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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 mars 1998

• 0938

[Traduction]

Le vice-président (M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.)): Bonjour mesdames et messieurs. Je vous prie d'excuser notre retard à commencer la réunion. Nous avons eu du mal à obtenir le quorum.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous nous réunissons aujourd'hui pour étudier l'application des dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et l'application des dispositions relatives à la prévention de la pollution de la Loi sur les pêches, ainsi que des règlements et ententes administratives sous-jacents.

Nous accueillons les représentants de l'Association canadienne des pâtes et papiers. Pourriez-vous vous présenter vous-mêmes? Je vous demande de ne pas prendre plus de dix minutes pour faire votre exposé, après quoi il y aura une période de questions.

Mme Fiona Cooke (vice-présidente aux relations gouvernementales, Association canadienne des pâtes et papiers): Bonjour. Je m'appelle Fiona Cooke. Je suis vice-présidente aux relations gouvernementales à l'Association canadienne des pâtes et papiers.

J'aimerais d'abord commencer par remercier le comité de nous avoir invités à comparaître devant lui aujourd'hui. Nous nous réjouissons de l'occasion qui nous est donnée de présenter nos vues sur la protection environnementale, les initiatives d'harmonisation et l'application de la loi.

Vous serez peut-être surpris de m'entendre dire que notre association estime être particulièrement bien placée pour parler des questions environnementales, mais la réglementation poussée qui vise notre industrie ainsi que l'expérience que nous avons acquise dans ce domaine nous incite à le croire.

Nous estimons que la discussion d'aujourd'hui est opportune et extrêmement importante, compte tenu des discussions qui se déroulent sur la question de l'harmonisation et compte tenu également du fait que la LCCPA doit bientôt faire l'objet d'un examen.

Nous comparaissons aujourd'hui au nom de l'Association canadienne des pâtes et papiers, l'organisation nationale qui représente les fabricants de pâtes et papiers du Canada. À l'heure actuelle, environ 80 p. 100 de la production de pâte et de papier au Canada est le fait de nos membres.

L'industrie des pâtes et papiers constitue l'élément le plus important du secteur canadien des produits forestiers qui joue un rôle critique dans l'économie canadienne. Le secteur forestier vient au premier plan des secteurs d'exportation et il contribue 30 milliards de dollars par an à la balance commerciale du pays. Ce chiffre équivaut presque à l'excédent commercial du Canada et est supérieur au commerce qu'on peut attribuer au secteur des métaux et au secteur des automobiles réunis.

• 0940

Depuis 40 ans, le quart de toutes les dépenses de fabrication au Canada ont été engagées dans le secteur forestier. À l'heure actuelle, le capital social par employé dans ce secteur s'élève à 325 000 $, ce qui représente 4 fois la moyenne nationale pour toutes les industries manufacturières combinées. Un million d'emplois, soit 7 p. 100 des emplois au Canada, sont directement ou indirectement créés par le secteur forestier. En outre, environ 350 localités rurales au Canada dépendent du secteur forestier.

Ces chiffres soulignent non seulement l'importance économique du secteur forestier, mais ils donnent aussi un aperçu du nombre d'intervenants visés. C'est parce que nous reconnaissons le rôle important des partenariats pour le développement durable de cette industrie que nous comparaissons devant le comité aujourd'hui.

Je vais maintenant demander à ma collègue, Lucie Desforges, de bien vouloir poursuivre. Elle est directrice de l'environnement et l'énergie à l'ACPP.

Mme Lucie Desforges (directrice, Environnement et Énergie, Association canadienne des pâtes et papiers): Bonjour.

Je me permettrais de vous décrire le cadre réglementaire qui s'applique au secteur des pâtes et papiers et vous expliquer quelles sont les vues de l'ACPP sur la meilleure façon d'appliquer cette réglementation au Canada. Permettez-moi d'abord de vous parler du bilan environnemental dans notre secteur.

Comme vous le voyez à la dernière page du document qui vous a été distribué ce matin, le secteur des pâtes et papiers a réduit considérablement ses émissions depuis le début de la décennie. Ces améliorations résultent d'un investissement de 5 milliards de dollars pour lutter contre la pollution et la prévenir. L'industrie est aussi un chef de file dans le domaine de la réduction des gaz à effet de serre, ayant volontairement réduit ses émissions de gaz carbonique de 12 p. 100 pendant que sa production augmentait de 17 p. 100 au cours de la même période. L'industrie a également réduit volontairement ses émissions toxiques de 67 p. 100 en vertu du programme ARET et elle se rapproche rapidement de son objectif de 80 p. 100.

De nombreux facteurs expliquent ces améliorations. Il est vrai que l'application de la loi continue de jouer un rôle important, mais de nombreux autres facteurs importants interviennent comme la reconnaissance par notre industrie que la pollution et le gaspillage sont synonymes d'inefficacité, l'acceptation par le marché de nos produits, le souhait exprimé par nos clients qu'on leur offre des produits écologiques et les vérifications à des fins financières menées pour le compte de nos clients afin qu'ils obtiennent l'accréditation de leur système de gestion environnementale. Voilà autant d'éléments clés de la protection environnementale dans le secteur des pâtes et papiers.

Comme vous le savez, l'industrie canadienne des pâtes et papiers est très réglementée. Dans certaines provinces, les usines de pâtes et papiers doivent respecter plus de 60 lois et règlements fédéraux et provinciaux différents. C'est cette réalité quotidienne qui a incité l'ACPP à appuyer l'accord pancanadien sur l'harmonisation environnementale.

Au niveau fédéral, le secteur est spécifiquement réglementé selon la loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) et la Loi sur les pêches. J'attire l'attention du comité sur un aspect particulier du règlement des pâtes et papiers qui s'applique en vertu de la Loi sur les pêches puisque peu de gens le connaissent. Toutes les usines qui déversent des effluents dans des cours d'eau doivent mener des études qu'on appelle des études de «suivi des effets environnementaux».

[Français]

ou, en français, «études de suivi des effets sur l'environnement»,

[Traduction]

Ces études visent à aider le gouvernement à établir si la réglementation protège adéquatement le poisson et son habitat.

Dans le cadre de ces études, différents tests biologiques, chimiques et physiques sont menés sur le poisson, les organismes vivants et les sédiments. Si l'on constate que la qualité de l'eau dans les cours d'eau où les usines déversent des effluents laisse à désirer, le gouvernement, en partenariat avec l'industrie, peut établir des règlements propres à certains sites ainsi que des plans d'action volontaires.

Cet élément de la Loi sur les pêches est donc très important. Les Canadiens s'attendent à ce qu'on applique des limites en ce qui touche les effluents dans notre secteur, mais ils s'attendent aussi à ce que ces études leur donnent une bonne idée de la qualité des eaux des cours d'eau qui reçoivent les effluents des usines. Notre industrie a consacré plus de 11 millions de dollars à cette étude.

[Français]

Maintenant, au palier provincial, plusieurs provinces, dont la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick, ont adopté des règlements spécifiques portant sur les pâtes et papier. Ces règlements sont, pour la plupart, équivalents à ceux du fédéral ou plus stricts.

Vous pouvez voir, en page 2 du document qui vous a été distribué, une comparaison entre quelques-uns des règlements provinciaux et ceux du fédéral. Toutefois, il est important de noter que, dans de nombreux cas, les exigences des règlements provinciaux sont en conflit avec celles des règlements du fédéral. C'est notamment le cas en ce qui concerne les méthodes d'échantillonnage, les rapports et les méthodes de calcul.

• 0945

L'application des lois, qu'elles soient fédérales ou provinciales, s'effectue de plusieurs façons dans notre secteur. Nos usines, nos fabriques doivent transmettre des rapports mensuels, obligatoires, aux différents paliers de gouvernement. Dans le cas de déversements accidentels, nous devons avertir le gouvernement le plus rapidement possible. Des inspections planifiées et non annoncées ont lieu tout au long de l'année.

Comme vous le savez, dans certaines provinces, les deux paliers de gouvernement ont signé des ententes selon lesquelles le gouvernement provincial applique la loi fédérale dans les cas où la réglementation fédérale est en quelque sorte incluse dans la réglementation provinciale. C'est le cas notamment au Québec, en Colombie-Britannique, où on est à la revoir, et également en Alberta.

[Traduction]

L'ACPP croit en l'application équitable des règlements en matière d'environnement qui sont basés sur des considérations scientifiques éprouvées et sur des politiques appropriées d'évaluation des risques. La réglementation a sa place parmi les outils de protection de l'environnement, tout comme les mesures volontaires et les mesures axées sur le marché.

Bien que cela puisse sembler étrange pour une industrie fortement réglementée, l'application des règlements est perçue comme positive par l'ACPP. Lorsqu'ils sont appliqués efficacement et de manière constructive, les règlements permettent d'uniformiser les règles du jeu et favorisent des pratiques environnementales optimales dans un secteur industriel.

L'industrie canadienne des pâtes et papiers veut voir l'application jouer ce rôle positif dans le cadre législatif et réglementaire, afin qu'elle représente un levier équitable et positif pour les sociétés. Pour ce faire, l'application doit refléter les meilleures qualités du règlement même. Elle doit être communiquée à l'avance, transparente, opportune, cohérente, compréhensible, et orientée sur les résultats désirés et mesurables.

Pour assurer leur conformité, les gouvernements peuvent recourir à divers outils: les rapports obligatoires, les inspections, la promotion de la conformité, les avertissements et les mesures correctrices. À notre avis, l'application de la loi va au-delà des poursuites. L'intensité de l'application ne doit pas être jugée seulement sur le nombre de poursuites. Le processus doit toutefois comporter une approche coopérative à la résolution du problème et à l'atteinte du résultat visé.

Enfin, lorsqu'il est question d'harmonisation, l'ACPP favorise plutôt une démarche pragmatique qu'idéologique. Selon nous, l'harmonisation ne représente pas une menace à une meilleure protection de l'environnement, mais plutôt une opportunité—surtout lorsqu'il est question d'application de la loi et de conformité.

L'application et la conformité sont généralement les aspects les plus onéreux de la réglementation. Voilà pourquoi l'approche du guichet unique est logique. Cela n'affaiblirait pas le pouvoir du gouvernement fédéral, car les deux ordres de gouvernement conservent leur pouvoir d'intervention. C'est le cas en vertu de l'Accord pancanadien sur l'harmonisation récemment signé. C'est également le cas pour ce qui est des accords qui existent déjà dans le secteur des pâtes et papiers comme celui qui est en vigueur au Québec.

À notre avis, l'harmonisation permettra au Canada d'atteindre des normes environnementales plus élevées tout en assurant une plus grande efficacité dans le domaine de la gestion environnementale, en établissant mieux les priorités et, ce qui revêt le plus d'importance, en utilisant plus efficacement l'argent des contribuables par l'élimination du double emploi et une intervention plus rapide.

En résumé, l'ACPP estime qu'il faudrait respecter les objectifs suivants en ce qui touche l'application de la loi au Canada. L'objectif de l'application de la loi devrait être la protection de l'environnement. L'application doit être équitable, cohérente et juste. L'application et la conformité doivent être harmonisées. L'application doit être fonction des risques.

Je terminerais en disant que l'industrie des pâtes et papiers sait que l'avenir du secteur dépend de la viabilité économique et environnementale de l'industrie et c'est pourquoi nous mettons l'accent sur le développement durable.

Je vous remercie beaucoup. Fiona, Claude Roy, qui est directeur principal à l'environnement et à la santé industrielle, et moi-même, seront heureux de répondre à vos questions.

• 0950

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Je vous remercie.

Nous attendons toujours un autre témoin, M. Gertler, qui est en route. Nous espérons qu'il arrivera avant la fin de la séance.

Monsieur Casson, vous avez la parole.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Vous avez parlé d'harmonisation, de chevauchement et de double emploi. Vous appuyez les objectifs de l'harmonisation. Pourriez-vous nous donner des exemples de chevauchement et de double emploi qui existent dans votre secteur?

Mme Lucie Desforges: Comme je l'ai dit, la plupart des règlements provinciaux sont plus stricts que les règlements fédéraux de telle sorte qu'il y a donc double emploi pour ce qui est des limites de rejet.

Il y a aussi double emploi et conflit en ce qui touche les méthodes de calcul. Ainsi, le règlement qui s'applique au Québec exige que la production soit calculée sur une période de trente jours. Au Canada, il faut établir la moyenne annuelle de la production, le dix-neuvième percentile, etc. Il s'ensuit que ces méthodes de calcul aboutissent à des limites différentes.

L'étalonnage de l'équipement diffère aussi d'un ministère à l'autre. Dans certains cas, il faut signaler tout excès immédiatement et dans d'autres cas, on peut le faire dans un délai de cinq jours. Dans certaines provinces, l'analyse des dioxines et des furannes est exigée 60 jours après la prise d'un échantillon et dans une province, il faut que cela soit fait 60 jours après la fin du mois. Certains règlements provinciaux prévoient que les installations de traitement des effluents situées à l'extérieur d'une fabrique sont assujetties à la réglementation et certains règlements provinciaux ne le prévoient pas.

Il est difficile pour les gens sur le terrain de s'y retrouver dans ces règlements. Les gens sont là pour faire fonctionner une usine. Il incombe au gouvernement d'adopter des règlements compréhensibles. Dans certains cas, les usines doivent se conformer à 60 règlements. Ils doivent connaître chacun de ces règlements étant donné que nul n'est censé ignorer la loi.

Ces écarts se constatent en particulier au Québec—mon collègue et moi avons préparé ce document—, mais les mêmes écarts dans les méthodes de test se constatent dans d'autres provinces.

Lorsque nous disons appuyer l'harmonisation, nous entendons par là beaucoup plus que l'harmonisation de la loi. Nous voudrions que les règlements et les lois soient harmonisés et notamment en ce qui concerne les méthodes d'évaluation. L'uniformisation s'impose parce qu'on gaspille des fonds en répétant les tests en laboratoire. Lorsque nous parlons d'harmonisation, nous ne songeons pas simplement à l'application de la loi.

Je ne sais pas si j'ai couvert tous les points.

M. Rick Casson: Je suppose que cela s'applique surtout dans notre industrie, mais vous avez dit, n'est-ce pas, que les règlements provinciaux étaient plus stricts que les règlements fédéraux?

Mme Lucie Desforges: C'est le cas. Il y a peut-être une exception ici et là, mais je dirais que dans 99 p. 100 des cas, les limites en ce qui touche les rejets sont plus strictes. La plupart des règlements provinciaux portent sur tous les types de rejets comme les émissions dans l'atmosphère et les déchets. Dans notre secteur, les règlements provinciaux comprennent les règlements fédéraux.

M. Claude Roy (directeur principal, Environnement, Santé industrielle, Association canadienne des pâtes et papiers): J'aimerais faire une remarque à ce sujet.

Par exemple, au Québec, le Règlement spécifie ce que doit contenir un plan d'action en cas d'urgence et un programme de prévention des déversements d'hydrocarbures. C'est très détaillé dans le Règlement provincial du Québec. Dans le Règlement fédéral, il y a juste un petit paragraphe indiquant qu'un tel plan doit exister. Pour s'assurer de satisfaire aux exigences du Québec, il faut faire beaucoup plus, être beaucoup plus strict.

• 0955

M. Rick Casson: Quand nous parlions d'harmonisation, nous avions l'impression que si la loi devait dicter la réglementation et les normes, nous nous occupons plus de normes que de tout autre chose, cela protégerait davantage l'environnement que dans les provinces.

On avait l'impression que si l'on parvenait à cette harmonisation et que les provinces voyaient leur pouvoir s'accroître, cela réduirait les normes environnementales. Vous dites exactement le contraire.

Mme Lucie Desforges: Vous avez raison. Je dis le contraire. Pour ce qui est du secteur des pâtes et papiers, nous estimons que le gouvernement fédéral est mieux à même de mettre en oeuvre ses lois depuis la signature de l'entente dans ce secteur au Québec.

Maintenant le gouvernement fédéral a accès à toutes les données des inspections du gouvernement provincial, à toutes les études qu'il fait. Le gouvernement fédéral a même accès aux données que n'exigeait pas la réglementation fédérale.

Avant la signature de ces ententes, le gouvernement fédéral n'y avait pas accès. Maintenant il a accès à toutes les données et peut prendre les mesures qui s'imposent. S'il souhaite aller plus loin et insister sur le respect de telles dispositions, donner des avertissements, entamer des poursuites—il a beaucoup plus de données et d'information sur les activités d'inspection qu'auparavant, qu'avant la signature de ces ententes.

Nous estimons qu'il est maintenant mieux placé, contrairement à ce qu'on lit dans les journaux. Nous jugeons que sa position est ainsi renforcée.

M. Claude Roy: Prenons toujours l'exemple du Québec. Dans notre secteur, les usines ne se trouvent pas au centre-ville. Elles se trouvent dans des villes éloignées. L'Environnement n'a pas de bureaux régionaux dans toutes les régions mais, dans chaque province le gouvernement fédéral a des bureaux régionaux qui sont plus prêts des activités de nos sociétés. Dans certains cas, les bureaux provinciaux sont plus prêts des usines.

M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Monsieur Herron puis monsieur Pratt, s'il vous plaît.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): J'ai une question similaire qui va peut-être dans le sens de la question de M. Casson.

Je suis très au courant pour la région de l'Atlantique de l'importance du secteur des pâtes et papiers pour l'ensemble de notre économie. J'ai visité toutes les usines de la région au moins cinq fois au cours des 10 dernières années. Il s'agit dans bien des cas de petits villages si bien que dès que l'on ferme ou réduit des installations, les effets sont ressentis par tout le monde, surtout quand on considère le genre de marché cyclique que vous avez.

J'ai trouvé intéressant que vous disiez que lorsque les règlements sur les effluents ont été imposés aux alentours de 1990, sous l'ancien gouvernement conservateur, au début, la réaction était que l'on n'était pas certain de pouvoir y satisfaire parce qu'en 1990, il y a eu un des ralentissements les pires que vous aviez connu. Un peu comme en ce moment.

Si les règlements portaient sur des normes supérieures, pensez-vous que vous pourriez les respecter? Si l'on poussait les choses en matière de gaz de serre, etc. qui vous obligent à faire encore davantage d'économies d'énergie, pensez-vous que vous auriez des difficultés à respecter les règlements?

Mme Lucie Desforges: Nous croyons à des normes environnementales fondées sur la science et l'évaluation des risques. Si cela se justifie du point de vue scientifique et que nous pouvons évaluer qu'il y a un risque important pour la santé des Canadiens ou l'environnement, nous prendrons les mesures nécessaires.

Pour ce qui est des gaz à effet de serre, pour votre gouverne, notre secteur a déjà réduit ces émissions bien en deçà des cibles de Kyoto à ce sujet. Nous sommes à 12 p. 100 en deçà des niveaux de 1990. Comme je le disais, même si nous avons eu une augmentation de 17 p. 100 de la production, nous continuons à travailler dans ce domaine. Nous voulons faire davantage. Les économies d'énergie se justifient du point de vue commercial si bien que nous poursuivons l'effort dans ce sens. Nous nous efforçons assidûment d'améliorer les puits de carbone au Canada. Nous travaillons à une stratégie visant à aider le Canada à atteindre son objectif et nous tenons à ce que notre secteur soit bien placé à cet égard mais il est difficile pour moi de vous garantir que nous atteindrons n'importe quelle cible.

• 1000

Si les normes sont clairement établies, comme je le disais, à partir de données scientifiques et d'évaluation des risques, nous pouvons prendre des mesures. Nous avons un centre de recherche qui fait énormément de travail sur les usines de pâtes et papiers exploitées en circuit fermé afin que nous puissions éliminer, non pas 100 p. 100 des effluents mais presque. Aucun règlement ne nous y oblige. Nous installons ces nouvelles technologies dans beaucoup d'usines avec le plus grand succès. Nous suivons donc la voie du développement durable sur laquelle nous nous sommes engagés.

M. John Herron: Je crois que c'est là où je voulais en venir. Sans les règlements qui ont été adoptés en 1990, si ça n'avait pas été par réglementation, il est probablement vrai que vous ne l'auriez pas fait facultativement.

Ce qui m'inquiète donc un petit peu, c'est que vous ayez fait allusion au fait que la réglementation provinciale est beaucoup plus stricte que la réglementation fédérale. Dans le contexte de l'harmonisation, il y a certaines personnes, en plus des ONG qui s'intéressent à l'environnement qui s'inquiètent du fait que la norme acceptée soit toujours le plus petit commun dénominateur.

Qu'en pensez-vous? Doit-on suivre la réglementation provinciale ou la réglementation fédérale en ce qui concerne les normes? Le Nouveau-Brunswick a une norme plus élevée, je crois, que le gouvernement fédéral. Je crois que c'est vrai? N'est-ce pas?

Mme Lucie Desforges: Je crois que le Nouveau-Brunswick a adopté les limites fédérales, si bien que c'est la même chose, mais vous pourriez dire qu'elles ne sont pas aussi strictes que dans une autre province, comme le Québec.

Toutefois, dans le secteur des pâtes et papier, nous constatons que la réglementation provinciale est appliquée et non pas le plus petit commun dénominateur. Je n'imagine même pas que nous puissions atteindre les limites fédérales. Ce sont les limites provinciales qui seront respectées dans la province.

Pour revenir à la première chose que vous avez dite, en effet, les règlements ont joué un rôle important dans...

M. John Herron: Direz-vous que c'est le rôle principal, un rôle essentiel?

Mme Lucie Desforges: Un rôle très important mais il y a beaucoup d'autres facteurs, tels que la façon dont le marché recevait nos produits, les produits sans chlore, etc. Beaucoup d'usines avaient satisfait aux exigences des règlements sur les dioxines et les furannes avant l'entrée en vigueur des règlements. Pourquoi l'auraient-elles fait si les règlements étaient la seule chose qui les y poussait?

Les forces du marché sont très importantes comme d'autres initiatives facultatives telles que les usines en circuit fermé auxquelles nous travaillons. Il n'y a pas de règlement qui nous demande d'installer cette technologie mais nous le faisons pour satisfaire aux règlements, pour satisfaire nos clients et pour satisfaire les localités qui nous entourent.

Vouliez ajouter quelque chose à cela?

M. Claude Roy: J'ajouterais simplement le fait que nous exportons 80 p. 100 de notre production et que le marché européen est très sensible à l'environnement, je dirais plus sensible que les consommateurs nord-américains et le marché nord-américain. Nous n'avons pas le choix, nous devons répondre aux forces du marché en ce qui concerne l'environnement.

D'autre part, le papier est un bien que nous produisons, surtout si nous considérons l'est du Canada, nous avons beaucoup d'anciennes usines avec des machines à papier anciennes que l'on convertit en produits à valeur ajoutée. Quand on apporte ce genre de modifications, on essaie toujours de voir ce que l'on peut faire en matière d'environnement et d'économies d'énergie.

Il ne faut pas oublier que si l'on remonte 15 ans en arrière, l'utilisation moyenne d'eau dans une usine de papier normale était bien supérieure à 200 mètres cube la tonne. Nous en sommes maintenant arrivés à moins de 70 et ce chiffre diminue toujours. Nous faisons donc beaucoup d'économies d'énergie. Ce n'est pas la réglementation qui oblige notre secteur à réduire sa consommation d'eau. Or cette consommation est trois fois moins importante qu'elle ne l'était il y a 15 ans.

• 1005

M. John Herron: Mon dernier commentaire est qu'il semble que cela soit davantage fonction du marché—comme à peu près tout—et des règlements plutôt que de l'environnement et que c'est la raison pour laquelle il faut avoir ces contrôles.

Mme Lucie Desforges: Tout fait partie d'un ensemble et nous avons nous-mêmes instaurer certains mécanismes de responsabilité. L'ACPP a mis au point un programme que l'on appelle: «fiche technique concernant l'environnement». Cela ressemble aux étiquettes indiquant les éléments nutritifs des aliments. Chaque usine qui décide de participer remplit cette fiche technique qui précise les caractéristiques de ses produits relativement à l'environnement et les fait vérifier par une tierce partie indépendante. Les clients exigent cette fiche technique si bien que nous ne pouvons faire marche arrière et déclarer que nous sommes moins stricts sur ceci ou cela. Nous avons nos propres mécanismes qui nous obligent à rendre des comptes à nos clients.

Donc, oui, les règlements entrent là-dedans, tout comme nos clients et nos mécanismes de responsabilité et tout s'inscrit dans le tableau général. Et il nous faut

[Français]

une utilisation judicieuse de toutes ces composantes. De plus, on ne dit pas que la réglementation n'est pas importante, qu'elle ne joue aucun rôle. La réglementation a sa place, mais ne mettons pas tous nos oeufs dans le même panier. En fait, c'est là notre position.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Monsieur Pratt, puis M. Laliberte.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur ce qu'on a dit à propos de l'accord d'harmonisation. D'après les renseignements que nous avons reçus il n'y a pas tellement longtemps, environ un mois, du Sierra Legal Defence Fund, ce serait tout à fait l'inverse. Je regarde certains des documents qu'ils nous ont fournis. Je vais vous en lire quelques extraits pour que vous compreniez exactement ce que je veux dire:

    Les documents fournis par le gouvernement fédéral indiquent que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux de façon générale ne font pas appliquer les règlements. D'après les dossiers du ministère des Pêches et Océans, en 1996, au moins 20 usines de pâtes et papiers au Québec déversaient des substances toxiques dans les eaux qui dépassaient les normes fixées dans les règlements (une usine était coupable de 98 infractions). Sur les 189 infractions signalées dans les dossiers de Pêches et Océans, aucune n'a donné lieu à des poursuites.

Il s'agit donc de 189 infractions en 1996 seulement pour les usines du Québec. Les règlements sur les effluents toxiques ont été apparemment adoptés en 1992 et les usines étaient censées arrêter de déverser des substances toxiques avant la fin de 1995. Pourquoi y a-t-il un problème?

Mme Lucie Desforges: Inutile de dire que nous nous attendions à cette question.

Tout d'abord, j'aimerais répéter que dans le cadre de l'accord et de l'entente fédérale-provinciale que nous avons conclue au Québec, les deux gouvernements conservent leur pouvoir d'intervention.

Cela dit, si le gouvernement canadien estime que la situation mérite d'aller en cour, il avait et a toujours le pouvoir d'intervenir. L'entente fédérale-provinciale au Québec n'exclut pas la possibilité pour le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial d'entamer des poursuites.

Le fait que certains groupes, comme vous l'avez mentionné, estiment qu'on n'a pas pris les mesures voulues en ce qui concerne des infractions signalées, n'a absolument aucun rapport, à notre avis, avec l'harmonisation. C'est simplement qu'ils ne sont pas satisfaits de la façon dont le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ont donné suite à ces infractions. S'il n'y avait pas eu d'entente, nous ne sommes pas convaincus que la situation aurait été différente.

• 1010

Deuxièmement, comme je le disais tout à l'heure à M. Herron, nous estimons que le gouvernement fédéral est mieux placé pour mettre en application ses propres règlements que l'entente fédérale-provinciale au Québec. Ce qu'il en fait le regarde mais il conserve ce pouvoir. Il a ces renseignements à sa disposition. Il peut faire appliquer ces règlements. L'harmonisation n'empêche pas de faire appliquer ces règlements, d'intenter des poursuites et d'envoyer des avertissements, etc.

D'autre part, j'aimerais préciser un peu les choses à propos de ces 198 infractions. Il faut comprendre que ces chiffres qui semblent importants...

[Français]

Le nombre est très élevé, parce que dans de nombreux cas concernant la réglementation sur les pâtes et papier, si on décèle, par exemple, un effluent toxique, la fréquence des tests doit être accélérée. On peut faire des tests à chaque semaine et continuer ainsi jusqu'au moment où on obtient trois tests non toxiques consécutifs. Cela contribue un peu à gonfler les chiffres.

Maintenant, il y a des usines qui ont plus d'un émissaire. C'est le cas de Tembec, par exemple, qui a trois émissaires. En 1996, Tembec en avait trois. Il lui faut donc effectuer trois tests, chaque mois, sur chaque émissaire. Encore là, les chiffres sont multipliés par trois car le potentiel est plus grand. Il faut situer cela dans le contexte.

En 1996, de plus, on a eu

[Traduction]

le début de ces usines de traitement secondaire. Il s'agit de technologies très complexes qui fonctionnent avec des micro-organismes vivants. Ce n'est pas un simple interrupteur. C'est très compliqué. Lorsqu'il y a des interruptions, il faut parfois plusieurs semaines ou un mois pour redémarrer les choses. Il ne s'agit pas d'une technologie mécanique. C'est très complexe et c'est la meilleure technologie qui existe actuellement. Nous l'utilisons, mais il faut prévoir une période d'ajustement et 1996 fût une telle période.

Le Bureau régional d'Environnement Canada à Québec, avec lequel j'ai pris contact hier, me dit que les infractions ont diminué de plus de moitié pour ce qui est de ce seul paramètre de toxicité. La situation est donc réglée. Peut-être qu'il y a encore un cas par-ci par-là mais le gouvernement a toujours le droit et le pouvoir d'intervenir et de prendre des mesures.

Je ne suis pas sûr que ce soit l'harmonisation qui a créé ce problème au départ. Ce sont les mesures qu'a demandées le gouvernement fédéral qui ont été prises. Peut-être qu'elles ne satisfont pas les groupes environnementaux mais cela n'a rien à voir avec l'harmonisation.

M. David Pratt: Je pense toujours à la question de l'harmonisation. Est-ce que l'association des pâtes et papiers a fait des déclarations publiques relativement à une norme nationale qui permettraient aux sociétés de ne pas avoir à suivre des règlements différents selon les provinces? Votre association a-t-elle essayé de communiquer cela aux gouvernements afin de rendre la situation plus équitable pour tout le monde?

Mme Lucie Desforges: Dans les communications que nous avons eues avec les fonctionnaires, avec les gouvernements et dans la plupart de nos documents publics, nous avons favorisé l'harmonisation. Je ne comprends pas très bien. Je me demande si vous voulez en arriver à ce que disait M. Herron à propos du plus petit commun dénominateur. Ce n'est pas le cas. Nous demandons simplement que chaque province s'assure que les règlements soient harmonisés de telle sorte que nous puissions les gérer plus facilement et que les ressources publiques soient ainsi utilisées plus intelligemment.

Nous avons déclaré publiquement que nous étions favorables à l'harmonisation dans la réglementation gouvernementale fédérale-provinciale et nous l'avons dit chaque fois que nous en avons eu l'occasion.

M. David Pratt: Je parle en fait surtout d'une seule norme pour tout le monde. Il me semble que les sociétés auraient avantage à ce qu'il n'y ait qu'un seul régime de réglementation à suivre et je n'ai pas tellement entendu votre association défendre ce genre de point de vue. Il me semble aussi qu'à certains égards cela serait plus censé mais que ce n'est peut-être pas toujours le cas.

• 1015

Mme Lucie Desforges: En effet. Il faut tenir compte de l'environnement ambiant. Chaque environnement est différent dans chaque province. Peut-être que pour certains paramètres ça se défend alors que cela ne se défendrait pas pour d'autres.

Nous demandons un minimum. Je crois que la réglementation fédérale assure ce niveau minimum qui est le même pour tous. La réglementation provinciale va plus loin et dépend de l'environnement spécifique et du genre de déversements et d'environnement récepteur.

À l'heure actuelle, nous estimons que le cadre de réglementation dans le secteur des pâtes et papiers est suffisant en ce sens qu'il prévoit les mêmes règles pour tous. Il y a certains rajustements à faire ici et là dans la province mais n'allez pas compliquer les choses en imposant des méthodes de test différentes et exigences différentes dans les rapports. C'est là que cela devient difficile à gérer.

Comme je le disais, nous devrions essayer d'harmoniser la mise en application de la loi afin de mieux gérer les ressources publiques. Si l'on harmonise des secteurs comme celui des pâtes et papiers où la réglementation fédérale est incluse dans les réglementations provinciales, on peut s'occuper d'activités qui sont de compétence exclusivement fédérale, qu'il s'agisse d'importations ou d'exportations de déchets dangereux, de déversements dans les océans, etc. Si vous consacrez des ressources aux pâtes et papiers alors que le gouvernement provincial fait la même chose, je suis sûre que ce n'est pas une bonne utilisation des ressources.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Merci.

Monsieur Gertler, bienvenue. Nous avons démarré un peu lentement et vous pourriez peut-être limiter vos observations à cinq ou 10 minutes. Nous devons en effet quitter cette salle avant 11 heures et il y a encore un certain nombre de personnes qui n'ont pas eu la possibilité d'interroger les témoins.

[Français]

M. Franklin Gertler (membre, Centre québécois du droit de l'environnement): Monsieur le président, je m'excuse de mon retard, mais les conditions sur les routes étaient un peu inhabituelles ce matin. Je vais tâcher d'être très bref.

Avant d'entreprendre une présentation au nom du Centre québécois du droit de l'environnement, j'aimerais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour simplement commenter rapidement une réponse qui vient d'être donnée en rapport avec toute la question de l'harmonisation.

Je n'insisterai pas plus qu'il ne le faut sur le détail des données qu'ont révélées les demandes d'accès à l'information à propos des usines de pâtes et papier. J'ai ici une copie de notre communiqué de presse émis à ce sujet ainsi qu'une certaine documentation. Je vais les laisser au greffier.

Par contre, j'aimerais dire qu'en matière d'harmonisation ou d'ententes intergouvernementales, il ne suffit pas d'affirmer que le fédéral, en l'occurrence, va conserver son droit d'intervention. Il est certain que légalement et constitutionnellement parlant, une simple entente entre ministres ne peut pas avoir pour effet de changer la Constitution ou de retirer des pouvoirs au fédéral, d'annuler ou de révoquer une loi du Parlement. Pourtant, il faut vivre dans le vrai monde, dans le monde réel.

Je pense que les témoignages que vous avez entendus au cours des dernières semaines démontrent que ce n'est pas simplement une question de lois ou de pouvoirs, mais aussi une question de ressources, de volonté et de capacité technique de mettre ces lois en oeuvre.

Ce que nous craignons et ce que nous observons, c'est que lors d'ententes de ce genre, quand un des gouvernements concernés prend toute la responsabilité, l'autre l'abandonne progressivement et perd graduellement sa capacité de l'exercer. Il perdra alors les budgets nécessaires et n'aura plus le personnel compétent, les connaissances techniques nécessaires et surtout la légitimité politique.

Si, après une absence de cinq ans, du jour au lendemain, un inspecteur fédéral se présente à une usine, comment sera-t-il accueilli? On lui demandera ce qu'il vient faire et on lui dira de s'occuper de ses affaires.

Je pense que les témoignages que vous avez entendus de gens responsables pour la région de l'Ontario, en rapport avec la Loi sur les pêches, ont démontré que, lorsqu'une province décide de ne pas appliquer une loi fédérale, il est très difficile pour le gouvernement fédéral de réintégrer son rôle parce qu'il n'a plus les moyens de le faire.

• 1020

Cela étant dit, je pense que vous avez déjà reçu copie des notes que nous avons soumises concernant mon témoignage d'aujourd'hui. Je ne les lirai pas entièrement. Elles font, entre autres, état de la mission et de l'historique du Centre québécois du droit de l'environnement. Je vais aussi remettre au greffier d'autres documents à mesure que je les mentionnerai. Ils pourront être mis à la disposition des recherchistes.

En ce qui a trait au fond de ma présentation, je veux mentionner, et je l'écris dans mon texte, que j'ai su qu'il y avait eu un échange l'autre jour entre le député Yvon Charbonneau et mon collègue Paul Muldoon, de la Canadian Environmental Law Association, sur la compétence de son organisme quant à la problématique environnementale au Québec.

Là-dessus, je vous dirai que nous faisons le même travail—le nom du Canadian Environmental Law Association est peut-être un peu trompeur—, mais que nous manquons de financement. Eux reçoivent un financement statutaire du gouvernement de l'Ontario. Nous n'avons aucunement une telle source de financement, ni sur le plan provincial ni sur le plan fédéral. Depuis plusieurs années, on en fait la demande aux députés et aux ministres fédéraux. Je vous encourage à conseiller à vos collègues du Conseil des ministres de financer nos activités.

En général, j'aimerais vous dire que notre façon d'aborder le problème sur lequel vous vous penchez actuellement est exprimée dans nos objectifs. Nous croyons à l'approche juridique. Nous croyons également à la participation du public. Nous croyons qu'un processus réglementaire et une mise en oeuvre des lois qui soient véritablement publics et transparents sont le meilleur gage de la protection de l'environnement. Je pense que les témoignages entendus ici depuis quelques semaines démontrent qu'il existe un manque de données, de connaissances, de publicité et de transparence en ce qui a trait à la mise en oeuvre des lois.

Je soulignerai quelques points, très rapidement, monsieur le président. Pour nous, les deux paliers de gouvernement ont un rôle à jouer. La Cour suprême vient de le confirmer à certains égards, comme elle l'avait fait auparavant dans l'affaire de la rivière Oldman. Ce qu'elle vient de confirmer est relatif à l'affaire d'Hydro-Québec. Sans vouloir faire de politique constitutionnelle, pour nous, tant que nous vivons dans le régime actuel, les deux gouvernements doivent exercer leurs pouvoirs.

Nous déplorons également l'absence du fédéral dans le domaine au Québec. Il y a eu des coupures de budget, tant fédérales que provinciales, et nous doutons fort de la capacité de la province de prendre la relève du fédéral.

J'aimerais également souligner qu'ils ne sont pas tout à fait interchangeables. Les deux paliers de gouvernement ne sont pas nécessairement équivalents dans ce domaine. La question du conflit d'intérêts se pose toujours et a été soulevée ici devant vous par les représentants d'Environnement Canada, il y a quelques jours. Il y a cet aspect-là. De plus, et il faut le reconnaître, Environnement Canada dispose aussi de moyens supérieurs, jusqu'à un certain point, en ce qui a trait aux enquêtes scientifiques.

Ainsi, je peux vous dire que mes collègues de l'industrie—pour ma part, je suis en pratique privée, mais principalement du côté des groupes environnementaux—craignent bien davantage la police verte du fédéral que celle de la province, au Québec, parce que son travail est mieux fait.

Pour ce qui est de l'approche volontaire, nous nous y opposons. Ce n'est pas contre nos principes mais, de façon générale, nous n'y sommes pas favorables. En fait, cela a toujours existé. Les lois existent et les gens doivent s'y conformer volontairement ou bien faire face aux conséquences prévues dans la loi.

• 1025

L'autre jour, on vous a présenté une belle courbe pour démontrer que la plupart des gens étaient en conformité avec la loi, que certains étaient superperformants, alors que d'autres, à l'autre bout de la courbe, fonctionnaient mal. On cherchait à vous démontrer qu'il ne fallait pas compter seulement sur des représailles très fermes mais aussi sur une éducation efficace.

Tout cela est vrai. Mais le fait qu'il y ait un nombre limité de délinquants résulte en partie des poursuites qui sont intentées. Il faut donc maintenir les poursuites, à notre avis, pour créer l'ambiance qui encourage les gens à se porter «volontaires».

Je termine très rapidement, monsieur le président. À propos des ententes intergouvernementales, comme je viens de le dire, non seulement craignons-nous ce qu'elles contiennent sur le plan strictement juridique, mais aussi leurs effets quant à l'octroi de budgets et d'effectifs. Une fois le fait accompli, il est difficile de revenir en arrière sur la délégation de pouvoirs ou les arrangements déjà consentis.

D'ailleurs, ces ententes sont souvent très floues et mal connues. Je ne vous citerai qu'un cas qui m'a frappé. M. Gerry Swanson, de la Direction générale de la gestion de l'habitat et de l'environnement, est venu l'autre jour vous faire l'historique du partage des compétences entre le ministère des Pêches et des Océans et Environnement Canada. Il vous a parlé d'une lettre du premier ministre, datée de 1971. J'ai trouvé cela curieux parce qu'il y a eu une entente entre les deux ministères en bonne et due forme signée par les deux ministres en 1985. À ma connaissance, c'est celle qui prévaut actuellement. Je puis vous donner le titre exact de cette entente. Ou bien c'est un oubli des fonctionnaires de son ministère, ou bien il règne une certaine confusion dans son ministère.

Donc, si même à l'intérieur de la famille fédérale on ne sait pas en vertu de quoi on opère, je trouve cela inquiétant. C'est un peu ce qui se produit dans le cas des ententes intergouvernementales en général. Si nous pouvons vous inciter à faire quelque chose, ce serait d'insister pour que les ententes qui gouvernent les opérations soient rendues publiques, qu'elles soient publiées accompagnées d'un index et qu'elles soient accessibles. Dans l'état actuel des choses, il faut faire le tour des bureaux régionaux et rencontrer les gens qui connaissent les faits pour savoir ce qu'il en est.

Aux fins de la transcription, je signale que j'ai devant moi le titre en anglais de l'entente de 1985. Il s'agit du Memorandum of Understanding Between the Department of Fisheries and Oceans and the Department of the Environment on the Subject of the Administration of Section 33 of the Fisheries Act. Comme M. Swanson vous l'a indiqué, l'article 33 correspond essentiellement à l'article 36 de la loi actuelle.

En ce qui concerne les réformes, nous sommes en faveur non seulement d'une augmentation des budgets d'activités et de mise en oeuvre, mais aussi d'une plus grande participation du public, notamment au droit de recours des citoyens. Nous vous faisons remarquer, à cet égard, que les recours prévus à la partie II de la Loi C-74 étaient nettement inadéquats et auraient été pratiquement inutiles. Nous espérons donc que lorsque le projet de loi sera étudié à nouveau, ce ne sera plus le cas.

[Traduction]

Monsieur le président, si j'ai des documents à distribuer, dois-je les mentionner ou puis-je simplement vous les remettre? Cela me prendrait environ une minute.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Vous n'avez qu'à les distribuer.

J'aimerais signaler que tout mémoire déposé dans les deux langues officielles rend la vie beaucoup plus facile au comité.

M. Franklin Gertler: Je comprends, et je vous fais mes excuses, mais le peu de préavis nous a empêchés de nous en occuper. Si vous voulez, je peux vous faire parvenir plus tard une traduction.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Non, nous nous en occuperons nous-mêmes. Merci.

M. Franklin Gertler: D'accord.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Merci beaucoup.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Pour que les dossiers de notre comité soient bien clairs le témoin pourrait-il nous lire le titre des documents qu'il nous remet?

• 1030

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Monsieur Gertler, voudriez-vous nous lire les titres?

M. Franklin Gertler: Bien sûr. Je serai bref, monsieur le président.

Je vous donne donc une brochure du Centre du droit de l'environnement qui explique qui nous sommes. La brochure s'intitule «Si l'environnement avait ses droits».

J'aimerais aussi vous transmettre le communiqué de presse envoyé par notre groupe et par d'autres encore, qui porte sur les statistiques dans le domaine des pâtes et papiers et sur les infractions à la Loi sur les pêches. Le communiqué, daté du 26 janvier, s'intitule «Un grand nombre de compagnies de pâtes et papiers du Québec ne respectent pas la Loi fédérale sur les pêcheries».

Pour votre gouverne, je vous fais également tenir un bref extrait du rapport de septembre 1990 de la Commission d'enquête sur les déchets dangereux et intitulé «Les déchets dangereux au Québec». Dans cet extrait, vous voyez que la commission s'inquiète du manque de volonté politique ainsi que des problèmes d'application de la loi au palier provincial, c'est-à-dire au Québec, et au palier fédéral. Cette commission était évidemment présidée par votre collègue, M. Charbonneau.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Soyez bref, je vous prie.

M. Franklin Gertler: J'aimerais également vous transmettre, comme information générale, un article que j'écrivais en 1993 intitulé «Lost in Intergovernmental Space» (Perdu dans l'espace intergouvernemental) qui traite des accords entre gouvernements.

Enfin, dans une version complète et dans une version abrégée, je voudrais vous transmettre un document de travail que j'ai cosigné avec le directeur exécutif du Centre du droit de l'environnement, Yves Corriveau pour le compte du réseau canadien de l'environnement. Ce document s'intitule «Préoccupations des organisations non gouvernementales de l'environnement et options politiques en matière d'administration et de délégation...», etc., qui traite de la Loi sur les pêches. La version abrégée est un article qui a été publié dans les «Rapports canadiens du droit de l'environnement» et intitulé «La protection de l'habitat du poisson survivra-t-elle à l'incursion des provinces dans l'étang fédéral?»

Merci de m'avoir écouté tout ce temps.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Merci.

Monsieur Laliberte et monsieur Jordan, je vous demande de vous en tenir à cinq minutes chacun, puisque nous devons avoir quitté la pièce pour 11 heures.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Les représentants de l'Association canadienne des pâtes et papiers ont affirmé que les intérêts du marché influent grandement sur vos décisions concernant les conséquences sur l'environnement et les rejets d'effluents, ou même sur toute la prise de conscience de ce secteur industriel des questions de santé, de sécurité et d'environnement. Ce que j'ai entendu ne m'a pas plu car nous vivons au Canada dans une vaste terre qui était jusqu'à récemment salubre. Or, en peu de temps, nous l'avons polluée au maximum. Il est désormais impossible de boire l'eau de nos cours d'eau.

En dépit de ce que révèlent les mesures des niveaux d'effluent que l'on fait à l'échelle fédérale et à l'échelle provinciale, votre industrie pollue quotidiennement. Vous rejetez des effluents dans les cours d'eau et dans l'atmosphère. Or, vous parlez éventuellement d'une quasi-élimination ou de systèmes en circuit fermé. Pourquoi ceux-ci n'existent-ils pas déjà? Est-ce ce que vous avez l'intention de faire? Notre environnement nous tient à coeur et jusqu'à 75 p. 100 des Canadiens sont très conscients de la situation.

Les politiciens et les agences de réglementation comme Environnement Canada, le ministère des Pêches et les provinces cherchent à réglementer votre industrie. Or, cela ne semble avoir aucune influence sur vous car vous accordez plus de poids aux intérêts commerciaux des Européens qu'à nos préoccupations, d'après ce que j'ai entendu.

Mme Lucie Desforges: Permettez-moi de remettre cette déclaration en contexte.

Vous vous demandiez pourquoi nous n'avions pas encore instauré de systèmes en circuit fermé. C'est qu'il faut faire plus de recherche. Nous avons investi 88 millions de dollars dans un projet de recherche avec le gouvernement fédéral en vue de faire avancer la technologie des usines de pâtes exploitées en circuit fermé. La corrosion et le recyclage, notamment, posent des problèmes extrêmement techniques. Nous devons mettre au point les nouvelles technologies qui nous permettront de corriger cette situation, et nous y sommes presque arrivés. Il reste simplement quelques détails à mettre au point. Certaines usines canadiennes ont d'ailleurs déjà installé avec succès des systèmes en circuit fermé.

• 1035

Pour ce qui est du rendement de notre industrie, nous avons inclus un ou deux graphiques démontrant comment nous avons réduit la pollution dans les milieux récepteurs surtout en ce qui concerne les effluents. Nous avons réduit de façon considérable le niveau de DBO et le total de matières en suspension. En effet, depuis 1975, nous avons réduit de 87 p. 100 le total des matières en suspension et de 96 p. 100 la DBO, c'est-à-dire la demande biochimique en oxygène.

Je répète que les règlements ont joué un rôle important, mais ils ne sont pas le seul facteur à avoir influencé le rendement de notre industrie. Nos marchés jouent également un rôle important. Les règlements canadiens ont toute leur importance pour nos marchés, car si nous n'étions pas soumis à d'aussi strictes règles comme nous le sommes actuellement, notre position sur certains marchés étrangers ne serait pas aussi bonne.

Vous voyez que les règlements peuvent nous servir, mais nous répétons qu'il faut regarder le tableau dans son ensemble et mettre l'accent sur les règlements et sur d'autres aspects qui offrent plus de souplesse; cela nous donne donc un bon point de départ et nous permet en même temps de préserver les avantages économiques que représente ce secteur pour le Canada.

M. Rick Laliberte: Vous devez comprendre que lorsque vos marchés sont à l'étranger, la crédibilité du Canada ne dépend pas uniquement de votre industrie. Ce sont les règlements et les normes du gouvernement, notre crédibilité comme pays qui donnent à votre industrie sa carte de visite sur les marchés étrangers et lui permettent de placer ses pions sur l'échiquier mondial.

Je veux bien que vous soyez soumis à des règlements, mais que faites-vous de leur application? Illustrez-nous par des exemples la façon dont l'application de ces règlements vous a obligée à changer de direction. Donnez-nous le nom de ceux qui ont été poursuivis. La LCPE et la Loi sur les pêches permettent des poursuites. Donnez-moi des exemples de poursuites qui vous ont forcée à revenir sur la bonne voie.

Mme Lucie Desforges: Des exemples? Il n'y en a pas qui me viennent à l'esprit.

M. Rick Laliberte: Il n'y a pas eu de poursuites?

Mme Lucie Desforges: Si. Vous pouvez vous renseigner sur Internet, au site de la voie verte d'Environnement Canada. Je sais que j'ai quelques exemples de poursuites dans mes dossiers.

Elles sont en cours. Mais comme je n'ai pas de données précises, je ne puis vous donner le nom d'usines spécifiques.

Comme je le disais plus tôt, l'application des règlements est très importante dans notre secteur. Tout comme je n'aimerais pas que mon voisin triche sur sa déclaration d'impôt et s'en tire impunément, nos concurrents canadiens n'aiment pas non plus que leurs concurrents de l'autre côté de la rivière n'observent pas certains règlements fédéraux ou provinciaux et ne les appliquent pas.

L'application est un facteur important du tableau, et les poursuites pourraient en faire partie. Mais l'intensité de l'application ne doit pas se traduire uniquement par des poursuites, car je ne crois pas que les réductions que nous avons illustrées dans nos graphiques soient dues uniquement à des poursuites.

Notre industrie s'est engagée à respecter les règlements fédéraux et provinciaux. Ce ne sont pas toutes nos usines qui se sont vues menacer de poursuites, et pourtant elles réduisent considérablement leurs émissions dans l'environnement. Les poursuites ne constituent qu'une arme dans votre arsenal, mais il y en a aussi plusieurs autres.

• 1040

M. Claude Roy: C'est toujours difficile à illustrer, mais prenez le cas de la MacMillan Bloedel de Powell River, en Colombie-Britannique: il s'est trouvé qu'un réservoir de chlore s'est perforé et que le chlore s'est répandu dans la rivière. La compagnie a été poursuivie, jugée coupable, et a dû payer des amendes. Cet incident a obligé notre industrie de la Colombie-Britannique a avoué que des accidents étaient toujours possibles. En fait, nous aussi pourrions être victimes d'une rupture de réservoir dans notre propre usine.

Toutes les usines de la Colombie-Britannique ont donc décidé de se réunir et d'organiser un atelier avec des experts conseils qui les aideraient à évaluer leurs risques. Cet incident a obligé notre industrie dans son ensemble à se pencher sur ses réactions en cas d'urgence et à se demander comment elle réagirait et comment elle pourrait gérer ces risques. Plusieurs incidents peuvent arriver: c'est arrivé une fois, et on a mis la compagnie à l'amende.

Je ne dis pas que notre industrie a réagi à cause de l'amende qui avait été imposée; mais le fait est que des incidents de ce genre peuvent se produire et qu'il est toujours possible de polluer nos cours d'eau à cause d'une rupture de réservoir. C'est ce genre d'éventualités-là qui a poussé le reste de l'industrie à se demander ce qui pourrait arriver dans les diverses usines des autres provinces. Mais dans ce cas-ci, une amende a été imposée.

Mme Lucie Desforges: Dans ce cas-ci, le...

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): J'ai une ou deux questions rapides. Pour gagner du temps, vous pourriez peut-être nous envoyer votre réponse plus tard, si vous ne pouvez répondre tout de suite.

Pour commencer, M. Gertler a dit quelque chose qui a frappé juste chez moi, à savoir que les compressions dans le budget et le personnel ont des conséquences concrètes. Vous l'avez très bien expliqué sur le plan de la capacité technologique pour le gouvernement d'intervenir, sur le plan des ressources humaines, de la capacité de recherche, et même de la capacité intellectuelle. Nous avons ici affaire à des notions très compliquées.

Une ou deux observations, maintenant. D'abord, vous avez mentionné que les compagnies doivent être sensibles au fait que la pollution est synonyme de gaspillage, et que cela entraîne des pertes financières. Si on élargissait les pratiques de comptabilité pour y inclure les coûts de la dégradation du milieu environnemental, j'aimerais que votre association trouve des exemples d'usines qui ont fait justement cela et qui s'en sont mieux portées, en fin de compte. Que fait votre association pour encourager ses membres à adopter cette façon de voir?

Vos documents me semblent très explicites là-dessus. Toutefois, je vois qu'on parle d'hypothèse en ce qui concerne la mise au point de procédés techniques en circuit fermé rentables, il serait possible de rénover les usines au lieu de les fermer. Si vous incorporiez les coûts de la pollution à vos méthodes comptables, vous n'auriez pas à envisager l'hypothèse.

Ce sont des aspects dont il faut tenir compte; si vous optez pour la méthode de la capitalisation du coût entier, j'aimerais que vous me démontriez qu'une usine qui n'est pas très rentable selon toute une gamme de critères peut toutefois changer sa pratique, opter pour des méthodes plus propres et, à moyen terme, s'en porter mieux. Vous pourriez peut-être nous fournir des renseignements plus tard. Ainsi, on pourrait appliquer cette méthode à succès à d'autres usines. On semble croire aujourd'hui qu'environnement durable et rendement économique sont contradictoires. Il faut combattre cette impression et trouver des exemples qui pourraient inciter vos autres membres à changer d'attitude.

J'aimerais bien que vous nous envoyiez plus tard de l'information sur des usines qui auraient fait ce changement de cap et qui auraient réussi dans leur démarche, car cela m'intéresse beaucoup. C'est d'ailleurs une clé importante de l'énigme.

Voici, brièvement, ma seconde question. Dans votre document intitulé «Effective Enforcement of Environmental Regulations in Canada» (Application efficace des règlements sur l'environnement au Canada), vous dites à la page 4 que les règlements devraient être appliqués d'une façon transparente, compréhensible, équitable, mesurable et cohérente. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Mais vous dites également que toute mesure corrective devrait cadrer avec l'intention de la réglementation et avec la protection de l'environnement—et pas seulement avec la lettre de la loi.

Un cas précis vous vient-il à l'esprit, un cas où l'on pourrait tenir compte davantage, et de façon plus constante, de l'intention de la réglementation plutôt que de la lettre de la loi, ce qui aurait des effets bénéfiques pour l'environnement. Songez-vous en particulier à un règlement? Est-ce la façon dont il est rédigé qui laisse à désirer, ou bien les inspecteurs ont-ils besoin d'une certaine marge d'interprétation?

Mais si chacun donne sa propre interprétation du règlement et de ce à quoi ce dernier vise, on ouvre la porte à toutes sortes de conséquences et d'incohérence. Était-ce là une affirmation d'ordre général, ou pensiez-vous, en particulier, à un règlement?

Mme Fiona Cooke: C'était plutôt une réflexion d'ordre général. Tout règlement ou loi, il me semble, vise à améliorer l'environnement. Ce que nous entendons par là, je pense, c'est que tous les éléments qui peuvent être mobilisés en faveur de...

M. Joe Jordan: Pourriez-vous me donner un cas concret? J'aimerais en effet savoir ce que vous entendez au juste par la «protection de l'environnement».

• 1045

En effet, mon métier était l'enseignement, vous devez vous en apercevoir, n'est-ce pas? Je viens de vous poser deux colles.

Des voix: Oh, oh!

M. Joe Jordan: Il serait préférable, il me semble, que vous y réfléchissiez, et que vous me fassiez parvenir vos réflexions par écrit.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Je donne la parole à M. Asselin, puis à M. Charbonneau.

M. Franklin Gertler: Monsieur le président, pourrais-je brièvement répondre à cette question?

En toute justice envers mes collègues, un cas m'est venu à l'esprit: supposons qu'un rapport ne soit pas présenté à temps, et il s'agit simplement là d'une faute technique; il n'en est pas moins vrai que le Parlement ou le règlement exige, et pour une bonne raison, qu'un rapport soit présenté, dans le cadre d'une stratégie préventive.

Mais j'aimerais répondre à l'une de vos remarques plus profondes, à savoir s'il s'agit là d'une question de bonne gestion économique. L'une des choses qui m'a frappé, dans ma vie professionnelle, c'est que j'ai eu l'occasion de voir des documents où il était question de l'aide financière du gouvernement fédéral à des papeteries. Il était question de garanties d'emprunt de 50 millions de dollars, de 60 millions de dollars, 70 millions de dollars ou 100 millions de dollars, bref, de cet ordre là. Ce sont des documents très brefs, qui ne contiennent pas une seule ligne engageant la société à pleinement respecter la réglementation du gouvernement fédéral en matière d'environnement. Il n'est pas question là que le gouvernement fédéral dépasse les limites de sa compétence: il lui suffirait de dire: si vous ne respectez pas les règles, vous n'aurez pas plus d'argent de nous.

Je soumets donc à votre comité ce genre de question soit les «dépenses en faveur de l'environnement», et vous voudrez peut-être signaler la chose à certains de vos collègues du ministère des Travaux publics, ou du ministère des Finances et du Conseil du Trésor. Nous imposons bien des conditions pour favoriser l'embauche de femmes ou d'autochtones; peut-être serait-il aussi nécessaire d'en imposer, en matière d'environnement, pour les marchés publics, et certainement dans les dispositions gouvernant l'aide financière qu'accorde le gouvernement fédéral.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Je vous remercie.

Monsieur Asselin, vous avez la parole.

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): J'ai devant moi une entente conclue entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada en date de novembre 1997. Cette entente sera en vigueur pendant trois ans et devrait prendre fin dans les années 2000.

Au numéro 8.1 de la page 6, sous la rubrique «Poursuite», on lit:

@ti24 8.1 Le Québec et le Canada reconnaissent et conservent chacun leur pouvoir d'intervenir pour les infractions alléguées à leur réglementation respective.

Cela fait suite à votre entrée en matière de tout à l'heure. Vous disiez que le gouvernement fédéral s'était retiré d'un champ de juridiction selon l'entente qu'il avait signée, mais qu'il était omniprésent ou pas présent du tout. On dit aussi qu'il veut exercer l'entente qui a été signée avec le gouvernement du Québec et qu'il se retrouve devant une compagnie de fabrication de pâtes et papier avec une copie de l'entente ou une copie de l'infraction.

On sait que, selon l'entente, le gouvernement du Québec doit faire rapport au gouvernement fédéral. Dans ce document, on parle justement de l'absence du gouvernement fédéral et nous savons que le gouvernement fédéral est pratiquement absent du champ environnemental au Québec. Par contre, il est important de souligner que lorsque le gouvernement fédéral intervient, la qualité de ses enquêtes est souvent supérieure à celle des enquêtes que pratique la province.

Et là, cela devient un peu contradictoire. Ils n'y sont pas du tout ou sinon occasionnellement, et lorsqu'ils interviennent, leurs enquêtes sont supérieures à celles pratiquées par le Québec, dit-on. Je voudrais savoir d'abord qui est le maître d'oeuvre de l'application. Qui vous visite le plus régulièrement? Est-ce que le gouvernement fédéral intervient dans un cas extrême ou extraordinaire à la suite d'un rapport fait par le gouvernement du Québec?

J'avais cru comprendre que les intervenants du gouvernement fédéral n'étaient pas là ou pratiquement pas là, ou qu'ils étaient là dans le cadre d'une seule entente. Le rapport nous révèle que lorsqu'ils interviennent, ils s'avèrent beaucoup plus efficaces. Mais s'ils font une enquête par année, j'imagine qu'ils ont le temps de réfléchir, d'étudier, d'intervenir et de se montrer très à l'aise.

Cela fait toute la différence si on demande au gouvernement du Québec d'intervenir partout en même temps, tandis que le gouvernement fédéral n'intervient qu'une fois par année dans une entreprise qui a fait l'objet d'un rapport ou d'une plainte. À ce moment-là, je n'ai pas de difficulté à croire que son efficacité est supérieure. J'aimerais qu'on m'explique un peu comment il se fait qu'ils soient supérieurs quand ils n'interviennent jamais.

• 1050

M. Franklin Gertler: Tout d'abord, monsieur le président, sur la question de savoir qui frappe à la porte des papetières, je demanderais à nos amis de l'association de nous dire ce qui se passe sur le terrain. Ils sont mieux placés que moi pour en parler.

Je ne pense pas qu'il y ait contradiction. Ce que vous dites de l'entente est vrai. Mais cette entente date de 1997. On me corrigera si je me trompe, mais je crois qu'elle en remplace une autre datant de 1994. C'est une entente relativement récente.

Même s'il est vrai que, formellement, le fédéral a toujours l'autorité d'intervenir, nous disons que l'expérience démontre... Notamment, c'est le cas de l'affaire de la rivière Oldman en Alberta, par exemple. C'est le cas d'une province qui a été choquée, qui s'est braquée parce que le fédéral est intervenu après plusieurs années d'absence. On croyait qu'il n'avait plus le droit de le faire. C'est ce que nous disons.

Quant à la contradiction supposée, je ne pense pas qu'il y en ait une. On dit que le fédéral est pratiquement absent. À l'occasion, comme dans l'affaire Kronos Canada et dans l'affaire Tioxide, le fédéral est intervenu. Il ne s'agit plus des pâtes et papier. Dans le cas de Tioxide, il l'a fait après 20 ans d'hésitations, d'échanges de lettres et de «après vous, Alphonse» auprès du gouvernement du Québec. Il y a eu finalement un règlement hors cour comportant une amende très élevée en vertu de la Loi sur les pêches.

Est-ce qu'on veut gérer cela au moyen de cas extrêmes ou si on veut mieux procéder et suivre les choses au jour le jour?

Nous disons simplement de faire attention; si vous sortez le fédéral du champ de l'environnement, assurez-vous que la province a le budget, le personnel et l'expertise et la volonté politique nécessaires pour accomplir le travail. Actuellement, la province réduit ses budgets dans tous les domaines.

M. Gérard Asselin: Tout à l'heure, vous avez semblé dire que soit les pâtes et papiers, soit le gouvernement du Québec avaient peur de la police verte du fédéral. Est-elle réelle, cette police verte fédérale ou si c'est un fantôme?

M. Franklin Gertler: Je ne pourrais pas vraiment vous le dire. Je dis simplement que mes collègues du barreau privé, qui représentent les papetières, me disent qu'ils ont bien plus peur des enquêtes faites par le fédéral que de celles qui sont faites par le provincial. Pour donner un exemple très technique, la chaîne de position est mieux faite en ce qui a trait aux échantillons.

Tout le monde a vu les émissions consacrées à l'affaire de O.J. Simpson. Est-ce que l'échantillon a été sujet à des manipulations qui ont pu faire pénétrer d'autres substances? Est-ce que la substance contaminante pourrait provenir d'une autre source? Ce sont les questions qu'on se pose dans les procès de type pénal.

On me dit que c'est mieux fait par le fédéral, de ce point de vue, que par la province, dans bien des cas.

Le président: Monsieur Charbonneau.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Ma première question est reliée au soutien financier que vous souhaitez obtenir. Vous faites allusion à un échange que nous avons eu avec votre collègue Paul Muldoon quant à la représentativité pancanadienne. Cet échange-là nous a permis de voir que cet organisme, qui s'appelle Canadian Environmental Law Association, est plus compétent quand vient le moment de répondre à des questions portant sur la situation en Ontario, par exemple, ou encore d'autres provinces, bien qu'elle s'appelle «Canadian». En réalité, c'est plutôt avec vous ou avec des organismes comme le vôtre qu'il faut faire affaire pour savoir ce qui se passe au Québec.

Vous dites que cette association est financée par l'Ontario. De votre côté, vous souhaitez obtenir un financement du fédéral. Est-ce à dire qu'il ne vous est pas possible d'obtenir du Québec un financement qui serait l'équivalent de ce que la CELA obtient de l'Ontario?

Ensuite, vous avez demandé à des ministres du financement provenant de fonds discrétionnaires. Vous nous invitez à faire des pressions auprès du fédéral, pour vous obtenir du financement permanent, j'imagine. Est-ce que vous désespérez d'obtenir quelque chose de la province, ou quoi?

• 1055

M. Franklin Gertler: Brièvement, on continue d'essayer d'obtenir quelque chose de la province, mais cette dernière n'a jamais jugé bon de financer l'activité d'un organisme semblable au nôtre via l'aide juridique comme c'est fait en Ontario.

Alors, on se retrouve avec un financement, comme je le mentionne dans mes notes, projet par projet, et le projet ne consiste jamais à critiquer le gouvernement ou à le poursuivre, vous pouvez en être certain. C'est surtout de l'éducation, de la recherche ou des choses du genre qui sont relativement anodines.

Au niveau fédéral, on aimerait bien recevoir un financement à plus long terme ou plus sûr. On mentionne simplement la question, monsieur le président, d'un fonds discrétionnaire parce qu'en fait, on veut frapper à toutes les portes. Finalement, on n'a pas eu un financement plus complet ou permanent d'une autre source, notamment du ministère de l'Environnement.

Je dois vous dire qu'on est très heureux de recevoir de l'aide de l'ACDI. Ce sont des budgets qui vont en partie à notre organisme, mais surtout à d'autres organismes. Par exemple, on finance un organisme semblable au nôtre au Chili. C'est intéressant. On est prêt à le faire au Chili, mais pas au Canada. Ça fait moins mal. J'imagine que ça paraît mieux. On ne veut pas que l'ACDI coupe, mais on aimerait bien que le fédéral ait la même attitude chez nous.

M. Yvon Charbonneau: Je dois vous dire que je suis sensible à votre invitation, mais j'aimerais faire le point d'une manière plus précise sur les efforts que vous avez faits ou les refus que vous avez essuyés. Par contre, il ne faudrait pas que ces subventions atténuent votre capacité de critique.

M. Franklin Gertler: C'est toujours un problème au Canada parce qu'on a souvent du financement gouvernemental plutôt que privé comme aux États-Unis

M. Yvon Charbonneau: Je n'ai plus la citation sous les yeux, mais il y a à peu près trois semaines, le Réseau québécois des groupes écologistes a porté un jugement très sévère sur la performance environnementale du gouvernement provincial depuis deux ans. Il parlait en somme de promesses non tenues, d'engagements brisés. Il comparait la philosophie de ce gouvernement en environnement à celle de la loi républicaine américaine. Est-ce que vous êtes membre de ce groupe ou bien est-ce que vous êtes d'accord sur le jugement porté par ce groupe sur l'évolution du dossier de la gestion environnementale au Québec depuis deux ou trois ans?

M. Franklin Gertler: Le Centre québécois a été un des signataires du bulletin que vous mentionnez. Nous avons participé surtout à la préparation du volet juridique et réglementaire de la critique qui a été faite. À ce titre-là, on avait noté le manque de progrès dans la réforme au Québec et surtout la tendance très forte vers une déréglementation au nom de l'allègement du fardeau. Il semblait y avoir un délaissement complet du champ. On a mentionné, entre autres, les nombreuses exemptions données en matière d'évaluation environnementale, par exemple, comme indice d'un désengagement du gouvernement à ce titre-là.

M. Yvon Charbonneau: Monsieur le président, ceci termine mon échange avec notre témoin et nous rappelle que le dossier de la gestion environnementale au Québec se détériore depuis qu'il est sous la direction générale d'une personne qui autrefois était un ministre de l'Environnement fédéral très vigoureux pour l'exercice des pouvoirs canadiens.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Je vous remercie.

Madame Kraft Sloan, il ne vous reste que 30 secondes pour clore le débat, après quoi nous devons laisser la parole au greffier, pour un message. Nous devons ensuite vider les lieux.

Mme Karen Kraft Sloan: Je voudrais simplement préciser ce que M. Muldoon a souligné dans son exposé, lorsqu'il a comparu devant ce comité. Il parlait de ce qui se passe au gouvernement fédéral, et aurait également parlé du Québec s'il avait su que des questions lui seraient posées mais il a été pris au dépourvu et n'avait pas les chiffres exacts. CELA est une association nationale.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): C'est votre tour, Stephen.

Le greffier du comité: Monsieur le président, le comité avait prévu pour jeudi une séance de synthèse avec les représentants d'Environnement Canada, mais ces derniers nous ont informés qu'ils avaient un empêchement cette année, à cause, entre autres, du dépôt éventuel de la LCPE. La semaine prochaine, les cadres du ministère seront à Vancouver pour la conférence GLOBE 1998.

• 1100

Il leur a également été difficile de recueillir l'information pour le comité; c'est pourquoi il vous demande, en toute déférence, de remettre cette séance à la semaine du 23 mars.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Et si nous allions à Vancouver?

Des voix: Oh!

Une voix: Il n'y a donc pas de séance jeudi?

Le vice-président (M. Bill Gilmour): C'est comme ça que les choses se présentent.

Le greffier: Cependant, monsieur le président, le Grand conseil des Cris est libre demain, et le comité avait manifesté le désir d'entendre les Premières nations. Est-ce que demain mercredi vous conviendrait, monsieur le président?

Le vice-président (M. Bill Gilmour): Tout à fait.

Le greffier: Le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick nous a adressé un mémoire très intéressant et sera libre la semaine prochaine; je vais donc le convoquer.

Monsieur le président, le personnel voudrait vous demander, si possible, de tenir une brève séance à huis clos, peut-être à la fin de la séance de demain après-midi, afin de connaître les premières réactions des députés aux témoignages qu'ils ont entendus.

Le vice-président (M. Bill Gilmour): D'accord.

Je voudrais remercier les témoins, le temps ne nous a pas gâtés, et nous a causé du retard. Nous avons dû un peu hâter les choses, afin d'entendre tout le monde, et je vous présente les excuses du comité. Je vous remercie.

La séance est levée.