Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 049 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 13 février 2023

[Enregistrement électronique]

  (1550)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 49e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 30 janvier, le Comité entreprend son étude sur la réforme de la Loi sur de l'extradition.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés participent, selon le cas, en personne ici même ou à distance au moyen de l'application Zoom.
     J'aimerais rappeler quelques consignes à l'intention des témoins et des députés.
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro, et assurez-vous de le désactiver entre vos prises de parole.
    En ce qui concerne les services d'interprétation, les participants sur Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes ici présentes peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal voulu.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Les députés présents dans la salle doivent lever la main s'ils souhaitent prendre la parole. Ceux qui utilisent l'application Zoom peuvent le faire au moyen de la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre des interventions. Nous vous remercions à l'avance de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
    Sachez que j'utiliserai de petits cartons. Pour ceux qui ne connaissent pas trop ce système, voici de quoi il s'agit. Lorsqu'il ne vous restera que 30 secondes, je brandirai le carton jaune. Lorsque votre temps sera écoulé, je lèverai le carton rouge. Je vous prie d'essayer de conclure vos observations, questions ou réponses dans le temps imparti et, ainsi, je n'aurai pas à vous interrompre. Sinon, je vous conseille de surveiller le temps de votre côté.
    Pendant la première heure, nous allons terminer les témoignages pour notre étude concernant la Loi sur l'extradition. Nous accueillons M. Anand Doobay, qui comparaît par vidéoconférence, à titre personnel. Je crois que nous essayons d'établir la connexion avec un autre témoin. Me St‑Laurent éprouve quelques difficultés techniques, et nous aurons peut-être à suspendre la séance si nous ne parvenons pas à régler le problème d'ici la fin de l'exposé de M. Doobay.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Doobay. Vous avez cinq minutes pour votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons à une série de questions.
    Je vous remercie.
     Bonjour, et merci au Comité de m'avoir invité à témoigner.
    Selon moi, les questions que le Comité examine mettent en exergue certaines des tensions inhérentes qui existent dans le régime d'extradition. La nécessité d'assurer une collaboration efficace pour les poursuites et les sanctions liées aux infractions criminelles doit être mise en balance avec la nécessité de protéger les libertés civiles et les droits de la personne. Le Royaume-Uni a dû s'occuper de ces questions à plusieurs reprises.
    En 2010, j'ai été désigné pour faire partie d'un groupe chargé d'examiner les accords d'extradition du Royaume-Uni. En entreprenant cette tâche, nous étions très conscients de la nécessité de tenir compte des conséquences graves que pourrait subir une personne qui risque d'être envoyée en procès dans un système juridique injuste où elle pourrait faire face à une langue qu'elle ne parle pas et à une absence totale ou quasi totale de soutien de la part de sa famille, de ses amis ou de sa communauté.
    Nous nous sommes également penchés sur la nécessité de reconnaître les lacunes possibles du régime d'extradition lui-même et les défauts du pays demandeur, tout en évitant que cela ne devienne un obstacle complet à l'extradition, sauf dans des situations extrêmes. Les choses peuvent se compliquer davantage lorsque des décisions sont prises par des politiciens au cours du processus d'extradition, car elles sont souvent interprétées par l'État requérant comme des décisions diplomatiques plutôt que judiciaires. Voilà qui peut entraîner d'éventuelles répercussions diplomatiques.
    Dans le monde d'aujourd'hui, qui se caractérise par la mondialisation et les progrès technologiques, il est de plus en plus courant que plus d'un pays soit habilité à intenter des poursuites. Cette situation donne lieu à un débat public accru sur la question de savoir quel pays doit engager des poursuites, et les cas d'extradition font souvent ressortir cet enjeu.
    Je me suis dit qu'il serait utile pour le Comité si j'expliquais très brièvement quelques-unes des modifications que le Royaume-Uni a apportées à sa loi sur l'extradition pour régler des problèmes précis auxquels il se heurtait.
    Il y avait notamment un problème en ce qui concerne les demandes provenant d'autres États membres de l'Union européenne, car ils appliquent ce qu'on appelle le « principe de légalité ». Cela signifie qu'ils feront une demande pour toute infraction entraînant l'extradition, aussi mineure soit-elle, parce qu'il n’y a pas d’application de pouvoir discrétionnaire dans la décision de faire une demande. Le Royaume-Uni craignait donc que l'extradition soit accordée pour des infractions qui pourraient être considérées comme relativement banales, et il a donc instauré un critère de proportionnalité. Le Royaume-Uni peut maintenant examiner la gravité de l'acte commis, la peine qui pourrait être imposée et la question de savoir s'il est possible de prendre des mesures moins coercitives au lieu de procéder à l'extradition.
    Une autre question qui s'est posée concerne la capacité du Royaume-Uni à [difficultés techniques] des éléments de preuve dans le cadre du processus d'extradition. Pour la plupart des pays, il n'est pas nécessaire de produire des éléments de preuve, soit parce que ces pays sont membres de l'Union européenne, soit parce qu'ils sont parties à la Convention européenne d'extradition ou encore parce qu'ils sont des partenaires de confiance du Royaume-Uni. Il s'agit notamment de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Canada et des États-Unis.
    Le Royaume-Uni s'appuie donc, dans une large mesure, sur la capacité du tribunal à invoquer sa compétence en matière d'abus de procédure pour se protéger en cas d'irrégularités liées à la procédure d'extradition elle-même.
    À cela s'ajoute la question de savoir si un résidant ou un ressortissant du Royaume-Uni devrait être extradé pour subir un procès dans un autre pays. Comme je l'ai dit, je pense que la question qui se pose est celle de la juridiction: où faut‑il poursuivre une personne? Très peu de gens soutiennent qu'il devrait y avoir impunité et que le simple fait d'être, par exemple, un ressortissant britannique devrait empêcher la personne de faire l'objet de poursuites s'il y a suffisamment d'éléments de preuve qui justifient cela.
    Au Royaume-Uni, on a adopté la règle du « forum bar ». Lorsqu'il existe une probabilité marquée [difficultés techniques] un acte commis au Royaume-Uni — ce qui signifie que le Royaume-Uni pourrait intenter des poursuites —, le tribunal peut examiner s'il est dans l'intérêt de la justice que l'extradition ait lieu. Le tribunal peut tenir compte d'un certain nombre de facteurs, mais rien d'autre.
    Le tribunal prend également en considération les droits de la personne, chose qu'il est tenu de faire. S'il existe un risque réel de violation d'un droit de la personne, le tribunal empêchera l'extradition. L'un de ces droits est prévu à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui porte sur le droit au respect de la vie privée et familiale. Cette disposition peut permettre à un tribunal d'examiner, tout d'abord, l'effet de l'extradition sur d'autres personnes, plus particulièrement l'effet sur les enfants dont les parents risquent d'être extradés; c'est là un exemple. Cette disposition peut également permettre au tribunal d'évaluer l'effet sur la personne recherchée. Le tribunal doit effectuer sa propre analyse de la proportionnalité.

  (1555)  

     D'ordinaire, le tribunal estime évidemment que l'extradition est justifiée, compte tenu de la nécessité de poursuivre les auteurs de crimes graves et de collaborer à l'échelle internationale, mais il dispose de la souplesse voulue pour tenir compte de l'existence d'autres raisons pour lesquelles l'extradition serait [difficultés techniques] dans un cas particulier.
    Le dernier point que j'aimerais faire valoir est le suivant. J'ai constaté que l'un des problèmes au Canada [difficultés techniques] semble être attribuable au rôle du procureur. Il vaut probablement la peine de souligner qu'au Royaume‑Uni, même si les affaires d'extradition sont traitées par le service des poursuites, qui tient lieu de procureur national du Royaume‑Uni, ce dernier joue le rôle de ministre de la Justice dans les affaires d'extradition. Par conséquent, il doit [difficultés techniques] agir avec équité, et il a également l'obligation précise de divulguer les éléments de preuve dont il a connaissance et qui pourraient compromettre ou affaiblir la demande visée par sa poursuite si c'est conforme [inaudible]. Enfin, il a l'obligation primordiale d'être juste.
    J'espère avoir donné au Comité quelques exemples et idées sur la façon dont le Royaume‑Uni a tenté de régler certaines de ces questions. Je me ferai un grand plaisir de répondre aux questions.

  (1600)  

    Merci, monsieur Doobay.
    Nous allons maintenant entendre Me St‑Laurent.
    Je vais d'abord laisser le greffier faire quelques tests de son.

[Français]

    Madame St‑Laurent, pouvez-vous mettre votre casque d'écoute, enlever la sourdine, et nous parler entre 15 et 20 secondes, par exemple de la météo dans votre région, pour que nous puissions faire un test de son?
    D'accord. J'ai justement eu toute une aventure avec cet essai, que nous tentons de mener depuis une demi-heure. J'ai enfin réussi à vous joindre. M'entendez-vous bien?
    Tout fonctionne bien, merci.

[Traduction]

    Merci, maître St‑Laurent. Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire.
    Nous vous écoutons.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président. Je tiens à vous saluer ainsi que tous les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Je vous invite à lire mon mémoire et je suis prête à répondre à toutes vos questions.
    Les points importants que je désire aborder sont les suivants.
    Tout d'abord, l'actuelle Loi sur l'extradition fait que nos citoyens canadiens peuvent être extradés sur la foi d'une preuve dont la véracité et la fiabilité sont douteuses, cette preuve étant basée sur des ouï-dire. Tout ce qu'on reçoit comme preuve est un récit d'événements fait par une deuxième ou une troisième personne. Il n'y a aucune déclaration assermentée ou affirmation solennelle. Dans le cas du certificat, d'ailleurs, il n'est question ni d'assermentation ni d'affirmation personnelle. Pire encore, la jurisprudence énonce que le juge étudiant le dossier d'extradition n'a pas à se demander si le contenu du dossier est véridique.
    Nous avons la compétence universelle depuis 1989 pour juger des Canadiens qui auraient commis des crimes à l'étranger, comme au Rwanda ou au Mexique. Ces Canadiens ont tous été jugés ici. À tout le moins, nous devrions permettre à nos citoyens de plaider coupables au Canada, ce qui ne va pas à l'encontre de nos obligations contractuelles. C'est encore plus pertinent si ces citoyens canadiens souffrent d'une maladie mentale.
    J'aimerais dire un mot sur la disproportion des peines. Par exemple, au Canada, la peine infligée pour le trafic de Xanax est d'un maximum de trois ans. Aux États-Unis, exactement pour le même crime, elle est de 5 à 40 ans.
    Je ne sais pas si mes cinq minutes sont écoulées. Le reste de l'information que j'ai à vous transmettre se trouve entièrement dans mon mémoire. Je sais que vous aurez aussi des questions.

  (1605)  

[Traduction]

     Vous n'en êtes qu'à deux minutes, maître St‑Laurent. Il vous reste trois minutes, si vous voulez poursuivre.

[Français]

     Non, de toute façon, avec le mémoire, je sais que les gens pourront me poser des questions, auxquelles je répondrai et ajouterai quelques commentaires.

[Traduction]

    C'est très bien. Je vous remercie.
    À titre d'information, nous n'avons pas été en mesure de faire parvenir un casque d'écoute approuvé par la Chambre des communes à M. Herman, qui devait se rendre en Europe, et il ne pourra donc pas témoigner à ce stade‑ci. Nous ne recevrons que ces deux témoins.
    Pour notre première série de questions, nous allons commencer par M. Van Popta. Vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie les témoins d'être des nôtres.
    Monsieur Doobay, je vais commencer par vous.
    Merci de prendre le temps de vous entretenir avec des parlementaires canadiens. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de faire appel à vos lumières et de tirer des leçons de votre expérience au sein de l'Union européenne.
    Vous avez parlé de certaines des tensions qui existent dans le droit de l'extradition au sein de l'Union européenne. Nous ressentons certaines de ces mêmes tensions ici. J'ai lu quelque part que vous avez plaidé des causes qui révèlent la tension entre l'intention d'obtenir justice et les motivations politiques. Je me demande si vous pourriez nous dire quelques mots à ce sujet. Comment faire la distinction entre les deux?
    Je pense notamment à l'affaire Hassan Diab. Je ne sais pas si vous la connaissez, mais il s'agit d'une affaire dans laquelle un ressortissant canadien a été extradé en France sur la foi d'une preuve plutôt limitée. Nous estimons que cette affaire était probablement davantage motivée par la politique que par la justice.
    Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

[Français]

    Votre question est très longue.

[Traduction]

     Je parle français. Il n'y a pas d'interprétation.
    Je voulais poser la question à M. Doobay parce qu'il a parlé de la tension entre la motivation politique et la motivation liée à la quête de justice.

[Français]

    Je n'ai pas d'interprétation en français.
    Madame St‑Laurent, si vous regardez au bas de votre écran, vous allez voir une icône pour l'interprétation. Cliquez dessus et choisissez le français. Vous aurez l'interprétation.

[Traduction]

    Monsieur Doobay, vous avez la parole.
    J'ai arrêté le chronomètre pour ne pas enlever de temps à M. Van Popta.
    Je vous remercie.
     Je pense qu'il faut préciser davantage la motivation politique au regard des cas particuliers que j'ai mentionnés. Il y a un certain nombre de façons [difficultés techniques] faire valoir qu'une poursuite a été intentée de manière injustifiée parce que, de toute évidence, on est censé engager des poursuites concernant des crimes s'il existe des soupçons légitimes.
    Dans certains cas, on peut cerner une motivation purement politique. Par exemple, s'il s'agit d'un politicien de l'opposition, il se peut que le gouvernement engage des poursuites afin de le faire taire. Dans d'autres cas, il peut y avoir une motivation commerciale. Par exemple, le gouvernement pourrait avoir ses propres intérêts commerciaux et essayer de les promouvoir en intentant des poursuites. Dans certains cas, une poursuite particulière pourrait être motivée par des intérêts politiques. Un gouvernement pourrait subir de la pression de la part de la population pour engager une poursuite en raison d'un crime particulièrement médiatisé dans [difficultés techniques].
     Au Royaume-Uni, nous disposons d'un certain nombre de moyens juridiques pour traiter des cas particuliers. Nous pouvons présenter des arguments liés aux droits de la personne pour dire que le fait de poursuivre une personne pour une raison injustifiée constitue une violation des articles de la convention. Il est également possible de faire valoir des arguments liés à l'abus de procédure, comme je l'ai dit tout à l'heure. Enfin, nous pouvons invoquer des arguments en particulier pour des motifs que nous qualifions d'extrinsèques. Si vous pouvez prouver que vous êtes poursuivi pour vos opinions politiques, votre sexe, votre race ou votre nationalité, cela constituera également un motif de refus.
    J'ai évidemment lu quelque chose sur l'affaire que vous avez mentionnée dans votre question, mais je ne prétends pas en connaître les tenants et aboutissants. Selon moi, la difficulté que soulève ce genre de cas, c'est que le gouvernement pourrait vouloir intenter une poursuite particulière qui est d'une grande importance nationale, et ce, même s'il dispose de très peu d'éléments de preuve à l'appui de sa demande. Je crois que cela relèverait d'une catégorie légèrement différente de ce que j'ai appelé les demandes à motivation politique, car lorsque j'utilise cette expression, je veux vraiment dire que le gouvernement a son propre intérêt politique, distinct de l'objectif d'intenter des poursuites à la suite d'un crime. C'est différent des cas où le gouvernement est prêt à faire abstraction des difficultés de preuve pour essayer d'extrader quelqu'un qui [difficultés techniques].
    De tels cas se sont produits au Royaume-Uni. Après les attaques terroristes aux États-Unis, il y a eu l'affaire Lotfi Raissi, où les États-Unis ont essayé de présenter une demande d'extradition. C'est cette affaire qui a donné naissance au principe que j'ai mentionné: en effet, le procureur a dû divulguer des éléments qui ont sapé les arguments des États-Unis. Cela a d'ailleurs conduit les États-Unis à abandonner la demande d'extradition.

  (1610)  

    Ma prochaine question concerne la charge de la preuve pour l'État requérant. D'après ce que nous ont dit des témoins au début de notre étude, le fardeau aurait été déplacé trop loin en faveur de l'État requérant, ce qui est au détriment du sens de la justice pour les droits de la personne; toutefois, selon un autre avocat qui a témoigné, nous avons établi un juste équilibre puisqu'une audience d'extradition n'est pas un procès, sachant que le procès aura lieu dans l'autre pays. Nous, les parlementaires, sommes en train d'examiner notre loi pour voir si elle doit être modifiée, et nous aimerions connaître votre avis à ce sujet.
    Comment pouvons-nous trouver le juste équilibre entre, d'une part, l'efficacité et la collaboration avec nos partenaires en matière d'extradition et, d'autre part, la garantie que les objectifs en matière de droits de la personne et de justice sont atteints?
    Selon moi, la difficulté consiste à déterminer jusqu'à quel point vous voulez examiner un cas. Je suis conscient que, du point de vue de la jurisprudence, votre régime est, bien entendu, légèrement différent de celui que nous avons au Royaume-Uni. Comme je le disais tout à l'heure, dans un grand nombre de pays, il n'est pas nécessaire de fournir la moindre preuve. Il suffit de faire des allégations. Tant que ces allégations visent des infractions criminelles, c'est suffisant. L'Azerbaïdjan et la Turquie en sont des exemples. C'était également le cas de la Fédération de Russie avant son retrait du Conseil de l'Europe.
    Comme vous pouvez le constater, le Royaume-Uni n'utilise pas le critère de la suffisance de la preuve pour un certain nombre de pays, ce qui suscite certainement la controverse.
    À mon avis, l'argument que vous invoquez, c'est‑à‑dire la question de savoir si le processus d'extradition doit se dérouler dans le cadre d'un procès, est difficile à trancher, car il n'est évidemment pas possible d'instruire un procès complet en appliquant les lois de l'État requérant dans des affaires d'extradition. Dans certains cas, il serait approprié, me semble‑t‑il, d'examiner davantage les éléments de preuve présentés. Là encore, au Royaume-Uni, nous sommes généralement en mesure d'y parvenir grâce aux garanties de normes en matière de droits de la personne. Dans des cas exceptionnels, ces garanties peuvent servir à justifier un examen plus détaillé des éléments de preuve que ce qui serait prévu normalement. Cet autre [difficultés techniques] d'abus de procédure.
    Je comprends tout à fait qu'il existe une tension et qu'il n'est pas possible, dans tous les cas, d'insister sur la tenue d'un procès lors d'une audience d'extradition. J'estime toutefois que le régime devrait répondre aux besoins des gens dans des cas exceptionnels qui nécessitent une discussion du critère de la suffisance de la preuve et qui présentent un risque d'injustice.
    C'est particulièrement vrai en ce qui concerne un aspect précis de l'affaire que vous avez mentionnée. Nous avons eu de tels cas, nous aussi. Il est arrivé que des gens soient extradés, puis placés en détention préventive pendant de longues périodes parce que leur procès n'était pas prêt. Le Royaume-Uni a donc adopté une disposition selon laquelle, si une affaire n'a pas été instruite et n'est pas prête à être entendue, il est justifié de mettre fin à l'extradition. Cela vise des situations, au sein de l'Union européenne, qui exigent de longues périodes de détention préventive. Beaucoup de demandes sont faites [difficulté technique], si bien que des gens se retrouvent en détention préventive pendant de nombreuses années.

  (1615)  

    Je vous remercie.
     Nous passons maintenant à Mme Dhillon, qui dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être des nôtres.
     Je vais commencer par M. Doobay. Lors de notre dernière réunion, tenue la semaine dernière, nous avons parlé de l'expérience des Canadiens racisés par rapport à la Loi sur l'extradition.
    Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?
    Je suis désolé, mais je n'ai pas écouté les délibérations de la séance en question.
    Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par l'expérience des Canadiens racisés?
     Par Canadiens racisés, j'entends les personnes de couleur ou les membres de la communauté LGBTQ, etc. En gros, il s'agit de groupes minoritaires.
     Pouvez-vous parler de leur expérience au regard de la Loi sur l'extradition?
    Il y a un ensemble précis de critères qui peuvent s'appliquer si vous pouvez montrer que les gens sont victimes de discrimination pour ces raisons. Les critères s'appliquent si vous pouvez montrer qu'une personne est poursuivie pour cette raison particulière ou qu'elle risque de subir un certain préjudice après son extradition. Ces critères offrent une assez bonne protection. Il suffit de prouver un lien de causalité. Il faut être en mesure de montrer que c'est l'une des raisons pour lesquelles la personne est poursuivie, et non pas la seule raison. Il faut aussi pouvoir montrer que c'est l'une des raisons pour lesquelles la personne risque de subir un préjudice après son retour. Ce préjudice peut prendre différentes formes.
    Par exemple, on peut établir qu'une personne sera soumise à des conditions de détention plus sévères ou qu'elle risque davantage de [difficultés techniques] violence. Il y a toutes sortes de façons d'établir que les gens risquent de subir un traitement discriminatoire en raison de l'une de ces caractéristiques.
    Je vous remercie de cette précision.
    Pouvez-vous nous parler des procédures juridiques d'extradition, surtout en ce qui concerne l'interdiction de renvoyer une personne dans un pays où elle risque d'être torturée?
    C'est une question qui nous donne du fil à retordre dans le contexte du Royaume-Uni, car il nous est absolument interdit de remettre une personne à des tortionnaires. Cependant, en matière d'extradition, nous adoptons un point de vue prospectif. Le critère consiste donc à déterminer s'il existe un risque réel de violation de l'article 3, qui porte sur l'interdiction de la torture.
    La difficulté que nous rencontrons à l'heure actuelle correspond, selon moi, à celle que vous avez également connue. Voici ce qui se passe dans l'état actuel des choses lorsqu'un tel risque est signalé. Si l'on prouve que ce risque est réel, on peut obtenir une assurance diplomatique qui reconnaît l'existence d'un risque réel de torture, mais qui garantit que, dans ce cas‑ci, la personne ne sera pas torturée.
    J'ai beaucoup de réserves à cet égard, car la seule raison pour laquelle on a besoin d'une assurance diplomatique, c'est justement parce qu'il existe un risque réel. On se fie ensuite [difficultés techniques], alors qu'on a déjà établi qu'il existe un risque réel que des gens soient torturés, mais l'autre pays cherche à nous rassurer en disant: « Allez, faites-nous confiance [difficultés techniques], mais nous ne les torturerons pas. »
    La surveillance apporte également son lot de difficultés. Très souvent, il n'y a pas de mécanisme intégré de surveillance, ou celui proposé par les tribunaux relève plutôt de la fantaisie. Par exemple, on vous dit que votre client pourra porter plainte s'il subit des tortures, et vous répondez: « Eh bien, je suis sûr qu'il ne voudra pas le faire lorsqu'il sera en prison dans ce pays, parce qu'il risque évidemment de subir d'autres mauvais traitements s'il porte plainte. » Les méthodes que les tribunaux britanniques jugent suffisantes pour garantir l'absence de mauvais traitements ne suffisent pas, à mon avis.
    Je crois que l'une des questions sur lesquelles on doit se pencher lorsqu'on a recours [difficultés techniques] des assurances diplomatiques est celle de savoir comment on peut garantir leur efficacité dans la pratique et leur surveillance, puisqu'elles ne sont données que lorsqu'on a déjà convenu de l'existence d'un risque de mauvais traitements.
    Je vous remercie.
    En ce qui concerne la surveillance, comme vous venez de le mentionner dans votre réponse, que peuvent faire les gouvernements pour mieux vérifier ou s'assurer que les promesses sont tenues?
    Dans certains cas, des fonctionnaires consulaires ont été chargés de s'en occuper. Voici la difficulté qui se présente: s'il ne s'agit pas d'un ressortissant britannique, les fonctionnaires consulaires britanniques n'ont pas le droit de s'entretenir avec la personne, mais bien sûr, le pays peut donner son accord. Toutefois, cela crée [difficultés techniques] des répercussions sur le plan des ressources, d'où la réticence de certains pays à l'idée d'affecter le personnel consulaire à cette tâche. C'est, à mon sens, une façon sûre de procéder, car la personne peut ainsi signaler les mauvais traitements en toute confidentialité.
    Parmi les autres mécanismes qui ont été proposés, il y a les organismes de défense des droits de la personne, mais là encore, on se heurte à des difficultés d'ordre pratique.
    À mon avis, la question la plus importante qui se pose au chapitre de la surveillance est celle de savoir ce que l'on fait en cas de manquement. La seule répercussion est d'ordre diplomatique, car [difficultés techniques] qui est fournie est une assurance diplomatique donnée par un pays à un autre. S'il y a manquement, et si vous pouvez l'établir d'une manière objectivement vérifiable, que se passera‑t‑il alors?

  (1620)  

    Je vous remercie.
     Quel genre de crimes observe‑t‑on le plus souvent dans les cas d'extradition? Quels sont les plus courants?
    Je ne suis pas certain que le Royaume‑Uni soit un très bon exemple. Ce système existe maintenant dans l'Union européenne, pour répondre aux demandes d'extradition que beaucoup d'États membres sont susceptibles de recevoir et, parce que, par principe, on respecte la légalité, on n'y exerce aucun pouvoir discrétionnaire. Dans la plupart des pays où ce principe n'existe pas, on détermine si l'infraction est assez grave pour justifier l'emploi des ressources nécessaires à une demande d'extradition. Mais, dans l'Union européenne, ça ne s'applique pas vraiment. Les demandes auxquelles nous devons répondre concernent des infractions qui vont de très graves à banales.
    J'ajoute cette réserve: il est très difficile de catégoriser la gravité à moins de comprendre le contexte dans lequel ces crimes font l'objet de poursuites. Ce qui peut sembler banal dans tel pays peut constituer un problème endémique. Si le niveau de vie est peu élevé, le vol d'un poulet peut être une infraction assez grave, même si ailleurs ce pourrait sembler assez banal.
    Merci.
    Monsieur Fortin, vous disposez de six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins. M. Doobay et Mme St‑Laurent, d'être des nôtres.
    Madame St‑Laurent, je comprends que vous êtes avocate et que vous comparaissez aujourd'hui parce que vous avez probablement vécu certaines expériences concernant l'application de la Loi sur l'extradition.
    Je retiens des propos de votre courte introduction qu'un citoyen canadien reconnu coupable d'un crime à l'étranger devrait, s'il souhaite plaider coupable, pouvoir le faire au Canada. Je retiens aussi qu'il y a un problème de déclarations non assermentées.
     J'aimerais que vous m'expliquiez cela de façon un peu plus complète et que vous me disiez si cela s'est appliqué dans le cas d'un ou de plusieurs dossiers sur lesquels vous avez eu à travailler dans votre pratique en tant qu'avocate.
     Avoir la possibilité de plaider coupable au Canada pour des crimes commis à l'étranger serait très important dans certains cas, surtout pour des personnes qui souffrent de maladie mentale ou d'un trouble du spectre de l'autisme. Ces gens ont déjà des problèmes énormes. Être ici, au Canada, avec leur famille, et communiquer dans leur langue, c'est très important. Aller aux États-Unis, devoir s'adapter et peut-être y être emprisonnés pendant des dizaines d'années peut conduire ces gens au suicide, à mon avis. C'est ce que j'appelle un traitement cruel et inusité. D'ailleurs, j'ai fait faire une expertise que je vais recevoir bientôt par rapport à un cas.
    Je pense aussi à la compétence universelle. Si vous lisez bien l'arrêt Cotroni, M. Cotroni a demandé d'être jugé au Canada. La Cour suprême a refusé en disant que le coût de faire venir les témoins, notamment, était trop élevé.
    Pourquoi, vu la disproportion entre la longueur des sentences au Canada et aux États‑Unis, un citoyen canadien ne pourrait-il pas plaider coupable ici, au Canada? Je ne pense pas que cela irait à l'encontre de la collaboration internationale. D'ailleurs, je l'ai écrit dans mon mémoire, les frais seraient minimes à la fois pour les États-Unis et le Canada. Il y aurait une collaboration, surtout depuis que nous avons la compétence universelle. Je pense que ce serait un avantage et que c'est extrêmement important.
    Je n'en reviens toujours pas qu'on ne puisse pas le faire. Je pense que cela devrait être légalisé. Je pense que j'ai vu un autre jugement de la Cour suprême où la personne a dit qu'elle voulait plaider coupable au Canada, comme dans le cas de M. Cotroni. Cependant, la Cour suprême a décidé que ce n'était pas un droit. C'était le ministre, en coopération avec les États‑Unis, qui prenait la décision. Je ne me souviens pas du jugement, je ne l'ai pas ici parce que j'ai eu très peu de temps pour me préparer, comme vous le savez. Je suis très occupée.
    Je n'ai pas remarqué l'année du jugement, et je ne sais pas si la compétence universelle s'appliquait déjà à ce moment-là. Ce serait un avantage, surtout pour ceux qui souffrent de troubles mentaux, comme l'autisme. Cependant, je pense que, dans tous les cas, on devrait le permettre en raison de la disproportion entre la longueur des sentences aux États-Unis et au Canada.

  (1625)  

    Vous nous parlez de la problématique des dossiers d'extradition ne contenant pas de déclaration assermentée, et du fait que le juge doit seulement se demander s'il est complet, sans devoir vérifier la validité de la preuve. Avez-vous des cas précis à nous exposer?
    J'ai un cas précis, mais, généralement, c'est toujours comme cela.
    Les juges disent que cela prend très peu de preuves. Je l'ai indiqué dans mon mémoire, ce n'est pas du tout comme l'enquête préliminaire, parce que premièrement...
    Si vous voulez nous parler de votre dossier, madame St‑Laurent, il nous reste environ une minute, alors, je vous invite à le faire maintenant.
    Je vais le dire très vite.
    C'est extrêmement important. Nous avons demandé une divulgation de preuve, nous avons des faits, il n'y a aucune assermentation de témoin, ce sont des faits relatifs. Comme le dit d'ailleurs la Loi sur l'extradition, cela n'a pas à être vérifié.
    J'avais de nombreuses suggestions à faire, je pensais avoir une heure, moins les cinq minutes, mais je m'aperçois que je ne peux pas les présenter. Cela me fait beaucoup de peine, parce que ce sont des points importants que je voulais aborder.
    Vous pourrez toujours le faire en nous transmettant des notes écrites, maître St-Laurent. Malheureusement, mon temps est écoulé.
     Je serai très heureuse de le faire. Merci.

[Traduction]

    Merci, madame St‑Laurent. Je réitère l'invitation de M. Fortin à nous faire parvenir vos notes écrites. Et si vous les augmentez, nous serons des plus heureux de recevoir le tout.
    Monsieur Garrison, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également les deux témoins d'être venus. Je tiens à interroger de nouveau M. Doobay, qui a soulevé une question concernant le forum bar. Je voudrais en savoir un peu plus sur ce mécanisme qui, si j'ai bien compris, repose sur l'hypothèse que si une infraction peut faire l'objet de poursuites au Royaume‑Uni, on peut présumer qu'il en ira de même aux États-Unis plutôt que d'exiger l'extradition.
    Monsieur Doobay, ce mécanisme est‑il le produit de la jurisprudence ou une invention de législateur?

  (1630)  

    C'est une invention du législateur plutôt que le produit de la jurisprudence. Mais, d'abord, une petite explication sur ce que ça fait vraiment. Le forum bar s'applique si, dans une mesure importante, la conduite a été observée au Royaume‑Uni. C'est le critère. Ça signifie, en général, qu'elle pourrait faire l'objet de poursuites au Royaume‑Uni en raison de sa fréquence. Ensuite, le législateur tient compte d'un certain nombre de facteurs qu'il précise, mais sans les hiérarchiser. Le tribunal peut leur attribuer différents coefficients de pondération. Les facteurs comprennent les poursuites intentées, l'avantage des poursuites dans tel pays et les liens du défendeur avec le Royaume‑Uni. Il y a toute une gamme de ses facteurs.
    L'un d'eux concerne la possibilité de poursuites au Royaume‑Uni. Mais un procureur britannique peut prétendre qu'une poursuite y est impossible et peut émettre un certificat en ce sens. Ce certificat empêche le recours au forum bar. Le procureur peut ainsi couper l'herbe sous le pied du défendeur. Ça ne s'est pas encore produit au Royaume‑Uni. Le procureur peut également produire ce qu'on appelle une « lettre d'opinion » dans laquelle il exprime et motive l'opinion selon laquelle l'endroit convenant le mieux aux poursuites n'est pas le Royaume‑Uni. Cette lettre est produite dans la plupart des affaires, et le tribunal en tiendra compte.
    La raison pour laquelle le forum bar est d'un maniement difficile est que le défendeur possède toujours des liens de longue date avec le Royaume‑Uni, et le tribunal cherche à concilier ce fait et la possibilité qu'il soit poursuivi au Royaume‑Uni. Si le défendeur l'a déjà été, on ne pourrait l'extrader. D'ordinaire, il exprimerait sa préférence pour des poursuites au Royaume‑Uni, alors que le pays demandeur dirait qu'il le poursuit déjà et qu'il pourrait le faire rapidement. Par exemple, il détient d'autres défendeurs qui sont déjà devant les tribunaux.
     La pondération de ces divers facteurs est toujours un problème difficile. Souvent, le tribunal se retrouve dans la position où il a l'impression d'ordonner l'extradition parce que, faute de le faire, le défendeur s'assurera l'impunité et ne sera poursuivi nulle part.
    Merci.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez évoqué un critère de proportionnalité. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur son mécanisme et si c'est le fruit de la jurisprudence ou une invention du législateur?
    C'est également une invention du législateur, pour la seule raison que, comme je l'ai dit, le public s'est montré très préoccupé par le nombre d'infractions qu'on demandait aux États membres de l'Union européenne et qui paraissaient banales. Ce critère se résout en trois étapes, qui ne s'appliquent qu'aux demandes formulées par les États membres de l'Union européenne.
    La première est l'examen, par le tribunal, du sérieux de l'infraction, qu'un autre critère permet de distinguer de la banalité. La deuxième concerne la probabilité de la peine qui sera imposée. Enfin, la troisième consiste à chercher une mesure moins coercitive mais juste pour conclure l'affaire.
    Ce triple examen permet globalement une évaluation du caractère disproportionné, le cas échéant, de l'éventuelle extradition. Souvent, le défendeur reste en détention pendant la procédure d'extradition. Par exemple, le tribunal peut déterminer que le temps ainsi passé au Royaume‑Uni équivaut peut-être à peu près au temps pendant lequel il aurait été détenu s'il avait été jugé coupable. Le tribunal peut juger que l'infraction, à son avis, n'est pas assez grave pour justifier l'extradition. Il essaiera également de rechercher, avec le pays demandeur, d'éventuelles mesures moins coercitives, la possibilité de condamner la personne à une peine non privative de liberté ou à une amende ou à une mesure de déjudiciarisation qui éviterait l'incarcération.
    Dans la crainte que le demandeur ne soit victime d'une persécution pour des motifs de race, d'orientation sexuelle ou d'identité de genre, qui, dans le système du Royaume‑Uni, prend cette décision? Est‑ce le juge? Au Canada, cette décision de livrer quelqu'un à l'extradition revient au ministre.
    C'est le juge. En fait, le rôle du ministre, au Royaume‑Uni, est maintenant très limité. Il a déjà possédé un pouvoir discrétionnaire très étendu, comme celui qu'il possède encore, je crois, au Canada, mais, au fil du temps, on l'a restreint pour les motifs que j'ai exposés dans ma déclaration liminaire.
    À la suite de mon examen, j'ai recommandé de restreindre davantage son pouvoir discrétionnaire. À l'époque, il tenait encore compte des droits de la personne [difficultés techniques], parce que nous étions d'avis que ce genre de décision était vraiment judiciaire. Il fallait la prendre à l'abri de toute influence politique et en toute transparence. Le gouvernement du Royaume‑Uni s'est rangé à cet avis.
    Au Royaume‑Uni, le ministre n'examine que le risque d'application de la peine capitale et, dans ce cas, l'assurance reçue qu'elle ne sera pas appliquée. Des engagements spéciaux ont‑ils été pris, par exemple le pays a‑t‑il accepté de seulement poursuivre le défendeur pour les infractions pour lesquelles on l'extrade? Si un pays a réclamé l'extradition d'une personne avant un autre pays, comment les départager? Le ministre doit répondre à un ensemble très limité de questions, qui sont essentiellement d'une application très technique. Toutes les autres relèvent désormais des tribunaux.

  (1635)  

    Merci.
    Nous entamons le tour suivant. Les interventions durent cinq minutes. M. Brock ouvre le bal.
    Je remercie les témoins de leur participation.
    Je vous interroge d'abord, monsieur Doobay.
    J'ai bien écouté votre déclaration liminaire. Vous avez évoqué les tensions qui existent dans notre système d'extradition ainsi que la recherche du juste milieu entre les sanctions et la protection des libertés civiles. Vous avez également abordé le rôle du procureur au Canada. Je ne suis pas certain de la fidélité de mes notes. Vous avez rapproché le rôle du procureur au Royaume‑Uni de celui d'un ministre de la justice, dont certains des devoirs sont d'agir avec justice et de divulguer les éléments de preuve qui ne sont pas favorables. Autrement dit, peut-être pourrait‑on normalement les divulguer mais, parfois, dans certains pays, on risque de ne pas le faire.
    Essayiez-vous de laisser entendre que, pour les audiences d'extradition, le Canada ne possède pas ce genre de système de poursuites qui relève du ministre de la Justice? Laissez-vous entendre que nos procureurs retiennent délibérément des éléments de preuve disculpatoires sans la nécessité de se plier au devoir de les divulguer?
    N'étant certainement pas un spécialiste du droit canadien, je ne suis pas en mesure de vraiment formuler des observations à ce sujet. J'ai lu des comptes rendus de discussions universitaires selon lesquelles la jurisprudence canadienne distingue les procureurs plaidant dans une affaire criminelle strictement canadienne et ceux qui plaident dans les audiences d'extradition. Vous devriez poser la question à un expert canadien du droit de l'extradition.
    Je voulais seulement faire comprendre que la jurisprudence du Royaume‑Uni affirme très clairement que, dans le système de ce pays, même si les procureurs britanniques plaident l'affaire pour le compte d'un État étranger, ils ont l'obligation d'agir et, plus particulièrement, celle de divulguer les éléments de preuve qu'ils connaissent et qui pourraient réfuter ceux sur lesquels l'État requérant s'appuie. Cette obligation prévaut sur celle qu'ils pourraient détenir en leur qualité d'avocats pour le client, parce que, visiblement, dans cette situation, leur client est essentiellement l'État requérant.
    C'est un membre de notre comité qui vous a choisi, vous, précisément, pour aider notre comité à revoir nos lois actuelles d'extradition et à communiquer au gouvernement une étude sur les éventuelles recommandations qui s'ensuivraient.
    En vous préparant pour la comparution d'aujourd'hui, avez-vous examiné en profondeur ces lois en vue de peut-être proposer des façons d'opposer le système canadien et celui du Royaume‑Uni? Avez-vous des idées pour améliorer notre système pour parvenir au juste équilibre recherché par la plupart des pays dans leurs processus d'extradition?
    Je l'ai fait, et c'est la raison pour laquelle j'ai souligné certains des problèmes. J'ai relu une partie des témoignages sur le système canadien. Ces problèmes, bien que je ne sois pas un spécialiste du droit canadien de l'extradition, m'ont conduit, dans mon désir de vous aider, à souligner pour vous certaines des réformes engagées au Royaume‑Uni. Vous risquez d'affronter les mêmes problèmes.
    L'un des documents que j'ai relus avant d'entendre votre témoignage est un extrait du compte rendu d'une audience d'un comité sur l'extradition à laquelle vous avez participé, à la Chambre des lords du Royaume‑Uni, en 2014. Bien sûr, ça fait un certain temps, mais je pense que l'une des questions qu'on vous avait posées alors reste pertinente aujourd'hui. C'est lord Jones qui vous l'a posée. Je vous en fais la lecture. Ensuite, je vous la reposerai, peut-être en la modifiant.
    Lord Jones a dit:
Dans le rapport Baker, vous avez écrit que l'extradition est une forme de collaboration internationale courtoise en matière criminelle visant à promouvoir la justice. Souscrivez-vous toujours à cette opinion et, depuis que vous avez rédigé cette phrase, estimez-vous que le gouvernement s'est excessivement focalisé sur l'atteinte d'une collaboration internationale efficace sur l'extradition, mais en négligeant ainsi la justesse des mesures britanniques d'extradition?
    Comment y répondriez-vous si vous appliquez la question au contexte canadien?

  (1640)  

    Comme je l'ai dit, je ne suis pas un avocat canadien spécialiste de l'extradition. D'après mon évaluation des problèmes que j'ai vu se poser dans le contexte des mesures canadiennes en matière d'extradition, celui qui me semble commun au Canada et au Royaume‑Uni est celui des assurances diplomatiques. Je prévois qu'il causera des difficultés à tous les pays qui essaieront de soulager la tension entre le besoin de coopération et la protection des personnes humaines.
    Merci.
    Madame Brière, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins, Mme St‑Laurent et M. Doobay, d'être ici.
    Monsieur Doobay, voici ma question.

[Français]

     Dans vos remarques préliminaires, vous avez posé la question suivante: où faut-il poursuivre une personne? J'aimerais que vous développiez davantage votre pensée là-dessus.

[Traduction]

    À mon avis, c'est la question la plus importante, parce que je crois que personne n'estime qu'un criminel ait droit à l'impunité sans être inquiété. Quand on possède suffisamment d'éléments de preuve pour envisager des poursuites contre quelqu'un, la question la plus importante qui se pose alors est celle de la juridiction.
    Au Royaume‑Uni, la décision est généralement prise entre les procureurs des différents pays. Il est certain que les critères par lesquels leur décision tient compte du suspect ou du défendeur sont mystérieux. Je crains cependant que, d'ordinaire, ils n'écoutent que leur désir d'obtenir une condamnation ou la peine maximale. Ils font peu de cas, dans leur effort de conciliation, de l'effet, chez la personne, de son extradition de son pays de résidence, dont elle connaît bien le système, vers un autre pays, pour qu'elle y fasse l'objet de poursuites.
    Je crois que c'est [difficultés techniques] qu'en plus d'examiner le processus d'extradition, vous examinez également le système de décision de poursuivre quelqu'un. Dans un contexte d'extradition, le tribunal qui affirmerait son intention de mettre fin à la tradition et de ne poursuivre le défendeur devant aucune juridiction… malgré des preuves apparemment suffisantes pour qu'on doive le poursuivre ne donnerait pas une bonne image de lui-même.
    Je fais allusion à l'une de vos premières observations. Des pays l'affirment pour leurs ressortissants ou leurs citoyens. Ils refusent de les extrader, mais il les poursuivront à la place. Ils ne leur confèrent pas l'impunité, mais ces personnes sont ensuite poursuivies dans le pays où elles vivent ou résident ordinairement et dans un système qu'elles connaissent bien.

[Français]

    Merci beaucoup, c'est très intéressant et cela m'amène à poser deux questions complémentaires.
    Vous venez de dire qu'on ne tient pas nécessairement compte des conséquences de l'extradition. Tantôt, vous parliez plus précisément des conséquences pour les enfants. Nous en avons entendu parler ici, la dernière fois, lors du témoignage de Mme Diab, qui disait que son mari avait été extradé et que les enfants étaient au Canada. Cela fait plusieurs années que la famille n'est pas réunie.
    Avez-vous d'autres exemples de conséquences de ce type à nous donner?

[Traduction]

    Dans des affaires d'extradition, la Cour suprême du Royaume‑Uni a jugé qu'il fallait tenir compte des répercussions de l'extradition sur les enfants. Évidemment, il y en a toujours, mais ça ne peut simplement pas être, pour l'enfant, la privation des soins de ses parents. Il faut atteindre un niveau plus grave avant que le tribunal ne juge que ce soit suffisant pour interdire l'extradition. Par exemple, il se pourrait qu'aucune disposition n'ait été prise pour prendre soin des enfants, en raison de l'extradition des deux parents. Plus personne ne prendrait soin d'eux. Même dans ce cas, la Couronne cherchera des solutions de rechange — parents adoptifs ou autres solutions.
    Les autres types de problèmes touchant les enfants et pouvant amener les tribunaux à juger du caractère disproportionné de l'extradition sont certaines maladies physiques ou mentales — des situations sortant de l'ordinaire. J'en parle en connaissance de cause, parce que, manifestement, il est douloureux pour l'enfant d'être séparé de ses parents. Mais le tribunal doit être convaincu de l'existence d'autre chose que ce qui serait normal, si l'enfant était séparé de ses parents à cause de leur extradition.

  (1645)  

[Français]

     Il me reste 30 secondes.
    Je vous entendais tantôt parler de torture, à savoir qu'il faut évaluer s'il y a un risque réel de torture. Il n'est pas évident d'évaluer ce risque, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Pardonnez-moi. Je n'ai pas entendu la question.

[Français]

    Vous avez dit précédemment qu'il fallait évaluer s'il y a un risque réel de torture.
    Comment fait-on pour évaluer ce risque réel?

[Traduction]

    Habituellement, le tribunal étudie les rapports des ONG, des pays et du Département d'État américain pour établir s'il y a bien confirmation indépendante de la présence de torture. Vous devez établir une tendance générale, puis vous devez normalement établir l'application probable à votre client. Vous devez expliquer pourquoi il correspond à une catégorie de personnes qui [difficultés techniques] sujettes à la torture.
    Il faut avant tout établir des preuves générales objectives, puis les appliquer [difficultés techniques] votre client, c'est‑à‑dire illustrer les raisons pour lesquelles il correspond également à l'une de ces catégories à risque.
    Merci, madame Brière.
    Nous entamons maintenant notre dernier tour d'interventions de deux minutes et demie, en commençant avec M. Fortin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Doobay, vous venez d'expliquer un peu à Mme Brière la façon de procéder. Est-ce que cela fonctionne? À votre avis, est-ce qu'on est effectivement en mesure d'évaluer avec justesse le risque de torture dans un pays étranger?

[Traduction]

    C'est difficile, mais je crois qu'il doit être difficile de prouver qu'il y a des risques de torture.
    Au Royaume-Uni, on a aussi souvent recours à un témoin expert. Une fois que vous avez des documents objectifs qui prouvent que la torture peut être présente dans certains pays, dans des situations particulières [difficultés techniques] montrent que cela peut s'appliquer à quelqu'un. Habituellement, le tribunal bénéficie de l'aide d'un expert sur ce pays, une personne qui peut déclarer: « Écoutez, j'applique les généralités à cette personne en particulier et, selon moi, cette personne court le risque d'être torturée. »
    C'est difficile, mais je crois que ce que j'ai souligné plus tôt constitue un problème plus grave, soit qu'il est maintenant courant de recevoir une assurance diplomatique. Même s'il y a des risques, il ne faut pas s'en faire, car on vous donne l'assurance que, dans ce cas précis, cela ne se produira pas.

[Français]

    Je vous remercie. Je vais vous poser ce qui sera probablement une dernière question, considérant le temps qu'il me reste.
    J'aimerais que vous m'expliquiez la distinction que fait le Royaume‑Uni concernant l'extradition d'un citoyen du Royaume‑Uni par opposition à un citoyen étranger.

[Traduction]

    Cela peut faire la différence de deux façons.
    D'abord, du point de vue des [difficultés techniques] étrangers, parce que, si vous répondez aux exigences de la majorité des activités menées au Royaume-Uni, l'un des critères dont le tribunal doit tenir compte est le lien de la personne avec le Royaume-Uni. Évidemment, un citoyen ou un résident britannique aura des liens plus forts qu'une autre personne.
    La deuxième façon où cela peut s'avérer pertinent est au titre de l'article 8, soit le droit au respect de la vie privée et familiale, ce qui s'inscrit dans la quête d'un juste milieu. Comme je l'ai dit, habituellement, le tribunal estime que la nécessité d'avoir des accords d'extradition efficaces l'emporte sur le droit au respect de la vie privée et familiale. Toutefois, dans de rares cas, le tribunal peut statuer que la nationalité de la personne, son lieu de résidence et son droit au respect de la vie privée et familiale l'emportent sur...

  (1650)  

[Français]

     Excusez-moi de vous interrompre, mais mon temps de parole est presque terminé.
    Croyez-vous qu'il faudrait traiter différemment un résidant du Royaume-Uni et un étranger, ou appliquer les mêmes règles aux deux?

[Traduction]

    Selon moi, il devrait y avoir des facteurs où la nationalité et le lieu de résidence ont plus de poids. Le droit au respect de la vie privée et familiale [difficultés techniques]. Le droit d'être jugé dans un pays en particulier en est un autre, donc je crois qu'il y a des cas où ce devrait être pris en considération.
    Merci.
    Enfin, passons à M. Garrison pendant deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais poursuivre avec M. Doobay.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez fait référence à l'obligation de divulguer des éléments de preuve qui pourraient être disculpatoires. Je ne sais pas trop comment cela fonctionne concrètement, puisque vous nous avez aussi dit que, au Royaume-Uni, les demandes d'extradition n'exigent généralement pas de preuve.
    Pourriez-vous simplement revenir sur ce point et nous expliquer où ces notions se rejoignent?
    Bien sûr.
    Il n'y a obligation que si le procureur au Royaume-Uni connaît cette information. Comme vous le dites à raison, dans nombre de cas, il ne la connaît pas, car le pays demandeur doit fournir [difficultés techniques] preuve ou très peu d'éléments de preuve. L'obligation ne peut s'appliquer que lorsque [difficultés techniques] quelque chose dans le cadre des interventions au nom du pays demandeur qui vient miner les éléments de preuve déjà fournis au tribunal.
    En ce qui concerne votre dernier point en réponse à ma question, je crois que vous avez abordé un point très important dont ce comité doit tenir compte, soit le juste milieu entre le rôle de la magistrature et celui du ministre.
    Si je vous ai bien compris, aujourd'hui, le rôle du ministre britannique se résume essentiellement à gérer trois aspects jugés plus politiques, la majorité des autres décisions judiciaires relevant du juge et des procédures d'extradition. C'est exact?
    C'est tout à fait cela. Ils sont politiques, dans la mesure où les relations spéciales ont trait à des pays [difficultés techniques], donc un pays dit à l'autre: « La poursuite ne portera que là‑dessus. » La peine de mort exige une assurance, une assurance diplomatique, s'il y a un risque qu'un pays dise au Royaume-Uni: « Nous n'allons pas demander la peine de mort. » S'il y a déjà eu une demande d'extradition d'un autre pays, alors c'est [difficultés techniques] obligations internationales concurrentes.
    Si c'est le cas, tout le reste relève désormais des tribunaux. Cela s'est probablement produit au fil du temps, mais il est maintenant tout à fait évident que tout le reste est confié aux tribunaux, qui doivent trancher.
    Dans ces circonstances, y a‑t‑il le moindre recours suivant une décision du ministre?
    Oui. En fait, [difficultés techniques] où tout appel est entendu après que le ministre ait pris sa décision. Vous ne pouvez toutefois pas en appeler avant que le tribunal ait statué et que le ministre ait décidé. Une fois que le ministre a pris sa décision, vous pouvez en appeler de l'une ou des deux décisions, mais l'appel se déroulera simultanément.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Garrison.
    Voilà qui conclut la première heure de cette réunion. Je tiens à remercier les deux témoins pour leur contribution fort importante.
    Nous allons maintenant suspendre les travaux une minute ou deux le temps de passer à huis clos pour traiter des affaires du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU