qui, dans d'autres circonstances, serait considérée comme une erreur. Voilà la réponse que je ferais à votre question.

Le président: Avez-vous d'autres questions?

Me Ben Trister: Pourriez-vous répéter rapidement la troisième question?

[Français]

M. Réal Ménard: Votre association serait-elle disposée à accepter un amendement précisant qu'on doit faire explicitement allusion au Québec dans le serment que l'on doit prêter? Je pose la question à tous les témoins, juste pour avoir leurs points de vue. Vous connaissez le serment. On dirait dorénavant: «Je promets fidélité et allégeance au Canada et au Québec...». Ce serment serait prêté par les résidants permanents qui deviennent citoyens canadiens et qui vivent au Québec. Avez-vous un point de vue là-dessus ou si vous pensez que ce n'est pas pertinent?

[Traduction]

Le président: Monsieur Trister.

Me Ben Trister: Je dirais simplement que notre association n'a pas de position à ce sujet. Si toutefois vous voulez mon opinion personnelle, en tant que personne qui a déjà vécu au Québec, je ne pense pas que ce serait une mauvaise idée. Je n'y vois pas d'inconvénients.

Le président: Puisque c'est là votre réponse, monsieur Trister, quand on parle du Canada, est-ce que cette appellation n'inclut pas invariablement toutes les provinces du pays?

M. Réal Ménard: Il a dit que c'était une bonne idée, monsieur le président.

Le président: C'est à mon tour de poser une question.

Me Ben Trister: Je comprends votre question, et je ne fais que répondre en tant que particulier.

Bien sûr, ayant moi-même vécu au Québec, je n'apprécie pas, si vous me permettez de le dire, le langage souvent utilisé au Québec... le Québec étant le Québec et le reste du Canada étant le Canada. Je n'apprécie guère ces propos, mais je crois aussi qu'il y a une certaine valeur sociale à reconnaître que nous avons beaucoup d'affection aussi bien pour la province où nous vivons que pour le pays dans son ensemble.

Le président: Si on le faisait pour le Québec, il faudrait le faire aussi pour toutes les autres provinces du pays.

Me Ben Trister: Je suis tout à fait d'accord.

Le président: Et puisque toutes les provinces du pays font partie du Canada, en disant «Canada» on les englobe toutes. N'êtes-vous pas d'accord?

Me Ben Trister: Je crois avoir fait valoir que...

M. Réal Ménard: Vous n'avez pas à répondre.

Me Ben Trister: Je crois avoir fait valoir que, à mon avis, on peut aimer sa province et son pays, et qu'il n'y a rien de négatif à l'affirmer.

Le président: Cependant, une déclaration affirmative limitée aux deux exclut les autres provinces. C'est contraire au sens commun.

Me Ben Trister: Je me bornerai à dire que je suis très content de ne pas être député.

• 1755

Le président: Permettez-moi de poser une question rapide, compte tenu de ce qu'ont dit d'autres témoins.

Vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence de la nécessité de la justice naturelle, du besoin de certitude et de garanties, et du fait que la révocation est un processus extrêmement grave. Compte tenu de ce que vous avez dit, peut-on fonder la révocation sur une accusation portée devant un tribunal, ou ne doit-on pouvoir la fonder que sur une condamnation faisant suite à une infraction?

Me David Davis: À mon avis, il doit s'agir d'une condamnation.

Le président: Merci.

Cela dit, j'aimerais vous remercier tous de vos exposés et de votre participation à notre comité.

M. Réal Ménard: Ne partez pas. Le président va commander une pizza, et nous nous ferons un plaisir de la partager avec vous.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons interrompre la séance durant dix minutes environ. La réunion reprendra à 18 heures.

• 1756




• 1818

Le président: Nous allons reprendre la séance. Je sais que certains d'entre nous n'ont pas encore terminé leur dîner improvisé. Je vous prie de continuer, mais nous allons tout de même poursuivre les délibérations.

Je tiens à souhaiter la bienvenue aux groupes qui sont devant nous, à savoir le Real Women of Canada, le Evangelical Fellowship of Canada et la Campaign Life Coalition.

Nous avons devant nous un véritable groupe d'experts qui vont nous faire profiter de leur sagesse.

Qui souhaite commencer? Veuillez vous identifier et dire quel groupe vous représentez.

Mme Diane Watts (recherchiste, Real Women of Canada): Je suis Diane Watts, de Real Women of Canada. Je suis accompagnée par Sophie Joannou, directrice de Real Women of Canada.

Merci beaucoup de nous avoir invitées à comparaître devant votre comité.

[Français]

Je voudrais décrire notre organisation. Vraies femmes du Canada—pro-vie, réalistes, actives, indépendantes, égales—est une organisation qui regroupe des femmes venues de tous les horizons sociaux, économiques et professionnels. Un de nos objectifs est de réaffirmer que la famille est la cellule de base de la société car l'éducation de ses membres se fait mieux dans un cadre familial.

Un autre de nos objectifs est de promouvoir, assurer et défendre toute loi qui maintient les valeurs du mariage et de la vie familiale. On définit la famille comme deux personnes ou davantage vivant ensemble, unies par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption.

[Traduction]

Je vais vous lire notre mémoire, qui a été préparé par notre conseiller juridique, qui par le passé a été conseiller juridique auprès du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

• 1820

Nous sommes d'accord pour dire que la citoyenneté canadienne constitue un grand honneur et un grand privilège et nous tenons à dire que nous appuyons les dispositions du projet de loi qui augmentent les exigences en matière de résidence pour les personnes qui sollicitent la citoyenneté, en fonction de la présence réelle au Canada.

Nous constatons également ce qui semble être une divergence de définitions dans le projet de loi entre l'adoption et le mariage. À l'article 8 du projet de loi C-63, il est précisé que l'adoption d'une personne mineure peut être jugée valide si elle a lieu:

    conformément au droit du lieu de l'adoption et du lieu de résidence de l'adoptant

Ce qui veut dire que le droit du pays de domicile et le droit de l'endroit où le contrat ou l'entente a été passée déterminent la validité de toute adoption, selon le projet de loi sur la citoyenneté.

Il s'agit là de l'interprétation acceptée du droit privé international dans notre régime judiciaire. Cependant, cette interprétation acceptée du droit privé international n'a pas été appliquée dans le projet de loi C-63 à la détermination du conjoint.

Selon l'article 43:

    Le gouverneur en conseil peut, par règlement

      i) définir qui est un conjoint pour l'application de la présente loi.

Cela veut dire que la détermination du conjoint dépend du pouvoir discrétionnaire de l'exécutif ou du Cabinet, qui, par décret, énonce la réglementation visant la définition du conjoint. Étant donné que le mariage est le fondement même de la société canadienne, il semble tout à fait inacceptable de le définir par règlement, sans aucun débat public. Une telle procédure a directement pour effet de saper l'institution du mariage, du fait qu'elle minimise l'importance extraordinaire de la définition du conjoint dans la société canadienne.

La réglementation vise habituellement les processus, les règles, les procédures, mais la définition du conjoint est liée au mariage et a des répercussions profondes dans notre société. Puisqu'il s'agit d'une question primordiale, nous ne croyons pas qu'il convient de l'aborder de cette façon. Nous nous fondons en cela sur la cause type de Hyde c. Hyde, de 1866. Il s'agit de la cause type en matière de mariage pour l'ensemble du Commonwealth. Selon l'arrêt dans cette affaire, un mariage n'est valide que s'il s'agit de l'union entre un homme et une femme, tout autre type d'union étant exclu. Selon cet arrêt, aucune union ne peut être un mariage s'il ne s'agit pas d'un mariage monogame entre un homme et une femme.

Également, dans l'affaire Nesbit-Egan de 1995, la Cour suprême du Canada a affirmé le caractère unique du mariage entre un homme et une femme en déclarant qu'il s'agissait d'une unité sociale fondamentale pour la stabilité et le bien-être de la société. La cour a également conclu, à juste titre, que le Parlement pouvait accorder une reconnaissance et un soutien particuliers à cette relation, étant donné qu'elle correspondait à une fonction essentielle à l'ensemble de la société, à savoir le fait de procréer et d'élever des enfants.

Le juge Gerard La Forest a parlé au nom de quatre des sept juges. Le juge Sopinka s'est dit d'accord avec la décision, et deux des juges ont exprimé leur dissidence. Nous nous inspirons largement de la déclaration du juge La Forest, qui fait valoir que le mariage est bien établi dans notre tradition juridique, qu'il est bien ancré dans la réalité biologique et sociale des couples hétérosexuels, qui seuls sont en mesure de procréer, et qu'il s'agit également d'un cadre permettant de soigner et d'élever les enfants.

Selon lui, la distinction qui favorise l'unité familiale hétérosexuelle n'a rien d'arbitraire. Ce n'est d'ailleurs pas d'aujourd'hui qu'on accorde un soutien et des avantages spéciaux à cet élément de notre société. Il s'agit, dit-il, de la seule unité de la société qui consacre des ressources de façon régulière et soutenue aux soins à donner à l'enfant. Elle est le point d'ancrage d'autres relations et d'autres dimensions de la société. Ainsi, il ne s'agit pas d'une notion périphérique. Le juge est également favorable à la distinction qu'établit le Parlement au sujet de cette relation qui existe entre mariage et famille.

• 1825

À ce jour, aucun arrêt n'est allé à l'encontre de cet arrêt de la Cour suprême du Canada. Nous tenons également à dire que les arrêts de la Cour suprême du Canada sont exécutoires pour le gouvernement fédéral, dont relève la Loi sur la citoyenneté.

Nous tenons également à dire que la définition actuelle de «conjoint» englobant l'homme et la femme mariés devant la loi reflète une tradition de longue date du common law anglais et canadien, de même que du droit européen. Elle est conforme à la définition de «conjoint» dans plus de 50 lois fédérales et dans des centaines de lois provinciales dans tout le Canada.

Nous soulignons également que les tribunaux et les assemblées législatives des États-Unis continuent de reconnaître le caractère exclusivement hétérosexuel du mariage et des rapports entre conjoints sur le plan juridique, et qu'aucun pays dans le monde n'a établi de dispositions contraires.

Pour ce qui est d'autres types de couples, certains pays nordiques ont prévu des dispositions, mais le mariage devant la loi n'est pas du nombre, et les partenaires ne sont pas considérés comme des conjoints.

La Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, ainsi que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, reconnaissent tous la famille comme étant l'unité naturelle et fondamentale de la société qui, à ce titre, a droit à la protection de la société et de l'État. Il n'est donc pas discriminatoire de reconnaître le caractère particulier de la famille, et il n'est pas discriminatoire non plus de chercher à éviter qu'une redéfinition de la famille et du conjoint permette d'englober des notions arbitraires selon la volonté de tous et chacun.

De plus, toutes les grandes religions entérinent le fait que les concepts de mariage et de conjoint ne doivent renvoyer qu'à l'union entre un homme et une femme. Cette notion fondamentale est commune à toutes les grandes collectivités spirituelles qui composent le patrimoine multiculturel du Canada.

Nous soulignons que cette importante question du mariage, le fondement de la société canadienne, ne saurait dépendre du pouvoir discrétionnaire du Cabinet et d'un décret de celui-ci. Nous ne pouvons accepter que la notion de conjoint soit définie par un règlement, et ce encore moins si ce règlement contredit le droit canadien, qui est clair à cet égard.

Rappelons que la célébration du mariage relève de la compétence provinciale, conformément à l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il se peut ainsi que le gouvernement fédéral crée, par règlement, une définition qui contredise les lois provinciales, ce qui pourrait brouiller la situation et créer de la confusion. Il est donc important, ne serait-ce que pour des raisons de cohérence, que la notion de conjoint soit déterminée conformément au droit canadien établi et que nous ne nous isolions pas de la communauté internationale.

Pour conclure, il est manifeste que la notion de conjoint, qui a une grande importance pour la société canadienne, ne doit pas faire l'objet d'une réglementation permettant au Cabinet d'en décider à titre discrétionnaire, par décret. C'est ce qui nous inquiète à l'article 43. Cette définition devrait plutôt être conforme au droit canadien établi et au droit privé international, qui limitent juridiquement cette notion aux relations entre un homme et une femme dans le cadre du mariage. Faute de quoi, on compromettrait sérieusement la valeur que la société accorde au mariage et à la famille et l'on transformerait profondément la société canadienne sans débat public.

Nous sommes très préoccupés par le manque de débat sur un éventuel changement fondamental qui pourrait découler de l'article 43. Cette situation est inadmissible dans une société démocratique. Notre conseiller juridique, en fait, a qualifié d'abominable le fait que la définition de conjoint, de mariage et de famille pourrait ainsi être modifiée sans débat public et sans consulter les Canadiens de tous les coins du pays.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé.

Est-ce que quelqu'un d'autre a une déclaration? Qui est le suivant?

• 1830

Oui, monsieur Clemenger.

M. Bruce Clemenger (directeur, Affaires nationales, Alliance évangélique du Canada): Beth Hiemstra et moi-même représentons l'Alliance évangélique du Canada, une association nationale qui regroupe quelque 32 confessions religieuses. Nos propos porteront sur trois aspects du projet de loi: le serment, la définition de conjoint et la définition de la relation parent-enfant.

Mme Beth Hiemstra (attachée de recherche, Alliance évangélique du Canada): Tout d'abord, nous voulons faire valoir la préoccupation des objecteurs de conscience. Le serment prévu à l'annexe du projet de loi C-63 prévoit:

    Dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Canada et à Sa Majesté Élisabeth Deux, Reine du Canada. Je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à défendre nos valeurs démocratiques, à observer fidèlement nos lois et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne).

Au nom de tous nos membres qui sont des objecteurs de conscience à cause de leurs croyances religieuses, nous demandons que l'on retire «défendre» du projet de serment. Bien que servir sous les drapeaux ne soit pas la seule façon de défendre nos valeurs démocratiques, nous constatons que le terme «défendre» est normalement associé au service militaire. Il y a d'autres termes ou expressions que l'on pourrait utiliser à la place qui atténueraient la préoccupation des objecteurs de conscience; par exemple, «protéger», «respecter», «promouvoir». Nous recommandons donc que dans le serment, on remplace «défendre» par «protéger» ou un autre terme approprié.

M. Bruce Clemenger: En ce qui concerne la définition de conjoint, nous notons à l'alinéa 43i) du projet de loi C-63 que le gouverneur en conseil peut définir qui est un conjoint pour l'application de la présente loi. Bien que cette définition de conjoint aux fins de la loi ne s'appliquera que dans des circonstances très limitées, le concept de conjoint et celui qui lui est associé, le mariage, sont bien ancrés dans la société canadienne et sont essentiels à un ensemble de lois et de règlements, au palier tant fédéral que provincial, qui reposent sur une compréhension particulière des circonstances, des besoins et des contributions uniques à la société de la relation de conjoints. Toute proposition visant à modifier cette définition ou à reconnaître d'autres formes de relations de couples devrait faire l'objet de consultations publiques générales et d'un débat au Parlement. Comme l'a dit la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Tremblay, il convient de laisser au Parlement les décisions qui reposent sur des choix sociaux, politiques, moraux et économiques qui touchent l'ensemble de la population.

Nous nous demandons pourquoi on a inclus cette disposition dans le projet de loi C-63. Tout d'abord, pourquoi accorde-t-on au gouverneur en conseil le pouvoir de définir ce qu'on entend par conjoint plutôt que de donner la définition de conjoint dans le projet de loi même? Les définitions fédérales de conjoint sont plutôt normalisées au Canada. Pourquoi n'a-t-on pas retenu une de ces définitions dans la Loi concernant la citoyenneté?

Deuxièmement, comment le gouverneur en conseil va-t-il définir ce terme? La loi ne prévoit aucune ligne directrice comme dans le cas de la définition de la relation parent-enfant. Cette disposition, donc, accorde au gouverneur en conseil, la possibilité de modifier certains ou la totalité des éléments fondamentaux de la définition de conjoint, ce qui pourrait entraîner un manque de cohérence marqué entre les différentes définitions qui figurent dans les lois fédérales.

On a accordé des avantages et imposé des obligations dans le cas de la relation qu'est le mariage pour deux raisons: d'abord, afin de protéger les conjoints, et particulièrement les conjointes qui étaient plus vulnérables et qui risquaient de dépendre, sur le plan économique, du support de leur conjoint parce qu'elles veillaient à l'éducation des enfants et ne pouvaient gagner autant d'argent; et deuxièmement, parce que c'est la principale relation en vue de la procréation des enfants et qu'elle entraîne la responsabilité d'élever les enfants. Certains des avantages et des obligations des conjoints mariés sont également accordés aux conjoints de fait parce que ceux-ci ressemblent aux conjoints mariés à ces deux égards.

À l'heure actuelle, on se fonde sur plusieurs critères pour définir le terme «conjoint»: deux personnes, deux adultes, de sexe opposé, dans une relation conjugale, ce qui signifie en général la capacité de procréer et dans une relation à long terme ou qui sont les parents du même enfant. Le gouverneur en conseil pourrait modifier n'importe lequel ou la totalité de ces critères. De telles modifications changeraient de façon radicale le concept de conjoint et si l'on élargit cette définition, alors on pourrait contester la légitimité de n'importe lequel ou de la totalité des cinq critères; par exemple, on pourrait modifier la définition de conjoint pour prévoir une relation plus courte. Pour justifier son statut privilégié et protégé, il doit s'agir d'une relation sérieuse de longue durée. Si l'on redéfinit le terme «conjoint» afin de réduire la durée de la cohabitation, ou pour l'éliminer, alors ces changements ont une vaste portée et doivent être discutés pleinement.

Troisièmement, si le gouverneur en conseil définit, dans la Loi sur la citoyenneté canadienne, le terme «conjoint» différemment de ce qui est prévu dans d'autres lois fédérales, comment ces autres relations de couple maintenant reconnues par la loi seront-elles considérées une fois que les conjoints seront résidents du Canada? La possibilité que le gouverneur en conseil puisse modifier la définition de conjoint signifie que des personnes se verront accorder la citoyenneté fondée sur des relations qui ne sont pas reconnues en droit fédéral et qu'elles n'auront pas nécessairement des obligations juridiques l'une envers l'autre une fois au Canada.

• 1835

Les termes «mariage» et «conjoint» définissent un type particulier de relation qui joue un rôle unique et valable dans la société canadienne. Comme l'a dit M. le juge La Forest dans l'arrêt Egan, ce rôle

    est depuis des temps immémoriaux fermement ancré dans notre tradition juridique, tradition qui est elle-même le reflet de traditions philosophiques et religieuses de longue date.

Ces relations se sont vu accorder un statut particulier et constituent le fondement de la société canadienne. Tout changement à ces institutions ne peut se faire dans un vide ni derrière des portes closes, surtout lorsqu'il touche l'ensemble de la société.

Donc nous recommandons de retirer du projet de loi l'alinéa 43i).

Le président: Merci, monsieur Clemenger.

Qui est suivant? Madame Murawsky.

Mme Karen Murawsky (directrice, Affaires publiques, Campaign Life Coalition): Merci, monsieur le président.

David MacDonald, le conseiller juridique de la Coalition, et moi-même représentons Campaign Life Coalition, une organisation nationale pro-vie et pro-famille.

Notre organisation participe au débat politique actuel sur la définition de la famille. Nous sommes donc particulièrement préoccupés par la proposition actuelle visant à permettre au gouverneur en conseil de définir le terme «conjoint» aux fins de cette Loi sur la citoyenneté canadienne, et plus particulièrement, tout comme les témoins précédents, par l'alinéa 43i).

Bien que nous admettions que le gouvernement doit déléguer des fonctions administratives, il ne doit pas contourner le processus démocratique sur des questions qui divisent profondément les Canadiens. C'est à la Chambre des communes qu'il convient de soulever la question de la définition du terme «conjoint», afin que les députés, qui doivent rendre des comptes à leurs électeurs, puissent en débattre. La démocratie exige que les questions litigieuses soient résolues à la suite d'un débat parlementaire en bonne et due forme.

Nous nous opposons à cette délégation de pouvoir au gouverneur en conseil, pas uniquement de notre point de vue pro-famille, mais également comme citoyens d'un pays démocratique. Nous rejetons cette tentative de contourner la nécessité de tenir un débat sur cette question particulière.

Nous avons l'impression que cette délégation au gouverneur en conseil vise à redéfinir le terme «conjoint» sans répercussion politique. Ces objectifs nous répugnent. La délégation de ce pouvoir à un gouverneur en conseil qui n'est pas imputable ne cadre certainement pas avec l'esprit démocratique de notre nation. Je vous demande de réfléchir non seulement à la question de savoir s'il faut redéfinir le terme «conjoint», mais également si la voie législative appropriée est bien cette délégation au gouverneur en conseil.

La première question appelle un débat politique en bonne et due forme alors que la deuxième est au coeur même de la démocratie.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à nos invités.

J'ai beaucoup aimé vos exposés et je crois que vous avez présenté la question sous tous ses angles, ce qui ne laisse pas beaucoup de place aux questions. Je vais néanmoins poser une question, et si une personne de chaque délégation pouvait me répondre, j'en serais heureux. C'est une question très générale, mais vous avez tous exprimé votre préoccupation à l'idée qu'une décision aussi importante que celle de changer la définition de conjoint sera prise par règlement, derrière des portes closes, plutôt qu'au Parlement. Je pense que vous avez tous insisté sur cet aspect.

Ma question est assez générale, mais que pensez-vous d'un gouvernement qui délègue, dans un projet de loi, le pouvoir à un gouverneur en conseil? En d'autres termes, cette décision importante se prendra derrière des portes closes plutôt qu'au Parlement et donc non pas dans un débat public à l'échelle du pays, ce qui est, je pense, la façon démocratique d'apporter des changements essentiels comme ceux-ci.

Le président: Commençons par Mme Murawsky ou M. MacDonald. Voulez-vous répondre à cette question?

Mme Karen Murawsky: M. MacDonald va répondre.

M. David Macdonald (conseiller juridique, Campaign Life Coalition): Nous estimons qu'une question telle que celle-ci, si complexe, mérite d'être examinée dans un contexte où les électeurs ont le droit d'exprimer leurs objections ou leur appui au projet de loi. Vous me demandez précisément ce que je pense d'un gouvernement qui procède ainsi, et je me demande s'il ne contourne pas ainsi le processus démocratique. Évidemment, comme citoyen, je m'y oppose.

M. Leon Benoit: Merci.

Le président: Monsieur Clemenger ou madame Hiemstra.

M. Bruce Clemenger: Je partage cette opinion. Les motions de mariage et de conjoint sont des concepts qui sont les nôtres depuis longtemps et qui ont un certain sens. Avec le temps, d'abord des obligations et ensuite des avantages se sont rattachés à l'état de conjoint. Et ce pour des raisons précises. Dans différentes lois, on justifiait de façon différente l'attribution de certains avantages aux conjoints.

• 1840

Je crains qu'il ne soit dangereux de créer un précédent en accordant ce pouvoir au gouverneur en conseil dans la Loi sur la citoyenneté canadienne. Je préférerais une discussion générale sur la définition et sur les autres formes de relations qui méritent d'être protégées ou d'être associées à des obligations ou des avantages. Si d'autres méritent d'être protégées, faut-il élargir le terme «conjoint» afin de les inclure? Et dans ce cas, comment tenir compte des besoins uniques de la relation conjugale hétérosexuelle pour les raisons que j'ai mentionnées précédemment? Qu'est-ce qui justifiait les avantages accordés dans un grand nombre de lois différentes? C'est une question très complexe.

Je crains que le gouverneur en conseil, en prenant cette décision, d'une certaine façon à huis clos, ne profite pas des opinions, de la contribution et du témoignage d'un grand nombre de Canadiens. On ne tiendra peut-être pas compte de la diversité des relations dans notre société et on ne comprendra pas comment il faut les nuancer. C'est une question tellement complexe qu'elle mérite d'être examinée à des comités comme celui-ci. Il faut que cela se fasse au Parlement dans le cadre d'une réelle discussion.

M. Leon Benoit: Merci.

Le président: Madame Watts.

Mme Diane Watts: Il est surprenant que le gouvernement ignore le droit canadien établi en incluant dans un projet de loi une disposition aussi dangereuse lorsque la Cour suprême reconnaît l'unité qui, dans la société, sert de pierre angulaire à d'autres relations sociales et à d'autres aspects de la société; il est surprenant que le gouvernement coure le risque de mettre en péril ces relations dans la société, dans la famille. Il est donc très surprenant que notre gouvernement continue à tenter de redéfinir quelque chose d'aussi fondamental que les termes «conjoint» et «famille», au mépris du droit international privé et des traditions qui sont reconnues dans le cas de l'adoption mais non pas dans celui de conjoint ce qui isole le Canada vis-à-vis des déclarations et des traités des Nations Unies qui appuient très fortement la famille; au mépris du droit commun britannique et canadien traditionnel ainsi que du droit européen et des conventions européennes qui reconnaissent l'importance fondamentale de la famille; au mépris des croyances et des valeurs de toutes les principales religions que pratiquent de nombreuses personnes qui viennent au Canada et qui constituent notre nation multiculturelle; et tout à fait au mépris de la loi constitutionnelle de 1987 et de la déclaration des droits qui inclut la protection de la famille—ce qui a été modifié par la Charte des droits, mais la déclaration des droits mentionnait expressément la famille. Je trouve donc plutôt surprenant que le gouvernement essaie continuellement de parvenir à cette fin dans la loi et dans d'autres lois, pensant sans doute que les Canadiens ne réagiraient pas pour défendre la famille.

M. Leon Benoit: Je dois courir et prendre l'avion. M. Lowther aura d'autres questions pour vous, soit maintenant ou au tour suivant.

Auparavant, à l'article 43, il est dit que le gouverneur en conseil peut, par règlement:

    b) préciser qui peut faire les demandes prévues par la présente loi pour le compte d'un mineur;

On m'a fait part de quelques préoccupations à ce sujet tout comme au sujet de l'alinéa 43j):

    j) définir ce qui constitue la filiation aux fins de détermination du droit à la citoyenneté pour l'application de la présente loi;

Ces deux autres dispositions sont certainement liées au pouvoir donné au gouverneur en conseil de redéfinir le terme «conjoint» aussi. Je suis persuadé que vous êtes au courant, et si vous avez des commentaires à ce sujet, j'aimerais les entendre.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

Mme Beth Hiemstra: En fait, c'est notre troisième préoccupation, que je n'ai pas abordée en détail, cette capacité du gouverneur en conseil de définir ce qui constitue une véritable relation parent-enfant. Nous constatons que l'article 8 définit trois critères en vue d'accorder la citoyenneté à un enfant adopté.

• 1845

Nous nous interrogeons à ce sujet. Nous nous demandons pourquoi il faut une disposition sur un véritable lien de filiation. Les deux autres semblent assez exhaustives. Nous nous inquiétons à l'idée que le gouverneur en conseil détermine ce qui constitue un véritable lien. Si c'est le cas, en fonction de quelles lignes directrices ou quels critères?

Nous recommandons de retirer l'alinéa 43j) et que ce comité détermine si la référence au lien de filiation est nécessaire à l'article 8. Si c'est le cas, nous recommandons que ces critères soient formulés à l'issue d'un vaste débat public.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Le président aimerait poser rapidement une question supplémentaire. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par une véritable relation parent-enfant?

Mme Beth Hiemstra: Justement, c'est notre préoccupation. Nous ne savons pas en fonction de quels critères on déterminera une véritable relation parent-enfant, et donc nous demandons...

Le président: Qu'aimeriez-vous nous suggérer?

Mme Beth Hiemstra: Nous aimerions suggérer que l'article soit supprimé.

Le président: Non. Le comité essaie d'obtenir de l'aide. Comment définiriez-vous une véritable relation parent-enfant? Peut-on la définir ou non?

Mme Beth Hiemstra: Cela semble vraiment difficile. Comment peut-on déterminer des critères objectifs? Il existe souvent des conflits dans les relations parent-enfant, alors comment déterminerait-on s'il y a de l'amour, s'il y a de l'harmonie? Les critères objectifs comme l'appui financier peuvent ne pas exister dans toutes les relations parent-enfant, s'il y a eu un conflit quelconque. Je ne sais donc pas, à moins que l'autre...

Le président: Madame Murawsky.

Mme Karen Murawsky: Nous pensons qu'il ne convient peut-être pas de tenter de donner une définition.

Je me souviens d'avoir entendu un jour une personne en position d'autorité demander à un groupe d'enfants ce qu'ils avaient fait en fin de semaine et ce que leur mère avait fait pour eux. J'étais un peu effrayée, car selon ce qui a pu se produire ce matin-là avec les parents... les réponses peuvent varier. Les enfants qui sont adoptés, les enfants qui sont dans des familles reconstituées—je ne suis pas certaine qu'il convienne d'essayer de donner une définition.

Le président: Madame Watts, avez-vous une opinion à donner?

Mme Diane Watts: Notre organisation a effectivement une définition de la famille: deux personnes ou plus...

Le président: Non, nous parlons de la relation parent-enfant.

Mme Diane Watts: Comme le juge La Forest l'a mentionné, il y a une relation biologique.

Le président: Très bien, merci.

Monsieur Ménard.

Mme Diane Watts: Il y a toujours la relation biologique. Chaque enfant a une relation biologique avec un parent. Il n'est pas superflu de le dire. Je trouve étrange que nous posions même cette question.

Le président: Oui, je vous ai entendu. Je ne peux pas poursuivre mes questions parce que le privilège accordé à la présidence ne dure pas longtemps.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Je veux me joindre à notre président pour vous souhaiter la bienvenue.

Je partage un des points de vue qui ont été énoncés. C'est l'idée qu'il doit y avoir au Parlement un débat sur la notion de «conjoints». Je ne peux pas vous dire que je trouve que la définition que vous en donnez est empreinte de tolérance, d'ouverture, de générosité et de progressisme, mais c'est l'une des positions qui existent dans la société canadienne et il faut la respecter.

Mme Watts sait certainement qu'il y a plusieurs années, j'ai déposé trois projets de loi portant sur la reconnaissance des conjoints de même sexe. Je suis profondément convaincu qu'on peut être un homme et aimer un autre homme et qu'on peut être une femme et aimer une autre femme, et que cela me fait pas moins de nous des conjoints authentiques, engagés dans des relations où il y a de l'amour, de la solidarité et d'autres qualités que l'on peut retrouver dans des relations hétérosexuelles.

Cela étant dit, il n'est pas souhaitable que la notion de «conjoints» soit définie par voie réglementaire, et je peux vous assurer que j'ai posé à peu près la question à tous les témoins sur l'article 43. Certains s'en inquiètent et certains ne s'en inquiètent pas. Je suis de ceux qui s'en inquiètent. Dans la revue jurisprudentielle que Mme Watts a faite, il manquait un certain nombre d'arrêts. Évidemment, je comprends qu'on soit souvent sélectif, et je fais la même chose quand je présente des points de vue, mais sans doute trouverez-vous le temps de lire à un moment donné l'arrêt Rosenberg. Je suis convaincu que Me MacDonald connaît cet arrêt dans lequel on a invalidé certaines dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et reconnu que la définition de «conjoints» devait inclure les conjoints de même sexe. Je crois que c'est inévitable. Dire le contraire serait de la discrimination. Je ne vois pas comment certains d'entre vous peuvent prétendre que l'amour n'est pas authentique entre partenaires de même sexe. C'est ma première remarque. Je sais qu'on ne s'entendra jamais sur cela, mais vous représentez un point de vue qui existe au Canada anglais et il faut vous permettre de l'exprimer.

• 1850

Voici mon deuxième commentaire. Je suis très sensible à la remarque que vous avez faite concernant les objecteurs de conscience. Le Bloc québécois présentera un amendement, et je veux savoir votre appréciation. Si, au lieu de dire «défendre», on disait «promouvoir», est-ce que ce serait quelque chose qui vous serait acceptable?

Ce sont les deux questions que je voulais vous poser.

Mme Diane Watts: Puis-je répondre?

M. Réal Ménard: Je n'en attendais pas moins de vous, madame Watts.

Mme Diane Watts: Vous avez dit que c'était un point de vue du Canada anglais. Je suis québécoise. Je demeure au Québec et je suis née au Québec. Il y a actuellement beaucoup de Québécois qui voient la famille de la même façon que notre organisation. Dans l'histoire du Québec et du Canada, les citoyens voyaient la famille comme étant primordiale dans la société. Les Québécois et les Canadiens reconnaissent qu'il y a une distinction entre la famille et d'autres groupes d'amitié. Alors, ce n'est pas seulement le point de vue du Canada anglais.

M. Réal Ménard: Ne confondons pas les termes. Quand j'ai un partenaire de vie, qui est en l'occurrence un homme, je ne prétends pas qu'on forme une famille. Je pense qu'il n'y a pas de famille s'il n'y a pas d'enfants. Là on parle de conjoints. Quand vous êtes engagé dans une relation où il n'y a pas d'enfants, que vous soyez dans une relation de même sexe ou dans une relation de sexes différents, pour moi, ce n'est pas une famille.

Je me sens très à l'aise de vous dire que je pense que deux hommes ou deux femmes peuvent avoir des habiletés parentales, assumer des responsabilités de parents et former des enfants très équilibrés qui vont être des citoyens très engagés.

Dans vos définitions, vous n'avez pas fait de distinction entre «famille» et «conjoints», et je pense qu'il faut en faire une. Vous avez raison de dire que votre définition de la famille trouve aussi une certaine adhésion au Québec, mais je crois qu'il y a au Québec une zone de tolérance—parce que c'est de cela qu'on parle—qu'on retrouve moins au Canada anglais. Selon les sondages d'opinions—je suis sûr que votre organisation les a, sinon ça me fera plaisir de les partager—de 65 à 70 p. 100 des Québécois consentent à ce qu'on arrête la discrimination basée sur l'orientation sexuelle et à ce qu'on reconnaisse les conjoints de même sexe. Sur l'adoption, on ratisse moins large, car cela ne va pas jusqu'à 70 p. 100. Je pense que vos organisations respectives doivent faire une distinction entre la famille et des conjoints. Partagez-vous mon point de vue, madame Watts?

Mme Diane Watts: Si on employait le mot «distinction» au lieu du mot «discrimination», je pense que les résultats seraient très différents, parce que je crois que les Québécois reconnaissent que la famille est primordiale et très importante.

Votre première question portait sur l'arrêt Rosenberg.

[Traduction]

Je vais continuer en anglais parce que c'est plus facile pour moi.

La Cour suprême ne s'est pas prononcée sur cette affaire. C'est un tribunal provincial inférieur qui a rendu cette décision. Ce jugement n'a pas force exécutoire au Canada. Il n'y a pas eu d'appel. Nous estimions qu'il aurait fallu en appeler. Il y a donc plusieurs distinctions que nous devons reconnaître dans les divers cas.

Mme Sophie Joannou (directrice nationale, Real Women of Canada): Dans l'affaire Rosenberg, Mme Rosenberg avait le choix de désigner sa partenaire comme bénéficiaire de sa pension, mais elle avait manifestement un autre but lorsqu'elle a insisté pour que sa relation soit reconnue comme étant de type conjugal. Si sa seule préoccupation était d'aider financièrement sa partenaire, elle aurait pu désigner sa partenaire comme bénéficiaire de sa pension.

[Français]

M. Réal Ménard: Vos remarques m'amènent à faire deux commentaires. D'abord, le droit est le droit, que ce soit devant une cour administrative, devant la Cour suprême, devant la cour d'appel ou devant n'importe quel tribunal de droit commun. Ce n'est pas parce que la Cour suprême ne s'est pas prononcée que ce n'est pas le cas. Dans le meilleur des cas, combien de jugements par année la Cour suprême rend-elle? Dans le meilleur des cas, elle en rend peut-être 70 ou 80. On ne peut pas réduire le droit à la Cour suprême. Ce n'est pas cela qui fait qu'un jugement est valide ou pas.

• 1855

Rosenberg fait incontestablement partie de l'état du droit et il est cité dans quantité de jugements. Ce qui était en cause dans Rosenberg, c'était clairement la définition de «conjoints».

Pour ce qui est du jugement Nesbit-Egan, vous avez raison. Le jugement Nesbit-Egan a reconnu trois choses. On a reconnu que l'orientation sexuelle devait être incluse comme motif analogue, au même titre que la citoyenneté et le critère matrimonial, qui avaient été ajoutés. Également, c'était la première fois qu'on parlait dans un jugement de la valeur fonctionnelle de la famille. Je veux qu'on se comprenne bien. J'ai été élevé dans une famille, je ne viens pas de la planète Mars et je ne remets pas en cause le caractère fondamental et sacré de la famille.

Je peux compter sur ma famille. Dans ma vie quotidienne, j'ai un frère jumeau sur lequel je m'appuie beaucoup. Mes parents font partie de ma famille. Ma mère est bénévole à mon bureau. Si vous appelez à mon bureau, c'est elle qui va vous répondre, bénévolement. Ce n'est pas parce qu'on est homosexuel qu'on ne considère pas la famille. Je crois à la famille, je considère la famille et, comme législateur, je veux que la famille ait une valeur reconnue, primée, sanctionnée indéniablement, mais je me refuse à lui donner la définition restrictive, un peu passéiste, que vous y donnez. C'est là que la différence réside. Je sens qu'on va avoir de bons échanges.

[Traduction]

Le président: Monsieur Clemenger.

M. Bruce Clemenger: J'ai deux choses à dire. Premièrement, vous dites que le Bloc québécois proposera un amendement afin qu'on utilise le mot «promouvoir». Nous serions d'accord là-dessus. Cela répondrait à nos préoccupations à cet égard.

Deuxièmement, nous pourrions discuter longtemps—l'affaire Egan, l'affaire Rosenberg. Nous attendons la décision de la Cour suprême dans l'affaire M et H, qui aura de très profondes répercussions. Les juges ont pris plus de 13 mois pour délibérer, de sorte que la décision risque d'être fort complexe.

Cela nous ramène à votre argument. Il incombe à votre comité de décider s'il y a lieu ou non de déléguer cette question au gouverneur en conseil et non de discuter de ce que devrait être la définition du mot conjoint. Au lieu de déléguer cette question au gouverneur en conseil, je préférerais que vous puissiez discuter, dans le cadre de ce projet de loi ou d'un projet de loi semblable, de la question du mot «conjoint», et que tous les groupes du Canada qui veulent parler de cette question puissent en discuter... c'est-à-dire que nous puissions examiner des solutions de rechange pour une variété de types de relations. Ce n'est pas le contexte dans lequel nous discutons ici.

J'aimerais bien en discuter avec vous et exprimer mon désaccord sur un certain nombre de choses que vous avez dites, mais nous disons que ce n'est pas le moment de le faire, parce que la mesure propose seulement de déléguer cette question à un groupe qui délibérera à huis clos, alors que la question devrait être débattue en public afin que nous puissions tous nous exprimer à ce sujet.

[Français]

M. Réal Ménard: Je suis d'accord avec vous. Je partage votre point de vue. Je pense que madame ici voulait s'exprimer.

[Traduction]

Mme Karen Murawsky: Je voulais seulement dire que vous avez mentionné que nous avions une définition du mot «conjoint», et je dois protester. Nous n'avons nettement pas donné de définition de ce mot. Nous ne demandons pas de définition. Nous sommes préoccupés par le processus dont il est question ici. Je répète ce que M. Clemenger a dit. Nous craignons que le processus consistant à déléguer la question au gouverneur en conseil puisse poser plus de problèmes. Nous n'avons pas peur d'un débat. Nous voulons débattre de n'importe laquelle de ces questions controversées, et c'est certainement ce que nous préférerions.

Le président: Merci.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Premièrement, permettez-moi de dire que je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que ce n'est pas suffisant de résoudre cette question par voie de règlement et de décret. C'est une question dont il faut discuter. Je suis absolument d'accord avec mon collègue à ce sujet. Je soupçonne que cette question est reléguée à la fin du projet de loi, de fait, parce que c'est une question qui mérite un véritable débat parlementaire et malheureusement, si l'on en proposait une définition, par exemple au début du projet de loi, la question dominerait probablement le débat. Et comme pour bien des choses dans la vie, on a peut-être trouvé la solution de la facilité, de la simplicité.

Pendant que vous discutiez, je parcourais le projet de loi avec l'aide du secrétaire parlementaire, et il semble que le mot «conjoint» soit utilisé seulement dans deux articles: le paragraphe 6(2) et le paragraphe 19(2). On l'y utilise parce qu'il y est question de l'exigence en matière de résidence pour les gens qui vivent dans une relation de dépendance avec des membres des Forces canadiennes ou du corps diplomatique à l'étranger.

• 1900

J'aimerais que vous regardiez le paragraphe 6(2), parce que le paragraphe 19(2) dit exactement la même chose, et vous pourriez constater qu'en modifiant quelque peu le libellé, on peut se débarrasser du problème du mot «conjoint», du moins dans ce projet de loi, et procéder d'une manière complètement différente.

Au lieu de dire, comme ici, «est assimilée à une période de résidence... toute période pendant laquelle le demandeur a résidé à titre de résident permanent avec son conjoint alors que celui-ci était citoyen et travaillait», on pourrait dire est assimilée à une période de résidence... toute période pendant laquelle le demandeur a résidé à titre de résident permanent dans une relation de dépendance avec quelqu'un qui était citoyen». Il suffit de supprimer le mot «conjoint» et d'y substituer les mots «dans une relation de dépendance».

On règle non seulement le problème—il y a eu de fait un cas de cette nature, où une personne se trouvait dans une relation de dépendance au consulat à l'étranger, c'est-à-dire dans un poste diplomatique—mais une telle formulation inclurait les cas où un enfant ou une nièce, un parent quelconque, s'est retrouvé dans une relation de dépendance à l'étranger parce que le militaire ou le diplomate a dû déménager à l'étranger, ce qui a empêché la personne en question de respecter les exigences en matière de résidence pour obtenir la citoyenneté.

En remplaçant par conséquent le mot «conjoint» dans ces deux articles—parce qu'ils sont exactement les mêmes—par l'expression «dans une relation de dépendance», on élimine complètement du projet de loi le mot «conjoint», et l'on en réserve la discussion là où elle doit se tenir, c'est-à-dire dans un débat séparé au Parlement, parce qu'il s'agit d'une question majeure qu'on ne doit pas laisser se glisser dans un projet de loi très important en lui-même et qu'il faut adopter. On ne doit pas le compromettre à cause de la préoccupation très réelle que vous avez soulevée au sujet de la façon dont le mot «conjoint» a été utilisé dans ce projet de loi.

Le président: Madame Watts, voulez-vous répondre à cette observation?

Mme Diane Watts: Nous soutenons qu'une relation de type conjugal est une relation de coopération et pas nécessairement une relation de dépendance. Si l'on utilise le mot «dépendance», on peut alors inclure n'importe quoi.

Le président: Vous avez donc des réserves face à cette proposition?

Mme Diane Watts: Nous ne l'accepterions pas.

M. John Bryden: Vous devriez y réfléchir avant de répondre, car je pense que cela résoudrait votre problème, si vous me permettez de le faire remarquer.

Mme Diane Watts: Il y a une distinction entre une relation de type conjugal et une relation de dépendance. Elles ne sont pas identiques et c'est pourquoi le mot «conjoint» figure ici.

M. John Bryden: Quelqu'un veut-il me faire part de sa réaction?

M. Bruce Clemenger: Je suis tenté de réfléchir à votre suggestion quelque peu avant de répondre. Je vois où vous voulez en venir et cette solution éliminerait la majorité de nos préoccupations en supprimant le mot «conjoint» et en parlant d'une autre catégorie de relation, mais je pense qu'il restera encore des problèmes.

Premièrement, qui décidera d'un critère pour déterminer ce qui constitue une relation de dépendance et ce qui n'en constitue pas une? Est-ce encore le gouverneur en conseil?

Deuxièmement, si je suis célibataire, que je travaille à l'étranger et que j'ai une relation de dépendance avec quelqu'un, cela signifierait qu'il ne doit pas s'agir nécessairement d'une relation conjugale ou sexuelle; il pourrait s'agir d'une relation quelconque de dépendance. La personne peut alors obtenir la citoyenneté et venir au Canada. Je pense que la loi précédente permettait cela pour les couples mariés. Cela signifie que si j'épousais quelqu'un à l'étranger, il ne serait pas nécessaire de respecter l'exigence en matière de résidence et nous serions donc mariés, ce qui créerait également des obligations entre moi et ma conjointe.

Dans le cas d'une relation de dépendance, par exemple entre deux personnes de même sexe, c'est-à-dire une personne avec qui je n'ai pas de relation sexuelle et que je décide de parrainer, une fois que cette personne est ici à titre de citoyen, il n'y a pas d'obligation légale de soutien de quelque nature que ce soit. Je me demande alors, si l'on détermine qu'il y a une relation et qu'on la reconnaît pour accorder la citoyenneté à quelqu'un, comment cette relation serait-elle comprise en vertu des lois canadiennes?

M. John Bryden: Voyez-vous, je...

Le président: John, je permettrai d'abord à M. MacDonald de faire une observation s'il le désire.

M. John Bryden: Certainement, je vous en prie.

M. David MacDonald: Nous sommes entièrement d'accord avec vous. Nous sommes sur la même longueur d'onde. Je ne pense pas pouvoir ajouter quelque chose, je me contente de dire que nous sommes d'accord avec vous.

M. John Bryden: Permettez-moi de m'expliquer davantage, car je me rends compte qu'il est difficile de donner une réponse définitive face à une proposition aussi soudaine, mais je tiens seulement à vous faire savoir qu'elle m'est aussi venue d'une façon soudaine.

J'ai compris d'après votre témoignage que votre principale préoccupation concerne la définition du mot «conjoint», et que vous vouliez voir le débat porter sur toute la question de la relation hétérosexuelle, des enfants et du mariage. Je dis simplement qu'en changeant ces mots clés, en faisant disparaître ce problème du projet de loi, nous rendons possible l'octroi de la citoyenneté à des personnes handicapées ou infirmes, par exemple, ou à des personnes qui ont même pu être blessées dans un pays en guerre, et avec lesquelles un employé consulaire ou diplomatique, ou encore un membre des Forces canadiennes, a pu établir une relation de dépendance.

• 1905

À mon avis—et je m'arrêterai ici parce que j'en ai dit suffisamment—cela éliminerait non seulement votre problème d'une manière légitime et renverrait le débat à un autre moment où il pourrait être plus complet, mais cela ouvre aussi la possibilité de faire un peu plus de bien.

Mme Sophie Joannou: Puis-je prendre la parole? Vous parlez d'une relation de dépendance. Je suppose que cela inclut une femme ou un mari?

M. John Bryden: Oui.

Mme Sophie Joannou: Je me demande si les femmes modernes qui sont féministes aimeraient qu'on dise qu'elles sont dépendantes. Vous auriez peut être un problème.

M. John Bryden: Je ne peux pas les résoudre tous.

Mme Sophie Joannou: Très bien.

Le président: M. Martin est le suivant sur ma liste.

M. Pat Martin: Merci d'être venus. Je me rends compte qu'il y a des opinions très catégoriques sur les questions que vous avez soulevées. J'ai moi-même des opinions très catégoriques à cet égard, mais elles sont probablement complètement à l'opposé des vôtres. Je serai franc avec vous.

Franchement, le sens ou le ton sous-jacent de vos propos m'effraie, d'une certaine manière, car j'y vois une tendance très nette de votre part à essayer de faire en sorte que nous ne nous orientions pas vers une reconnaissance des couples et des droits des couples de même sexe, avec les mêmes avantages pour des conjoints de même sexe, etc. Alors que je suis très franchement fier de ce que précisément il y ait un mouvement dans cette direction.

Je pense que le terme «droits» apparaît à plusieurs reprises dans vos exposés. Je pense que le mouvement des droits des homosexuels est un des grands combats des droits de la personne dans ce siècle, et j'espère qu'il finira par porter fruit précisément au moment où je suis à la Chambre des communes.

Pour ce qui est de la définition de la famille, tout téléspectateur de Sesame Street sait que les familles prennent des formes très différentes, allant des couples de même sexe aux parents seuls, et aux maisons plus conventionnelles, comme celle dans laquelle j'ai grandi.

Je suis donc plein de doutes, d'une certaine manière, sur ce que peuvent être les motivations à l'oeuvre ici, car très franchement, alors même que l'on vous offrait une solution qui semblait régler le problème que vous posiez, vous l'avez rejetée du revers de la main parce qu'elle n'allait pas suffisamment loin, parce que cela ne correspondait pas, j'imagine, à l'idée que vous vous en faisiez en arrivant ici. Pourtant cela répond exactement au problème que vous avez évoqué. Cela me laisse penser qu'il y a peut-être d'autre chose en cause que nous ignorons.

Un de vos arguments tout à fait légitimes—ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas d'autres—et sur lequel je suis en accord avec vous, c'est que le débat devrait être d'emblée franc et transparent, et cela correspond d'ailleurs à tout ce que vous avez pu entendre déclarer ici de toutes les façons possibles. Nous préférerions d'ailleurs que ce débat soit une fois pour toutes porté devant la Chambre des communes, et que l'on fasse ensuite voter les députés, que l'on connaisse leurs véritables couleurs sur cette question, plutôt que de procéder de façon détournée en se servant d'un projet de loi, alors que c'est bien de tout cela qu'il s'agit ici... et c'est ce qui nous amène à dévoiler clairement nos positions, disons-le bien franchement.

Cela dit, cela semble plus une observation qu'une question. Merci de m'avoir donné la parole.

Le président: Voulez-vous répondre?

M. Bruce Clemenger: Je voudrais d'abord faire remarquer que je n'ai pas rejeté d'emblée la proposition de M. Bryden. J'ai d'ailleurs dit au contraire qu'il s'agit d'un pas important qui pourrait être fait dans notre direction.

M. Pat Martin: Je suis d'accord.

M. Bruce Clemenger: Pour nous c'est encore une question de définition. Et il s'agit de savoir comment cela fonctionnera dans le cadre du droit canadien, puisque l'on crée de nouvelles catégories. Là encore c'est un débat que nous aimerions avoir.

Nous sommes préoccupés par cette redéfinition de la notion de conjoint. La société connaît tout un éventail de relations qui sont le fait de relations de dépendance économique et émotionnelle, et nous devons à ce moment-là avoir une discussion franche et directe sur l'éventail correspondant d'avantages et d'obligations qui correspondrait à tout ce spectre de relations. Mais encore une fois, ce n'est pas le lieu d'en discuter; il y aura d'autres tribunes où le faire.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Madame Watts, vous avez un commentaire à faire?

Mme Diane Watts: Oui. Pour nous, cette notion de dépendance est trop simpliste. Ça ne recouvre pas le concept de «conjoint». Ça ne correspond pas non plus à la notion de famille. Dans la famille, il s'agit de rapports de complémentarité. Parler simplement de dépendance est une simplification exagérée, qui correspond plutôt à un espèce de jugement que l'on porte sur la famille, le conjoint, et les familles telles que nous les avons connues traditionnellement.

La notion de dépendance ne nous est pas nouvelle, et nous ne la rejetons pas d'emblée. Nous y avons réfléchi, et nous estimons que cela ne correspond pas à toute la réalité du mariage et de la famille. C'est exactement là où le juge de la Cour suprême, La Forest, intervient en invoquant le caractère unique du mariage et de la famille, ainsi que de leur rôle de liens d'une génération à l'autre. Il y a donc quelque chose d'unique...

• 1910

M. Pat Martin: C'est bien pour cela qu'on ne laisse pas les couples homosexuels se marier. Si l'on permettait ces mariages, seriez-vous de votre côté convaincue que ces personnes sont bien mariées? Est-ce que cela vous satisferait?

Mme Diane Watts: On ne peut quand même pas comparer les deux...

M. Pat Martin: D'une certaine manière le lien existerait.

Mme Diane Watts: On pourrait trouver un autre terme, mais nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'un mariage. Il y a quand même une différence entre les deux. Notre droit en atteste depuis toujours, et il ne serait pas réaliste de laisser tomber cette notion de cette façon... je parle de cette différence.

Le président: Je vais alors poser une question. Commençons par le commencement, c'est-à-dire l'instauration d'un rapport entre deux personnes. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que cette possibilité de rapport existe, dès qu'il y a deux personnes? Est-ce bien oui?

Des voix: Oui.

M. David MacDonald: Oui.

Le président: Y a-t-il des objections?

Ça peut être une relation entre un homme et une femme. Est-ce bien vrai?

Mme Karen Murawsky: Absolument.

Le président: Pas d'objection, donc. Et on peut aussi alors avoir une relation entre personnes du même sexe.

M. David MacDonald: Absolument.

Le président: Aux fins de la loi, si nous arrivons à définir cette relation... puisque de toute façon il y a eu tout un débat sur la définition du conjoint, qui entre dans le cadre d'un certain type de rapport. Est-ce bien cela?

Des voix: Oui.

Le président: Si donc nous pouvons trouver une définition ou un terme, qui ne préjuge pas la nature de la relation de conjoint, laquelle est interprétée de différentes façons en ce moment... Vous avez cité la jurisprudence, et je suis tout à fait sensible à votre argument.

Mais d'après la proposition de M. Bryden... Je suis peut-être en désaccord avec lui lorsqu'il parle d'une relation de dépendance, mais je suis sûr que M. Bryden ne voulait pas en dire plus. Cela pourrait être une relation d'interdépendance. Cela peut être une association. Mais ce que je vois dans votre exposé, et je crois que c'est une impression assez générale, c'est cette crainte d'une modification de la définition de conjoint dans la réglementation, qui s'écarterait alors et de la jurisprudence et de l'interprétation constitutionnelle, précédant tout ce débat... à savoir que nous ne devrions pas passer à une définition qui ne soit pas l'aboutissement de tout un débat public. Voilà en gros votre position.

Mme Diane Watts: Absolument.

Le président: Et voilà pourquoi j'ai eu le sentiment de détecter un certain acquiescement de la part de la Coalition pour la vie. Ce n'est peut-être pas toute votre position, mais je pense que vous êtes assez d'accord, n'est-ce pas? J'ai le sentiment—quel est le mot—d'une approbation qui n'est pas sans réserve, et qui demanderait évidemment que l'on précise. Mais je vois de votre part, ici, une approbation plus hésitante de cette proposition. Est-ce que je me trompe?

Mme Diane Watts: Nous estimons que c'est une mauvaise description du mariage et de la famille.

Le président: Cette question de...

Mme Diane Watts: Il ne s'agit donc pas d'une approbation hésitante.

Le président: Très bien, donc ça ne l'est pas...

Mme Diane Watts: Nous reconnaissons simplement qu'il y a une différence, quelque chose de tout à fait unique, comme le juge La Forest...

Le président: Je suis d'accord avec vous pour dire que sa définition de la relation de dépendance est insuffisante, ou en tous les cas différente de votre définition de la famille ou du lien marital. Je peux très bien comprendre puisque nous venons d'établir, d'emblée, qu'il y a différents niveaux de relations et différentes définitions.

Mais la proposition ici vise à permettre que l'on puisse enfin avoir une loi applicable, et puisque la loi n'a pas pour objet essentiel d'apporter une définition scientifique, ce que M. Bryden propose est que nous trouvions simplement la terminologie adéquate. Il est au moins rassurant qu'ici, où trois personnes défendent des positions semblables—toutes opposées à ce que ce soit défini de cette façon—deux sur trois, si je ne me trompe, sont d'accord. C'est très démocratique, et pour la présidente très rassurant pour le moins.

Est-ce que je résume bien la situation, avez-vous encore des réserves, madame Watts?

Mme Diane Watts: D'après la loi, le gouverneur en conseil définira le terme de «conjoint», et on ne sait même pas si c'est définitif, ni si la définition variera en fonction de situations concrètes. Ce n'est donc pas le comité...

M. John Bryden: Puis-je vous venir en aide...

Mme Diane Watts: ...qui sera appelé à définir le terme.

Le président: Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Est-ce que je peux vous venir en aide dans ce débat? Je ne suis pas certain que vous compreniez exactement ce que j'ai fait. Je me débarrasse simplement de toute cette discussion autour de la famille, du conjoint, etc. Tout ce que vous nous dites alors n'a plus aucune pertinence, puisque j'ai changé de code, grâce à une petite modification qui fait que le véritable débat, le débat important, est remis à plus tard, pour que nous puissions adopter cette loi. Quant à savoir si les termes de relation de dépendance sont les bons, je n'en suis pas certain. La ministre et ses collaborateurs auront à en discuter. Nous n'avons pas en tous les cas eu besoin d'utiliser le terme «conjoint» dans ces articles. Ça n'a même pas besoin d'être inscrit là. Et c'est une façon de contourner la difficulté.

• 1915

Mme Sophie Joannou: Que ferez-vous alors à l'article 43?

M. John Bryden: Je le supprimerai.

Mme Sophie Joannou: Je vois. Je n'étais pas sûre de vous avoir complètement compris.

M. John Bryden: Voilà comment je ferai.

Mme Sophie Joannou: Parfait.

M. John Bryden: Cet article n'est là qu'en raison des paragraphes 6(2) et 19(2), où il est question de la situation particulière des Forces canadiennes et du personnel consulaire à l'étranger, qui peuvent avoir des personnes à charge. Alors il faut bien que ces articles soient là. Cela évidemment a des effets sur les conditions de résidence exigées pour l'obtention de la citoyenneté. C'est le seul exemple, et c'est la seule raison pour laquelle le terme «conjoint» est utilisé dans le projet de loi. C'est ce qui explique donc ces dispositions qui vous inquiètent.

Mme Diane Watts: Ce n'est peut-être pas la seule raison pour laquelle le terme «conjoint» est utilisé dans le projet de loi. Il peut y avoir d'autres raisons à cela.

M. John Bryden: Je m'en tiens moi au texte strict du projet de loi.

Mme Diane Watts: Oui. Le gouvernement pourra alors décider par décret de la définition du conjoint, sans avoir à affronter les électeurs.

Le président: Monsieur Lowther, vous avez la parole.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Parfait.

J'ai écouté le débat avec attention, c'est intéressant. J'ai compris aussi que nous aimerions tous avoir un débat public civilisé sur toute cette question de la reconnaissance juridique des conjoints de même sexe. Je regarde mes notes, et je vois que le 18 septembre 1995, la Chambre a rejeté une motion, par une majorité presque triple, et après un long débat. Cette motion déclarait:

    Que, de l'opinion de cette Chambre, le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires à la reconnaissance juridique des conjoints de même sexe.

Il y a donc à peine quelques années nous sommes tous tombés d'accord pour dire que ça n'était pas du tout notre tasse de thé. Il y a eu un débat, et donc un débat assez récent, et la Chambre a décidé. Il s'agit bien du processus démocratique?

Je suis en désaccord avec la démarche de M. Bryden. Pour pouvoir se débarrasser de toutes ces questions qui entourent la notion de famille, de conjoint et d'enfant, il nous arrive avec cette innovation de la relation de dépendance. Mais pour revenir à ce que disait M. Clemenger, cela pourrait être à l'origine de plus de difficultés que de solutions. C'est une façon expéditive de se débarrasser d'une question épineuse, qui en interpelle plus d'un, en nous parlant de cette relation de dépendance, qui reste à définir, et qui risquerait en même temps de rendre cette loi inapplicable à la longue. Nous avons donc tous d'abord un mouvement de soulagement, comme si c'était la réponse magique, mais en fait cela met par terre tout le projet de loi au point que cela remet gravement en cause tous les avantages reconnus aux Canadiens. C'est une façon étrange de procéder.

Mais je reviens au projet de loi. Pourquoi ne pas procéder autrement. Si vous regardez à la définition de conjoint, cela signifie l'une des personnes dans un mariage hétérosexuel... l'homme ou la femme. On peut donc dire que le terme «conjoint» et celui de mariage sont étroitement reliés. Si vous modifiez la définition du conjoint, vous devez automatiquement modifier celle de mariage; ces deux notions sont solidaires. Par ailleurs nous avons toute cette histoire derrière nous du mariage et de la notion de conjoint, et chacun s'en accommode à peu près. Il y a eu par ailleurs cette décision de la Chambre.

Il me semble que ce projet de loi a pour objectif de reconnaître l'existence de relations, à l'étranger, chez ceux qui voudraient venir au Canada, relations qui ne se conforment peut-être pas à la définition canadienne de conjoint, ce qui ne me pose pas de problème. Peut-être voulons-nous accueillir ces gens-là. Toutefois, je ne vois pas pourquoi il faudrait pour autant que nous modifiions notre définition de conjoint. Nous pourrions garder le mariage et les conjoints tels qu'ils sont, tout en conférant au ministre le droit, dans certaines circonstances dont il a été prouvé qu'elles ne relèvent pas du droit canadien, de permettre à certains d'entrer ou d'immigrer au Canada, parce qu'il existe une relation intime qui est justifiée au sens du règlement.

• 1920

Ce que j'entends par là, c'est que nos lois canadiennes peuvent continuer d'exister tout en permettant d'exempter certaines situations non conformes à ces lois. Pourquoi serions-nous tenus de changer notre compréhension fondamentale des termes tels que «conjoint» et «mariage», tout simplement pour tenir compte des situations qui ne s'y conforment pas? Nous pouvons très bien le faire sans modifier la pierre angulaire de notre politique, en conférant tout simplement au ministre le pouvoir de tenir compte de ces situations. Me comprenez-vous?

Le président: Oui. Qu'en pensez-vous? Madame Murawsky.

Mme Karen Murawsky: Je comprends ce que dit M. Lowther, je crois, et je suis plutôt d'accord avec lui. Lorsqu'on lit le projet de loi article par article on se dit: «on ne peut pas être contre cela; je suis d'accord avec cela; c'est bien; c'est moins bien.» Mais ceux qui se préoccupent du sort des familles s'inquiètent lorsqu'ils voient une définition du terme «conjoint».

Nous nous sommes d'abord demandés comment on définirait le conjoint. Cela a été notre point de départ. Nous vous avons donc présenté cette lacune du projet de loi telle qu'elle nous est apparue. Nous comprenons ce que dit M. Bryden, et nous sommes d'accord. Mais cela pourrait entraîner des problèmes dans le reste du projet de loi. Je continue de croire qu'il faudrait l'examiner très attentivement, même si, en principe, nous sommes d'accord.

J'abonde aussi dans le même sens que M. Lowther qui croit que nous pourrions prévoir des exceptions; toutefois, il faudrait supprimer l'article 43 pour régler le problème du processus.

Le président: Permettez-moi de penser tout haut un moment. Je suis très heureux que les deux députés aient fait des suggestions concrètes. Si on rassemble ces deux propositions, que ce soit le conjoint du demandeur ou quelque autre terme qu'on veuille définir, on pourrait inclure les deux sans rien changer, car le conjoint est défini par la jurisprudence.

Je ne veux pas m'engager dans un débat avec les témoins, mais, sauf votre respect, madame Watts, il me semble prématuré pour vous de dire que le gouvernement en fera fi. Comment pouvez-vous conclure que le gouvernement en fera fi puisque vous n'avez pas encore vu la définition comme telle? Elle pourrait bien être la même.

Mme Diane Watts: Mais pourquoi prévoir une définition si elle est la même? Pourquoi ne pas tout simplement reprendre dans le projet de loi...

Le président: Peut-être pour plus de précision.

Mme Diane Watts: ...ce qu'a dit la Cour suprême ou ce que dit la Déclaration des droits de l'homme de l'ONU?

Le président: Quoi qu'il en soit, je ne veux pas m'engager dans un débat avec les témoins. Ce n'est pas la raison d'être du comité. Nous sommes ici pour entendre un éventail d'opinions. Étant donné que des propositions ont été faites, j'ignore ce qui se passera pendant le débat au cours de l'étude article par article. Mais je crois que nous progressons, et deux excellentes suggestions ont été faites. J'ignore ce que décidera le comité.

J'aimerais vous poser une question, et je vous permettrai d'y répondre. Vous avez dit être d'accord avec M. Lowther. Monsieur Lowther, corrigez-moi si je me trompe dans mon interprétation, mais je crois vous avoir entendu dire que vous ne vous opposeriez pas à ce qu'on inclue au titre des relations, les relations entre partenaires de même sexe, à condition que ceux-ci ne soient pas appelés des conjoints. Est-ce bien cela?

M. Eric Lowther: Il vaudrait peut-être mieux que je répète ce que j'ai dit.

Le président: Je vous en prie.

M. Eric Lowther: Voici où je voulais en venir: il y a au Canada des lois et une tradition en ce qui concerne les conjoints unis dans un mariage. Notre Loi sur l'immigration devrait s'accorder au droit canadien. S'il y a des exceptions, le ministre devrait avoir le pouvoir d'en traiter sans qu'il soit nécessaire de changer les lois canadiennes pour qu'elles s'appliquent à ces exceptions. Cela ne m'apparaît pas sensé.

Le président: J'ai compris.

Monsieur McDonald, puis M. Telegdi.

M. David McDonald: Une des difficultés, c'est que nous examinons tout cela de façon très simpliste. Voulons-nous simplement exclure les relations homosexuelles?

M. Martin a soulevé des questions intéressantes, mais même si on incluait les relations homosexuelles, ces partenaires seraient-ils simplement définis comme des conjoints? Qu'en serait-il alors de la définition du terme «conjoint»? Nous ne pouvons décider arbitrairement d'inclure ce groupe.

• 1925

J'aimerais que M. Martin nous explique comment il ferait. J'estime que, même si les partenaires homosexuels étaient considérés comme des conjoints, il faudrait que ce terme soit défini par le biais du processus parlementaire. Irait-on jusqu'à dire, par exemple, qu'il pourrait y avoir des mariages comprenant plusieurs conjoints?

C'est dans le cadre du processus parlementaire qu'il a été décidé qu'un conjoint est une personne unie à une autre. En vertu de ce projet de loi, on pourrait très bien définir ce terme de sorte que le mariage pourrait inclure plusieurs conjoints. C'est donc au Parlement qu'il incombe d'établir cette définition.

Le président: Je vous rappellerai que les comités font partie du Parlement.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président.

Madame Joannou, vous avez dit que, en cette ère moderne, les gens ne voudraient peut-être pas être considérés comme en relation de dépendance. Ma femme est financièrement indépendante, mais je crois qu'elle dépend de moi comme je dépends d'elle. Il y a une interdépendance entre nous. C'est une relation qui existe dans toutes les familles, peu importe comment on les définit. Ce mot ne m'ennuie donc pas trop. Je ne crois pas non plus qu'il ennuierait ma femme, car nous dépendons l'un de l'autre pour ce qui est du soutien affectif et de toutes ces bonnes choses que les membres d'une famille font les uns pour les autres, et quelle que soit la définition.

Je ne crois pas que la ministre ait eu une idée derrière la tête pour faire inclure ce mot. Je crois plutôt que la ministre et son ministère pensaient à ceux qui, à l'étranger, travaillent pour notre pays, que ce soit pour les Forces armées ou le service extérieur. Ces personnes pourraient très bien avoir une relation avec une personne du sexe opposée qui serait considérée comme une union de fait au Canada. C'est aussi simple que cela. Je vois que vous tous en avez présumé autrement.

Le président: Excusez-moi, monsieur Telegdi. J'aime bien ce que vous dites là, et j'aimerais que vous poussiez votre réflexion un peu plus loin. Mais d'abord, êtes-vous d'accord?

Mme Sophie Joannou: J'aimerais préciser une chose. Je me faisais l'avocat du diable lorsque j'ai dit que certains s'opposeraient à ce qu'on dise qu'ils sont dans une relation de dépendance, car je sais que certaines féministes—pas moi—étaient contre l'idée de recevoir des prestations familiales, car cela signifiait qu'elles dépendraient de leur mari, même si c'était avantageux pour leur famille. Pour répondre à votre question, je me faisais simplement l'avocat du diable.

Le président: Monsieur Telegdi, poursuivez.

M. Andrew Telegdi: Merci. Je crois que c'est en effet aussi simple que cela. Je ne crois pas que le gouvernement avait l'intention d'éviter le débat qui devra se tenir un jour ou l'autre. Nul doute que c'est une question qui vaut bien un débat en soi.

Par ailleurs, un peu plus tôt, Mme Hiemstra a parlé de la promotion ou de la défense des valeurs. Pour ma part, j'estime que nous défendons certaines des valeurs qui vous sont chères, que nous en faisons même la promotion. Personne ici n'irait jusqu'à s'armer ou aller à la guerre, nous discutons seulement entre nous. Pour moi, la défense des valeurs est quelque peu différente, mais je crois que vous comprenez cela.

Mme Beth Hiemstra: La défense, ça ne désigne pas nécessairement le fait de combattre ou de porter l'uniforme militaire, mais le terme a cette connotation—c'est souvent le cas.

M. Andrew Telegdi: J'imagine.

Mme Beth Hiemstra: Je ne veux pas dire que le ministère de la Défense nationale est...

M. Andrew Telegdi: Vous pouvez faire la promotion de la guerre et toutes ces autres choses aussi. Je pensais vous dire ça comme ça.

• 1930

Le président: Je vais permettre à M. Clemenger... C'est une chose de faire une remarque et une autre que de répondre.

Monsieur Clemenger.

M. Bruce Clemenger: Au sujet du serment, je suis d'accord. Nous défendons certaines choses verbalement, et cela ne suppose pas nécessairement une défense militaire. Cependant, chez plusieurs personnes qui viennent au Canada et qui veulent obtenir la citoyenneté canadienne, on se préoccupe du fait que le verbe «défendre» a une autre connotation qui pourrait porter atteinte à leur conscience. Si l'on pouvait trouver un autre mot qui n'aurait pas cette connotation, cela faciliterait beaucoup le processus pour ces personnes. Par exemple, on songe à ces Mennonites, dont un grand nombre ont quitté récemment le Mexique pour s'établir dans le sud de l'Ontario.

Nous vous disons donc de garder la même pensée, mais de modifier seulement le mot afin de tranquilliser diverses personnes.

Deuxièmement, vous vouliez savoir si cette définition du conjoint devrait s'étendre aux conjoints de fait, aux conjoints de sexe opposé, et vous vous demandiez si c'était si simple que ça. Si tel est le cas, je vais poser de nouveau l'une de mes premières questions: pourquoi la ministre n'a-t-elle pas simplement ajouté une définition du terme «conjoint», au sens, disons, de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, où l'on définit le conjoint comme étant la personne que l'on a épousée ou un hétérosexuel avec qui l'on est marié? C'est parce que la ministre n'a pas choisi cette définition évidente qu'elle a décidé de procéder par décret que nous devons alors demander quels sont ces critères?

J'étais présent à l'audience plus tôt aujourd'hui, au moment où elle était présidée par un autre président, et l'on a posé la question de la polygamie. Et encore une fois, deux adultes... qu'arrive-t-il si vous êtes fonctionnaire canadien travaillant dans un pays où l'on permet d'épouser une personne qui a moins de 14 ans? Vous avez la polygamie avec deux personnes, deux adultes, enfants-adultes, relations conjugales entre conjoints du même sexe, de sexe opposé, relations conjugales ou non conjugales, à long terme ou à court terme—tous ces éléments de la définition du conjoint semblent être acceptables quand on procède à huis clos. Vous dites, eh bien, comment vont-ils décider?

Si vous le permettez, j'aimerais revenir à ce que disait M. Lowther. Je suis d'accord pour dire que ce qui nous préoccupe le plus, c'est que l'on ne redéfinisse pas le conjoint et que l'on ne redéfinisse pas le mariage, et s'il se présente des situations, qu'il s'agisse d'exceptions ou d'autres formes de relations, que la société canadienne détermine ce qu'elle doit faire pour se protéger, et on trouvera ensuite d'autres catégories. Pourquoi déconstruire ou reconstruire les termes «conjoint» et «mariage», qui ont une longue tradition au Canada, et cela pour tenir compte des autres formes de relations? Il y a d'autres moyens de procéder. On peut utiliser d'autres termes, ou encore là, on peut prévoir des exceptions.

Pour ce qui est du débat, je me rappelle qu'il y a eu un débat en 1995 et on a perdu. Je ne dis pas que nous devrions avoir un débat chaque année, mais je suis favorable à ce genre de processus. Il y a plusieurs litiges au Canada qui, de l'avis de plusieurs Canadiens, sont réglés et qui ne le sont pas à notre avis. Nous voulons que ces questions soient discutées de nouveau, et nous faisons des pressions en ce sens, nous voulons que ces questions soient ravivées par voie de projet de loi d'initiative parlementaire et, nous l'espérons, par voie de projets de loi gouvernementaux qui seront débattus encore et encore.

Même si je ne veux pas qu'il y ait des débats chaque année, je pense que c'est le processus à suivre, au lieu de s'en remettre au gouverneur en conseil, auquel cas on apprend ce qui a été décidé seulement si on lit la Gazette du Canada. Il est alors parfois trop tard pour opposer des arguments ou expliquer pourquoi nous pensons que les décisions étaient mauvaises.

Le président: Andrew, une dernière question.

M. Andrew Telegdi: Tout d'abord, je compte un grand nombre de Mennonites dans ma circonscription de Kitchener-Waterloo, et j'ai souvent affaire à des gens qui ne veulent pas voir leurs impôts consacrés aux dépenses militaires, qu'il s'agisse du maintien de la paix ou de la situation qui existe maintenant.

Mais l'une des choses que nous faisons, et c'est très courant, monsieur le président—vous connaissez cela très bien, comme la plupart d'entre vous, j'en suis sûr—c'est défendre une thèse. Je vous lance cela en guise de conclusion.

Le président: Merci.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: J'aimerais faire une observation, monsieur le président, et ensuite poser une dernière question parce qu'il se fait tard et que vous avez tous été très patients.

Mon observation est celle-ci: il faut se souvenir que ce projet de loi que nous étudions a trait à la citoyenneté et non à l'immigration. Ce que cette mesure fait, c'est traiter chacun comme un individu, et l'on définit le droit que l'on a à la citoyenneté, ou les étapes qu'il faut suivre pour obtenir la citoyenneté, pour ce qui est de l'individu, sauf ce cas-ci où il y a des circonstances exceptionnelles dans la mesure où les gens se trouvent à l'étranger. Je vous dirai que si l'on a employé le mot «conjoint», c'est parce qu'il s'agit d'une situation où l'individu n'a pas le choix. Voilà pourquoi j'ai employé les mots «relation de dépendance» parce que ces personnes n'ont pas le choix. Ces personnes sont avec cette autre personne, et elles ne peuvent donc être dans une autre situation pour avoir droit à la citoyenneté.

Je m'arrêterai donc là. Voilà pourquoi nous avons choisi ces termes, et nous espérons que ça marchera.

• 1935

Il y a une question que j'aimerais poser à chaque groupe. Le serment de citoyenneté me préoccupe beaucoup. Je pense que le texte que nous avons devant nous est loin d'être satisfaisant. Ce serment soulève plusieurs questions, par exemple, ce qui nous définit comme canadiens.

La question que j'aimerais poser, et que je vous pose très directement, a trait au fait que, contrairement au serment de citoyenneté de tous les autres pays, par exemple les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la Grande-Bretagne, notre serment de citoyenneté ne fait aucune mention de Dieu. On ne le mentionne nullement. Cette mention a été retirée en 1972. Donc voici ma question: croyez-vous que nous devrions songer à remettre Dieu dans le serment afin que celui-ci soit compatible avec la Loi constitutionnelle de 1982? Comme l'a dit le président, on y invoque le nom de Dieu, et c'est ce que dit notre Charte des droits, cependant, nous avons retiré cette mention de notre serment de citoyenneté.

J'aimerais maintenant vous poser la question sous deux formes. Est-ce qu'il faut en faire une exigence absolue, ou est-ce qu'il faut insérer la mention de Dieu et laisser le choix aux gens, et ainsi on pourrait dire à la fin «ainsi Dieu me soit en aide», ou non selon le cas? Voulez-vous me dire ce que vous en pensez?

Le président: Nous allons commencer par Mme Watts, oui ou non.

Mme Diane Watts: Notre organisation n'a pas pris position sur cette question. Nous avons des membres qui appartiennent à une certaine religion et d'autres qui n'ont aucune confession. Je ne crois pas que l'on s'opposerait vivement à ce que l'on ravive la tradition de mentionner Dieu dans le serment. Bon nombre de nos membres sont nés dans d'autres pays, et bon nombre sont très inquiets du fait que nous oublions des aspects de notre culture qui les ont attirés au Canada. Donc, pour cette raison, je pense que ce serait une bonne idée.

Le président: Monsieur Clemenger.

M. Bruce Clemenger: Je pense que cela devrait être facultatif. Le mentionner dans le serment et obliger quelqu'un qui ne croit pas en Dieu à prêter allégeance à Dieu serait une violation de ce que j'appellerais la liberté de culte ou la liberté de conscience. Il y a des gens qui croient très fermement en Dieu et qui se conforment aussi à l'injonction du Nouveau Testament qui leur interdit de mentionner le nom de Dieu lorsqu'ils prêtent serment, et je crois qu'ils ne diraient pas «ainsi Dieu me soit en aide». Si le serment commençait par les mots «Devant Dieu, je jure de faire ceci», ce serait bien, mais de dire «ainsi Dieu me soit en aide» serait porter atteinte à leurs convictions. En fait, ce sont ces gens qui se sont battus pour avoir le choix devant les tribunaux fédéraux et provinciaux afin de ne pas avoir à jurer sur la Bible, même s'ils ont une foi très profonde dans la Bible. C'est donc pour cette raison qu'ils veulent choisir. Pour ces raisons, je pense que pour ceux qui voudraient, ce serait une chose importante.

Il y a plusieurs personnes qui viennent au Canada pour fuir la persécution religieuse à l'étranger, et de leur permettre de prêter publiquement le serment d'allégeance devant Dieu, de pouvoir le dire littéralement et que ce soit accepté, ce serait leur offrir aussi une expérience profonde.

Le président: Madame Murawsky.

Mme Karen Murawsky: Tout comme Real Women, notre organisation compte des membres qui appartiennent à toutes les confessions, donc notre organisation ne prend pas position.

Personnellement, cependant, j'aimerais que ce soit facultatif, mais il faudrait être très prudent dans la facture du libellé. Je n'ai pas grand foi dans les serments. Nous avons beaucoup étudié dernièrement la question du serment d'Hippocrate, et nous avons constaté qu'on ne le prête pas dans la plupart des endroits, et lorsque c'est le cas, c'est souvent une farce. Il faudrait donc être prudent et présenter aux gens un texte qu'ils comprendraient; le recours à cette devrait être facultatif.

Le président: Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Sur ce point, monsieur le président, le Mexique, la Belgique, la Suède, la Suisse, la France et l'Allemagne n'ont pas de serment de citoyenneté. Les pays où l'on ne fait aucune mention de Dieu sont entre autres Israël, l'Inde et la Lettonie, pour n'en nommer que quelques-uns. Je tiens à vous le signaler parce que vous sembliez dire que cette mention existait partout ailleurs et que le Canada était unique parce que nous ne l'avons pas. C'est ce que je vous ai entendu dire plusieurs fois.

Le président: Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Je dois dire, monsieur le président, que les pays que l'on a mentionnés n'ont pas de serment de citoyenneté. Ils n'acceptent pas de nouveaux citoyens. Les quatre pays que j'ai mentionnés sont les principaux pays qui acceptent de nouveaux immigrants comme citoyens. La plupart de ces pays n'ont pas de grand programme d'immigration et de nouveaux citoyens.

M. Andrew Telegdi: En proportion, aucun pays n'accepte plus d'immigrants qu'Israël, je crois donc que vous vous trompez.

• 1940

M. John Bryden: D'accord.

M. Andrew Telegdi: La preuve est faite.

M. John Bryden: Monsieur le président, vous auriez intérêt à lever la séance au plus tôt.

Le président: Tout le monde est d'accord, j'en suis sûr, pour que l'on respecte la Constitution du Canada., N'est-ce pas?

Une voix: Oui.

Le président: Dans le préambule de la Charte, on mentionne déjà la suprématie de Dieu et la primauté du droit. Donc, lorsque nous disons que l'on défend la Constitution, on suppose que l'on défend tous les éléments de la Constitution. N'est-ce pas? Y a-t-il des objections?

M. Bruce Clemenger: Je vois où vous voulez en venir. Le préambule se lit ainsi:

    Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit:

Je pense que le serment d'allégeance serait une déclaration de foi dans ces principes. Ces principes sont entre autres respectueux de la primauté du droit et de la suprématie de Dieu, mais cela ne vous oblige pas à croire dans la suprématie de Dieu.

Le président: Nous n'allons pas débattre de cette question parce que nous ne sommes pas là pour ça. Mais le fait est que c'est là.

Nous disons dans le serment aujourd'hui que nous allons respecter et défendre les lois du Canada, et je propose que l'on change cela pour dire: «la Constitution et les lois du Canada», et ce serait une façon de régler cette question aussi. Monsieur Lowther, êtes-vous d'accord?

M. Eric Lowther: Je suis d'accord pour qu'on lève la séance.

M. John Bryden: Autrement, M. Telegdi et moi-même allons en venir aux coups.

Le président: Je vous remercie tous pour vos exposés.

La séance est levée.