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SDIR Communiqué de presse de comité

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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
House of Commons / Chambre des communes
Subcommittee on International Human Rights of the Standing Committee on Foreign Affairs and International Development

Pour publication immédiate


COMMUNIQUÉ DE PRESSE


La situation des droits de la personne au Tigré

Ottawa, 5 décembre 2022 -

Les 21 et 28 octobre 2022, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international s’est réuni pour discuter de la situation des droits de la personne dans la région du Tigré de la République fédérale démocratique d’Éthiopie. Ces réunions faisaient suite au communiqué de presse, publié après la réunion du 21 juin, dans lequel le Sous-comité s’engage à enquêter davantage la situation des droits de la personne au Tigré. Pendant ces trois réunions, le Sous-comité a entendu 20 témoins, dont des spécialistes, un médecin, une avocate, des organismes de la société civile et des membres des communautés tigréenne, éthiopienne et érythréenne du Canada.

Le Sous-comité accueille l’annonce que le gouvernement de l’Éthiopie et le Front de libération du peuple tigréen aient formellement convenu de mettre fin aux hostilités le 2 novembre 2022. Cette avancée de taille nous permet d’espérer la fin d’un conflit qui dure depuis maintenant deux ans et qui a coûté la vie à des centaines de milliers de personnes, décimé des familles entières et causé des souffrances inimaginables.

Le Sous-comité rappelle que son rôle n’est pas de servir de médiateur dans un conflit ou de tirer des conclusions sur les structures politiques qui dirigeront l’Éthiopie à l’avenir. Son rôle consiste plutôt à mettre l’accent sur les droits de la personne, c’est-à-dire à sensibiliser les gens aux violations des droits de la personne et à formuler des recommandations concrètes sur la façon dont le gouvernement du Canada et d’autres acteurs peuvent contribuer à améliorer le respect des lois et des normes en matière de droits de la personne.

Au cours des audiences du Sous-comité, des témoins ont fait état de violations flagrantes des droits de l'homme équivalant à des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et du nettoyage ethnique. En particulier, certains estimaient que les atrocités commises avaient pour but d’éradiquer le peuple tigréen, ce qui correspond à la définition de génocide figurant dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui date de 1948. Voici quelques exemples d’atrocités documentées :

  • Violence contre les femmes – Le Sous-comité a appris que la violence contre les femmes était omniprésente depuis le début du conflit. Elles étaient retenues de force, torturées et violées sans ménagement par des groupes d’Éthiopiens et de soldats alliés, souvent devant leur mari et leurs enfants. Les témoins entendus ont insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’incidents isolés et qu’à la mi-2022, au moins 120 000 Tigréennes avaient été violées, ce qui donne à penser que le viol a pu être utilisé systématiquement comme arme de guerre.

  • Pertes civiles – Les témoins entendus ont expliqué au Sous-comité que des civils avaient été délibérément pris pour cibles par les soldats éthiopiens et que certaines agressions se sont soldées par la mort de centaines de personnes. Le Sous-comité a appris que, dans un cas, en novembre 2020, 800 personnes ont perdu la vie lorsque les forces alliées ont attaqué la ville d’Axum, dans le Nord. Les pertes civiles n’étaient pas non plus le simple résultat de frappes aériennes menées à l’aveugle. Certains témoins ont raconté que des hommes de leur famille ont été tués devant leurs proches par des soldats éthiopiens et alliés.

  • Destruction de la propriété civile – Les témoins ont été sans équivoque : les soldats érythréens et éthiopiens s’en prenaient délibérément aux infrastructures civiles du Tigré et faisaient tout pour priver la population de tout ce qui était nécessaire à sa survie. En plus d’être coupés des infrastructures éthiopiennes de communication, les Tigréens étaient incapables de récupérer leur argent, car les banques tigréennes ont été mises hors circuit. Quant aux hôpitaux, la majorité d’entre eux ont été détruits, ce qui a provoqué une crise sanitaire et empêché les milliers de femmes qui avaient été sauvagement battues d’obtenir les soins dont elles avaient besoin de toute urgence.

  • La famine comme arme de guerre – Selon certains témoins, les soldats érythréens et éthiopiens ont pour ainsi dire bouclé l’accès au Tigré, privant sa population de toute forme d’aide humanitaire, y compris de nourriture. Cette stratégie, conjuguée au fait que les forces éthiopiennes employaient la tactique de la terre brulée, a eu des conséquences funestes pour la population du Tigré, où la malnutrition était déjà présente avant le début du conflit. Une personne a par exemple affirmé au Sous-comité que, depuis le début du blocus, 100% des enfants admis dans le principal hôpital de triage de la région souffraient de malnutrition.

Indépendamment des causes du conflit ou de la légitimité potentielle d’un gouvernement central combattant une milice armée, le Sous-comité tient à souligner que des moyens aussi grossièrement injustes ne peuvent jamais être utilisés, même dans la poursuite d’une cause juste. Les moyens employés pour meer ce conflit auront des conséquences à long terme qui pourraient compromettre l’efficacité de l’accord de paix.

Le conflit au Tigré a provoqué l’une des pires crises humanitaires du monde. Des millions de Tigréens ont été forcés de trouver refuge ailleurs en Éthiopie, et des dizaines de milliers d’autres ont dû prendre le chemin des pays avoisinants, où les conditions de vie dans les camps sont tout aussi difficiles. L’accord de paix permettra à certains de rentrer chez eux en toute sécurité, mais bon nombre se retrouveront devant des maisons en ruines et des terres rendues incultivables.

Voilà pourquoi le Sous-comité s’interroge sur les effets à long terme du conflit et les chances que la paix et la stabilité puissent durer en Éthiopie.

Le Sous-comité est pleinement conscient que plusieurs parties participent à ce conflit et que des atrocités ont été commises de tous les côtés, mais il n’en condamne pas moins le recours généralisé à la force prôné par les soldats érythréens et éthiopiens contre la population civile du Tigré. Le Sous-comité ne soutient absolument pas les tactiques du Front de libération du peuple tigréen, et il demeure fermement convaincu que toutes les violations des droits de la personne doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites si l’on veut qu’une paix durable s’installe dans la région.

Voilà pourquoi le Sous-comité suivra de près la mise en œuvre du processus de paix. Il est profondément convaincu que les droits de la personne doivent être au cœur de tout processus du genre. C’est pourquoi il estime que les personnes qui ont violé les droits internationaux de la personne et le droit humanitaire en Éthiopie doivent répondre de leurs actes. Il presse toutes les parties au conflit de s’engager pleinement dans le processus de paix et de justice transitoire.

Le Sous-comité est conscient que la route sera longue et ardue. C’est pourquoi il implore le gouvernement du Canada d’aider toutes les parties à maintenir la paix dans la région et à faire respecter les droits de la personne. Il demande également au gouvernement du Canada de travailler avec la communauté internationale pour assurer le respect de l'accord de paix.

En terminant, le Sous-comité remercie les témoins du courage dont ils ont fait preuve en prenant ainsi la parole. Ce fut difficile pour eux, mais leur témoignage n’a pas de prix. Leur point de vue sur ce qui se passe sur le terrain a permis aux membres du Sous-comité d’avoir une perspective indispensable sur la région ainsi que sur ceux et celles qui y habitent – qui auraient d’ailleurs grand besoin que le monde regarde davantage dans leur direction.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec :
Ariane Gagné-Frégeau, greffierère du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
Téléphone: 613-992-9672
Courriel: SDIR@parl.gc.ca