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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 085 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 décembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Français]

     Bonjour, je vous souhaite la bienvenue à la dernière rencontre de notre comité.

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre l'étude des changements climatiques et des problèmes de conservation de l'eau et des sols. Nous sommes en vidéoconférence avec Aubert Michaud, chercheur en conservation des sols et de l'eau à l'Institut de recherche et de développement en agroenvironnement.

[Français]

    Bonjour.

[Traduction]

    Nous accueillons également par vidéoconférence, à titre personnel, Elena Bennett, professeure adjointe de Sciences des ressources naturelles.

[Français]

    Elle nous parle à partir de Sainte-Anne-de-Bellevue, au Québec.
    Je vous souhaite la bienvenue, madame Bennett. Nous entendez-vous?

[Traduction]

[Français]

    C'est bien.
    Pour commencer, vous disposerez chacun de sept minutes.
    Madame Bennett, vous avez la parole.

[Traduction]

    C'est parfait, je peux donc commencer.
    Comme vous l'avez dit, je m'appelle Elena Bennett. Je suis professeure adjointe à l'Université McGill et je suis basée ici à Sainte-Anne-de-Bellevue.
    Cela fait 20 ans que j'étudie l'agriculture, en particulier les effets de l'utilisation d'engrais sur la qualité de l'eau et des sols. Ces 10 dernières années, mes recherches ont davantage porté sur la gestion des sols dans les zones agricoles et sur la connaissance des multiples bienfaits qu'apportent les terres agricoles pour les communautés. Non seulement ces terres permettent la production alimentaire et les retombées économiques associées, mais elles ont aussi d'autres fonctions bénéfiques: usages récréatifs, gestion des inondations, purification de l'eau, régulation climatique par le stockage du carbone et bien d'autres encore.
    Nous appelons ces retombées positives « écoservices », terme qui intéresse beaucoup le milieu des chercheurs et celui des gestionnaires depuis une dizaine d'années. C'est ce dont je vais parler aujourd'hui.
    Je voudrais commencer par vous adresser mes remerciements pour cette invitation. Je suis très heureuse de voir que le gouvernement prend les changements climatiques au sérieux et qu'il se penche sur les répercussions du phénomène sur d'importants secteurs canadiens.
    Je me propose de vous entretenir d'une idée générale qui m'amènera à deux recommandations auxquelles vous pourriez réfléchir. Cette idée est la suivante: quand nous pensons à l'univers agricole, il nous faut voir au-delà de la production alimentaire. S'il est vrai que les paysages agricoles sont très importants pour la production alimentaire et l'économie, il est également vrai qu'ils procurent aux Canadiens bien d'autres services qui sont largement sous-estimés, voire ignorés.
    Si vous songez à votre paysage agricole canadien favori, vous imaginerez peut-être des champs de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard, des champs de canola dans les Prairies, des champs de maïs ou de soja ici au Québec ou encore des vergers en Colombie-Britannique. Si vous pensez à ce paysage et que vous essayez d'établir la liste des bienfaits que nous en retirons, soit les écoservices, vous songerez sans doute d'abord à l'eau et à la nourriture, peut-être au bois de chauffage ou encore, par ici, au sirop d'érable. Si je vous incite à y réfléchir un peu plus longtemps, vous pourriez aussi considérer les aspects esthétiques, les possibilités de loisirs et de randonnée ou encore la source d'inspiration que peuvent constituer ces paysages pour les activités artistiques ou culturelles.
    Enfin, si vous approfondissez encore la réflexion, vous admettrez peut-être que ces paysages aident à la gestion des inondations, qu'ils régulent le climat, qu'ils stockent le carbone dans les arbres et dans le sol et qu'ils fournissent de l'eau de bonne qualité pour la consommation, la pêche et la baignade.
    Le problème tient à ce que, pour l'instant, notre seule préoccupation est l'accroissement de l'efficacité de la production alimentaire et que cela entraîne une diminution considérable des autres écoservices fournis par ces paysages agricoles. Autrement dit, il existe des liens entre ces différents écoservices. Par exemple, si je veux produire plus de nourriture ou augmenter les rendements, j'aurai peut-être davantage recours aux engrais, mais cela provoquera sans doute une baisse de la qualité de l'eau. Ce type de relations existe dans de très nombreux paysages agricoles.
    Il y a quelques années, l'Évaluation des écosystèmes pour le millénaire, une campagne de 5 ans, financée par l'ONU, à laquelle ont participé plus de 1 000 personnes et qui visait à évaluer l'état de la planète en matière d'écoservices, a conclu que les services de production alimentaire et de production de fibres étaient en hausse, mais que les autres services, en particulier ceux en lien avec l'agriculture, comme la gestion des inondations ou la qualité de l'eau à usage récréatif, étaient en déclin. Par ailleurs, cette évaluation a révélé que la demande augmentait pour tous les types de services.
    Il y a une pression énorme actuellement en faveur du développement de l'agriculture, de l'accroissement de la production à des fins économiques et de la sécurité alimentaire. Puisqu'il est très facile de quantifier la valeur économique de la production alimentaire, il me semble que nous sommes parfois pris dans des politiques et des décisions qui s'attachent uniquement à cet aspect des paysages agricoles. Il est pourtant vital pour les Canadiens que nous n'oubliions pas toutes les autres richesses, tous les autres écoservices que rendent ces paysages, avant qu'il ne soit trop tard.
    De quelle manière? Cette question m'amène à la première recommandation que je voudrais vous faire. Il s'agit de mettre en oeuvre des politiques, de trouver du financement et de prendre des mesures générales qui encouragent les quatre actions suivantes: mesurer la production biophysique de ces autres services non-alimentaires; évaluer la demande existante pour ces autres services; savoir ce qu'attendent les gens des paysages qui les entourent; estimer les bienfaits qu'apportent aux personnes ces paysages agricoles, au-delà de l'alimentation; enfin, faire en sorte que les agriculteurs et les collectivités agricoles puissent bénéficier du fait qu'ils procurent ces services aux autres Canadiens.

  (1535)  

    Tous les efforts pour faire ces évaluations ou pour permettre que les agriculteurs bénéficient des services qu'ils rendent nous aideront à ne pas oublier que ces paysages agricoles sont à l'origine d'autres bienfaits. De plus, cela encouragera les collectivités agricoles à poursuivre leurs actions afin que nous puissions continuer à bénéficier des services rendus par ces paysages agricoles.
    Permettez-moi de passer à ma deuxième recommandation, qui porte plus directement sur la résilience et qui, à bien des égards, est liée à la première.
    Une grande partie de nos efforts vise à optimiser durablement les récoltes, tout en tenant compte de l'environnement. Toutefois, ce n'est pas suffisant. Je parle de stratégies visant à augmenter le rendement par volume d'eau utilisé pour l'irrigation, à augmenter le rendement par quantité d'engrais utilisée ou à réduire les émissions de gaz à effet de serre par unité de produit récoltée. Ces mesures sont importantes et nécessaires, mais elles ne seront pas suffisantes et elles provoqueront probablement à terme une baisse de la résilience de ces collectivités agricoles face aux changements climatiques.
    Autrement dit, nous avons réussi à augmenter de façon extraordinaire les rendements agricoles dans les parties du monde qui ont accès aux engrais et à la technologie, mais bien des choses indiquent que les mesures prises en vue d'accroître l'efficacité au sens étroit de la production agricole sans penser à la résilience, entraînent des fluctuations très dommageables de la production alimentaire et des coûts alimentaires, et qu'elles ont des conséquences environnementales négatives.
    Par exemple, les pollinisateurs naturels des cultures sont en déclin dans le monde entier, y compris au Canada, en raison du changement d'affectation des terres, de l'emploi des pesticides et d'autres changements en cours, mais les colonies d'abeilles mellifères d'élevage ne suffisent pas à compenser ces disparitions.
    Je milite pour que nous réfléchissions à une agriculture résiliente. De quelle manière pouvons-nous répondre à la demande de produits agricoles et à la croissance économique à court et long terme sans compromettre...

  (1540)  

    Madame Bennett, nous manquons de temps. Je vais vous donner une chance de conclure, si vous le pouvez.
    Je vous remercie.
    D'accord. Oui, très bien.
    Je conclurai simplement en disant que si nous voulons réfléchir à la résilience de cette manière, il faut aller plus loin que la notion de persistance, que nous maîtrisons, pour tenir compte de l'adaptation et de la transformation. Autrement dit, comment pouvons-nous aider les collectivités agricoles pour qu'elles soient en mesure de créer des modes d'agriculture entièrement nouveaux qui résistent aux changements climatiques?
    Merci.
    Merci beaucoup madame Bennett.

[Français]

     Nous allons maintenant passer à M. Aubert Michaud, qui dispose de sept minutes.
    Bonjour.
    Tout d'abord, je remercie les membres de leur invitation, et je les remercie de l'intérêt qu'ils portent aux activités de recherche de notre institut. Mon nom est Aubert Michaud. Je suis chercheur à l'Institut de recherche et de développement en agroenvironnement, l'IRDA, en conservation des sols et de l'eau depuis la fondation de l'Institut, en 1998.
    L'IRDA est un institut de recherche qui compte une centaine d'employés réguliers. Dix-huit équipes de recherche sont à l'oeuvre et se penchent sur différents enjeux de conservation des sols et de l'eau, de la qualité de l'air et de biodiversité dans le secteur agricole.
    Pour ma part, mon équipe et moi travaillons principalement à l'accompagnement d'actions concertées de communautés rurales ciblées sur les enjeux de gestion de qualité de l'eau.
    Un premier constat découle des projections climatiques, et c'est évidemment l'accroissement de la saison de croissance. Évidemment, cela comporte beaucoup de possibilités et de bénéfices pour la communauté agricole.
    Les changements climatiques présentent aussi des enjeux, particulièrement sur le plan de la distribution des surplus et des déficits en eau.
    Je vais maintenant vous présenter quatre importants enjeux qui méritent notre attention et, assurément, des mesures d'adaptation.
    Notre premier enjeu est en lien avec l'accroissement des pluies hivernales. Clairement, la saison sera plus longue et le printemps sera plus hâtif, mais d'importants volumes de ruissellement seront gérés, à cause de l'effet de précipitations sur les sols gelés et couverts de neige. On n'a qu'à penser, par exemple, aux crues de 2011 dans la Vallée-du-Richelieu et, plus récemment, à celles du printemps 2017, qui ont eu lieu dans plusieurs régions du Québec. Malheureusement, cela a démontré les effets dévastateurs des pluies sur un abondant couvert de neige. Des sols gelés ou saturés en eau sont alors vulnérables à l'émission de ruissellements de surface.
    Depuis 20 ans, nos suivis hydrométriques à petits bassins versants, expérimentés au Québec, démontrent que, une année sur deux, les volumes de ruissellement les plus importants sont effectivement observés en période hivernale et tôt au printemps. Il y a donc vraiment lieu d'adapter nos critères hydrologiques de conception des ouvrages agricoles à cette situation.
    Retenons que les critères actuels sont essentiellement ciblés sur les débits de pointe générés par les précipitations intenses en période estivale. De plus, beaucoup d'investissements sont consentis chaque année, au Québec, à l'entretien de 30 000 kilomètres de cours d'eau. Dans certaines régions, en Montérégie notamment, la récurrence des travaux est préoccupante.
    Plusieurs municipalités font part de leurs préoccupations à l'égard de l'augmentation des débits de pointe ou de sédimentation accrue. Il y a là une occasion de faire des choses différemment et d'agir de façon concertée, non seulement en ce qui a trait à l'aménagement des cours d'eau, mais aussi à l'aménagement des rives et des terres agricoles. Les techniques sont connues. Le défi se pose surtout à l'échelle humaine, soit dans la concertation des intervenants et dans l'accompagnement technique, financier et réglementaire de ces interventions.
    La conservation à long terme de la qualité des sols est un autre enjeu important interpellé par les changements climatiques. Il est ici particulièrement question de préserver la condition physique de nos sols et d'assurer la conservation de son principal capital de fertilité, soit sa matière organique.
    La compaction des sols et les problèmes d'égouttement viennent en tête de liste des préoccupations des producteurs de grandes cultures au Québec. Actuellement, plusieurs entreprises agricoles doublent les drains agricoles dans leurs champs. En fait, cette préoccupation ne date pas d'hier. Déjà à la fin des années 1980, un vaste inventaire sur la dégradation des sols concluait à une dégradation de la structure des sols sur plus de 400 000 hectares.
    Plus récemment, le portrait de l'industrie des grains fait état, au Québec, d'une baisse moyenne de 15 % du taux de matière organique sur à peine 10 ans, soit entre 1998 et 2009. Au centre du Québec, la diminution moyenne pour la même période a atteint 30 %. Ce problème a, par ailleurs, motivé le financement, par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, ou MAPAQ, d'une étude sur la santé des sols à l'échelle de la province. L'étude a été mise en oeuvre cette année, et elle est coordonnée par l'IRDA.
    L'accroissement de la durée de la saison de croissance offre une belle occasion de remettre en condition physique nos sols et d'assurer la préservation de matières organiques. L'introduction de cultures de couverture est assurément l'un des moyens les plus efficaces. La culture de couverture est une culture qui est implantée avec ou après la culture principale. Elle comporte l'avantage d'améliorer la structure du sol, d'apporter la matière organique, de stocker des éléments nutritifs et de protéger le sol contre l'érosion. Ces bénéfices sont particulièrement importants lorsque les cultures de couverture sont implantées avec une céréale à paille, comme le blé, par exemple.

  (1545)  

     Cette culture permet alors à la culture de couverture d'avoir plus de temps pour se développer, comparativement au maïs ou au soya, d'où l'intérêt vraiment central de ramener la céréale à paille dans la rotation maïs-soya au Québec, qui domine présentement le paysage des grandes cultures.
    En ce qui a trait à la qualité de l'eau, un des principaux enjeux qui interpelle le secteur agricole est l'eutrophisation des plans d'eau et la prolifération des cyanobactéries. Plusieurs plans d'eau en milieu rural sont touchés par des interdictions de baignade ou par des contaminations de prises d'eau. Il s'agit donc un important enjeu de santé publique. L'apport de phosphore est considéré comme le principal facteur à l'origine de ces phénomènes. En région agricole, le ruissellement et le drainage des terres contribuent généralement à la plus large part des apports diffus de phosphore aux plans d'eau.
    Concrètement, la première ligne de défense pour retenir le phosphore sur nos terres agricoles est le contrôle de l'enrichissement des sols. À ce titre, retenons que l'enjeu se situe d'abord sur le plan des engrais de ferme, des fumiers. En effet, les engrais de ferme constituent 65 % du phosphore utilisé en agriculture au Québec, qui est de l'ordre de 95 000 tonnes, contre 35 % pour ce qui est de l'engrais minéral. Globalement, l'apport en phosphore dépasse d'environ 30 % le prélèvement des cultures. Il y a donc un enrichissement des sols.
    Par exemple, dans les zones de concentration d'élevage en Montérégie, le taux critique de richesse des sols, soit 7,7 % de saturation en phosphore, est atteint pour 40 % des superficies en culture. Disposer des engrais de ferme devient donc problématique. Une solution efficace au problème consiste à réduire à la source la teneur du lisier en phosphore par la séparation des fractions solide et liquide aux bâtiments d'élevage. Les techniques, qui sont connues et efficaces, sont largement utilisées en Europe. Elles ont été évaluées au Québec par certains de mes collègues de l'IRDA. La fraction liquide, riche en azote, peut alors être valorisée sur les sols riches en phosphore.
    Le fait que la majorité des épandages d'engrais de ferme soit effectuée pendant les périodes où les ruissellements risquent de survenir, donc au printemps et à l'automne, constitue un autre élément du problème. En raison des sols humides, ces épandages contribuent à la compaction des sols. Encore là, la culture des céréales à paille permet de valoriser nos engrais de ferme, de réduire la compaction des sols et, en prime, de stocker des éléments nutritifs.
    Enfin, les changements climatiques appréhendés vont se traduire par des déficits en eau plus importants durant la saison de croissance. Deux facteurs jouent: des saisons plus chaudes et des précipitations plus intenses. Cela va faire en sorte qu'une proportion plus faible des pluies sera stockée dans les sols.
    En ce qui a trait à l'approvisionnement en eau pour les productions agricoles, il y a donc lieu de développer une vision à long terme qui prenne en compte la disponibilité des eaux de surface et souterraines ainsi que la consommation de l'ensemble des usagers...
    Monsieur Michaud, vous allez devoir terminer votre présentation.
    D'accord.
    Vous pouvez la conclure rapidement.
    En outre, il y a présentement des lacunes pour ce qui est de l'accompagnement technique des entreprises agricoles en matière de gestion de l'eau. Il y a donc lieu de développer des formations techniques et professionnelles à l'intention des conseillers agricoles, de façon à aider les entreprises à utiliser l'eau d'irrigation de façon plus judicieuse.
     Je vous remercie de votre attention.
    Je vous remercie, monsieur Michaud.
    Nous allons passer aux questions, mais je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue à M. Deltell, qui remplace Mme Boucher,

[Traduction]

Et merci à M. Falk de s'être joint à nous aujourd'hui.
    Je vous remercie.
    Nous allons commencer par une période de questions de six minutes.
    Monsieur Barlow, vous avez la parole. Merci d'indiquer à qui s'adressent vos questions, car nous sommes en vidéoconférence.
    Bien sûr. Je vous remercie.
    Merci beaucoup monsieur le président.
    Je remercie les témoins de nous accorder un peu de leur temps et de nous éclairer sur le dossier. Je me réjouis de vous poser des questions.
    Monsieur Michaud, je vais commencer par vous.
    Lors d'une précédente réunion, un témoin a parlé des problèmes liés à notre façon d'utiliser l'eau au Canada. Je viens de l'Alberta et je vous dois des excuses pour ne pas bien connaître toutes les autres provinces. Je sais qu'en Alberta et dans d'autres provinces de l'Ouest, il y a un véritable problème à cause de ce que nous appelons le principe du « premier arrivé, premier servi », selon lequel quiconque ayant obtenu la première concession d'eau peut la conserver indéfiniment, qu'il en fasse usage ou pas, alors que des exploitations agricoles, des ranchs et d'autres usagers manquent cruellement d'eau.
    Est-ce une occasion manquée pour nous? Le gouvernement fédéral doit-il commencer à regarder qui possède les concessions d'eau et qui y a accès? Devons-nous regarder de plus près les pratiques et les usages exemplaires pour ces ressources en eau limitées?

  (1550)  

[Français]

     Je comprends que les problèmes dans l'Ouest canadien sont très différents de ceux que l'on retrouve au Québec, par exemple.
    L'emploi de permis d'utilisation des eaux n'est pas encore en usage au Québec. De plus, nous ne connaissons pas vraiment l'ampleur du problème. Il faut faire le lien entre la disponibilité de l'eau souterraine et de surface et les besoins à venir en matière d'irrigation.
    Il y a assurément un conflit potentiel d'usage de l'eau. D'ailleurs, l'IRDA participe actuellement à une importante étude sur les conflits potentiels d'usage de l'eau pour l'ensemble des régions agricoles du Québec. Il s'agit du projet RADEAU 2, mis en oeuvre il y a près d'un an.
    Concrètement, les outils ne sont pas en place. Les connaissances en matière de besoins manquent lorsque nous parlons de développer des visions à cet égard. Les données de base ne sont pas encore colligées au Québec.
    Ce qui est davantage problématique sur le plan de la logistique, c'est que les données techniques ou l'accompagnement technique ne sont pas présents pour assurer une utilisation judicieuse de l'eau d'irrigation. Je pense à certaines cultures irriguées, comme la production maraîchère et une parte de la production de pommes de terre.

[Traduction]

    Cela m'amène à ma prochaine question, car les deux semblent liées. Madame Bennett, monsieur Michaud, si vous souhaitez ajouter quelque chose, n'hésitez pas à le faire.
    Le Conseil canadien de conservation des sols nous a dit que nous devrions surtout tenir compte du fait qu'il n'y a eu aucune étude approfondie de l'état des sols au Canada depuis la fin des années 1980. Il est évident que beaucoup de changements ont eu lieu ces 30 dernières années, sans parler de la période de végétation, des variétés cultivées, de l'utilisation de l'eau et ce genre de choses. Il est difficile de dire où nous voulons aller si nous ne savons pas exactement où nous en sommes au départ. Devrions-nous envisager une étude approfondie, au niveau national, de l'état des aquifères et de l'état des sols?

[Français]

    Votre question est très pertinente.
    Un inventaire de l'état de santé des sols vient d'être commencé au Québec. Cette initiative est coordonnée par mon collègue M. Marc-Olivier Gasser, de l'IRDA, et elle est entièrement financée par le MAPAQ.
    La préoccupation est clairement là. Je suis d'accord avec vous sur la pertinence de documenter l'état de santé de nos sols. Comme je le mentionnais, les producteurs agricoles québécois du secteur des grandes cultures expriment de l'inquiétude face au problème de compaction et de dégradation de la structure des sols. On le voit dans le doublement des drains agricoles, entre autres. La préoccupation est là, et je pense qu'il est pertinent de quantifier le problème.
    Du côté ontarien, on se préoccupe beaucoup de la santé des sols. Malheureusement, je ne suis pas au fait d'initiative semblable à celle du Québec dans d'autres provinces.

[Traduction]

    Il me semble que cela illustre parfaitement ce problème. Chaque province paraît faire des choses de son côté, mais je crois qu'il nous manque des données importantes à l'échelle nationale.
    Madame Bennett, vous évoquiez les problèmes que posent la hausse des rendements et son impact sur les sols. Pouvez-vous développer un peu votre propos? Lorsque l'on considère les innovations et les avancées technologiques qu'utilisent désormais nos agriculteurs pour la rotation des cultures, on se rend compte que, dans de nombreuses provinces on fait pousser des légumineuses qui n'étaient pas cultivées dans ces régions auparavant, cela pour protéger les sols. Nous traitons beaucoup moins grâce à certains des nouveaux outils disponibles, des nouvelles technologies des semences et ce genre de choses. On dirait que les agriculteurs ont beaucoup moins d'impacts sur les terres qu'il y a 10 ou 20 ans, mais j'ai peut-être mal compris.
    Vous disiez le contraire. Vous disiez que les pratiques d'amélioration des rendements et les techniques qui font que les agriculteurs n'ont jamais aussi peu parcouru leurs champs en tracteur qu'aujourd'hui, étaient néfastes. Ai-je mal compris?

  (1555)  

    Permettez-moi d'apporter quelques précisions, car je ne crois pas que vous m'ayez mal compris. En réalité, il y a eu des hausses de rendement et elles ont en partie contribué à la réduction de l'emploi des engrais.
    En ce qui concerne la résilience qui, si j'ai bien compris, fait partie du rapport sur lequel travaille en ce moment le Comité, même si nous augmentons la durabilité, nous pouvons en même temps réduire la résilience si nous créons un système plus rigide. Autrement dit, si vous êtes très dépendants de la technologie pour réussir à correctement, disons, semer vos cultures, à les irriguer, ou...
    Je dois vous interrompre madame Bennett. J'en suis navré. Nous avons dépassé le temps de parole du député. M. Breton vous donnera peut-être la possibilité de finir.

[Français]

     Monsieur Breton, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Si vous le souhaitez, madame Bennett, je peux vous laisser la chance de compléter votre réponse.

[Traduction]

    D'accord. Je veux juste dire que vous créez un système moins résilient. Plus il sera efficace, plus il sera étroitement contrôlé, moins il sera résistant aux chocs, y compris aux changements climatiques, aux changements économiques ou à tout autre événement soudain. Cela est étayé par un nombre considérable de preuves, donc, lorsque nous mettons en oeuvre ces nouvelles technologies, nous devons faire attention à ne pas créer un système rigide.

[Français]

    Très bien, je vous remercie.
    Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue, madame Bennett et monsieur Michaud.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup de vos témoignages.
    Je représente une circonscription très agricole. En effet, 85 % du territoire de la circonscription de Shefford est considéré comme étant un secteur agricole. Évidemment, je discute régulièrement avec les producteurs, et ces derniers s'inquiètent des changements climatiques. Cela crée sans aucun doute une certaine insécurité.
    Cependant, plusieurs me parlent aussi de possibilités. Comme vous l'avez dit, le secteur agricole est extrêmement résilient, mais il est toujours prêt à apporter des solutions et à s'adapter aux différentes contraintes auxquelles il fait face.
    J'aimerais que vous me parliez de ces possibilités. Monsieur Michaud, comme vous en avez brièvement parlé au début de votre présentation, Mme Bennett pourrait répondre à ma question en premier.
    Que pensez-vous de la possibilité que nos producteurs agricoles augmentent leur production? Il souhaitent évidemment toujours nourrir les habitants de notre pays, et il y a actuellement beaucoup de possibilités sur l'échiquier mondial. Comment voyez-vous les occasions qu'a le secteur agricole d'augmenter sa production?
    Madame Bennett, je vous entendrai d'abord, et monsieur Michaud, vous pourrez répondre par la suite.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Des possibilités importantes s'offrent actuellement à l'agriculture canadienne avec l'allongement de la saison de végétation et les sols qui se réchauffent plus tôt, ce qui permet de semer plus tôt et de cultiver de nouvelles variétés. C'est une excellente occasion à saisir si nos collectivités agricoles réussissent à s'adapter.
    Il y a évidemment lieu de s'inquiéter du fait que, même avec les meilleurs modèles, nous ne savons toujours pas exactement ce qui va se passer ni quand cela va se passer. Les gens s'inquiètent beaucoup de savoir s'ils pourront s'adapter assez rapidement. Je pense que cela dépend vraiment de notre capacité à mettre en place des mesures qui permettent ce genre d'adaptation rapide. À maintes reprises, les agriculteurs et les collectivités agricoles ont parfaitement réussi à s'adapter et à adopter de nouvelles technologies, mais cela exige toujours d'importants apports de capitaux, tant pour le savoir que pour la technologie — par exemple, disons, pour les tracteurs. Nous devons donner aux agriculteurs la possibilité de faire les innovations qu'ils jugent nécessaires.

[Français]

    Monsieur Michaud, souhaitez-vous intervenir?
    Oui, je le souhaite.
    En bref, une augmentation de croissance de quelques semaines en début et en fin de saison permettra assurément d'augmenter les rendements. D'ailleurs, on le voit déjà en production maraîchère, où l'on fait état d'un accroissement d'environ deux semaines de la saison de production. Cela permettra assurément d'étendre certaines productions. Dans votre circonscription, je pense aux productions de vignobles, par exemple.
    Toutefois, j'aimerais bien y voir l'occasion d'augmenter la faisabilité de la pratique agricole de conservation. Je pense à la culture de couverture, qui consiste, par exemple, à semer du trèfle avec des céréales à paille pour remettre en état nos sols. Je pense au développement fenêtres d'épandage, notamment lors de la période estivale, pour limiter la compaction des sols en présemis au printemps ou tardivement à l'automne.
    Je crois qu'il y a de vraies occasions de capitaliser sur cette fenêtre plus large pour augmenter la faisabilité de pratiques agricoles de conservation, ce qui sera vraiment bénéfique à long terme pour les entreprises agricoles.

  (1600)  

    Je m'intéresse toujours à la compétitivité mondiale du Canada en matière d'agriculture.
    Monsieur Michaud, comment entrevoyez-vous les changements climatiques ici, au Canada, en ce qui a trait à la compétitivité? Évidemment, le secteur agricole fournit des produits de très grande qualité. Nos produits sont en demande un peu partout sur la planète. Il y a des défis à relever, assurément.
     Parlez-moi brièvement de la position potentielle de nos producteurs et, évidemment, de la possibilité qu'ils vendent davantage leurs produits à l'échelle planétaire.
    Il y a assurément des possibilités de rendement accru. Il y avait aussi, possiblement, une réduction de certains coûts de production. Les avantages sont là. En ce qui a trait à la gestion, l'eau est relativement abondante au Québec. Cela nous positionne très bien, entre autres sur le plan des productions maraîchères. Chacun connaît la situation problématique que vivent les Californiens en ce moment, par exemple.
    Il y a sûrement des parts de marché à prendre dans certains secteurs.
    C'est intéressant. Je vous remercie beaucoup.
    Merci, monsieur Breton.
    Merci, monsieur Michaud.
    Je donne maintenant la parole à Mme Brosseau, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier M. Michaud et Mme Bennett, nos deux témoins.
    Vos témoignages devant le Comité et vos expertises sont fort intéressants.
     Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Michaud.
    À mon avis, pour vraiment s'attaquer aux problèmes du changement climatique, il faut qu'il y ait une collaboration et un leadership aux niveaux municipal, provincial et fédéral. Tout le monde doit aller dans la même direction.
    Pouvez-vous nous dire, selon vos recherches et votre expertise, quel rôle devrait jouer le gouvernement fédéral?
    Votre question est très pertinente.
    La plupart des enjeux, et c'est aussi souvent le cas pour les solutions, concernent plusieurs intervenants. J'ai entre autres parlé de l'aménagement des terres. Il y a beaucoup de préoccupations à ce sujet dans le monde municipal. D'ailleurs, c'est une préoccupation que partagent souvent les producteurs agricoles. Le drainage souterrain est peut-être leur principal actif en ce qui concerne la productivité de leurs cultures. Évidemment, l'aménagement des cours d'eau ou des terres agricoles concerne les mondes municipal et régional, les autorités provinciales et même des réglementations fédérales.
    Les techniques sont souvent connues, mais il devient difficile de vraiment concerter les mesures et même d'assurer une cohérence des encadrements technique, financier et réglementaire.
    Comme je suis un scientifique, ce n'est pas à moi de commenter le positionnement du gouvernement fédéral. Toutefois, je peux dire qu'il y a assurément des éléments importants du côté des infrastructures et des investissements durables dans l'aménagement intégré des cours d'eau et des terres, par exemple, .
    De plus, des réglementations environnementales fédérales sont touchées dans ces projets. C'est important que les réglementations limitent les situations problématiques, mais aussi qu'elles ne nous empêchent pas d'innover et de tenter de nouvelles approches, entre autres, en matière d'aménagement des cours d'eau.
    Nous aurons bientôt le prochain Cadre stratégique pour l'agriculture. Le gouvernement devrait peut-être investir davantage dans l'éducation et adopter de meilleures pratiques.
    Des témoins des États-Unis ont fait des présentation au Comité, au cours des dernières séances, lors de notre étude sur les changements climatiques. Un des experts que nous avons entendus nous a expliqué que les États-Unis récompensent les producteurs qui adoptent des mesures en ce sens, qui plantent des arbres et qui vont davantage dans la direction de l'agroforesterie.
    Selon vous, le fait de récompenser les producteurs qui font des choix plus durables est-elle une pratique qui pourrait être mise en avant par le gouvernement fédéral?

  (1605)  

     Assurément.
    Mme Bennett a parlé de la rétribution des biens et services environnementaux. J'ai notamment en mémoire un projet pilote sur la rétribution des biens et services gouvernementaux réalisé dans la MRC de Brome-Missisquoi. On parle ici d'une intervention regroupant une quarantaine d'entreprises agricoles, de 80 km de bandes riveraines et de plus de 700 structures de contrôle de ruissellement. C'est une initiative d'une ampleur remarquable.
    Je peux témoigner du fait que nous avons eu le plaisir d'accompagner des communautés agricoles dans des projets d'aménagement. Les producteurs sont volontaires et répondent bien aux incitatifs financiers. Il est donc important de noter que les incitatifs financiers sont efficaces, de même que le soutien technique.
     Le cadre stratégique Cultivons l'avenir 2 offre beaucoup d'appui quant à la recherche appliquée et aux réseaux de démonstration à la ferme. Un réseau de services-conseils en agroenvironnement a été mis sur pied. Au Québec, les clubs-conseils en agroenvironnement sont une courroie de transmission importante en matière de transfert des connaissances et d'accompagnement technique. Je pense que les leviers financiers et l'accompagnement technique sont tous deux importants.
    Je vous remercie, monsieur Michaud.

[Traduction]

    Madame Bennett, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la façon d'inciter les agriculteurs et les producteurs à adopter de meilleures pratiques. Beaucoup d'agriculteurs le font en ce moment, mais cela pourrait être un moyen d'en inciter davantage à suivre le mouvement.
    J'ai une deuxième question et j'espère que j'aurai le temps de la poser, monsieur le président.
    À vrai dire il vous reste 45 secondes
    Je vais poser ma question malgré tout et voir si elle peut y répondre.
    Dans le rapport Barton, le gouvernement a dit qu'il voulait faire passer les exportations de 55 milliards de dollars en 2015 à 75 milliards en 2025. Pouvons-nous le faire si nous continuons sur la même voie, tout en essayant de réduire les effets des changements climatiques? Est-ce réalisable, ou faut-il repenser entièrement les choses et établir un leadership différent?
    Pourrions-nous avoir une réponse rapide, s'il vous plaît?
    Je suis frappée par le fait qu'il s'agirait d'une augmentation très importante qu'il serait difficile de réaliser sans faire beaucoup d'autres changements.
    Vous vous demandiez tout à l'heure comment les divers paliers de gouvernement peuvent agir pour nous permettre de réussir ce que nous voulons accomplir en agriculture, notamment ce genre d'augmentations, mais aussi d'autres choses me semble-t-il. Il y a de nombreuses façons de passer de 55 à 75 milliards de dollars et beaucoup d'entre elles auraient pour conséquence une érosion radicale du capital naturel. La question de la qualité des sols et de la qualité de l'eau a été posée tout à l'heure et il a été dit que nous ne savions même pas dans quel état sont nos sols et notre eau...
    Merci, madame Bennett.

[Français]

    Monsieur Drouin, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'ai apprécié les interventions de nos chers collègues.
    Monsieur Michaud, à la lecture de votre présentation, je me suis demandé comment on pouvait améliorer la situation, d'abord en ce qui a trait à la réduction de l'impact des changements climatiques. J'ai remarqué au cours de notre étude que la culture sans labour était une pratique beaucoup plus courante dans l'Ouest que dans l'Est du Canada. Je voudrais savoir ce qu'il en est du Québec. Je ne suis pas du Québec, mais j'en suis très proche, étant en Ontario.
     Est-ce qu'au Québec également cette pratique est moins utilisée que dans l'Ouest du Canada?
    C'est effectivement le cas. Votre question est très pertinente.
    J'aimerais évoquer rapidement le rapport sur la conservation des sols produit par le Comité sénatorial permanent de l'agriculture, des pêches et des forêts publié en 1984 et intitulé « Nos sols dégradés : le Canada compromet son avenir » ou rapport Sparrow. Vous avez peut-être vu ce document, qui a assurément eu un effet important sur le développement de la culture sans labour au cours des années 1980.
    Nous sommes conscients que, dans l'Ouest, cette pratique est maintenant presque systématique. Au Québec, elle touche tout de même un peu plus de 50 % des superficies. Il reste que, concrètement, c'est vraiment la rotation maïs-soya qui domine. En général, le soya se prête mieux à une absence de labour, mais il laisse malheureusement très peu de résidus de culture à la surface du sol. Par surcroît, si des engrais de ferme ne sont pas incorporés, la perte de phosphore dans le ruissellement de surface s'en trouve multipliée.
     Le semis direct est en effet un actif intéressant, mais il faut considérer la diversification ou l'amélioration de la rotation. J'ai parlé plus tôt de l'introduction de céréales à paille, notamment. Or ces dernières, particulièrement l'avoine et l'orge, ont malheureusement connu un déclin important. Il y a sûrement un marché très intéressant à développer et avantageux pour la conservation des sols. C'est le cas des céréales d'hiver au Québec, par exemple, où le climat sera plus favorable. Cela va permettre entre autres l'introduction de cultures de couverture, une pratique qui est beaucoup moins efficace dans le cas du soya et du maïs.

  (1610)  

     Je pense que c'est la même chose chez nous, c'est-à-dire que, sur les terres agricoles, ce sont les productions de soya et de maïs qui dominent.
    J'aimerais seulement poser une autre question.
    Lors de la dernière séance de notre comité, un des témoins a parlé de la couverture forestière. Il ne s'agit pas d'une forêt sur un terrain agricole. Toutefois, il avait essentiellement parlé de sacrifier peut-être quelques terres agricoles pour faire pousser des arbres et même de combiner la culture du maïs à celle de certains arbres.
    Selon vos recherches, cela améliorerait-il la matière organique sur les terrains agricoles ou pas vraiment? Ce serait probablement le cas près de l'endroit où les arbres seraient plantés.
    En fait, il s'agit de deux questions.
    L'arbre a effectivement sa place dans le système, et plus particulièrement en ce concerne l'aménagement riverain et la proximité des cours d'eau. Nous sommes conscients que l'aménagement d'une bande riveraine arbustive ou arborescente briserait la connectivité hydrologique entre les champs et le cours d'eau et aurait un effet bénéfique sur le drainage des terres et la rétention d'éléments fertilisants, entre autres. D'ailleurs, cela a été démontré dans quelques dispositifs d'actions concertées en bassin versant.
    Pour ce qui est de la culture intercalaire et des grandes cultures avec des arbres, je ne crois pas que ce soit une pratique à la portée de tous. Toutefois, il est certain que des portions du territoire agricole sont particulièrement vulnérables et peut-être peu productives en raison d'une position basse dans le relief ou d'un mauvais égouttement. Ainsi, elles seraient peut-être bien valorisées sur le plan sylvicole.
    Nous devons soutenir une vision d'ensemble en ce qui a trait à l'aménagement intégré des bassins versants problématiques. La qualité des sols et de l'eau , le rendement des cultures et l'impact des activités agricoles en aval sur la qualité de l'eau sont toutes interreliées.
    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Madame Bennett, je ne vous ai pas oubliée. J'ai une brève question sur le rôle que peut jouer l'agriculture de précision. Avez-vous constaté, dans vos études, qu'elle pouvait être en contradiction avec la résilience en agriculture? Je me demandais si vous aviez étudié cette question et si vous pensez que le Canada peut jouer un rôle important dans ce domaine.
    Je n'ai pas fait d'études sur l'agriculture de précision, mais je connais bien la littérature qui s'y rapporte. Elle permet de réduire la quantité d'engrais que nous utilisons, mais à grand renfort de capitaux et au prix d'une grande dépendance vis-à-vis de la technologie. Il y a là un compromis à faire entre la résilience et la souplesse qui nous permet de nous adapter rapidement, mais il est vrai que cela réduit notre utilisation d'engrais à court terme.
    Je pense que c'est une question d'adaptation de la communauté agricole.
    Je n'arrête pas de raconter cette histoire, mais mon collègue et moi étions tous les deux à une exposition agricole et l'un des vendeurs disait que si nous devions pratiquer l'agriculture de précision, la première chose à faire serait une analyse du sol. Il a fallu trois ans pour que mon homologue fasse analyser son sol.
    Il mettait de l'engrais sur toutes ses terres parce que son père le faisait et que c'est ce qu'il avait appris. Il a obtenu de bons rendements. La troisième année, il a constaté qu'il n'avait peut-être pas besoin de dépenser tout cet argent pour mettre de l'engrais partout et pour finir, il a opté pour l'agriculture de précision.
    J'en retiens qu'il reste encore beaucoup à faire en matière d'éducation. Toute recommandation sur ce que peut faire le Comité pour veiller à ce que cette information soit diffusée serait utile —  et voilà qu'on m'interrompt...

  (1615)  

     Malheureusement, monsieur Drouin, nous allons devoir vivre avec les bons conseils de départ.

[Français]

    C'est maintenant le tour de Mme Nassif, qui dispose de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins.
    Monsieur Michaud, je suis la députée de Vimy, une circonscription qui n'est pas vraiment agricole, mais plutôt urbaine. Je suis nouvelle au Comité, mais j'ai essayé d'en apprendre davantage sur vos projets en visitant le site Web de l'Institut de recherche et de développement en agroenvironnement.
    J'aimerais avoir plus d'informations sur la gestion durable de l'eau dans le contexte des changements climatiques. Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires là-dessus et surtout sur la situation actuelle de la gestion de l'eau au Canada, que ce soit sur les terres agricoles ou ailleurs?
     Je vous remercie de votre question.
    En fait, il y a deux types d'enjeux. Premièrement, il y a les enjeux liés à la gestion quantitative de l'eau. Plus tôt, j'ai exprimé des inquiétudes à l'égard des excédents, des crues hivernales en lien avec les précipitations sur les sols gelés et la fonte des neiges. Cet un enjeu préoccupe évidemment le milieu rural, mais il peut également préoccuper les communautés urbaines près des exutoires des bassins versants ruraux. Il s'agit donc d'un enjeu collectif important.
    La question des déficits hydriques est aussi un enjeu. Nous en avons parlé plus tôt. La question se pose peut-être beaucoup plus dans l'Ouest canadien qu'au Québec. Des inquiétudes commencent à se manifester, entre autres en lien avec la qualité de l'eau d'irrigation. Dans certaines régions, c'est un problème, car si elles ne peuvent plus avoir accès à l'eau de surface pour faire de l'irrigation, cela crée une pression supplémentaire sur les eaux souterraines. De plus, il y a évidemment d'autres utilisateurs. Il y a donc vraiment un enjeu de conciliation d'usage de l'eau.
    L'autre aspect concerne évidemment la qualité de l'eau. Des saisons plus chaudes risquent d'accroître la prolifération de cyanobactéries et des processus d'eutrophisation dans les plans d'eau. Beaucoup de plans d'eau sont déjà touchés dans l'Est du Canada et au Québec.
    Je pense qu'il faut être encore plus vigilant en ce qui a trait au contrôle de l'enrichissement de nos sols en phosphore; il faut travailler au bâtiment d'élevage pour contenir le phosphore dans les phases solides, les déjections; surtout, il faut travailler avec des systèmes de cultures pour développer des fenêtres d'épandage moins problématiques pour la compaction des sols et il faut avoir un meilleur recyclage des éléments nutritifs. Rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout peut se traduire en bénéfice gagnant-gagnant pour les producteurs agricoles et les communautés situées en aval.
    Je vous remercie.
    Madame Bennett, si vous avez quelque chose à ajouter, n'hésitez pas à nous faire part de vos commentaires. Je vous écoute.

[Traduction]

    Je pense que M. Michaud a certainement parlé de cet aspect des choses. Je dirai simplement qu'il est important que nous sachions où nous en sommes vis-à-vis du capital naturel qui sous-tend ces systèmes agricoles, les sols, l'eau et les autres mécanismes qui sont le moteur de l'agriculture.

[Français]

    Madame Bennett, c'est à vous que s'adresse ma prochaine question.
    Le gouvernement ou le secteur privé ont-il mis en place des pratiques ou des politiques qui nuisent à la gestion durable de l'eau?

[Traduction]

    Y a-t-il des politiques qui produisent des effets négatifs sur la gestion de l'eau? Il y a clairement des politiques à l'oeuvre actuellement qui selon moi empêchent probablement les agriculteurs de faire ce qu'ils savent être, ou croient être, le mieux pour la qualité de l'eau — y compris, par exemple, certaines réglementations sur la façon dont nous gérons les bandes tampons. Il court des idées plutôt rigides sur ce que doivent ou ne doivent pas être ces bandes tampons, même si ce n'est peut-être pas le mieux pour l'exploitation agricole. Vous voyez qu'il existe un compromis entre rendre les choses strictes et conformes pour que les gens sachent ce qu'ils doivent faire et au contraire avoir des directives floues pour que les gens puissent s'adapter.

  (1620)  

[Français]

    Vous menez une enquête sur les compromis entre la production agricole et la qualité de l'eau. J'aimerais connaître votre réponse en lien avec cette enquête. Pouvez-vous me parler de cette enquête, s'il vous plaît?
    Est-ce que la question s'adresse à Mme Bennett?
    Oui, elle s'adresse à Mme Bennett.

[Traduction]

    Pour ce qui est de l’agriculture et de la qualité de l’eau, un important rééquilibrage pourrait être effectué, étant donné qu’on augmente souvent la productivité agricole en utilisant plus d’engrais, ce qui a des répercussions évidentes sur la qualité de l’eau. C’est un problème auquel nous sommes confrontés tous les jours et il est certain que nous avons appliqué... On a fait état précédemment d’un agriculteur qui utilisait trop d’engrais simplement parce qu’il n’avait pas fait de test de sol.
    Étant donné que les engrais sont relativement bon marché, la grande majorité de nos agriculteurs en épandent beaucoup plus que nécessaire et cet engrais reste dans le sol. C’est comme si un seau d’engrais se trouvait en amont de nos cours d’eau en attendant d’en dégrader la qualité. Au cours des 50 dernières années, en déversant d’importantes quantités de phosphore dans nos bassins hydrographiques, nous avons créé des conditions qui pourraient avoir de sérieuses conséquences. De fortes pluies hivernales et de grosses tempêtes printanières pourraient rejeter une importante quantité de terre érodée et de phosphore dans nos cours d’eau.
    Merci, madame Bennett.

[Français]

     Merci, madame Nassif.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Falk pour six minutes.
    Merci, monsieur le président. J’ai le plaisir d’être ici aujourd’hui en qualité de remplaçant d'un membre de plein titre du Comité. Je remercie nos témoins.
     Madame Bennett, je vais commencer par vous. Autrefois, la mise en jachère d’été était une pratique très répandue chez les agriculteurs. Par la suite, nous sommes passés au travail minimal des sols et aujourd’hui aux semis directs. Les agriculteurs avaient l’habitude d’incorporer beaucoup plus de cultures fourragères matures au sol. Évidemment, cela ne se produit pas lorsqu’on procède par semis directs. Pouvez-vous me faire part de vos réflexions et de vos commentaires sur les aspects positifs et négatifs d’une telle pratique ou de son absence?
    Oui, on utilisera le semis direct ou l’incorporation des éléments de récolte selon les objectifs de gestion. Le semis direct est excellent pour gérer le phosphore et certains aspects de la qualité de l’eau, mais il s’avère moins utile ou même parfois nuisible pour gérer l’azote. Encore une fois, il s’agit de trouver le juste équilibre entre souplesse et rigidité pour permettre aux agriculteurs de faire ce qu’il faut dans leur région, que ce soit pour le phosphore ou l’azote.
    Que pensez-vous de la jachère d’été? A-t-elle toujours sa raison d’être? S’agit-il d’une pratique ou d’une philosophie qui demeure pertinente de nos jours?
    En fait, il s’agit d’un domaine de l’agriculture que je ne connais pas bien; or, je ne pourrais pas affirmer catégoriquement qu’elle a toujours ou non sa place dans l’agriculture canadienne.
    D’accord. Vous avez également parlé d’un seau en amont rempli de phosphore qui attend une inondation ou une pluie torrentielle. Connaissez-vous l’utilisation des tuyaux de drainage?
    Oui.
    Qu’en pensez-vous?
    En gros, il s’agit d’un système qui permet d’acheminer le phosphore directement dans nos cours d’eau.
    On les utilise sur des propriétés qui n’ont pas de bassins de rétention.
    C’est exact, en l’absence de bassins de rétention. La plupart de mes études des sols portent sur le Québec et j’ai pu observer que la majorité des phosphores va directement dans les fossés de drainage. Nous devrions les utiliser à plusieurs endroits où les sols sont compactés, relativement humides et peu drainés comme ceux que nous trouvons ici. Toutefois, ils déversent certainement plus de nutriments dans les cours d’eau.
    D’accord. Que pensez-vous de l’engrais naturel, comme les déchets de bétail, par rapport à l’engrais artificiel?
    Eh bien, il existe plusieurs sortes d’engrais de bétail, différents calendriers, et différentes méthodes et quantités d’application. Provient-il de bovins nourris au pâturage ou d’un parc d’engraissement?
    Dans le coin, l’élevage de bétail se fait en grande partie dans les parcs d’engraissement. Le problème, est que nous ne pouvons pas utiliser tout le fumier produit. Il s’agit d’un excellent engrais, mais nous n’avons pas suffisamment de terres pour tout l’utiliser. Même si cet engrais réduit la quantité à acheter, il peut causer des problèmes et de sérieux dommages, surtout si on l’épand au début du printemps ou à la fin de l’hiver.

  (1625)  

    J’ai assisté à une réception, il y a trois semaines je crois, ici au Parlement, et j’y ai rencontré un pédologue. Je lui ai demandé quelle était, à son avis, la plus grande menace pour nos sols ici au Canada. Selon vous, quelle a été sa réponse?
    Je n’en ai aucune idée.
    Quelle serait votre réponse?
    Quelle est la menace la plus grande pour notre sol? Je dirais que c’est la perte de matière organique, mais cet avis repose en grande partie sur mon expérience personnelle. Qu’elle a été sa réponse?
    Il a dit que l’érosion éolienne est la plus grande menace qui pèse sur la conservation des sols; or, je me demande si vous connaissez les brise-vents et si vous avez des conseils à donner au Comité à cet égard.
    Certainement. Je n’ai pas une grande connaissance des brise-vents; toutefois, une chose qui s’est avérée très bénéfique, non seulement pour l’érosion éolienne et pluviale, mais aussi pour la prestation de services en général, a été la plantation d’espèces indigènes — par exemple, des espèces indigènes aux prairies — pour former des bandes coupe-vent. Cela peut servir de brise-vent et d’habitat aux pollinisateurs, tout en réduisant l’érosion éolienne et hydrique ainsi que le ruissellement. Cela s’est avéré très efficace dans le Midwest américain.
    D’accord.
    J’imagine que la même chose se produirait ici avec les coupe-vents.
    D’accord. Merci, madame Bennett.
    Monsieur Michaud, vous avez entendu mes questions. Avez-vous des commentaires à formuler sur l’une ou l’autre de ces questions?
    Il y avait la question sur les minéraux dans le fumier. J’aimerais peut-être aborder deux aspects de cet enjeu.
    Il s’agit tout d’abord de proportion. Le fumier organique contient beaucoup de phosphore. On l'applique pour essayer de répondre aux besoins en azote. Le rapport azote-phosphore du fumier est trop faible pour répondre aux besoins des cultures, ce qui crée un certain déséquilibre. C’est la raison pour laquelle j’ai parlé des endroits où les sols sont excessivement riches en phosphore. Il serait intéressant de réduire le rapport azote-phosphore du fumier en séparant les solides et les liquides, en particulier dans le cas du lisier de porc. C’est l'un des aspects.
     L’autre aspect est que l’engrais minéral — le phosphore, par exemple — est appliqué à l’ensemencement, alors que la plupart des fumiers organiques sont appliqués avant l’ensemencement ou à l’automne, lorsqu’ils sont sujets au compactage du sol et plus susceptibles au ruissellement. C’est un gros problème, à mon avis.
    Merci, monsieur Michaud.
    Merci, monsieur Falk.
    Oh, c’est tout?
    Oui, nous avons un peu dépassé la limite de temps.
     La conversation a été très intéressante.
    Cela conclut notre première heure. Je tiens à remercier M. Michaud et Mme Bennett d’avoir pris le temps d’être parmi nous aujourd’hui.
    Nous allons suspendre la séance pour changer de groupe de témoins. Nous reprendrons dans deux minutes.

  (1625)  


  (1635)  

    Bienvenue à la deuxième heure de notre étude sur les changements climatiques et la conservation de l’eau et des sols.
    Nous accueillons en personne Jason Webster, vice-président de la East Prince Agri-Environment Association — soyez le bienvenu monsieur Webster — ainsi que Gordon McKenna, membre du conseil d’administration. Wayne Easter vante les mérites de ce que vous faites sur l’île.
     De plus, nous accueillons par vidéoconférence Sean Smukler, professeur adjoint et titulaire de la chaire junior de l’Agriculture et de l’Environnement de l’Université de la Colombie-Britannique.
    Nous allons commencer par une déclaration liminaire de sept minutes pour vous tous. Désirez-vous partager ce temps?
    Comme vous l’avez dit, je m’appelle Gordon McKenna. Je viens de l’Île-du-Prince-Édouard et je suis producteur de pommes de terre. Mon collègue Jason Webster m’accompagne; il est également producteur de pommes de terre.
    Permettez-moi de vous interrompre un instant, monsieur McKenna. Vous avez préparé une série de diapositives. Malheureusement, elle est dans une langue seulement. S’ils désirent regarder les photos, c’est bien. Il n’y a pas de problème.
    On nous a invités pour vous parler de la East Prince Agri-Environment Association, que nous avons mise sur pied il y a environ trois ans pour bâtir une industrie agricole plus durable sur le plan de l’environnement grâce à des pratiques de gestion fondées sur des preuves et qui ont un impact sur notre environnement.
    Notre association regroupe 12 agriculteurs de la région du comté de Prince, de l’Île-du-Prince-Édouard, et nous produisons principalement des pommes de terre. Nous sommes tous situés sur le même bassin hydrographique, le bassin versant de la rivière Dunk. Nous partageons l’objectif de bâtir une industrie de la pomme de terre plus durable sur les plans environnemental et économique dans cette région.
    Comment y parvenir? Nous travaillons ensemble et avec des chercheurs, les gouvernements, l’industrie et le public pour mieux comprendre l’incidence de nos pratiques agricoles sur l’environnement afin de prendre des décisions de gestion plus éclairées.
     Voici une photo d’un de nos nombreux projets, où nous collaborons directement avec des chercheurs fédéraux. Il s’agit d’un projet où on utilise les saules pour atténuer les gaz à effet de serre. C’est très intéressant.
    Jason, je vous cède la parole.
    Nous travaillons actuellement sur huit projets différents en collaboration avec des chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada à l’Île-du-Prince-Édouard et à Fredericton, ainsi qu’avec quelques agents du ministère de l’Agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard et un professeur du Collège d’agriculture de la Nouvelle-Écosse.
    Quant au changement climatique et à son impact sur l’Île-du-Prince-Édouard, nous observons entre autres choses plus de degrés-jours de croissance pour les cultures. Nous assistons en quelque sorte à un prolongement de la saison de croissance, à un changement dans la configuration de nos précipitations et à une légère augmentation de la période sans gelée.
    Qu’est-ce que cela signifie pour notre secteur?
     Nous entrevoyons la possibilité de produire différentes cultures que nous n’aurions peut-être pas pu cultiver autrement à l’Île-du-Prince-Édouard. Maintenir le financement de la recherche versé à Agriculture et Agroalimentaire Canada, ou AAC, et à d’autres groupes, nous permettrait d’étudier les autres cultures qui pourraient être utilisées.
     Le changement climatique pourrait éventuellement entraîner un rendement plus élevé pour certaines de nos cultures, en raison des jours de croissance plus longs, surtout pour les pommes de terre.
    À titre de producteurs agricoles, nous pourrions vraiment tirer parti d’une recherche accrue sur les nouvelles variétés de cultures existantes et les nouvelles cultures qui pourraient prospérer à l’Île-du-Prince-Édouard.
    Par ailleurs, nous observons que les changements climatiques produisent des sécheresses prolongées qui risquent certainement de réduire le rendement et la qualité de nos cultures de pommes de terre.
    Il y a aussi moins de gel pendant les mois d’hiver, ce qui n’est pas tout à fait mauvais à certains égards. Par ailleurs, le gel contribue à notre système de lutte antiparasitaire. Sans les grandes gelées, nous assistons à une augmentation des populations d’insectes ravageurs, de certaines maladies du sol et des mauvaises herbes.
     Nous cherchons à poursuivre notre collaboration avec AAC et d’autres groupes dans le but de nouer des partenariats sur les nouvelles stratégies nécessaires pour gérer l’eau et sur certaines nouvelles mesures qui pourraient aider à protéger les cultures contre les populations nouvelles ou plus importantes de ravageurs. Nous voulons également nous attaquer aux nouveaux ravageurs et améliorer la gestion du stockage.
    Nous avons besoin d’informations et de données pour améliorer notre prise de décisions et savoir quand il faut irriguer, quelle quantité d’eau utiliser et où l’appliquer, etc. Parmi les producteurs de notre groupe, 80 % utilisent l’irrigation, y compris Gordon et moi. L’Île-du-Prince-Édouard gagnerait à ce qu'il y ait plus de recherches sur les systèmes d’irrigation appropriés. Il existe différents types de sols. L’irrigation a mieux fonctionné dans certains secteurs de l’Île-du-Prince-Édouard. Différentes techniques d’irrigation peuvent être utilisées. À notre avis, il s’agit d’une véritable occasion pour l’Île-du-Prince-Édouard de coopérer avec AAC dans le but de faire avancer le dossier de l’irrigation.
    L’une des choses que nous avions soulignées dans notre mémoire, mais dont nous ne vous avons pas fait part dans notre exposé, c’est que le rendement de la pomme de terre a pratiquement stagné au cours des dernières années à l’Île-du-Prince-Édouard, tandis que celui des autres régions des États-Unis et du Canada augmente régulièrement. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons formé ce groupe, et nous essayons de travailler en étroite collaboration avec les chercheurs d’AAC en les invitant à venir sur le terrain avec nous. Cela a pour but de créer de bonnes relations avec eux, de renforcer la confiance et, nous l’espérons, de dresser un bilan des aspects positifs et négatifs à la fin des projets et de transmettre ces renseignements à nos collègues producteurs. Lorsque cette confiance sera instaurée, nous espérons que notre industrie mettra à profit les résultats de ces projets de recherche.
    Allez-y, Gordie.

  (1640)  

    Jason a mentionné que l’accentuation des changements climatiques crée davantage de difficultés pour la gestion de notre programme antiparasitaire.
    Monsieur McKenna, pourriez-vous vous éloigner un peu du micro?
    Oui, nous y voilà. Très bien.
    Vous m’entendez mieux maintenant?
    Très bien, même à cette distance.
    Excellent.
    En raison des changements climatiques, il devient de plus en plus difficile d’appliquer nos stratégies antiparasitaires pour combattre ce que j’appellerai l’épidémie qui frappe la production de la pomme de terre à l’Île-du-Prince-Édouard. Il s’agit du ver fil-de-fer.
    L’une des choses que nous devons tous comprendre, c’est que la pomme de terre est notre gagne-pain. Elle représente plus de 1 milliard de dollars du PIB annuel de l’Île-du-Prince-Édouard et le ver fil-de-fer nous coûte des millions de dollars. À l’heure actuelle, nous n’avons que deux outils pour le combattre. L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, l’ARLA, évalue l’un de ces outils, qui ne semble pas trop prometteur. Cela placera les producteurs de l’Île-du-Prince-Édouard dans une position très vulnérable quant à la lutte contre ce ravageur lié au changement climatique.
    Je vous inviterai, par l’entremise de l’ARLA, à vous tenir au courant des règlements et de l’approbation des produits et techniques nécessaires pour lutter contre les ravageurs d’une manière écologiquement et économiquement viable pour les producteurs.
    Monsieur McKenna, je vais devoir vous arrêter là. Votre temps est écoulé, mais vous aurez l’occasion de nous en dire davantage lors de la période des questions.
    Oui, je comprends. Très bien.
    Nous passons maintenant à la vidéoconférence et au professeur Sean Smukler, pour sept minutes.
    Comme cela a été mentionné, je suis professeur adjoint et titulaire de la chaire junior de l’Agriculture et de l’Environnement de l’Université de la Colombie-Britannique. Je suis écologiste agricole. Mon rôle est d’aider les agriculteurs à réduire leur impact sur l’environnement, mais aussi à réduire l’impact de l’environnement sur l’agriculture. Plus précisément, mon rôle est d’aider les agriculteurs à s’adapter aux changements climatiques.
    Je suis également président du conseil d’administration de l’Agricultural Climate Adaptation Research Network de la Colombie-Britannique, l’ACARN. Il s’agit d’un réseau qui comprend cinq universités de la province, l’industrie, des ONG et des organismes gouvernementaux. L’objectif de ce réseau de recherche est d’améliorer la capacité des agriculteurs de la Colombie-Britannique à s’adapter au changement climatique.
    Mes connaissances et mon expérience portent principalement sur la Colombie-Britannique, mais je crois qu’une partie de ce que je vais dire s’applique généralement aux agriculteurs dans l’ensemble du pays.
    Ici, en Colombie-Britannique, nous prévoyons une croissance des températures et des précipitations, ce qui pourrait représenter une excellente occasion pour nos producteurs, puisque le nombre de degrés-jours de croissance augmenterait. Cependant, en raison de l’augmentation des précipitations, on s’attend à ce que cela se produise pendant les importantes saisons intermédiaires: au printemps, quand les agriculteurs préparent leurs champs pour la plantation et à l’automne, quand ils récoltent. C'est un défi. Au cas où vous ne le sauriez pas, l’utilisation d’équipements lourds sur des sols saturés peut causer des dommages irréparables à ces sols, ce qui a une incidence sur la productivité du système et la viabilité à long terme de la ferme.
    En ce qui concerne les prévisions pour la Colombie-Britannique, les modèles indiquent que les précipitations pourraient augmenter de 12 à 15 %, même d’ici 2030. Si nous devions tirer parti d’un plus grand nombre de degrés-jours de croissance, il nous faudrait certainement améliorer le drainage.
    L’autre facteur important dont il faut tenir compte est celui de l’augmentation des précipitations pendant les saisons intermédiaires, augmentation qui n’est pas nécessairement avantageuse pour la dynamique de l’eau pendant la saison de production. L’augmentation des précipitations réduira vraisemblablement l’accumulation de neige. C’est dans le manteau neigeux que nous emmagasinons l’eau pour l’utiliser à des fins d’irrigation en été. La diminution de cette ressource pourrait nous forcer à utiliser de plus en plus les eaux souterraines pour l’irrigation. Le problème, ici, en Colombie-Britannique, c’est que nous n’avons pas une bonne idée de la condition de notre eau souterraine ni des changements qui ont une incidence sur elle. Nous n’avons pas non plus bien planifié quant aux autres ressources hydriques.
     Je crois que vous aimeriez aussi entendre parler du sol et c’est sur cela que porte une bonne partie de ma recherche. Il est clair que nous pourrions régler certains de ces problèmes en modifiant notre gestion des sols. Nous pourrions également aider à atténuer les effets du changement climatique dans son ensemble. En augmentant la matière organique du sol grâce à des pratiques de gestion différentes, nous pourrions accroître la capacité de rétention d’eau du sol, tout en améliorant sa composition, les taux d’infiltration et, dans l’ensemble, la résilience de nos cultures et de nos systèmes agricoles.
    Un certain nombre de pratiques de gestion bien connues peuvent accroître la teneur en matière organique du sol. Le défi consiste à amener les agriculteurs à adopter ces pratiques en dépit des contraintes liées à la main-d’oeuvre et à d’autres facteurs économiques. Certaines de ces pratiques doivent être encouragées d’une façon ou d’une autre. Dans l’ensemble du Canada, on pourrait augmenter considérablement la teneur en matière organique du sol sur le 20 % des terres agricoles qui sont modérément ou sévèrement dégradées et qui ne piègent pas de carbone.

  (1645)  

    Les changements climatiques représentent un défi énorme pour l'agriculture, comme pour les autres secteurs, mais les agriculteurs seront parmi les premiers et les plus durement touchés. Comme nous l'avons entendu dire, ils ont déjà pris conscience du problème. Ils en sont conscients, ici, en Colombie-Britannique. La principale difficulté est qu'il s'agit d'un phénomène de grande ampleur dont l'évolution est lente et qu'il est difficile de faire la distinction entre les fluctuations des tendances météorologiques que nous avons constatées par le passé et les changements assez spectaculaires auxquels nous nous attendons.
    Nous venons de tenir un atelier, la semaine dernière, avec un certain nombre de groupes du secteur et il est évident qu'ils ont toute une série de priorités de recherche dans les domaines de la lutte antiparasitaire, de la gestion des nutriments, de la lutte contre les maladies et de la gestion de l'irrigation, mais un grand nombre de ces enjeux ne correspondent pas à ce que devraient être les priorités de recherche à long terme.
    Pour les chercheurs comme nous qui pensent à l'avenir, ce sont les conséquences plus dramatiques qu'auront les changements climatiques qui représentent le principal défi. Comment obtenir le financement nécessaire s'il faut que le secteur agricole en verse la contrepartie? De toute évidence, les agriculteurs s'intéressent au court terme, ce qui est important, même essentiel, mais nous devons aussi gérer le long terme. Comment allons-nous faire des recherches pour prévoir les besoins du secteur dans 10 ou 30 ans si nous avons besoin de son financement de contrepartie alors qu'il s'intéresse surtout au présent?
    Ce que je demande à vous tous c'est de nous aider à sortir des sentiers battus. Comment allons-nous financer la recherche afin d'être prêts à relever les grands défis qui s'annoncent?
    Nous devons aussi réfléchir à des moyens de remédier à la complexité de la situation. Les changements climatiques sont extrêmement complexes. Nous devons réfléchir aux problèmes économiques et environnementaux, de même qu'aux enjeux sociaux que cela soulève. Nous devons aussi réfléchir aux possibilités qui s'offrent à nos producteurs locaux, mais en tenant compte de la situation de l'agriculture dans l'ensemble du pays.

  (1650)  

    Monsieur Smukler, je vais devoir vous demander de conclure, car nous manquons de temps. Veuillez conclure brièvement. Nous aurons le temps de poser des questions.
    C'est tout ce que j'avais à dire. Je voulais seulement souligner que les problèmes sont à la fois locaux et nationaux, mais que nous devons vraiment les examiner au niveau international, non seulement pour ce qui est des possibilités, mais aussi des responsabilités.
    Merci beaucoup, monsieur Smukler.
    Nous allons maintenant commencer notre tour de questions.
    Monsieur Barlow, vous disposez de six minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Encore une fois, j'apprécie les excellents renseignements que nos témoins nous fournissent. C'est toujours un plaisir de voir des jeunes producteurs se regrouper pour présenter des initiatives et des projets comme celui que vous avez entrepris. Il est vraiment encourageant de voir que vous sortez des sentiers battus, que vous vous attaquez à certains des problèmes auxquels vous êtes confrontés, et cela collectivement, ce qui est merveilleux à voir dans le bassin versant que vous vous partagez.
    Ma circonscription est le sud-ouest de l'Alberta et je suis donc au coeur de la région de l'élevage bovin, mais nous produisons aussi un peu de pommes de terre au sud. Cavendish vient d'ouvrir une usine.
    Je suis content que vous ayez abordé la question de l'ARLA et de l'imidaclopride, car je suppose que c'est ce dont vous parliez à propos du ver fil-de-fer. Je sais que cela a un impact énorme sur la culture de la pomme de terre, mais les producteurs de canola et de légumineuses utilisent également ce produit en Alberta. Je sais que les horticulteurs de l'Ontario en dépendent aussi dans une large mesure.
    Je crois que votre groupe exploite environ 20 000 acres. Pouvez-vous nous dire quelles conséquences la perte de certains de ces outils aurait pour votre secteur? C'est, je pense, le message que nous devons envoyer à l'ARLA. Il est évident, et je pense qu'un bon nombre de mes collègues partagent cet avis, que chacun discute du problème de son côté. Santé Canada et l'ARLA ne parlent pas au secteur agricole. Ils ne comprennent pas que les décisions qu'ils vont prendre auront des conséquences pour nos producteurs et notre économie agricole.
    Pouvez-vous en parler afin que ce soit consigné noir sur blanc? Avez-vous une idée de l'impact économique auquel il faut s'attendre si vous perdez certains de vos outils?
    C'est une excellente question.
    Si nous commençons à perdre certains des outils dont nous disposons pour lutter contre le ver fil-de-fer, ce sera catastrophique.
    Le ver fil-de-fer est un drôle d'animal. Il y a des régions qui n'ont encore aucun problème et il y en a d'autres où la production est quasiment inexistante. Nous parlons d'un animal qui ne s'attaque pas uniquement à la pomme de terre, comme vous l'avez mentionné, mais nous sommes les premiers à constater sa présence.
    Vous pouvez voir l'amplitude du problème. J'ai les relevés de l'assurance-récolte, et j'ai vu des taux de perte de récolte atteignant 25 % à 30 %. Je crois que vous-même, Jason, avez perdu, il y a deux ans, 30 ou 40 acres de production dont la valeur dépassait 120 000 $.
    Nous avons un champ qui a été complètement dévasté. Nous ignorions que le ver fil-de-fer appréciait particulièrement la variété en question. Nous utilisons maintenant les produits antiparasitaires à notre disposition et nous avons réussi à gérer la situation. Les études que nous avons faites dans notre propre exploitation montrent que le ver fil-de-fer commence juste à s'installer dans notre région, mais que sa présence double chaque année. C'est comme l'histoire du centime qui double chaque jour.

  (1655)  

    C'est comme l'intérêt composé.
    Oui. La première année, cela nous a coûté 2 000 $. Maintenant, c'est 16 000 $. Si nous n'enrayons pas l'infestation, elle continuera de s'aggraver. Nous travaillons avec certains chercheurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada pour gérer la situation grâce à d'autres cultures et par d'autres méthodes, mais nous avons besoin des deux types d'outils. Les cultures qui sont toxiques pour le ver fil de fer ne feront pas tout le travail à elles seules.
     Une autre chose qu'on oublie parfois est que certaines de ces nouvelles technologies et innovations ont eu un impact important sur la conservation de l'eau et des sols. Si vous perdez certains fongicides et pesticides, vous devrez probablement revenir à d'autres produits chimiques qui sont certainement beaucoup plus nocifs et vous devrez les pulvériser beaucoup plus souvent que vous ne le faites maintenant, n'est-ce pas?
    Absolument. Il y a des produits chimiques qui tuent le taupin, l'insecte dont le ver fil-de-fer est la larve, par contact direct, mais ces insecticides devront être pulvérisés beaucoup plus souvent qu'ils ne le sont maintenant.
    À l'heure actuelle, l'insecticide est pulvérisé dans le sillon. C'est sécuritaire. Nous avons reçu une formation spéciale. La réglementation exige que vous soyez certifié, de même que vos employés. Nous avons des zones tampons prescrites par la loi. Nous respectons les règles de rotation des cultures. Nous respectons les règlements à l'égard des zones sensibles, et ainsi de suite.
    Le problème que je vois dans le processus décisionnel de l'ARLA — je ne sais pas tout, mais j'ai quelques renseignements — c'est que l'Agence va faire un examen global de la situation. Elle doit commencer par centrer son attention sur les zones où ces pesticides sont utilisés le plus parce qu'il y a des raisons à cela. Ce qui est peut-être sans intérêt pour la Saskatchewan, pourrait revêtir beaucoup d'importance pour l'Île-du-Prince-Édouard ou vice versa.
    Tant qu'il n'y aura pas d'autres solutions, je ne vois pas comment on pourrait nous retirer ces outils.
    Vous avez mis le doigt sur le problème. Nous interdisons les produits plus rapidement que nous ne les remplaçons. Je pense qu'il faudrait vraiment en faire une question prioritaire.
    Nous avons eu l'occasion de rencontrer les chercheurs du Crop Development Centre, à l'Université de la Saskatchewan. Ils agissent de leur côté; ils essaient de trouver des nouveaux outils pour vous aider, mais le processus de certification de l'ACIA est tellement long que nous ne pouvons pas remplacer un produit par un autre. Il y a vraiment quelque chose qui cloche à ce niveau-là.
    Merci, monsieur Barlow.
    Je voudrais seulement rappeler au Comité que nous avons parlé du ver fil-de-fer en tant qu'impact des changements climatiques, mais je tiens à ce que nous ne nous écartions pas de notre sujet. Je sais que vous avez établi un lien et je l'apprécie. C'est juste pour vous rappeler que nous parlons des changements climatiques et de la conservation des sols, mais je sais que vous avez fait le lien.
    J'essayais seulement de dire quels sont les produits dangereux et ceux qui ne posent pas de problème.
    La parole est à vous, monsieur Peschisolido, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier M. McKenna, M. Webster et M. Smukler d'être venus témoigner aujourd'hui devant le Comité.
    Comme j'ai la chance d'être le député de Steveston—Richmond-Est, en Colombie-Britannique, je vais d'abord adresser mes questions à M. Smuckler.
    Vous avez parlé des changements climatiques et de la nécessité de prendre des mesures d'atténuation, mais aussi de s'adapter à certains de ces changements. Vous avez également fait la distinction entre le court terme et le long terme et souligné la nécessité de sortir des sentiers battus.
    Monsieur Smuckler, pourriez-vous nous parler un peu de votre façon de sortir des sentiers battus?
    Oui. Sortir des sentiers battus veut dire qu'il faut réfléchir aux divers scénarios auxquels nous pourrions être confrontés.
    Vous savez que les changements climatiques posent déjà un problème dans notre région, mais que d'autres problèmes, tels que le développement, s'y ajouteront à l'avenir. Si nous ne cherchons pas des solutions, en prévision des problèmes, dans le contexte global des enjeux complexes auxquels nous serons probablement confrontés, nous ne trouverons peut-être pas les bonnes solutions.
    Par exemple, je travaille sur le drainage dans la région de Delta et l'un des principaux obstacles à un investissement majeur dans l'infrastructure est que même si nous savons que la technologie fonctionne bien, nous ne savons pas à quel niveau l'investissement sera rentable. Étant donné le prix des terres, comme un grand nombre des agriculteurs avec qui nous travaillons ne sont pas propriétaires de leur terre, ils ne vont probablement pas faire ce genre d'investissements. D'un autre côté, la valeur de n'arrivent pas à obtenir des bons résultats, je pense que nous allons faire des mauvais choix pour la gestion de ces terres.

  (1700)  

    Vous avez mentionné des facteurs qui ne font généralement pas partie des facteurs agricoles non traditionnels. Vous avez parlé des terres. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, sur deux plans: les facteurs qu'il faudrait inclure ainsi que les facteurs comme l'investissement étranger?
    Nous avons fait quelques projections à l'égard de la sécurité alimentaire dans la région et les facteurs à considérer sont l'impact des changements climatiques dans des régions comme la Californie et les changements dans le marché…
    Nous avons actuellement un système alimentaire entièrement mondialisé. Nous devons prévoir les changements de façon à avantager nos producteurs locaux. D'un côté nous avons une excellente occasion d'améliorer notre production agricole locale et de l'autre nous avons les pressions croissantes de l'immobilier et la nécessité de faire d'importants investissements pour nous adapter et réussir. Nous sommes confrontés à des défis à la fois à court terme et à long terme si bien que pour trouver des solutions, nous devons réfléchir aux scénarios à long terme et les prévoir.
    Avez-vous examiné les différentes approches régionales?
    Par exemple, vous avez parlé de Delta. Vous ne cultivez pas la terre de la même façon à Delta, Richmond, Surrey ou Pitt Meadows ou encore dans la vallée de la rivière de la Paix. Pourriez-vous nous dire si vous avez envisagé une approche régionale pour la Colombie-Britannique?
    Oui. Quand nous avons fait notre analyse, notre approche régionale incluait toute la région du Lower Mainland et il est évident que nous pouvons répondre à une grande partie des besoins locaux de nourriture. Il est certain que si nous élargissons notre région à des endroits comme la vallée de la rivière de la Paix, cela nous donne davantage de possibilités supplémentaires. La question est seulement de savoir comment rendre le système efficient.
    L'atelier que nous avons tenu la semaine dernière était centré sur le fait que les régions comme celle de la rivière de la Paix ne bénéficient pas du soutien nécessaire sur le plan de la recherche et du développement pour leur agriculture. Tous nos efforts sont maintenant entièrement centrés sur le Lower Mainland.
    Merci, monsieur.
    Monsieur McKenna, vous avez parlé d'environ huit projets différents auxquels votre groupe s'intéresse. Pourriez-vous nous parler un peu de certains des projets qui sont, selon vous, peut-être pas les plus importants, mais ceux sur lesquels vous voudriez insister?
    Certainement. Pour le moment, nous nous intéressons surtout à la santé du sol et aux moyens de l'enrichir en matière organique, comme il en a été question. Nous travaillons avec des cultures qui servent de fumigants pour combattre… Je ne veux pas que le ver fil-de-fer me pose encore des problèmes.
    C'est devenu possible parce que les périodes de croissance sans gel sont maintenant plus longues. Cela comprend la moutarde et différentes autres cultures. C'est probablement la première priorité.
    Il ne s'agit pas seulement d'améliorer la santé du sol; il faut aussi bien gérer les nitrates afin qu'ils ne se retrouvent pas dans la nappe phréatique et il faut également lutter contre l'érosion.

  (1705)  

    Merci, monsieur McKenna. Nous allons passer au suivant.

[Français]

     Madame Brosseau, votre temps de parole est de six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président et je voudrais également remercier les témoins de nous faire profiter de leurs connaissances pour l'étude que nous faisons au Comité de l'agriculture.
    Si j'ai bien compris, 12 agriculteurs se sont réunis pour former ce groupe en 2015. Vous avez récemment obtenu environ 900 millions de dollars… ce n'était pas 900 millions de dollars.
    C'était 900 000 $.
    Une voix: Nous serions prêts à les accepter. Ce serait bien.
    Des voix: Oh, oh!
    Très bien. Désolée, mais ne serait-ce pas formidable? Ne serions-nous pas contents?
    Combien de temps ce projet va-t-il durer? Pourriez-vous nous fournir des précisions? J'aimerais mieux comprendre. Je regrette que nous n'ayons pas pu obtenir vos acétates, mais tous les documents doivent être bilingues.
    Voudriez-vous répondre à cela, Jason ou Andrea?
    Je ne sais pas si le Comité le permettra, mais notre gestionnaire de projet est ici, dans la salle. Elle pourrait répondre à cette question mieux que nous, mais je ne sais pas si c'est… Nous pouvons répondre aussi, si vous voulez.
    Avons-nous le consentement unanime? Oui? C'est d'accord.
    Andrea, pourriez-vous venir un instant, pour répondre à cette question?
    Merci, Andrea.
    Nous avons obtenu un peu moins d'un million de dollars pour réaliser un projet d'atténuation des gaz à effet de serre. Nous plantons des saules non pas à l'intérieur, mais à proximité des zones tampons dans nos exploitations agricoles. C'est avec un double objectif.
    Le premier est de séquestrer le carbone dans le sol. Nous travaillons avec un professeur de l'Université Dalhousie et nous allons embaucher deux étudiants de maîtrise qui vont étudier les émissions de gaz à effet de serre provenant des arbres et mesurer la séquestration du carbone dans le sol.
    Nous nous servons aussi de ce projet en tant que pratique exemplaire de gestion agroforestière. C'est assez facile. Les saules sont faciles à planter et ils poussent vite. Comme ils poussent vite, ils sont coupés tous les trois ans. Une fois qu'ils sont coupés, ils repoussent encore plus rapidement. Ils créent un habitat supplémentaire dans les champs pour les espèces sauvages.
    Nous réalisons ce projet parce que nous y voyons beaucoup d'avantages sur le plan environnemental et aussi parce qu'il s'agit d'une pratique très facile et bon marché que les agriculteurs peuvent adopter. Nous réalisons ce projet dans 12 endroits différents de la province. Nous avons fait des plantations dans 12 sites. Les analyses et les recherches se dérouleront sur une période de cinq ans pour ce projet.
    Nous espérons qu'à la fin du projet, nous aurons démontré aux agriculteurs que c'est quelque chose qu'ils peuvent faire très facilement dans leurs prairies. Comme ce sont des terres qui ne sont plus en production, cela n'enlève rien à leur superficie cultivée. D'autre part, les saules sont faciles à planter et à gérer.
    Un des chercheurs avec qui nous travaillons de très près à deux autres projets vient de proposer d'étendre cette recherche à la biomasse. Comme les arbres sont coupés tous les trois ans, il examine si cette biomasse pourrait être utilisée dans les champs de pommes de terre pour combattre les maladies et enrichir le sol en matière organique. Il a proposé de mener cette recherche sur une période de 5 à 10 ans.
    Nous espérons que cela donnera une pratique exemplaire de gestion agroforestière que la plupart de nos producteurs de pommes de terre de l'île et d'ailleurs pourront facilement adopter.
    Un député: Quelle sera la durée…?
    Mme Andrea McKenna: La durée prévue est de cinq ans.
    C'est formidable. Je suis très heureuse que vous ayez pu venir nous expliquer la nature de ce projet.
    Se sert-on davantage du saule dans l'Île-du-Prince-Édouard ou se sert-on…?
    Non. En fait, on fait beaucoup de travail semblable au nôtre au Manitoba.
    Au Manitoba?
    Oui, et l'un des spécialistes avec qui nous avons travaillé lorsque nous avons élaboré ce projet était Bill Schroeder, qui a fait beaucoup de recherches. Il travaillait pour Agriculture et Agroalimentaire Canada, mais il a maintenant pris sa retraite. Il était au Manitoba, n'est-ce pas?
    Une voix: Oui.
    C'est parfait.
    À la dernière réunion que nous avons eue dans le cadre de notre étude des changements climatiques et des sols, des témoins nous ont parlé longuement de ce qui se faisait aux États-Unis pour l’agroforesterie ainsi que de la mise en place d'un plan quinquennal. Je pense qu’il s'est terminé l'an dernier.
    Seriez-vous du même...

[Français]

     Seriez-vous d'accord pour...

[Traduction]

    Je pense en français. Je suis vraiment fatiguée.
    Conviendriez-vous qu'il nous faudrait une stratégie nationale pour inciter les agriculteurs à investir davantage dans l’agroforesterie et à faire comme dans les autres pays qui sont nos principaux partenaires commerciaux?

  (1710)  

    Oui, tout à fait. Nous avons eu des discussions hier à l’ambassade des États-Unis, où nous en avons justement parlé de cela. S'il y a des incitations pour nos concurrents aux États-Unis, nous aimerions en avoir autant ici.
    Comme producteurs, ces 12 agriculteurs se sont réunis pour étudier comment réduire leur empreinte environnementale pour le bien de leurs fermes et des générations futures. Ce sont tous de jeunes producteurs ayant de jeunes familles, et ils s'inquiètent beaucoup de l’avenir et de la perception du public. Leur volonté d’adopter ces pratiques est unique, et je pense que nous devrions encourager le reste de l’industrie et le reste du Canada à les imiter.
     J’aimerais voir davantage de projets de recherche articulés comme les nôtres pour prouver qu’il y a une chose facile à faire. Cela encourage l'effort, et je pense que les incitations complémentaires permettraient de dépasser l'objectif.
    Merci beaucoup, Andrea, de votre intervention.

[Français]

    Je vous remercie, madame Brosseau.

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Longfield, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Andrea, venez à la table. C'est un plaisir de vous avoir ici.
    Le projet quinquennal m’a vraiment beaucoup intéressé. J’ai lu quelque chose sur la toile au sujet de l’impact environnemental du saule — le ministre MacAulay était là pour l'annonce — et de la possibilité de séquestrer le carbone plus rapidement pendant le cycle de croissance du saule, puis de se débarrasser du saule et d’avoir plus de carbone.
     Je sais que chaque province et territoire a ses systèmes de tarification des mesures d’atténuation des changements climatiques. Avez-vous songé aux répercussions économiques de la séquestration du carbone? Le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard a-t-il des crédits pour cela?
    Une voix: Non.
    Je ne pense pas que cela ait encore été décidé à l’Île-du-Prince-Édouard.
    Pas encore, mais nous en avons fait la proposition que nous avons faite. Nous aimerions travailler avec notre gouvernement provincial pour obtenir des crédits de séquestration, mais, bien sûr, nous devons trouver un moyen de mesure. C’est l’une des choses sur lesquelles nos étudiants travailleront.
    Je sais que l’Université de Guelph travaille dans l’île également, et l’un de nos témoins, à notre dernière réunion, a parlé du peuplier. Le peuplier et le saule sont des espèces très voisines.
    Mme Andrea McKenna: Oui.
    M. Lloyd Longfield: Je suis du Manitoba. Je sais qu'il y en a partout; ce sont des mauvaises herbes.
    Faites-vous quelque chose par ailleurs dans des zones riveraines, comme planter des arbres près des cours d'eau, ou est-ce que cela se fait uniquement dans les champs où vous travaillez? Pourriez-vous prendre contact avec Guelph? C’est plutôt ma question, je suppose. Travaillez-vous avec des centres de recherche de tout le Canada?
    Nous aimerions bien.
    Nous aimerions bien. Actuellement, nous travaillons avec AAC à Charlottetown. Nous travaillons à divers autres projets avec le campus de l'agriculture de l’Université Dalhousie à Truro, et avec quelques scientifiques d’AAC à Fredericton.
     Vous avez demandé où nous mettons les saules. Nous avons un de ces projets de saules dans notre ferme. Nous les mettons au pied des pentes proches d'un bassin hydrographique. L’idée, c’est que les saules sont friands d'azote et qu’ils le captent, si bien que nous espérons qu’ils vont le retirer et réduire les quantités dans les cours d’eau. Nous allons mesurer cela au fur et à mesure.
    C’est exact, et vous arrêterez l’érosion du même coup.
    Oui, cela ralentit l’érosion et c’est un filtre naturel qui bloque tout avant que l'eau de surface ne soit touchée.
    Magnifique. Merci.
    Pour ce qui est du littoral ouest, je m’intéresse, monsieur Smukler, au même genre de question. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a ses programmes de tarification du carbone en place depuis un peu plus longtemps. L’avantage économique de la séquestration du carbone ou de la gestion du cycle du carbone dans le sol fait-il également partie de votre étude?
    Oui, et les aspects économiques sont essentiels, mais ils ne font pas partie de mon étude. J’étudie les composantes biophysiques de la séquestration dans le sol. Un des grands défis, on l’a mentionné, consiste à mesurer avec exactitude le taux de séquestration. C'est la principale considération économique.
    Vous avez dit que 20 % des terres sont menacées par la dégradation des sols. Travaille-t-on à un plan d’action à cet égard? Le gouvernement fédéral doit-il intervenir dans ce dossier?
    Je l’espère. L'ensemble du Canada a là une belle occasion de s’attaquer à certains de ses objectifs d’atténuation.

  (1715)  

    J’ai lu votre biographie avant la réunion. Venant de Berkeley et après avoir travaillé aux États-Unis, estimez-vous que les États-Unis ont des pratiques exemplaires susceptibles de nous inspirer? À la dernière réunion, nous avons entendu parler des programmes d’incitation à l’aménagement forestier. Avez-vous vu d’autres choses, relativement à la conservation de l’eau en Californie, dont nous pourrions tirer des leçons au Canada?
    À un moment donné, nous pourrions bien nous retrouver dans la même situation que la Californie, ou dans une situation semblable, mais ce n’est pas demain la veille. Oui, la Californie a des pratiques dont nous pourrions nous inspirer, mais je pense qu'elle a beaucoup à apprendre d'abord. Elle devrait probablement se tourner vers Israël pour apprendre à gérer son eau.
    Oui, Israël a des processus d'irrigation en goutte-à-goutte. Israël a pris certaines mesures pour récupérer l’eau dans des systèmes pour l’irrigation. Quant à notre étude, devrions-nous recommander au gouvernement d'observer les pratiques exemplaires et peut-être de se tourner vers Israël?
    Ce serait un bon point de départ.
    Sauf erreur, c'est déjà fait.
    Il le fait. Il est passé maître là-dedans.
    Pour en revenir à votre sujet, à propos de la relation entre l’agriculture et les écosystèmes, nous avons entendu quelques témoignages au sujet de la Loi sur le rétablissement agricole des Prairies et de l’Administration du rétablissement agricole des Prairies. Avec un groupe de gouvernance quelconque pour aider l’Île-du-Prince-Édouard ou la Colombie-Britannique...
     AAC a-t-il un groupe de référence avec lequel l’un de vos groupes pourrait travailler à la question qui nous intéresse, ou y aurait-il lieu de recommander au gouvernement de saisir l'occasion de mettre sur pied un groupe de gouvernance interprovincial?
    C'est une excellente idée. Je n'en connais pas.
    Vous n'en connaissez pas.
    Non.
    Et vous, messieurs de l’Île-du-Prince-Édouard?
    Nous travaillons avec six ou sept chercheurs différents. Il y a donc beaucoup de projets en cours, mais je ne connais pas de spécialiste qui s'intéresserait à un seul sujet.
    Nous avons quelqu'un dans notre province, Scott Anderson, qui est chargé de commencer à faire le pont et qui a travaillé de près avec notre groupe pour nous rapprocher des chercheurs, mais il n’y a rien d'officiel. C’est officiel, je suppose, mais...
    Bien sûr.
    Merci, monsieur Webster. Merci, monsieur Longfield.

[Français]

    Monsieur Drouin, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Je remercie les témoins de leur présence. Je suis très heureux d’avoir pu entendre parler directement des problèmes, surtout ceux qui vous touchent, ici, à l’Île-du-Prince-Édouard.
     Vous avez mentionné le projet des saules auquel vous participez. Avez-vous également adopté l’agriculture de précision à l’Île-du-Prince-Édouard, ou est-ce une chose que vous envisagez? Vous connaissez peut-être l'agriculture de précision, mais vos collègues connaissent-ils cela? Adoptent-ils ces pratiques?
    Tout à fait. Les marges, surtout dans la culture des pommes de terre à l’Île-du-Prince-Édouard, se resserrent de plus en plus, et les coûts de production ne cessent d'augmenter. J’ai vraiment le sentiment que les producteurs de pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard ont probablement été les chefs de file de l’agriculture au Canada dans le domaine de l'agriculture de précision. Nous nous spécialisons maintenant dans l’échantillonnage par quadrillage des sols. C'est ce que nous préconisons. L'Île-du-Prince-Édouard a probablement de 15 000 à 20 000 acres échantillonnés par quadrillage aujourd’hui, essentiellement pour la pomme de terre.
     Nous espérons aller encore plus loin et amener les éleveurs et les autres producteurs à se rallier à nous pour l’agriculture de précision.
    D'accord, très bien.
    Allez-y.
    Je ne suis peut-être pas censé vous poser des questions. Mais lorsque vous parlez d’agriculture de précision, parlez-vous de taux variables et de choses du genre, ou parlez-vous des technologies GPS et ainsi de suite?
    Je pense que c'est tout cela ensemble. C'est une chose dont nous avons entendu parler. Cela existe, mais on ne m'a pas convaincu que cela a été adopté à grande échelle. Encore une fois, il s’agit en partie d’une question de confiance et de réduction des coûts et de résultat net. John et moi en avons causé, mais parfois c’est une bataille entre le fils et le père ou le père et le fils. C'est la même chose chez moi. C'était la même chose avec mon père au sujet du VHS et du DVD à l’époque. Cela peut être aussi simple que cela...
    Une voix: Beta.
    M. Francis Drouin: Oui, Betamax. C’est cela.
    C’est l’exemple que j’utilise souvent, encore et encore. Il s’agissait tout simplement d’avoir cette confiance et de payer pour faire faire l’analyse du sol immédiatement, pour savoir s'il fallait appliquer l'engrais sur tout le champ.
    On en parle beaucoup, et nous blâmerons l’industrie des engrais de ne pas en faire assez, mais elle favorise l’utilisation sécuritaire des engrais, et l’agriculture de précision intervient là-dedans, avec l'épandage d'engrais au bon moment et au bon endroit, et seulement sur les rangs, plutôt que sur tout le champ. C'est peut-être ce qui fait sa valeur.
     De toute évidence, dans la perspective de notre comité, nous pouvons aider à motiver les producteurs et à promouvoir ce volet de leur éducation. J’aimerais connaître votre opinion là-dessus également.

  (1720)  

    Plus il y en a, mieux c’est, bien sûr. Quant au GPS dans l’industrie de la pomme de terre, il a été adopté. C'est nous qui avons eu le premier tracteur à pilotage automatique, sauf erreur, en 2004, à l’Île-du-Prince-Édouard. J’ai eu tout ce dont vous parlez. Mes voisins me disaient tous: « Vous ne savez pas conduire une planteuse. C’est pourquoi vous avez dû vous acheter ça », et bla, bla, bla.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Jason Webster: Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, sauf erreur, il n'y a que deux ou trois producteurs de pommes de terre à l'Île-du-Prince-Édouard qui n'ont pas de système complet de pilotage automatique dans leur plantation. Nous sommes vraiment heureux de voir que les producteurs, en général, ont adopté ce système, mais je pense qu’il reste plus à faire pour encourager la fertilisation et l'épandage de chaux à taux variable, de même que l’agriculture de précision.
     Gordon vient tout juste d’avoir un échantillonneur de sol, et il peut en parler. C’est un échantillonneur de sol qu'il traîne derrière son tracteur, et augmente considérablement l'efficacité du système. Un grand nombre de membres de notre groupe se sont laissés convaincre et l'ont adopté également. C’est la première année que nous sommes vraiment à fond dans l’agriculture de précision.
    Notre vision de l’agriculture de précision va commencer par la maîtrise de l’échantillonnage du sol.
     Comme Jason y a fait allusion, j’ai investi dans une machine très coûteuse provenant du sud de l’Illinois. Elle couvre 100 acres en moins d’une heure. Je peux extraire 4 200 bouchons de terre. Le problème avec l’échantillonnage par quadrillage, c’est qu’il demande beaucoup de main-d’oeuvre et qu’il dépend entièrement de l’humain, si bien que l'erreur humaine est possible. Si l'on parle de la science des sols, on parle de différences de profondeur, et ainsi de suite, et c’est pourquoi j'ai cherché cette machine.
     Nous allons commencer par l’échantillonnage du sol, avant de passer à la gestion des éléments nutritifs.
     Je reviens tout juste, il y a trois jours, d’un voyage en Grande-Bretagne, où j'ai visité un producteur d’engrais qui utilise différentes sortes d'azote. Les résultats sont parfois différents, selon les températures. Il n’y a rien qui fonctionne mieux que ce dont nous parlons actuellement: nous devons faire plus attention aux températures du sol.
     Nous commençons à épandre des engrais tout au long de la saison, et pas seulement en une seule passe en mai ou en juin en espérant que tout ira bien. Nous devons nous intéresser davantage à la question. Nous devons apprendre nos éléments nutritifs et leurs caractéristiques avec les changements climatiques, les températures et ainsi de suite.
    Ensuite, nous allons prendre l'échantillonnage par quadrillage et la gestion des éléments nutritifs et introduire l’imagerie par drone dans la production des pommes de terre à l’Île-du-Prince-Édouard. Pour aller plus loin, nous investissons dans des cartes de rendement sur nos moissonneuses-batteuses. Essentiellement, vous pouvez imaginer que vous n'avez plus à rien deviner de votre rendement et de sa provenance. Vous pouvez vous concentrer sur l’endroit exact dans votre champ et voir pourquoi il a produit plus ou moins que vous ne l'aviez prévu.
    Sur ce, nous allons devoir donner la parole à M. Barlow, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Nous avons eu une excellente discussion avec beaucoup d'information.
    Je vais essayer de faire le plus vite possible.
    Avec tout le respect que je dois à notre merveilleux président, je tiens à mentionner que, lorsque nous avons parlé des larves de taupin, vous avez dit que certains de ces parasites sont arrivés avec les changements climatiques.
    Une voix: Absolument.
    M. John Barlow: Si c’est une chose que nous allons voir de plus en plus, nous devons nous doter des outils nécessaires pour en venir à bout. Je veux simplement m’assurer que vous savez que je sais que c'est sérieux.
     Sur ce, également, monsieur Webster, et au bénéfice de mon collègue M. Drouin également, je veux être sûr que vous n'allez pas raconter à ma femme que nous ne travaillons pas très fort lorsque nous avons des moissonneuses-batteuses à pilotage automatique et ce genre de choses, parce que, après la récolte de cet automne, je voudrais qu'elle sache combien j’ai travaillé fort.
    Des voix: Oh, oh!

  (1725)  

    Vous pourrez lui expliquer maintenant que vous pouvez surveiller la machine de si près que vous y êtes accroché, ce qui est le cas, en fait, avec la machine à pommes de terre. Je finis par passer toute ma journée ou presque à regarder derrière moi. Je peux surveiller ma machine de très près et garder l'oeil sur ce qui se passe. C’est magnifique, bien sûr. Mais vous avez posé une question au sujet des incitations.
     Quant aux mesures que Gordon a mentionnées, s’il vous plaît, nous avons besoin d'incitations pour accrocher les producteurs. Ils se sont accrochés à tous les trucs à pilotage automatique. La prochaine étape qui pourra vraiment aider l’industrie dans notre région est celle dont Gordon vient de parler au sujet de l’agriculture de précision.
    Ma question est plus vaste. Un grand nombre de nos témoins nous ont expliqué combien il est difficile de mettre certaines de ces innovations et de ces nouvelles technologies entre les mains des agriculteurs — nous blaguons un peu à ce sujet — pas seulement de les mettre entre leurs mains, mais aussi de les faire s'en servir. Vous avez touché un mot des drones. Je sais que nous utilisons des drones pour vérifier certains endroits, et il y a des endroits où je n’ai même plus besoin d’utiliser d’engrais parce que le drone montre que ces endroits ont été très productifs. Les drones sont aussi précis que cela.
     Qu’avez-vous fait pour créer et lancer votre groupe au départ? Avez-vous eu du mal à discuter à 12 de la possibilité de changer un peu vos façons de faire? Pour nous, quel est le message que nous pouvons transmettre à propos de ce qui fonctionne?
     Pouvez-vous répondre rapidement? J’ai une autre question pour M. Smukler.
    Le besoin était reconnu, je dirais. Je dois donner beaucoup de crédit à notre coordonnateur, M. John Phillips, qui est derrière nous. Il a été initié par le ministre de l’Agriculture de l’époque, qui l'a chargé de réunir des producteurs. C’est un gars de la place qui a lui-même grandi dans une ferme. Il est venu nous voir tous et a commencé à parler à des producteurs d'optique commune. Chaque fois qu’il arrivait quelque part, il demandait d'autres noms de personnes qu’il serait bon de voir à la table.
    Il est très important de ne pas avoir un trop grand groupe, et d’être certain que le groupe va participer, si vous voyez ce que je veux dire. Il n’y a rien de pire que de siéger à une table avec deux ou trois types qui, vous le savez, prennent toute votre information, mais ne donnent rien en retour. Alors tout le monde commence à se fermer. Il était très important d’essayer de régler cette question-là et d'en parler dès le départ avec tous les intéressés. Jusqu’ici, nous nous en sommes bien tirés.
    Merci. C’est très apprécié.
     Monsieur Smukler, j’ai une question pour vous. À la fin de votre témoignage, vous avez dit un mot de l’importance de jeter des ponts entre l’industrie et les chercheurs. Nous avons certainement entendu d’autres témoins parler de la redoutable « vallée de la mort » où une partie de l'innovation des chercheurs — ce que vous faites — va à l’industrie et aux agriculteurs. Avez-vous des recommandations à nous faire sur la façon de contribuer à la construction de ces ponts?
    On manque certainement de personnel. Ceux d’entre nous qui avons pour tâche de faire la recherche trouvent très difficile de faire la recherche efficace sur laquelle nous travaillons sans ce pont avec le producteur. La Californie, d'où je viens, a un vaste programme de vulgarisation qui jette des ponts entre chercheurs et producteurs. Le vulgarisateur passe beaucoup de temps à gagner la confiance du producteur, avant de devenir un conduit pour le transfert des connaissances dans les deux sens, de sorte que le chercheur établit les priorités de ce qui est important pour l’industrie et du transfert des connaissances au producteur pour la recherche.
    Mme Andrea McKenna: Me permettez-vous un commentaire?
    Bien sûr. Allez-y, Andrea.
    Je dois dire que notre groupe a connu un immense succès parce que notre pont est justement assis là. Il a appris à connaître personnellement chacun des chercheurs d’AAC, et il connaît également chacun des agriculteurs de notre groupe, ainsi que ses besoins. Souvent, il a amené les chercheurs directement sur le terrain, et les chercheurs et les producteurs ont aujourd'hui d'excellentes relations de confiance, ils travaillent ensemble et échangent de l’information, et ils sont en voie de rédiger les paramètres des projets de recherche en fonction de ce qui doit se passer exactement sur le terrain.
     Le chercheur revient et parle des résultats, et les agriculteurs sont assis à la table pour parler des résultats à leurs pairs, qui finissent par comprendre. Ils disent: « D’accord, un chercheur faisait cela dans mon champ, et telle chose a fonctionné, et telle autre n’a pas fonctionné, et voici ce que nous avons changé pour la suite. » Ils parlent directement à leurs pairs, qui disent: « D’accord, je vais essayer cela. » Ils adoptent les pratiques de gestion exemplaires parce qu'elles fonctionnent. Nous travaillons en collaboration. Nous avons des relations de confiance. Nous avons un dialogue avec les chercheurs et les producteurs.
     Je sais que cela fait de nous un groupe sans pareil, mais nous voulons continuer de prendre de l'expansion et de travailler avec plus de chercheurs. Comme je l’ai dit, notre pont, il est ici, et nous avons besoin de plus de ponts pour faire cela avec plus de producteurs.

  (1730)  

    Merci beaucoup. Je l'apprécie.
    Voici venue la fin de notre deuxième heure. Je tiens vraiment à vous remercier. La conversation, des deux bouts du pays, a été des plus utiles. Vous avez fait de l’excellent boulot, et merci d’avoir pris le temps de venir nous voir aujourd’hui.
    J'aimerais également remercier les membres du Comité et leur souhaiter un joyeux Noël et une bonne et heureuse année, de joyeuses Fêtes, et tout le reste.
     Ayez du bon temps avec vos familles. Prenez le temps de recharger vos batteries, et nous reviendrons tous en pleine forme.
     Merci beaucoup. Ce fut un plaisir.
    Monsieur le président, nous nous sommes faits couper court à la fin. Nous n’avons pas pu vous remercier non plus.
     Merci beaucoup de nous avoir donné l’occasion de comparaître devant vous. Ce fut excellent. Espérons que nous pourrons travailler ensemble grâce aux relations que nous avons nouées, même avec certains d’entre vous. Merci beaucoup.
    Nous vous en sommes reconnaissants.
    Monsieur le président, très rapidement, parce qu’ils n’ont pas été autorisés à présenter leur mémoire, s’ils peuvent le faire traduire, pourront-ils le soumettre plus tard?
    Oui. Nous en avons un exemplaire ici; nous allons donc le traduire et le soumettre.
    Parfait.
    Merci, et bon vol de retour.
    La séance est levée.
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