Passer au contenu
Début du contenu

ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 octobre 1997

• 0904

[Traduction]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Nous pourrions, comme point de départ, inviter les témoins à prendre place à la table.

[Français]

Bonjour, mesdames et messieurs. Nous travaillons aujourd'hui conformément au paragraphe 108(2) du Règlement. Il s'agit d'une étude sur l'initiative d'harmonisation du Conseil canadien des ministres de l'environnement.

[Traduction]

Auriez-vous l'obligeance de vous présenter et de préciser l'ordre dans lequel vous prendrez la parole?

Le comité vous souhaite la bienvenue.

M. Mark Winfield (directeur de recherche, Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement): Monsieur le président, je suis le directeur de recherche à l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement.

• 0905

M. Muldoon et moi-même vous ferons un exposé conjoint au nom de l'Institut que je représente et de l'Association canadienne du droit de l'environnement. M. Beauchemin prendra ensuite la parole au nom du Centre Québécois du Droit de l'Environnement, puis ce sera au tour de M. Shrybman, pour le compte du West Coast Environmental Association.

Le président: Pourriez-vous, à l'intention des nouveaux membres du comité, nous décrire rapidement votre organisme, son fonctionnement et ses objectifs?

M. Mark Winfield: Je le ferai en premier. Ensuite, les autres vous les décriront peut-être au début de leur exposé.

L'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement (ICDPE) est un organisme indépendant, à but non lucratif, qui se consacre à la recherche et à l'information en matière de droit et de politique de l'environnement. À ses tout débuts, en 1970, il portait le nom de Fondation canadienne de recherche du droit de l'environnement.

L'Institut suit de près l'initiative d'harmonisation environnementale du CCME depuis quatre ans et a rédigé plusieurs mémoires détaillés sur les différentes ébauches de l'accord qui ont circulé. Vous les trouverez en annexe du mémoire que je vous expose aujourd'hui. Le greffier en a aussi reçu copie.

Mon exposé d'aujourd'hui porte essentiellement sur le mémoire conjoint qu'ont déposé l'institut et l'Association canadienne du droit de l'environnement auprès de votre comité. À la première page, vous trouverez un résumé en français. Je m'excuse de n'avoir pas pu faire traduire tout le document, mais nous n'en avions tout simplement pas le temps.

Je commencerai par vous donner un bref aperçu de l'évolution de l'initiative d'harmonisation telle que nous l'avons vécue, puis je vous donnerai brièvement notre opinion au sujet du contenu de l'accord et des ententes auxiliaires.

M. Muldoon se consacrera, lui, aux répercussions qu'aurait l'Accord sur la protection environnementale au Canada s'il était adopté et il vous décrira brièvement ce que nous préconisons comme moyen d'obtenir une meilleure coordination et coopération entre les différents ordres de gouvernement sur ce plan.

L'idée de l'initiative d'harmonisation environnementale du CCME remonte au bref passage de Kim Campbell au pouvoir en 1993, lorsque le gouvernement fédéral semblait disposé à jouer un rôle plus effacé en matière d'environnement. À l'automne de 1993, on a décidé d'accorder la priorité à l'initiative. Les premiers documents ont été rendus publics durant l'été de 1994. Ils précisaient que cet exercice avait pour objet d'éliminer les «chevauchements et recoupements» des programmes environnementaux fédéraux et provinciaux.

À l'automne de 1994 était rendue publique l'ébauche d'une entente-cadre et de quatre annexes portant respectivement sur les évaluations environnementales, les affaires environnementales internationales, l'application de la loi et les approbations. Le processus a ralenti brièvement à l'été de 1995, en raison en grande partie des réserves exprimées par le gouvernement fédéral, particulièrement dans le domaine de l'évaluation environnementale. Toutefois, en raison des pressions exercées par les provinces, l'initiative a été ravivée et, en novembre 1995, on accouchait d'un document, intitulé Entente-cadre pour la gestion de l'environnement, et d'une série de 11 annexes touchant tous les aspects presque de la gestion de l'environnement au Canada.

Selon nous, ce document posait de graves problèmes. On y préconisait, dans les faits, la cession au CCME de la responsabilité fédérale relative à l'élaboration d'une politique nationale de l'environnement et du pouvoir de décision et on proposait de confier aux provinces et aux territoires la plupart des activités importantes de protection de l'environnement menées par le gouvernement fédéral—c'est-à-dire l'application de la loi et l'évaluation environnementale.

L'entente-cadre a fait l'objet de nombreuses critiques; on lui reprochait d'être irréalisable. De fait, elle créait ce qui, dans la pratique, deviendrait un nouvel ordre national de gouvernement qui n'aurait pas de comptes à rendre à une assemblée législative ou à l'électorat. Dans notre propre commentaire à son sujet, nous l'avons décrit comme un modèle de fédéralisme dysfonctionnel.

• 0910

À sa réunion de mai 1996, le CCME, confronté à l'opposition de nombreux secteurs, a donc remplacé l'entente projetée par une proposition faisant appel à un texte plus court et pancanadien d'harmonisation environnementale et à trois ententes de principe auxiliaires concernant les inspections, les normes et les évaluations environnementales. Ce sont là essentiellement les textes que vous avez devant vous et que le CCME projette manifestement de signer à la réunion qu'il tiendra à St. John's, au début de novembre.

Les critiques que nous et d'autres avons faites de cette initiative viennent essentiellement de deux sources: la première vient de la justification de cette entreprise et la seconde, de la nette orientation vers la dévolution au CCME et aux provinces et territoires des responsabilités fédérales en matière d'environnement.

En ce qui concerne la justification de ce projet, nous estimons que les promoteurs n'ont pas réussi à faire la preuve du problème que l'accord et les ententes auxiliaires sont censés résoudre, soit les recoupements et les chevauchements. Nul n'a vraiment fait de recherche à ce sujet au cours des quatre dernières années pendant lesquelles l'initiative était en gestation.

En fait, la seule étude commandée par le CCME et exécutée par KPMG Management Consultants, qui l'a achevée en 1995, constatait qu'il y a, en réalité, peu de recoupements et de chevauchements entre les programmes environnementaux fédéraux et provinciaux et que les économies réalisées par les provinces grâce au projet seraient marginales.

De plus, on s'est rendu compte au cours des deux dernières années que l'initiative est de plus en plus dictée par des impératifs qui n'ont rien à voir avec l'environnement, particulièrement par la volonté du gouvernement fédéral de prouver qu'il est possible de renouveler le fédéralisme sans passer par des négociations constitutionnelles.

En ce qui concerne la teneur comme telle de l'ébauche de l'accord et des ententes auxiliaires, nous avons pris conscience, à leur examen, que leur objectif premier est la définition de champs de compétence exclusifs en matière d'environnement pour chaque ordre de gouvernement et d'empêcher qu'un puisse marcher dans les plates-bandes de l'autre. En fait, certains ont affirmé que, plutôt que de vouloir faciliter la coopération et la collaboration entre les différents gouvernements, l'accord semble refléter la volonté des gouvernements de ne pas se concerter et de définir les sphères exclusives de responsabilité.

Les dispositions de l'accord, les ententes auxiliaires concernant le guichet unique de prestation des services et, plus particulièrement, les dispositions prévoyant la non-intervention sont particulièrement éloquentes à ce sujet.

Selon nous, par cet accord et ces ententes auxiliaires, on cherche nettement à pelleter les responsabilités fédérales dans la cour des provinces, fait particulièrement évident dans les dispositions et ententes auxiliaires portant sur des points précis. Ainsi, l'entente auxiliaire relative aux inspections confierait aux provinces et aux territoires la responsabilité d'inspecter les installations industrielles et municipales, y compris, semble-t-il, l'inspection aux fins de faire respecter les exigences fédérales actuelles et futures en matière de protection environnementale.

Voilà qui nous préoccupe sur plus d'un plan. La capacité du gouvernement fédéral de réagir à un problème imminent si une province ne le fait pas nous préoccupe particulièrement. Selon nous, conjuguée au libellé de l'entente auxiliaire qui prône la non-intervention, elle donne aussi lieu à une sérieuse remise en question du principe de la responsabilité ministérielle.

À nouveau l'entente auxiliaire concernant les normes confierait la responsabilité de l'application de normes pancanadiennes, susceptibles de s'appliquer à des installations industrielles et municipales, aux provinces et aux territoires. Nulle part il n'est question de l'exercice du pouvoir législatif ou du pouvoir de réglementation du gouvernement fédéral à cette fin, et l'application des présumées normes est laissée entièrement à la discrétion des gouvernements provinciaux et territoriaux. Ce point—que l'application est laissée entièrement à la discrétion des provinces—revient non seulement dans l'accord, mais il est repris au mois trois fois dans les ententes auxiliaires.

L'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale a été l'un des aspects les plus controversés de l'Initiative d'harmonisation. La dernière ébauche qui a été rendue publique, en avril 1997, dit essentiellement que le gouvernement fédéral effectuera des évaluations environnementales uniquement si le projet a lieu sur des terres fédérales, qu'autrement, il se fiera au processus d'évaluation environnementale de la province pour obtenir les renseignements qu'il lui faut pour faire sa propre évaluation.

Plusieurs membres des milieux universitaire et environnementaliste ayant de l'expertise dans le domaine de l'évaluation environnementale et de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ont analysé l'entente auxiliaire. Ils sont tous d'avis que cet arrangement exigera d'importantes modifications à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, modifications qui lui enlèveront beaucoup de mordant. Dans la série d'annexes au mémoire, vous trouverez un mémoire détaillé sur l'entente auxiliaire en matière d'évaluation environnementale.

• 0915

J'aimerais aussi, très brièvement, porter à votre attention d'autres points soulevés par l'accord et les ententes auxiliaires. Notez particulièrement les engagements pris par les gouvernements en vue de modifier les lois, les programmes et les budgets de manière à mettre en oeuvre l'accord et les ententes auxiliaires.

J'attire aussi votre attention sur le fait qu'il n'y a pas, ni dans l'accord ni dans les ententes auxiliaires, de disposition de temporisation et que toutes les décisions ou modifications apportées à l'accord ou aux ententes exigent le consentement unanime. À notre avis, on risque ainsi l'impasse et le choix du plus bas dénominateur commun.

Voilà qui termine mon exposé. Paul va maintenant vous parler des répercussions de l'accord, s'il est adopté.

M. Paul Muldoon (conseiller juridique, Association canadienne du droit de l'environnement): Mesdames et messieurs, je vous souhaite le bonjour!

L'Association canadienne du droit de l'environnement, dont le siège social est à Toronto, a été mandatée, sous le régime de l'aide juridique de l'Ontario, pour représenter ceux qui éprouvent des difficultés sur le plan environnemental et qui ont droit à l'aide juridique. Elle compte aussi parmi ses attributions de proposer des modifications aux lois en vue d'améliorer le droit et la politique en matière d'environnement au Canada.

Je préside aussi le groupe des matières toxiques du Réseau canadien de l'environnement. C'est ce groupe qui a récemment pris l'initiative de coordonner la participation des groupes environnementaux à la réforme de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Aujourd'hui, j'aimerais vous parler brièvement des conséquences qu'aura l'Accord d'harmonisation, particulièrement en ce qui concerne la dévolution. Ensuite, je vous parlerai de l'effet qu'il aura sur les lois fédérales en matière d'environnement, puis je tirerai quelques conclusions.

Pour ce qui est des conséquences de la dévolution, il y a cinq raisons pour lesquelles cette dévolution n'est pas une bonne idée et pourquoi ce principe va à l'encontre de l'accord. La première a trait à la nature historique du fédéralisme dans l'élaboration de la politique environnementale. L'Accord d'harmonisation laisse croire que le fédéralisme nuit à la politique environnementale. Selon nous, le fait que deux ordres de gouvernement aient compétence en matière d'environnement est un atout, plutôt qu'un obstacle. Le fédéralisme fournit un système de freins et de contrepoids qui permet à un ordre de gouvernement d'intervenir si un autre ne réagit pas.

Notre mémoire fait valoir plusieurs exemples, mais selon moi le plus évident est le règlement fédéral sur les effluents des usines de pâtes et papiers entré en vigueur il y a quelques années. Ce règlement de lutte contre les rejets des usines de pâtes et papiers avait suscité toute une controverse. Ce genre de pollution ne serait pas limité aujourd'hui si ce n'était de l'intervention du gouvernement fédéral. Certains effluents sont extrêmement dangereux et ils ne seraient pas restreints si le gouvernement fédéral n'avait pas prévu un seuil de protection minimale pour tous les Canadiens. L'Ontario et la Colombie-Britannique ont pris des mesures encore plus draconiennes. La plupart des provinces, cependant, utilisent la norme fédérale.

Voilà un bel exemple de la nécessité d'avoir un système fédéral pour faire en sorte que tous les Canadiens jouissent d'une protection minimale.

La deuxième raison pour laquelle la dévolution pose problème concerne le mandat constitutionnel du gouvernement fédéral. Dans un arrêt qu'elle a rendu récemment au sujet d'Hydro-Québec, la Cour suprême du Canada a souligné que la protection de l'environnement était un des grands défis de notre époque. Elle a aussi fait remarquer que l'environnement était une valeur fondamentale et que le Parlement est libre d'exercer son pouvoir en matière de droit criminel pour la défendre.

Nous soutenons que le gouvernement fédéral a le devoir inhérent de protéger ces valeurs en appliquant le droit pénal et en exerçant d'autres pouvoirs que lui confère la Constitution. En d'autres mots, alors que la Cour suprême du Canada renforce en fait le mandat constitutionnel du gouvernement fédéral en la matière, le gouvernement fédéral lui-même s'apprête à céder des pans entiers de son rôle et de ses responsabilités en matière d'environnement aux provinces. Le paradoxe est intéressant.

• 0920

La troisième raison concerne les efforts antérieurs déployés en ce sens. L'harmonisation n'a rien de nouveau. De nombreuses tentatives ont été faites en vue d'administrer des accords d'équivalence, sous le régime tant de la Loi sur les pêches que de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, afin d'harmoniser les exigences fédérales et provinciales.

Notre organisme s'est efforcé, en invoquant à la Loi sur l'accès à l'information, d'évaluer l'efficience et l'efficacité de ces autres arrangements. En dépit de nos meilleurs efforts, durant la dernière année, nous avons été incapables d'obtenir une réponse claire quant à ce qui se fait actuellement en matière d'accords administratifs et d'accords d'équivalence. Nous avons posé des questions, sans résultats. Nous vous demandons donc, en tant que comité, de poser ces questions au gouvernement fédéral. Vous aurez ainsi une meilleure idée des résultats qu'ont donnés les efforts antérieurs. Voici les cinq questions que j'aimerais que vous posiez.

Combien d'arrangements ont été pris par le gouvernement fédéral et les provinces sous le régime de la Loi sur les pêches et de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et quelle en est la nature?

Combien de fonctionnaires provinciaux ont été désignés aux termes des lois fédérales, particulièrement de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et de la Loi sur les pêches, en vue d'assumer des fonctions fédérales?

Ces arrangements prévoient la présentation de quels rapports, et dans quelle mesure ces exigences ont-elles été respectées?

Dans le cadre de ces arrangements, combien de poursuites ont été lancées par les instances à la fois fédérales et provinciales? Quel était le niveau de performance de l'industrie avant et après la conclusion de ces arrangements?

Vous constaterez, je crois, qu'il n'est pas facile d'obtenir réponse à ces questions. Je soupçonne même que certaines réponses vous déconcerteront. Par exemple, nous avons demandé à obtenir le matériel de formation distribué aux fonctionnaires provinciaux désignés pour agir comme agent fédéral. La seule chose que nous ayons réussi à obtenir était 10 pages de transparents décrivant ce qu'est la responsabilité d'un agent fédéral ou la responsabilité du gouvernement fédéral quand un fonctionnaire provincial est désigné. Il faut donc que l'on réfléchisse beaucoup plus à ces arrangements avant de les mettre en oeuvre.

La quatrième raison pour laquelle nous sommes contre la dévolution, c'est la perte de capacité provinciale et territoriale. En réalité, tant le gouvernement fédéral que les provinces sont en train de réduire les ressources affectées à l'environnement. Le gouvernement fédéral projette de régler la situation en cédant sa responsabilité aux provinces. C'est un peu comme une partie de football. Le gouvernement fédéral souhaite passer le ballon, mais il n'y a personne pour l'attraper. Les provinces n'ont tout simplement pas la capacité voulue, et bon nombre d'entre elles n'en ont pas la volonté. Ainsi, les mesures prises en matière d'environnement se solderont par un cumul de maladresses. Vous trouverez dans notre mémoire les données statistiques. Je vous demanderais de vous y arrêter brièvement.

En Ontario, le budget du ministère de l'Environnement a diminué de 35 à 40 p. 100 depuis 1995. En Alberta, le recul est de plus de 30 p. 100. À Terre-Neuve, il excède 50 p. 100, et ainsi de suite. Il n'est donc pas étonnant que le ministère ontarien des Ressources naturelles ait, le 18 septembre, rendu au gouvernement fédéral sa responsabilité en matière d'application de la Loi sur les pêches en raison de compressions budgétaires. Donc, pendant que le ministère de l'Ontario rend au gouvernement fédéral ses responsabilités en matière d'application de la loi, l'Accord d'harmonisation est sur le point de pelleter d'énormes autres responsabilités dans la cour des ministères provinciaux. Comment peut-on justifier pareille absurdité?

Le cinquième argument que l'on peut invoquer contre la dévolution, c'est qu'elle se traduirait par une perte de la capacité du gouvernement fédéral. Comme nous l'avons indiqué plus tôt, l'un des éléments clés de l'Accord sur l'harmonisation, c'est qu'un seul ordre de gouvernement peut intervenir à l'exclusion des autres. La question qui se pose alors est la suivante: si les responsabilités relatives aux normes, aux inspections, à l'application et à l'élaboration de la politique sont remises aux provinces, combien de temps le gouvernement fédéral pourra-t-il conserver sa capacité en la matière? Deux, trois ou cinq ans?

À mon avis, si le gouvernement n'use pas de sa capacité, il la perdra. Comment, en tant que comité, pouvez-vous justifier la part du budget relative à une telle capacité du gouvernement fédéral en matière d'application, d'établissement de normes et d'élaboration de politiques alors qu'il n'en use pas? Dans quelle mesure pouvez-vous justifier des affectations budgétaires fondées sur la vague hypothèse qu'il pourrait éventuellement user de cette capacité à un moment donné? À notre avis, il se pourrait que le gouvernement fédéral soit juridiquement en mesure d'intervenir en vertu de l'Accord sur l'harmonisation, mais il n'aura pas la capacité concrète de le faire.

• 0925

C'est ce qui ressort clairement d'une note de service envoyée par le sous-ministre Ian Glen en septembre dernier au personnel d'Environnement Canada—cette note de service se trouve dans notre documentation—soulignant que l'initiative d'harmonisation permet de justifier la suppression de 200 postes de plus à Environnement Canada, dans les secteurs des mines, des produits pétrochimiques et des pâtes et papiers. Est-ce que les Canadiens se rendent véritablement compte des répercussions sur les futures lois et politiques environnementales au palier fédéral? Cela s'ajoute aux 1 500 emplois supprimés au cours des trois dernières années.

Je viens de donner les cinq raisons pour lesquelles la dévolution pose des problèmes en matière de lois et politiques environnementales, mais quelles en sont les répercussions sur les futures lois et politiques environnementales fédérales? À mon avis, le gouvernement fédéral sera dorénavant limité pour ce qui est de l'élaboration de lois fédérales sur l'environnement. L'Accord sur l'harmonisation est une brèche dans le pouvoir législatif du gouvernement fédéral. C'est exactement la raison pour laquelle il survient. Les provinces ne veulent pas que le gouvernement fédéral intervienne en matière d'environnement. Ce n'est pas une conspiration. C'est simplement une stratégie visant à exclure le gouvernement fédéral de la politique et du droit en matière d'environnement. Si cet accord est signé le 4 novembre, c'est exactement ce qui se produira.

On peut se demander comment nous pouvons prouver pareille chose. J'ai trois arguments. Tout d'abord, j'attire votre attention sur le paragraphe 2(2) du projet de loi C-74, la nouvelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement, laquelle est subordonnée à tout accord intergouvernemental, comme l'Accord sur l'harmonisation. Par conséquent, même si notre gouvernement s'engage à promulguer une nouvelle loi sur la protection sur l'environnement, nous pensons qu'une telle loi sera caduque, à cause de l'Accord sur l'harmonisation.

Le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a publié à l'intention du public une politique sur les substances toxiques. Il est clair que cette politique vise à limiter la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et essentiellement à retirer au fédéral la formulation de politiques pour la confier au CCME.

Troisièmement, j'aimerais vous faire remarquer que grâce à la Loi sur l'accès à l'information, nous avons reçu quelques extraits du procès-verbal de la réunion du 7 mai du Conseil de gestion d'Environnement Canada. Nous vous les avons fait parvenir et les avons remis à votre greffier. Nous prétendons que l'harmonisation déterminera la façon dont le gouvernement fédéral usera de son pouvoir législatif. Le procès-verbal semble appuyer ce point de vue. Je cite:

    L'harmonisation, la LCPE et la Loi sur les espèces en voie de disparition... sont des dossiers connexes qu'il faut aborder dans le cadre d'une seule stratégie afin de pouvoir mettre au courant le nouveau ministre dès sa nomination. Cette stratégie devrait tenir compte des points de vue du BCP.

D'après moi, il s'agit d'un programme global. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement et la Loi canadienne sur les espèces en voie de disparition découleront de l'harmonisation, une fois celle-ci mise en place. C'est un tout.

Je vais conclure par deux ou trois remarques. Tout d'abord, il faut être au courant de ce qui s'est passé ces six derniers mois. Si vous lisez les journaux, vous avez remarqué qu'il a beaucoup été question de la crise du saumon du Pacifique, de l'incendie Plastimet à Hamilton, de l'explosion à l'installation de gestion de déchets dangereux de Swan Hills, de l'annonce de Ontario Hydro...

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur Muldoon, vous allez un peu trop vite pour nous, nouveaux députés, et peut-être même pour certains des anciens députés.

Le président: Prenez votre temps.

Mme Aileen Carroll: Oui, prenez votre temps.

Le président: Il en est maintenant à la page 18 de son allocution.

Mme Aileen Carroll: Merci.

• 0930

M. Paul Muldoon: J'allais conclure en parlant de certains événements qui se sont produits au Canada ces derniers mois. Je veux parler de l'incendie Plastimet à Hamilton, de la crise du saumon du Pacifique, de l'explosion à l'installation de gestion de déchets dangereux de Swan Hills, de la publication du rapport de la Commission nord-américaine de coopération environnementale à propos de la mauvaise performance du Canada aux États-Unis en matière de pollution; de l'intention d'Ontario Hydro de fermer sept réacteurs nucléaires... et ainsi de suite. Tout cela est énuméré à la page 21 de notre mémoire.

Ce qui s'est passé ces derniers mois, ainsi que l'arrêt de la Cour suprême du Canada, indiquent que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent adopter une approche différente de celle préconisée par l'Accord sur l'harmonisation.

L'accord proposé définit en termes rigides les rôles des gouvernements fédéral et provinciaux. Il s'agit essentiellement de limiter les fonctions fondamentales et l'autonomie du gouvernement fédéral. L'accord restreindrait considérablement l'innovation en matière de politique environnementale au palier provincial.

À notre avis, il faudrait plutôt mettre l'accent sur les défis réels et, dans de nombreux cas, les défis de plus en plus importants auxquels le Canada est confronté. Pour régler efficacement le problème, il faudrait que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux collaborent et coopèrent étroitement. Il faut s'efforcer de prendre les mesures essentielles qui s'imposent relativement à la protection et au bien-être des générations actuelles et futures de Canadiens. En même temps, une solide présence fédérale s'impose afin de renforcer et appuyer les efforts des provinces et des territoires.

On ne peut arriver à de tels résultats dans le cadre de l'Accord sur l'harmonisation dont l'adoption est prévue début novembre. Une approche fondamentalement différente permettant de relever les réels défis environnementaux du Canada pour les prochaines générations et à l'aube du prochain siècle s'impose. Merci.

Le président: Merci, monsieur Muldoon.

Avant de passer au prochain intervenant, puis-je lui rappeler, chose que j'aurais dû faire au début, de s'en tenir le plus possible à la règle des 10 minutes.

Qui est le prochain intervenant?

[Français]

M. Marc Beauchemin (président, Centre québécois du droit de l'environnement): Je m'appelle Marc Beauchemin et je suis président du Centre québécois du droit de l'environnement.

Le Centre québécois du droit de l'environnement existe depuis 1983. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif qui a pour principaux buts et objets la recherche et l'étude des lois et règlements en matière environnementale, que ce soit au Québec, au Canada ou à l'échelle internationale, surtout dans le cadre de libre-échange que l'on vit en ce moment.

Il a également pour mission d'assurer l'accès de tous les citoyens à la justice environnementale. À cet égard, le Centre est intervenu à titre de personne intéressée, aussi bien devant la Cour supérieure que la Cour d'appel et la Cour suprême du Canada dans différents dossiers mettant en cause des questions de droit de l'environnement qui ont été considérées comme étant importantes.

À cet égard, le Centre a été considéré par les tribunaux comme le représentant de l'intérêt public en matière d'environnement.

Je ne veux pas répéter ce que mes collègues, Mark Winfield et Paul Muldoon, ont indiqué. J'abonde entièrement dans le sens de ce ce qu'ils ont avancé. J'aimerais simplement mettre l'accent sur deux choses, soit l'absence de justification—je pense qu'on n'y reviendra jamais assez souvent—et l'absence de moyens et de volonté d'agir des provinces en matière d'environnement.

L'absence de justification est claire, je pense. Le Rapport KPMG ne tient plus. D'ailleurs, je pense que les autorités fédérales ne le citent plus comme étant la source ou la cause de cette procédure d'harmonisation.

D'autres études ont également été faites sur toutes les questions de chevauchement. Qu'on pense à certaines études faites par le Fraser Institute ou encore par le Centre patronal de l'environnement du Québec. Ces mêmes études, après analyse, ont été décriées par des professeurs de droit selon lesquels elles n'étaient fondées sur rien de concret. Dans les faits, il faut ailleurs chercher la justification de ce processus d'harmonisation.

Il eût été agréable de prétendre que la justification se trouvait dans la protection de l'environnement. Or, il faut convenir que la seule justification qui semble exister en est une constitutionnelle ou, à tout le moins, une qui a trait aux relations fédérales-provinciales en pareille matière.

• 0935

La justification n'est pas d'origine environnementale. Le but de l'accord d'harmonisation n'est pas d'assurer une meilleure protection de l'environnement ou d'accorder aux Canadiens et aux Canadiennes une meilleure protection de leur environnement. Le but de l'entente d'harmonisation, c'est de transférer aux autorités provinciales des pouvoirs qu'a actuellement l'autorité fédérale. C'est l'essentiel des buts visés par l'accord d'harmonisation. C'est là mon premier point.

Deuxièmement, parlons de l'absence de moyens et de volonté. On ne peut penser à transférer des responsabilités sans également envisager de transférer les enveloppes budgétaires qui doivent y être jointes. Or, l'accord d'harmonisation, tel qu'il est entrevu, ne prévoit nullement le transfert par l'autorité fédérale des budgets reliés au contrôle, aux inspections ou aux standards. Dans les faits, on transfère à l'autorité provinciale des pouvoirs sans transférer les sommes qui y sont affectées, ce qui alourdit les responsabilités provinciales en matière d'environnement. Cela concerne l'absence de moyens.

Les provinces, il faut le constater, ont procédé à des coupures importantes en matière d'environnement. Au Québec, le nombre de fonctionnaires au sein du ministère de l'Environnement a été coupé de moitié dans les cinq dernières années. Le budget du ministère de l'Environnement a subi des coupures de plus de 100 millions de dollars. Il y a eu récemment le démantèlement complet du contentieux du ministère de l'Environnement et de la Faune. Autrement dit, le gouvernement du Québec s'est débarrassé de tous les outils ou de presque tous les outils qu'il avait à sa disposition pour mettre en oeuvre et en application la législation et la réglementation provinciale.

Et maintenant, par cet accord d'harmonisation, on reçoit de nouvelles responsabilités. On est peut-être bien heureux de les recevoir, mais ce que je dis aux membres de ce comité, c'est qu'on n'a pas les moyens de mettre en oeuvre ces nouvelles responsabilités.

Les priorités économiques sont celles qui priment au ministère de l'Environnement. Il faut s'en rendre compte. Il faut s'en convaincre et, à partir de ce moment-là, il faut s'assurer que là où sont en ce moment les responsabilités, elles demeurent. Autrement dit, il faut s'assurer que le gouvernement fédéral conserve celles qu'il a et qu'il alloue les sommes nécessaires à leur mise en oeuvre afin d'assurer une meilleure protection de l'environnement.

Si cela n'est pas fait, on pourra conclure que la tentative d'harmonisation est basée soit sur des motifs de nature constitutionnelle ou de relations fédérales-provinciales, soit sur la seule intention du gouvernement fédéral de réduire son déficit ou les budgets d'Environnement Canada.

Nous connaissons tous le jugement qu'a rendu la Cour suprême du Canada, il y a quelques semaines, dans l'affaire mettant en cause Hydro-Québec. On peut légitimement se poser la question suivante: si l'accord d'harmonisation avait été concrétisé, aurait-on connu ce jugement de la Cour suprême? La réponse est non. Pourquoi? Parce que l'harmonisation présume que tout le contrôle se fera par les provinces.

Dans le dossier d'Hydro-Québec, le ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec n'avait jamais porté quelque accusation que ce soit contre Hydro-Québec, alors que l'infraction semblait très claire. Seul Environnement Canada l'avait fait. Il a fallu qu'on se rende jusqu'en Cour suprême pour, en bout de ligne, recevoir une dictée de la cour disant que d'abord la loi était légale, ensuite que les accusations sur le plan du droit étaient bien fondées et enfin que le dossier pouvait aller de l'avant.

Une des conséquences de l'harmonisation, c'est que des infractions importantes comme celles-là resteront probablement impunies par manque de volonté, ou on va leur donner tout le crédit qui leur revient à cause d'un manque de moyens. À partir du moment où on vit les contraintes budgétaires que l'on vit, on doit s'assurer qu'aucune responsabilité n'est transférée sans que les sous qui y sont rattachés le soient également.

• 0940

C'est là l'essentiel des remarques que j'avais à formuler. Comme je vous l'ai indiqué au départ, j'abonde entièrement dans le sens des autres remarques qui ont été formulées par mes collègues, MM. Winfield et Muldoon.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Beauchemin.

[Traduction]

Monsieur Shrybman, voulez-vous prendre la parole?

M. Stephen Shrybman (directeur général, West Coast Environmental Law Association): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.

Je suis directeur général de la West Coast Environmental Law Association, organisme pour la promotion de l'intérêt public dont la mission consiste à offrir des services juridiques à des particuliers et à des groupes qui autrement ne pourraient pas se permettre de retenir les services d'un avocat.

Je devrais pour commencer m'excuser de ne présenter mon mémoire que dans l'une des deux langues officielles du Canada. Compte tenu du court préavis, nous n'avons tout simplement pas eu le temps de faire traduire le document. Je devrais également indiquer que nous partageons l'avis de nos collègues qui ont comparu ce matin en ce qui concerne l'importance de cet accord.

J'aimerais soulever certains points qui n'ont pas encore été abordés dans ce débat au sujet de l'Accord sur l'harmonisation. Il s'agit de savoir comment l'accord s'inscrit dans le contexte des engagements internationaux auxquels le Canada a souscrit en vertu de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce, car dans la liste des objectifs de l'harmonisation, l'accord ne mentionne pas celui qui pourrait avoir l'impact le plus important, c'est-à-dire faire en sorte que tous les paliers de gouvernement du Canada respectent les obligations contractées par le Canada en matière de règlements environnementaux définis par l'Organisation mondiale du commerce et l'ALENA. Ces obligations imposent des restrictions considérables aux prérogatives des gouvernements du Canada en matière de réglementation de l'environnement.

Lorsqu'on lit l'accord à la lumière des engagements du Canada en matière de commerce international, trois questions se posent.

Premièrement, en raison du moment où il est proposé et de son contenu, l'Accord sur l'harmonisation semble véritablement reprendre les règles d'harmonisation que l'on peut trouver dans l'Accord relatif aux obstacles techniques au commerce de l'Organisation mondiale du commerce. Il instaure un régime international d'harmonisation de normes qui prévoit des plafonds en matière de réglementation environnementale, mais pas de seuil.

Deuxièmement, lorsqu'on examine l'Accord sur l'harmonisation et en particulier les parties de l'accord que les environnementalistes devraient appuyer—essentiellement les principes de la prudence, du pollueur-payeur, de la prévention de la pollution—on se rend compte d'une contradiction évidente entre ces principes et ceux auxquels le Canada a souscrit en vertu de l'OMC. Il n'est pas fait mention dans les règles de l'OMC du principe de la prudence, le principe du pollueur-payeur y est rejeté et le principe de prévention de la pollution n'y est nullement appuyé.

Enfin, les arrangements constitutionnels du Canada isolent les provinces jusqu'à un certain point des règles commerciales internationales contraignantes dans le domaine de la réglementation environnementale. En soulignant l'importance du CCME, lequel permettrait au Canada d'atteindre ses objectifs environnementaux, il semble que la protection contre les régimes commerciaux dont jouissent les provinces sera considérablement réduite.

Permettez-moi donc de développer chacun de ces trois points. Pour expliquer comment les deux cadrent l'un avec l'autre—l'Accord sur l'harmonisation et l'Organisation mondiale du commerce—permettez-moi de vous donner un bref aperçu de l'Organisation mondiale du commerce, qui est de loin le régime commercial international le plus important auquel souscrit le Canada.

En vertu de l'OMC, les normes environnementales font l'objet du chapitre intitulé «Accord relatif aux obstacles techniques au commerce»—ce qui en dit long sur l'orientation du commerce en général. Cet accord instaure un régime international d'harmonisation de normes. En vertu de ce régime, le Canada est obligé d'adopter les normes internationales lorsque de telles normes existent.

• 0945

En l'absence de normes internationales, ou lorsque le Canada décide de s'écarter des normes internationales, il doit, dans le cadre d'un processus très lourd, avertir tous les autres membres de l'OMC de son intention de réglementation, réagir à leurs observations et à leurs critiques, donner à tout autre pays du monde suffisamment de temps pour s'adapter au plan de la production afin de respecter les nouvelles normes du Canada—il s'agit d'un processus très lourd. En l'absence de normes internationales, il incombe donc au Canada de prouver qu'il ne fixe pas de norme environnementale dans le seul but d'entraver le commerce international.

Cela vise donc à favoriser le dénominateur commun le plus bas en matière de réglementation environnementale, à tous les niveaux.

Cela a pour effet d'interrompre la dynamique essentielle de la réforme progressive du droit qui, pendant de nombreuses années a été une dynamique de «mimétisme». Nous savons tous quels pays donnent l'exemple. C'est la Suède, chef de file en ce qui concerne les émissions des incinérateurs de déchets, la Californie pour les émissions de voitures, l'Ontario pour les boîtes bleues de recyclage, la Colombie-Britannique pour les effluents d'usines de pâtes à papier; en tant qu'environnementalistes, nous essayons de convaincre nos propres gouvernements de suivre l'exemple.

Pour interrompre la dynamique essentielle de la réglementation progressive de l'environnement, il faut s'assurer que personne ne joue le rôle de chef de file, mais plutôt que tout le monde s'entend sur les décisions à prendre et uniquement dans la mesure où tout le monde accepte la nécessité de normes environnementales.

Par conséquent, les contraintes que l'on retrouve dans le contexte canadien où les provinces s'intéressent plus ou moins aux initiatives environnementales, sont exacerbées lorsque l'on envisage la question dans le contexte international et lorsqu'il faut obtenir l'accord de la centaine de pays membres de l'OMC avant de prendre quelque décision que ce soit.

Non seulement le Canada a-t-il accepté de soumettre ses propres initiatives environnementales à cette norme rigoureuse, mais il s'est également engagé à déployer tous les efforts raisonnables pour faire en sorte que les gouvernements provinciaux se conforment à ces règles commerciales. Fait intéressant, l'Accord sur l'harmonisation survient en 1993, au moment même où l'Accord relatif aux obstacles techniques au commerce est négocié dans le cadre du GATT; c'est comme si l'instauration d'un tel régime au plan national permettait au Canada de montrer qu'il remplit ses engagements internationaux.

À d'autres égards, toutefois, les deux accords ne cadrent pas, car le Canada parle du principe de la prudence ou du principe du pollueur-payeur, alors que ces principes ont été explicitement rejetés au cours des négociations commerciales. Vous ne les trouverez pas dans l'Accord relatif aux obstacles techniques au commerce. Ils n'y sont pas.

Les gouvernements qui ne remplissent pas leurs obligations en vertu de ces règles commerciales font rapidement l'objet de sanctions.

La première affaire dont a été saisie l'OMC visait les règlements de la loi américaine «Clean Air Act» relatifs à la composition de l'essence. Ce sont des entreprises de raffinage étrangères qui ont porté plainte, parce qu'elles ne voulaient pas faire d'investissements dans le but d'améliorer les processus de raffinage qui s'imposaient pour se conformer aux règles américaines. Cette contestation commerciale a été déclarée recevable, comme toute autre contestation commerciale visant des règlements environnementaux ou de conservation des ressources.

Le groupe de règlement des différends en est arrivé à une conclusion en moins de 11 mois—il y a eu décision du groupe, puis appel et le tout a été réglé en l'espace de 11 mois—à savoir que les États-Unis avaient deux options: supprimer les parties du Clean Air Act qui contrevenaient aux règles du commerce international ou verser des dommages-intérêts de l'ordre de 150 millions de dollars américains par an aux entreprises de raffinage étrangères.

C'est au Canada que l'on assiste actuellement à un autre litige commercial mettant en lumière la gravité des conséquences qui s'imposent lorsqu'on ne respecte pas les obligations contractées en vertu des règles du commerce international: la Ethyl Corporation conteste la réglementation fédérale interdisant l'utilisation de MMT dans l'essence. Ces poursuites, intentées en vertu des dispositions relatives aux poursuites des États membres du chapitre 11 de l'ALENA, visent le versement par le gouvernement fédéral de dommages-intérêts de l'ordre de 210 millions de dollars américains en raison de la réglementation fédérale, laquelle, d'après la Ethyl Corporation, équivaut à une interdiction de fabriquer et de vendre cet additif de carburant neurotoxique dans ce pays. Ce sont des conséquences qu'aucun pays du monde ne peut se permettre de méconnaître.

• 0950

Par conséquent, lorsque le Canada souscrit aux principes de la prudence et du pollueur-payeur, ainsi qu'à l'Accord sur l'harmonisation, et que par ailleurs, il se soumet à des règles commerciales qui ne prévoient aucun de ces principes, lesquels lui permettraient de défendre des initiatives environnementales, on ne peut que conclure qu'il y a clairement divergence.

J'aimerais terminer en m'attardant sur tout ce que cela signifie pour les provinces. Le Conseil canadien des ministres de l'environnement serait, à notre avis, considéré comme un «organisme de gouvernement local» pour reprendre les termes de l'Organisation mondiale du commerce et de l'ALENA. Cela veut dire que les contraintes que j'ai décrites, qui découlent de l'Accord relatif aux obstacles techniques au commerce et d'autres aspects du régime OMC, y compris du chapitre sur les normes sanitaires et phytosanitaires concernant la réglementation des pesticides ainsi que la salubrité et la qualité des aliments—touchent directement les gouvernements nationaux, mais, au Canada, en raison de notre entente constitutionnelle, elles ne touchent pas directement les provinces.

Il ne faut pas oublier que le Canada s'est engagé à prendre des mesures pour veiller à ce que les gouvernements provinciaux respectent ces règles. Il faut penser à ce qui se produirait si le CCME n'était plus considéré comme une institution de niveau national, auquel cas il ne serait plus directement assujetti aux restrictions prévues dans le contexte du commerce international.

Pour résumer, nous croyons qu'il faut procéder à l'examen complet des éventuelles conséquences des engagements du Canada en matière de commerce international sur les répercussions d'accords fédéraux-provinciaux en matière d'environnement. Personne ne s'est penché sur la question. Personne n'a fait l'examen que je viens d'exposer de manière très superficielle devant le comité.

En l'absence d'un tel examen et compte tenu de l'existence d'un certain nombre de contradictions sérieuses et manifestes, il ne serait pas prudent, à notre avis, que l'un ou l'autre des paliers de gouvernement conclue un accord qui pourrait avoir des conséquences graves et imprévues pour le projet de réforme progressive des lois environnementales.

Il n'est pas du tout certain non plus qu'en concluant cet accord, les gouvernements provinciaux acceptent de se soumettre aux restrictions de l'Accord relatif aux obstacles techniques au commerce et à d'autres règles commerciales de l'Organisation mondiale du commerce. Merci.

Le président: Merci, monsieur Shrybman.

Nous avons entendu les témoins. Qui aimerait commencer?

Monsieur Gilmour.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Merci d'avoir comparu devant nous.

Monsieur Winfield, quand vous avez parlé d'évaluation environnementale, je n'ai pas compris si vous proposiez qu'il y ait toujours deux processus d'évaluation, soit fédéral et provincial, ou un seul.

M. Mark Winfield: Je ne dis pas que tout doit absolument se faire à un niveau. Ce que nous voulons, c'est un processus d'évaluation environnementale unique, mais qui respecte les exigences et les lois des deux paliers gouvernementaux.

En fait, nous avons en Ontario ce que nous appelons la Loi sur la jonction des audiences. Cette loi permet de regrouper les audiences qui ont lieu en vertu de diverses lois, et de ne tenir qu'une seule audience où les exigences de toutes les lois applicables seront respectées. Toutefois, si les deux paliers n'arrivent pas à s'entendre sur un processus commun, il faut alors—et je tiens à préciser que cela ne s'est encore jamais produit—que le gouvernement fédéral puisse procéder à une évaluation indépendante. En fait, c'est ce que prévoit la LCEE.

• 0955

M. Bill Gilmour: Merci. Je pense que la plupart, ici, sont en faveur de l'adoption d'un processus d'évaluation unique. Autrement, il y aurait des dédoublements.

Le problème avec la plupart des mesures que vous proposez dans votre exposé, c'est que les gouvernements fédéral et provinciaux sont à court d'argent. L'idéal serait que l'un ou l'autre des paliers se charge d'effectuer le travail avec les ressources qui existent. Au fond, ce que vous dites dans votre exposé, c'est que l'harmonisation n'est pas une bonne chose, qu'il faudrait oublier ce projet.

Je me trompe peut-être, mais j'ai de la difficulté à accepter cela pour une raison bien évidente: nous sommes à court d'argent. Est-ce que vous laissez entendre que l'harmonisation n'est pas une bonne chose, ou que l'un ou l'autre des paliers de gouvernement devrait assumer cette responsabilité? Il suffit pour cela de changer la façon dont les règles d'harmonisation ont été établies.

M. Mark Winfield: Comme Marc l'a indiqué, le problème tient, en partie, à la raison d'être de l'accord. Nous convenons dans notre mémoire que la perte de capacité des deux ordres de gouvernement constitue un problème majeur.

Toutefois, nous estimons que l'accord ne fait absolument rien pour régler ce problème. Il fait plutôt l'inverse. Il érige des barrières qui empêchent les gouvernements de travailler et de collaborer ensemble. Il essaie de les mettre dans des compartiments étanches où ils ne pourront échanger ni idées, ni ressources.

Nous devons nous attaquer aux lacunes que présente le régime canadien de protection de l'environnement. Les exemples que Paul a cités illustrent bien les lacunes qui existent.

Nous devrons sans doute établir des mécanismes bilatéraux qui permettront aux gouvernements fédéral et provinciaux de mettre leurs ressources en commun et ainsi de couvrir tous les angles. Le gouvernement fédéral sera peut-être appelé à jouer un rôle différent selon les provinces, mais cela doit se faire de façon bilatérale. Une entente multilatérale, à caractère général, ne constitue pas, à notre avis, une bonne solution.

M. Paul Muldoon: Puis-je ajouter rapidement un commentaire?

La question qu'il faut se poser est la suivante: comme on assiste à des compressions tant au palier fédéral que provincial, est-ce que l'Accord d'harmonisation permettra de régler le problème?

C'est une question tout à fait valable. Oui, les gouvernements fédéral et provinciaux ont réduit les budgets consacrés à l'environnement, mais cet accord ne permettra pas de régler le problème.

Voilà où nous voulons en venir. Nous avons demandé dès le début, en 1993, qu'une étude soit entreprise pour examiner la question des dédoublements, des chevauchements et des restrictions budgétaires. Nous voulions nous réunir pour que nous puissions, ensemble, trouver une solution au problème. C'est ce que nous voulions.

Or, au lieu de cela, ils ont proposé une solution avant même de cerner le problème. Ils ont justifié leur décision en disant que les mesures proposées élimineraient les dédoublements ou les chevauchements. Comme il n'y avait aucune preuve de l'existence de tels dédoublements ou chevauchements, ils ont invoqué, pour justifier leur geste, des motifs budgétaires. Nous leur avons demandé si leur solution permettrait de régler le problème. Nous ne le croyons pas.

Nous sommes d'avis que les problèmes en question ne disparaîtront pas. Le budget constituera toujours une source de préoccupation. Les lacunes non plus ne disparaîtront pas. L'Accord d'harmonisation ne permettra pas d'améliorer la situation dans le domaine de l'environnement. Même sur ce point, nous devons essayer de voir si cette solution est vraiment la bonne. Nous n'en sommes pas convaincus.

Le président: Monsieur Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): J'aimerais tout d'abord remercier l'ensemble des témoins de nous faire part de leur point de vue quant à cet accord. Je crois que cela devrait nous permettre d'éclaircir notre point de vue à cet égard.

Ma question s'adresse à M. Beauchemin du Centre québécois. Vous nous avez dit, monsieur Beauchemin, qu'il vous semblait que le but de cet accord était plutôt constitutionnel qu'environnemental. Vous nous avez également parlé des transferts de budgets reliés au contrôle et à l'inspection, et des standards. Finalement, vous nous avez dit que vous étiez contre cet accord d'harmonisation compte tenu des budgets qui n'étaient pas liés à cet accord.

Je voudrais donc vous demander si, dans la mesure où il y aurait clairement un transfert de budget aux provinces, vous seriez favorable à cet accord d'harmonisation.

• 1000

M. Marc Beauchemin: Non. Je ne serais malgré tout pas favorable à l'accord d'harmonisation tel qu'il est rédigé pour la simple et bonne raison que, parlant strictement d'environnement et ayant strictement en tête d'assurer une meilleure protection de l'environnement, je suis intimement convaincu que la protection de l'environnement, scindée en deux ou assurée par deux ordres de gouvernement, bénéficie en bout de ligne à tous les Canadiens.

Pour ajouter une précision à ma réponse, c'est ce qu'on a appelé tantôt les checks and balances. Autrement dit, si un niveau de gouvernement s'occupe seul d'une chose, comme il y a des mailles dans le filet, il est à peu près certain que certains aspects ne seront pas couverts. Il faut bien dire que si les provinces et le fédéral pouvaient s'entendre pour gérer la question environnementale d'une façon équilibrée en assumant chacun leurs responsabilités, les mailles du filet seraient beaucoup plus petites et beaucoup moins de choses passeraient à travers.

Le président: Monsieur Bigras, vous avez terminé?

[Traduction]

Madame Kraft Sloan, suivie de M. Casson.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci.

Le paragraphe 5.2 de l'entente auxiliaire sur les inspections environnementales précise que «l'autre ordre de gouvernement ne doit pas intervenir dans ce rôle pour la durée prévue dans l'entente de mise en oeuvre applicable». Cela laisse sous-entendre qu'il existe une autre série d'ententes qui ne sont pas reflétées dans ces ententes auxiliaires?

M. Mark Winfield: Cela laisse sous-entendre que de nouvelles ententes seront conclue, une fois que ces accords et ententes auxiliaires auront été ratifiés, pour assurer la mise en oeuvre de ce projet.

Mme Karen Kraft Sloan: Avez-vous des preuves de cela?

M. Mark Winfield: Aucune. Rien n'a été rendu public. Nous ne savons absolument pas ce que vont contenir ces autres ententes.

Mme Karen Kraft Sloan: Les représentants du ministère—les fonctionnaires qui ont participé au processus aux paliers fédéral et provincial—ont déclaré que le processus était très ouvert et transparent, que l'on pouvait trouver ces documents sur Internet, le site Web, ainsi de suite, que le public y avait accès, que les intervenants étaient consultés régulièrement. Or, vous dites que vous n'avez rien vu?

M. Mark Winfield: Pas en ce qui concerne la nouvelle série d'ententes. Si vous jetez un coup d'oeil sur les annexes, vous allez constater qu'ils envisagent de conclure d'autres ententes auxiliaires. Mais les seuls renseignements qui ont été rendus publics sont ceux qui figurent sur la page d'accueil, même si elle n'est pas complète.

Nous avons appris qu'il y avait eu d'autres négociations, surtout en ce qui concerne l'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale. Nous n'en savons pas plus. La version la plus récente a été rendue publique en avril. Il y aurait eu d'autres négociations depuis, mais rien n'a été rendu public.

Mme Karen Kraft Sloan: Des changements ont donc été apportés à l'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale?

M. Mark Winfield: C'est ce que nous croyons comprendre, puisque les négociations se sont poursuivies. Il y a peut-être eu d'autres changements depuis la publication du projet d'entente en avril 1997, qui est la version la plus récente à laquelle le public a accès.

Mme Karen Kraft Sloan: Pouvez-vous nous décrire le processus de consultation qui a été suivi jusqu'ici?

M. Paul Muldoon: Il y a deux points que j'aimerais mentionner. D'abord, le processus de consultation sur l'Accord d'harmonisation. On a créé un comité consultatif national, dont j'étais membre. On nous consultait, en général, une fois que les décisions avaient été prises. Cela nous aidait dans nos consultations, mais nous ne pouvions exercer aucune influence sur le processus décisionnel, auquel nous espérions participer.

Plusieurs ateliers ont été organisés. Encore une fois, ils ont permis de favoriser l'échange de renseignements, mais pas d'influencer le processus décisionnel, même dans les domaines où il y avait consensus parmi les intervenants non gouvernementaux.

Il y a ensuite la question de la participation du public au processus décisionnel du CCME. Pendant des années, les groupes syndicaux et environnementaux ont essayé d'ouvrir les processus, tant fédéraux que provinciaux, à la participation du public. Cette démarche permet non seulement de prendre des décisions plus éclairées, mais aussi de les faire accepter plus facilement du public, du fait qu'il y a participé.

• 1005

C'est ce qu'ils ont essayé de faire dans le cas des politiques fédérales et provinciales. L'exemple classique est la Déclaration des droits de l'environnement qui a été adoptée par l'Ontario. Alors que nous pensions avoir assuré la participation du public au processus décisionnel, ils ont abandonné la formule fédérale-provinciale et institué un nouveau palier gouvernemental appelé CCME. Il faut remonter à l'année 1963 pour comprendre le rôle du public dans le processus décisionnel environnemental.

Il y a bien des personnes qui trouvent frustrante l'idée que nous devons encore une fois expliquer pourquoi la participation du public est importante, légitime et juste. Nous estimons, de manière générale, que, malgré l'Accord d'harmonisation, toute décision prise par le CCME soulève la question du rôle du public.

Mme Karen Kraft Sloan: J'aimerais savoir dans quelle mesure le public est au courant de cet Accord d'harmonisation. Est-il bien renseigné?

M. Mark Winfield: À ce stade-ci, je crois que les parties visées sont fort bien renseignées. Nous avons annexé à notre mémoire une série de documents qui ont été entérinés par un grand nombre d'organismes non gouvernementaux au Canada. Ces documents font état des préoccupations sérieuses que soulèvent les objectifs de l'accord. Ils reprennent tous les mêmes arguments. Toutefois, en ce qui concerne le public en général, je ne crois pas qu'il comprenne les modalités ou les incidences de l'accord. Ce n'est que tout récemment que les journaux ont commencé à en parler. Autrement, je ne crois pas que le public comprenne le sens de cette entente.

M. Paul Muldoon: J'aimerais ajouter que tous les sondages menés au cours des deux ou trois dernières années indiquent que les Canadiens s'attendent à ce que les gouvernements fassent plus, et non moins, pour protéger l'environnement. Il serait intéressant de voir la réaction du citoyen moyen s'il apprenait que l'accord entraînait un transfert de responsabilités. À mon avis, les sondages indiqueraient que les Canadiens sont contre ce genre d'initiative, à la lumière surtout des compressions décrétées par les gouvernements provinciaux.

Le président: Monsieur Casson.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Vous n'arrêtez pas de parler du transfert de responsabilités et du fait que le gouvernement fédéral se débarrasse de pouvoirs. Pouvez-vous me donner quelques exemples précis des pouvoirs qu'il abandonne?

M. Paul Muldoon: Voyons un peu les conséquences qu'aurait l'Accord sur l'établissement de normes pour les substances toxiques. En vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, le gouvernement fédéral doit évaluer les substances qui sont jugées toxiques. Il existe déjà, à l'heure actuelle, une liste de substances qui ont été déclarées toxiques, ce qui veut dire que le milieu scientifique s'entend sur le fait qu'elles sont néfastes et qu'elles doivent être réglementées.

À ce stade-là, c'est le gouvernement fédéral qui, habituellement, décide des mesures à prendre. Il réunit donc des intervenants, consulte les provinces et adopte des règlements pour régir l'utilisation de ces substances. Le gouvernement fédéral impose des règlements unilatéraux pour contrôler ces substances à l'échelle nationale.

Nous estimons que le gouvernement fédéral n'agit pas assez rapidement, qu'il n'y a pas suffisamment de substances qui sont réglementées, ainsi de suite. Cela dit, le processus d'harmonisation, et surtout l'entente auxiliaire sur les normes, laisse entendre que le gouvernement fédéral peut analyser les substances et déterminer celles qui sont toxiques. À partir de ce moment-là, c'est le CCME qui prend la relève. Les provinces et le gouvernement fédéral vont s'entendre sur une norme nationale plus ou moins vague—une ligne directrice ou un objectif national. Il revient ensuite aux provinces de l'appliquer de façon unilatérale.

Donc, ce n'est plus le gouvernement fédéral qui établit des règles et des normes, mais le CCME. À mon avis, ces mêmes pouvoirs constitutionnels qui ont été reconnus par la Cour suprême du Canada dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ne pourraient pas être appliqués la plupart du temps, parce qu'ils auraient été transférés à une autre instance. Les substances qui devraient faire l'objet d'une loi fédérale pour uniformiser les règles du jeu tomberaient sous le coup d'un régime qui est parrainé par le CCME.

• 1010

Il n'y aura donc plus, comme c'était le cas dans le passé, de règlements sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers ou des sociétés minières qui seront adoptés, ou encore d'initiative majeure qui sera lancée parce que les provinces refusent d'agir ou n'ont pas la volonté d'agir. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

Nous risquons donc d'avoir non pas une loi fédérale, mais plutôt 12 lois différentes qui réglementent une substance, comme par exemple les substances qui menacent l'ozone, les dioxines, les effluents de fabriques de pâtes et papiers, ainsi de suite.

M. Rick Casson: Vous ne croyez pas que le CCME va faire ce qu'il s'est engagé à faire, que les ministres vont régler les problèmes ensemble, que si une compétence refuse d'agir, ils vont intervenir.

M. Paul Muldoon: Vous soulevez deux points. D'abord, vous voulez que le processus décisionnel du CCME fonctionne. Il pourra fonctionner s'il arrive, comment dire, à trouver une solution qui plaît aux parties. À mon avis, il faut qu'il parvienne à trouver un terrain d'entente, car vous avez 12 compétences, aux intérêts variées, qui essaient de voir ce qu'il convient de faire. Ensuite, il y a le fait que le public soit exclu du processus. De plus, la norme établie n'est pas exécutoire. Il s'agit plutôt d'un objectif, quelque chose que les provinces vont essayer d'atteindre. Cette norme n'est pas exécutoire, elle n'est pas contraignante.

Donc, ce processus indépendant ne garantira aucun résultat. Les dioxines, les substances qui menacent la couche d'ozone sont des substances toxiques qui doivent faire l'objet d'un contrôle. L'Accord d'harmonisation ne permettra pas au gouvernement fédéral d'assurer ce contrôle.

M. Mark Winfield: Le processus décisionnel du CCME soulève plusieurs questions. Il y a d'abord celle du consentement unanime. Nous savons, d'après notre expérience, que la recherche du consentement unanime a tendance à donner des résultats plus ou moins satisfaisants, parce que tout le monde autour de la table veut exercer son droit de veto. C'est de cette façon que fonctionne le CCME.

Par ailleurs, comme l'indique Paul, la norme adoptée par le CCME n'est pas exécutoire. Il s'agit tout simplement d'un objectif vague dont la mise en oeuvre ou la réalisation, comme le précise l'entente elle-même—en fait, on retrouve cette précision à trois endroits différents dans l'entente auxiliaire sur les normes—dépend totalement des provinces.

L'autre problème, c'est que l'accord n'indique pas vraiment les mesures à prendre lorsque le palier de gouvernement censé intervenir ne le fait pas. Il n'existe aucun recours clair. En fait, sur ce point, les accords sont extrêmement vagues. Il est censé y avoir six mois de consultations entre les gouvernements intéressés. À cet égard, aucune solution claire n'est proposée.

Par exemple, rien n'indique qu'à la fin du processus le gouvernement fédéral peut intervenir. Cela suscite beaucoup de préoccupation en ce qui concerne également l'entente auxiliaire sur les inspections car cela signifie que dès que le gouvernement fédéral dépêche des inspecteurs fédéraux sur les lieux d'entreposage des BPC et dans des usines de pâtes et papiers... En vertu de l'accord, cette pratique cesserait; c'est la province qui assumerait désormais la responsabilité de l'inspection.

Prenons une situation où le gouvernement fédéral apprend l'existence d'un problème dans une installation d'entreposage de BPC. Cet accord l'empêche d'y dépêcher un inspecteur. Il doit se fier à la province. Si la province déclare qu'il n'y a pas de problème, alors la disposition de non-intervention s'applique. Le seul recours dont dispose le gouvernement fédéral consiste à entamer jusqu'à six mois de consultations avec la province, et si ces consultations ne débouchent pas sur une solution, la seule façon dont le gouvernement fédéral peut dépêcher un inspecteur sur les lieux est d'abroger l'accord, ce qui nécessite un autre préavis de six mois. Par conséquent, selon le libellé de l'accord, il se pourrait fort bien qu'il faille jusqu'à un an avant que le gouvernement fédéral puisse dépêcher un inspecteur fédéral sur un site où il soupçonne l'existence d'un problème.

• 1015

Le président: Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Monsieur Beauchemin, vous pourriez me décrire le cas d'Hydro-Québec, en partant du principe que je n'ai pas pris connaissance de la décision du tribunal et que je n'ai aucune idée des faits. Pourriez-vous simplement nous expliquer quel était le problème initial, comment on y a remédié, en vertu du régime légal en vigueur et, si la même chose devait se produire disons d'ici deux ou trois ans, après l'entrée en vigueur de l'Accord d'harmonisation, comment cela en modifierait-il l'issue?

[Français]

M. Marc Beauchemin: Le problème est fort simple. Hydro-Québec avait, dans une de ses installations, certains BPC et il y avait eu des émission de BPC dans l'environnement.

Environnement Canada, après avoir dépêché sur les lieux un inspecteur, avait noté l'infraction, mis en demeure Hydro-Québec de réhabiliter les lieux et également informé Hydro-Québec qu'il s'agissait d'une infraction aux termes de la loi fédérale.

Hydro-Québec, dès le départ, avait décidé d'ignorer la position des enquêteurs fédéraux et du gouvernement fédéral sur la question qui était en litige, soit l'émission de BPC provenant de son installation, ce qui obligea le gouvernement fédéral, dès la constatation des faits, à instituer des procédures criminelles en Cour supérieure du Québec à Montréal, où Hydro-Québec plaida l'inconstitutionnalité de certaines dispositions de la loi canadienne.

La Cour supérieure du Québec a donné raison à Hydro-Québec en affirmant que certaines dispositions de la loi canadienne étaient ultra vires par rapport aux pouvoirs du fédéral. Il y eut appel devant la Cour du Québec, qui a maintenu le jugement de la Cour supérieure, et il y a eu appel, bien entendu, de la part du gouvernement fédéral devant la Cour suprême du Canada qui, finalement, a renversé les deux dernières décisions et confirmé les pouvoirs du fédéral en pareille matière, argumentant, entre autres, le fait que son pouvoir en matière criminelle l'autorisait à agir en matière d'environnement.

Pour répondre à votre question, présumons que nous nous retrouvons deux ans après la ratification et l'entrée en vigueur de l'accord d'harmonisation. Pour reprendre ce que mon collègue Mark Winfield a dit, aurait-on pu envoyer un inspecteur fédéral? Non. J'ai dit tantôt dans ma présentation que le ministère de l'Environnement du Québec était parfaitement au courant de l'infraction, qu'il savait parfaitement ce qui s'était passé et qu'il pouvait, mais ne l'a pas fait, signifier ces accusations aux termes de la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec. On se serait donc retrouvés dans une circonstance où le fédéral comme le provincial auraient eu connaissance des faits, sans aucune action de la part du provincial et avec un empêchement d'agir pour le fédéral. Donc, rien n'aurait été fait. De plus, on ne parle pas d'une émission d'huile lourde; on parle d'une émission de BPC. C'est très grave.

En terminant, pour répondre à votre question, deux ans après l'accord d'harmonisation, je dirais que oui, Hydro-Québec s'en serait sortie, et que non, il n'y aurait pas eu d'accusation; et également que non, il n'y aurait probablement pas eu réhabilitation des lieux.

[Traduction]

M. Gar Knutson: J'ai une question plus générale pour ceux qui voudront y répondre.

En ce qui concerne toute la question de la réglementation environnementale des services publics provinciaux, y a-t-il raison de croire, à votre avis, que les gouvernements provinciaux entretiennent des liens trop étroits avec leurs propres services publics et qu'il y a un risque d'ingérence politique? Par conséquent, si nous signons cet accord, risquons-nous de nous retrouver avec un énorme problème au niveau de la réglementation de grosses sociétés comme Ontario Hydro ou Hydro-Québec?

• 1020

[Français]

M. Marc Beauchemin: Je pense que poser la question, c'est y répondre en partie. Oui, ils sont liés, et non, ils ne gèrent ni n'appliquent leurs lois comme ils devraient le faire. Dans le cas d'Hydro-Québec au Québec, tout comme probablement dans celui d'Ontario Hydro en Ontario, on peut dire que c'est la société qui gère les risques environnementaux les plus importants. On peut donc se poser la question de savoir si, oui ou non, il y a un problème au niveau de la mise en application objective des lois et des règlements.

Récemment il y eut certaines levées de boucliers au Québec concernant le harnachement de certaines rivières, notamment la rivière Chaudière non loin de la région de Québec. Le ministère de l'Environnement et de la Faune avait décidé que la centrale hydroélectrique ne serait pas construite. En faisant cela, il décidait de faire bande à part et de mettre de côté la décision du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.

Or, son collègue de l'Énergie et des Ressources a réussi à faire mettre de côté la décision du ministre de l'Environnement, à faire harnacher la rivière et à faire construire la centrale et le barrage.

La réponse à votre question est, je pense, assez éloquente.

[Traduction]

M. Gar Knutson: Et dans le reste du pays, croyez-vous que c'est un problème?

M. Mark Winfield: Il ne fait aucun doute que notre expérience des quatre derniers mois avec Ontario Hydro en Ontario confirme le risque d'un assez grave problème de conflit d'intérêt pour le gouvernement provincial. Il suffit de songer à la très faible réaction de la province aux rapports selon lesquels certaines centrales électriques d'Ontario Hydro ont déchargé pendant des années d'importantes quantités de métaux lourds dans le lac Ontario. Nous n'avons certainement pas constaté de réaction très forte de la part de la province, bien au contraire. Le ministre de l'Environnement semble n'avoir tenu aucun compte de la gravité de la situation.

Ce qui est encore plus grave...

M. Gar Knutson: Le régime actuel prévoit-il la possibilité que le gouvernement fédéral intervienne dans ce genre de situation?

M. Mark Winfield: Cela dépend...

M. Gar Knutson: Quelqu'un derrière vous répond que oui.

M. Mark Winfield: C'est possible, effectivement.

M. Gar Knutson: Est-ce prévu en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement?

M. Mark Winfield: Non. La meilleure méthode consisterait probablement à invoquer les dispositions relatives aux substances délétères de la Loi sur les pêches parce que cette loi interdit formellement le dépôt de substances délétères. La LCPE ne pourrait être invoquée que si ces émissions contenaient du plomb. Il faudrait que l'un des métaux lourds réglementés par la LCPE soit présent, à savoir le plomb, le mercure ou le cadmium.

Un exemple encore plus frappant, toujours en ce qui concerne Ontario Hydro, est la décision prise par Ontario Hydro par suite de la fermeture annoncée de sept centrales nucléaires, de remettre en service un certain nombre de ses plus anciennes centrales à combustible. J'en ignore le nombre exact. Cette initiative risque d'accroître énormément les émissions de dioxyde de soufre et de dioxyde de carbone. Il n'est absolument pas évident qu'Hydro sera en mesure de respecter les niveaux d'émissions prévus par le règlement dans le cadre du programme de lutte contre les pluies acides en Ontario. Le ministre s'est montré des plus évasifs sur la question et refuse de fournir une réponse claire.

Ce qui est encore plus grave, c'est que l'Ontario, dans le cadre des consultations du CCME sur le réchauffement de la planète et dans la foulée du rapport produit par le Comité de coordination national sur les problèmes atmosphériques, se serait vivement opposé à des mesures fermes destinées à réduire les émissions de Co2 et de SO2, précisément à cause de l'augmentation énorme de la quantité d'émissions de ce genre que produiront les centrales d'Ontario Hydro par suite de la fermeture des centrales nucléaires. Il s'agit ici du ministre provincial de l'Environnement et de son ministère.

Donc, c'est pratiquement l'inverse qui se produit. La province favorise les intérêts du service public provincial aux dépens de la protection environnementale.

M. Gar Knutson: Par conséquent, mon argument général selon lequel les gouvernements provinciaux ne réglementent pas de façon efficace leurs services publics est un argument valide?

Un témoin: J'aimerais faire un commentaire. Je pense que parfois ils font du bon travail et parfois ils font du très mauvais travail. L'avantage d'un système dynamique, c'est qu'il existe des mécanismes d'appui. Lorsque les provinces ne font pas leur travail, il existe une autre possibilité et c'est l'intervention du gouvernemental fédéral.

Il y a d'autres façons d'y parvenir. Vous pouvez prévoir des dispositions permettant aux citoyens d'intenter des poursuites. En Colombie-Britannique, par exemple, la province a pour principe d'intervenir dans toutes les poursuites privées. Ce n'est pas une politique utile. Lorsqu'il est possible de prévoir des freins et contrepoids contre un gouvernement qui ne fait pas son travail, c'est le genre de dynamisme que doit avoir le système. Il existe à l'heure actuelle mais cet accord le ferait disparaître.

• 1025

[Français]

Le président: Monsieur Charbonneau, s'il vous plaît.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, je voudrais d'abord remercier nos invités de ce matin de nous avoir fait connaître le point de vue de leur organisation. J'aimerais dire qu'à la suite de la lettre que j'ai reçue du groupe de travail sur l'harmonisation, datée le 15 septembre et signée entre autres par M. Muldoon, mon attention a été attirée sur ce processus d'harmonisation et j'ai commencé à avoir certaines inquiétudes concernant ce processus. Comme vous pouvez le constater, il est quelquefois utile d'écrire aux députés.

En ce qui concerne le plan général de votre présentation ce matin, je constate que vous allumez un feu rouge face à toute cette question de l'harmonisation. Vous n'utilisez pas seulement le drapeau jaune. Si vous étiez en mesure de prendre une décision vous-mêmes, je crois comprendre que vous arrêteriez le tout plutôt que d'essayer de compléter ou d'améliorer les projets d'entente qui sont sur la table. Je pense que vous mettriez un frein à tout ça. C'est une interprétation que je vous soumets et si elle n'est pas exacte, je vous demanderais de la corriger.

Ce coup de frein survient à quelques jours de la date prévue pour la signature. On a parlé, je crois, du début novembre. Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour des discussions menant à des amendements sur des matières aussi complexes.

La deuxième question que je voudrais soulever concerne particulièrement le projet d'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale. Vous dites, monsieur Muldoon, aux pages 9 et 10 de votre mémoire, que cette question est une des plus controversées.

[Traduction]

    L'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale a été l'un des aspects les plus controversés de l'initiative d'harmonisation.

[Français]

Cependant, vos commentaires sont assez brefs sur cet aspect. Vous nous renvoyez au document numéro 9. Je ne sais pas de quel document il s'agit. Est-ce que nous avons accès à ce document quelque part? De toute façon, je voudrais vous donner l'occasion d'aller plus loin et de nous résumer le contenu de ce document numéro 9. Cependant, pour préciser ma question, je voudrais vous faire remarquer qu'à la lecture, ce projet d'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale comporte tout de même certaines caractéristiques intéressantes en ce sens qu'il permet aux entreprises, qu'elles soient publiques ou privées et qu'elles aient un développement à faire ou un investissement à décider, de savoir avec qui elles font affaire.

Il leur permet de savoir qu'il va y avoir une évaluation et non pas des évaluations environnementales. Il leur permet de mieux comprendre dans quel calendrier elles ont à prendre une décision. Enfin, cela m'apparaît un effort de clarification assez important. Par contre, vous semblez dire qu'il y a des problèmes majeurs autour de cette question de l'évaluation environnementale. J'aimerais donc entendre plus particulièrement votre point de vue sur cette question très importante pour un comité comme le nôtre.

• 1030

Comme vous le savez, notre comité n'est pas seulement un comité sur l'environnement, mais également un comité sur le développement durable.

[Traduction]

M. Mark Winfield: J'aimerais répondre, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

En ce qui concerne l'évaluation environnementale, l'annexe dont je parle fait partie d'un certain nombre d'annexes que nous avons déposées auprès du greffier. Nous n'avions pas d'exemplaires de toutes ces annexes mais cette annexe en particulier, qui renferme un commentaire très détaillé sur le projet actuel d'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale, est disponible dans les deux langues officielles.

Plus précisément, en ce qui concerne l'entente auxiliaire, la préoccupation est... Comme je l'ai dit, d'autres personnes qui comparaîtront devant le comité s'y connaissent mieux que moi en matière d'évaluation environnementale, mais ils avancent un certain nombre d'arguments.

Le premier est le suivant: Plutôt que de prévoir une structure pour regrouper les processus fédéraux et provinciaux d'évaluation en un seul processus qui répond aux exigences des deux sphères de compétence, désormais le gouvernement fédéral devrait se fier uniquement aux renseignements qui émanent du processus d'évaluation provincial.

Cela crée un certain nombre de problèmes, entre autres le fait qu'un grand nombre de processus provinciaux d'évaluation ne recueillent pas autant de renseignements sur l'entreprise que ceux exigés par la loi fédérale sur l'évaluation environnementale. La loi fédérale prévoit également un certain nombre de garanties procédurales dont ne traite absolument pas le projet d'entente auxiliaire. Par conséquent, dans les faits, il s'agit d'une forme d'harmonisation vers le bas des processus d'évaluation environnementale.

C'est donc la question qui nous préoccupe.

En fait, un certain nombre de gens, que l'on pourrait qualifier de spécialistes dans le domaine, ont examiné très attentivement l'entente auxiliaire et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et considèrent qu'il est impossible de concilier les deux sur le plan légal. Si le gouvernement fédéral tâchait d'agir selon la façon proposée par l'entente auxiliaire, il est pratiquement sûr que cela donnerait lieu à des poursuites. C'est donc un sujet de préoccupation.

On a également souligné le risque que les différentes structures d'évaluation environnementale des différentes provinces n'aient plus la même possibilité d'innovation que permettent les processus mixtes et regroupés. Le problème ici, c'est la perte du mécanisme d'appui national qu'offre un cadre fédéral quelconque. Il existe une certaine uniformité dans l'ensemble du pays. C'est cette disparition qui nous préoccupe.

Nous ne voyons aucune objection à tâcher de regrouper des processus permettant de produire une seule évaluation, avec des paramètres clairs. Or, dans les faits, ce n'est malheureusement pas le cas. Le gouvernement fédéral se trouve complètement éliminé de la scène et cela pose problème à bien des égards.

M. Paul Muldoon: Simplement pour réitérer cet argument, les milieux environnementaux sont partisans de la coopération, de la certitude et de la prévisibilité qu'offrent l'établissement et l'administration de ces lois au Canada. L'existence de processus incertains et imprévisibles n'aide pas l'environnement. Nous sommes donc partisans de ce genre de mesures. Le problème, c'est que nous voyons tout à fait différemment les conséquences de cet accord.

Le libellé de l'accord présente de nombreux problèmes qui suscitent beaucoup plus de questions que de réponses. Il existe de nombreux problèmes de mise en oeuvre, qui ne feront qu'accroître l'incertitude et la confusion chez ceux qui doivent s'y conformer. L'accord suscite également bien des discussions de politique explicites ou implicites, dont le public devrait être mieux informé.

Donc, si vous regardez les problèmes de libellé, les problèmes de mise en oeuvre et le débat d'orientation qui n'a toujours pas eu lieu, nous considérons non seulement qu'il faudrait reporter la ratification de l'accord jusqu'à ce que l'on s'occupe de ces questions mais également qu'il ne s'agit pas de la bonne façon d'aborder les problèmes que nous avons tous décrits.

Cette solution n'est pas le résultat d'une vaste consultation; comme je l'ai déjà dit, c'est une solution qui émane du CCME qui estime que cette solution fonctionnera. Ce que nous sommes en train de vous dire, c'est qu'à notre avis elle ne fonctionnera pas.

Nous avons tâché de réfléchir aux correctifs que l'on pourrait y apporter rapidement, mais nous n'avons pas de solutions à vous proposer. À notre avis, cet accord devrait être remanié en profondeur, après que certaines des questions de principe que nous avons tâché de soulever ici aujourd'hui aient fait l'objet d'une réflexion en profondeur et d'un débat public plus vaste.

• 1035

Le président: Comme il n'y a pas d'autres noms sur la liste, la présidence mettra fin au premier tour avant d'entamer le deuxième. Avant de poser mes questions, je demanderais à M. Laliberte ou à M. Pratt ou à ceux qui n'ont pas posé de questions s'ils désirent le faire.

Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): J'aimerais connaître l'opinion des témoins quant aux provinces dont les processus d'évaluation environnementale laissent particulièrement à désirer sur le plan de la quantité de renseignements qu'ils produisent. Y a-t-il une province en particulier qui pose problème à cet égard?

Par ailleurs, en ce qui concerne l'orientation que vous êtes en train d'adopter à propos de l'Accord d'harmonisation, une solution possible serait-elle d'essayer d'uniformiser les processus provinciaux vers le haut, pour qu'ils fournissent une plus grande quantité de renseignements?

M. Mark Winfield: Je pense que les autres témoins qui comparaîtront un peu plus tard et qui s'y connaissent mieux en matière d'évaluation environnementale seront mieux en mesure de vous répondre. N'oubliez pas qu'il faut examiner l'évaluation environnementale en fonction de la teneur et de la quantité des renseignements. Il existe également un certain nombre de questions d'ordre procédural.

On a constaté l'existence de certains problèmes dans la façon dont les évaluations ont été faites, surtout en Alberta et dans certaines autres provinces de l'Ouest. Il est difficile de préciser si l'une de ces provinces a été particulièrement moins efficace que les autres. L'autre problème, qui est presque aussi grave que le problème de la règle de droit immuable, c'est la volonté d'appliquer ces processus de façon appropriée. Malheureusement, dans pratiquement toutes les provinces, cette volonté semble faire sérieusement défaut.

Pour ce qui est des processus d'uniformisation, il faut faire très attention. Il faut prévoir un certain niveau d'uniformité d'un bout à l'autre du pays afin d'éviter le phénomène du forum-shopping, c'est-à-dire d'essayer d'aller là où le processus est plus laxiste.

Parallèlement, il faut prendre garde à ne pas rendre les processus rigides au point d'éliminer toute possibilité d'innovation, surtout à l'échelle provinciale, car il s'agit d'un très important avantage inhérent au système fédéral. Les provinces ont la possibilité de devenir des centres d'innovation dans le cadre d'une structure quelconque de normes nationales fondamentales.

Le président: S'il n'y a plus de questions pour le premier tour, la présidence a des questions. Nous débuterons ensuite le deuxième tour par Mme Kraft Sloan, puis M. Bigras.

Monsieur Shrybman, vous terminez dans votre présentation en indiquant qu'il faut évaluer pleinement les incidences possibles des engagements commerciaux du Canada sur les accords fédéraux-provinciaux sur l'environnement. À votre avis, qui devrait se charger de ce type d'évaluation? Quand devrait-elle être faite? Combien de temps prendrait-elle?

M. Steven Shrybman: J'encouragerais les gouvernements des deux paliers à le faire. Je pense qu'il faudrait faire cette évaluation maintenant et qu'elle prendrait probablement quelques mois. Je ne suis pas sûr du temps qu'il faudrait pour faire une étude approfondie et consulter les principaux intéressés afin d'obtenir leurs commentaires.

Le président: Je vous remercie. Ma prochaine question porte sur le problème du double emploi et du chevauchement. C'est une préoccupation qui a été exprimée par certains témoins qui ont comparu hier devant le comité. Ils ont également parlé du caractère indésirable d'un accord à guichet unique. Les témoins savent-ils si un ministère a fait une étude sur le double emploi et le chevauchement? Et dans la négative, sur quoi se base-t-on pour prétendre qu'il existe beaucoup de chevauchements et de doubles emplois?

• 1040

M. Mark Winfield: À notre connaissance, aucune étude officielle ou exhaustive de cette question n'a été faite. La seule étude—c'est d'ailleurs la seule étude de fond qui ait été faite au cours des quatre années—qui existe sur l'initiative d'harmonisation est une étude commandée à KPMG Management Consulting Ltd., par le CCME. Cette étude a été terminée en août 1995 et n'a constaté pratiquement pas de double emploi ni de chevauchement réels. En fait, elle a conclu que les avantages de l'accord seraient par conséquent entièrement accessoires. Il faut toutefois préciser que cette étude a été faite sur une période extrêmement courte. On n'a trouvé toutefois aucune preuve de double emploi et de chevauchement importants.

En fait, je crois que la plupart des témoins ici présents, à la lumière de leurs connaissances, de leur jugement et de leurs compétences dans ce domaine, corroboreraient ces constatations. Nous sommes de plus en plus préoccupés, toutefois, par les failles qui commencent à se manifester depuis que la capacité des deux paliers de gouvernement a été réduite. Cela nous semble un problème beaucoup plus grave, et il faut s'y attaquer.

Le président: Ma dernière question porte sur le fait que l'accord proposé ne traite pas de l'application de la loi. Comment expliquez-vous qu'il traite des inspections mais pas de l'application de la loi? S'agit-il d'un oubli? Est-ce un aspect qui est trop délicat sur le plan politique? Indépendamment de ces deux possibilités, comment cette absence d'application influe-t-elle sur l'accord?

M. Mark Winfield: L'application de la loi figurait explicitement dans les ébauches précédentes. Elle a été remplacée par l'inspection. Je pense qu'il s'agit en partie d'un changement superficiel pour permettre au gouvernement fédéral de dire qu'il ne délègue pas la responsabilité de l'application de la loi aux provinces. Mais selon nous, c'est un peu trompeur. D'après ce que nous croyons comprendre du fonctionnement du processus d'application de la loi à Environnement Canada, sans inspecteurs et sans inspection, l'application de la loi sera pratiquement impossible car le processus d'application de la loi fait principalement appel à l'inspection. C'est essentiellement grâce à ce moyen que le ministère recueille des renseignements et s'assure que la loi est appliquée. Dans la pratique, il lui sera très difficile, voire pratiquement impossible, de maintenir son régime d'application de la loi.

Il faut aussi souligner que, du point de vue environnemental, il ne semble pas très logique de séparer la fonction inspection de la fonction enquête et exécution. D'un point de vue purement opérationnel, cela ne rime absolument à rien. On se retrouve avec deux étapes au lieu d'une.

Un tel mécanisme débuterait probablement par la visite d'un inspecteur provincial qui serait chargé de vérifier si tout est conforme aux normes fédérales et provinciales. En cas de non-respect d'une norme fédérale, il retournerait à son bureau et préviendrait le gouvernement fédéral, lequel serait alors tenu d'envoyer un inspecteur tel que défini par la LCPE. Celui-ci mènerait une enquête et, si la situation le justifiait, intenterait des poursuites. Il ne fait aucun doute que cette solution présente toutes sortes de problèmes, car les preuves de l'infraction existeront-elles toujours au moment de l'arrivée de l'inspecteur ou lorsque les poursuites seront entamées. Cette solution nous semble tout simplement peu réaliste. Le gouvernement fédéral prétend ainsi qu'il se charge de l'exécution de la loi alors que, en réalité, il ne fait que mettre en place un mécanisme extrêmement difficile à appliquer et mal conçu.

• 1045

M. Paul Muldoon: J'aimerais ajouter un ou deux points.

Dans un document qu'il a publié en novembre dernier au sujet de l'Accord pancanadien, le CCME indiquait qu'il avait l'intention d'élaborer une entente auxiliaire sur l'exécution de la loi dans les dix-huit à trente-six mois suivants. De cette façon, même si l'accord intervenu en novembre n'inclut aucune entente auxiliaire, il prévoit tout de même que les différents intervenants chercheront à négocier une entente auxiliaire précise.

Deuxièmement, il faut aussi reconnaître, à mon avis, que l'Initiative d'harmonisation n'est qu'un substitut pour un plan plus vaste qui prévoit une délégation de pouvoirs. Ce plan vise à faire entériner un nombre plus élevé d'ententes bilatérales aux termes desquelles certains pouvoirs, dont l'exécution de la loi, seront conférés aux provinces en vertu de la Loi sur les pêches et de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Dans mon exposé, j'ai demandé aux membres du comité d'obtenir une liste de tous les accords bilatéraux découlant de ces deux mesures législatives ainsi qu'un compte rendu des pouvoirs d'exécution afin de savoir clairement ce qui se passe lorsque ces pouvoirs sont délégués. Nous n'avons pas réussi à obtenir ces renseignements.

Le président: J'allais justement vous poser cette question.

Nous allons commencer le deuxième tour

[Français]

par Mme Kraft Sloan, suivie de M. Bigras.

[Traduction]

Pardonnez-moi. Je vous en prie, madame Carroll.

Mme Aileen Carroll: Cela fait-il partie du second tour?

Le président: Non.

Mme Aileen Carroll: Monsieur Muldoon, vous avez posé cinq questions. J'ai lu rapidement les documents présentés, mais je ne trouve pas ces cinq questions. Si elles y sont, pourriez-vous m'indiquer où elles se trouvent. Sinon, pourrais-je en obtenir une copie?

M. Paul Muldoon: Je vous en donnerai une copie.

Mme Aileen Carroll: Si vous m'en remettez une copie, j'en transmettrai une à M. Charbonneau.

M. Paul Muldoon: Certainement.

Mme Aileen Carroll: Merci.

Le président: Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Si vous vous reportez à l'article 4.4 de la version provisoire de l'Entente sur l'établissement de standards environnementaux, on peut y lire: «Les compétences législatives ne sont en rien modifiées par la présente entente auxiliaire.» Si vous vous reportez à l'article 5.2 de la version provisoire de l'Entente sur les inspections environnementales, on peut y lire: «Les compétences législatives ne sont en rien modifiées par présente entente auxiliaire.» Par contre, si vous vous reportez à la version provisoire de l'Entente sur l'évaluation environnementale, l'article 5.12.0 se lit comme suit: «Les Parties conviennent de chercher à modifier, au besoin, leurs lois et leurs procédures d'évaluation, ou les deux, de façon à se conformer aux obligations qu'elles ont contractées en vertu de la présente entente auxiliaire.»

Ainsi, en ce qui a trait aux normes et aux inspections, les ententes auxiliaires précisent que les compétences législatives ne seront pas modifiées, alors que l'entente sur l'évaluation environnementale précise que les parties chercheront à modifier ces compétences législatives. Toutefois, quand j'ai posé la question au président de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, il m'a répondu qu'il ne pensait pas que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale serait modifiée. J'aimerais donc connaître vos vues à ce sujet.

Deuxièmement, les deux ententes auxiliaires sur les normes et les inspections précisent que les compétences législatives ne seront pas modifiées. Est-ce parce que ces compétences législatives sont d'abord et avant tout assujetties à la LCPE par rapport à l'Initiative d'harmonisation, comme vous l'avez laissé entendre?

J'aimerais également avoir vos commentaires à ce sujet.

M. Paul Muldoon: En ce qui concerne votre première question sur les normes et les inspections, la meilleure réponse que je pourrais probablement vous donner, c'est que le gouvernement fédéral a toujours eu le pouvoir discrétionnaire de prendre ou non des règlements. Ces ententes ne stipulent pas expressément que les lois fédérales seront modifiées pour tenir compte de l'Initiative d'harmonisation, sauf dans le cas des évaluations environnementales, mais, dans les faits, elles circonscriront le pouvoir discrétionnaire qui permet au fédéral de ne pas exercer cette prérogative d'une façon conforme à ce qui est prévu dans l'Initiative d'harmonisation.

Certains prétendent que cette délégation de pouvoirs n'est pas officielle mais bien administrative. On peut ou non être d'accord avec cette affirmation, mais c'est ce que certains prétendent.

En ce qui concerne l'évaluation environnementale, j'aimerais vous signaler que, même si l'article 5.12.0 précise que les parties conviendront de modifier leurs lois, l'article 4.1.0 présente un dilemme intéressant. Cet article énumère en effet les éléments qui devraient être inclus dans une évaluation environnementale et stipule que les parties «doivent envisager» ces éléments. Elles ont donc le choix de les inclure ou non. Il est intéressant de noter que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale précise plutôt qu'on est «tenu» de le faire.

• 1050

Ainsi donc, l'Initiative d'harmonisation laisse le choix aux parties d'examiner ou non tous ces facteurs alors que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale les y oblige. Comment les deux textes peuvent-ils donc être compatibles sans que l'un ou l'autre ne soit modifié? Il faut assurer une certaine uniformité à cet égard.

Nous craignons évidemment que le gouvernement décide de modifier la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pour la rendre conforme à l'Initiative. C'est notre plus grande crainte.

M. Mark Winfield: Cette question a fait l'objet de longues discussions au sein du caucus de l'évaluation environnementale du Réseau canadien de l'environnement, et je crois que d'autres témoins aborderont directement ce problème. Ils sont tous arrivés à une conclusion très claire: l'entente auxiliaire n'est pas compatible avec la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

En ce qui concerne l'engagement de modifier la loi, il importe de noter qu'une disposition de l'Accord pancanadien stipule expressément que le gouvernement «devra revoir et chercher à modifier, au besoin, ses lois, règlements, politiques et ententes existantes afin de permettre la mise en oeuvre» de ces ententes auxiliaires. Il s'agit de l'article 9 de la section de l'Accord pancanadien réservée aux ententes auxiliaires.

Cela indique donc qu'un engagement a été pris au niveau politique pour chercher à apporter les modifications nécessaires à la mise en oeuvre de cette entente. Cet article est intéressant parce que, dans la première version, il précisait que les gouvernements modifieraient leurs lois. On a alors signalé aux parties que, en tant que gouvernement, elles n'avaient pas le pouvoir d'agir de la sorte, car seul le Parlement et les différentes assemblées législatives avaient ce pouvoir.

Cet imbroglio soulève toutefois de sérieux doutes quant aux principes inhérents à un gouvernement responsable, parce qu'on demande au Parlement et aux assemblées législatives de rédiger leurs lois et d'adopter des budgets en fonction de ce que le CCME a décidé et non en fonction de ce qu'eux-mêmes décident.

Mme Karen Kraft Sloan: Si cette entente auxiliaire précise que les compétences législatives ne seront pas modifiées, cela ne contrevient-il pas aux ententes auxiliaires sur les normes et les inspections? Ou soulignez-vous tout simplement le fait que, dans cette entente particulière, les compétences législatives ne sont pas modifiées et que...?

M. Mark Winfield: L'article où il est question de modifier les compétences a soulevé une certaine controverse au moment de sa rédaction. En fait, cet article est un vrai bourbier. À mon avis, il tente de préciser que rien dans cette entente ne modifie les compétences législatives du Parlement ou des assemblées législatives, ce qui doit évidemment être le cas.

Ce que nous aurions aimé, c'est qu'il soit très clairement indiqué que rien, comme Paul l'a dit, n'entrave le pouvoir discrétionnaire de l'organe exécutif—à savoir notamment le droit de prendre des règlements et de faire des inspections. Mais ce n'est pas ce que l'article dit. Le résultat final est bien confus.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Le président: Merci, madame Kraft Sloan.

MM. Bigras, Knutson et Herron.

[Français]

M. Bernard Bigras: Plusieurs de mes collègues, ainsi que deux témoins qui sont devant nous aujourd'hui, ont abordé le cas d'Hydro-Québec et de la décision rendue par la Cour suprême.

J'aimerais avoir des éclaircissements quant à la décision qui a été rendue. D'une part, si je ne m'abuse, c'est une décision qui a été adoptée sans faire l'unanimité. C'est tout à fait clair. Cinq juges étaient favorables à la décision tandis que quatre juges étaient contre, dont le juge Antonio Lamer de la Cour suprême.

Pour les cinq juges qui étaient favorables, il appartenait entièrement au pouvoir fédéral de légiférer en vertu de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Pour compléter le dossier, j'aimerais que vous nous fassiez part de la position des quatre juges qui étaient dissidents concernant le partage des compétences en matière d'environnement et de droit criminel.

• 1055

[Traduction]

M. Paul Muldoon: Vous avez raison de dire que la décision a été prise à cinq contre quatre. Ce que je comprends, c'est que la majorité a décidé que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement était légitime sur le plan constitutionnel parce qu'elle tombait dans la catégorie «loi criminelle». Les juges se sont basés sur un certain nombre d'affaires récentes qu'ils avaient jugées en vertu de cette catégorie. Les juges dissidents se sont concentrés sur deux questions en particulier.

L'une d'entre elles était de savoir si la Loi canadienne sur la protection de l'environnement pouvait être visée par la disposition concernant la paix, l'ordre et le bon gouvernement si elle ne tombait pas dans la catégorie déjà mentionnée. La majorité a toutefois décidé de ne pas soulever cette question. Cette discussion a toutefois permis d'élargir le débat.

En ce qui a trait à la compétence en matière de droit criminel, je crois me souvenir que les juges dissidents dans l'affaire Hydro-Québec avaient déclaré que l'environnement tombait dans cette catégorie. Autrement dit, l'environnement est assujetti au droit criminel, lequel est une compétence fédérale.

Là où les juges n'étaient plus tous du même avis, c'est au moment de dire que le droit criminel prévoit généralement des interdictions et des amendes. Certaines choses sont permises, d'autres sont interdites. La frontière est bien délimitée. On ne peut inclure toutes sortes de questions administratives dans la catégorie «loi criminelle». Les juges ont déclaré que, dans le contexte, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement était davantage axée sur la réglementation que sur l'interdiction. Ils étaient donc en partie d'accord avec la décision de la majorité. C'est avec l'interprétation de ce qu'on devait inclure dans le droit criminel qu'ils n'étaient pas tous d'accord.

Selon moi, au chapitre du droit criminel, les juges dissidents étaient vraiment en désaccord, mais ils étaient en partie du même avis que la majorité en ce qui concerne le lien entre l'environnement et le droit criminel. Il importe d'en prendre note.

Le président: MM. Knutson, Herron et Laliberte.

M. Gar Knutson: Si je reviens à mon premier exemple d'Hydro-Québec ou d'Ontario Hydro, j'essaie de m'imaginer comment le ministère réagirait devant vos réponses.

Quelqu'un n'a-t-il pas affirmé—et je ne me souviens plus qui—que si nous voulions envoyer un inspecteur fédéral, il nous faudrait six mois? Nous serions tenus de prévenir la province et d'abroger l'entente. Celle-ci prévoit-elle qu'on peut agir rapidement dans des cas d'urgence, ce qui nous permettrait de ne pas attendre six mois?

M. Mark Winfield: À notre avis, la réponse est non. Un article de l'Accord pancanadien fait référence aux urgences. Il s'agit de l'article 10 de la section consacrée aux ententes auxiliaires. Mais on parle de «répondre à des urgences». Cela ne s'applique donc à notre avis qu'aux urgences qui existent déjà. Il serait possible d'agir uniquement si des BPC sont déjà en train de brûler.

Cet article ne permet toutefois pas au gouvernement fédéral d'intervenir en cas d'urgence imminente ou d'arriver sur les lieux avant que certains produits n'explosent littéralement. Ce qui nous inquiète, c'est que l'accord ne prévoit rien en pareil cas et qu'il faudrait suivre la procédure établie si l'on a affaire à une province intransigeante. Cela pourrait prendre un an et nécessiter l'abrogation de l'accord avant qu'un inspecteur fédéral puisse se rendre sur place. Le problème, c'est que s'il s'agissait d'une urgence imminente, elle serait probablement transformée en urgence réelle à la fin de l'année.

M. Gar Knutson: Avez-vous une idée de ce que le ministère dirait si je lui présentais les deux exemples de Pickering 1 et...

M. Mark Winfield: Ma propre organisation a écrit au ministre de l'Environnement précédent, M. Marchi, en lui donnant cet exemple précis d'un site d'entreposage de BPC où le fédéral aimerait envoyer un inspecteur. Nous n'avons jamais eu de réponse à cette lettre—peut-être parce que des élections ont été déclenchées. Nous n'avons donc eu aucune réponse officielle du ministère.

M. Paul Muldoon: Nous avons parlé plus tôt des grandes quantités de métal lourd qui ont été déversées pendant très longtemps par des installations d'Ontario Hydro. Jusqu'au 18 septembre dernier, c'était le ministère des Ressources naturelles qui était responsable de la Loi sur les pêches, mais cette question a maintenant été remise entre les mains du gouvernement fédéral. Je ne sais donc pas ce qui se passera maintenant, tout particulièrement après l'harmonisation. Ce n'est pas très clair.

• 1100

M. Stephen Shrybman: Puis-je formuler un bref commentaire?

Il est très important de noter que nous vivons à une époque où les gouvernements ne prennent plus de mesures réglementaires en matière d'environnement avec autant d'enthousiasme depuis que les deux ordres de gouvernement ont diminué les ressources consacrées à l'exécution de ces mesures. C'est ce qu'on choisit de faire la plupart des instances du Canada. Les ressources et le personnel affectés à l'exécution de la loi ont généralement été réduits.

Il est très curieux de constater qu'au moment où tout le monde cherche à se retirer du secteur de l'environnement, on cherche soudainement à éviter le chevauchement des efforts. C'est difficile à croire.

À l'inverse, cet accord, tout comme nos accords commerciaux internationaux, tente de nous maintenir dans un statu quo qui repose sur le plus bas dénominateur commun. Ainsi, si un gouvernement futur décide de s'intéresser encore une fois à l'environnement, il se retrouvera devant un nouvel obstacle.

M. Gar Knutson: Je ne suis pas aussi pessimiste. C'est peut-être une question théorique, mais je suis plus optimiste parce que je crois que le grand public veut que les gouvernements adoptent une position plus énergique.

Malheureusement, comme tous les gouvernements du monde occidental ont dû équilibrer leur budget et imposer des restrictions, on peut comprendre qu'un administrateur disposant de moins de ressources et d'argent cherche à conclure une entente qui lui permettra d'obtenir une meilleure collaboration de la part d'autres personnes ayant les mêmes buts.

À première vue, cette solution ne semble pas mauvaise. Toutefois, quand on se rend compte que les chevauchements d'une personne constituent le filet de sécurité d'une autre, nous arrivons au coeur de la question.

Je ne crois pas qu'on doive me convaincre que certaines personnes agissent de mauvaise foi mais, comme je l'ai dit, c'est une question quelque peu théorique.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Ma question a déjà été partiellement posée. Elle concerne l'intervention et l'exécution.

Un certain nombre de commentaires ont été formulés plus tôt au sujet du CCME et sur la question de savoir si cet accord était réaliste. Le fait que cet accord ne prévoit aucun mécanisme d'exécution concernant l'inspection ne constitue-t-il pas à lui seul un bien mauvais départ?

M. Mark Winfield: D'un point de vue pratique, cet accord ne semble rimer à rien. Il n'est pas du tout logique de séparer la fonction inspection de la fonction enquête et exécution, parce qu'on se retrouve avec un mécanisme hybride qui oblige l'inspecteur à retourner chez lui et à prévenir le fédéral d'envoyer un inspecteur qui entamera le processus. Dans la plupart des cas, les preuves ont disparu depuis longtemps. Ça ne tient pas debout.

M. Paul Muldoon: Je ne fais que spéculer, mais je soupçonne qu'un autre facteur explique la division entre l'inspection et l'exécution, à savoir le transfert de ressources monétaires. Cet accord prévoit qu'une importante responsabilité fédérale sera conférée aux provinces sans être accompagnée du budget pertinent. Il n'y a pas d'argent. Le gouvernement fédéral s'en tire à bon compte. Il se décharge de ses responsabilités et les provinces les assument gratuitement.

Quand on regarde les différentes ententes auxiliaires, on se demande ce qui ne va pas. Les provinces se rendront compte tout d'un coup qu'elles ont signé une entente qui les oblige à engager plus d'inspecteurs, à entamer des poursuites judiciaires et ainsi de suite, et que tout cela nécessite de l'argent.

• 1105

Je suppose donc que la fonction d'exécution de la loi a été mise de côté pour une question de gros sous. C'est probablement pour cette raison que les vrais problèmes surgiront; certaines provinces auront besoin d'argent pour appliquer l'accord et, si je ne m'abuse, aucune offre ne leur a été faite à cet égard. Il est pourtant intéressant de noter que, si je me rappelle bien, le premier accord-cadre sur la gestion de l'environnement comportait un article sur la nécessité de négocier des ententes sur le transfert de ressources.

J'en suis donc arrivé à la conclusion que l'argent est un problème.

Une voix: Pour poursuivre la discussion sur l'évaluation, si une société, une municipalité ou une organisation n'était pas d'accord avec une évaluation, pensez-vous qu'il leur sera plus difficile d'interjeter appel d'une décision?

M. Mark Winfield: C'est une question complexe. Je suppose que la plupart des appels seront interjetés par des intervenants chargés de défendre l'intérêt public et la collectivité. Certains secteurs industriels accueillent avec enthousiasme les propositions relatives aux évaluations environnementales, parce qu'ils pensent qu'elles accéléreront le processus. Je crains toutefois que, si le mécanisme proposé est mis en oeuvre, presque toutes les évaluations se termineront devant les tribunaux d'une part en raison de l'écart qui existe entre l'Entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale et la LCEE et d'autre part parce que c'est déjà ce qui se produit dans le cas d'évaluations harmonisées ou globales comme celles effectuées pour la mine Cheviot en Alberta, BHP et la baie de Voisey. Ces trois affaires ont en effet été portées devant les tribunaux pour un certain nombre de raisons allant des problèmes de procédure aux accusations de partialité. Si cette entente ne permet pas de régler ces problèmes plus facilement—et je soupçonne que ces problèmes ne feront que s'envenimer—, le nombre de poursuites relatives aux évaluations environnementales augmentera au lieu de diminuer.

Le président: Monsieur Laliberte.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Je m'intéresse davantage à la perspective d'ensemble. Cet accord semble ouvrir des portes bien précises, mais on n'arrive pas à discerner une vision globale ni la structure des responsabilités. Nous ne savons pas non plus ce que cela donnera à l'échelle nationale, provinciale ou internationale. Cet accord-cadre, qui semble être à l'origine de tout le processus et des ententes auxiliaires, pourrait donner lieu à un nombre infini d'ententes auxiliaires, n'est-ce-pas? Quelqu'un a mentionné hier que la fonction d'exécution de la loi pourrait être négociée plus tard. Quels autres domaines pourraient ultérieurement faire l'objet d'ententes auxiliaires?

M. Mark Winfield: L'accord rendu public en novembre dernier comporte une liste des éléments qu'on espère préciser: surveillance continue et rapports, réponse aux urgences environnementales, recherche et développement, politiques et législations... Ce sujet semble très intéressant, mais nous ne savons pas très bien ce qu'il recouvre. Les ententes internationales sont également un élément important. On y trouve finalement les rapports sur l'état de l'environnement. Il s'agit en fait des sujets mentionnés dans les annexes du premier accord-cadre que les ministres de l'Environnement ont dit vouloir abandonner lors de la réunion du CCME qui a eu lieu en mai 1996. En réalité, on se retrouve avec une version épurée de cet accord-cadre, ce qui sous-entend qu'on a l'intention de poursuivre dans la même voie.

Si les ententes auxiliaires sur des éléments comme les politiques, les législations et les ententes internationales qu'on avait l'intention de conclure dans la foulée de l'accord-cadre constituent une indication de la voie qui sera suivie, et tout porte à le croire, nous avons vraiment raison de nous inquiéter. Les ministres de l'Environnement ont fait marche arrière, mais ils semblent vouloir remettre ces sujets à l'ordre du jour.

• 1110

M. Rick Laliberte: Cet accord me préoccupe également en ce qui concerne la répartition des responsabilités. Il fait référence à des «Parties». Le CCME compte treize membres. Le Canada n'est-il qu'une seule des parties? N'est-il qu'un seul des intervenants? Ainsi donc, il n'y a pas d'un côté le Canada et de l'autre douze ententes, ce qui nous permettrait d'avoir un atout en réserve. Douze autres parties pourraient intervenir et, comme vous l'avez déjà dit, on pourrait se contenter du plus bas dénominateur commun pour faire taire les craintes d'une personne. Ça va. Je comprends.

Ce qui m'inquiète également, c'est la mise en garde qu'on nous a donnée hier au sujet de la façon dont évolue l'accord. On nous dit que cet accord n'est pas une délégation de pouvoirs ni une entente constitutionnelle, mais bien un contrat politique. C'est pourtant à ce résultat qu'on pourra aboutir. On nous prévient qu'il ne s'agit pas d'une entente de déconcentration ni d'un dossier constitutionnel, mais cet accord me semble évoluer dans cette direction. D'après vous, comment tout cela se terminera-t-il?

M. Mark Winfield: Je devrais vous donner une ou deux précisions. La première, c'est que nous ne connaissons pas clairement le statut légal de l'accord et des ententes auxiliaires. Nous avons déjà demandé des précisions sur la nature exacte des obligations de chaque partie, mais aucune précision ne nous a été donnée. Les négociateurs prétendent qu'il s'agit tout simplement d'un accord politique qui n'a aucun poids légal.

L'une de nos assistantes de recherche a pris l'initiative d'effectuer une enquête préliminaire à ce sujet. Elle est arrivée à la conclusion que le statut légal du document est loin d'être précis. J'ai même entendu certains juristes parler de cette question, notamment lors d'une conférence à l'Université Queen's en février dernier. Ces personnes ont laissé entendre que, en principe, rien ne s'opposait à ce qu'on considère cet accord comme un contrat civil entre deux ordres de gouvernement. Il suffit de savoir si le libellé de l'entente est assez précis pour que les tribunaux puissent le considérer comme étant exécutoire. Cette question est préoccupante, surtout en ce qui concerne les dispositions prévoyant la non-intervention, qui ne laissent place à aucune interprétation. Voilà donc l'une des questions pour lesquelles nous n'avons pas vraiment eu de réponse précise.

La seconde précision concerne une remarque formulée à plusieurs reprises, notamment par des membres du groupe de travail sur l'harmonisation du Réseau canadien de l'environnement. À certains égards, l'accord, et surtout l'accord-cadre, semblait conçu pour atteindre, par le bais d'une entente intergouvernementale, un objectif qui n'aurait pu, aux yeux du public, être atteint par la voie constitutionnelle. Je crois même qu'on a déjà décrit l'accord-cadre comme étant un amendement constitutionnel de facto. On peut se demander si, à plus long terme, cela ouvre la voie à une officialisation de ces ententes. Nous ne savons pas précisément si c'est le but poursuivi, mais il semble évident que le gouvernement fédéral se retrouvera dans une position beaucoup plus difficile à défendre.

Un témoin: J'aurais quelque chose à ajouter. Nous ne parlons pas d'une délégation de pouvoirs officielle, au sens où le définit la Constitution, en raison notamment de l'énorme complexité de la situation et des problèmes que cela engendrerait. Il est clair qu'il s'agit d'une entente administrative qui ne constituerait, aux yeux du gouvernement, qu'une solution de second choix. On peut donc se demander où tout cela nous mènera. Sur papier, cet accord prend les allures d'une entente administrative mais, si elle est entérinée, ce qui a au début été considéré comme une entente administrative deviendra au fil des ans une tradition. Nous savons tous que les traditions sont très difficiles à changer. Une fois que d'importants secteurs de responsabilité en matière d'environnement auront été transférés aux provinces, cette question deviendra de compétence provinciale, ce qui constituera un précédent pour d'autres modifications officielles.

Nous nous trouvons donc à la croisée des chemins, et nous voulons savoir quel est le rôle du gouvernement en matière de protection de l'environnement et quelles sont les solutions qui nous permettraient d'obtenir une meilleure collaboration de la part des provinces. Cet accord précise que pareille collaboration ne peut être obtenue qu'après une décentralisation, ce qui signifie que le gouvernement fédéral jouerait un rôle bien moindre sur le plan de la protection de l'environnement.

• 1115

Nous demandons aujourd'hui au comité de soumettre cette question au grand public. Le Canadien moyen attend-il moins du gouvernement fédéral au chapitre de la protection de l'environnement aux termes de cet accord, qui a un statut moins officiel qu'une entente constitutionnelle?

Le président: J'ai une question avant que nous levions la séance.

Monsieur Muldoon, votre raisonnement repose sur l'hypothèse que les provinces seront responsables de tout.

Les témoins qui ont comparu hier ont dit au comité que, selon la compétence et les capacités de chaque ordre de gouvernement, certains pouvoirs et responsabilités seront conférés parfois à une province et parfois au gouvernement fédéral. Autrement dit, les témoins des deux ordres de gouvernement ne sont pas d'accord avec vous pour dire que des pouvoirs seront délégués aux provinces. Il s'agira, dans certains cas, dans certaines régions du pays et dans certains dossiers, de déterminer quels pouvoirs seront délégués et quels ne le seront pas. Avez-vous un commentaire à formuler?

M. Paul Muldoon: L'accord ne parle pas des responsabilités fédérales ou provinciales; il parle constamment d'un ordre de gouvernement. Pour déterminer quel ordre de gouvernement doit s'occuper d'un problème environnemental particulier, il faut établir lequel est le mieux placé pour agir.

Si je ne m'abuse, l'accord précédent ne définissait pas l'expression «le mieux placé» alors que l'Accord pancanadien la définit en fonction d'une série de critères. Si vous lisez attentivement ces critères, vous constaterez qu'ils sont davantage axés sur la définition provinciale au chapitre de la proximité physique, etc.

C'est là l'un des problèmes; l'autre est d'ordre pratique. Je vous incite fortement à demander au fédéral et à chaque province quel gouvernement serait le mieux placé pour s'occuper des matières polluantes ou des inspections.

Ce que j'ai conclu de mes brèves entrevues avec différents fonctionnaires, c'est que les provinces croient qu'elles sont la plupart du temps mieux placées pour s'acquitter de ces tâches. Autrement dit, quoi qu'en dise l'accord, les provinces répondront presque invariablement qu'elles sont les mieux placées pour régler ce genre de problèmes.

Le président: Elles peuvent toujours le prétendre mais, dans les Grands Lacs, Ottawa pourrait soutenir qu'il s'agit d'eaux internationales et qu'il est mieux placé pour agir. En ce qui concerne la pollution de l'air, Ottawa pourrait aussi soutenir qu'il est mieux placé que les provinces parce que cette question dépasse les frontières provinciales. L'interprétation de cette expression peut favoriser l'une ou l'autre des parties.

M. Paul Muldoon: Cela peut en effet favoriser l'une ou l'autre des parties, mais pensez aux conséquences pratiques qui en découleraient. N'oubliez pas que 13 juridictions sont assises à la même table. D'après nous, quelles que soient les discussions qui se dérouleront autour de cette table, on en arrivera toujours à la conclusion que c'est l'ordre de gouvernement provincial qui sera le mieux placé...

Le président: Pas tout à fait, parce que les territoires et les provinces de l'Atlantique pourraient se ranger du côté d'Ottawa.

M. Mark Winfield: Le libellé de l'accord indique assez clairement qu'on s'oriente vers l'ordre de gouvernement provincial. Les articles 6.8 et 6.9 de l'Entente auxiliaire sur l'établissement de standards environnementaux démontrent clairement que les provinces joueront un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre des normes qui régissent les installations industrielles et municipales.

L'Entente auxiliaire sur les inspections environnementales dit à peu près la même chose, à savoir que les provinces jouent le rôle principal en ce qui concerne les inspections des installations industrielles et municipales. Cela est tout particulièrement évident dans la dernière version de l'Entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale, laquelle fait référence au critère du territoire pour décider qui sera l'autorité principale. Cela signifie dans les faits que le gouvernement fédéral est l'autorité principale uniquement lorsque l'intervention a lieu sur le territoire fédéral.

• 1120

Le gouvernement fédéral joue un rôle de second plan si l'intervention concerne un territoire provincial, ce qui sera la plupart du temps le cas. Certains articles de l'accord précisent plus clairement le nouveau rôle des provinces.

Le président: Mais cela pourrait être l'inverse. On pourrait l'interpréter de l'autre façon.

M. Paul Muldoon: Si c'est le cas, nous sommes heureux d'apprendre que cet accord à tout le moins maintient à son niveau actuel ou même augmente la participation du fédéral. Toutefois, comme il s'agit d'une mesure d'intérêt public, je ne suis pas certain de vouloir prendre cette chance. Je crois que cet accord et les pouvoirs conférés par la Constitution précisent clairement qui doit assumer quelles responsabilités, quand, où et comment.

Le président: Tout cela ne se résume-t-il pas à une volonté politique?

M. Paul Muldoon: Oui. Et c'est pour cette raison que le lien tenace qui relie les gouvernements fédéral et provinciaux sert de filet de sécurité. La tradition sur laquelle reposent les lois et politiques en matière d'environnement crée une dynamique entre les différents ordres de gouvernement qui n'ont pas tous la même volonté politique d'agir.

Le fait que le Canada ait deux paliers de gouvernement qui se partagent les responsabilités en matière d'environnement permet à une administration de reprendre là où l'autre a laissé. Dans la mesure où l'on peut accepter qu'il s'agit là d'un principe viable du fédéralisme, le principe qui permet d'élaborer des politiques est éradiqué par cet accord.

Au lieu de décider si le gouvernement fédéral devrait intervenir ou non, nous nous demanderons si c'est lui qui est le mieux placé pour agir. Le Canadien moyen se préoccupe-t-il de savoir quel est le gouvernement le mieux placé lorsqu'une importante fuite de dioxines se produit ou qu'un projet majeur a besoin d'être évalué? Il me semble que cette façon de procéder ne fera que mêler les cartes. Je croyais que cet accord avait notamment pour but de préciser certaines choses. À mon avis, il fait tout le contraire.

Le président: Merci. Mon autre question est la suivante: nous avons entre les mains des ententes auxiliaires qui prévoient l'élaboration d'ententes de mise en oeuvre, n'est-ce pas? Celles-ci sont censées définir de façon plus détaillée les différents rôles et responsabilités des intervenants. Sommes-nous en train de leur donner carte blanche?

M. Paul Muldoon: À mon avis, on ne fait pas que leur donner carte blanche, parce qu'on parle de mettre en oeuvre les détails d'un accord plutôt vague, on leur permet de faire n'importe quoi à l'abri des curieux. Notre groupe a participé à un grand nombre de débats sur les politiques gouvernementales. Nous n'avons pas vraiment réussi à faire accepter notre point de vue, mais le simple fait que nous ayons participé au processus indique qu'une certaine surveillance publique a eu lieu.

Il s'agit donc à notre avis de donner carte blanche à des gens qui agiront à l'abri du regard de la population canadienne. Cette façon de procéder nous fait émettre des réserves quant à la façon dont les politiques gouvernementales sont élaborées.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

M. Mark Winfield: Je ne suis pas certain qu'on permette vraiment à ces gens de faire tout ce qu'ils veulent, en ce sens que les ententes auxiliaires donnent déjà une orientation assez claire au sujet de la délégation de pouvoirs. Les ententes auxiliaires semblent déjà établir en quelque sorte l'orientation des ententes de mise en oeuvre, et cette orientation est assez claire.

Cette orientation est confirmée par le fait qu'Environnement Canada est déjà en train de réduire son personnel de première ligne dans certains des secteurs visés par l'Initiative d'harmonisation. Voilà donc un indice supplémentaire. L'accord a été rédigé de façon très astucieuse par rapport à l'accord-cadre, qui était beaucoup plus explicite au sujet de la délégation de pouvoirs. Si vous lisez très soigneusement l'accord, vous pouvez encore déceler certains indices de cette orientation. Nous avons surligné certains des articles en question dans notre mémoire.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Madame Kraft Sloan, puis nous lèverons la séance.

• 1125

Mme Karen Kraft Sloan: Pouvez-vous nous dire brièvement comment cette initiative d'harmonisation et les ententes auxiliaires influeront sur notre capacité de respecter nos engagements internationaux.

M. Stephen Shrybman: Nous n'avons pas d'entente auxiliaire sur les engagements internationaux du Canada. Je présume qu'on parle de la Convention cadre sur le changement climatique ou de la Convention sur la biodiversité, et je n'ai aucun document qui indique...

M. Mark Winfield: L'annexe de l'accord-cadre qui avait trait aux affaires internationales nous donne une idée assez claire de l'orientation adoptée, à savoir que la position que le Canada adoptera au moment de négociations sur des questions internationales comme le changement climatique et la biodiversité sera établie par consensus au sein du CCME. De la même façon, toute décision visant à mettre en oeuvre les obligations qui lui incomberont sera prise par l'entremise du CCME.

Cela cause évidemment un problème du point de vue du plus bas dénominateur commun. Cela est aussi problématique sur le plan du droit international, parce que, en vertu de la Convention de Vienne sur le droit des traités, le gouvernement fédéral est légalement tenu par les autres parties de mettre en oeuvre les obligations qui lui ont été conférées en vertu de traités. La responsabilité s'arrête à Ottawa. La Convention précise qu'aucune excuse ayant trait au fédéralisme ne sera acceptée.

Il y a donc de quoi s'alarmer. On peut déjà voir le genre de problèmes—au sujet du changement climatique par exemple—auxquels une approche axée sur un consensus donnera lieu.

Mme Karen Kraft Sloan: Le dossier du changement climatique relève conjointement du ministre fédéral de l'Environnement et du ministre fédéral des Ressources naturelles. Si le CCME a déjà mis en place un mécanisme pour les questions environnementales, faudra-t-il tenir des réunions conjointes avec des représentants du CCME et des Ressources naturelles pour discuter du changement climatique? Est-ce ce que vous êtes en train de dire?

M. Mark Winfield: On en voit déjà les effets, parce qu'il semble que les ministres de l'Environnement et de l'Énergie sont déjà assis à la même table.

Mme Karen Kraft Sloan: Oui, ils ont des réunions conjointes, mais devrait-on donner un caractère officiel à ce processus?

M. Mark Winfield: Oui, on peut présumer que, s'ils ont conclu une entente auxiliaire sur les affaires internationales, on verra bientôt apparaître un processus formel et un engagement écrit de la part du gouvernement fédéral envers ce type de mécanisme, tant pour préciser la position du Canada lors de ce genre de négociations que pour expliquer la façon dont le Canada mettra en oeuvre les obligations qui lui incomberont.

Le président: Je vous remercie beaucoup au nom des membres du comité. Nous avons eu une réunion très productive. Nous nous reverrons cet après-midi, aux environs de 15 h 15, dans la même salle.

La séance est levée.