Passer au contenu
Début du contenu

CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 12 mars 1998

• 1104

[Traduction]

Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): La séance est ouverte. Puisqu'il y a quorum, le comité peut entreprendre son travail et entendre les témoins. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la question des criminels de guerre contemporains.

Merci à nos témoins de se présenter devant nous. Nous espérons pouvoir obtenir suffisamment de renseignements pour mieux comprendre le sujet et en tirer des conclusions.

Nous accueillons aujourd'hui les représentants du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration: Georges Tsaï, sous-ministre adjoint, Services de gestion, Bill Sheppit, directeur général de la Division du règlement des cas, et John Sims, sous-procureur général adjoint.

C'est Georges, je crois, qui fera le premier exposé. Nous entendrons ensuite Bill Sheppit pour le reste des remarques. Merci beaucoup. Georges, à vous la parole.

M. Georges Tsaï (sous-ministre adjoint, Services de gestion, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Merci, monsieur le président.

• 1105

[Français]

Monsieur le président, nous sommes très heureux de nous retrouver devant votre comité. En novembre dernier, nous avions déjà eu l'occasion, à la faveur d'une autre comparution devant ce comité, d'aborder la question des criminels de guerre et des criminels contre l'humanité contemporains.

[Traduction]

Le but de cet exposé, monsieur le président, est de vous donner les grandes lignes de la stratégie appliquée par la CIC à l'égard des personnes soupçonnées de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité en ces temps modernes.

Dans quelques instants, mon collègue Bill Sheppit vous décrira comment ces cas sont traités. Mais pour commencer, si vous le voulez bien, j'aimerais prendre quelques instants pour passer en revue certains des aspects importants du domaine.

Puisque nous utiliserons souvent les expressions «crimes de guerre» et «crimes contre l'humanité», permettez-moi d'abord de définir ce que l'on entend par là. Les crimes de guerre sont des infractions aux lois de la guerre applicables en cas de conflits internationaux. Par exemple, le carpet bombing constitue un crime de guerre. Par crimes contre l'humanité, on entend le meurtre, l'extermination, l'esclavage, la déportation, la persécution ou les actes inhumains commis contre les civils ou un groupe identifiable de personnes. Le génocide, la purification ethnique et bon nombre d'autres horreurs relèvent de cette catégorie.

Le gouvernement du Canada dispose de trois outils pour traiter les cas des personnes soupçonnées de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité. Il peut d'abord appliquer la disposition 1.F(a) de la Convention des Nations Unies sur le statut de réfugié. Sous le régime de cette disposition, qui est intégrée à notre propre Loi sur l'immigration, nous pouvons exclure du processus de détermination du statut de réfugié toute personne pour laquelle il existe des motifs graves de croire qu'elle s'est rendue coupable d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité.

Le gouvernement peut également appliquer l'alinéa 19(1)j) de la Loi sur l'immigration. Ce paragraphe faisait partie du projet de loi C-71, qui a été adopté en 1987. Cet alinéa créait une nouvelle catégorie de personnes non admissibles, celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles ont commis, à l'étranger, un fait constituant un crime de guerre ou un crime contre l'humanité.

Enfin, le gouvernement peut se prévaloir de l'alinéa 19(1)l), qui a été adopté par le Parlement en 1993 dans le cadre du projet de loi C-86 et qui crée une autre catégorie de personnes non admissibles. Appartiennent à cette catégorie les personnes qui, à un rang élevé, font ou ont fait partie ou sont ou ont été au service d'un gouvernement qui, de l'avis du ministre, se livre ou s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou à des crimes de guerre ou contre l'humanité.

Depuis l'adoption de cette dernière disposition, nous avons pu, grâce à diverses initiatives administratives supplémentaires, renforcer notre capacité de traiter les cas de crimes de guerre. En 1996, Citoyenneté et Immigration Canada a créé une unité nationale centralisée chargée de surveiller les cas de crimes de guerre contemporains. Plus récemment, les bureaux régionaux de la CIC ont choisi un coordonnateur pour détecter les cas de crimes de guerre contemporains, et des séances de formation ont été offertes aux fonctionnaires de la CIC et du ministère de la Justice afin que les procédures les plus efficaces soient utilisées dans les cas de litige.

[Français]

Cette accentuation de nos efforts explique peut-être en partie certains des résultats positifs que nous avons obtenus récemment et qui ont été rapportés dans les médias. Cependant, le ton plus élogieux de certains de ces articles ne doit pas nous faire perdre de vue que l'identification des personnes soupçonnées de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité et, le cas échéant, leur dénaturalisation et leur déportation constituent un défi énorme que la conjoncture mondiale actuelle rend encore plus difficile à surmonter.

• 1110

Le Canada, comme bien d'autres pays qui sont des destinations de choix pour des personnes qui préféreraient que l'on oublie leur passé, fait face à un dilemme. D'une part, la globalisation nous pousse à faciliter de plus en plus le mouvement des personnes et des biens et, de l'autre, nous ne voulons pas, au nom de principes fondamentaux, devenir un havre pour les personnes qui ont commis des atrocités que la conscience sinon les lois réprouvent.

C'est donc dire que nous devons, avec nos partenaires nationaux et internationaux, continuer à travailler avec acharnement en vue de nous doter des meilleurs outils possibles pour que le Canada et la communauté internationale puissent lutter efficacement contre ce fléau des temps modernes.

[Traduction]

En réponse au rapport présenté par la Commission Deschênes, le gouvernement a adopté, dès 1987, une politique par laquelle il refusait d'accorder asile aux personnes soupçonnées de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, sans égard au lieu ou au moment où ces crimes ont été perpétrés. Cette politique a été confirmée de nouveau en 1995. C'est encore cette politique qui sous-tend les mesures que nous prenons aujourd'hui.

Monsieur le président, si vous me le permettez, j'inviterais maintenant M. Sheppit à poursuivre l'exposé de façon plus détaillée.

Le président: Veuillez continuer, Bill.

M. Bill Sheppit (directeur général, Division du règlement des cas, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Merci, monsieur le président.

Comme M. Tsaï l'a indiqué, nous avons accordé beaucoup d'attention à la question des criminels de guerre dans le cadre du programme d'immigration. Nous avons pensé qu'il vous serait peut-être utile que nous vous décrivions comment les choses se déroulent lorsque ces criminels arrivent et comment nous traitons leur cas.

Les criminels de guerre contemporains qui arrivent au Canada se présentent ici, pour une vaste majorité, comme demandeurs du statut de réfugié. Certains d'entre eux possèdent des documents officiels valables portant leur propre nom, d'autres ont des documents valables portant de faux noms, d'autres ont des documents faux portant de faux noms et d'autres encore n'ont pas de documents du tout. Un très petit nombre se présente ici nanti de visas délivrés par nos missions à l'étranger. Jusqu'à présent, nous n'avons détecté que trois cas de cette dernière catégorie. Dans tous les autres cas, il s'agissait de demandeurs du statut de réfugié au Canada.

Lorsque des gens se présentent sans les documents nécessaires, la première étape consiste pour nous à essayer de les identifier et de voir quelle est leur nationalité. Vous avez discuté récemment avec la Division de l'exécution des lois et avec Brian Grant des difficultés qu'il faut surmonter pour identifier les gens.

À leur arrivée, ou peu après, ces gens revendiquent le statut de réfugié. Dans le cadre de leur revendication, ils remplissent le formulaire de renseignements personnels dans lequel ils expliquent les circonstances de leur cas et les raisons pour lesquelles ils revendiquent le statut de réfugié. Parmi ces demandeurs, il y a souvent des fonctionnaires des gouvernements, des militaires ou des policiers ayant appartenu à divers régimes. Ces gens insistent sur le fait que la situation dans leur pays d'origine les empêche de retourner chez eux, et c'est sur cela qu'ils fondent leur revendication du statut de réfugié. Ils craignent de faire l'objet de représailles du public, de leurs anciens collègues ou du nouveau régime gouvernemental.

Nous avons également d'autres sources de renseignements pour nous aider à identifier les criminels de guerre possibles: la communauté du même pays qui s'est établie au Canada, nos processus de vérification de sécurité et d'identification des criminels, les renseignements que nous avons obtenus d'autres pays, les tribunaux internationaux, les nouveaux gouvernements des pays d'origine. Nous pouvons également trouver des renseignements auprès de toutes sortes d'autres sources.

Lorsque leurs dossiers sont transmis au ministère, c'est généralement à la suite d'un renvoi sous le régime de la Loi sur l'immigration, pour une raison particulière. Généralement, ils n'ont pas de visa, ils n'ont pas les documents de voyage appropriés, etc. Nous faisons alors une enquête et nous rendons à leur égard une interdiction de séjour conditionnelle. Cette interdiction est éliminée s'il est établi qu'ils sont vraiment des réfugiés et si le statut de résident permanent leur est accordé. Dans le cas contraire, ils ont 90 jours pour quitter le Canada, sinon l'interdiction de séjour est commuée en avis d'expulsion.

Pour traiter le cas des criminels de guerre, nous préférons les identifier dès le début du processus de détermination du statut de réfugié et appliquer la disposition 1.F(a) de la Convention de Genève qui, comme M. Tsaï l'a dit tout à l'heure, les exclut du processus de détermination du statut de réfugié. Dans de tels cas, le représentant du ministère témoigne au cours de l'audience et démontre que le demandeur appartient à la catégorie non admissible. Il peut pour cela présenter des preuves en fonction du régime, contre-interroger le demandeur ou identifier et présenter des témoins experts afin qu'ils expliquent quelle est la situation dans leur pays d'origine.

• 1115

En plus de ces interventions, la Loi sur l'immigration permet de prendre d'autres mesures. Dans certains cas, une personne qui prétend être un réfugié au sens de la Convention peut ne pas avoir accès au régime de détermination. Si cette personne a obtenu le statut de réfugié dans un autre pays et retourne dans ce pays, elle n'a pas accès à notre régime de détermination du statut de réfugié. Si elle appartient aux diverses catégories non admissibles énoncées dans la Loi sur l'immigration, elle peut être exclue du processus. Ces catégories s'appliquent généralement aux personnes soupçonnées d'espionnage, de subversion, de terrorisme, de crimes graves ou, comme aux alinéas 19(1)j) et (1), de crimes de guerre ou d'avoir appartenu à certains régimes.

Grâce aux changements apportés à la Loi sur l'immigration en juillet 1995, nous pouvons dorénavant exclure des gens du processus de reconnaissance du statut de réfugié à n'importe quelle étape du processus. Même si la Commission de l'immigration et du statut de réfugié leur a accordé le statut de réfugié, si nous avons de l'information disant qu'ils sont des criminels de guerre, nous pouvons renverser cette décision.

Nous avons eu un assez bon succès dans les cas d'exclusion avant le processus de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention. Jusqu'à présent, nous avons exclu de 280 à 300 personnes environ.

Comme notre premier objectif consiste à renvoyer les personnes soupçonnées de crimes de guerre du Canada, que nous importe vraiment comment nous nous y prenons. Dans certains cas, il se peut que l'on ait déterminé l'inadmissibilité initiale. Par exemple, si elles n'ont pas de visa et qu'une ordonnance d'expulsion valide a été rendue contre elles, nous allons les renvoyer. Cela explique en partie les problèmes que nous avons à fournir des statistiques.

Je sais que votre comité a entendu de nombreux témoignages au sujet des problèmes du ministère avec les statistiques mais si, par exemple, nous pouvons renvoyer une personne parce qu'elle n'a pas de visa, nous ne prenons pas vraiment la peine de la classifier comme criminel de guerre. Notre objectif consiste à la renvoyer du pays.

Pour les cas les plus graves cependant, nous rédigeons un rapport, nous menons une enquête et nous tentons de les déclarer inadmissibles en tant que criminels de guerre.

Par conséquent, comme je l'ai dit, ça nous pose des problèmes au niveau des statistiques. Nous sommes en train de mettre au point un système informatique qui, nous l'espérons, sera prêt d'ici la fin du mois et nous permettra de tenir de meilleures statistiques.

Le plaisir dans ce genre de cas, c'est que chacune des décisions tout au long du processus peut être portée en appel en vertu de la Charte. Par exemple, la décision d'exclure une personne du processus de reconnaissance du statut de réfugié peut être contestée devant les tribunaux. La décision relative à leur irrecevabilité peut être contestée. Avec les arriérés qu'il y a à l'heure actuelle dans les tribunaux, cela signifie souvent qu'ils passeront beaucoup de temps au pays s'ils portent en appel la décision de les renvoyer.

Une fois que le recours judiciaire a été accordé par la Cour fédérale pour entendre leur cas, le ministère ne peut les renvoyer jusqu'à ce que le tribunal ait rendu sa décision.

À ce moment-là, en supposant que nous avons eu gain de cause à la suite de toutes les contestations et que nous sommes prêts à renvoyer la personne, nous devons ensuite suivre le processus de renvoi qui peut être également difficile. La grande majorité de ces gens proviennent de pays qui sont en plein bouleversement. Il serait peut-être politiquement impopulaire pour le nouveau gouvernement ou le gouvernement actuel du pays d'accepter que ces gens reviennent au pays. Il serait peut-être difficile pour eux de prouver qu'ils sont citoyens du pays. Les frontières du pays ont peut-être changé, comme dans le cas de l'ancienne Yougoslavie. Il s'agit peut-être d'un pays totalement nouveau, d'un tout nouveau gouvernement. Il peut donc être très difficile d'essayer de les renvoyer.

Un autre problème, c'est qu'on ne peut renvoyer quelqu'un à qui on a accordé le statut de réfugié que si cette personne constitue un danger pour le public ou la sécurité du Canada. Dans la grande majorité des cas, il s'agit d'actes qu'ils ont commis à l'étranger. Dans la plupart des cas, ils n'ont rien fait ici. Ils ne sont pas un danger pour la sécurité des Canadiens. Il s'agit tout simplement du fait que nous avons des obligations internationales et que nous ne voulons pas qu'ils restent ici.

Si nous ne pouvons les renvoyer dans leur pays d'origine, alors nous examinons d'autres possibilités de renvoi. On peut par exemple les renvoyer dans des pays par lesquels ils sont passés pour venir au Canada, ou essayer de trouver un autre pays tiers où on peut les renvoyer. Les deux se produisent à l'occasion.

Pour ce qui est des statistiques, je suis sûr que certains d'entre vous ont vu le rapport qui a été publié ou qui a été communiqué clandestinement au public en octobre, je crois. À l'heure actuelle, nous avons exclu environ 209 cas aux termes du paragraphe 1.F(a) de la Convention de Genève. Nous avons identifié 62 cas sur lesquels nous travaillons comme terroristes ou criminels de guerre contemporains. Nous avons encore 53 cas où des hauts fonctionnaires du régime ont approuvé des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. Nous avons renvoyé 80 personnes. Le nombre total des cas à ce moment-ci s'élève donc à environ 404.

• 1120

Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons de la difficulté à recueillir des statistiques. Deux fois par an, nous faisons un inventaire. Étant donné que nous n'avons pas encore de système global, cela signifie essentiellement que nous devons compter manuellement les dossiers, fouiller dans les dossiers et voir exactement où nous en sommes dans chaque cas. Nous avons décidé au départ que nous ferions cela deux fois par an pour garder un certain contrôle. Nous sommes en train d'effectuer le tout dernier inventaire afin de préparer la base de données.

Je pense que nous faisons des progrès pour ce qui est des crimes de guerre. Comme M. Tsaï l'a mentionné, nous avons offert des séances de formation aux employés du ministère et aux employés du ministère de la Justice sur la communication des meilleures pratiques et des résultats d'enquête. Vous comprendrez que dans de nombreux cas, il peut être extrêmement difficile d'obtenir des preuves qui puissent être retenues devant les tribunaux canadiens, en raison de la situation qui existe dans ces pays. Ce sont des pays qui se trouvent au beau milieu de bouleversements, d'agitations et de changements de gouvernement.

Nous sommes en train de mettre sur pied notre base de données ici à l'administration centrale de façon à ce que l'unité des crimes de guerre puisse aider nos agents dans les régions en leur donnant de l'information qu'ils peuvent utiliser. Nous avons un nouveau système informatique qui sera mis en place. Dans le cadre du processus de l'allocation budgétaire de notre ministère, nous essayons de trouver des ressources supplémentaires et nous espérons pouvoir les obtenir au début du nouvel exercice en avril.

Voilà donc où nous en sommes à l'heure actuelle. Georges, vouliez-vous faire des...

[Français]

M. Georges Tsaï: Monsieur le président, ceci termine une présentation très générale et sans doute incomplète. Nous sommes tous les trois à votre disposition et à la disposition du comité pour répondre à vos questions. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Nous allons commencer par une période de questions.

Monsieur Reynolds.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Merci, monsieur le président.

Pouvez-vous nous dire quel est le rôle de Neil Sher, qui est l'ancien directeur du United States Office of Special Investigations, au sein de l'unité qui s'occupe des criminels de guerre?

M. Georges Tsaï: Je vais laisser M. Sims répondre à la question plus spécifiquement, mais M. Sher ne s'occupe pas des crimes de guerre contemporains.

M. John Reynolds: Pas du tout?

M. Georges Tsaï: Non.

M. John Reynolds: Très bien.

Qu'arrive-t-il lorsqu'un criminel de guerre n'a pas de documents et que vous avez décidé de vous en débarrasser? S'il n'y pas de documents, comment pouvez-vous l'envoyer quelque part?

M. Bill Sheppit: Ce que nous faisons, c'est que nous retournons dans le pays d'où nous pensons qu'il vient pour essayer de trouver un certificat de naissance ou un document d'enregistrement. Notre mission à l'étranger tentera d'obtenir un certificat de naissance. Nous présenterons ensuite ces documents aux autorités du pays en question et nous leur dirons: «Voici la preuve qu'il est citoyen de votre pays. Vous avez l'obligation de le reprendre.»

M. John Reynolds: Et que se passe-t-il si elles ne le reprennent pas?

M. Bill Sheppit: Alors nous ferons diverses pressions auprès de ce pays. Selon ce qui s'est passé à l'intérieur du pays, comme je l'ai dit, elles hésitent peut-être beaucoup à le reprendre. Si elles ne veulent pas le reprendre, alors nous envisageons d'autres options, notamment le renvoi dans un pays par lequel il a transité en venant au Canada ou dans un pays tiers.

M. John Reynolds: Avons-nous des cas où cela s'est produit et où la personne est toujours ici parce que personne n'en veut?

M. Bill Sheppit: Je pense que nous avons toujours certaines personnes ici parce que nous n'avons pu les renvoyer encore, mais pour nous le dossier n'est pas clos. Nous continuons à essayer de trouver un autre pays où nous pouvons les renvoyer, comme je l'ai dit, un pays par lequel elles auraient transité.

M. John Reynolds: Qu'arrive-t-il si une personne que vous voulez renvoyer dans son pays risque la mort là-bas?

M. Bill Sheppit: Il y a une disposition qui prévoit un examen de leur cas. Nous examinons le risque que cela comporte. Essentiellement, il s'agit d'examiner le risque d'un renvoi dans le pays d'origine par rapport au risque pour le Canada et à nos obligations aux termes de divers traités internationaux. Si le renvoi dans le pays d'origine n'est pas une option parce qu'il est probable qu'ils devront alors y faire face à la peine de mort, alors nous cherchons un tiers pays.

M. John Reynolds: À titre d'exemple, si Eichmann retournait en Israël, il pourrait encourir la peine de mort. S'il était au Canada, il pourrait être déporté ailleurs.

M. Bill Sheppit: Nous l'enverrions vers un tiers pays.

M. John Reynolds: Vous ne déporteriez donc pas quelqu'un vers un pays où il risquerait la peine de mort?

M. Bill Sheppit: La décision incomberait au ministre, mais comme je l'ai dit, nous étudierions soigneusement les risques auxquels nous exposerions cette personne.

M. John Reynolds: Je vous remercie. C'est bien.

Le président: Monsieur John McKay.

• 1125

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): On pourrait dire que les criminels de guerre contemporains constituent une cible qui bouge constamment. L'une des régions du monde où nous «recrutons» des réfugiés est la Bosnie-Herzégovine. Un avocat qui devrait être bien placé pour savoir ce qu'il en est m'a dit que 10 p. 100 des demandeurs du statut de réfugié de cette région sont en fait des criminels de guerre et que cette proportion est de 50 p. 100 dans le cas des entrepreneurs immigrants. D'après lui, il conviendrait de se demander où ces gens ont trouvé l'argent voulu pour investir lorsque leur pays était en guerre?

J'aimerais savoir si cet avocat a raison d'après vous. Si c'est le cas, à quoi attribuez-vous le problème?

M. Georges Tsaï: En ce qui touche les immigrants entrepreneurs, j'aimerais beaucoup savoir d'où cette personne tire cette information parce que nous n'avons pas reçu beaucoup de demandes d'immigrants entrepreneurs provenant de cette région.

Lorsque vous parlez des demandeurs du statut de réfugié, vous faites sans doute allusion aux réfugiés qui ont été choisis à l'étranger et qui ont été parrainés par le gouvernement...

M. John McKay: C'est exact.

M. Georges Tsaï: Vous avez avancé le chiffre de 10 p. 100?

M. John McKay: Oui.

M. Georges Tsaï: Nous savons que nous devons faire preuve d'une extrême prudence à cet égard. Nous essayons encore une fois de concilier deux éléments contradictoires de notre politique. Nous devons, d'une part, accueillir et choisir des réfugiés et, d'autre part, protéger notre pays des indésirables.

C'est vrai qu'il y a un problème. Je suppose qu'il est assez normal, du simple point de vue statistique, que quelques indésirables se glissent parmi les réfugiés qui viendraient de parties du monde où il y a eu des guerres civiles ou des guerres entre deux pays.

M. John McKay: Oui, mais dans ce cas-ci nous recrutons en fait nos propres criminels de guerre.

M. Bill Sheppit: Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous reconnaissons avoir admis à l'étranger trois personnes auxquelles la description de criminel de guerre semble convenir. Nous sommes tout à fait conscients de la situation dans l'ex-Yougoslavie. Nous collaborons très étroitement avec le tribunal international dans ce pays.

Nous avons obtenu beaucoup d'informations de sources gouvernementales canadiennes et d'autres sources gouvernementales au sujet des endroits où des atrocités ont été commises, de la participation des unités militaires et des responsables de ces unités. Nous prêtons beaucoup d'attention aux gens dont l'âge ou la situation donne à penser qu'ils auraient pu participer à des opérations militaires ou quasi militaires.

M. John McKay: Si j'ai bien compris M. Tsaï, il ne pense pas qu'il puisse y avoir de criminels de guerre parmi les entrepreneurs, mais il pense qu'il se peut qu'il y en ait parmi les réfugiés.

M. Bill Sheppit: Le système est imparfait et je suis sûr qu'il y a des criminels de guerre qui réussissent à se glisser au Canada, mais il y a un équilibre délicat entre l'ouverture que nous devons manifester à l'égard des réfugiés et les mesures qui doivent être prises pour exclure les indésirables du Canada. Nous étudions soigneusement les demandes de statut de réfugié provenant de cette région du monde.

M. John McKay: L'an dernier, et peut-être même cette année, la plupart des réfugiés qui ont été parrainés provenaient de cette région.

M. Georges Tsaï: Oui.

M. John McKay: Disposez-vous de ressources suffisantes? Cette action est menée à partir de Bonn, n'est-ce pas?

M. Bill Sheppit: Il y a trois missions qui y participent étroitement, à savoir Bonn, Belgrade et Vienne.

M. John McKay: Pensez-vous disposer de suffisamment de ressources pour faire cela?

M. Bill Sheppit: Oui.

M. John McKay: Ma deuxième question, d'ordre plus général, porte sur le problème des déportations, que le ministre nous a demandé d'examiner.

• 1130

Les criminels de guerre constituent-ils, à votre avis, une catégorie spéciale de déportation, ou bien s'inscrivent-ils dans le problème général des déportations qui s'appliquent à tous et que vous appelez, pour reprendre vos termes, des renvois. Ces renvois créent-ils des problèmes particuliers pour les criminels de guerre contemporains, comme ils semblent ressortir du système actuel?

Nul ne semble vouloir répondre à cette question.

M. Bill Sheppit: Non, ce n'est pas cela. Effectivement, les renvois posent plus de problème pour les criminels de guerre que pour les autres. Comme le mentionnait tout à l'heure M. Reynolds, il peut arriver que vous entrepreniez de renvoyer quelqu'un dans un pays où cette personne risquerait sa vie, ce qui nous oblige à procéder très prudemment.

Il peut également arriver que le gouvernement du jour soit moins disposé à les recevoir, pour ne pas risquer d'être embarrassé. La personne a avoué avoir commis certains actes, et elle est renvoyée dans un pays dont le gouvernement nie qu'il y ait atteinte aux droits de la personne. Cela nous met dans une situation beaucoup plus épineuse que lorsqu'il s'agit de simples renvois.

Le président: Monsieur Sims.

M. John Sims (sous-procureur général adjoint, Citoyenneté et Immigration, ministère de la Justice): Oui, monsieur le président. J'essayais d'attirer l'attention de la greffière, mais je m'y suis mal pris, excusez-moi.

La question de M. McKay me ramène à ce que disait tout à l'heure M. Reynolds, et je voulais simplement, si vous le permettez, apporter une précision.

Vous demandiez, monsieur, ce que nous ferions dans le cas d'un criminel de guerre menacé de mort dans le pays où nous avons l'intention de le renvoyer: chercherions-nous un autre pays disposé à l'accepter? Vous donniez l'exemple de Eichmann, et je voulais simplement établir une distinction.

M. Sheppitt avait raison quand il a dit: si nous devions envoyer une personne dans un pays livré au chaos, où elle risquerait la torture et l'assassinat, nous ne le ferions pas; le Canada ne prendrait pas ce genre de risque. En revanche, si cette personne est extradée vers un pays où l'administration de la justice se fait de façon civilisée, comme les États-Unis, où existe la peine de mort—l'exemple que vous citiez était l'État d'Israël qui a un système judiciaire complexe et civilisé, où la peine de mort est prévue dans certains cas—là les choses se présentent différemment.

Cela n'en suscite pas moins des problèmes épineux. Il y a quelques années s'est présenté le cas de Charles Ng, un Américain particulièrement odieux, coupable de meurtre et de torture, et qui risquait la peine de mort en Californie; son extradition a soulevé un problème important, relatif à la Charte: le Canada allait-il agir de la sorte? La question n'est toujours pas encore entièrement résolue, mais je voulais simplement préciser cette distinction entre le retour vers...

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. John Sims: Oui, c'est exact.

Le président: Monsieur Ménard, vous avez la parole.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): J'ai quatre courtes questions. Je les pose en rafale et vous y répondrez à la fin.

Quel est, selon vous, l'impact du jugement qui a été rendu par la Cour suprême dans l'affaire Finta, qui fait qu'on ne peut pas condamner quelqu'un s'il a obéi à ses supérieurs? Quel est, selon vous, l'impact de cela sur votre capacité comme ministère de lutter dans la question des crimes de guerre?

Rappelez-nous la participation du Canada à des cours de justice internationales. Voyez-vous un obstacle du fait que c'est pour des crimes à venir et que, dans le cadre de cette cour internationale, les choses ne peuvent avoir un caractère rétroactif ou on ne peut s'engager pour des crimes qui sont derrière nous?

Il y a une revendication très importante d'un certain nombre de groupes au Canada, qui disent qu'on devrait conduire de front le processus de révocation de la citoyenneté et le processus d'expulsion, et non en faire deux étapes différentes d'un seul et même processus. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

Il y a deux cas récents de gens qui ont perdu en cour. Il s'agit des cas Maciukas et Bogutin en 1998. On me dit que le suivi que fait votre ministère ne serait pas très avancé. Pouvez-vous nous en parler?

En terminant, présentement, lorsque quelqu'un voit sa révocation de citoyenneté prononcée, c'est sur la base d'une déclaration de fausse identité. Si vous aviez la possibilité de le faire sur la base d'une identification claire comme criminel de guerre, est-ce que ça faciliterait le processus? Je m'arrête là.

M. Georges Tsaï: Monsieur le président, nous allons répondre aux questions de M. le député en équipe. Je suis sûr que M. Sims voudra aborder les questions 1 et 2. Permettez-moi de commencer moi-même par la question 3.

• 1135

Vous avez posé une question concernant la possibilité de mener de front le processus de dénaturalisation et le processus du renvoi. En fait, cette question a fait l'objet de discussions dans le cadre de l'exercice actuel de révision de la loi. Dans le récent rapport qui a été remis à Mme la ministre Robillard sur la révision de la loi, figure une recommandation du groupe sur la révision législative qui traite de cette question de façon très très précise; il s'agit de la recommandation 136 ou 137, ou c'est à peu près à cet endroit-là.

Cette question fera l'objet d'un examen. La ministre vient de terminer une première ronde de consultations. Le processus vise maintenant à analyser toutes les observations qui ont été faites jusqu'à présent, non seulement les témoignages oraux, mais également tous les témoignages écrits qui ont été transmis à la ministre.

Je céderai maintenant la parole à John pour qu'il puisse répondre aux questions 1 et 2.

M. John Sims: J'ai saisi la première question qui portait sur l'arrêt Finta. Vous avez complètement raison: c'est un obstacle important qui empêche les poursuites au criminel ici, au Canada. Il y avait deux ou trois éléments dans l'arrêt de la Cour suprême d'il y a quelques années, et vous en avez mentionné le premier; c'est-à-dire que si on pouvait démontrer qu'on suivait les ordres d'un supérieur, cela constituait une défense. Mais deux autres éléments de ce même arrêt présentent aussi un problème. La ministre McLellan, tout comme son prédécesseur M. Rock, a promis de faire quelque chose pour surmonter ces obstacles.

Le deuxième élément, c'est le fait qu'il y a deux fardeaux de la preuve. Premièrement, il y a le fardeau normal de n'importe quel crime, à savoir si la personne avait l'esprit coupable lorsqu'elle a commis une offense en vertu du Code criminel. Deuxièmement, il faut démontrer que la personne qui est la cible de ces poursuites au criminel savait, au moment où elle commettait le crime, que le geste qu'elle posait était un crime en vertu du droit international, ce qui est très difficile.

Avant d'expliquer un peu le statut de l'affaire, je préciserai que même si on pouvait combler ces lacunes ou ces problèmes dans la loi, il y aurait aussi, comme le mentionnait M. Sheppit plus tôt, le fait que souvent, sur le plan très pratique, il est très difficile de récupérer la preuve nécessaire parce qu'il faut aller sur place. Ces choses sont faites ailleurs, par définition, à l'étranger, et souvent dans un contexte très mouvementé et très difficile. Même si nous n'avions pas à affronter ces obstacles, juste le fait de trouver la preuve nécessaire s'avérerait difficile en principe.

Il y a un travail qui se fait maintenant en vue de respecter la promesse de ces deux ministres et de modifier la loi en vertu de l'arrêt Finta. L'étude de cet arrêt a été ralentie récemment parce que les Nations unies font un certain travail à New York et que le groupe canadien veut s'aligner avec le travail international qui se fait, surtout au plan de la définition du contenu de ces crimes de guerre.

Je ne sais pas si j'ai su bien répondre à votre question. C'est évidemment un problème. Les quelques éléments du jugement de la Cour suprême ont été enracinés dans la charte. Donc, il est difficile pour le Parlement de...

M. Réal Ménard: Est-ce que certains de vos fonctionnaires ont émis des solutions de rechange ou fait des analyses qui pourraient être transmises à ce comité?

M. John Sims: On a certainement des analyses portant sur les problèmes créés par l'arrêt.

M. Réal Ménard: Est-ce que vous pourriez les faire parvenir à notre greffière?

M. John Sims: Oui.

M. Réal Ménard: D'accord. Est-ce qu'il vous est possible de me parler des deux causes qui ont été perdues en cour en 1998 et au sujet desquelles votre ministère semble tarder à prendre des mesures d'expulsion?

[Traduction]

M. Georges Tsaï: Monsieur le président, le député cite deux cas où les événements en cause sont advenus pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes disposés à répondre à la question, si vous nous le demandez et le jugez approprié, mais elle n'a rien à voir avec les crimes de guerre contemporains.

• 1140

Le président: Je pensais en effet que nous ne traiterions que de cas de crimes de guerre contemporains. Je ne crois pas que nous devrions remonter jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, par exemple, à moins que l'information que vous avez concernant la question posée par M. Ménard ne vous paraît porter directement sur le sujet principal de notre discussion.

[Français]

M. John Sims: Je peux vous en donner le statut rapidement, en 30 secondes. Je n'ai pas saisi le premier nom, mais le deuxième était celui de Bogutin. S'agissait-il de Maciukas?

M. Réal Ménard: Oui, c'est cela.

M. John Sims: La Couronne a gagné la cause Bogutin. Ce n'était pas une défaite, si j'ai compris votre question.

M. Réal Ménard: C'est exact: le requérant a perdu et la Couronne a gagné.

M. John Sims: Cette question doit maintenant être envoyée au Cabinet.

M. Réal Ménard: Par un ordre de renvoi soumis au gouverneur en conseil?

M. John Sims: Oui, la ministre doit l'envoyer au gouverneur en conseil.

M. Réal Ménard: Mais pourquoi est-ce que cela tarde finalement? C'est ce retard que les groupes humanitaires ne comprennent pas. Vous avez gagné et il y a possibilité que les choses se fassent, mais ils ont le sentiment qu'il y a un délai indu.

M. John Sims: Il n'y a pas de délai; c'est juste une question de rassembler les documents et de les mettre en bonne et due forme pour le cabinet.

M. Réal Ménard: D'accord.

M. John Sims: M. Maciukas a retiré de la cour fédérale son intention de se défendre devant la cour. C'est aussi une question d'envoyer les documents nécessaires au cabinet.

M. Réal Ménard: Parfait. Quant à la possibilité de révocation maintenant, est-ce que ce serait plus simple?

M. Georges Tsaï: Est-ce que vous pourriez répéter votre question?

M. Réal Ménard: Ma question porte sur les outils que vous avez pour lutter contre des criminels de guerre contemporains, mais aussi contre les criminels de guerre nazis, parce que dans le fond, c'est souvent la même problématique, bien qu'ils soient moins nombreux. Les groupes humanitaires, B'nai Brith en tête, disent qu'il est assez incroyable qu'il y ait deux processus distincts: un processus qui peut mener à la révocation de la citoyenneté, dont vous nous avez parlé, et subséquemment un processus qui doit mener à l'expulsion. Pourquoi, comme législateurs, ne faisons-nous pas en sorte que vous ayez les outils nécessaires pour que cela se fasse de front? Je vous demande donc si ce serait plus simple et ce que vous pourriez attendre comme résultats futurs si vous aviez ces outils-là.

M. George Tsaï: Je répondrai de façon très générale, monsieur le président, qu'il est toujours plus simple de fonctionner en vertu d'une seule loi qu'en vertu de deux lois différentes. Il est toujours plus simple pour un fonctionnaire de fonctionner en vertu d'une seule loi. Mais il y a quand même d'autres considérations, et ce sont, comme je l'ai dit, des considérations qui vont être réglées dans le contexte du processus de révision législative.

M. Réal Ménard: Présentement, on perd sa citoyenneté pour avoir fait de fausses déclarations ou des déclarations mensongères. Est-ce que cela changerait quelque chose dans l'exécution de votre travail s'il était possible qu'on révoque directement la citoyenneté de quelqu'un sur la base de son appartenance à un groupe assimilé aux criminels de guerre? Les défenseurs des droits de la personne semblent dire que ce lien n'est pas aussi direct. On ne révoque pas directement la citoyenneté parce qu'il a été associé à un groupe qui a appartenu à un criminel de guerre; on révoque la citoyenneté de quelqu'un parce qu'il a fait de fausses déclarations ou donné de fausses informations.

M. George Tsaï: Je peux essayer, monsieur le président, de répondre en partie à la question. Mes collègues voudront peut-être également contribuer à la réponse. Il est évident qu'il est parfois difficile de prouver que quelqu'un a réellement commis des actes qui peuvent être qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, alors qu'il est peut-être plus facile pour un gouvernement de prouver que quelqu'un a fait une fausse déclaration. À ce moment-là donc, il s'agit d'arriver à un objectif par des moyens peut-être plus économiques. Je me demande si M. Sims et M. Sheppit ont quelque chose à ajouter.

M. John Sims: Dans le programme qui vise les criminels de guerre ou les personnes impliquées dans des choses terribles pendant la Deuxième Guerre mondiale, il faut démontrer qu'il y a eu une fausse déclaration. Mais ce n'est pas la même situation pour les crimes de guerre modernes où, en vertu de l'alinéa 19(1)j), on veut démontrer que la personne est soupçonnée d'avoir participé directement à des crimes de guerre. Donc, ce n'est pas une question de fausse déclaration.

M. Réal Ménard: Est-ce qu'on pourrait obtenir une copie du texte des témoins?

[Traduction]

Le président: Oui.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.

• 1145

Je sais que ce sont les crimes de guerre contemporains qui nous occupent ici, mais j'aurais une question à poser à M. Sims qui pourra me répondre brièvement étant donné qu'il vient de se lancer dans une vaste explication; j'aurais aussi plusieurs autres petites questions à poser.

Les problèmes juridiques sont-ils les mêmes dans le cas des criminels de guerre contemporains qu'ils le sont pour les criminels de guerre nazis? Fait-on appel à deux processus judiciaires différents ou pas?

M. John Sims: En effet, les programmes sont différents. Comme vient de le dire votre collègue d'en face, dans le cas des criminels de la Seconde Guerre mondiale ou de gens qui ont commis des crimes contre l'humanité, ou encore qui avaient commis des actes répréhensibles à l'époque, le gouvernement doit tenter de démontrer que ces gens sont entrés au Canada et sont même dans certains cas devenus citoyens canadiens parce qu'ils avaient fait une présentation erronée de leurs activités au cours de la guerre.

La Couronne va plus loin: non seulement elle établit le mensonge, mais elle doit démontrer que la nature de ce mensonge constitue une fausse déclaration d'importance. Or, démontrer l'importance de cette fausse déclaration revient à décrire la nature des actes commis par l'individu.

Il s'agit là d'une démarche différente de celle décrite par mes collègues, où il s'agit généralement de prouver de façon plus directe la nature des actes commis par les individus en question en vue d'établir qu'ils ont commis des crimes de guerre. On vise alors à les exclure du programme des réfugiés ou, s'ils arrivent au Canada au titre du paragraphe 19(1) sans être un demandeur du statut de réfugié, à les empêcher d'entrer en vertu de l'alinéa 219(1)j) en démontrant, par exemple, qu'ils ont participé à la perpétration d'un crime de guerre. La démarche est légèrement différente.

Mme Jean Augustine: Je vois.

J'aimerais maintenant savoir quelles sont les démarches entreprises outre-mer pour identifier les criminels de guerre contemporains. Quel est le processus de vérification qui se fait à l'étranger? Pourriez-vous nous dire ce qui se passe dans d'autres pays et comparer notre système avec le leur?

M. Bill Sheppit: En général, tous ceux qui demandent un visa d'immigrants à l'étranger ont qualité de réfugiés. Ils font donc l'objet d'une vérification à des fins de sécurité.

Mais cela dépend aussi des cas, comme le signalait plus tôt M. McKay. Si les demandeurs proviennent de l'ex-Yougoslavie, là où nous savons que se sont commis des atrocités et des crimes contre l'humanité, nous effectuons une vérification beaucoup plus détaillée. Nous consultons ainsi couramment le tribunal international chargé de statuer sur les crimes commis en ex-Yougoslavie. Le tribunal nous renseigne sur les actes d'accusation qui peuvent avoir été portés à la suite d'enquêtes en cours.

Nous tenons également des consultations au sein du gouvernement canadien dans le cadre des contrôles de sécurité accrus que nous effectuons. Je préférerais ne pas vous en parler en détail, mais je vous assure que nous en effectuons couramment.

Enfin, comme je l'ai signalé, lorsqu'il s'agit de pays bouleversés par la guerre, l'unité des crimes de guerre de l'administration centrale collige énormément d'information qu'elle envoie aux missions qui s'occupent d'assurer la sécurité des habitants des pays touchés par ces bouleversements, quels qu'ils soient.

Quant à ce que font les autres pays, nos lois nous semblent meilleures qu'ailleurs, grâce tout particulièrement à la disposition de l'alinéa 19(1)j) qui nous permet de refuser à quelqu'un l'accès au Canada lorsque nous avons des motifs raisonnables. À ma connaissance, cette disposition n'existe pas dans les lois sur l'immigration des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Belgique, de la France ou de la plupart des pays qui accueillent des immigrants. Nous n'exigeons pas des justifications telles que celles qui sont demandées lors d'enquêtes au criminel pour établir le fardeau de la preuve, mais nous exigeons néanmoins des motifs raisonnables.

La loi américaine prévoit toutefois la possibilité d'empêcher quelqu'un d'entrer au pays, ou même d'être expulsé. Cette disposition s'applique essentiellement aux mêmes genres de personnes visées ici—les terroristes, ceux qui ont participé à des attentats à la bombe, des criminels—puisqu'il y a un lien très serré entre la criminalité et les crimes contre l'humanité.

• 1150

La Loi sur les crimes de guerre du Royaume-Uni parle uniquement des criminels de la Seconde Guerre mondiale et non de criminels de guerre contemporains. En Australie, il existe des procédures de remise des criminels de guerre aux tribunaux internationaux. L'Australie a également une loi qui lui permet de juger les gens qui sont accusés de génocide. En Belgique, certaines dispositions spécifiques donnent aux tribunaux belges compétence pour agir à l'égard d'atrocités commises outre-mer, ce qui leur donne la possibilité d'intervenir avec l'aide des tribunaux internationaux.

Cela vous donne une idée de ce que font les autres. La grande différence dans notre cas est la disposition concernant des motifs raisonnables.

Le président: Madame Hardy.

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): J'essaie de comprendre comment on peut prouver ce qu'ont fait les criminels de guerre. Y a-t-il un procès devant un tribunal canadien où il faut prouver sans l'ombre d'un doute que ces gens ont commis des crimes?

M. Bill Sheppit: Non. Comme je l'ai dit tantôt, ce qu'il nous faut essentiellement, ce sont des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. Dans le cas de membres de régimes de gouvernement, cinq régimes ont été désignés par la ministre de l'Immigration comme ayant commis des crimes contre l'humanité. Les principaux membres du régime ou fonctionnaires supérieurs sont automatiquement considérés comme ayant profité de leur position dans le régime et sont donc inadmissibles. Il s'agit du régime marxiste en Afghanistan, de la Somalie, du régime serbe en Bosnie pendant une période particulière, d'Haïti et de l'Irak. Il y a une liste de hauts fonctionnaires de ces régimes qui sont considérés comme faisant partie de ce groupe.

Pour déterminer si certaines personnes doivent être exclues aux termes de la Convention sur les réfugiés ou pour déterminer que ces personnes ont elles-mêmes commis des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre, nous pouvons déterminer où des atrocités ont été commises, par exemple. Nous nous servirons de renseignements militaires, d'articles de presse et de données sur les unités qui ont participé à certaines opérations pour retracer l'histoire du demandeur. Faisait-il partie d'un groupe militaire, d'une milice ou d'un groupe paramilitaire? Pouvons-nous déterminer qu'il était là quand certaines atrocités ont été commises et occupait-il un poste suffisamment important pour avoir pu contrôler la situation ou y a-t-il des témoins qui ont fait des allégations à son sujet?

Comme je l'ai déjà dit, les tribunaux internationaux ont fait beaucoup de recherche sur cette question. Il ne faut pas oublier non plus que la majorité des demandeurs du statut de réfugié nous ont déjà dit qu'ils étaient devenus réfugiés parce qu'ils avaient participé à telle ou telle chose dans un pays à telle ou telle époque. Cela nous permet de faire une enquête plus poussée.

Mme Louise Hardy: Une fois que vous avez déterminé que quelqu'un est un criminel de guerre, ce demandeur est-il mis en détention?

M. Bill Sheppit: Cela dépend de la situation. Les lignes directrices relatives à la détention sont les mêmes pour les autres cas d'immigration: le demandeur représente-t-il un danger pour le public ou risque-t-il de ne pas se présenter si l'on décide de le renvoyer ou de tenir d'autres audiences?

Comme je l'ai dit, la majorité de ces personnes ne sont pas considérées comme posant un danger pour le public ou la sécurité du Canada. Si elles en constituent un, nous allons les mettre en détention.

Une voix: Elles ne posent pas de danger pour le public canadien.

M. Bill Sheppit: Oui.

M. John Sims: Si vous me le permettez, je voudrais ajouter une chose à la réponse de mon collègue à Mme Hardy. Dans quelques cas, il peut y avoir de très longs procès ou de longues audiences. Un excellent exemple de cas de ce genre est celui de Léon Mugesera à Montréal, qui a duré près d'un an à la première étape et qui dure maintenant depuis très longtemps à la deuxième étape parce que l'on veut établir qu'il avait incité des gens au génocide au Rwanda. C'est une bataille très longue et extrêmement complexe et amère, mais ce n'est pas un cas typique. La plupart des cas sont tels que M. Sheppit les a décrits.

Mme Louise Hardy: Payons-nous pour leurs avocats au Canada? L'aide juridique intervient-elle?

M. Bill Sheppit: Cela dépend des lignes directrices de la province relativement à l'aide juridique.

Le président: Merci.

Monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): J'ai entendu l'un d'entre vous, et j'oublie malheureusement qui c'était, nous dire qu'il y avait maintenant 404 cas à l'étude. D'après nos attachés de recherche, il y en a 300. Je voudrais savoir ce qu'il en est.

• 1155

Les médias donnent aussi parfois l'impression, et c'est aussi ce que nous entendons à titre de députés, que le Canada est un refuge pour les criminels de guerre parce que nous nous laissons attendrir trop facilement. Pourtant, M. Sheppit nous dit, ou du moins il a laissé entendre, que le Canada a la loi la plus rigoureuse de tous les pays du monde parce que nous pouvons refuser un demandeur simplement si nous avons des motifs raisonnables de le faire.

Vous pourriez peut-être nous en parler un peu. L'impression qu'ont les gens est-elle fondée? Le chiffre de 404 cas, et j'imagine que c'est le chiffre exact, vu que c'est le vôtre, est-il extrêmement élevé par rapport à la situation dans d'autres pays?

Enfin, sommes-nous absolument certains que ces 404 demandeurs sont des criminels de guerre? Avons-nous simplement des soupçons à leur sujet ou a-t-on porté des accusations contre eux? Quand vous parlez de «nombre de cas», qu'entendez-vous exactement? Vous pourriez peut-être nous donner quelques détails.

M. Georges Tsaï: Je vais laisser mon collègue, M. Sheppit, vous parler de l'inventaire.

Quant à savoir si le Canada est un refuge, il faut évaluer la situation en termes très relatifs. Nous avons peut-être plus de demandeurs qui sont soupçonnés d'être des criminels de guerre que d'autres pays, mais c'est aussi parce que nous acceptons plus de réfugiés ou d'immigrants que d'autres pays.

Pour revenir à ce que je disais tantôt au sujet de l'approche de facilitation par opposition à l'approche de contrôle, contrairement à certains autres pays, nous n'avons pas de contrôles de sortie à notre frontière, par exemple, ce qui veut dire qu'il est beaucoup plus difficile de contrôler le mouvement des gens. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles nous avons plus de cas en termes absolus que d'autres pays.

J'hésiterais cependant à qualifier ce chiffre. Peut-on dire qu'il est élevé? On pourrait vous donner n'importe quelle réponse à ce sujet. Cela peut sembler élevé, mais si vous examinez la situation dans son ensemble et le nombre de personnes qui arrivent au Canada, vous jugerez peut-être que c'est très relatif.

Le président: Je signale aux membres du comité que vous avez reçu un rapport contenant certains renseignements. Il s'agit du rapport du 2 octobre 1997 envoyé à Bill Sheppit par Randy Gordon, gestionnaire de projet de la Direction des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre. Ce rapport montre clairement que les chiffres peuvent fluctuer régulièrement et qu'il peut y avoir une augmentation soudaine. Cela dépend du nombre de personnes qui demandent le statut de réfugié.

M. Steve Mahoney: Le rapport sur lequel je me fonde est daté du 12 mars 1998. C'est donc tout à fait récent. C'est ce que le service de recherche a trouvé.

M. Georges Tsaï: Comme l'a dit M. Sheppit, nous sommes en train de dresser le nouvel inventaire. Grâce au système que nous avons maintenant instauré, nous espérons pouvoir présenter des chiffres de façon plus pratique, au moment opportun.

M. Bill Sheppit: L'autre chose que je voulais dire au sujet des chiffres pour répondre à l'autre partie de votre question, c'est que 80 de ces 404 demandeurs ont maintenant été renvoyés. Cela fait baisser le nombre de cas à 320. Pour les autres, en attendant que ces personnes aient été renvoyées ou qu'on ait gagné un procès contre elles, elles font simplement l'objet d'allégations. D'après le système de justice canadien, on n'a pas établi qu'il s'agissait de criminels de guerre.

Bien entendu, nous jugeons avoir des arguments solides. Sinon, nous n'aurions pas lancé une enquête.

M. Steve Mahoney: Si votre objectif consiste clairement à prouver qu'un demandeur est un criminel de guerre et à le renvoyer, quel est le principal problème que vous éprouvez? Est-ce d'obtenir des preuves pour le système de justice canadien, ou bien la difficulté vient-elle plutôt de la possibilité pour les demandeurs de se prévaloir de certains droits selon la Charte, ou bien le problème est-il relié d'une façon quelconque au processus d'expulsion?

• 1200

M. Bill Sheppit: Du point de vue de l'étude des cas, le principal problème consiste à trouver des preuves. Il arrive souvent que la situation est tout à fait chaotique dans le pays d'origine. Régulièrement, ceux qui appuient un côté des forces en conflit prétendront que telle ou telle personne est un criminel de guerre ou a commis des crimes contre l'humanité. C'est bien beau, mais cela ne suffit pas. On ne peut pas intenter des poursuites contre quelqu'un à cause de ouï-dire. Il est extrêmement difficile de découvrir ce qui s'est passé exactement pour que nous ayons des motifs raisonnables d'intervenir. Cela fait partie de notre travail.

Le président: Monsieur Doyle.

M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Votre définition d'un crime de guerre ou d'un criminel de guerre a suscité mon intérêt. Nous avons certainement entendu souvent dire qu'une personne considérée par certains comme un terroriste peut fort bien être quelqu'un qui fait partie d'une organisation de combattants de la liberté. J'ai reçu beaucoup de courrier de demandeurs du statut de réfugié du Sri Lanka, des demandeurs qui ont été associés aux Tamil Tigers, une organisation tamoule. Selon le point de vue où l'on se place, cette personne est membre d'une organisation de combattants de la liberté ou le contraire—un terroriste, diraient certains.

Comment définissez-vous un criminel de guerre dans un tel contexte, par rapport à un haut fonctionnaire du Sri Lanka, par exemple, qui opprime une minorité? Comment une telle personne serait-elle considérée, si elle venait au Canada? Serait-elle considérée comme un criminel de guerre? Auriez-vous des preuves précises?

M. Georges Tsaï: Il n'est pas facile de répondre à une telle question, mais j'essaierai, si vous le permettez.

En ce qui concerne les crimes de guerre, nous devons suivre les définitions incluses dans des traités internationaux et dans des précédents bien établis. J'ai fait allusion au contexte très précis où des actes peuvent être considérés comme des crimes de guerre: il s'agit en réalité d'infractions aux lois de la guerre applicables en cas de conflits internationaux. Pour ce qui est des crimes contre l'humanité, il s'agirait d'une situation de guerre civile où un régime inflige à un élément de la population de mauvais traitements, ou encore se rend coupable de génocide, de purification ethnique ou d'autres crimes de cette nature.

Le terrorisme est une autre question qui n'est pas incluse ici. Vous demandez plus précisément à quel point quelqu'un est un terroriste ou un combattant pour une noble cause, et pour répondre à cette question, nous devons nous référer aux valeurs fondamentales de notre pays et à certaines des valeurs morales reconnues à l'échelle internationale.

C'est la seule sorte de réponse que je peux vous donner. M. Sims pourra peut-être vous donner une réponse plus précise.

M. John Sims: C'est une très bonne description générale. C'est en partie une question d'échelle, monsieur. On passe du meurtre au crime contre l'humanité lorsqu'il fait partie d'une activité dirigée contre un groupe identifiable de personnes dans la population et lorsque ces actes touchent plus généralement la population civile. C'est ce qui fait la différence.

Il y a ensuite d'autres éléments de nature technique. Il faut que ce soit reconnu par... Je regarde mes documents, parce que j'ai sous les yeux un article du Code criminel où figure une telle définition. Un crime contre l'humanité est une infraction qui, si l'on n'y ajoutait pas les autres conditions, constituerait seulement une infraction pénale ordinaire: l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, la persécution ou tout autre acte inhumain ou omission. Ensuite, nous commençons à ajouter les conditions, par exemple si l'acte est perpétré contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes. Et nous continuons d'ajouter des conditions.

Il importe peu que ces actes constituent des infractions aux lois du pays où ils sont commis, s'ils sont considérés comme des actes criminels aux termes du droit international coutumier.

Toutefois, dans le contexte de ce que nous disons ici, l'essentiel est l'ampleur même de ce qui se passe. Ainsi, dans le cas d'une guerre civile, il pourrait fort bien s'agir de crimes contre l'humanité.

• 1205

Le président: Merci.

Nous passons maintenant à un tour de questions de deux minutes et nous essaierons de respecter cette règle de la façon la plus stricte. La parole est maintenant à M. McNally.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je veux vous poser une brève question au sujet du nombre de réfugiés, dont vous parliez tout à l'heure, et au sujet du fait qu'on a déclaré que le processus ne permet pas seulement aux criminels de guerre contemporains de venir au Canada, mais qu'il leur facilite même la chose, à bien des égards. Quel est le nombre de réfugiés et que fait-on pour remédier à ce problème?

M. Bill Sheppit: Je ne suis pas certain d'être d'accord avec vous...

M. Grant McNally: Je me réfère au rapport du 2 octobre, que vous avez mentionné tout à l'heure, et selon lequel, alors que nous nous préoccupons de la possibilité que de véritables criminels de guerre soient admis au Canada—les niveaux de réfugiés autorisés facilitent en réalité leur venue.

M. Bill Sheppit: Comme M. Tsaï l'a dit, nous devons trouver un moyen terme entre nos obligations internationales et notre souhait d'offrir à ceux qui en ont besoin la protection nécessaire et il nous faut, tout en respectant nos obligations internationales, nous garder d'accueillir ici ceux qui ne méritent pas cette protection. C'est une tâche difficile.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne pouvons que fournir le plus de renseignements possible à ceux qui doivent prendre les décisions. Jusqu'à présent, nous avons trouvé dans nos dossiers trois cas d'approbation à l'étranger. Il en existe donc. Il faut exercer une surveillance constante.

Le président: Y a-t-il quelqu'un du côté libéral qui souhaite prendre la parole.

M. Steve Mahoney: Quand on parle de critères, je suppose que le renseignement de sécurité compte pour beaucoup. Dans la même veine que la question de M. Doyle, pourriez-vous nous expliquer brièvement sur quels critères vous vous fondez pour repérer les organisations et les groupes dont vous nous avez parlé et plus particulièrement les criminels de guerre contemporains?

M. Bill Sheppit: À vrai dire, cela commence par la lecture des journaux...

M. Steve Mahoney: Vraiment? Bon sang! Vous en êtes là?

M. Bill Sheppit: Non, mais pour repérer...

M. Steve Mahoney: Je comprends que nous nous renseignions tous en lisant les journaux et nous nous faisons une opinion d'après ce que nous y avons lu, mais je pensais que ce n'était pas ainsi que procédait la section des crimes de guerre du ministère de l'Immigration.

M. Bill Sheppit: C'est par là que nous commençons pour repérer les régions qui nous préoccupent. Nous poursuivons tranquillement notre travail ici mais c'est par les médias que nous apprenons qu'il y a un soulèvement dans un autre pays, ce qui constitue pour nous un point de départ.

Nous représentons le gouvernement canadien. Dans le cas de la Yougoslavie, par exemple, il y a l'intervention des tribunaux internationaux. Nous procédons à des consultations exhaustives avec d'autres pays, avec notre mission sur place, avec les organisations non gouvernementales, les syndicats et les défenseurs des droits de la personne.

M. Steve Mahoney: Je voudrais plus de précisions. L'organisation tamoule est reconnue comme une organisation terroriste mais il fut un temps où elle ne l'était pas. Sur quels critères vous êtes-vous fondés pour porter un jugement?

M. Bill Sheppit: Je ne peux rien affirmer. Il faudrait que je me renseigne pour savoir si nous la considérons comme une organisation terroriste. Dans le cas d'une affaire précise, la Cour fédérale l'a fait et on a déclaré terroriste un individu qui appartenait à cette organisation à cause des activités qu'il avait poursuivies.

À propos de ce que M. Doyle disait tout à l'heure, dans ce cas particulier, l'audience en cour fédérale s'est prolongée, avec débat sur la Déclaration internationale des droits de l'homme au cours duquel on s'est demandé à partir de quel moment la lutte pour la liberté pouvait devenir une activité terroriste. La Cour fédérale s'est prononcée et nous disposons donc de son interprétation mais comme je vous le disais, je ne suis pas sûr que nous ayons qualifié cette organisation en l'occurrence de groupe terroriste.

Le président: Merci.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Je poserai rapidement une question parce que je dois malheureusement vous quitter. Je m'en excuse.

À l'instant où on se parle, combien de fonctionnaires travaillent à cela? Dans la section du règlement des cas, vous avez créé une unité spéciale qui travaille sur la question des crimes de guerre. Vous nous avez fait voir de quelle façon le processus débute et vous nous avez dit que cela se faisait souvent dans le cadre d'une revendication du statut de réfugié. Vous n'avez évidemment pas toujours le contrôle à cet égard, et on le comprend.

• 1210

Votre gestionnaire principal qui a procédé à l'analyse, M. Randy Gordon, craint que l'on double le nombre de cas et il s'inquiète du nombre de fonctionnaires mis à la disposition de vos services. Combien de fonctionnaires y travaillent? Est-ce que vous partagez les résultats de l'analyse de votre gestionnaire principal selon laquelle, faute de ressources adéquates, on pourrait ouvrir le processus de façon très significative?

M. Georges Tsaï: Monsieur le président, il est évident que dans un rapport préparé par un employé d'un ministère, il peut y avoir l'expression de certains désirs et de certaines opinions. C'est tout à fait normal et tout à fait légitime. Il appartient ensuite aux dirigeants de l'organisation de déterminer quelles ressources il est approprié d'affecter à telle ou telle activité. À l'heure actuelle, et je laisserai ensuite à M. Sheppit le soin d'apporter des précisions, nous avons une unité de 3,5 personnes. Mais il ne faut pas oublier que ce n'est pas seulement au centre que le travail se fait; certaines ressources sont affectées sur le terrain, nous avons des coordonnateurs régionaux et nos missions à l'étranger font elles aussi ce travail. Nous ne sommes pas seuls. Il y a des partenaires fédéraux et des gens d'autres services qui nous aident dans ce travail. Il ne faut donc pas se fier juste aux statistiques relatives à cette unité-là.

[Traduction]

M. Bill Sheppit: J'ajouterai que le service qui se trouve à l'administration centrale doit fournir appui et suivi aux équipes qui sont sur place. Une grande partie de cette activité, voire la totalité, s'insère dans les activités routinières quotidiennes du ministère. Ainsi, si quelqu'un se présente à l'aéroport Pearson et demande le statut de réfugié, et si nous soupçonnons qu'il s'agit d'un criminel de guerre, ce sont les employés du ministère en poste sur place qui s'en occupent.

Pour chaque région, il y a un coordonnateur spécialisé. Chacune des cinq régions en a un. Cela nous pose une difficulté quand il s'agit de réunir des statistiques car elles portent sur les activités au jour le jour.

[Français]

M. Georges Tsaï: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais ajouter qu'évidemment, l'équipe qui traite des cas de la Deuxième Guerre mondiale est une équipe différente de celle qui relève du ministère de la Justice. Il ne faut donc pas penser que c'est dans cette unité qu'on fait ce travail-là.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Quelqu'un du côté ministériel?

Je pense que M. Reynolds veut poser une question.

M. John Reynolds: Je vais être très bref.

La Somalie compte parmi les pays dont nous refusons les hauts fonctionnaires qui ont commis des crimes de guerre. M. Mohamed Olo vit ici et a la citoyenneté canadienne. Je sais qu'il est arrivé avant que le règlement soit adopté mais il reconnaît avoir été un haut fonctionnaire là-bas. Il reconnaît qu'on l'aurait tué s'il n'avait pas obéi aux ordres.

Comment a-t-il pu se faufiler? Cela s'explique-t-il simplement du fait que la loi est entrée en vigueur après son arrivée ici? Sachant qu'il était là-bas, ne peut-on pas affirmer qu'il a fait assassiner des gens?

M. Bill Sheppit: Encore une fois, je suis lié par le secret protégeant la vie privée, ce dont nous avons parlé tout à l'heure. Je ne sais pas si vous avez entendu quelqu'un du bureau du commissaire à la protection de la vie privée et avez discuté des contraintes qui nous sont imposées. Autrement dit, j'aimerais bien pouvoir répondre à la question...

M. John Reynolds: Je vais donc poser la même question sans citer de nom. Un haut fonctionnaire de ce gouvernement qui serait arrivé au Canada avant que la loi ne soit adoptée pourrait-il rester ici sans être inquiété?

M. Bill Sheppit: Non. Une fois les régimes désignés, si nous avons vent de la présence ici d'un de ses dirigeants, ou s'il y a des preuves que cette personne a commis des crimes contre l'humanité, nous engageons, après coup, la procédure d'usage.

M. John Reynolds: Mais le public ne peut pas savoir que vous vous intéressez à un cas particulier, outre ce qu'il peut en lire dans les journaux, n'est-ce pas?

M. Bill Sheppit: C'est cela.

Le président: Monsieur McKay, allez-y.

M. John McKay: Le paragraphe 19(1) de la Loi sur l'immigration énumère certaines catégories de fonctionnaires et ce qu'elles recouvrent. On suppose qu'annuellement, voire plus fréquemment, vous désignez certains pays qui seront visés par cette interprétation.

Le problème vient du fait que pour certains régimes, certaines catégories de fonctionnaires—les ambassadeurs par exemple, dont on peut croire qu'ils représentent leur pays—peuvent constituer une forme d'exil politique. Qui sait, cela se produit peut-être ici.

• 1215

M. Steve Mahoney: C'est pire que de faire partie de l'arrière-ban.

M. John McKay: Trêve de plaisanterie.

Ces postes sont considérés comme des postes d'influence, mais nous savons bien qu'il n'en est rien, et qu'il se peut très bien qu'il ne s'agisse pas de postes officiels. Il peut s'agir plutôt d'un exil où quelqu'un n'exerce plus d'influence.

Je voudrais savoir, au moment où l'on songera à modifier les choses, si des cas semblables pourraient faire l'objet de mesures législatives?

M. Bill Sheppit: Oui. Il existe une exemption. Je cherche les termes précis utilisés dans la loi, mais je ne les trouve pas pour l'instant. Après les catégories de hauts fonctionnaires énumérées dans l'article, on trouve les libellés suivants: «sauf ceux qui de l'avis du ministère». Ainsi, même si une personne a occupé un de ces postes, on pourrait lui permettre d'entrer au Canada grâce à un permis ministériel.

Par exemple, nous pourrions vouloir discuter avec un haut fonctionnaire du ministère de l'Agriculture en Somalie. Ainsi, si l'ACDI envisageait un programme d'aide, nous aurions tout intérêt à permettre à cette personne de venir au Canada pour poursuivre des discussions. Il existe donc une exemption qui lui permettrait d'entrer.

M. John McKay: Y a-t-il un meilleur moyen qui permettrait au ministre d'éviter d'être forcé de contourner le système en place?

M. Bill Sheppit: Les choses évoluent. La loi a été adoptée il y a quelques années seulement et avec l'encombrement des tribunaux, nous ne faisons que voir les premiers résultats des contestations judiciaires, qui y ont été favorables. Les tribunaux ont décrété qu'il n'y a pas de présomption de réfutation et que le fait même qu'une personne ait occupé un de ces postes suffit à déclencher une mesure d'exclusion.

La désignation de régimes vise des périodes données, le moment où ont été commises les pires atrocités, de sorte que ceux qui occupent des postes de direction au gouvernement actuel ne sont pas nécessairement visés. La désignation se limite à une courte période, heureusement.

Le président: Madame Hardy.

Mme Louise Hardy: On y trouve des catégories de dirigeants militaires qui sont automatiquement exclus parce qu'ils auraient profité de la période d'oppression. Existe-t-il une catégorie équivalente pour les gens d'affaires? Les remarques de M. McKay ont suscité ma curiosité. Si l'on découvre qu'une entreprise a profité du travail forcé effectué par des civils ou encore si une entreprise a vendu des produits chimiques qui ont servi à tuer des gens, ces dirigeants se trouvent-ils automatiquement exclus?

M. Georges Tsaï: Quand on se reporte à la définition qui figure à l'article 19(1.l), on constate qu'elle vise essentiellement les hauts fonctionnaires et les principaux membres du gouvernement. Cette définition ne s'applique pas automatiquement à quelqu'un du secteur privé.

Mme Louise Hardy: N'y a-t-il rien d'équivalent?

M. George Tsaï: Nous étudierions certainement les activités de ces gens, mais ce ne serait pas en vertu de l'article 19(1.l).

M. Bill Sheppit: En effet, c'est la définition de «criminalité» ou encore celle de «crimes contre l'humanité» qui interviendrait, car on ne pourrait pas dire qu'ils appartiennent à un régime.

Mme Louise Hardy: Merci.

Le vice-président (M. John Reynolds): Y a-t-il d'autres questions?

J'ai une question, qui fait suite à celle de M. McKay et ma question sur la Somalie. Dans ce cas particulier, si à cause de renseignements fournis par le gouvernement, il y a eu exemption, je le comprends. Toutefois, où peut-on se renseigner ailleurs que dans les journaux qui publient des articles sur ses activités et les raisons de sa présence ici?

Quand nous posons des questions, on invoque des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels mais avons-nous raison de demander pourquoi il a bénéficié d'une exemption?

M. Bill Sheppit: Aurions-nous raté un coup d'État?

Des voix: Oh, oh!

Le vice-président (M. John Reynolds): Je ne saurais dire.

M. Bill Sheppit: À propos des crimes contre l'humanité...

Je pense qu'il faut se reporter à la définition de «hauts fonctionnaires» car elle est très explicite. Ensuite, il faut voir s'il y a des preuves que cette personne a été impliquée dans des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité.

• 1220

Je préférerais discuter de ce cas particulier avec vous en privé.

Le vice-président (M. John Reynolds): D'accord.

M. Georges Tsaï: À cause des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous avons bien entendu été amenés à discuter du genre de renseignements que nous pouvions divulguer à l'ensemble des membres du comité ou à des députés en particulier.

Le vice-président (M. John Reynolds): Y a-t-il d'autres questions? Monsieur McNally.

M. Grant McNally: Je reviens à ce que disait M. McKay. Prenez le cas d'une personne qui arrive au Canada: elle peut appartenir ou non à une des catégories définies en raison de ses activités dans son pays d'origine—aux termes de la loi elle pourrait appartenir à cette catégorie—que peut faire cette personne? Quels sont les recours d'une personne dans cette situation?

Je sais que vous avez dit que le ministère peut envisager de l'expulser vers un pays tiers ou que le ministre peut choisir de l'accueillir en vertu d'un permis ministériel. Existe-t-il d'autres recours humanitaires ou de compassion semblables à ceux dont disposent les réfugiés? Cette possibilité existe-t-elle pour quelqu'un qui se trouve inclus dans une catégorie non admissible?

M. Bill Sheppit: On procéderait à l'examen des risques que comporterait leur expulsion vers leur pays d'origine, comme je l'ai expliqué tout à l'heure à M. Reynolds. Dans ce cas-là, nous pourrions envisager un pays d'accueil.

Bien entendu, ces personnes ont accès aux tribunaux canadiens pour contester la décision initiale. On peut supposer qu'ils se prévaudraient de cette possibilité en faisant valoir qu'ils étaient bien sûr ambassadeur mais qu'effectivement ils étaient exilés parce que la famille du président ne les appréciait pas et qu'on avait choisi de se débarrasser d'eux. On peut supposer qu'ils répliqueraient à la première décision avant qu'une décision irrévocable de les expulser ne soit prise.

M. Grant McNally: C'est ainsi qu'on peut avoir le cas d'une personne laissée en suspens, qui doit attendre que la décision soit prise. Supposons qu'une ordonnance d'expulsion soit prononcée à son endroit et qu'elle ne sache pas ce qui arrivera. Supposons que le ministre décide de lui refuser un permis parce qu'elle appartient bel et bien à cette catégorie. Voilà que les rouages sont en branle lui interdisant de quitter...

Une voix: La roue de la fortune.

M. Grant McNally: Ou plutôt la roue de l'infortune.

Cette personne dispose-t-elle d'un autre recours? Doit-elle tout simplement attendre d'être expulsée? En l'absence d'un permis ministériel, si l'examen judiciaire conclut qu'elle appartient à cette catégorie, il ne lui reste plus qu'à attendre?

M. Bill Sheppit: Il existe une disposition permanente de sorte que toute personne qui se trouve au Canada peut faire une demande pour des raisons humanitaires et de compassion avant ou après le processus. Ainsi, à ce moment-là, elle peut faire une telle demande mais quant à nous, notre objectif sera de l'expulser.

Comme je l'ai dit, en adoptant une telle disposition, le Parlement a jugé qu'une telle personne, bien qu'elle fut elle-même innocente, n'en occupait pas moins des fonctions qui lui permettaient d'influencer l'exercice du pouvoir par le gouvernement du pays désigné.

M. Grant McNally: Je suppose que c'est là ce qui est matière à débat. Qui évalue les éléments de preuve et qui prend la décision pour finir?

M. Bill Sheppit: C'est l'arbitre et ensuite l'instance décisionnelle du processus judiciaire.

M. Grant McNally: D'accord. Merci.

Le vice-président (M. John Reynolds): Je remercie nos témoins.

Devrions-nous ajourner?

Des voix: Oui.

Le vice-président (M. John Reynolds): Merci. La séance est levée.