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CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 avril 1998

• 1116

[Traduction]

Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): Je déclare la séance du jeudi 2 avril 1998 ouverte. Nous nous réunissons conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, considération de la recommandation 155 du rapport du Groupe consultatif sur la révision de la législation intitulé Au-delà des chiffres: l'immigration de demain au Canada traitant particulièrement de détention et d'ordonnances d'expulsion.

Je devrais le savoir par coeur depuis le temps!

Des voix: Oh, oh!

Le président: Nous avons la chance d'avoir ce matin avec nous la première délégation de notre table ronde qui représente la Gendarmerie royale du Canada. Sont présents le sergent Ian MacDonald, directeur du programme, Programme des questions d'immigration et de passeport; le sergent d'état-major Glen Rockwell qui est sous-officier responsable de la Section des questions d'immigration et de passeport du détachement de Surrey (C.-B.).

Merci beaucoup, messieurs, de comparaître devant nous. Notre réunion, comme vous le savez, doit vous permettre de faire un exposé, après quoi nous allons commencer avec le premier sujet d'inquiétude ou d'intérêt pour l'opposition. Ensuite n'importe quel membre du comité pourra continuer sur le même sujet avant que nous ne passions à un autre sujet.

Nous n'avons pas une heure complète car nous sommes entrés en retard dans la salle. Je vais donc m'arrêter tout de suite et vous donner la parole. Allez-y.

Le sergent Ian MacDonald (directeur du programme, Programme des questions d'immigration et de passeport, Gendarmerie royale du Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'aimerais remercier le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de nous avoir invités, le sergent d'état-major Rockwell et moi, à venir vous parler aujourd'hui.

Nous avons préparé un exposé conjoint qui décrit notre programme national et explique les rapports entre la GRC et Citoyenneté et Immigration Canada. Nous vous parlerons aussi des défis qui nous attendent et des stratégies que nous avons élaborées pour pouvoir les relever. Le sergent d'état-major Rockwell fera un bref survol des opérations de la Section des questions d'immigration et de passeport de Vancouver.

Permettez-moi d'abord d'expliquer mon rôle à la GRC. Je suis analyste supérieur des programmes à la Sous-direction des affaires fédérales et d'immigration de la GRC. Installé à la Direction générale, je fais régulièrement affaire avec divers groupes et comités chargés d'examiner et de modifier les lois ou de définir des buts et objectifs stratégiques interministériels. Je suis aussi l'évolution des enquêtes menées sur le terrain dans plusieurs régions du Canada et j'offre des conseils et du soutien au besoin. Enfin, je détermine les besoins du programme national et les meilleurs moyens de l'exécuter en collaboration avec une vaste gamme de partenaires et de clients.

On dénombre de nos jours quelque 125 millions de migrants dans le monde. Pour bon nombre d'entre eux, le Canada, à cause de stabilité politique, sa richesse et sa générosité, représente une destination de choix. Les progrès réalisés dans le domaine des transports ont augmenté de façon extraordinaire la mobilité d'une grande partie de la population terrestre. Les communications modernes ont aussi largement contribué à la création du village planétaire.

• 1120

L'évolution de la technologie a entraîné une prolifération des faux documents d'identité et de voyage de qualité. Ce qui pose un sérieux problème aux autorités du monde entier.

Permettez-moi d'illustrer le problème. Depuis le mois d'avril 1997, dans le cadre de notre programme, on signale que 597 faux documents d'identité ou de voyage ont été saisis. Le Programme des questions d'immigration et de passeport de la GRC s'occupe principalement des enquêtes sur les infractions à la Loi sur l'immigration, telles que le trafic de clandestins. En 1997, il a traité 888 cas de ce genre.

Actuellement, le Programme dispose d'un effectif de 198 membres réguliers répartis partout au Canada. Afin de remplir son mandat, il a établi ces cinq grandes priorités en collaboration avec Citoyenneté et Immigration Canada.

La première consiste à lutter contre les organisations criminelles qui font entrer en fraude des clandestins au Canada. Les Nations Unies estiment que 15 millions de tous les migrants du monde ont été conduits dans leur pays d'adoption par des passeurs professionnels. Le Centre international d'élaboration des politiques migratoires évalue à 9 milliards de dollars par an les gains des passeurs, soit deux fois les revenus annuels du cartel de Medellin à son apogée.

La contrebande des personnes rapporte beaucoup. Les organisations criminelles prennent en effet jusqu'à 35 000 $ aux migrants éventuels pour leur faciliter le voyage à destination du Canada. Les triades d'Asie et les organisations criminelles d'Europe centrale prennent une part active à ce commerce illégal. Bon nombre de ces organisations s'adonnent aussi à d'autres genres d'activités criminelles et utilisent de faux titres de voyage et des clandestins pour mener à bien leurs opérations dans des domaines tels que le trafic des stupéfiants, le blanchiment de l'argent, la prostitution et le jeu.

Au cours des trois dernières années, le Programme des questions d'immigration et de passeport de la GRC, en collaboration avec Citoyenneté et Immigration Canada, a mené un certain nombre d'enquêtes sur des groupes importants de migrants cherchant à entrer au Canada par bateau sans documents d'immigration appropriés. Comme on peut l'imaginer, il faut pouvoir compter à ce moment-là sur l'étroite collaboration des gouvernements et des organismes à tous les niveaux, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Nos efforts ont porté fruit et les bateaux et leur cargaison de migrants inadmissibles se sont vu refuser l'accès au pays. Grâce à notre vigilance au cours de ces trois dernières années, on pense avoir empêché plus d'un millier de migrants inadmissibles d'arriver au Canada par bateau.

Le Programme des questions d'immigration et de passeport de la GRC se charge aussi d'analyser et de communiquer aux services de police canadiens et étrangers de l'information tactique sur les organisations spécialisées dans le trafic des clandestins. Cette information est entrée dans une base de données de la GRC. Il y a actuellement près de 16 000 suspects inscrits dans cette base que consulte INTERPOL pour la création et la diffusion de bulletins d'information destinés à tous les pays membres.

La deuxième priorité consiste à réprimer les actes illégaux ou malhonnêtes commis par des fonctionnaires de l'immigration. Les membres de la GRC font enquête sur des délits d'action ou des actes de corruption de la part d'employés du gouvernement. La GRC enquête aussi à la suite de plaintes déposées contre des avocats et des conseillers en immigration, souvent par des citoyens qui estiment avoir été victimes de ces professionnels. Ce travail peut être accompli au Canada, mais aussi dans les postes canadiens à l'étranger.

La troisième priorité consiste à procéder à des enquêtes de dépistage des criminels parmi les demandeurs du statut de réfugié au sens de la Convention qui arrivent au Canada. La Sous-direction des affaires fédérales et d'immigration de la GRC effectue, pour le compte de Citoyenneté et Immigration, des enquêtes de dépistage des criminels parmi les revendicateurs du statut de réfugié. En 1997, plus de 26 000 dossiers sur des enquêtes de ce genre ont été ouverts. Les empreintes classifiées des demandeurs du statut de réfugié sont consignées et conservées par la GRC jusqu'à ce que la personne se voit accorder la citoyenneté canadienne, comme stipulé à l'alinéa 110.2.1 de la Loi sur l'immigration, ou jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge de 80 ans, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cette banque de données contient actuellement 165 000 dossiers classifiés de revendicateurs du statut de réfugié.

• 1125

La quatrième priorité consiste à procéder à des contrôles judiciaires en vue d'identifier les groupes de criminels organisés et les criminels de guerre contemporains. Le Programme des questions d'immigration de la GRC s'emploie activement à repérer les criminels qui veulent entrer au pays, pour le compte de Citoyenneté et Immigration Canada. Les contrôles judiciaires ont pour but de fournir à Citoyenneté et Immigration Canada des renseignements sur les personnes inadmissibles qui demandent un visa de visiteur pour le Canada ou l'entrée au Canada comme résident permanent ou dans le cadre de l'un des programmes destinés aux investisseurs du secteur des entreprises.

Il permet à Citoyenneté et Immigration Canada de repérer les membres ou associés de groupes de criminels organisés, les terroristes, les personnes ayant un casier judiciaire et les criminels de guerre qui essaient d'entrer au Canada.

Nous nous occupons des groupes problématiques venant de deux régions en particulier: le crime organisé asiatique et le crime organisé est-européen. Au cours des deux dernières années, les contrôles judiciaires de la GRC ont mené à l'identification de 919 sujets correspondant au profil du criminel organisé est- européen, dont la moitié ont été associés à des entreprises criminelles ou à des groupes de criminels organisés.

Le Programme des questions d'immigration de la GRC s'intéresse aussi activement aux crimes contre l'humanité et aux crimes de guerre contemporains. On a constitué une banque de données sur le sujet qui contient les renseignements concernant ces types particuliers de crimes. L'information est mise à la disposition de Citoyenneté et Immigration Canada ainsi que d'autres organismes gouvernementaux compétents.

La cinquième priorité consiste à arrêter les personnes ayant un lourd dossier criminel qui sont l'objet d'un mandat délivré aux termes de la Loi sur l'immigration. Il faut bien comprendre que c'est à Citoyenneté et Immigration Canada qu'il appartient de demander un mandat d'arrestation ou une ordonnance de renvoi, car c'est ce ministère qui juge du statut ou de l'admissibilité de la personne au Canada. La GRC lui fournit, sur demande, une assistance pour l'arrestation ou le renvoi de la personne lorsque, de l'avis des deux organismes, celle-ci pose un danger pour la population en raison de ses antécédents judiciaires ou vient d'un endroit reconnu pour son hostilité à l'endroit de la police. La GRC procède à des arrestations partout au Canada selon les besoins ou les circonstances.

Le Groupe des arrestations à haut risque de la Communauté urbaine de Toronto fait exception à la règle. Créé en 1995, ce groupe est le seul service de la GRC à s'occuper uniquement d'arrestations. On a songé à d'autres groupes semblables, mais nulle part ailleurs n'a-t-on exprimé aussi clairement le besoin d'avoir un groupe de ce genre travaillant à plein temps. Le groupe se compose de 12 membres réguliers de la GRC et de cinq enquêteurs de Citoyenneté et Immigration Canada. En 1996, il a été directement responsable de 175 arrestations. En 1997, sur 171 arrestations de ce genre effectuées dans tout le Canada, 110 l'avaient été par lui.

Et précisons que ces chiffres ne comprennent pas les arrestations effectuées par d'autres services de police à la suite de renseignements fournis par ce groupe. En raison de son savoir- faire toujours plus grand, le Groupe a aussi participé à l'arrestation de personnes recherchées par le Service canadien du renseignement de sécurité aux termes des dispositions de la Loi sur l'immigration.

Parmi les personnes appréhendées, plusieurs étaient des criminels notoires, parmi lesquels l'un des plus recherchés d'Amérique, un terroriste international et un criminel de guerre. Ses membres ont fait des exposés dans le cadre de divers ateliers et à l'intention d'autres organismes chargés de l'application de la loi dans la région de Toronto afin de se faire connaître et d'expliquer leur mandat.

• 1130

Pendant les 20 dernières années, les membres affectés au Programme des questions d'immigration et de passeport dans tout le Canada ont assuré des services d'escorte de prisonniers pour Citoyenneté et Immigration Canada dans des cas de déportation. En 1997, les membres de la GRC ont participé à 58 escortes de prisonniers pour des raisons d'immigration.

J'aimerais maintenant inviter le sergent d'état-major Rockwell à vous parler du travail de sa Section en Colombie-Britannique. À la fin de son exposé, j'ajouterai quelques remarques pour conclure.

Le sergent d'état-major Glen Rockwell (sous-officier chargé de la Section des questions d'immigration et de passeport, Division E, Gendarmerie royale du Canada): Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie d'avoir bien voulu nous rencontrer aujourd'hui.

Comme l'a mentionné précédemment le sergent MacDonald, je suis responsable de la Section des questions d'immigration et de passeport de la division E, qui englobe toute la Colombie- Britannique. Cette section comprend 35 membres répartis dans cinq bureaux: Surrey, Vancouver, l'Aéroport international de Vancouver, le poste frontalier de Douglas et Victoria.

Permettez-moi d'abord d'expliquer les fonctions de la Section des questions d'immigration et de passeport de la GRC de C.-B. Cette section fait enquête sur des immigrants clandestins à la demande de Citoyenneté et Immigration Canada ou d'autres forces policières et recommande des accusations, le cas échéant, par l'entremise du système de justice de la Colombie-Britannique. Dans certains cas, elle aide à l'arrestation des suspects et les escorte à l'extérieur du Canada.

S'il est difficile de déterminer le nombre réel de personnes qui violent la souveraineté du territoire canadien en entrant clandestinement dans le pays par des endroits où il n'y a pas de point d'entrée, il est clair que la majorité de celles qui sont signalées à Citoyenneté et Immigration Canada ont déjà eu affaire aux autorités policières et ont été placées dans le système de justice pénal.

Qu'on me comprenne bien: la Section des questions d'immigration et de passeport de la GRC est entièrement d'accord avec la politique canadienne visant à protéger les réfugiés de bonne foi conformément aux dispositions de la Convention de Genève, mais elle a aussi pour mandat d'empêcher les criminels qui se font passer pour des réfugiés d'exploiter les généreux programmes sociaux du Canada et d'étendre à notre pays leurs opérations illicites.

Comme je l'ai indiqué précédemment, nous avons une unité à la frontière canado-américaine, à Douglas (Colombie-Britannique). Ses membres s'intéressent principalement aux criminels qui font passer des clandestins au Canada. Ils mènent aussi des opérations d'interception de long de la frontière entre le Canada et les États-Unis avec leurs homologues américains.

Comme vous le savez sans doute, cette frontière est laissée en grande partie sans surveillance et de nombreuses pistes sont utilisées pour la franchir illégalement dans un sens comme dans l'autre.

Les membres du bureau régional de Vancouver examinent les dossiers présentés par les agents d'immigration de la Colombie- Britannique, les classent par ordre de priorité et préparent au besoin des recours en justice. Ils aident aussi à la collecte d'information provenant des pays d'outre-mer afin de faciliter les enquêtes d'Immigration Canada concernant les présumés ressortissants étrangers clandestins. Cette information sert le plus souvent au cours des audiences concernant les immigrants ou les réfugiés.

Le bureau divisionnaire de Surrey est au centre des enquêtes menant à l'arrestation et à la détention des contrevenants à haut risque, c'est-à-dire des criminels dont l'arrestation nécessite une intervention musclée en raison de leur penchant pour la violence et du danger qu'ils présentent pour la police et la société en général.

Nous continuons de rechercher, avec les fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada de Vancouver, des moyens d'accroître nos efforts de répressions contre ces contrevenants à haut risque. Jusqu'à une date récente, seules quelques affaires étaient renvoyées à la GRC. Par suite d'une réorganisation du bureau chargé de l'application de la loi d'Immigration Canada, les membres de la Section des questions d'immigration et de passeports de la GRC partagent des locaux avec le personnel du CIC. La GRC reçoit depuis un plus grand nombre de demandes d'arrestation et elle est en mesure de les classer par ordre de priorité. Cette façon de faire devrait permettre de mieux réussir dans ces affaires notoires.

Le bureau du quartier général divisionnaire mène lui aussi des enquêtes à partir de renseignements fournis par d'autres détachements et services de police, par la Division des renseignements d'Immigration Canada et par des citoyens. Ses enquêteurs travaillent en collaboration avec d'autres organismes gouvernementaux tels que Développement des ressources humaines Canada et les services de santé et de bien-être social de la C.-B.

Nous menons en outre des enquêtes sur les groupes de contrebandiers organisés en ayant recours aux informateurs, aux écoutes électroniques et aux opérations d'infiltration. Ces opérations relèvent souvent de plusieurs sphères de compétence et doivent respecter les lois en vigueur et les prescriptions juridiques locales.

Avant de terminer, j'aimerais ajouter quelques remarques sur l'établissement de partenariats. La Section des questions d'immigration et de passeport de la GRC de Colombie-Britannique reconnaît que, pour atteindre une efficacité maximale, elle doit continuellement rechercher de nouveaux partenariats et des projets concertés. Voilà pourquoi elle a participé dernièrement à un projet pilote qui a permis d'interdire à environ 40 passagers clandestins, en Malaisie, de prendre place à bord d'avions à destination du Canada. Cette opération conjointe de la GRC et de Citoyenneté et Immigration Canada a aussi permis de recueillir des renseignements utiles. Nous croyons que des partenariats permanents comme celui-ci sont essentiels si l'on veut combattre efficacement les migrations clandestines.

• 1135

Ma section a présenté des ateliers de formation à l'intention d'autres organismes tels que Douanes Canada et à des agents d'immigration de première ligne, sur la détection des faux documents. En 1997 et 1998, nos enquêteurs ont assisté à la Conférence nationale sur les fraudes dans le domaine de l'immigration des gens d'affaires parrainée par Citoyenneté et Immigration, au cours de laquelle il a été question des moyens de faire échec aux entreprises frauduleuses des groupes de criminels organisés et autres éléments criminels. Conformément à ces discussions, la Division E a formé une équipe chargée d'enquêter sur les pratiques frauduleuses dans le domaine de l'immigration des gens d'affaires. Par ailleurs, nous sommes convaincus que les dispositions législatives concernant le produit de la criminalité seront révisées pour inclure les infractions à la Loi sur l'immigration, afin de fournir à la police un autre instrument d'application.

La semaine dernière, nous avons rencontré 70 personnes qui nous aident à remplir notre mandat afin de connaître leurs impressions sur nos méthodes. Ces partenaires font partie d'organismes civils et de police canadiens et américains. Ce sondage a montré que l'on est tout à fait d'accord avec la façon de faire de la section, qu'il y a un enthousiasme renouvelé de la part des partenaires pour participer et surtout un soutien accru pour nos membres et nos projets. La GRC a été très heureuse de ces réactions.

Il y a aussi des membres de la section qui s'efforcent de faciliter les relations avec les groupes ethniques en oeuvrant au sein des diverses communautés qui existent dans la province.

Comme vous pouvez le constater, nous mettons de l'avant autant que possible la création de partenariats afin de mieux protéger les Canadiens.

C'était un aperçu des activités de ma section dans le cadre des fonctions d'application des lois fédérales de la GRC. Je cède maintenant la parole au sergent MacDonald pour la conclusion.

Sgt Ian MacDonald: Le Programme des questions d'immigration et de passeport de la GRC est confronté à l'heure actuelle à des défis extraordinaires qui sont le résultat d'événements tels que les guerres, la famine et les catastrophes naturelles sur lesquelles nous avons peu ou pas de contrôle. Bien qu'on ne puisse prédire l'avenir, on s'attend à devoir faire face à des difficultés encore plus grandes.

Les forts courants migratoires à travers le monde, l'amélioration des moyens de transport et la technologie moderne ont une grande incidence sur nos fonctions et la façon dont nous les exerçons. L'expérience a montré que le moyen le plus sûr pour relever ces défis est la coopération entre les divers organismes. C'est pourquoi nous coopérons beaucoup avec Citoyenneté et Immigration Canada ainsi qu'avec d'autres ministères et organismes gouvernementaux, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Nos priorités en matière d'application de la loi ont été établies de concert avec Citoyenneté et Immigration qui, comme nous, comprend qu'elles doivent conserver une certaine souplesse et qu'elles peuvent changer pour relever les défis de l'avenir.

Nous reconnaissons également la nécessité d'une mise en commun de l'information et du savoir-faire. À cette fin, nous avons constitué un certain nombre de banques de données et les avons rendues accessibles à des partenaires nombreux et divers, à l'échelle nationale et internationale. Nous avons également mis sur pied des programmes de formation avec nos partenaires du Canada et de l'étranger dans des domaines tels que l'identification des faux documents, les techniques d'entrevue, les techniques dactyloscopiques, la promotion du travail d'équipe et la résolution des problèmes. Ces initiatives témoignent clairement de la grande confiance et de la volonté de coopération qui existent entre la GRC et Citoyenneté et Immigration Canada, qui tous deux poursuivent leurs efforts en vue de régler des problèmes complexes.

Voilà qui termine notre exposé. Je vous remercie de votre attention. Le sergent d'état-major Rockwell et moi répondrons volontiers à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Reynolds.

M. John Reynolds (Vancouver-Ouest—Sunshine Coast, Réf.): Merci, monsieur le président.

Vous parlez au début de 597 faux documents de voyage. Dans votre programme vous indiquez également 888 cas d'entrées clandestines. Vous parlez ensuite de 16 000 suspects dans notre système. Quel genre de système avons-nous? Nous avons parlé au cours de réunions antérieures de mettre en oeuvre un système de scanner en Europe avant que les gens ne partent: c'est-à-dire que l'on passe au scanner leurs passeports, on prend leur photo. Lorsque vous dites que 16 000 suspects figurent dans le système, si l'une de ces personnes va à la frontière, va-t-elle apparaître sur le système des douanes à l'heure actuelle?

• 1140

Sgt é-m Glen Rockwell: Je peux essayer de répondre, monsieur.

Au Canada, en première ligne, dans les bureaux d'immigration— et je prendrai l'aéroport de Vancouver comme exemple—si je devais entrer au Canada et présenter mon passeport, il y a un système, un scanner en place, qui lit un code à barres sur mon passeport et indique si je suis de bonne foi ou non. Lorsqu'on est citoyen canadien, cela n'arrive normalement pas, mais si ça devait être le cas, si l'information existe dans le système, celui-ci signalera à l'agent que ce voyageur présente une anomalie et on prendra les mesures nécessaires.

Pour ce qui est des mandats d'arrestation, on les entre tous dans le système informatique de la police canadienne, ainsi, si un policier arrête quelqu'un dans la rue et vérifie si le nom figure dans le fichier nominatif, celui-ci lui dira si oui ou non il y a un mandat contre cette personne.

M. John Reynolds: Mais revenons un pas en arrière. Admettons que je sois Américain et que je vienne au Canada. Je donne mon passeport comme pièce d'identité, est-ce que ce code à barres est reconnu par le système des douanes pour n'importe quelle activité criminelle à laquelle cette personne aurait pu participer aux États-Unis?

Sgt é-m Glen Rockwell: Je crois qu'avec les passeports récents, cela est détecté par le scanner. Avec les plus anciens non. Mais il y a de nombreux pays qui n'ont pas ce système de code à barres.

M. John Reynolds: Et pas nécessairement l'information criminelle qui est liée à ce code. Autrement dit, l'Américain peut avoir été condamné aux États-Unis, mais nous n'avons pas ça dans notre système.

Sgt é-m Glen Rockwell: C'est exact.

M. John Reynolds: À votre quatrième priorité, vous dites qu'au cours des deux dernières années, les contrôles judiciaires de la GRC ont mené à l'identification de 919 sujets correspondants au profil du criminel organisé est-européen. Vous ne nous avez pas donné de chiffres pour les Asiatiques. Vous dites que vous vous occupez du crime organisé asiatique et européen.

Sgt Ian MacDonald: C'est exact, monsieur. Je n'ai pas cette information pour l'instant.

M. John Reynolds: Est-elle disponible?

Sgt Ian MacDonald: Je n'en suis pas sûr. Je pourrais le vérifier et en rendre compte au président.

M. John Reynolds: Enfin, je vais vous poser une question sur la frontière canado-américaine de Colombie-Britannique. Je l'ai visitée, comme vous le savez. Sur vos effectifs, entre Victoria et l'Alberta, combien de membres de la GRC s'occupent activement d'éventuels passages clandestins de cette frontière?

Sgt é-m Glen Rockwell: Chaque zone de détachement le long de la frontière, de Victoria, de Surrey, de Langley, du service de police d'Abbottsford, de Chilliwack, et tandis que vous allez vers l'est jusqu'à Nelson et Cranbrook, a la responsabilité d'agir lorsque des affaires se présentent ou, au cours de leurs rondes normales, de surveiller les passages clandestins.

À la Section des questions d'immigration et de passeport, nous avons quatre personnes qui s'occupent particulièrement de cette zone et qui peuvent demander l'aide des 30 autres membres du service au besoin.

M. John Reynolds: Avez-vous une idée du nombre de personnes qui traversent illégalement cette frontière chaque année?

Sgt é-m Glen Rockwell: Non, monsieur. Nous n'avons absolument aucune idée.

M. John Reynolds: Je sais qu'il y a quelque temps, vous aviez un programme de surveillance qui devait durer une certaine période. Combien de temps a-t-il duré et combien de personnes avez-vous prises?

Sgt é-m Glen Rockwell: Il y a une opération dont je peux parler et qui est terminée. Les procès sont terminés. Nous avons consacré à l'opération 192 heures-hommes. Nous avons porté neuf accusations pénales en vertu de la Loi sur l'immigration. Il s'est agi dans tous les cas de plaidoyers de culpabilité. Cela représentait huit personnes car pour l'un d'eux, il y avait deux chefs d'accusation. Nous avons aussi récupéré pour 117 000 $ de drogue, un peu d'alcool et des cigarettes. On ne s'occupait pas uniquement d'immigration. C'était d'une portée plus générale. Donc cela a été le résultat d'une opération donnée.

M. John Reynolds: J'aimerais passer au renvoi. Vous les attrapez et vous les arrêtez. Combien de temps vous a-t-il fallu pour leur faire retraverser la frontière?

Sgt é-m Glen Rockwell: C'est une bonne question à laquelle je ne peux malheureusement pas répondre. Il faudrait que je revoie chaque cas individuellement. Je crois qu'à ce moment-là les choses se sont passées raisonnablement vite. Certaines des peines—et là encore, c'est de notoriété publique—allaient du temps passé en détention jusqu'à je crois il y a eu une peine de deux semaines ou 14 jours de prison. Après quoi les mesures administratives sont prises par le service de l'immigration.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci, messieurs d'être venus.

Pour votre première priorité vous dites que vous avez réussi à empêcher plus d'un millier d'immigrants ou de migrants clandestins d'arriver par bateau. Nous avons reçu un témoin il y a une ou deux semaines—et j'oublie le nom de l'organisme—je crois qu'il s'agissait de l'association des agents maritimes et non pas des compagnies de transport maritime. Il estime que le coût pour ses membres, qui sont des agents au sol ici au Canada, de renvoyer les passagers clandestins une fois qu'on les découvre a été, je crois, de 25 millions de dollars pour les trois dernières années, et pense qu'il montera à 40 millions de dollars au cours des prochaines années—ce qui représente un gros morceau pour ce secteur.

• 1145

Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos efforts, ce que vous pouvez nous révéler, pour ce qui est de savoir comment vous avez réussi à renvoyer certaines de ces personnes, à les détecter, et comment le système fonctionne.

Sgt Ian MacDonald: Le chiffre dont j'ai parlé dans mon exposé s'appuie sur les enquêtes effectives que nous avons entreprises au cours des trois dernières années. Dans le cas des bateaux, il ne s'agissait pas de passagers clandestins. Il s'agissait d'un bateau affrété par des passeurs et rempli de migrants éventuels.

Quant au problème des passagers clandestins, nous le connaissons, et mon collègue pourra peut-être vous en dire un peu plus sur ce qui se passe à Vancouver, mais notre programme prévoit une collaboration active avec diverses compagnies de transport maritime des ports importants—Halifax en étant un exemple—pour éviter ce genre de choses. Nous avons également fait du travail outre-mer, en Europe, pour éviter que cela se produise.

Pour ce qui est des passagers clandestins, il y a de nombreuses ramifications, et pas seulement l'argent que cela représente, mais de nombreux autres problèmes aussi. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec les responsables des ports d'outre-mer, et nous avons aussi un programme dynamique ici au Canada avec Immigration Canada et Douanes Canada.

M. Steve Mahoney: L'un des problèmes que ce monsieur avait signalés était la question de la sécurité en mer car certaines personnes peuvent allumer un feu quelque part ne sachant pas qu'il y a des explosifs ou des produits chimiques qui sont entreposés dans la cale. Ils pourraient donc faire sombrer le navire. Cela pourrait être aussi grave que cela.

Sgt Ian MacDonald: C'est exact. En plus de cela, bien sûr, lorsqu'il y a des gens qui se cachent dans des conteneurs qui pourraient être mal ventilés ou qui pourraient se détacher pendant une tempête, rouler et tomber à l'eau, ce sont aussi des questions de sécurité à prendre en compte.

M. Steve Mahoney: Je me demande si vous avez eu l'occasion de parler avec cette association d'agents et si la GRC ne pourrait pas jouer un rôle pour les aider. Elle demande des modifications législatives, mais je ne suis pas sûr qu'elles vont permettre de résoudre le problème des passagers clandestins. Ceux qui enfreignent la loi le font de toute façon. On peut changer la loi tant qu'on veut, ils vont continuer à l'enfreindre.

J'imagine qu'ils ont besoin d'aide lorsqu'ils parlent de ce genre de répercussions financières et du danger.

Sgt Ian MacDonald: Exactement. C'est certainement quelque chose que l'on pourrait envisager et on devrait essayer de parler avec ce groupe. Je ne peux pas dire ce qui se passe à l'échelle nationale. Je sais que nos gens d'Halifax collaborent activement avec des organisations semblables pour essayer de mettre un terme à ce problème.

M. Steve Mahoney: Monsieur le président, peut-être la greffière pourrait-elle donner à ces messieurs le nom et le numéro de téléphone, etc. du témoin qui parlait au nom de cette association, car il pourrait y avoir lieu d'établir des relations.

Il y a eu une réduction importante des interventions de la GRC dans les aéroports. Dans ma ville de Mississauga, la police régionale de Peel a pris les choses en main. Ce sont eux qui font le travail maintenant. Ils croient que dans tous nos grands aéroports, qu'il s'agisse de Vancouver, Edmonton, Calgary ou Halifax—tous sauf Montréal, si je ne me trompe—la police locale a pris les opérations en main. À Pearson, on a mis toute une division de 101 officiers et la GRC, si elle est là, l'est de façon symbolique—visuellement, du moins. Quelle répercussion cela a-t-il sur vos emplois?

Sgt Ian MacDonald: Je répondrai d'abord.

Je suis heureux de dire que le Service des questions d'immigration et de passeport de l'aéroport de Toronto, qui est situé dans le centre des voies aériennes, est là depuis 1990 et participe très activement aux opérations concernant les infractions à la Loi sur l'immigration, directement à l'aéroport, et est responsable des trois aérogares. De 1990 à 1993, j'ai été responsable de ce service. Nous sommes donc encore très actifs là.

Le sergent d'état-major Rockwell peut peut-être parler...

M. Steve Mahoney: Sont-ils tous en civil?

Sgt Ian MacDonald: Oui, monsieur.

• 1150

Sgt é-m Glen Rockwell: Quatre de mes hommes sont postés à l'aéroport international de Vancouver. Ils se trouvent dans le bureau de l'immigration ou à proximité. Ils s'occupent strictement des questions d'immigration, mais ils ont aussi l'aide de Douanes Canada et des douanes et de l'immigration américaines qui ont là un service de dédouanement préalable. Ces personnes agissent indépendamment des fonctions générales de police de l'aéroport.

M. Steve Mahoney: J'ai une autre question sur un sujet différent. Nous avons eu le problème de personnes qui sont arrivées ici sans aucun document; les papiers semblent disparaître après le point d'embarquement, lorsqu'ils quittent le pays. Ils montent dans l'avion avec une pièce d'identité et lorsqu'ils en sortent ils n'en ont plus.

L'une des suggestions qui a été faite et je ne sais plus qui l'a faite, était d'ajouter à cette idée d'un système de code à barres ou autre une possibilité de copier d'une certaine façon, de faire des microfiches ou autres... On a notamment suggéré que tous les passagers sur les vols internationaux remettent leurs documents en entrant dans l'avion et qu'on les leur rende lorsqu'ils en sortent. Autrement dit, vous et moi devrions faire la même chose. Toute personne voyageant pour affaires, pour vacances familiales, etc. devrait faire la même chose.

Dans l'optique de la police, j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Cela pourrait permettre de résoudre en grande partie le problème, mais pensez-vous que cela puisse causer d'autres difficultés?

Sgt é-m Glen Rockwell: Cela correspond tout à fait à l'opération que nous avons menée à Kuala Lumpur. Vous avez tout à fait raison, cela serait utile, mais quelle consternation pour le voyageur légitime. Est-il prêt à abandonner ses documents? Cela pourrait poser un problème.

Voilà pourquoi nous envisageons d'étendre nos opérations aux points de départ d'outre-mer. Ce projet de Kuala Lumpur a été le premier; c'était en quelque sorte un test. Il a très bien marché. Nous avions deux policiers qui se tenaient à la porte. Lorsque le passager faisait vérifier son ticket, le policier regardait les documents. La personne se rendait au Canada, en Espagne ou ailleurs dans le monde. Le policier savait ce qu'il devait chercher et renvoyait la personne pour qu'on fasse une vérification un peu plus approfondie. Je sais que nous en avons trouvé au moins 40 qui devaient faire ce petit voyage. Et cela à la suite d'un projet de deux semaines. Cela a coûté très peu comparé à ce que ces personnes auraient coûté au système social canadien si elles étaient arrivées ici.

Mais il faut bien me comprendre: nous n'essayons pas d'arrêter les réfugiés de bonne foi. Ce sont dans ce cas des criminels qui viennent ici. C'est donc ce que nous essayons de faire, nous voulons favoriser ce genre de programme.

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Étiez-vous à Kuala Lumpur à la suite d'une dénonciation ou sur les instructions d'Immigration Canada?

Sgt é-m Glen Rockwell: C'était un projet conjoint avec Immigration Canada. Nous avons choisi Kuala Lumpur parce que c'est un peu un carrefour pour la région asiatique. Beaucoup de vols passent par Kuala Lumpur. Nous avions l'aide de la police malaysienne, des représentants locaux d'Immigration Canada ici à Ottawa, à Vancouver et là-bas. Nous voulions simplement essayer cela pour voir si ça allait marcher et ça a marché.

M. John McKay: Pour revenir au tableau plus général un instant, comme vous le savez, notre mandat consiste à étudier la question des renvois et nous devons faire un rapport au ministre à ce sujet. Si vous preniez un peu de recul et que vous regardiez les choses sous l'angle des opérations de police, qu'est-ce qui, dans la façon dont le système fonctionne, vous rend vraiment fou?

M. Steve Mahoney: Je suis heureux que vous ayez ajouté cela.

M. John McKay: Si le système fonctionnait, personne de nous ne serait ici. Je vous tends donc la perche. Je n'ai encore jamais rencontré de groupe de policiers qui n'ait pas des opinions très senties sur certains aspects particuliers du fonctionnement du système. Quels sont les trois éléments qui vous paraissent les plus importants? Qu'est-ce qui vous rend fou dans la façon dont le système fonctionne à l'heure actuelle?

Sgt Ian MacDonald: Comparaître devant un comité.

M. John McKay: Bon, il n'en reste plus que deux.

• 1155

Sgt Ian MacDonald: Je crois que nous essayons de mettre de l'avant le fait que nous fournissons un service à Citoyenneté et Immigration. Nous ne décidons pas qui arrive, qui est un réfugié ou autre. Nous ne prenons pas ce genre de décisions. Nous leur offrons un service. Dans le cadre de ce service, nous vérifions les allégations d'activités criminelles, nous arrêtons des gens et nous les renvoyons, nous les déportons. C'est Immigration qui décide. Nous travaillons en partenariat avec cette administration, mais aussi avec d'autres organismes.

M. John McKay: Parmi les choses que vous faites sans cesse, lesquelles pourraient de toute évidence être facilement corrigées?

Sgt Ian MacDonald: Je trouve que depuis cinq ou dix ans, il y a un nouvel esprit de coopération mutuelle, la constatation qu'il nous faut travailler ensemble, parce que le problème veut qu'il y ait 125 millions de migrants dans le monde entier. Ce n'est pas un problème que l'on peut simplement régler avec un organisme ou l'autre; cela doit être fait en partenariat. Il y a certainement des problèmes qui se posent de temps à autres entre la GRC ou la police et le service d'immigration, ou les services de l'immigration et des douanes, mais nous les réglons en partenariat.

Si vous me demandez une chose qui me rend fou sur le plan national, je n'arrive pas à penser à quoi que ce soit que nous ne réglions pas normalement. Mon collègue pourra peut-être vous citer un problème qui se trouve davantage lié aux interventions sur le terrain, dans la rue.

Sgt é-m Glen Rockwell: Je ne crois pas qu'il y ait trois problèmes que je puisse relever particulièrement. Toutefois, les ressources constituent certainement un problème: nous avons besoin de davantage de ressources. Le système judiciaire à l'heure actuelle... Il faut faire bien attention que tout soit fait dans les règles car nous ne voulons pas aller devant les tribunaux présenter une affaire qui va avoir des répercussions négatives sur le pays. Nous bénéficions en général de l'aide des tribunaux. Je crois que dans l'ensemble, avec notre coopération et notre partenariat avec Immigration Canada, ce que nous avons pu voir jusqu'ici, c'est peut-être une certaine redondance. Nous commençons à nous atteler à ce problème et à réaliser des progrès. Cela va lentement, mais ça se fait.

Sgt Ian MacDonald: Pour ajouter une chose, je crois que le public est de plus en plus informé de ces questions et s'y intéresse sans doute davantage qu'il y a 10 ou 15 ans.

Le président: Monsieur Reynolds, avez-vous une question sur ce qui vient d'être dit?

M. John Reynolds: Sur ces problèmes.

Lorsque je suis allé à Vancouver, j'ai visité le secteur de la rue Hastings avec la police locale de Vancouver et certains de vos officiers qui travaillent en collaboration avec elle. J'ai vu beaucoup de choses très intéressantes. J'ai vu un jeune gars de 17 ans qui était arrivé au Canada depuis neuf jours qui avait rempli les papiers nécessaires pour présenter une demande de réfugié et qui avait également dans sa bouche 17 petits morceaux de crack enveloppés dans du papier cellophane, qu'il a craché dans les mains du policier. On l'a simplement laissé aller. L'explication qu'on m'a donnée a été la suivante: «Ma foi, le procureur, en raison de la façon dont fonctionne le système en Colombie- Britannique, m'aurait dit que je n'avais pas le droit de le fouiller.»

Ce qui m'a inquiété, c'est qu'il n'y a aucun papier qui dise au moins qu'on l'a surpris avec du crack sur lui lorsqu'il va retourner voir les agents de l'immigration. Sur le plan policier, est-ce que cela vous embête qu'il y ait des criminels dans la rue? Je veux dire, vendre du crack est une infraction criminelle.

Au volant de ma voiture, tandis que je rentrais chez moi ce soir-là, je me suis dit que si j'étais pris par une photo radar j'aurais une amende de 170 $ et une augmentation d'autant de mon assurance-voiture alors que je ne suis pas vraiment un criminel, mais je paie le prix. Et on a là ce gars qui vend du crack dans la rue et qui s'en tire sans rien.

Sgt é-m Glen Rockwell: Oui, c'est frustrant, mais nous devons respecter les règles qu'on nous donne. Nous essayons d'en tirer le meilleur parti possible. C'est notre travail.

M. John Reynolds: Peut-on donc supposer que vous seriez heureux qu'on change les règles.

Seriez-vous aussi d'accord pour dire que si les choses marchaient bien en Malaisie et que si on avait un processus de vérification préalable dans les principaux aéroports où il y a des problèmes, cela réduirait le nombre de gens qui arrivent ici, qui nous coûtent beaucoup d'argent de ce côté-ci—que le coût de l'opération menée là-bas n'approcherait pas, et de loin, ce qu'il nous en coûte ici?

Sgt é-m Glen Rockwell: Exactement. C'est l'orientation que nous essayons de prendre. Cela sera un processus lent, mais je pense que c'est la voie à suivre.

• 1200

M. John Reynolds: Ce ne serait pas aussi lent si on arrivait à l'intégrer dans ce texte de loi.

Sgt é-m Glen Rockwell: Non.

Sgt Ian MacDonald: Il y a autre chose en plus de cela car il n'y a pas eu seulement l'opération pilote de Vancouver qui est terminée. Nos collègues des divisions I et P d'Halifax sont revenus récemment d'Europe où ils mettaient en place un programme semblable avec la collaboration d'Immigration Canada et des autorités aéroportuaires locales. C'était un effort à plusieurs niveaux concernant les enquêtes, bien sûr, mais aussi la mise en commun des renseignements et l'éducation pour les informer de certains documents de voyage et de certains domaines qui nous intéressent aussi. Nous nous occupons donc très sérieusement de cela.

M. John Reynolds: Il me reste une dernière question, monsieur le président.

Étant donné que nous avons une longue frontière en commun, ne devrait-on pas collaborer avec les Américains pour faire en sorte que nos ordinateurs soient tous compatibles pour ces gens qui circulent dans les deux sens? J'ai traversé la frontière la semaine dernière et on a passé mon passeport au scanner. J'imagine qu'ils peuvent maintenant voir tout de suite s'il est légitime.

Sgt é-m Glen Rockwell: Les systèmes informatiques que nous avons des deux côtés de la frontière sont différents, mais ce sont les opérateurs qui entrent l'information et analysent celle qu'ils obtiennent. C'est ce qui se produirait si on alertait quelqu'un de quelque chose de l'autre côté. Nous avons des opérations conjointes qui nous permettent de mettre une information précise sur chacun de nos ordinateurs pour un individu donné, et cette information pourrait venir d'Interpol ou de n'importe quel autre organisme. On ne peut donc pas dire qu'ils soient totalement compatibles, mais ils le sont dans une certaine mesure.

M. John Reynolds: Merci.

Le président: Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—York-Est, Lib.): Si vous me le permettez, j'aimerais revenir un instant sur la question des faux passeports en l'abordant sous un angle différent. Vous dites à la première page que près de 597 faux documents de voyage ont été identifiés et vous nous parlez par la suite de l'opération de Malaisie. J'aimerais tout d'abord avoir des précisions sur cette opération de Malaisie. Vous dites que nous avons intercepté 40 passagers clandestins et, dans le petit paragraphe de deux lignes qui suit, vous dites que les officiers sont formés pour détecter les faux documents. Les 40 personnes en question étaient-elles munies de faux documents? Est-ce pour cela qu'on les a arrêtées?

Sgt é-m Glen Rockwell: Je peux vous dire combien étaient en fait munies de faux documents, mais il y avait quelque chose qui n'allait pas pour pratiquement tous ces cas. Cela pouvait être la photo qui ne ressemblait pas à la personne qui détenait le document, etc.

Mme Maria Minna: Ma question est plus générale cependant car j'ai quelques... ce ne sont pas des problèmes, mais je ne suis pas très à l'aise. Vous avez dit que nous ne cherchons pas à empêcher les véritables réfugiés de venir au Canada, de monter à bord de ces avions. Comment pouvez-vous dire que quelqu'un est un réfugié légitime et que quelqu'un d'autre ne l'est pas? Très souvent, les réfugiés légitimes ont des faux documents dans la mesure où ce sont les seuls documents qu'ils ont pu obtenir. Si vous quittez un pays à cause de la torture, vous n'allez pas aller trouver Saddam ou quelqu'un en Iran pour lui dire que vous voulez un passeport pour sortir du pays. Comment faites-vous la différence entre un réfugié légitime et un réfugié non légitime? Cela me pose un véritable problème.

Je comprends pourquoi nous faisons ce que nous faisons. J'en comprends la nécessité. Mais j'ai aussi du mal à accepter qu'on interdise à des réfugiés légitimes de venir dans notre pays. Voilà le dilemme qui se pose à moi, si vous voulez, et je dois essayer de le résoudre.

M. John Reynolds: Mais la Malaisie est aussi un pays sûr.

Mme Maria Minna: Pour certains. Ne généralisons pas.

M. John Reynolds: J'y suis allé. C'est très sûr.

Mme Maria Minna: La Malaisie est une démocratie jusqu'à un certain point, mais certaines personnes...

M. John Reynolds: Elle fait partie du Commonwealth.

Mme Maria Minna: Le Pakistan aussi. L'Inde aussi. Le Sri Lanka aussi pour ce qui est de... Je ne veux pas généraliser. J'aimerais savoir comment nous faisons la différence.

Sgt é-m Glen Rockwell: C'est difficile, mais c'est là où un officier posté en Malaisie, par exemple, lorsqu'il voit quelque chose qui n'est pas logique renvoie la personne. Il faut qu'il y ait un suivi, il faut qu'il y ait un interrogatoire. Je suis sûr qu'en plus des 40 personnes à qui on a interdit de venir, il y en avait d'autres dont on a étudié le cas de façon plus approfondie et à qui on a permis de continuer. Comment faire la différence? C'est très difficile.

Mme Maria Minna: Mais supposons que je me trouve à côté de ces 40 personnes et que je dise que je suis une réfugiée. Je suis à l'intérieur des frontières canadiennes et je dis que je suis une réfugiée lorsque je descends de l'avion. On m'autorise alors à suivre un certain processus. Si je le dis à l'aéroport de Malaisie ou ailleurs—car nous pourrions le faire quelque part en Afrique tandis que nous prévoyons de faire davantage de ces opérations—sur quoi l'officier se fonde-t-il pour me laisser passer ou non? Est-ce uniquement sur la foi du document? Je ne figure sur les listes de personne car il n'y a peut-être pas de liste informatique là où on se trouve. Comment, en tant qu'officier présent sur place, puis-je décider de laisser cette personne passer ou non?

• 1205

Sgt é-m Glen Rockwell: Comme vous l'avez indiqué, il y a un interrogatoire. Il y a un officier d'Immigration Canada sur place aussi qui prend part à la décision. À ce moment-là, s'il estime que la personne dont on devait examiner le cas plus à fond est un réfugié de bonne foi, il fera tout son possible pour lui permettre de prendre cet avion.

Mme Maria Minna: La nature humaine étant ce qu'elle est—et nous sommes tous des êtres humains—nous pourrions aussi interdire l'accès à notre pays à des réfugiés véritables à la suite de ce processus. Je ne dis pas que nous ne le faisons pas, j'essaie simplement d'envisager la chose. En tant que pays, comment assumons-nous nos responsabilités en vertu de la Convention lorsque nous disons que nous accueillons des réfugiés et en même temps nous protégeons nos frontières et l'intégrité de...

Sgt é-m Glen Rockwell: C'est une question de jugement personnel.

Le président: Merci beaucoup. Voilà qui termine cette partie de la réunion.

Merci beaucoup, sergent Ian MacDonald et sergent d'état-major Glen Rockwell. Je vous suis reconnaissant de votre participation. Nous avons ici beaucoup de choses à digérer, à étudier et à réétudier. Merci.

Sgt Ian MacDonald: Merci.

Le président: Pour la deuxième partie de notre table ronde, nous recevons des représentants du Conseil communautaire de planification sociale de Toronto, Yasmin Khan, et du Canadian Ethnocultural Council, Meral Kesebi, qui est président du comité des questions d'égalité et de justice.

J'accorde aux membres du comité trois minutes pour se préparer.

• 1207




• 1211

Le président: À l'ordre!

Pour poursuivre nos délibérations, nous allons procéder à une deuxième table ronde.

James Kafieh, allez-vous également faire un exposé?

M. James Kafieh (président, Questions économiques et de travail, Canadian Ethnocultural Council): Je vais faire une partie de l'exposé, mai c'est Audrey Kobayashi qui va commencer.

Le président: Très bien.

J'avais omis votre nom, Mme Audrey Kobayashi. Je vous prie de m'excuser. Vous allez être la première. Je vous en prie, allez-y.

Mme Audrey Kobayashi (membre du comité, Canadian Ethnocultural Council): Bonjour. Nous sommes heureux d'être ici. Nous vous remercions de prendre le temps de nous parler.

On nous a demandé de faire quelques brèves remarques préliminaires après quoi nous aurons une discussion beaucoup plus amicale. Nous avons distribué des notes.

Le Canadian Ethnocultural Council est l'organisation faîtière du Canada qui représente la coalition des organisations ethnoculturelles nationales. C'est ce que nous sommes depuis 1980. Nous nous soucions de préserver, de mettre en valeur et de faire connaître le patrimoine culturel de tous les Canadiens. Cela comprend l'élimination de certaines barrières qui empêchent quelques Canadiens de participer pleinement et équitablement à la vie sociale. Autrement dit, nous nous soucions des questions de multiculturalisme, d'élimination du racisme et de préservation d'un Canada uni.

Notre position concernant les renvois et la détention reflète les inquiétudes permanentes de nos associations membres qui veulent faire en sorte que ces procédures n'aboutissent pas à des injustices à l'égard de groupes particuliers; qu'elles n'aillent pas à l'encontre des objectifs multiculturels du Canada; qu'elles contribuent à combattre le racisme.

Et je crois que cela va plus loin que veiller simplement à ce que le racisme ne soit pas intégré au système, surtout parce qu'à l'heure actuelle, la majorité des immigrants et des réfugiés qui arrivent au Canada appartiennent à des minorités visibles.

Nous voulons que soit respecté le principe du traitement égal pour tous, quelle que soit la citoyenneté, au moment où ces gens font face aux procédures officielles canadiennes. Nous souhaitons que la déportation ne soit pas considérée comme un remède aux problèmes canadiens et que nous n'exportons pas, par exemple, des problèmes criminels vers d'autres pays. On pourra aborder plus en détail ce problème par la suite.

Nos principales inquiétudes concernent les aspects culturels de tout le processus. J'imagine que c'est là-dessus que devra porter notre conversation de ce matin. Le premier problème est le refus des audiences d'appel en vertu du projet de loi C-41 et de l'amendement consécutif de la Loi sur l'immigration. Nous avons échangé beaucoup de correspondance avec la CEIC récemment sur cette question.

Des résidents permanents soumis actuellement à l'expulsion parce que jugés dangereux pour la société sont privés du droit d'avoir une audience véritable, surtout lorsqu'ils en appellent d'une ordonnance d'expulsion, ils n'ont pas non plus droit à une aide—l'aide juridique, par exemple. Beaucoup de personnes se trouvent ainsi dans des situations très difficiles sans aucun recours et sans que l'on se demande si les expériences qu'elles vivent sont justes.

• 1215

Nous pensons que ces personnes devraient avoir pleinement accès à un processus d'appel ouvert, qu'il devrait y avoir une audience orale plutôt qu'une simple argumentation par écrit devant un tribunal indépendant. De telles procédures leur garantiraient le droit à un traitement égal tant pour les procédures juridiques que quasi juridiques, en gros le droit de raconter leur histoire comme tous les autres Canadiens.

La deuxième question concerne le fait de voir s'il y a des affinités avec le Canada. On suppose actuellement que si une personne ne profite pas de l'occasion de devenir citoyen canadien après trois ans, elle conserve en quelque sorte des affinités avec son pays d'origine plutôt qu'avec le Canada. Cette hypothèse pose des problèmes dans de nombreux cas et il faut regarder de plus près ce que signifie avoir des affinités avec le Canada.

Ces affinités sont actuellement jugées comme non pertinentes pour les audiences et les appels concernant les ordonnances de renvoi. Nous pensons qu'on devrait les rendre pertinentes et que ces personnes devraient avoir accès à une audience véritable afin de juger de ces affinités; il faudrait pour cela tenir compte du temps passé au Canada, de l'âge d'arrivée et de l'âge actuel, des liens familiaux au Canada, de l'implication dans la communauté, de l'emploi, de l'instruction et de façon générale, du contexte dans lequel les valeurs principales d'une personne se constituent.

Nous estimons aussi que ce processus devrait se passer tout en respectant les principes du multiculturalisme et de la non- discrimination, lesquels devraient faire partie du processus de détermination des affinités. Nous envisageons donc un processus permettant de remettre en question la détermination des affinités.

Le président: Merci.

M. James Kafieh: Je continue avec la détermination des conditions d'expulsion. Il n'y a actuellement aucune disposition en vertu de la législation canadienne sur l'immigration pour empêcher l'expulsion d'une personne qui craint la torture ou d'autres formes de persécution. Les personnes qu'on estime être des dangers publics peuvent être déportées en dépit de tels risques.

Nous sommes d'accord avec la conclusion récente du juge Fred Gibson voulant que les ordonnances d'expulsion soient moins importantes que les allégations crédibles de risques de torture. Nous demandons instamment que des procédures soient mises au point pour déterminer les risques, un peu comme ce qui existe déjà pour le processus de détermination du statut de réfugié.

Nous avons quelques autres inquiétudes. Bien que le CEC s'attache particulièrement aux questions qui touchent l'intégration économique et culturelle des nouveaux immigrants, nous avons aussi examiné les mémoires présentés au comité par d'autres groupes, notamment le CCR.

Je vais vous énumérer les autres problèmes qui, à notre avis, devraient être résolus: la politique et les pratiques de détention et de renvoi devraient permettre un maximum de communication entre toutes les parties, y compris les détenus, les expulsés, la famille et les ONG; le gouvernement devrait résister aux pressions voulant que l'on impute le fardeau de la preuve à l'individu qui, selon les allégations, n'a pas respecté le règlement de l'immigration, comme cela est suggéré dans Au-delà des chiffres; on devrait mettre au point un code d'éthique pour la détention et le renvoi et on devrait former un personnel pour les procédures éthiques, tout en le sensibilisant aux questions interculturelles; le processus de détention et de renvoi ne devrait pas être criminalisé à outrance; enfin, l'unité familiale devrait être un point essentiel lorsqu'on prend des décisions concernant la détention et le renvoi.

Le président: Ça y est, vous avez terminé?

M. James Kafieh: Oui.

Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter, Yasmin?

Mme Yasmin Khan (Conseil communautaire de planification sociale de Toronto): Je fais partie d'une organisation différente.

Le président: Oh, je vois. Elle représente le Conseil communautaire de planification sociale et elle ne prend pas part à cette table ronde.

La greffière du comité: Non. Elle comparaît indépendamment.

Le président: Je vois. Très bien. Nous allons devoir partager le temps avec vous puisque vous avez un exposé distinct.

La greffière: Non, ils font tous partie de la même table ronde. Chaque groupe fait une déclaration préliminaire, comme nous avons fait pour les autres tables rondes. Elle fait sa déclaration préliminaire et nous passons ensuite aux questions.

Le président: C'est ce que je demandais. Avez-vous une déclaration préliminaire, voilà ce que je demandais.

Mme Yasmin Khan: Bien sûr. Je ne voulais pas qu'on m'amalgame avec ce groupe. Je suis désolée.

Le président: Continuez, je vous prie.

Mme Yasmin Khan: Je m'appelle Yasmin Khan et je suis l'ancienne directrice de Y-CASP. Y-CASP est le Conseil de planification sociale de la communauté et des organismes de la ville de York. Le 1er janvier 1998, nous avons fusionné avec les autres organisations de planification du Grand Toronto pour former le Conseil communautaire de planification sociale de Toronto. Je suis ici aujourd'hui pour représenter ce nouvel organisme.

• 1220

Voici notre engagement commun:

    Les organisations réunies pour constituer le Conseil communautaire de planification sociale de Toronto (CSPC) expriment par ce nouvel organisme un engagement commun envers la planification sociale indépendante tant au niveau local que municipal pour améliorer la qualité de la vie de toutes les personnes vivant dans la nouvelle ville de Toronto. Le CSPC s'engage en outre envers la diversité, l'équité, la justice sociale et économique et la participation active de la population à tous les aspects de la vie communautaire.

Nous travaillons avec des résidents et des organismes de la communauté pour atteindre cet objectif. L'ancien Y-CASP travaillait depuis longtemps avec les organisations ethniques, notamment parce que l'ancienne ville d'York compte un nombre beaucoup plus grand d'immigrants et de groupes ethniques que n'importe quelle autre localité du Grand Toronto ou du Canada. Nous avons des années d'expérience pour ce qui est de traiter des immigrants lorsqu'ils vivent la période la plus difficile et la plus mouvementée de leur vie, la période d'installation.

Je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous parler de la question de la détention et du renvoi du Canada et des répercussions que cela a sur les nombreux immigrants de notre communauté.

Il est bon ici de revenir brièvement sur le cadre et les données démographiques du Grand Toronto, même si je suis sûr qu'on vous en a déjà parlé. Toronto est la ville la plus importante du Canada puisqu'elle compte 2,2 millions d'habitants. Notre ville est une destination clé au Canada pour les immigrants et les réfugiés. Nous recevons 56 p. 100 du nombre total des nouveaux venus de l'Ontario et environ 30 p. 100 du nombre total des nouveaux venus du Canada. Les demandes pour le statut de réfugié en Ontario proviennent à 60 p. 100 de Toronto.

Voilà les chiffres, mais au-delà de ces chiffres, notre communauté est constituée de personnes réelles qui ont souvent vécu des traumatismes incroyables, dont la vie a été anéantie, avant leur arrivée dans notre ville.

Il est important de s'en souvenir lorsqu'on élabore des lois, des politiques et des procédures pour ensuite les mettre en oeuvre. Pour le bien de tous les Canadiens, et pas seulement des immigrants, nous veillons à ce que la société que nous créons soit humaine et sensible. Si notre société a des lois dures, punitives et insensibles à l'égard de certains de ses membres les plus vulnérables, cela aura des répercussions sur tous les Canadiens.

Nous devons nous rappeler que notre pays est un pays d'immigrants. Notre gouvernement et nos lois doivent créer une atmosphère d'accueil et de soutien qui fasse mieux comprendre au Canadien moyen que les immigrants sont notre force et ne constituent pas un fardeau pour notre société.

Je dois dire ici que la question du racisme systémique est notamment absente du rapport Au-delà des chiffres.

Mme Maria Minna: Ce n'est pas notre rapport. Je suis désolée de vous avoir interrompue.

Mme Yasmin Khan: Ce n'est pas votre rapport? Bon, très bien.

De nombreux membres de notre communauté tombent dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention arrivés au Canada sans document. La plupart des résidents de nos communautés ne savent pas trop à quoi s'en tenir car ils ne peuvent pas produire de pièce d'identité. La communauté somalienne estime que cela touche environ 10 000 Somaliens et près de 90 p. 100 d'entre eux sont des jeunes, selon l'organisme d'aide aux immigrants somaliens—ils sont attirés par les organisations.

Cette incapacité de produire des documents fait qu'ils ont moins accès à l'éducation supérieure et à un travail utile, pourtant ce n'est pas quelque chose qu'il leur appartient de corriger. De nombreux immigrants viennent de pays où il n'existe pas de gouvernement en place ou qui ont quitté leur pays au moment de persécutions et de guerres.

J'élargis la définition de détention pour inclure les personnes qui sont détenues dans notre société même lorsqu'elles ne sont pas dans des centres de détention ou des prisons, étant donné qu'elles sont détenues ou qu'on les empêche de participer pleinement à la vie communautaire. De même, ceux à qui on a refusé le statut de réfugié pâtissent d'un sort semblable. Des milliers de gens vivent au Canada sans avoir aucun statut. Combien de temps avons-nous l'intention de faire attendre ces gens?

• 1225

Notamment pour les jeunes, cette question de rester sans savoir à quoi s'attendre pendant de nombreuses années doit être résolue immédiatement, faute de quoi nous aurons toute une génération de nouveaux venus qui n'auront pas eu l'occasion de vivre des expériences habituelles et de satisfaire leurs attentes alors qu'ils sont entourés de personnes qui ont des possibilités illimitées. Dans la ville de Toronto, nous devons veiller au genre de société que cela va créer étant donné le nombre important d'immigrants que nous avons dans notre ville.

Il y a une autre question qui m'inquiète beaucoup, c'est la recommandation voulant qu'on crée un organisme gouvernemental pour remplacer la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce qui ferait que l'on passerait d'un organisme objectif et assez indépendant à une situation où la vie des gens serait décidée par des fonctionnaires, chose que je trouve inacceptable et inutile.

Je ferai donc les recommandations suivantes pour terminer:

—Premièrement, que les fonctionnaires reçoivent une formation antiraciste, dont la teneur sera mise au point en collaboration avec les organismes communautaires.

—Deuxièmement, que le gouvernement mette au point une stratégie de relations publiques qui garantisse que toute référence à l'immigration et aux immigrants soit positive.

—Troisièmement, que toute loi, politique et procédure qui seront mises au point, aient une perspective globale et holistique de protection de l'individu. Nous voulons que le Canada soit considéré comme un chef de file par la communauté internationale, et non qu'il se situe au milieu, et certainement pas en bas de liste pour ce qui est de la réputation concernant le fait d'éviter les problèmes humanitaires et d'accepter les immigrants.

—Ma quatrième recommandation est conforme au Conseil des affaires des réfugiés de Toronto: il s'agit de reconnaître que la détention est une source de traumatisme pour les détenus et un nouveau traumatisme pour les victimes de torture et devrait être évitée s'agissant de ceux qui demandent le statut de réfugié, comme indiqué par le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés; et que les détenus aient entièrement accès au téléphone, aux conseillers juridiques et aux personnes qu'ils connaissent dans la communauté.

—Cinquièmement, je recommande que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié soit maintenue dans son rôle indépendant actuel et que des réformes progressives soient entreprises pour remédier aux lacunes, en consultation avec le secteur communautaire.

—Sixièmement, je recommande que les questions des réfugiés au sens de la Convention et de ceux dont la demande a été refusée soient réglées immédiatement. Étant donné qu'il est peu vraisemblable et qu'il n'est bien sûr pas souhaitable que la plupart de ces milliers de personnes soient renvoyées du Canada, nous devons admettre qu'elles sont ici pour rester et leur permettre de mener une vie normale. Toute autre disposition est simplement inhumaine. Pour le bien de la société canadienne dans son ensemble, nous voulons que ce problème soit réglé immédiatement.

—Ma septième recommandation veut que les répercussions de l'expulsion soient prises en compte même dans les cas où cette expulsion a été jugée justifiée. Le Canada refuse traditionnellement ou retarde les extraditions à destination des États-Unis d'Amérique pour les affaires criminelles qui pourraient aboutir à un verdict de peine capitale en raison de nos propres croyances. Pourquoi expulserions-nous des personnes vers des pays qui ont une tradition de torture et de mort?

—Ma huitième recommandation consiste à reconnaître que la législation de l'immigration que nous imposons s'applique également à une classe de citoyens canadiens; je veux parler des enfants qui sont nés ici de parents sans statut. On leur refuse les droits essentiels qui sont accordés à tous les autres citoyens canadiens. Nous faisons de la discrimination contre un segment de la société tout à fait vulnérable: des mineurs qui ne peuvent pas se défendre eux-mêmes et dont les parents sont en fait réduits au silence par nos lois.

De même, pour les immigrants qui sont arrivés au Canada lorsqu'ils étaient très jeunes—comme l'a dit également l'intervenant précédent—et qui commettent un crime de nombreuses années plus tard lorsqu'ils sont adultes et risquent l'expulsion vers un pays avec lequel ils n'ont aucun lien, nous devons reconnaître que ces personnes sont les produits de la société canadienne et leur fournir le même traitement qu'à tout autre citoyen.

• 1230

Le président: Merci beaucoup.

Mme Yasmin Khan: Merci.

M. John Reynolds: Voici la question que j'aimerais vous poser. Dans le premier exposé, vous dites que l'on peut présenter une demande au bout de trois ans. Votre groupe dispose-t-il d'un programme à l'intention des personnes qui sont admissibles à la citoyenneté canadienne pour les encourager à l'obtenir dès que cette période de trois ans est écoulée?

Mme Audrey Kobayashi: Nous ne travaillons pas directement avec les communautés, nous travaillons avec les groupes nationaux. Cela varie donc selon les groupes, mais plusieurs d'entre eux s'efforcent de fournir les renseignements voulus à leur communauté pour encourager la naturalisation.

Mme Yasmin Khan: Me permettez-vous d'ajouter quelque chose? Je travaille surtout dans la communauté d'York à l'heure actuelle. Ce sont des gens qui gagnent très peu d'argent. Le travail est effectué par de très nombreux bénévoles dans notre communauté. Le facteur coût de l'obtention de la citoyenneté, l'argent que cela représente pour eux et pour leurs enfants... L'une des bénévoles qui travaille en très étroite collaboration avec nous dit qu'elle veut vraiment prendre la citoyenneté canadienne, mais un mois c'est la voiture de sa mère qui tombe en panne; le mois suivant c'est de médicaments qu'elle a besoin. Et c'est ainsi depuis des années. Ce n'est donc pas qu'ils ne veulent pas devenir citoyens canadiens. Parfois, mais pas dans tous les cas, les droits d'admission constituent un facteur lorsqu'il s'agit de prendre la citoyenneté.

M. James Kafieh: Il ne faut pas oublier non plus que des familles, des familles entières, deviennent admissibles en même temps. Souvent, lorsqu'on regarde le prix de l'opération, on pense à une personne isolément. On demande combien cela coûte de devenir canadien. Mais lorsqu'il s'agit d'une nouvelle famille qui essaie de s'installer dans un nouveau pays, cela devient un obstacle.

M. John Reynolds: On devrait peut-être avoir un programme qui pourrait leur permettre... Si vous vivez ici sans avoir la nationalité canadienne, vous ne pouvez pas voter. Vous ne pouvez pas exercer totalement vos droits. On devrait avoir un programme. On a un programme de prêts pour les réfugiés et autres personnes qui arrivent, on devrait donc peut-être avoir aussi un programme de prêts pour la citoyenneté.

M. James Kafieh: Ce sera peut-être une meilleure idée que de simplement voir cela comme quelque chose qu'il ne faut pas en fait acheter. On pourrait renoncer entièrement aux droits d'admission. Supprimer la taxe d'entrée que chacun doit payer pour obtenir la citoyenneté. Peut-être que ce serait une façon plus logique de voir les choses.

Je crois que l'importance d'avoir la citoyenneté lorsqu'on y a droit est reconnue. C'est simplement ce genre d'obstacle qui est inutile.

Si nous voulons inverser cette tendance—et je crois que c'est comme cela qu'il faut voir les choses—si l'on tient compte du temps que va passer le nouveau citoyen au Canada et des impôts qu'il va payer tout au long de sa vie, leur demander un prix au départ, comme ce que l'on fait avec ces droits, n'est pas du tout logique. C'est vraiment une goutte d'eau dans la mer. Ce sont plutôt des frais de relations publiques du point de vue des Canadiens installés, mais cela crée un réel fardeau pour les néo- Canadiens.

Le président: Merci.

Madame Minna.

Mme Maria Minna: Je veux préciser certaines choses. Je crois que les droits exigés pour l'établissement, ce n'est pas la même chose que les 200 $ que l'on demande pour la citoyenneté. Ce sont deux questions différentes.

Je veux simplement dire mon mot sur le fait de ne pas prendre la citoyenneté. Et je dis cela pour éclairer M. Reynolds, malheureusement, plusieurs cas se sont présentés—et ce sont ceux qui me viennent à l'esprit, mais il y en a sans doute beaucoup d'autres—concernant des personnes qui étaient dans le pays depuis trois mois, un an, deux ans, cinq ans ou autre, bien souvent—et c'est le cas pour beaucoup de ceux qui commettent des crimes—il y avait des problèmes de santé mentale au départ.

Si vous avez un jeune qui a un problème de santé mentale et si sa famille n'a pas pris la citoyenneté au moment voulu, ce jeune n'est pas... Si vous ne fonctionnez pas normalement, la dernière chose qui va vous venir à l'esprit, c'est que vous n'êtes pas citoyen canadien, et c'est un problème.

Il arrive que nos jeunes enfants supposent qu'ils sont citoyens canadiens. Si vous êtes arrivé ici à l'âge de cinq mois ou de deux ou trois ans et que vous allez à l'école avec de nombreux autres enfants, vous ne vous demandez même pas si vous êtes citoyen ou non, parce que c'est le seul pays que vous ayez jamais connu. Et vous pouvez avoir en plus d'autres problèmes.

Il y a parfois de simples problèmes de coordination. Il y a de nombreuses organisations communautaires. Je sais que le groupe de Mme Khan et le Canadian Ethnocultural Council—j'en ai été membre— font un énorme travail. Il y a des milliers de familles que l'on aide à prendre la citoyenneté.

• 1235

Malheureusement, lorsqu'on a affaire à des enfants dysfonctionnels, leurs problèmes ne disparaissent pas lorsqu'ils deviennent adultes. Même s'ils ont vécu ici toute leur vie, ils ont eu des problèmes, ce n'est parfois pas quelque chose qui fait partie de leur vie. Je crois que les témoins nous demandent si cela n'est pas suffisant en soi pour éviter que ces personnes quittent le pays si elles ont vécu ici toute leur vie et sont les produits de notre pays. C'est une question qui est apparue, comme vous le savez, lors des discussions précédentes du comité et dans le cadre d'autres comités. C'est un problème qui a été soulevé à plusieurs reprises depuis un certain temps.

Pour moi, les recommandations sont très claires. Je n'ai guère de questions, sauf peut-être à l'intention de Mme Khan.

Si vous me permettez de revenir un instant à votre recommandation 6, il y a deux choses que je voulais mentionner à ce sujet. Vous faites d'une part une suggestion pour les personnes qui ont le statut de réfugié au sens de la Convention ou aussi pour celles qui ont été rejetées. Par la suite, vous parlez des autres cas d'expulsion. Ai-je raison de penser qu'en définitive votre recommandation est que, quel que soit le statut, que ce soit celui de réfugié au sens de la Convention ou autre, il ne devrait y avoir d'expulsion pour personne? Est-ce que c'est ce que...

Mme Yasmin Khan: Je vous demande pardon. Pourriez-vous répéter?

Mme Maria Minna: Ai-je raison de croire que votre recommandation signifie que, que la personne ait été acceptée à titre de réfugié au sens de la Convention ou non, nous devrions l'autoriser à entrer dans le pays de toute façon, quels que soient les résultats de l'audience ou le statut?

Mme Yasmin Khan: Il me semble que c'est ce que j'entends dire dans ma communauté. Il y a en gros deux groupes. L'un est constitué d'Afghans, l'autre de Somaliens. Ils doivent parfois attendre sept ou huit ans avant de connaître la décision. Évidemment, si c'étaient des criminels, nous ne demanderions jamais à les garder. Dans ce cas, ils devraient être déportés.

Mme Maria Minna: Je sais cela. Pour la plupart de ceux qui attendent, la question n'est pas de savoir s'il s'agit de réfugiés au sens de la Convention; le problème vient des documents qu'ils ont obtenus. Je comprends très bien la question, et je sais quels sont les problèmes. J'essayais simplement de préciser la recommandation en la présentant sous un autre angle. Vous dites que nous ne devrions pas envisager d'expulsion même pour ceux dont la demande a été rejetée, ceux que la Commission du statut de réfugié n'a pas acceptés comme réfugiés au sens de la Convention...

Mme Yasmin Khan: Et qui ont interjeté appel et le processus dure indéfiniment et...

Mme Maria Minna: Voulez-vous simplement dire qu'on devrait les accepter comme immigrants reçus? Est-ce ce que vous suggérez?

Mme Yasmin Khan: Surtout s'il ne s'agit pas de criminels. Nous ne demanderions jamais à garder chez nous des criminels.

Mme Maria Minna: Non, c'est évident.

M. James Kafieh: Nous pensons que pour l'expulsion, il devrait y avoir un processus suffisamment rapide. Si quelqu'un arrive ici en demandant le statut de réfugié et qu'on constate qu'il n'est pas un réfugié, il devrait y avoir possibilité d'interjeter appel rapidement. On devrait autoriser la prise en compte de raisons humanitaires, peut-être que cela existe maintenant. Après cela, il faudrait les expulser rapidement.

Mme Maria Minna: Si vous me permettez une brève intervention, j'aimerais préciser que ce sont ces appels qui prennent du temps. Qu'est-ce qui serait rapide à votre avis? Voilà une question avec laquelle nous nous débattons depuis un certain temps autour de cette table. Certains disent que six mois, c'est trop court, qu'il faut donner aux intéressés davantage de temps pour préparer leurs documents, pour obtenir les conseils juridiques voulus, etc. À votre avis, quel délai devrait-on prévoir?

M. James Kafieh: Pour ce qui est de la partie appel, et il s'agit ici d'un appel oral, par exemple, mais il devrait se dérouler devant un tribunal indépendant et non pas devant un autre groupe de fonctionnaires.

Mme Maria Minna: D'accord, je comprends cela.

M. James Kafieh: Il n'est pas nécessaire que cet appel soit un processus très approfondi. Mais il faudrait respecter le principe.

Audrey, avez-vous des suggestions concernant le délai?

Mme Audrey Kobayashi: Je crois qu'il est raisonnable de penser que ce genre de processus va être différent selon les circonstances, selon l'individu et dans certains cas selon le pays d'origine. Il y a diverses circonstances qui font que l'on peut obtenir plus ou moins d'information. Je crois que ce qui est important, c'est que ce soit fait le plus rapidement possible, et un délai de quelques mois est sans doute raisonnable.

Pour moi, il y a deux aspects à la question des retards accumulés. Il y a d'une part le retard dû à des raisons bureaucratiques, parce qu'il n'y a tout simplement aucune possibilité de traiter les dossiers suffisamment rapidement. C'est une question de ressources.

Pour la question des documents, je crois que c'est une question très importante. Il y a beaucoup de gens qui attendent très longtemps et qui ne savent pas du tout à quoi s'en tenir. Je crois qu'il devrait être possible d'envisager d'autres formes de documents officiels. C'est parce qu'ils n'ont pas de papiers qu'ils ne parviennent pas à faire avancer suffisamment rapidement leur dossier. Je crois que c'est là que vous pourriez chercher de l'aide dans les diverses communautés.

• 1240

Je comprends le problème de certains qui peuvent avoir des papiers, mais...

Mme Maria Minna: Je suis désolée d'interrompre, mais je crois que nous confondons deux choses ici. Vous en êtes consciente.

Mme Audrey Kobayashi: Oui.

Mme Maria Minna: Car on parlait de renvois rapides, pour ceux qui ont été rejetés par le système. Vous parlez maintenant d'accorder rapidement le statut d'immigrant reçu à ceux qui n'ont pas de documents.

Mme Audrey Kobayashi: C'est exact. Peut-être ne voulez-vous pas aborder ce sujet ici. Je sais que c'est un peu en dehors de la question de la détention et des renvois.

Mme Maria Minna: Le comité n'est pas en mesure, en ce moment, de traiter de cette question.

Mme Audrey Kobayashi: Nous allons donc la laisser de côté.

Mme Maria Minna: Je suis désolée. Voilà pourquoi j'essayais de ramener la discussion sur le délai des renvois rapides. C'est la question dont nous sommes chargés.

Mme Yasmin Khan: Il y a un sujet lié à cela et qui concerne ce que fait notre comité là-bas. J'entends dire dans notre communauté que les agents de la GRC et les autres peuvent préparer des documents pour déporter des individus, même s'ils n'ont pas de pièces d'identité, mais ne peuvent pas préparer des papiers pour ceux qui restent ici. Voilà à mon avis le dilemme.

Mme Maria Minna: Je vois. Votre remarque est justifiée.

M. John McKay: Permettez-moi de jouer l'avocat du diable pendant quelques instants parce que nous sommes un groupe relativement restreint et que c'est une réunion assez amicale, pour bien saisir vos idées. Dans ce rapport, on aimerait un système qui permette de régler un dossier en six mois à peu près. En écoutant les témoins, ils semblent d'accord pour dire que le temps exacerbe les problèmes au lieu de les éliminer. Je crois que l'on est d'accord là-dessus des deux côtés.

On semble aussi être d'accord pour dire qu'il y a un manque d'uniformité dans le système. Les décisions sont très variables et il ne semble pas y avoir beaucoup de cohérence à cet égard.

Étant donné ces deux paramètres, et étant donné ce que suppose ce rapport, pensez-vous qu'il soit possible de concevoir un système, que ce soit en modifiant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ou en ayant un système bureaucratique sur lequel vous avez déjà donné votre opinion, qui permette de faire preuve de justice et d'équité et garantisse un délai de six mois, par exemple, pour le traitement des dossiers? Je prends six mois comme chiffre arbitraire ici. Est-ce possible et, dans l'affirmative, comment procéderiez-vous?

Admettons que la ministre soit ici. Dites-lui comment vous procéderiez pour que la personne qui arrive à l'aéroport obtienne le statut d'immigrant reçu ou soit reconduite à l'aéroport en six mois. Comme procéderiez-vous? Quelles parties du processus accéléreriez-vous?

Personne ne semble vouloir la question. Je ne comprends pas pourquoi.

Mme Yasmin Khan: Je vais prendre le système. Je vais dire que la majorité des gens sont honnêtes. La majorité des gens sont respectueux de la loi. La majorité des gens suivent les règles et la majorité des règles sont faites pour les exceptions. Quoi que l'on fasse, il n'y aura jamais un système qui soit à toute épreuve. Les criminels semblent toujours se montrer plus malins que nous.

Voilà donc les hypothèses de départ. Si nous disons que la majorité des gens sont ici pour des raisons légitimes, je pense qu'il est possible de concevoir un système. Mais si nous voulons un système qui dise tout le temps non, qu'il faut tout vérifier, et qu'il faut avoir des documents que l'on ne peut pas obtenir légitimement, dans ce cas, il n'est pas possible d'avoir de système. Il s'agit donc de savoir quelles sont les idées de départ.

Je ne sais si je réponds à votre question.

M. John McKay: C'est un autre problème.

Mme Yasmin Khan: Pas vraiment. Enfin, vous avez peut-être raison.

Mme Audrey Kobayashi: Il y a là des questions de principe et des questions de procédé. Le principe doit être une présomption d'innocence tout comme dans notre système de justice. Les choses ne devraient pas se passer différemment pour les immigrants et les réfugiés. Cela permettrait déjà d'accélérer les choses.

M. John McKay: Il reviendrait alors au ministère de prouver le contraire de ce que prétend l'individu.

• 1245

Mme Audrey Kobayashi: Oui.

Mme Yasmin Khan: J'ai parlé de cela...

Mme Audrey Kobayashi: Et c'est un principe qui accélérerait le processus.

Mme Yasmin Khan: Oui.

Mme Audrey Kobayashi: Il y a bien sûr la question des ressources, malheureusement, mais...

M. John McKay: Lorsque vous parlez de ressources, tout le monde pense à l'argent. Personne ne voit l'autre aspect de la question parce que ce n'est pas ce qui est politiquement acceptable, et bien loin de moi l'idée de faire quelque chose d'inacceptable, mais si l'on réduisait les effectifs?

M. James Kafieh: Des réfugiés?

M. John McKay: Il est assez difficile de réduire le nombre des réfugiés. Mais les deux systèmes... Les ressources accordées aux services des immigrants et des réfugiés appartiennent à la même enveloppe ministérielle, si l'on peut dire, la question est donc la suivante: si l'on décide de ne pas mettre davantage d'argent dans le système, ne faudrait-il pas réduire les effectifs?

Mme Audrey Kobayashi: Les études les plus crédibles indiquent que les immigrants constituent un investissement et que lorsqu'on regarde le tableau plus général, pas seulement la question immédiate du traitement, les immigrants sont très nettement rentables.

M. John McKay: Mais nous parlons ici de traitement de dossiers.

Mme Audrey Kobayashi: Oui, mais je veux dire par là que...

M. John McKay: Il n'y aura pas grand monde autour de la table pour remettre en question l'intérêt des immigrants.

Mme Audrey Kobayashi: ... vous vous coupez l'herbe sous le pied, je crois que c'est ce qu'on dit, car pour faire des économies au chapitre du traitement des dossiers, vous faites en fait payer un prix au pays tout entier, de façon plus générale.

M. John McKay: Un gain éphémère pour des problèmes durables.

Mme Audrey Kobayashi: Oui. Ce n'est pas...

M. John McKay: Je comprends l'idée.

Mme Audrey Kobayashi: ... logique.

Mais je crois qu'il y a aussi deux aspects à la question des ressources. Il y a d'une part l'importance des ressources qu'on accorde au système et d'autre part la façon dont on les utilise. On peut donc se poser également des questions là-dessus.

J'imagine que tous ceux qui sont autour de la table ont entendu parler de Sami de Toronto qui veille depuis quelques semaines. La question est de savoir pourquoi on ne lui accorde tout simplement pas son audience. Cela réduirait les dépenses. Cela éviterait que perdure une situation très traumatique. Ce serait un gros coup pour les relations publiques si on mettait fin à cette situation en traitant le dossier.

M. John McKay: Oui.

M. James Kafieh: J'ajouterais que le fait que le programme puisse manquer de ressources compromet la cohérence du système, et c'est quelque chose à quoi nous nous opposons en tant qu'organisation s'occupant de réfugiés légitimes. On dit souvent que peu importe de qui il s'agit, on veut que tout le monde reste ici de toute façon. Nous savons en fait qu'un système est nécessaire. En tant que Canadiens, nous comprenons qu'un système qui fonctionne, qui est efficace est nécessaire. Il doit non seulement fonctionner, il faut qu'on le voit comme tel. Il y a bien sûr le principe des retards en matière judiciaire qui valent déni de justice. C'est vraiment une question de priorités.

Je ne crois pas que le nombre des réfugiés que nous acceptons actuellement pose véritablement un problème grave, ni que la capacité d'un pays comme le Canada de traiter leurs dossiers en pose un autre lorsqu'on regarde les obligations qui incombent à d'autres pays qui se trouvent beaucoup plus près du pays d'origine des réfugiés et des nombres auxquels ils ont affaire. Je crois que nous avons tout à fait la capacité de relever ce défi.

M. John McKay: Vous n'accepteriez donc pas la proposition voulant que l'on réduise les effectifs.

M. James Kafieh: Lorsqu'ils arrivent à notre frontière, je crois que nous avons des obligations internationales. Nous avons en fait des réfugiés légitimes au Canada. Que devons-nous en faire?

M. John McKay: D'accord. Vous arrivez à la présomption d'innocence et en quelque sorte à la responsabilité ministérielle... il faut apporter des preuves, un peu comme le procureur public, plutôt que l'inverse. Vous avez aussi parlé de la question des ressources. Que dire de ce que l'on peut faire à l'intérieur du système lui-même? Que dire de toutes les petites possibilités que l'on peut saisir ici et là pour ce qui est de décider du sort d'un réfugié, les raisons humanitaires, la détermination des risques et tout le reste? Y aurait-il là des possibilités qui nous permettraient en fait d'atteindre notre objectif qui est d'arriver rapidement à une décision?

M. James Kafieh: Je crois qu'il faut voir cela comme des démarches indépendantes. Il y a le système des deux arbitres à la CIR qui décide si la personne est un réfugié légitime, et il faut ensuite qu'il y ait le processus d'appel.

M. John McKay: Pourquoi ne pas faire les deux choses en même temps?

M. James Kafieh: L'appel?

M. John McKay: Non, pas l'appel, les autres questions, les raisons humanitaires ou...

M. James Kafieh: L'une des raisons en est que le processus est assorti de droits importants, et pourquoi quelqu'un devrait-il payer pour invoquer des raisons humanitaires s'il est un réfugié légitime? En voilà une...

M. John McKay: Oublions les droits. Éliminons les droits de notre discussion.

M. James Kafieh: J'imagine qu'alors on pourrait gagner du temps, mais il reste tout de même le même fardeau administratif. Il va tout de même falloir que vous payiez des gens qui vont examiner l'aspect humanitaire.

M. John McKay: Pourquoi la même personne ne pourrait-elle pas le faire?

• 1250

M. James Kafieh: J'imagine que ce serait possible et que celui qui décide si la personne est ou non un réfugié comprenne que cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas pour cette personne des raisons humanitaires.

M. John McKay: Exactement.

M. James Kafieh: C'est en fait le cas de la famille Bahsous à Toronto, qui proteste dans l'église «Our Lady of Lebanon» à l'heure actuelle. J'ai lu le rapport et à mon avis ce ne sont pas des réfugiés, de toute évidence, à ce que je puis voir. Ceux qui ont rédigé ce rapport l'ont fait de façon très intelligente et très sensible. Ils ont traité les questions l'une après l'autre et ont indiqué que même si ce ne sont pas techniquement des réfugiés, ils pourraient envisager un cas particulier pour des raisons humanitaires. Ils y ont fait allusion et les facteurs...

M. John McKay: Que dire d'évaluer les risques en même temps?

M. James Kafieh: Je ne suis pas sûr que ceux qui sont à même de décider de la légitimité des réfugiés aient reçu la formation technique voulue pour évaluer efficacement les risques.

M. John McKay: Nous essayons ici de concevoir un nouveau système.

M. James Kafieh: Je crois qu'il est important que ce soit un organisme distinct et indépendant qui revoit ces décisions.

M. John McKay: Bien. Ce n'est pas un problème. Nous savons qu'il y a, si vous le voulez, une première instance et ensuite un appel.

En ce qui concerne les trois critères, la détermination du statut de réfugié, l'évaluation des risques et les raisons humanitaires, y a-t-il une raison intellectuelle, morale, pratique contraignante qui fait qu'une seule personne ne pourrait pas décider tout cela en même temps?

M. James Kafieh: J'imagine que pour l'évaluation des risques, il faudrait peut-être des compétences d'un tout autre niveau, peut- être judiciaire...

M. John McKay: Réglons donc ce problème de l'évaluation des risques, encore une fois, nous ne faisons que discuter d'un éventuel système.

M. James Kafieh: Évidemment.

M. John McKay: Admettons que le pays d'origine de l'intéressé soit sur la liste des pays où les gens courent des risques. C'est un pays où règne le désordre. Il a été question de l'Afghanistan, de la Somalie. Si l'un de ces pays est le pays d'origine, il n'y a pas grand-chose à dire. Les risques existent. Certains pays...

Mme Yasmin Khan: Je crois que cela pourrait se faire, mais n'accordons-nous pas à une seule personne beaucoup de pouvoir? Ce serait la seule...

M. John McKay: Ce serait en effet le cas.

Mme Yasmin Khan: Nous prendrions alors un risque. Mais cela pourrait être fait.

Le président: D'accord. Nous avons donc envisagé cette possibilité de façon critique.

Mme Audrey Kobayashi: Puis-je faire une autre remarque sur le sujet?

Le président: Allez-y.

Mme Audrey Kobayashi: Je crois que ce que vous suggérez présente un grand intérêt, et vous vouliez le séparer du processus d'appel, mais il me semble que cela a un intérêt seulement si l'on sait qu'il existe un processus d'appel qui fonctionne—qui est ouvert, oral, disponible à tous—et que l'on oublie les conditions en vertu desquelles l'appel est refusé.

M. John McKay: Quelles restrictions y aurait-il à avoir accès au processus d'appel? En droit, il y a l'appel fondé sur les faits et celui qui est fondé sur une décision judiciaire. Dans certains cas, vous ne pouvez interjeter appel que s'il y a eu erreur de droit.

Mme Audrey Kobayashi: C'est un gros problème.

M. John McKay: Dites-moi donc...

Je vous demande pardon, monsieur le président.

Le président: Je vous en prie. J'allais poser une question très semblable. Allez-y donc.

M. John McKay: Bon, alors voici la question Dromisky.

Pour le processus d'appel, l'autorité compétente devrait-elle revoir tous les faits encore une fois?

Mme Audrey Kobayashi: Oui.

M. John McKay: Oui. Comment cela peut-il...

Mme Audrey Kobayashi: Nous admettons que cela pourrait rendre le processus plus administratif encore, mais c'est une question d'équilibre, si on peut uniformiser le processus dans d'autres secteurs, réduire le nombre de gens qui vont être en mesure d'interjeter appel et accorder davantage de ressources au processus d'appel lui-même... Mais le principe essentiel est que tout le monde devrait avoir le droit de raconter son histoire à un tribunal indépendant.

M. John McKay: Dans ce cas, pourquoi l'individu n'interjetterait-il pas toujours appel? Tant que je n'obtiens pas gain de cause, j'interjette appel.

Le président: Et le processus continue.

M. James Kafieh: Le principe, je le répète, est qu'il devrait s'agir d'un organisme indépendant qui traite l'appel. Cela ne veut pas dire qu'il faille avoir un système exigeant de nombreux employés ou coûteux pour mettre en oeuvre et faire fonctionner le processus d'appel, mais simplement pour que quelqu'un avec des yeux neufs étudie le dossier, quelqu'un qui ne ferait pas partie du ministère de l'Immigration.

• 1255

Si cela me pose un problème, c'est parce que j'appartiens à la communauté canado-arabe du fait de mon origine, et que j'ai l'impression que nous avons un système très politisé pour ce qui est de savoir qui va être détenu et qui ne va pas l'être. Ce n'est pas tellement ce que vous avez fait que la rectitude politique, les préjugés politiques des Canadiens qui se trouvent dans le système.

Si je peux interjeter appel devant un autre organisme, là au moins j'aurais l'impression d'avoir eu droit à une véritable audience. C'est une question d'équilibre.

Le président: Il y a une question qui est liée à cela...

Mme Audrey Kobayashi: On peut dire la même chose du système de justice pénal.

M. John McKay: Oui, mais voyez-vous, dans notre système de justice pénal, on peut avoir un procès et l'appel ne peut porter que sur une erreur de droit. Je peux intenter un procès qui me coûtera 3 millions de dollars auprès de la section de première instance, et si je n'ai pas gain de cause, je ne pourrai interjeter appel que si le juge a fait une erreur de droit. C'est pourquoi j'aimerais connaître votre réponse puisque vous voulez en fait un autre organisme entièrement...

Mme Audrey Kobayashi: Il s'agit simplement du fait que les raisons humanitaires ou l'éventualité de torture dans le pays où on va envoyer l'intéressé doivent être pris en compte plus tôt. Dans ce cas, le processus d'appel pourrait ne se fonder que sur une question de droit si nous étions sûrs que ces considérations ont été prises en compte auparavant.

M. John McKay: C'est ce que je supposais, qu'on s'était occupé...

Mme Audrey Kobayashi: Si cela pouvait être le cas, je serais d'accord avec vous.

Le président: Très bien. Dans le même ordre d'idée, en ce qui concerne le projet de loi C-41 et les résidents permanents privés de leur droit, comme vous le prétendez, à une audience véritable...

Mme Maria Minna: J'invoque le Règlement, monsieur le président, j'aimerais apporter une correction. Il s'agit du projet de loi C-44 et non du projet de loi C-41.

Le président: Oui, c'est ce que je pensais, mais je n'en étais pas sûr. Il s'agit donc du projet de loi C-44.

Lorsque nous avons des preuves tout à fait concluantes concernant l'individu qui est sur le sol canadien et que nous estimons que cette personne devrait être expulsée parce que nous savons qu'il s'agit de l'auteur d'une série de meurtres ou autre, estimez-vous que cette personne devrait bénéficier des mêmes droits et privilèges que n'importe quel autre citoyen canadien...

Mme Audrey Kobayashi: Oui.

Le président: ... même si nous avions des preuves tout à fait concluantes, documentaires et autres, montrant tout à coup qu'on a découvert que ce bonhomme est l'auteur d'une série de meurtres?

M. James Kafieh: C'est un principe de la justice canadienne...

Le président: Je parle en effet ici de ce principe.

M. James Kafieh: ... oui, tous les individus sont égaux devant la loi, si quelqu'un commet un crime, il va être confronté au même système de justice. Il va passer devant les mêmes tribunaux pour être jugé et condamné. Si nous avons affaire à l'auteur d'une série de meurtres, cela ne veut pas dire qu'il n'a pas le droit d'être défendu par un avocat, par exemple.

Il y a toutes sortes de gens affreux dans notre société, mais nous ne disons pas, nous avons pris la personne la main dans le sac, nous savons qu'elle a commis le crime, et qu'elle soit citoyenne ou non, nous la mettons simplement en prison. Il y a ce que l'on appelle la procédure équitable. Le simple fait que vous ne soyez pas citoyen canadien ne veut pas dire que vous ne devriez pas y avoir droit. Il ne s'agit pas d'un principe du châtiment s'adressant à l'auteur d'une série de meurtres, c'est simplement un principe canadien.

Mme Audrey Kobayashi: Il y a par ailleurs la question des affinités. Si une personne est arrivée très jeune au Canada et devient par la suite l'auteur d'une série de meurtres, c'est un problème canadien, et on devrait le traiter comme tel plutôt que d'expulser simplement cette personne pour que cela devienne le problème d'un autre pays parce qu'un détail technique de droit nous permet de le faire. C'est un aspect de la question.

Le président: Oui, mais j'envisage l'autre aspect.

Mme Audrey Kobayashi: Mais l'autre aspect, ce sont ces gens... Permettez-moi de vous donner un exemple.

J'ai reçu récemment un appel de la prison pour femmes de Kingston car c'est dans cette ville que j'habite. C'était au sujet d'une femme qui était arrivée de Grèce alors qu'elle était très jeune, elle avait quelques années, et elle était accusée de... je crois que c'était d'un meurtre au deuxième degré puisqu'elle avait assassiné son conjoint de fait qui avait 60 ans. Il y avait derrière toute cette histoire une longue série de mauvais traitements et autres, une affaire très triste, tout à fait regrettable. On lui avait accordé la peine la plus légère possible en raison des circonstances de l'affaire, mais elle était dans la prison pour femmes.

C'est une question de droit, car en raison du type de crime qu'elle avait commis, elle devait être automatiquement expulsée sans droit d'appel. Pour ce genre de cas, il est très important que le droit d'appel existe et que le principe des affinités pour le Canada soit pris en compte afin que l'on reconnaisse qu'en dépit du fait que ses parents—elle avait commis ce crime lorsqu'elle avait 15 ans—n'avaient jamais fait en sorte qu'elle devienne citoyenne canadienne, elle est en gros une Canadienne.

• 1300

Le président: D'accord. Vous vous êtes très clairement expliquée.

J'ai une question à poser à Mme Khan concernant sa huitième recommandation. Vous dites qu'on refuse des droits fondamentaux à ces enfants. Pouvez-vous préciser? De quels droits fondamentaux parlez-vous?

Mme Yasmin Khan: Il y en a plusieurs. Parfois, les parents peuvent devoir être expulsés et les enfants sont techniquement des citoyens canadiens. Je ne suis pas juriste. Peut-être qu'aux yeux de la loi, c'est une question juridique que l'enfant reste même si le père ou la mère est expulsé, mais c'est un droit fondamental, pour moi, pour un enfant que d'avoir un parent. J'ai entendu par ailleurs que ces personnes n'ont pas droit au RAMO. Mais j'imagine que le RAMO est de compétence provinciale et non fédérale.

Voilà le genre d'histoires auxquelles je pense. Notre organisation n'offre pas des services directs, mais nous entendons parler de ce genre d'histoires. Je ne sais si c'est utile.

Le président: Ça nous donne une idée. Je crois que nous pourrons approfondir davantage.

Merci beaucoup. Nous allons mettre un terme à cette séance.

M. James Kafieh: Puis-je poser une question?

Le président: Oui.

M. James Kafieh: Si nous voulons respecter l'esprit des tables rondes, nous avons sans doute procédé dans l'ordre inverse. Nous aurions dû passer avant la GRC.

Avez-vous étudié la question de l'établissement de profils criminels et savez-vous si cela se fait à nos frontières et dans nos aéroports? Si vous ne savez pas ce que c'est, je vais vous donner des précisions. Il s'agit simplement de rechercher certains noms. Encore une fois, les noms islamiques semblent être très populaires actuellement pour ce qui est noircir les gens provenant de certains milieux.

Ce que l'on craint, c'est que ce processus, qui a cours aux États-Unis, n'est pas nécessairement efficace mais est en fait source de discrimination. Sans nous donner le détail de ce qui se fait au Canada, procède-t-on à cette opération? Peu importe les critères. A-t-on recours à ce principe des recherches de noms pour notre système de détention et d'immigration? Nous avons des raisons de croire qu'il est utilisé, d'après certaines anecdotes, et que les gens de couleur, par exemple, sont interrogés et détenus en fonction de normes différentes; mais ce ne sont que des renseignements sporadiques.

Le président: Très bien. Merci beaucoup de nous le signaler. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Merci d'être venus. Vous nous avez donné beaucoup de renseignements. Je regrette que tout le comité n'ait pas été présent aujourd'hui, mais il y a tellement de choses qui se passent en ce moment sur la Colline! Des questions excellentes vous ont été posées et nous apprécions vos réponses. Merci beaucoup encore une fois.

La séance est levée.