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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 10 mai 2022

[Enregistrement électronique]

  (1830)  

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 10e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la situation des droits de la personne en Ukraine.
    Rapidement, je rappelle à toutes les personnes présentes de suivre les recommandations des autorités de santé publique, ainsi que les directives du Bureau de régie interne, pour demeurer en santé et en sécurité.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre première témoin de la journée. Mme Natasha Power Cayer est l'ambassadrice et la déléguée permanente du Canada auprès de l'UNESCO.
    Madame l'ambassadrice, je vous remercie de vous joindre à nous. Je sais que pour vous, c'est le milieu de la nuit. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté notre invitation. Nous attendons votre témoignage avec impatience.
    Vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Ensuite, les membres du Comité auront l'occasion de vous poser des questions.
    La parole est à vous, madame l'ambassadrice.

[Français]

    Membres du Comité, je suis honorée d'être ici aujourd'hui, en tant que déléguée permanente du Canada auprès de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, l'UNESCO, afin de participer à cette importante étude.
    Permettez-moi d'abord de dire quelques mots sur le travail du Canada à l'UNESCO, en général.
    Notre rôle principal est d'exercer une influence afin que les priorités politiques du Canada soient reflétées dans les politiques de l'UNESCO, y compris celles liées aux droits de la personne et aux activités normatives. C'est ainsi que nous avons défendu l'Ukraine de manière constante au cours des dernières années.
    À la suite de la tentative d'annexion et à l'occupation illégale de la Crimée par la Russie, en 2014, le Canada a plaidé pour que l'UNESCO surveille le patrimoine culturel, le droit à l'éducation et la liberté d'expression en Crimée afin que la Russie rende compte de ses gestes. Après le 24 février dernier, nous avons fait pression pour que le Conseil exécutif adopte une décision condamnant les actions de la Russie et appelant l'UNESCO à agir en faveur de l'Ukraine.

[Traduction]

    Permettez-moi de vous présenter quelques détails sur les mesures prises par l'UNESCO à la suite de cette décision.
    Sur le plan de la liberté d'expression et de la liberté de la presse, l'UNESCO a mis en place un mécanisme d'intervention d'urgence pour protéger les journalistes, les médias et les infrastructures de communication, et ainsi renforcer l'accès des citoyens aux renseignements d'importance vitale et lutter contre la désinformation. Le Fonds mondial pour la défense des médias de l'UNESCO, créé à l'initiative du Canada et du Royaume-Uni en 2019, a été utilisé pour fournir de l'équipement de protection et de communication d'urgence directement aux journalistes, pour relocaliser les bureaux de deux syndicats de journalistes dans des endroits sûrs et pour offrir de la formation visant à assurer la sécurité des journalistes en zone de conflit. Bon nombre des journalistes ont été transformés, du jour au lendemain, en correspondants de guerre.
    Dans le secteur de l'éducation, l'UNESCO s'emploie à assurer la continuité des apprentissages pour les étudiants ukrainiens, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Ukraine. En collaboration avec 23 partenaires des secteurs public et privé, l'UNESCO fournit du matériel informatique, elle appuie l'intégration de contenus à l'apprentissage en ligne et elle travaille de concert avec le HCR à la formulation de recommandations sur l'apprentissage numérique à l'intention des pays qui accueillent des réfugiés. Le Canada réfléchit à la meilleure manière de renforcer son soutien sur ce plan.
    En ce qui concerne les biens culturels, trois conventions de l'UNESCO touchent directement la situation actuelle. La célèbre Convention du patrimoine mondial de 1972 interdit aux États parties de prendre délibérément des mesures susceptibles d'endommager le patrimoine culturel et naturel situé sur le territoire d'autres États parties à la convention. L'Ukraine et la Russie sont toutes deux signataires de la convention, mais seule la Russie est membre du Comité du patrimoine mondial; en fait, elle en est actuellement la présidente. Le Canada travaille très activement, par l'intermédiaire de la délégation et directement avec ses partenaires aux vues similaires, à redresser cette situation intolérable. Toutefois, les possibilités offertes par la convention à cet égard sont très limitées, et il faut une majorité des deux tiers des membres du comité pour apporter des changements.
    L'Ukraine et la Russie sont aussi toutes deux signataires de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, en vertu de laquelle les parties sont appelées à respecter les biens culturels situés sur leur propre territoire et sur le territoire d'autres États parties. Son premier protocole interdit l'exportation de biens culturels à partir d'un territoire occupé. Cette disposition est pertinente dans le contexte des biens que la Russie aurait retirés de l'Ukraine.
    En outre, l'UNESCO reconnaît qu'en période de conflit armé, il est nécessaire de renforcer les mesures visant à protéger le patrimoine culturel contre le trafic. C'est ce qu'elle fait au moyen de la Convention de 1970 contre le trafic illicite des biens culturels. L'UNESCO travaille actuellement de concert avec d'autres organisations multilatérales pour faire en sorte qu'il soit plus difficile de piller et de trafiquer des biens ukrainiens. Elle cherche actuellement du financement supplémentaire pour accélérer et améliorer la réponse mondiale à ce chapitre.
    Nous savons qu'il faut protéger le patrimoine culturel de l'Ukraine et que les besoins sont énormes. La contribution financière de 4,8 millions de dollars que le Canada a versée au Fonds d'urgence pour le patrimoine de l'UNESCO en mars 2022 a donné un grand élan aux efforts en ce sens. Notre contribution permet à l'UNESCO et à ses partenaires, comme Blue Shield International, Interpol, le Conseil international des monuments et des sites, ou ICOMOS, le Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels, ou ICCROM et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de venir en aide aux autorités ukrainiennes, par exemple en numérisant les collections, en fournissant du matériel d'emballage, en mobilisant des experts pour obtenir des conseils techniques et en appuyant la relocalisation des biens culturels mobiliers.
    Qui plus est, l'UNESCO a demandé à l'Institut des Nations unies pour la formation et la recherche, ou UNITAR de lui fournir des services d'imagerie et de surveillance par satellite afin de documenter et d'évaluer les dommages causés aux sites du patrimoine, aux musées et aux établissements culturels. À ce jour, elle a confirmé que 123 biens avaient été endommagés. De plus, l'UNESCO effectue actuellement des évaluations préliminaires des dommages en réponse à des rapports selon lesquels les autorités russes auraient retiré des biens de musées situés à Melitopol et à Marioupol.

  (1835)  

[Français]

     En bref, les moyens d'action d'urgence de l'UNESCO sur le terrain sont modestes, mais sa notoriété lui permet de mobiliser ses partenaires et d'agir, dans ses domaines de compétence, comme interlocuteur principal du gouvernement ukrainien. Nous espérons que ce sera encore plus le cas à la fin de la guerre, lorsque les besoins en matière de reconstruction seront extrêmement importants.
    Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame l'ambassadrice.
    Nous passons maintenant aux membres du Comité. Chaque membre disposera de cinq minutes. Je vous ferai signe environ 30 secondes avant la fin de votre temps de parole en vous montrant ceci.
    Le premier intervenant est M. Zuberi.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie la représentante de l'UNESCO de sa présence.
    J'ai trouvé votre témoignage très intéressant. La Russie est-elle actuellement signataire d'une ou de plusieurs conventions de l'UNESCO, en particulier dans le domaine des biens culturels et du patrimoine?
    Oui. La Russie participe très activement aux activités de l'UNESCO dans le secteur culturel. Comme je l'ai mentionné, trois conventions importantes touchent la situation et le conflit actuels. La première est la Convention du patrimoine mondial, en vertu de laquelle les États parties s'engagent à ne prendre aucune mesure susceptible d'endommager le patrimoine culturel et naturel. La Russie est également signataire de la Convention de 1970 concernant le trafic illicite des biens culturels. Ensuite, il y a la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. Celle‑ci est particulièrement importante parce qu'elle est liée aux Conventions de Genève. À mon avis, c'est la plus pertinente dans le contexte actuel. Elle contient des stipulations précises qui limitent ce que les signataires peuvent faire.
    Cette convention comprend deux protocoles. La Russie n'est pas signataire du second protocole, qui contient des dispositions explicitant les responsabilités des parties. Néanmoins, elle est signataire de la convention elle-même et du premier protocole, qui énoncent toutes les exigences de base.
    Je vous remercie.
    Vous avez mentionné que le Canada avait versé 4,8 millions de dollars au Fonds du patrimoine mondial de l'UNESCO, si je me souviens bien. Par quels autres moyens le Canada peut‑il contribuer à la protection du patrimoine culturel en cette période de conflit entre l'Ukraine et la Russie?

  (1840)  

    Je dois dire que ce que nous avons fait est extraordinaire, car généralement, les contributions versées au Fonds d'urgence pour le patrimoine sont beaucoup plus petites. Notre contribution a élargi les possibilités de l'organisation de manière exponentielle; elle dispose maintenant de moyens beaucoup plus vastes qu'au début du conflit grâce aux 4,8 millions de dollars que nous lui avons versés.
    Le Canada a une grande expertise dans les domaines de la conservation, de la restauration, de l'entretien des collections culturelles, de la numérisation, etc., et il fournit son expertise par l'intermédiaire des réseaux internationaux auxquels appartiennent les citoyens canadiens spécialisés dans ces domaines. Ces citoyens sont mis en relation avec l'Ukraine par l'entremise de l'organisation qui réunit les spécialistes afin d'obtenir des résultats sur le terrain et d'aider les Ukrainiens à protéger physiquement et rapidement les biens. Les biens qui requièrent de la protection physique sont les biens immeubles. Les spécialistes s'occupent aussi des collections meubles: soit ils les déplacent, soit ils planifient leur déplacement éventuel dans le cas des biens qui ne peuvent pas être déplacés immédiatement, car bien sûr, dans certaines régions, il n'y a nulle part où aller étant donné la situation actuelle.
    Je vous remercie.
    Il a beaucoup été question de génocide dans les discussions sur les actions de la Russie en Ukraine. Voyez-vous un lien entre l'intention génocidaire de la Russie et la destruction des sites du patrimoine culturel de l'Ukraine?
    Comme la Convention sur le génocide ne fait pas partie de mon mandat, je m'aventurerais sur un terrain glissant en répondant à votre question.
    Cependant, de façon générale, les évaluations effectuées pour déterminer si un génocide a été perpétré tiennent toujours compte de l'intention. Je pense que dans certains cas — et c'est mon opinion —, le ciblage manifeste de biens culturels pourrait servir à prouver l'intention.
    Je le répète, les conventions juridiques ne font pas partie de mon champ de compétence. Je suis ambassadrice auprès de l'UNESCO. Votre question ne relève pas de mon domaine d'expertise. Cela dit, l'obligation de protéger le patrimoine culturel découle assurément du droit international humanitaire, car la destruction du patrimoine culturel d'une société est considérée comme une attaque et un préjudice à l'endroit d'une société.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question.
    Cela apporte un éclairage. Merci.
    Nous passons maintenant à M. Cooper.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, ambassadrice. Pour reprendre là où vous vous êtes arrêtée concernant le ciblage manifeste de biens culturels, y a‑t‑il des preuves que la Russie cible délibérément les sites culturels et patrimoniaux ukrainiens?
    Il s'agit là encore de déterminer l'intention. Ce qui est clair, c'est que beaucoup de biens sont maintenant touchés. Comme je l'ai dit, on comptait lundi matin 123 cas documentés de sites endommagés ou détruits par les forces russes. Quant à savoir pourquoi ces sites ont été touchés, des enquêtes seront nécessaires pour le déterminer.
    Il m'est vraiment difficile de... Je veux dire... je n'ai même pas vu les images. Je ne peux donc pas faire de commentaires précis à ce sujet. Quoi qu'il en soit, des enquêtes officielles seront nécessaires pour arriver à de telles conclusions. Dans le brouillard de la guerre, ce sera difficile. Cependant, ce qui est clair, c'est qu'un pays en a envahi un autre. Je pense qu'il y a actuellement assez d'éléments de preuve documentés pour prouver que divers types de crimes de guerre sont commis. Nous verrons comment ils seront jugés.
    Encore une fois, ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais au moins, il y a maintenant un effort important de documenter ce qui se passe, notamment par les gens sur le terrain et, comme je l'ai mentionné plus tôt, grâce à l'utilisation de l'imagerie satellitaire et la photographie continue des principaux sites.
    Je dois dire que les 4,8 millions de dollars que nous avons versés au Fonds d'urgence du patrimoine ont permis d'accroître considérablement la couverture par satellite de l'Ukraine, ce qui a permis d'étendre la couverture à six villes supplémentaires. C'est très important. Ce sont des centres culturels très importants. Encore une fois, la contribution du Canada à cet égard n'est pas négligeable. Elle est d'un niveau auquel on pourrait s'attendre, étant donné nos engagements généraux envers l'Ukraine et notre volonté d'aider le pays à traverser cette période très, très difficile.

  (1845)  

    Je vous remercie de cette réponse.
    En fait, en date d'hier, selon les chiffres que j'ai ici, 127 sites ont été endommagés.
    Pourriez-vous parler de la résolution 2347 du Conseil de sécurité de l'ONU concernant la protection du patrimoine culturel en tant qu'impératif de sécurité?
    Je crains de ne pouvoir répondre à cela, car je n'ai pas eu à traiter de résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU à cet égard. Notre rôle est lié aux programmes qui élaborent des politiques pour aider les États à protéger leur propre patrimoine. C'est là‑dessus, essentiellement, que sont axées ces conventions culturelles.
    Merci de cette réponse. Je précise, aux fins du compte rendu, que la résolution stipule que la destruction délibérée de biens culturels constitue un crime de guerre.
    Oui. Cela existe dans d'autres...
    C'est certain. C'est juste que vous n'avez pas parlé de cette résolution précise qui a été adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité en 2017 et qui s'applique manifestement au cas présent, à mon avis.
    Je ne suis pas en désaccord avec vous, mais à l'UNESCO, en général, nous ne nous occupons pas des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.
    Je comprends. Pas de problème.
    Nous devons simplement veiller à ce que les gens ne les enfreignent pas.
    Très bien.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Cooper.
    Nous passons maintenant à M. Trudel.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame l'ambassadrice, je vous remercie d'être parmi nous.
    Je dois dire que je vous suis énormément reconnaissant de parler français. En ce moment, on parle beaucoup de la protection des deux langues officielles au Canada, où le français est menacé, et je constate que notre représentante à l'UNESCO parle très bien français. Cela m'a beaucoup touché de vous entendre parler français, et je vous en remercie infiniment.
    J'aimerais vous poser une question d'ordre général.
    L'Ukraine est en guerre en ce moment, et, la semaine dernière, nous avons reçu un représentant de la Cour pénale internationale et nous avons parlé de crimes de guerre et de violation des droits de la personne. Nous avons reçu aussi le consul honoraire de l'Ukraine à Montréal.
    Il s'agit d'un conflit meurtrier et nous n'avons pas les chiffres sur le nombre de morts causées par le conflit jusqu'à maintenant. Les nouvelles portent surtout sur la protection des gens et l'évacuation des civils de Marioupol, entre autres.
    Dans le cadre des guerres qui se produisent ailleurs qu'en Ukraine, comment l'UNESCO protège-t-elle le patrimoine culturel, religieux ou toute autre forme de patrimoine? De façon générale, comment s'y prend l'UNESCO pour protéger le patrimoine?

  (1850)  

     Je vous remercie de votre très bonne question.
    Moi aussi, je suis heureuse de vous entendre parler français.
    Je vais brièvement décrire la façon dont on s'y prend. Je vais aussi vous donner un exemple que j'ai vécu et que j'ai vu, de mes yeux vu.
    L'UNESCO dresse des listes. La Liste du patrimoine mondial, que les gens connaissent bien, est une liste des sites extraordinaires ayant une valeur culturelle universelle. Les coordonnées de ces sites et les sites qui sont sur les listes tentatives, c'est-à-dire ceux qui seront peut-être ajoutés, dans un avenir rapproché, sont tous identifiés et codifiés. Leurs coordonnées géographiques sont connues et l'UNESCO les a sous la main.
    La Convention de La Haye de 1954, soit la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, permet aux pays d'établir les sites qui doivent être protégés en cas de conflit sur leur territoire. Ces coordonnées sont aussi toutes comptabilisées à l'UNESCO. Ce sont des choses que nous pouvons produire facilement.
    Je vous donne un exemple qui montre que les gestes posés par l'UNESCO ont eu un effet immédiat.
    Une campagne aérienne a été menée par l'OTAN ou par une coalition en Libye. Un appel a été lancé à des pays, qui faisaient partie de ladite campagne, en vue de protéger les sites situés en Libye. Comme le commandant et l'adjoint politique du commandant de cette campagne étaient accessibles, le Canada a demandé à l'UNESCO de lui fournir tous les détails relatifs aux coordonnées. Nous avons fourni cela directement au commandement, et celui-ci a reçu l'ordre de ne pas toucher ces sites.
    Ce ne sont pas tous les pays en guerre ou en conflit ou tous les pays où il y a des opérations militaires qui suivent les règles du droit international. Cependant, certains pays les suivent.
    L'UNESCO est en mesure de transmettre ces informations si des participants à la guerre veulent respecter leur obligation, conformément au droit international, de ne pas toucher à ces objets. C'est quelque chose que l'on peut faire directement.
    Parmi les autres mesures qui peuvent être prises, il y a la suivante. Nous pouvons offrir une aide directe en donnant des conseils techniques sur, par exemple, la façon dont les musées peuvent préparer une collection, la mobiliser et la transférer. Tous les directeurs de musées ont quelques plans en tête en cas d'incendie ou de tremblement de terre, mais ils n'ont pas de plan en cas de guerre. Or une guerre peut les obliger à déplacer leurs collections sur de longues distances, entre autres.
    L'UNESCO est donc en mesure de donner plusieurs conseils techniques. Par exemple, nous avons traduit en ukrainien un guide qui montre comment se préparer rapidement à protéger et à transporter différents types de collections. Certaines collections sont des archives et d'autres sont des objets culturels, comme ceux que l'on retrouve dans les musées classiques. Ce guide permet une planification précise et indique comment arriver à faire cela dans un court laps de temps. Cela permet d'éviter des pertes et de s'assurer que tout est comptabilisé et bien préparé, quand on a à faire ce genre de démarche.

  (1855)  

     Il y a aussi l'approvisionnement en matériel de protection.

[Traduction]

    Madame l'ambassadrice, puis‑je vous demander de conclure?

[Français]

    D'autres choses aussi sont faites maintenant. On documente notamment les collections qui ne peuvent pas être déplacées. Il y a des techniques qui sont utilisées et que l'UNESCO peut fournir. L'UNESCO peut aider à trouver des experts qui peuvent se déplacer et qui vont même aller dans un État en guerre pour s'assurer que toutes les photographies sont prises. Ainsi, si jamais un objet qui ne peut pas être transporté est détruit, on aura au moins des images pouvant servir de base à la reconstruction par la suite. L'UNESCO peut faire beaucoup de choses.
    Merci, madame l'ambassadrice.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à Mme McPherson, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. C'est un plaisir de vous voir de retour.
    J'aimerais également remercier notre témoin d'aujourd'hui. C'est très intéressant.
    J'aimerais en savoir davantage sur le rôle de la destruction du patrimoine culturel dans le contexte de la perpétration d'un génocide visant l'effacement d'un peuple. Je reconnais que la situation en Ukraine est extrêmement chaotique actuellement. Une guerre est en cours, une guerre illégale, une invasion illégale, et des gens meurent. Cela doit être notre priorité absolue et notre première préoccupation, mais le travail que vous faites pour préserver le plus possible l'identité culturelle de l'Ukraine est d'une importance capitale.
    J'ai quelques questions pour vous. Premièrement, nous avons entendu les affirmations de Vladimir Poutine selon lesquelles les Ukrainiens ne sont même pas un peuple et sont, en fait, des Russes. Je pense, évidemment, que ses propos sont révélateurs de ses intentions génocidaires. Cela dit, pouvez-vous parler brièvement de l'incidence de cette position sur la destruction des sites culturels et patrimoniaux par l'armée russe? En outre, pouvez-vous expliquer le lien entre les intentions génocidaires et la destruction de sites culturels et patrimoniaux, s'il vous plaît?
    Encore une fois, je ne suis pas une experte juridique sur ces questions. Quant à savoir s'il y a génocide dans ce cas précis, je ne peux pas vraiment me prononcer. C'est une question qui devra être tranchée; des gens examineront tous les aspects que vous avez mentionnés pour essayer de déterminer s'il existe ou non un cas qui prouve l'intention.
    Il va sans dire que dans l'état actuel des choses, absolument rien n'indique que les forces armées russes ont été incitées à faire preuve de retenue par leurs dirigeants. Je pense que lorsqu'ils véhiculent des messages selon lesquels ce peuple a des velléités nazies à l'égard de la Russie et des russophones, cela encourage les mauvais comportements de leurs propres forces armées. Je suis convaincue que les soldats n'ont certainement pas l'impression qu'ils seront sanctionnés pour leurs gestes alors que le pays où ils se trouvent est vilipendé par leurs propres dirigeants. Ceux qui commettent ces actes ne sont pas tenus de rendre des comptes par leurs officiers supérieurs.
    Ce n'est qu'une observation, du point de vue d'une observatrice de l'extérieur, sur ce qui pourrait se passer lorsqu'une véritable enquête et des poursuites auront enfin lieu pour les crimes de guerre qui sont perpétrés. Il appartiendra aux tribunaux de trancher, selon les preuves recueillies par les enquêteurs et les arguments de la poursuite. Je dois dire que de mon point de vue, bien sûr, comme personne qui étudie les relations entre la Russie et l'Ukraine et entre l'Ukraine et l'Occident depuis maintenant plus de 20 ans, l'intention semble plutôt claire, mais c'est juste mon opinion à moi, Natasha Cayer. Cela n'a rien à voir avec quoi que ce soit d'autre, et cela n'a aucune valeur. C'est seulement un sentiment, et je suis certaine qu'il est largement partagé au Canada et dans le monde occidental par ceux qui ont été témoins de ces atrocités.
    Concernant les biens culturels, je pense qu'il y a un mépris évident pour tout ce qui est un bien culturel ukrainien, et il ne semble pas y avoir une quelconque intention d'essayer d'éviter certaines cibles et de limiter les opérations qui se déroulent en Ukraine. Nous avons vu des sites importants être complètement détruits, même des sites qui abritaient des gens. Je pense que c'est assez éloquent en soi, mais la détermination ultime relèvera des experts qui feront enquête et des procureurs chargés de l'affaire.

  (1900)  

    Dans votre discussion avec mon collègue du Bloc, si je ne me trompe pas, vous avez évoqué l'idée que la destruction des artefacts culturels est un outil. Évidemment, dans le cas présent, cela n'a pas encore été déterminé par des experts juridiques, mais la destruction de l'identité culturelle a été un facteur dans de précédents génocides. Est‑ce exact?
    Je ne suis pas une spécialiste des génocides, mais je pense que si vous regardez l'Holocauste...
    Désolée de vous interrompre. Même si nous prenons des exemples du passé, lorsqu'il a été très clairement prouvé qu'un génocide a eu lieu, la destruction du patrimoine et de la culture en fait souvent partie. Est‑ce une affirmation juste?
    Je dirais... Selon les lectures que j'ai faites en tant qu'historienne amateur de l'histoire militaire et de la Seconde Guerre mondiale en particulier, cela a été catastrophique, en effet.
    Merci beaucoup.
    Je pense que mon temps est écoulé.
    En effet. Merci, madame McPherson.
    Encore une fois, madame l'ambassadrice, permettez-moi de vous remercier d'avoir été des nôtres à cette heure si tardive, pour vous. Nous vous en sommes très reconnaissants. Vos commentaires et vos réponses ont été extraordinairement utiles, alors je vous remercie. Je sais que je parle au nom de tous les membres du Comité.
    Chers collègues, nous arrivons à la deuxième partie de la séance. Nous allons suspendre la séance, puis nous reprendrons.

  (1900)  


  (1905)  

    Permettez-moi maintenant d'accueillir notre deuxième groupe de témoins, qui, je le précise, se joint à nous à une heure très tardive de la nuit, heure locale, en Ukraine.
    D'après mes calculs, il est environ 2 h 30 du matin, heure locale. Nous vous sommes très reconnaissants de vous être rendus disponibles et d'avoir accepté notre invitation.
    Nous accueillons aujourd'hui Mme Yevheniia Kravchuk, qui est députée et vice-présidente de la fraction des serviteurs du peuple. Nous accueillons également M. Vladyslav Atroshenko, qui est le maire de la ville de Tchernihiv. La troisième personne actuellement en ligne est Mme Sevgil Musayeva, rédactrice en chef de l'Ukrayinska Pravda.
    Permettez-moi de vous donner des précisions. Vous aurez cinq minutes chacun pour vos déclarations liminaires. Nous offrons bien sûr des services d'interprétation simultanée. Après vos déclarations, nous donnerons la parole aux députés, qui auront l'occasion de vous poser des questions.
    Madame Kravchuk, si vous êtes prête, la parole est à vous.
    Je suis très honorée d'avoir l'occasion de prendre la parole lors de cette séance. J'ai eu l'honneur de faire partie d'une délégation de femmes qui s'est rendue au Canada il y a cinq semaines. J'ai rencontré certains d'entre vous, que je reconnais, d'ailleurs.
    Je tiens d'abord à vous remercier, vous et le peuple canadien, de votre aide, qui nous est très précieuse. Il est très important que le premier ministre Trudeau se soit rendu en Ukraine il y a quelques jours.
    J'aimerais aussi remercier le président du sous-comité, M. Ali Ehsassi, d'être également venu en Ukraine il y a quelques jours, d'avoir eu l'occasion de constater les résultats des atrocités commises par l'armée russe en Ukraine et de visiter la région de Kiev et les petits villages près de Kiev qui ont été occupés pendant plus d'un mois.
    J'aimerais également remercier tous les parlementaires du Sénat et de la Chambre des communes de leur vote en appui à la résolution sur le génocide en Ukraine, car nous pensons et estimons réellement qu'il s'agit d'un génocide.
    Nous n'avons pas encore gagné, toutefois, comme vous le savez. La guerre fait toujours rage. La guerre et les atrocités se poursuivent en Ukraine depuis maintenant 75 jours. Des violations des droits de la personne ont lieu jour après jour. Cette invasion à grande échelle dure depuis 75 jours, mais la guerre sévit depuis huit ans. Elle a commencé en 2014, avec l'annexion de la Crimée et l'occupation d'une partie des régions de Donetsk et de Louhansk. Il faut comprendre que si le monde avait été assez fort pour répondre à Poutine en 2014, s'il avait été arrêté à ce moment‑là, nous ne serions probablement pas confrontés à de telles atrocités actuellement.
    L'armée russe, ses dirigeants politiques au Kremlin et Poutine lui-même sont responsables de nombreux crimes de guerre en Ukraine — des milliers de crimes de guerre. Ils ont franchi toutes les lignes rouges depuis le début de cette invasion à grande échelle: bombardements et ciblage délibéré de civils; torture et exécutions de civils; viols de femmes et d'enfants; création de « camps de filtration »; déportations et enlèvements, en particulier de militants, de journalistes et de représentants des autorités locales et des conseils locaux.
    Je vais présenter quelques faits, puis je serai prête, bien entendu, à répondre à vos questions.
    Nous ne pouvons même pas estimer le nombre de civils qui ont été tués depuis le 24 février, mais seulement dans la région de Kiev, la police a découvert plus de 1 200 corps. Ces personnes ont été torturées. Elles ont été tuées par balle. Certains corps retrouvés avaient les mains liées.
    Certaines personnes ont été témoins de femmes qui ont été violées devant des enfants, et d'enfants qui ont été violés devant leur mère. Certaines écoles ont été transformées en camps de torture. Un témoin de Katiuzhanka — le directeur d'une des écoles — a déclaré qu'il y avait un camp de torture dans le sous-sol de l'école. Deux mille personnes y ont été torturées et certaines d'entre elles ont été tuées.
    À Marioupol, vous avez probablement entendu le nom de la ville... Nous ne savons pas vraiment combien de personnes sont mortes à Marioupol, mais c'est au moins 20 000, probablement. Il nous est impossible de les compter, car nous n'avons pas accès à la ville en ce moment. Des crématoriums mobiles ont été utilisés pour dissimuler les corps et éliminer les preuves des crimes de guerre qui ont été commis. Il y a aussi des fosses communes près de Marioupol. On peut les voir du haut des airs.

  (1910)  

    En ce moment, les défenseurs de Marioupol sont toujours dans l'aciérie Azovstal. Plus de 500 soldats blessés s'y trouvent encore. Les Russes ne les laisseront pas partir, malgré toutes les règles de la Convention de Genève. Nous travaillons avec les Nations unies, la Croix-Rouge et des pays tiers pour les faire sortir. Nous comptons vraiment sur votre appui et votre leadership politique lors de ce processus pour faire sortir ces gens.
    Je peux vous envoyer des renseignements supplémentaires, en anglais et en français, sur les plus importants cas de bombardements de civils. Vous avez probablement entendu parler de la gare ferroviaire de Kramatorsk, où 59 personnes sont mortes et plus de 100 personnes ont été blessées. En mars, la maternité de Marioupol a été bombardée, tuant au moins une femme enceinte et son enfant à naître. Il y a beaucoup d'autres cas. Vous lirez des reportages à leur sujet dans les journaux. Dans tous les cas, quelqu'un perd la vie. Des familles perdent leurs enfants, ou des enfants perdent leurs parents.
    Une autre chose que je voudrais...

  (1915)  

    Vous avez 30 secondes.
    Très bien. J'en parlerai dans les réponses aux questions.
    En résumé, il est essentiel de comprendre que ce mal ne peut rester impuni. Ces crimes de guerre doivent être punis. Nous devons établir un tribunal de guerre international afin que tous les soldats qui ont commis des crimes, et leurs dirigeants politiques, soient jugés devant ce tribunal et punis.
    Je vous remercie.
    Nous vous remercions beaucoup, madame Kravchuk.
    Nous passons maintenant au maire Atroshenko.
    Vous avez cinq minutes, monsieur.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je vous remercie, au nom de tous les habitants de la ville de Tchernihiv, de m'avoir invité à témoigner devant vous.
    Je tiens personnellement à remercier le gouvernement du Canada, le premier ministre et la population du Canada pour le soutien que vous nous offrez. Nous le ressentons et nous vous en sommes très reconnaissants. Nous sommes reconnaissants envers les Canadiens qui ont été parmi les premiers à venir à notre aide. Nous sommes aussi reconnaissants envers les membres du Congrès mondial des Ukrainiens, qui est établi au Canada.
    Voici ce que j'ai à dire au sujet des crimes de guerre commis par la Russie à Tchernihiv. Dès les premiers jours de la guerre... Vous savez que la phase active de la guerre a commencé en 2014. Par la suite, en 2022, la guerre a commencé le 24 février. Le 27 février, les premiers missiles Iskander ont frappé l'immeuble de notre conseil municipal au coeur de Tchernihiv, près de la place centrale.
    Ces missiles sont très puissants et les autorités russes visaient de toute évidence le centre d'une ville de 1 300 ans. Ils visaient évidemment le conseil municipal, mais je crois qu'ils visaient aussi les civils. La ville a été encerclée pendant un mois et demi, et a été bombardée de toutes sortes de façons. Les bombardements ont été faits sans discernement. C'était le chaos. On a utilisé des armes de divers calibres, de l'artillerie, des chars d'assaut et des missiles. On a eu recours aux bombardements de l'aviation frontale. Ce sont 314 civils qui sont morts, dont 16 qui avaient moins de 16 ans.
    Les Russes ont commis ces crimes en toute connaissance de cause. Ils savaient qu'ils ne visaient pas les unités ou les infrastructures militaires. Ils visaient les infrastructures de la ville, les infrastructures civiles et, de façon particulière, les stations de pompage d'eau, les centrales électriques, les flottes automobiles appartenant à la ville, les transports en commun et les parcs. Au total, ce sont 9 652 appartements et 1 500 maisons qui ont été détruits complètement, ce qui démontre que c'est la ville tout entière qui était attaquée.
    Poutine a lui-même qualifié la ville de berceau de l'orthodoxie. C'est dans la ville de Tchernihiv qu'est née la Rous' de Kiev. Ce n'est donc pas uniquement la ville que l'on a détruite, mais bien toute son histoire et ses sites culturels. C'est une ville ancienne.
    Heureusement, les Russes n'ont pas réussi à entrer dans le territoire administratif de la ville, grâce aux efforts des forces armées ukrainiennes et des milliers d'habitants de la région qui ont pris les armes et qui ont répété les exploits de leurs ancêtres, qui n'ont jamais abandonné et ne se sont jamais rendus.

  (1920)  

    Je pourrais vous faire part des crimes de guerre les plus scandaleux, notamment de l'histoire d'un pilote nommé Krasnoyartsev, qui a été tué, mais qui avait auparavant témoigné. Il a lâché six bombes de 500 kilogrammes de TNT chacune. À l'épicentre des explosions, à environ 10 kilomètres, il n'y a aucune infrastructure militaire. Ces bombardements ont tué 49 civils, qui se trouvaient tout simplement dans leur appartement. Ils n'étaient pas armés. Ces victimes étaient principalement des femmes, des enfants et des aînés. Elles sont mortes sans même avoir tenté de résister à l'armée russe.
    Je vais vous donner un autre exemple horrible: on a utilisé des mortiers pour tirer sur des gens qui faisaient la file pour acheter du pain. Plusieurs personnes sont mortes pendant cette attaque. Je sais qu'il y a eu un autre cas où les tirs de mortier ont démembré un programmeur informatique. Il a été mutilé alors qu'il se rendait au travail. Bon nombre de personnes innocentes ont perdu la vie.
    Monsieur Atroshenko, pouvez-vous conclure votre discours préliminaire? Vous aurez l'occasion de répondre aux questions des membres du Comité plus tard.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Oui.
    J'aimerais conclure en disant ceci: j'appuie ce que Yevheniia Kravchuk a dit avant moi. Ces atrocités, ces crimes de l'armée russe ont été commis en toute connaissance de cause. Tous les habitants de la région désignent l'armée russe à titre d'organisation terroriste. La Russie est l'agresseur. La Russie doit être tenue responsable par le tribunal international et Poutine doit être tenu de rendre des comptes.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre Mme Musayeva.
    Vous avez la parole. Vous disposez de cinq minutes.
    Bonjour. Je m'appelle Sevgil Musayeva. Je suis la rédactrice en chef d'Ukrayinska Pravda. Je ne suis pas politicienne ou défenseure des droits de la personne, mais je suis témoin de violations des droits de la personne et du droit humanitaire international tous les jours.
    Je tiens à vous remercier pour votre soutien continu à l'égard de notre pays en cette période très difficile.
    En tant que journaliste, je reconnais que cette guerre n'est pas seulement une guerre entre les valeurs démocratiques et un régime totalitaire, mais aussi entre la vérité et la propagande. Je vois à quel point, au cours des huit dernières années, la propagande russe a nourri cette guerre. Je vois aussi comment les journalistes ont été pris pour cible. Plus de 20 journalistes ont été tués par l'armée russe en Ukraine. Bien sûr, ils n'ont pas tous été tués dans le cadre de leur travail de couverture de la guerre, mais 11 d'entre eux l'ont été. C'est incroyable.
    L'un d'entre eux était mon bon ami, Brent Renaud. C'était un cinéaste américain. Il est venu en Ukraine pour raconter l'histoire des réfugiés ukrainiens. Il est venu avec un autre de mes amis, un journaliste colombien nommé Juan Arredondo. Il a été blessé et a déjà subi cinq opérations. C'est une situation difficile.
    En tant que journalistes, nous sommes devenus des défenseurs des droits de la personne, parce que pendant tout ce temps, nous avons été témoins de nombreuses violations en la matière. Par exemple, il y a trois semaines, l'une de mes collègues a voulu raconter l'histoire de sa mère. Elle se trouvait à Roubijne, une ville dans la région de Donetsk. Avec ses deux jeunes enfants, elle a d'abord été déportée dans l'oblast de Leningrad, en Russie. Elle a fait un voyage de trois jours en train. Bien sûr, nous l'avons aidée. Elle se trouve aujourd'hui en Estonie. En tant que Tartare de Crimée, dont la famille a été déportée par l'armée soviétique en 1944, je peux vous dire que c'est encore possible au XXIe siècle.
    Au cours de ces 75 jours de guerre, nous avons couvert de nombreuses histoires de camps de filtration dans les territoires occupés. Bon nombre d'Ukrainiens sont passés par ces camps. Malheureusement, certains d'entre eux ont été capturés par les Russes et s'y trouvent toujours.
    J'ajouterais que plus de 100 000 personnes se trouvent toujours à Marioupol, qui est aujourd'hui occupée par la Russie. Il est possible que ces personnes se déplacent ou soient évacuées, mais ce que je trouve choquant, c'est que depuis trois jours, il y a une présence militaire à Azovstal. Ma collègue Yevheniia Kravchuk a déjà décrit cette situation brutale.
    Une femme médecin se déplaçait avec son enfant dans le cadre d'une mesure d'évacuation de la Croix-Rouge. Malheureusement, elle a été séparée de sa fille, qui n'a que quatre mois. Sa mère se trouve aujourd'hui peut-être dans un camp de filtration à Manhouch. Elle était médecin à Azovstal. Sa fille est maintenant seule en Pologne, parce que les Russes ont capturé sa mère. Nous ne savons toujours pas où elle se trouve.
    Nous demandons aux organisations humanitaires de nous aider. La situation est sans précédent. Nous sommes témoins de violations brutales des droits de la personne tous les jours.

  (1925)  

    J'aimerais faire quelques commentaires au sujet de la situation.
    Premièrement, aidez-nous à localiser les gens. Aidez-nous à établir des corridors humanitaires internationaux pour les gens d'Azovstal, parce que nous savons que de nombreux civils se trouvent dans la ville. Nous savons qu'il y a beaucoup de soldats blessés: ils sont 600 à l'heure actuelle. Nous avons vu des images atroces. De nombreux médecins ont aidé ces personnes au cours des 75 derniers jours, mais ils n'ont déjà plus de médicaments, ils n'ont plus d'eau et n'ont plus d'instruments médicaux pour faire leur travail.
    Deuxièmement, je vous demande d'aider les Ukrainiens à reprendre les enquêtes sur les crimes de guerre humanitaires. Nous avons besoin d'une aide humanitaire internationale distincte pour répondre à la situation ukrainienne. Je sais que ce sera difficile et que de nombreux problèmes surviendront.
    J'ai déjà interviewé un professeur très connu, Philippe Sands, qui a écrit un livre au sujet de deux braves Ukrainiens qui avaient jeté les bases du droit international, même en ce qui a trait au génocide. Il a dit que c'était difficile, mais qu'ils avaient réussi.
    Aujourd'hui, au XXIe siècle, alors que notre monde subit une telle brutalité et des violations du droit humanitaire, nous avons besoin d'un nouveau...

  (1930)  

    Madame Musayeva, je vous demanderais de conclure s'il vous plaît.
    J'ai terminé.
    Merci.
    Notre quatrième témoin s'est joint à nous. Nous allons entendre M. Yuriy Bova, qui est maire de la ville de Trostyanets.
    Monsieur Bova, vous disposez de cinq minutes. Allez‑y.
     [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Bonjour à tous.
    Je représente une petite ville ukrainienne du nom de Trostyanets, située à 30 kilomètres de la Fédération de Russie. Dès le premier jour, nous étions bien au fait des activités de guerre. L'armée russe est entrée dans la ville avec des centaines de véhicules blindés et des milliers de soldats, qui ont occupé la ville. C'était une ville pacifique, parce qu'il n'y avait aucune présence militaire, alors les Russes l'ont occupée.
    Dès les premiers jours, les Russes ont commencé à poser des gestes atroces contre la population. Au troisième jour, une femme de 75 ans qui marchait dans la rue pour aller à l'épicerie a été tuée par un tireur d'élite russe. Ce tireur n'a laissé personne s'approcher du corps de la femme pendant trois jours. Ses proches ne pouvaient pas récupérer son corps. Personne ne pouvait s'en approcher, alors qu'elle gisait là, dans la rue. Nous étions tous terrorisés.
    Il y a eu de nombreux autres événements du genre. Par exemple, les Russes ont bombardé une maison privée et la personne qui y vivait a été déchiquetée.
    Aussi, les Russes empêchaient les gens d'enterrer leurs morts. Certains ont été interrogés et terrorisés. Ils ont été battus; leurs mains étaient liées. Les atrocités sont indicibles.
    Une femme a dû rassembler les parties du corps de son mari, mais elle n'a pas pu l'enterrer. Les enfants ont dû voir le corps de leur père, qui se trouvait dans la maison, et ils n'ont pas pu l'enterrer. Pouvez-vous imaginer ce que c'était que de vivre dans cette maison?
    Les situations de ce genre sont nombreuses; elles sont horribles et se sont produites pendant l'occupation de la ville.
    Les Russes ont placé leurs chars d'assaut dans le cimetière et ne laissaient personne enterrer les morts.
    Nous avons tenté d'organiser ce qu'on appelle des « corridors verts » pour évacuer les habitants de la ville. En guise de réponse, les Russes ont envoyé plus de soldats et plus d'armements dans la ville. Ils ont fouillé les gens et les ont arrêtés.
    Nous avons été coupés du reste du monde, parce que les communications ont été interrompues. Il y avait du personnel militaire et des équipements russes partout. Nous ne savions pas ce qui allait se passer ni quelles souffrances ils allaient nous infliger.
    Les Russes ont occupé notre ville pendant 31 jours. Au cours de cette période, ils ont bloqué les approvisionnements en nourriture dans la ville; ils ont volé toutes les pharmacies et les commerces. Ils ont détruit toutes les ambulances. Il n'y avait plus aucune ambulance fonctionnelle dans la ville.
    Une femme a dû marcher pendant des kilomètres pour se rendre à une clinique locale. Un véhicule militaire russe a fait feu sur elle alors qu'elle était en route et l'a tuée. Je le sais, parce qu'elle travaillait au conseil municipal.

  (1935)  

    Plusieurs personnes âgées n'ont pas pu quitter la ville. Les Russes empêchaient tout le monde de partir.
    Il y a eu des pannes d'électricité et des interruptions de l'alimentation en eau. Les gens devaient survivre sans provisions et sans eau courante. Pendant les premiers jours, au mois de février, il y avait encore de la neige. Les gens la faisaient fondre pour la boire.
    Nous avons retrouvé des notes écrites par un Russe. Nous ne connaissons pas son identité. Il disait: « Le 3 mars, nous sommes arrivés dans la ville de Trostianets, mais nous nous sommes comportés comme des fascistes. Nous avons volé tous les commerces. Nous avons brisé toutes les vitres et nous avons causé beaucoup de dommages. » Ce soldat russe a aussi écrit ceci: « Je suis entré dans un magasin et j'ai trouvé un beau sac à main pour ma femme, et d'autres accessoires. Je n'ai rien pris d'autre, parce que ce sont les seules choses qui me plaisaient. »
    Donc, ces Russes réalisent ce qu'ils font. Ce n'est pas comme s'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Néanmoins, ils continuent. Nos services de sécurité...
    Monsieur Bova, pouvez-vous conclure?
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Nous avons trouvé le carnet de notes d'un soldat qui décrit les interrogations et les atrocités qu'ont subies plus de 20 personnes qui se trouvaient dans cette salle de torture. Le 23 mars, notre hôpital local a été bombardé. Des chars d'assaut ont tiré 32 coups de feu d'une distance d'environ 200 mètres.
    Monsieur Bova, je vous demanderais de conclure votre déclaration préliminaire. Les membres du Comité veulent poser des questions à tous les témoins. Il vous reste 10 secondes.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Ce sont là des exemples des atrocités qui ont été commises. Le monde doit exiger que Poutine rende des comptes.
    Nous croyons en l'Ukraine et en ses forces armées, et nous croyons en notre victoire. L'Ukraine sera victorieuse.
    Merci.
    Merci, monsieur Bova.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés.
    Pour chaque segment, chaque intervenant disposera de cinq minutes seulement. Lorsque le temps sera écoulé, je devrai vous interrompre.
    Nous allons d'abord entendre Mme Vandenbeld.
    Vous avez la parole.

  (1940)  

    Avant de commencer, et je pense parler au nom de tous ici et au nom de tous les parlementaires, je voudrais vous dire que nous vous appuyons fermement. Nous vous félicitons de votre courage. Nous sommes à vos côtés, tout aussi indignés des crimes dont vous nous faites part aujourd'hui.
    Je suis heureuse de vous revoir, madame Kravchuk. J'espère que la prochaine fois, ce sera dans de bien meilleures circonstances.
    Madame Musayeva, le fait que vous deviez en tant que journaliste défendre les droits de la personne — je pense que nous saluons tous ce que vous faites.
    Je voudrais adresser mes questions au maire Atroshenko et au maire Bova, qui comparaissent aujourd'hui depuis leurs villes respectives avec tant de courage, pour nous dire ce qui se passe en direct. Je vous ai tous entendu parler d'impunité, de crimes qui ne devraient pas rester impunis, et du fait que des comptes doivent être rendus. Souvent, quand nous entendons ce genre de choses, c'est après coup, quand la plupart des preuves ont été détruites. Il est très difficile de revenir en arrière pour recueillir des preuves recevables par les tribunaux, mais ce n'est pas le cas ici. Cela se passe en temps réel.
    Pouvez-vous nous dire ce que peut faire le Canada? Nous avons envoyé des membres de notre police nationale, la GRC, à la Cour pénale internationale pour qu'ils mènent des enquêtes. Peut‑on faire autre chose pour soutenir ceux qui sont sur le terrain, qui le vivent et le voient de leurs propres yeux, afin qu'ils comprennent ce qu'ils doivent faire pour documenter tout cela, peut-être pour aider le bureau du procureur ukrainien ou les membres de la société civile?
    Commençons par vous, monsieur Atroshenko. Allez‑y.
     [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Je pense que, en ce qui concerne le Canada et tous les principaux partenaires qui nous soutiennent avec le plus d'ardeur, comme le Royaume-Uni, la Pologne, les États-Unis, les pays baltes, ce qui est le plus important pour nous, c'est d'exhorter les États membres de l'OTAN à maintenir les sanctions économiques. Selon nous, les sanctions économiques, d'une part, et notre résistance militaire en Ukraine, d'autre part, sont ce que nous pouvons faire de plus important à l'heure actuelle.
     C'est pourquoi nous comprenons que, lorsque vous prenez part à ces sanctions, vos pays peuvent accuser certaines pertes, certains plus que d'autres. Cependant, nous comprenons maintenant très bien que l'idéologie de Poutine se rapproche de celle d'Hitler et que la propagation du fascisme ne peut se justifier. Je crois que la pression continue des sanctions et le fait de parler aux pays européens, comme la Hongrie, en les exhortant à prendre part aux sanctions.... La Hongrie est un membre de l'OTAN, mais on devrait l'exhorter à agir davantage, et l'Allemagne et la France, d'ailleurs.... C'est le plus important.
    Je vous remercie.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Nous avons besoin d'armes, d'armes de haute technologie. C'est ce qui nous permettra de triompher de Poutine.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Je sais qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, alors j'aimerais que M. Bova intervienne aussi.
    Allez‑y, monsieur Bova.

  (1945)  

     [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Vous avez tout à fait raison, vous savez. Nous devons recueillir les preuves le plus rapidement possible. Nous devons préparer les documents de ces témoins et cela doit être fait par des gens qui ont l'expérience pertinente. Vous savez, notre génération n'a pas connu la guerre, alors tous ces enquêteurs ont besoin de votre aide pour faire leur travail, alors s'il vous plaît, venez dans nos villes. Nous n'avons pas été en mesure de tout reconstruire. Vous pourrez constater les ruines de vos propres yeux.
    Nous avons gardé le char d'assaut même qui a détruit notre hôpital. Nos forces armées ukrainiennes l'ont endommagé, mais dans le char se trouvent tous les documents de l'équipage qui a commis ces crimes. Des gens ont été torturés et il y a des psychologues qui pourraient les aider. Certaines personnes sont prêtes à travailler avec d'autres pour témoigner des atrocités qu'ils ont vécues, mais c'est très difficile de parler de ces choses, des atrocités commises à l'encontre de leur personne et de leur corps. Cela doit être enregistré, puis montré au monde.
    Il faut que vous montriez comment la Russie s'est comportée. Elle s'est comportée comme l'Allemagne nazie, et des journalistes internationaux devraient venir et montrer le vrai visage de la Russie. Au début, le monde entier ne croyait pas que la Russie attaquerait l'Ukraine. Ils ne croyaient pas que les politiques de Poutine étaient criminelles, mais aujourd'hui, quand vous allez à Tchernihiv, à Trostyanets, à Boutcha, à Irpine et dans d'autres villes, le Canada et les Européens peuvent être les témoins de l'effet de cette politique sur l'Ukraine.
    Et ce n'est pas uniquement la politique de Poutine. C'est la politique de toute la Russie. Ces soldats russes.... Il décriait le fascisme, pourtant il se comportait comme un fasciste. Il se livrait au pillage. Ces gens vivent autrement. Ils ont une autre mentalité, et le monde entier doit le voir et agir en conséquence.
    Les troupes russes sont en train d'être neutralisées par l'armée ukrainienne, et nous vous sommes reconnaissants de toute l'aide que vous nous avez apportée de ce point de vue là, mais nous devons penser à plus long terme. Même s'ils quittaient l'Ukraine, l'agression reviendrait. Aujourd'hui, ils bombardent des villes ukrainiennes où il n'y a pas de troupes russes. Tous les jours, les sirènes annoncent des frappes aériennes. La région de Sumy a été bombardée aujourd'hui. Combien de temps cela va‑t‑il durer? Nous avons besoin des sanctions économiques. Nous avons besoin de l'influence internationale.
    J'inciterais vivement les villes canadiennes, petites et grandes, à couper les liens qu'elles ont avec les villes russes. Nous ne pouvons pas être amis avec nos agresseurs. À la place, tissons ces liens avec les villes ukrainiennes et aidons à reconstruire les villes ukrainiennes.
     Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à M. Cooper.
    Vous disposez de sept minutes, monsieur Cooper.
    C'est M. Viersen qui va parler.
    Oui, veuillez m'excuser.
    Allez‑y, monsieur Viersen.
    Je voudrais également remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Madame Kravchuk, je vais commencer par vous.
    Nous savons que l'armée russe ne semble pas respecter les règles d'engagement dans cette guerre. Je crois qu'on a mentionné que même les guerres ont des règles.
    Des gens du monde entier viennent en aide à l'Ukraine. Il y a l'armée ukrainienne. Il y a des civils ukrainiens qui sont armés.
    Que fait le gouvernement ukrainien pour informer ceux qui se battent pour l'Ukraine des lois humanitaires internationales et des règles d'engagement, de la façon de reconnaître que ces crimes ont été commis et de les signaler, parce que ce sont eux qui sont sur le terrain là‑bas? Ils en sont les témoins oculaires. Est‑ce qu'on fait quelque chose pour s'assurer qu'ils sont à même de reconnaître les crimes de guerre et de les signaler comme tels? Est‑ce que quelque chose est fait dans ce sens?

  (1950)  

     Depuis le tout début en février, nous avons un important réseau d'ONG qui se sont portées volontaires pour nous aider à recueillir les preuves des crimes de guerre. Ces ONG œuvrent dans le domaine de la défense des droits de la personne.
    De plus, puisque j'ai été journaliste, je voudrais remercier tous les journalistes qui travaillent sur le terrain, parce qu'ils font un excellent travail en ce moment... Comme vient de le dire Yuriy Bova, ils ont des tentes de... je vais donner son numéro de téléphone à beaucoup de journalistes. Il ne le sait probablement pas, mais je le donne. Ils sont en train de recueillir des preuves.
    Lors de mon allocution à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, j'ai livré un témoignage aux directeurs à partir de Katiuzhanka, dans la région de Kiev, comme je vous l'ai mentionné. Ces témoignages m'ont été envoyés par un journaliste qui écrit en anglais, en allemand et aussi, je crois, dans certaines langues scandinaves. Il vient de me transmettre ces témoignages avec des preuves de qui dit quoi, et je les ai livrés à un public international.
    Bien sûr, nous n'avons probablement pas reçu suffisamment d'éducation ou de formation sur la façon de faire rapport de ces crimes de guerre, mais nous les couchons sur papier et les gardons pour les remettre à un tribunal international, parce que tous ceux que vous rencontrez, chaque témoin, les confirment. Cela vient du cœur de chaque personne en Ukraine; ces actes répréhensibles doivent être punis.
    Si j'ai 30 secondes, je vais revenir à la question précédente à propos de ce que le Canada peut faire et comment il peut nous aider. Outre la nécessité de mettre cela par écrit, il y a des besoins en counselling post-traumatique et des besoins d'aide pour les femmes victimes de violence sexuelle, parce que leur nombre est sous-estimé, étant donné que les femmes ont peur. Elles ont peur d'être stigmatisées et elles ne veulent rien dire. Je suis également l'auteure d'une résolution adressée à l'APCE, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, sur les femmes dans les conflits. J'ai découvert que, lors du conflit dans les Balkans, certaines de ces femmes n'ont commencé à parler que 15 ans plus tard. C'est un long processus et nous avons besoin de ce soutien en counselling post-traumatique, tout particulièrement parce que ces femmes ne sont pas seulement en Ukraine. Elles ont fui le pays vers d'autres régions et elles ont besoin de ce soutien, quelle que soit la partie du monde où elles se trouvent.
    Je vous remercie.
    C'est précisément dans ce sens que j'allais poser mes questions suivantes.
    Nous savons que des millions de gens ont fui, des femmes et des enfants pour la plupart. L'Ukraine était déjà, avant la guerre, un pays cible pour la traite des personnes et cela n'a fait qu'empirer.
    Est‑ce que le gouvernement ukrainien prend le temps de sensibiliser les gens qui fuient le pays afin de les mettre en garde contre ceux qui pratiquent la traite des personnes? Travaillez-vous avec l'Union européenne pour combattre la traite des personnes à l'heure actuelle?
     C'est très difficile de sensibiliser des gens qui sont en train de fuir le pays avec deux ou trois enfants sous le bras, parce que c'est un moment particulièrement tumultueux. Cependant, nous travaillons effectivement avec l'Union européenne et les fonctionnaires européens chargés de ces affaires. En ce qui me concerne, j'ai participé à plusieurs voyages. J'étais à des réunions dans l'enceinte du Parlement européen et nos homologues du Parlement européen sont au courant du problème. Ils travaillent avec leurs bénévoles afin d'attirer l'attention sur cette situation. Bien sûr, les femmes, tout particulièrement celles accompagnées d'enfants, représentent des groupes vulnérables pour les trafiquants. Nous travaillons avec nos collègues dans les pays européens pour faire en sorte qu'il y ait moins de cibles pour la traite.
    En conclusion, nous avons parlé de ces atrocités subies et des gens qui fuient. Il faut parler de ce qui en est la cause. La seule façon de mettre fin à ces atrocités, d'arrêter ces violations flagrantes des droits de la personne, de juguler l'exode et d'empêcher que ces gens ne soient la cible de trafiquants est de gagner la guerre et d'arrêter Poutine. Il n'y a pas d'autres moyens d'arrêter tout cela et de mettre fin à toutes ces atrocités.
    En ce moment, quelque part dans la région de Kherson, les Russes sont en train de torturer des Ukrainiens, ou à Marioupol ou bien dans d'autres villages aux mains des troupes russes, en ce moment même. Plus vite nous obtiendrons des armes lourdes et plus vite nous les chasserons de notre pays et nous libérerons notre territoire. Nous mettrons fin aux atrocités et aux violations des droits de la personne.

  (1955)  

    La parole est maintenant à M. Trudel.
    Je vous remercie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les quatre témoins. Les témoignages que nous entendons ce soir sont vraiment très touchants, notamment ceux des maires, qui ont parlé de tout ce qui s'est passé dans leurs villes. Je les remercie infiniment.
    Ma question s'adresse à Mme Musayeva.
    Madame Musayeva, nous avons l'impression, d'ici, qu'il s'agit réellement de la première guerre en direct sur Internet. Il circule sur les réseaux sociaux, dont Twitter et Facebook, énormément de photos des atrocités qui se passent un peu partout sur le territoire de l'Ukraine. Je pense notamment à ce qui s'est passé à Boutcha. Nous avons vu les premières photos de cadavres dans la rue et, quelques jours plus tard, nous avons reçu les dénégations de responsables russes affirmant qu'il s'agissait d'un coup monté par l'Ukraine.
    Comment faites-vous pour vérifier si ce qu'on nous rapporte est bien vrai et pour éviter la désinformation? Comment vous y prenez-vous, en tant que journaliste?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Oui, c'est important. Nous, les journalistes, vivons déjà avec les conséquences de la guerre de l'information et de la guerre hybride qui sévissent depuis les huit dernières années. Cela a commencé avec l'annexion de la Crimée. Je suis personnellement touchée, car ma famille vivait en Crimée à cette époque, et je me souviens de la façon dont la propagande russe a menti sur tout ce qui se passait en Ukraine et en Crimée.
    Après ces huit dernières années, les journalistes ukrainiens ont une bonne expérience de la façon de lutter contre cette propagande et de se protéger contre ces violations dans le domaine de l'information.
    Quelle est ma réponse? Je pense que l'un de mes exemples préférés de ce qui s'est passé à cette époque est celui de deux photographes qui se trouvaient à Marioupol. En effet, Evgeniy Maloletka et Mstyslav Chernov ont filmé de nombreuses violations des droits de la personne à Marioupol. Par exemple, ils ont pris des vidéos et des photos de l'hôpital de Marioupol lorsqu'il a été bombardé par les Russes. Je me souviens que l'ambassade de Russie en Grande-Bretagne a d'abord déclaré qu'il s'agissait de fausses nouvelles, mais les photographes ont fourni toutes les preuves que ce n'était pas le cas, car ils avaient pris ces photos.
    Comment travaillons-nous dans cette situation? Nous avons des journalistes dans différentes villes, bien entendu. En fait, le mois dernier, je me suis rendue à Trostyanets, par exemple, où j'ai rencontré Yuriy Bova. J'ai pu voir ces techniques à l'œuvre de mes propres yeux là‑bas.
    Bien entendu, nous avons de nombreuses sources ouvertes et nous choisissons comment nous contrôlons l'information et comment nous contrôlons toutes les photos que nous recevons. Tout d'abord, au début de la guerre, nous recevions parfois des photos truquées d'un territoire occupé par la Russie à ce moment‑là, mais il était facile de s'en rendre compte. En effet, nous avons beaucoup d'outils ouverts qui nous aident à reconnaître les photos retouchées. De plus, de nombreux autres journalistes travaillent dans cet endroit et ils rétablissent les faits et nous aident à comprendre la situation.

  (2000)  

[Français]

     Merci.
    Ma prochaine question s'adressera à Mme Kravchuk.
    Nous avons l'impression que le conflit est dans un moment de latence, en ce moment. Il y a eu une offensive pendant un mois et demi. C'est peut-être une fausse impression que nous avons, ici, mais il semble que les Russes n'avancent pas et que les Ukrainiens sont sur le point de commencer à reprendre du terrain, d'une certaine façon.
    Des informations ont été publiées selon lesquelles environ 1,1 million d'Ukrainiens réfugiés en Pologne voudraient retourner en Ukraine. Les maires nous ont dit que certaines parties de l'Ukraine sont peut-être en mode reconstruction.
    Quel est l'état d'esprit des Ukrainiens en ce moment?
    Tout ce que vous nous avez raconté nous démontre énormément de résilience de la part du peuple ukrainien. En ce moment, il est difficile de savoir si la guerre va se terminer dans un mois ou dans trois ans. Je crois que personne n'a cette réponse.
    Selon vous, comment le peuple ukrainien réagit-il à ce qui arrive en ce moment?

[Traduction]

    Vous savez, lorsque je suis revenue de mon voyage à Strasbourg, j'ai pris un autobus à partir de la Pologne. C'était un autobus ordinaire. Il n'y avait plus un siège libre dans cet autobus, car tout le monde rentrait chez soi. C'est la raison pour laquelle nous demandons aux gens de ne pas appeler les Ukrainiens des réfugiés. Ils n'ont pas abandonné leur patrie. Ils veulent rentrer chez eux. Ils demandent l'asile temporaire dans les pays où ils se trouvent, car ils veulent rentrer chez eux, dans leur ville.
    Par exemple, en Pologne, je suis allée dans un endroit où se trouvent nos personnes déplacées à l'extérieur du pays, et j'ai rencontré une famille de Tchernihiv. Leur maison a été détruite et ils ne peuvent donc pas vraiment revenir chez eux pour le moment, mais je suis sûre que nous allons reconstruire Tchernihiv. Cela prendra évidemment un certain temps.
    Les gens commencent maintenant à revenir dans les villes qui n'ont pas subi de bombardements intenses. Cependant, il est impossible de revenir dans la région de Donetsk et dans la région de Louhansk. Il est resté un million de personnes dans la région de Louhansk, tant dans les territoires occupés depuis 2014 que dans les territoires libres ou récemment occupés, mais ces personnes n'ont pas accès à l'eau, car l'infrastructure d'approvisionnement en eau a été complètement détruite. On ne peut donc pas vivre là‑bas.
    Actuellement, nos troupes reprennent des parties de la région de Kharkiv, village par village, tous les jours. Mais les gens ne peuvent pas revenir le lendemain. Hier, deux femmes d'un village qui a été libéré il y a trois jours ont été tuées lorsqu'elles ont marché sur une mine.
    C'est une autre chose pour laquelle le Canada peut nous aider, car nous savons que les Canadiens sont très bons dans le déminage. Nous avons grandement besoin de cette expertise, car à l'heure actuelle, l'Ukraine est le pays le plus pollué du monde par des mines et des pièces d'artillerie qui n'ont pas explosé. Nous avons vraiment besoin d'aide dans ce domaine.
    D'un autre côté, nous comprenons qu'il faut que notre économie fonctionne. Nous recevons une aide financière, mais nous comprenons que notre pays doit se reconstruire et retrouver l'économie d'avant-guerre. Là où les entreprises peuvent travailler, elles devraient le faire. Là où les gens peuvent vivre, ils devraient le faire.
    Je vous remercie.
     [Difficultés techniques]
    Je ne vous ai pas entendu, monsieur le président, mais je présume que vous m'avez reconnue.
    Oui. Vous avez raison.
    Merci beaucoup.
    Premièrement, je veux me faire l'écho de mes collègues et remercier tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui et de leurs témoignages. Comme vous pouvez l'imaginer, c'est très difficile à entendre, mais il est très important que nous l'entendions.
    Madame Kravchuk, je tiens à vous dire que, lorsque vous étiez au Canada et que vous nous avez rencontrés, mes collègues et moi, c'est la raison qui m'a amenée à présenter la motion sur le génocide. Votre engagement envers l'Ukraine est d'une importance cruciale, alors merci d'être ici à nouveau.
    Je dois dire qu'une jeune femme a commencé à travailler à mon bureau, une stagiaire ukrainienne, et elle m'a apporté un drapeau de son pays qui a été signé par des soldats en Ukraine. Nous nous sommes toutes les deux mises à pleurer lorsqu'elle me l'a donné. Je veux que vous sachiez tous que vous n'êtes pas seuls. Nous voyons ce qui se passe en Ukraine. Nous sommes avec vous. Nous le serons à court, moyen et long terme. C'est ce dont j'aimerais parler un peu aujourd'hui.
    Quand l'Ukraine gagnera... car nous savons tous que c'est la seule option. Poutine doit être tenu responsable de ses actes pour qu'il cesse d'avoir l'impression que, dans plusieurs années, il peut se livrer à une autre invasion. Ce doit être bien établi. Nous serons là pour contribuer à veiller à ce que la Cour pénale internationale soit activée, que ces crimes fassent l'objet de poursuites et que justice soit faite.
    J'aimerais entendre les réactions des maires. De votre point de vue — vous, qui êtes sur le terrain et qui voyez les répercussions considérables sur l'infrastructure, l'eau et l'électricité —, qu'avez-vous besoin que le Canada et la communauté mondiale reconstruisent à court terme?
    J'ai entendu la demande de soutien pour le déminage. De toute évidence, nous devons nous assurer que les gens ont accès à de l'eau potable propre et à des soutiens médicaux. C'est à court terme, mais aussi à long terme, car je pense que nous aurons besoin de quelque chose comme le plan Marshall pour rebâtir l'Ukraine.
    Je pourrais peut-être commencer avec vous, monsieur le maire Atroshenko.

  (2005)  

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:
    Tout d'abord, je pense qu'ils doivent... jusqu'à ce que nous remportions la victoire. En tant que maire d'une ville, je communique avec différents fonds et organismes de pays européens, mais pas seulement des pays d'Europe. Il y avait un représentant du Japon, d'un grand fonds de développement. Je sais qu'il y a toutes sortes de communications et de négociations en cours, mais tout le monde attend que la guerre prenne fin.
    Je peux parler de ma ville, la ville de Tchernihiv. Nous avons fait des calculs préliminaires. Ils montrent que nous avons subi des pertes directes d'environ 1,5 milliard d'euros, en raison de la destruction de biens, de maisons et d'infrastructures, de même que de routes, d'immeubles, de surfaces, d'entrepôts et d'écoles. Certaines des écoles ont été entièrement détruites.
    Nous aurons besoin de beaucoup de ressources pour reconstruire. Nous aurons besoin de nouveaux technologues. Il est évident que nous ne pourrons pas le faire seuls avec les revenus de la ville. Nous nous tournerons vers des ressources externes pour nous aider dans notre effort de reconstruction. Cependant, cela ne pourra probablement avoir lieu qu'après la fin de la phase active de cette campagne militaire.
    Merci.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Je pense que je suis un peu différent de mon collègue. Je pense que nous n'avons pas besoin d'attendre à la fin de la guerre, mais que nous devons commencer les activités. Je peux voir sur beaucoup de vos revers de veston des épinglettes avec des symboles ukrainiens. Cela montre votre soutien. Je sais que vous avez foi en l'Ukraine et en son peuple. Vous nous appuyez.
    À l'heure actuelle, nos militaires continuent d'assurer la défense de notre pays du mieux qu'ils peuvent. La Russie subit de lourdes pertes militaires en Ukraine, et nous espérons que cela empêchera des attaques à l'avenir. Notre peuple est uni. Nous aidons nos militaires ukrainiens. Nous les soutenons. Comme mon collègue l'a souligné, nous espérons tous. Nous voulons tous que nos citoyens reviennent dans nos villes, qu'ils reconstruisent leur vie, qu'ils refassent leur vie à neuf, qu'ils poursuivent leur vie.
    Notre ville se situe à 30 kilomètres de la frontière russe, ce qui signifie que nous pouvons être la cible d'une attaque à tout moment, n'importe quel jour, essentiellement. Nous essayons déjà de reconstruire ce que nous pouvons au quotidien, en utilisant nos propres ressources. Nous avons reçu des offres d'aide de la Pologne, par exemple. Elle offre de nous fournir les ambulances que nous avons perdues, à savoir toutes.
    Nous essayons déjà de reconstruire ce que nous pouvons. Nous avons restauré un étage de l'hôpital détruit afin que le personnel puisse fournir des services médicaux. J'ai demandé au pédiatre en chef combien d'employés l'hôpital comptait. Avant la guerre, il y avait environ 400 membres du personnel à cet hôpital. Maintenant, plus de 350 sont revenus. Pouvez-vous imaginer à quelle vitesse les gens reviennent, à quel point ils croient en notre ville et en notre pays?
    Les Russes ont en fait essayé de tout supprimer. Pouvez-vous imaginer que, dans l'hôtel de ville, ils ont retiré tous les ordinateurs — pas un seul serveur ou ordinateur n'a été laissé sur place? Tout a été volé, enlevé. Même aujourd'hui, nous serions reconnaissants de toute aide qui peut être offerte, car nous essayons de reconstruire. Nous sommes dévoués. Nous aidons nos forces armées, qui renforcent actuellement leurs capacités défensives dans la ville et aux alentours. En tant que ville, nous essayons de leur fournir toutes les ressources que nous pouvons. Elles ont parfois même besoin de pelles. Elles ont besoin de toutes sortes de choses, de la technologie rudimentaire à la haute technologie. Nos habitants offrent en fait tout ce qu'ils ont, tout ce qu'ils peuvent. Ils viennent me voir et me disent: « Je ferai tout ce que je peux faire pour venir en aide à notre ville, de nos défenses civiles au matériel que nous pouvons fournir aux militaires.
    Soit dit en passant, nous connaissons bien la technologie canadienne, la façon de construire rapidement des logements, comme des maisons modulaires qui pourraient être bâties très rapidement. Ce serait quelque chose qui serait probablement très utile pour l'Ukraine à l'heure actuelle, parce que je suis certain que la plupart des Ukrainiens, sinon tous, vont revenir.

  (2010)  

    Merci.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour de questions. Étant donné que nous sommes très en retard, je demanderais peut-être aux membres de se limiter à une question et à des interventions de moins de trois minutes.
    Nous allons céder la parole à Mme Vandenbeld en premier.
    Merci.
    Je n'avais pas prévu de deuxième question, mais je suis très ravie de pouvoir en poser une.
    J'aimerais en fait poser une question semblable à celle que j'ai posée auparavant, mais qui s'adresse plus particulièrement à Mme Musayeva, car vous êtes journaliste.
    De toute évidence, les journalistes utilisent une certaine forme de documentation, mais elle n'est pas toujours jugée acceptable par les tribunaux. Le Canada peut‑il faire davantage pour aider à ce que toute documentation actuelle soit valable devant la Cour pénale internationale ou tout autre tribunal futur?
    Merci. C'est une excellente question.
    Je sais que nous avons déjà lancé une enquête officielle, mais je pense que nous n'avons pas assez de procureurs chargés des causes liées aux crimes de guerre dans notre pays. Je pense que c'est ainsi que le Canada peut aider l'Ukraine durant cette enquête, car je sais que l'enquête a commencé, mais nos procureurs doivent faire face, comme vous pouvez l'imaginer, à des milliers de victimes dans la seule région de Kiev, et il faut enquêter sur chaque cas. On doit trouver et recueillir toutes les preuves.
    J'ai déjà rencontré des spécialistes de l'aide humanitaire internationale et des avocats spécialisés dans ce domaine qui travaillent déjà en Ukraine. Ils m'ont dit qu'ils n'avaient jamais rien vu de tel et qu'ils n'avaient jamais vu des violations de droits de la personne de la sorte en Ukraine, même dans la région de Kiev.
    J'ai parlé la semaine dernière, par exemple, avec un avocat spécialisé dans le droit humanitaire international, et il m'a dit qu'il essaierait probablement de rassembler des preuves pour peut-être 50 victimes, mais nous avons des milliers de victimes. Nous avons besoin d'une coopération avec un bureau du procureur général, et je pense qu'il s'agit d'une coopération non seulement pour l'enquête sur de tels crimes, mais aussi pour l'éducation. Nous devons former les procureurs sur la manière d'enquêter sur de telles affaires, car je pense que nous avons un problème à cet égard.
    Je sais que de nombreuses organisations civiles rassemblent déjà de telles preuves. L'une d'entre elles est une coalition appelée 5 AM, qui regroupe 37 organisations de défense des droits de la personne en Ukraine. Je suggère de travailler avec nos gouvernements et une coalition d'organisations de défense des droits de la personne comme 5 AM. Je peux vous fournir leurs coordonnées, mais ce n'est pas difficile à trouver.
    Merci.

  (2015)  

    Merci.
    Avons-nous du temps pour permettre à Mme Kravchuk de répondre brièvement?
    Je crains que non, madame Vandenbeld. Nous limitons les interventions à trois minutes. Veuillez m'excuser.
    M. Cooper est le prochain intervenant.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins de vos déclarations franchement très bouleversantes pour décrire ce qui se passe sur le terrain en Ukraine.
    On a signalé que les sanctions fonctionnent, qu'elles ont une incidence. Sur cette question, Mme Kravchuk est peut-être, comme elle est députée, la mieux placée pour faire des observations.
    A‑t‑elle des recommandations sur la façon dont ces sanctions peuvent être améliorées pour ce qui est de la coordination entre les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et d'autres pays? A‑t‑elle quelque chose à ajouter sur la façon dont nous pouvons rendre ces sanctions plus sévères et plus efficaces?
    Oui. Je peux certainement répondre à ces questions.
    Les sanctions sont nuisibles à la Russie, mais pas suffisamment pour que Poutine mette fin à la guerre. Il est clair qu'il touche beaucoup d'argent du gaz et du pétrole. À cet égard, je suis vraiment reconnaissante au Canada d'avoir été le premier pays du G7 à interdire complètement le pétrole russe.
    Pour l'instant, nous attendons toujours la sixième série de sanctions de l'Union européenne. Les toutes dernières sanctions de cette série sont probablement en train d'être négociées en ce moment. Dans cette série de sanctions, il y aura probablement une interdiction sur le pétrole, mais pas sur le gaz. Le gaz rapporte beaucoup d'argent à la Russie. Selon nos calculs, la Russie touche environ 800 millions d'euros par jour de la vente de ressources énergétiques. C'est probablement le même montant qu'elle dépense pour la guerre en Ukraine, chaque jour. Il reçoit cet argent tout le temps.
    Une autre chose qui doit être renforcée, ce sont les sanctions contre les banques. Gazprombank est la banque qui effectue toutes ces transactions avec les ressources énergétiques. Elle n'est pas encore exclue de SWIFT. Nous espérons que Swedbank, une autre grande banque du système, figurera sur cette liste de sanctions.
    Un embargo complet sur les ressources énergétiques ferait l'affaire. Nous comprenons que c'est un long délai. Les États-Unis et le Canada pourraient probablement aider les pays à trouver d'autres sources d'approvisionnement en énergie.
    Une autre chose sur laquelle je pense que le Canada pourrait être très utile et sur laquelle les membres du comité des affaires étrangères et vous pourriez travailler serait de tenter d'influencer l'Inde. L'Inde essaie de rester neutre — d'acheter du pétrole, de faire des affaires comme d'habitude avec la Russie. Ce n'est pas le moment d'être neutre. Nous vous prions de parler aux parlementaires indiens. Nous sommes prêts à organiser une rencontre entre trois pays: le parlement ukrainien, le parlement indien et le parlement canadien. S'il vous plaît, aidez-nous à négocier en ce sens.
    Merci.

  (2020)  

    Merci.
    M. Trudel posera la prochaine série de questions.

[Français]

     Je vous remercie.
    J'ai une brève question à poser à Mme Musayeva.
    On sait que, quand il y a une guerre, les médias d'information sont visés, dont les journalistes, les journaux et les stations de télévision. Dans un article, vous avez parlé d'une attaque contre une tour de télévision de Kiev, près de Babi Yar. Cela vous a profondément marquée.
    Pouvez-vous nous en parler un peu plus, madame Musayeva?

[Traduction]

    Oui. Je suis l'un des membres du conseil civil du projet de Babyn Yar. Bien entendu, lorsque c'est arrivé au début de mars, c'était une tragédie, et c'est une tragédie que nous revivons une deuxième fois. Comme vous le savez, Babyn Yar était la plus grande fosse commune de Juifs tués en Europe de l'Est, en Ukraine. Plus de 100 000 personnes ont été tuées à cet endroit.
    Maintenant, lorsqu'on est confronté à une telle situation au XXIe siècle, c'est évidemment difficile. Je sais que mes amis juifs et des représentants d'organisations juives en Ukraine ont été consternés par cette situation. Malheureusement, il y a deux jours, par exemple, un cimetière juif à Hloukhiv a été bombardé. Je sais que le monument commémoratif pour les Juifs a également été bombardé à Kharkiv en avril, alors nous avons déjà trois exemples de ce qui s'est produit.
    Je pense qu'après toutes les déclarations citées du ministre des Affaires étrangères Lavrov et ce qu'il a dit à propos du gouvernement israélien et de l'aide qu'il donne aux néonazis... Vous savez que Poutine a même demandé au premier ministre Bennett de pardonner cela.
    Je trouve que c'est une situation émotive. Je suis tout à fait sidérée que cela se produise au XXIe siècle, après ce que nous avons traversé au XXe siècle.
    Merci, monsieur Trudel.
    Mme McPherson posera la dernière série de questions.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, merci à nos témoins d'aujourd'hui pour leurs témoignages. Je crois que je vais terminer cette séance en m'adressant à Mmes Kravchuk et Musayeva.
    Je m'intéresse ardemment à la justice pour les femmes alors que nous traversons cette horrible période en Ukraine. Je me demande si vous pourriez nous entretenir de la violence sexospécifique présentement subie par les femmes en Ukraine et de ce que peut faire le Canada pour participer au processus de paix et aider les femmes à obtenir justice au terme de ce conflit.
    Je pourrais peut-être d'abord vous écouter, madame Kravchuk.

  (2025)  

    Merci.
    Votre question me parle vraiment parce que la résolution que j'ai déposée à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe porte sur les femmes dans les zones de conflits et la réconciliation pour la paix. Elle sera mise aux voix en juin. Je vais vous répondre en me fondant sur les conclusions du rapport de ma résolution.
    Tout d'abord, nous avons besoin de l'aide de psychologues se spécialisant en violence sexuelle lors de conflits parce que seule une partie de ces crimes sont répertoriés. Nous ne voyons que la pointe de l'iceberg parce que les femmes craignent de dénoncer ces crimes. Pour nous aider, le Canada pourrait aussi appuyer les ONG qui œuvrent dans ce domaine. Tout comme vous probablement, nous nous servons du plan d'action pour la résolution 1325 des Nations unies qui dresse une liste des ONG, dirigées par des femmes, travaillant au plan d'action national avec le gouvernement.
    D'ailleurs, hier, j'ai participé à une discussion organisée par l'Université Georgetown située à Washington. Nous avons entendu des discours très percutants prononcés par des femmes travaillant pour des ONG qui sont sur le terrain et qui restent dans les villes pour aider leurs pairs à vaincre.
    Bien entendu, il faut aussi documenter la situation. Le bureau de notre procureur général pourrait bénéficier d'aide à cet égard aussi. Les forces policières recueillent également des preuves et des témoignages afin de porter ces dossiers devant le tribunal international puisque des crimes de guerre ont sans équivoque été commis.
    Nous devons également comprendre que non seulement les femmes et les filles se sont fait violer, mais les hommes et les garçons aussi. Ce fléau a touché toutes les tranches d'âges de tous les genres. Ces crimes sont incroyablement atroces, et leurs auteurs devraient comparaître devant le tribunal.
    Je veux poursuivre sur le thème du viol.
    Il y a deux semaines, un des hôpitaux de Kiev a fait appel à moi pour aider à pratiquer des avortements de femmes qui ont été violées parce que l'établissement était même aux prises avec ce problème. Mme Kravchuk a déjà expliqué que la situation est très traumatisante et que les femmes ont peur de demander cet acte médical. Elles ne peuvent le demander que dans les hôpitaux et auprès des médecins. Les médecins me demandent de l'aide, à moi qui suis journaliste, simplement pour fournir le service. Je crois que c'est une question d'aide médicale et psychologique.
    Merci beaucoup, madame McPherson.
    C'est ce qui met fin à la séance.
    Au nom de tout le Comité, permettez-moi de remercier chacun d'entre vous. Ce que nous avons entendu était incroyablement fascinant, mais aussi perturbant, voire impensable. Ayez l'assurance que la résolution, le courage et la détermination que vous avez démontrés au cours des deux derniers mois vous ont valu une place privilégiée dans tous nos coeurs. Nous allons rester à vos côtés. Nous espérons que la victoire sera imminente.
    Je vous remercie d'avoir comparu à notre comité. Portez-vous bien.
    Merci.
    Monsieur le président, maintenant que nos invités sont partis, puis‑je proposer ma motion?
    Bien sûr, madame McPherson.
    Merci. Je crois qu'elle a été distribuée, alors tous les membres devraient l'avoir dans les deux langues officielles.
    Monsieur Trudel, je vous présente mes excuses. Je ne la lirai pas en français parce que, cela va de soi, je ne la lirais probablement pas assez bien à votre goût.

  (2030)  

    Je suis désolé, madame McPherson. Ne sommes-nous pas censés passer à huis clos?
    Je préférerais que nous ne soyons pas à huis clos pour en discuter. Je vais la lire aux fins du compte rendu, puis j'espère qu'elle fera consensus. Je propose:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Sous-comité entreprenne une étude sur les droits et la justice en matière de procréation dans le monde, y compris la situation des droits et de la justice en matière de procréation aux États-Unis d'Amérique; que le Comité tienne deux (2) rencontres sur cet enjeu; et que le Comité fasse rapport de ses constatations et recommandations au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Monsieur le président, nous avons eu une discussion au début de la séance sur les enjeux urgents et sur l'importance d'avoir assez de temps et de plages horaires disponibles pour ces enjeux. Je crois qu'il s'agit d'une question très urgente que ce sous-comité a l'obligation d'étudier.
    Merci.
    Merci, madame McPherson.
    Est‑ce que quelqu'un aimerait se prononcer sur la motion?
    Oui, madame Vandenbeld.
    Merci, monsieur le président.
    Par souci de concision, je dirai seulement que j'appuie sans réserve la motion de Mme McPherson et que je suis ravie qu'elle l'ait proposée. Merci.
    Monsieur Viersen.
    Merci, monsieur le président.
    Je crois que ce comité est censé procéder par consensus et je dirai simplement qu'il n'y en aura pas pour cet enjeu précis. En tant que comité des droits internationaux de la personne, nous devons examiner de réelles violations des droits de la personne dans le monde. Les droits de la personne des enfants à naître dans le monde sont également importants, et il me fera plaisir d'entamer une étude à ce sujet. Je dirais que, à l'heure actuelle, étant donné la situation aux États-Unis et les fuites qui s'y sont produites, nous devrions suivre la situation, mais je crois que le Canada devrait s'abstenir de faire des commentaires pour l'instant.
    Merci.
    Monsieur Trudel.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je pense que c'est une très bonne motion. Le seul problème, c'est que nous manquons de temps pour étudier cette question, car la session achève bientôt. Il ne reste que quelques semaines et nous avons déjà un programme chargé.
    Nous avons une étude très importante sur le conflit au Tigré. Contrairement à la guerre en Ukraine, on en entend peu parler, mais, à mon avis, ce conflit est aussi grave. Alors, je pense qu'il serait primordial de se pencher sur cette question.
    En effet, la question de l'avortement qui a été soulevée récemment est vraiment très importante. Or elle profite en ce moment d'une large diffusion, d'un large écho. On en parle ici et à l'international, au contraire des conflits comme celui du Tigré, qui est fondamental, et des pays comme Haïti, qui est complètement exclu du système et dont on ne parle jamais.
    Si on avait deux ou trois semaines de plus, j'accepterais d'étudier cette question. Malheureusement, on manque de temps et, en ce moment, je trouve que cela ne cadre pas dans notre horaire.

[Traduction]

    Madame McPherson.
    La greffière pourrait peut-être nous donner un aperçu de ce qu'il nous reste à faire dans notre calendrier. Je suis d'avis que c'est un problème très urgent. Nous savons que l'affaiblissement des droits des femmes et l'abolition des droits en santé génésique dans le monde ont entraîné de nombreuses morts. De plus, le manque d'accès à ces services pourrait avoir des répercussions sur les Canadiens et sur la prestation de services au Canada.
    Il y a une incidence pour nous. Il a été clairement prouvé que la restriction de la santé génésique des femmes cause de grands torts et de la mortalité. Comme M. Trudel semble l'avoir dit, l'enjeu est très urgent. Je ne voudrais jamais avoir à classer par ordre de priorité les crises que notre comité étudie, mais cet enjeu touche 50 % de la population mondiale.
    La greffière pourrait peut-être nous donner une idée de notre horaire et rafraîchir ma mémoire.
    Merci, monsieur le président.
    Toutes nos réunions jusqu'au 21 juin ont déjà un ordre du jour. Nous discuterons de notre reconnaissance des champions des droits internationaux de la personne, du Tigré, d'Haïti, de l'ébauche de rapport qui est imminente et des droits de la personne en Iran.
    Monsieur Zuberi.
    Merci, monsieur le président.
    Personnellement, comme la plupart des membres de ce comité, j'appuie la motion. Je crois que l'enjeu est important et que nous devrions avoir une discussion sur ce sujet d'actualité.
    Je suis conscient que ce comité procède par consensus, ce qui fait partie intégrante de son mode de fonctionnement. J'espère que nous parviendrons à un consensus sur cet enjeu. J'aimerais que nous puissions étudier la question, si c'est possible.
    Je le répète, j'appuie fermement cette motion.

  (2035)  

    Madame McPherson, votre main était-elle levée ou baissée?
    Je l'ai relevée. Je serai brève.
    Je reconnais que, par le passé, ce comité a pris des décisions consensuelles. À ma grande tristesse, nous avons malheureusement été témoins d'exemples dernièrement où ce comité n'a pas nécessairement fonctionné ainsi.
    La solution serait peut-être que nous conservions cette étude au dossier pour potentiellement l'étudier à l'automne, si c'est possible.
    Tout à fait. Je pense que nous pouvons la conserver...
    Il n'y a pas de consensus.
    Il n'y a pas de consensus pour la conserver ou...
    Écoutez, je crois que nous avons des questions urgentes à étudier, et je ne vais certainement pas appuyer cette étude.
    Comme la motion n'a pas été mise aux voix, elle est automatiquement conservée au dossier, n'est‑ce pas? C'est une question de procédure. Si une question n'est pas tranchée, elle reste sur la table à dessin, pour ainsi dire.
    J'aimerais préciser que, pour l'instant, nous avons affaire à une décision hypothétique de la Cour suprême américaine. À la lumière de cette information, j'imagine que, si la motion est conservée, elle le sera jusqu'à l'automne pour examen, selon la suite des événements.
    Monsieur Zuberi.
    Ce que Mme McPherson, notre collègue à ce comité, propose est que la motion reste dans nos dossiers pour en discuter après l'été. À ce moment‑là, s'il y a consensus, il y a consensus. S'il n'y en a pas, ainsi soit‑il, mais au moins nous aurons l'occasion de discuter de la motion à l'automne si nous ne l'écartons pas. Ainsi, nous pourrons poursuivre les études que nous avons déjà prévues et aborder cet enjeu après l'été.
    J'imagine que nous pouvons entamer le prochain point à l'ordre du jour.
    Nous pourrions maintenant passer à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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