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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 11 février 2022

[Enregistrement électronique]

  (1300)  

[Traduction]

     La séance est ouverte. Bienvenue à la troisième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à la motion adoptée le mardi 8 février, le Comité se réunit pour examiner la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Certaines personnes sont présentes dans la salle alors que d'autres communiqueront à distance à l'aide de l'application Zoom. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
    En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre d'intervention global pour tous les députés, qu'ils participent en mode virtuel ou présentiel.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins, en attendant que la personne qui manque puisse se connecter.
    Je vais utiliser des cartons aide-mémoire, que je vous montrerai pour vous avertir sans vous interrompre quand vous en serez aux 30 dernières secondes de votre intervention. Une fois votre temps écoulé — et sans vouloir être impoli —, je brandirai la carte indiquant que votre tour a conclu.
    J'invite Mme Cathy Peters à témoigner en premier. Vous aurez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Les témoins qui suivront auront également cinq minutes chacun, après quoi nous passerons aux questions.
     Madame Peters, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Je suis ancienne enseignante d'une école secondaire d'un quartier urbain défavorisé et je me consacre à sensibiliser les gens à cette forme moderne d'esclavage que constituent la traite des personnes à des fins sexuelles et l'exploitation à des fins de prostitution.
    Voici quelques statistiques. L'âge moyen de recrutement est de 13 ans, voire beaucoup plus jeune encore chez les filles autochtones. Dans la région de Vancouver, l'âge cible est maintenant tombé à 10 ou 12 ans. La COVID a aggravé la situation. Les trafiquants sont organisés et bien équipés, et 90 % des activités de leurre, de conditionnement, d'achat et de vente se déroulent en ligne sur les plateformes des médias sociaux.
     Le commerce du sexe est autochtone à 54 %, ce taux atteignant de 70 à 90 % dans les centres urbains. Les Autochtones sont fortement surreprésentés dans l'industrie du sexe. J'ai dit aux chefs de la Colombie-Britannique devant le ministre de la Justice, David Lametti, qu'il s'agissait de la forme de racisme systémique la plus flagrante au Canada. Parmi les personnes qui s'adonnent à la prostitution, 82 % ont été victimes d'abus sexuels ou d'inceste pendant leur enfance, 72 % souffrent de troubles de stress post-traumatique complexe, et 95 % y renonceraient volontiers, car ce n'est ni un choix ni un emploi. Il s'agit en grande majorité de victimes du proxénétisme ou de la traite où le crime organisé est habituellement impliqué, même à l'échelle internationale. Les criminels cherchent à s'enrichir, et les trafiquants gagnent des centaines de milliers de dollars par victime par année.
    Je cherche quant à moi à mettre toutes les collectivités de la Colombie-Britannique à l'abri de la traite de personnes et à empêcher la décriminalisation complète de la prostitution au Canada en appuyant la loi fédérale, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation. Je me consacre à la prévention de l'exploitation sexuelle depuis plus de 40 ans et j'ai commencé à sensibiliser les gens à temps plein depuis les huit dernières années, soit depuis que cette loi est devenue fédérale. En 2014, j'ai commencé à présenter des exposés aux politiciens des trois ordres de gouvernement, à la police et au public. Je leur expliquais la loi afin que la police l'applique et que le public la comprenne et puisse signaler toute infraction.
    La loi comporte quatre parties. Premièrement, elle cible la demande, l'acheteur de services sexuels. Le trafiquant, le facilitateur ou l'acheteur de services sexuels est criminalisé. Deuxièmement, elle reconnaît que la personne qui vend des services sexuels est une victime, habituellement une femme, et qu'elle est à l'abri des poursuites. Troisièmement, elle met en place des stratégies pour aider la victime à abandonner le commerce du sexe. Quatrièmement, elle contient une solide sensibilisation à la prévention pour que les jeunes, les enfants et les personnes vulnérables ne soient pas entraînés dans l'industrie du sexe.
    Cette loi se concentre sur la source du mal: les acheteurs de sexe et les profiteurs. Le Parlement a clairement déclaré que les filles et les femmes au Canada ne sont pas à vendre; ce sont des êtres humains à part entière qui ont de la dignité et des droits.
    En huit ans, j'ai présenté plus de 500 exposés à quelque 20 000 personnes, sans compter ceux que l'on peut consulter en ligne, mais le point tournant pour moi a été la découverte de la fosse commune de Kamloops. Depuis, j'ai présenté plus de 200 exposés aux conseils municipaux, aux districts régionaux, aux conseils scolaires, aux services de police, aux écoles, aux fournisseurs de services de première ligne et aux groupes autochtones, y compris lors de manifestations portant sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées en Colombie-Britannique.
    J'ai trois choses à dire.
     Primo, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation n'est ni connue ni appliquée en Colombie-Britannique, ce qui en fait la meilleure province canadienne pour l'achat de services sexuels. Le crime organisé et les organisations criminelles internationales sont habituellement impliqués.
    Secundo, la loi n'a jamais fait l'objet d'une campagne de mobilisation nationale. Certains Canadiens n'en ont jamais entendu parler, et la police ne reçoit ni le financement ni la formation qu'il faut pour pouvoir l'appliquer.
    Tertio, l'industrie du sexe veut abroger la loi pour normaliser, commercialiser et institutionnaliser cette industrie au Canada. Si elle y parvient, le Canada deviendra une destination mondiale de choix pour le tourisme sexuel, un bordel américain. Les femmes et les filles autochtones seront les premières victimes. Pas un Canadien ne saurait approuver cela.
     L'application uniforme de la loi et le renforcement de son libellé assortis d'une campagne de sensibilisation robuste, sont nécessaires. Sans l'application de la loi, l'industrie du sexe continuera de s'étendre rapidement. L'examen de la loi place le Canada à un point tournant. Son abrogation ou affaiblissement aura des conséquences néfastes pour ce beau pays qui est le nôtre.
    En somme, je ne voudrais pas que les membres du Comité s'imaginent que l'industrie du sexe est sûre. On ne peut jamais la rendre sûre ou sécuritaire. C'est une industrie mortelle. J'ai rencontré l'agent de la Gendarmerie royale qui a repéré et recueilli des morceaux de restes humains sur la ferme de Robert Pickton.
    Trisha Baptie fera une présentation au cours de la prochaine heure. C'est une survivante qui a été journaliste pendant deux ans lors du procès de Pickton.

  (1305)  

Je vous demanderais de vous renseigner sur l'affaire Robert Pickton et de la comprendre bien à fond. Elle décrit les réalités de l'industrie du sexe et de sa manière de fonctionner.
    Merci.
    Merci, madame Peters.
    Est-ce que M. Chevrier est en ligne? Non.
    Nous allons passer à Jennifer Dunn, du London Abused Women's Centre, pour cinq minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je m'appelle Jennifer Dunn et je suis directrice exécutive du London Abused Women's Centre.
    Lors de la séance de mardi dans le cadre de cette étude, on a dit qu'il fallait moins de lois, moins de statistiques et plus de renseignements provenant des personnes les plus directement touchées. Je vous remercie donc de m'accueillir aujourd'hui.
    Notre centre est un organisme féministe situé à London, en Ontario, qui appuie et préconise des changements personnels, sociaux et systémiques visant à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles par les hommes. Nous ne sommes pas un établissement résidentiel. Ce que nous offrons aux femmes et aux filles de plus de 12 ans qui ont été victimes de violence, d'agression, d'exploitation et de traite, c'est un accès immédiat à des services de suivi psychologique, de défense des droits et de soutien à long terme, suivant la nature du traumatisme.
    Au cours des prochaines minutes, lorsque je vous parlerai de notre travail, j'utiliserai l'acronyme LAWC. J'utiliserai aussi le terme « industrie du sexe », qui comprend les femmes qui ont été prostituées, exploitées sexuellement et victimes de la traite. Notre centre n'utilise pas l'expression « travail du sexe ».
    Au cours du dernier exercice, le LAWC a offert des services de psychothérapie individuels et de soutien de groupe à quelque 4 600 femmes et filles victimes de violence, d'agression, d'exploitation ou de traite, en plus de répondre à plus de 5 000 appels demandant du soutien.
    Voilà près de 25 ans que le LAWC offre des services aux femmes et aux filles qui travaillent dans l'industrie du sexe. Depuis 2015, notre centre a soutenu 2 800 femmes et filles actives dans l'industrie du sexe et plus de 1 800 à risque de les rejoindre. Ce nombre comprend au moins 68 filles qui ont déclaré avoir moins de 18 ans.
    Les jeunes femmes et les filles âgées de 12 à 21 ans sont les plus à risque d'être exploitées sexuellement, conditionnées et attirées dans l'industrie du sexe, souvent par des trafiquants qui les manipulent pour les amener à croire qu'elles entretiennent une relation avec eux. Le LAWC reconnaît que la prostitution est de la violence masculine contre les femmes et qu'elle est incompatible avec les droits fondamentaux de la femme; c'est la demande de prostitution qui alimente le trafic sexuel.
     Le modèle nordique ou d'égalité — dans le cas du Canada, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation — décriminalise les femmes dans l'industrie du sexe tout en criminalisant les acheteurs et les trafiquants de services sexuels. Ce même modèle fournit des services de soutien et de planification de la sécurité à celles qui souhaitent s'en sortir et à celles qui ne sont pas en mesure de le faire. Il sensibilise également les collectivités aux répercussions de la prostitution et de l'exploitation sexuelle sur la vie des générations futures.
    Le Canada a besoin de cette loi pour protéger les personnes les plus vulnérables avant que les lois sur la traite des personnes n'entrent en jeu, et la meilleure façon de réduire la traite des personnes à des fins sexuelles est de continuer à décriminaliser les femmes et les filles exploitées tout en criminalisant les acheteurs et les trafiquants de services sexuels.
    Certaines femmes et filles viennent au LAWC parce qu'elles sont maltraitées par leur partenaire intime. Après quelques séances, on apprend que celui-ci est aussi son trafiquant. De nombreuses femmes et jeunes filles victimes d'exploitation sexuelle qui participent à notre programme affirment avoir été victimes de torture et de cruautés sans nom de la part d'acheteurs et de trafiquants de services sexuels. Elles signalent qu'elles souffrent de problèmes de santé mentale importants et de traumatismes physiques découlant de ces expériences. Elles se présentent chez nous en quête de soutien.
    Des femmes et des filles qui se sont engagées de leur propre chef dans l'industrie du sexe nous signalent qu'elles n'ont pas tardé à se retrouver sous le contrôle de quelqu'un d'autre. Certaines disent avoir été attirées par l'industrie du sexe, alors que pour d'autres, c'était une question de survie.
    Certaines femmes se disent suicidaires, et il y en a qui vont jusqu'à mettre fin à leur vie. Il en est aussi qui ont de graves problèmes de toxicomanie, parce qu'elles sont initiées à une drogue toxicomanogène comme moyen de les aider à tenir le coup, ou simplement de les contrôler. La plupart des femmes déclarent qu'on les contraint à avoir des relations sexuelles non désirées avec des hommes de toutes sortes, certaines étant même assujetties à des quotas, qu'elles doivent respecter jour après jour.
    Vous n'entendrez peut-être jamais parler de celles qui sont les plus vulnérables. Elles ne savent peut-être même pas que la question qui a une incidence directe sur leur vie fait l'objet de discussions en ce moment même à la Chambre des communes.
    Depuis 2014, après la modification de la loi, il y a eu moins de meurtres de femmes dans cette industrie, moins de femmes accusées dans des affaires liées au commerce du sexe et plus d'hommes accusés d'avoir obtenu des services sexuels d'une personne mineure.
    Le LAWC et d'autres organismes comme le nôtre partout au Canada voient chaque jour des femmes qui ont été exploitées et attirées par la promesse d'une vie meilleure ou qui espèrent l'obtenir. La vérité, c'est que l'industrie du sexe met les femmes et les filles en danger chaque jour. La normalisation de l'industrie du sexe par la décriminalisation des acheteurs et des trafiquants ferait reculer les droits des femmes de plusieurs décennies.
    Le gouvernement a la responsabilité de prendre des décisions dans l'intérêt de tous. Il ne s'agit pas d'une question individuelle.
    Merci.

  (1310)  

     Merci.
    Je vais maintenant donner la parole à notre prochain témoin, Mme Claudyne Chevrier.
    Si vous pouviez simplement tester le micro pendant 10 secondes et dire n'importe quoi, sur le temps qu'il fait, si vous voulez.
    Bonjour. Je veux simplement m'assurer que le micro fonctionne.
    Je vois que son pouce est levé; c'est donc bon pour le son.
    Vous avez cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour à tous. Je suis heureuse d’avoir enfin pu me joindre à vous.
    Je suis ici pour vous faire part de quelques réflexions tirées de la recherche que j’ai menée sur le travail du sexe à Winnipeg, au Manitoba, au cours de la dernière décennie. J’ai obtenu un doctorat en sciences de la santé communautaire au Max Rady College of Medicine de l’Université du Manitoba en 2020. Ma thèse portait sur l’accès aux services de santé et aux services sociaux pour les femmes cisgenres et transgenres et les personnes non binaires qui vendent ou échangent des services sexuels en ville.
    J'ai suivi une méthodologie ethnographique pour parler de l’accès aux services de santé et aux services sociaux. Il me fallait décrire ce qui se passait sur les plans politique et social en ce qui concerne le travail du sexe à Winnipeg et, bien sûr, encadrer le tout dans le contexte juridique, qui, pour l’ensemble de ma collecte de données, résidait dans la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation.
    Mes recherches ont révélé que les travailleuses et travailleurs du sexe ont un accès limité aux services de santé et aux services sociaux, qu’ils manquent de sécurité, qu’ils sont fortement stigmatisés et qu’ils doivent surmonter des obstacles pour accéder à ce dont ils ont besoin. Il s’agit d’un climat général d’indifférence et de stigmatisation, qui est encadré par le contexte juridique actuel. Mes recherches montrent, entre autres, que les politiques, les programmes et les lois devraient être axés sur des approches qui accordent la priorité à la sécurité, à la santé et au bien-être des travailleuses et travailleurs du sexe selon ce qui leur convient. Un moyen d’y arriver consiste à décriminaliser tous les aspects du commerce du sexe.
    Avant de vous en dire un peu plus au sujet de mes recherches, j’aimerais vous donner une meilleure idée des personnes à qui j’ai parlé. J’ai réalisé des entrevues formelles et semi-structurées avec 39 travailleuses du sexe et autres personnes qui vendent des services sexuels, 12 entrevues avec des parties prenantes et j'ai consacré plus de quatre ans à observer et accompagner des militants des droits des travailleuses du sexe dans la ville, sans parler de l’analyse d'une très ample documentation locale, nationale et internationale.
    L'âge moyen des personnes que j'ai interviewées se situait à 36 ans, dans une fourchette allant de 20 à 55 ans. Parmi ce groupe, 52 % ont indiqué qu’ils étaient Autochtones ou Métis, et 17 % qu’ils étaient de race blanche. J’ai demandé à tout le monde où on rencontrait la plupart du temps des clients, et les réponses les plus courantes étaient dans la rue, dans les bars et en ligne. Je vous dis tout cela pour que vous sachiez que j’ai parlé à un groupe très diversifié de personnes.
    Je veux vous donner un exemple tiré de ma recherche qui porte sur le climat de manque de sécurité des travailleuses et travailleurs du sexe à Winnipeg en vertu de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation. Il se trouve que c’est aussi un exemple d’une dynamique très importante et documentée à Winnipeg, à savoir le musellement agressif de la voix des travailleurs du sexe qui ne voient pas leur expérience comme de l’exploitation. C’est ce que montre ma thèse et d’autres recherches. Je ne vais pas trop en parler ici, mais je tenais à le souligner.
    Par exemple, en 2017, lors d’une assemblée publique, le chef Danny Smyth, du Service de police de Winnipeg, a répondu à une question d’un groupe local de défense des droits des travailleuses et travailleurs du sexe, la Sex Workers of Winnipeg Action Coalition, au sujet de la sécurité des travailleuses du sexe en vertu de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, en disant: « Mon opinion générale au sujet du commerce du sexe est que la plupart des personnes en cause sont exploitées d’une façon ou d’une autre. » Il a ensuite ajouté qu’il les qualifie de « personnes exploitées, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes ou d’enfants ».
    Le chef Smyth a dit clairement qu’il ne pense pas que les travailleurs du sexe existent à Winnipeg. Je vous invite à réfléchir à ce que cela signifie lorsque le chef de police pense qu'on n'existe pas. En réponse à ses propos, les travailleuses et travailleurs du sexe ont dit que cela signifiait ne pas pouvoir s’attendre à être reconnus ou protégés par les services de police. C’est d'autant plus vrai pour les populations qui font déjà l’objet d’une surveillance excessive, comme les Autochtones et d’autres groupes racialisés.
    Mes recherches documentent les expériences inacceptables de discrimination et de stigmatisation que la plupart de mes participants vivent dans les services de santé et les services sociaux. Ce n’est pas tout le monde qui a décrit des expériences de discrimination, mais tout le monde s’en est inquiété et a eu recours à des stratégies pour les éviter et s’en protéger. La stigmatisation et la peur qu’elle suscite ont touché tout le monde.
    Des sentiments allant de la méfiance à la colère pure et simple et la peur de la police ont été exprimés par 12 personnes à qui je me suis adressée de façon spontanée. Une personne à qui j’ai parlé, que j’ai appelée « C » dans ma dissertation, était une femme cisgenre autochtone de 49 ans qui travaillait en plein air. Après m’avoir dit qu’elle ne signalerait jamais une agression sexuelle à la police, je lui ai demandé si elle était prête à me dire pourquoi, et elle m’a répondu: « Parce que je n’aime pas la police. Les agents nous regardent de travers simplement parce que nous sommes dans le quartier... Je ne leur fais même pas confiance. Ils ont fait des affaires aux travailleuses qu’aucune personne normale ne ferait. Ils ont tout bonnement tendance à dénigrer les travailleuses qui sont dans la rue, je le sais. »

  (1315)  

     Les gens à qui j’ai parlé ont demandé que les services soient plus compatissants, qu’ils utilisent un langage approprié, qu’ils se renseignent sur les diverses réalités du travail du sexe, qu’ils embauchent plus de travailleurs du sexe et, surtout, qu’ils respectent leur humanité.
    Le résultat le plus dévastateur...

  (1320)  

    Vous allez devoir conclure, madame Chevrier.
    Oui, je suis vraiment désolée. Merci.
    C’est le résultat le plus dévastateur de mes recherches. Une trentaine de personnes sur 49 m’ont dit qu’elles voulaient être traitées comme des êtres humains. C’est dire à quel point nous laissons tomber les travailleuses et travailleurs du sexe dans nos collectivités, nos programmes, nos politiques et nos lois.
    Merci.
    Merci. Vous aurez plus de temps pendant la période des questions pour faire valoir vos arguments.
    Pour la première série de questions, je donne la parole à M. Brock, pour six minutes.
    Merci.
    J’aimerais remercier les trois témoins — Mme Peters, Mme Dunn et Mme Chevrier — pour le travail tellement important qu’elles font dans le domaine qui nous occupe. Vos commentaires et vos réponses à nos questions cet après-midi seront très utiles au Comité à l'heure de formuler des recommandations.
    J’aimerais commencer par poser des questions à Mme Peters. Madame Peters, je suis un ancien procureur de la Couronne et, à ce titre, je me suis spécialisé dans la poursuite de causes touchant des victimes spéciales d’actes criminels, en particulier des victimes de la traite des personnes et des enfants. J’ai aussi passé beaucoup de temps à m’occuper des délinquants autochtones et des victimes autochtones. Je suis très préoccupé par le fait que, même si les femmes et les enfants autochtones représentent un si faible pourcentage de la population de Brantford, ils sont fortement et disproportionnellement représentés comme victimes de la traite des personnes.
    Ma circonscription, Brantford—Brant, comprend la plus grande réserve indienne du Canada, celle des Six Nations de la rivière Grand. Je ne sais pas si vous connaissez cette réserve, mais j’aimerais vous demander ce que vous pensez de ce qui se passe dans cette administration en particulier et pourquoi, en général, on retrouve un pourcentage aussi élevé de victimes parmi les femmes et les enfants autochtones.
    Je me concentre plutôt sur la Colombie-Britannique et, bien sûr, nous avons un très grand nombre d’Autochtones. J’ai eu l’occasion et l’honneur de participer à des rassemblements portant sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Les femmes et les filles me donnent l’information. J’ai également fait de nombreuses présentations supplémentaires à des jeunes travailleurs autochtones, au Vancouver Native Education College et à la House of the Moon. Ce ne sont pas les occasions d'en parler qui manquent. Ce sont eux qui me disent ce qui se passe.
    Ce que Mme Chevrier vient de dire est vrai. Habituellement, le problème, c'est la méfiance à l’égard de la police. On ne leur signalera jamais rien. C’est un gros problème. Ces communautés autochtones souffrent elles aussi de troubles de stress post-traumatique complexe. J'avoue que je n'y connaissais pas grand-chose à cet aspect complexe. C’est un autre niveau. C’est un traumatisme générationnel. C’est ce que vivent les femmes et les filles autochtones, de génération en génération.
    Leurs collectivités ne sont pas nécessairement les endroits les plus sains ou les plus sûrs non plus. Ils me l’ont dit. Il y a des agressions sexuelles pendant l’enfance et il y a souvent de l’inceste. Ils ne se sentent pas en sécurité ou libres d’en parler ou de le signaler. C’est ce cycle continu qui a tendance à se perpétuer de génération en génération.
    La merveilleuse nouvelle, c’est que les femmes et les filles autochtones veulent se faire entendre. Elles apprennent qu’elles ont une voix. Je les encourage à s’exprimer. Oui, elles sont fortement surreprésentées. Ce n’est pas seulement dans votre région; c’est partout au pays, et certainement en Colombie-Britannique.
    L’industrie du sexe cible maintenant très précisément les femmes et les filles autochtones. Des jeunes filles autochtones m’ont dit que cela se fait en ligne, et que ces trafiquants leur proposent simplement des drogues et de l’alcool gratuitement. C’est tout ce qu’il faut; cela ne prend pas grand-chose.
    C’est ce dont nous devons nous occuper, et je pense que l’éducation est vraiment la clé. C’est ce qui nous manque.
    J’aimerais ajouter que la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation s’attaque à la cause profonde, à la demande. Nous devons nous occuper des acheteurs, des hommes et des garçons qui exploitent les femmes et achètent leurs services. Nous devons sensibiliser les hommes et les garçons. Je leur dis: « La femme a une partie sacrée à laquelle vous n’avez pas droit. » Je viens de le dire à tous les chefs autochtones de la Colombie-Britannique. Nous devons nous attaquer aux causes profondes, et c’est ce que fait cette loi.
     D’accord.
    Pendant le temps qu’il me reste, j’aimerais me concentrer sur les sanctions pénales prévues dans le projet de loi C-36.
    Comme vous le savez, le projet de loi C-36 a criminalisé certains types de comportements, ce qui a entraîné des peines minimales obligatoires de quatre à cinq ans, selon les circonstances.
    Trouvez-vous que les modifications apportées au Code criminel ont eu un effet dissuasif?

  (1325)  

    C’est une excellente question.
    Ce serait possible, si la loi était effectivement appliquée. Le problème en Colombie-Britannique, c’est qu’elle ne l'est pas. C’est un gouvernement provincial. On ne s’en prend pas aux travailleurs du sexe ou aux prostituées qui travaillent dans l’industrie du sexe. Le gouvernement sait ce qu'il en est, mais ne s’attaque pas à la cause profonde.
    J’aimerais à tout le moins que les peines minimales soient plus sévères. La seule cause où j’ai eu à intervenir est l’affaire Regina c. Alcorn. Avez-vous suivi l'affaire? C’était au Manitoba, où une jeune Autochtone mineure agressée sexuellement, exploitée et filmée a fini par se suicider. Dans cette affaire, les juges ont quadruplé la peine du prédateur, ce qui était tout à fait brillant. Personnellement, je pense que cela peut avoir un effet dissuasif.
    Merci.
    D’accord.
    Certains témoins que nous avons entendus jusqu’ici — et d'autres le feront sans doute encore — préconisent la décriminalisation de toutes les lois sur la prostitution comme moyen de protéger nos femmes et nos enfants. S'il n'en sera pas ainsi dans un avenir prévisible, pouvez-vous nous suggérer des modifications à apporter à la loi pour rendre la situation plus sécuritaire pour les femmes et les enfants?
    Madame Peters, veuillez répondre brièvement. Il vous reste 10 secondes.
    Je ne suis pas avocate, mais mon mémoire contient des suggestions et je les ai soumises.
    Merci.
    Merci, monsieur Brock.
    Nous passons maintenant à M. Naqvi, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie les deux témoins de leurs interventions.
    Madame Chevrier, si vous avez quelques derniers points importants à soulever, je peux vous accorder une ou deux minutes pour vous permettre de conclure rapidement.
    Merci. C'est très gentil. J'ai dû me presser de conclure.
    Une chose que je veux dire, c'est que mes recherches montrent qu'il y a un climat de stigmatisation à Winnipeg. Il y a aussi des antécédents d'hostilité à l'égard des points de vue des travailleuses et travailleurs, créant une fausse contradiction entre leurs droits sexuels et la protection qu'il faut donner aux victimes d'exploitation sexuelle et de traite des personnes.
    Le fait de les effacer et de les museler ne fait rien pour les aider ou les protéger, pas plus qu'il ne protège les victimes d'exploitation sexuelle. La criminalisation du travail du sexe ne protège ni les travailleuses du sexe ni les victimes de traite et d'exploitation. Il est pourtant possible de faire les deux en même temps.
    Je pense qu'il faut insister sur la sécurité en se fondant sur des données probantes, surtout qu'il y en a toute une myriade dans le domaine de la santé publique pour préconiser la décriminalisation du travail du sexe, à l'échelle nationale aussi bien qu'internationale. Il y a aussi un tas de données probantes provenant des travailleuses et travailleurs du sexe locaux, que je vous exhorte à examiner.
    Merci.
    Selon vos recherches, la loi s'est-elle avérée efficace?
    Si vous me demandez si la loi a rendu les choses plus sûres pour les travailleuses et travailleurs du sexe, ce n'est pas le cas. Des recherches ont été faites à ce sujet dans le domaine de la santé publique.
    Par exemple, lors d'un sondage effectué en 2019 auprès de 299 participants, 26,4 % des répondants ont fait valoir que leurs conditions de travail s'étaient détériorées depuis l'adoption de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation. Leur situation a donc changé, oui, mais pour aller de mal en pire.
    Des recherches effectuées à Vancouver montrent par ailleurs que, même si la police locale a pour consigne de ne pas déranger les gens, il suffit qu'elle soit présente pour que les négociations entre les clients et les travailleuses se fassent de plus en plus hâtivement. Cette recherche portait concrètement sur les travailleuses du sexe qui consomment des drogues. Elle se penchait également sur la violence perpétrée par les clients et d'autres indicateurs de vulnérabilité. Par conséquent, la présence de la police ne fait qu'accroître la violence contre les travailleuses et travailleurs du sexe.
    Lors d'une autre étude menée en 2021 auprès de 200 travailleuses et travailleurs du sexe dans cinq villes du Canada, 31 % des répondants ont déclaré avoir trop peur de composer le 911 si leur sécurité ou celle d'une collègue était en danger, car la police risquait de les repérer, elles, leurs collègues ou les personnes qui gèrent leurs activités.
    Je pourrais continuer, mais je ne tiens pas à vous inonder de statistiques. Je veux simplement dire que, de toute évidence, cela ne fonctionne pas. La loi ne fonctionne pas pour les travailleuses et travailleurs du sexe. Elle ne rend pas leur vie plus sûre et elle ne fonctionne pas pour les victimes d'exploitation sexuelle non plus. Elle ne fait rien pour leur sécurité.

  (1330)  

     D'après vos recherches et les autres études que vous venez de citer, quelles sont les lacunes? Nous sommes là pour examiner la loi et formuler des recommandations. C'est l'occasion toute désignée de nous signaler les lacunes. Que nous suggérez-vous? Quelles modifications apporteriez-vous à la loi?
    Je pense que cette loi a été conçue pour mettre fin à la demande, comme il en a été question, et qu'elle continue à criminaliser certaines parties du commerce du sexe. Elle criminalise les clients et les travailleuses à bien des égards, et tant qu'il en sera ainsi, les résultats sur le plan de la santé et sur le plan social seront médiocres à mon avis. C'est ce que la documentation fait ressortir à l'échelle internationale aussi bien que locale.
    Il serait très utile d'adopter une approche fondée sur des données probantes et des consultations sérieuses auprès des parties prenantes, c'est-à-dire les personnes qui travaillent dans le domaine du sexe actuellement.
    Je pense qu'une autre façon dont... [Difficultés techniques]... les travailleuses du sexe au Canada. Cela contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés, et c'est un aspect qu'il faudrait examiner... [Difficultés techniques]...
    En somme, je dirais que la criminalisation, comme le veut la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation, pousse les travailleuses et travailleurs du sexe à fonctionner dans la clandestinité et à signaler moins de cas dénonçables à la police, en plus de créer des obstacles à l'accès aux services dont ils ont besoin, qu'il s'agisse de services sociaux ou de services de santé.
    Dans le cadre de mes recherches, j'ai parlé à de nombreuses personnes qui s'interrogeaient sans cesse et concoctaient toutes sortes de stratégies pour décider si elles devaient oui ou non divulguer la nature de leur métier à des fournisseurs de soins de santé ou à des travailleuses sociales, tout cela parce qu'elles craignaient des répercussions sur leur vie, celle de leurs collègues et de leurs proches. C'est là le résultat de la criminalisation, le résultat du fait que le commerce du sexe continue à être criminalisé.
    Merci.
    Madame Dunn, puis-je vous poser la même question au sujet de l'efficacité?
    Malheureusement, monsieur Naqvi, votre temps est écoulé.
    Il est écoulé?
    Oui. Je suis navré.
    Je reviendrai. Merci.
    Ce sera au tour de Mme Michaud.

[Français]

    Je remercie les témoins de leur présence et de leurs témoignages. Nous leur en sommes très reconnaissants.
    Je vais à mon tour m'adresser à vous, madame Chevrier.
    Le projet de loi C-36 a été adopté dans le contexte de la décision rendue dans l'arrêt Bedford, qui estimait que certaines dispositions du Code criminel de l'époque imposaient des conditions dangereuses à la prostitution. Le projet de loi avait trois objectifs majeurs: protéger les personnes qui se prostituaient et qui étaient considérées comme des victimes d'exploitation sexuelle, protéger les collectivités contre les torts causés par la prostitution et réduire la demande pour les services sexuels.
    À la lumière de votre témoignage, on comprend que ce projet de loi n'a pas protégé les personnes qui pratiquent la prostitution. En fait, cela les a plutôt mises en danger encore plus. J'aimerais que vous nous parliez davantage de cet aspect.
    J'aimerais aussi vous entendre parler du troisième objectif, soit celui de réduire la demande pour des services sexuels. D'où vient cet objectif, selon vous? Pensez-vous qu'il a été atteint?
    Merci beaucoup.
    Vous avez raison, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation a été mise en œuvre en réponse à l'arrêt Bedford. Malheureusement, l'intention derrière l'arrêt Bedford n'a pas été suivie. Je ne suis pas une spécialiste du droit, mais c'est mon avis. Comme je l'ai expliqué plus tôt, on continue de considérer comme des criminels les travailleurs et les travailleuses du sexe, donc les personnes qui vendent des services sexuels.
    J'ai suivi les discussions sur le projet de loi C‑36, auxquelles a pris part notamment le sénateur Donald Neil Plett. Selon ce que j'entendais, l'objectif était de rendre la situation tellement difficile pour tous ceux et celles faisant partie du travail du sexe que cela les forcerait à passer à autre chose. Or, ce n'est pas ce qui s'est produit. On a plutôt rendu la situation très difficile pour les travailleurs et les travailleuses du sexe. On a créé de nouvelles barrières empêchant ces personnes d'avoir accès aux services dont elles ont besoin.
    L'objectif de faire diminuer la demande est une idée très forte chez les prohibitionnistes, chez les personnes qui sont contre le travail du sexe. Malheureusement, aucune donnée ne démontre que cela fonctionne. Par exemple, la Suède a adopté un cadre légal similaire, en 1999, je crois, et cela n'a pas fonctionné. Les seules données que nous avons indiquent que la demande a peut-être baissé un peu au début, mais cette baisse n'a pas continué de manière soutenue.
    En revanche, nous savons qu'il y a eu une augmentation de la violence et du harcèlement à l'endroit des travailleuses du sexe. Par conséquent, elles doivent maintenant se cacher davantage pour échapper aux services sociaux et aux policiers.
    Je ne crois pas que cette approche fonctionne. Qui plus est, je crois que cela va à l'encontre de l'idée que je défends et qui est appuyée par les données de recherche, à savoir que l'on doit se concentrer sur la sécurité des gens qui travaillent dans l'industrie du sexe.
    Peu importe l'opinion ou les sentiments de certaines personnes à l'égard de l'industrie du sexe, celle-ci existe et elle continuera d'exister. Les citoyens et les citoyennes qui travaillent dans cette industrie ont le droit d'être en sécurité. Ils doivent avoir accès aux mêmes ressources que les autres citoyens et citoyennes.

  (1335)  

    Il faudrait donc décriminaliser le travail du sexe afin d'assurer la sécurité des travailleurs et des travailleuses du sexe.
    Cela dit, je m'interroge sur la Loi que nous étudions en ce moment. Est-ce que vous êtes en désaccord sur toutes ses dispositions? Êtes-vous plutôt favorable à l'alourdissement des peines liées à la traite des personnes? J'aimerais connaître votre opinion sur ces dispositions plus précisément.
    Je ne veux pas me prononcer sur quelque chose dont je ne suis pas spécialiste. Je vous précise que mon domaine de recherche est le travail du sexe, et non la traite des personnes.
    Cela dit, je ne suis pas certaine que l'alourdissement de ces peines ait vraiment amélioré la situation des victimes de la traite des personnes. Je veux aussi mentionner qu'une loi qui met en danger les travailleurs et les travailleuses du sexe n'aide pas les victimes d'exploitation sexuelle ni les victimes de traite des personnes, parce qu'elle met tout le monde en danger.
    Je pense qu'il faut réfléchir et peut-être se baser sur les excellentes études canadiennes qui ont été faites sur le sujet pour trouver des solutions qui pourraient venir en aide aux victimes d'exploitation sexuelle et de traite des personnes. Il faut effectivement leur venir en aide, mais sans mettre en danger les travailleuses du sexe qui sont dans cette industrie et qui ont le droit d'en vivre.
    Je pense que je n'aurai pas suffisamment de temps pour vous laisser répondre à ma prochaine question, mais je vous la pose quand même.
    Vos recherches portent sur la situation à Winnipeg, mais pouvez-vous quand même parler de la situation au Québec?
    Mon doctorat porte sur la situation à Winnipeg. Je peux parler de la situation du Québec, mais pas avec autant de certitude.

[Traduction]

     Merci, madame Michaud.
    Nous cédons donc la parole à M. Garrison, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tout particulièrement Mme Chevrier de sa présence parmi nous ce matin. Je pense que son témoignage nous aide à nous concentrer sur l'objet de cette étude, c'est-à-dire l'incidence de la loi sur les personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe, et non sur les jugements moraux ou idéologiques des gens.
    J'aimerais vous poser quelques questions précises fondées sur vos recherches sur le terrain. Comment la loi actuelle, en criminalisant ceux qui achètent des services sexuels, rend-elle... [Difficultés techniques]... le travail avec leurs clients plus dangereux?

  (1340)  

    Les lois actuelles, du fait qu'elles criminalisent les clients, font que les travailleuses du sexe ont plus de difficulté à négocier l'interaction consensuelle qu'elles auront avec leurs clients, au détriment de la sécurité. On peut par exemple ne pas s'entendre sur l'utilisation du préservatif parmi d'autres mesures de protection. Ces lois peuvent rendre les choses plus difficiles.
    Elles compliquent également les communications avec les clients et le recours aux diverses mesures de sécurité que les travailleuses du sexe utilisent habituellement. Par exemple, celles qui travaillent à l'intérieur pourraient demander à leurs clients de fournir une preuve quelconque de leur identité... [Difficultés techniques]... histoire de l'envoyer à une collègue au cas où... Tout cela serait très difficile en vertu des lois actuelles parce qu'il est question de fournir de la documentation. Le client peut être très réticent à l'idée de fournir une pièce d'identité pour faire quelque chose qui est criminalisé par ces lois, d'où la difficulté accrue de garantir la sécurité des travailleuses.
    Ces lois font aussi en sorte qu'il est difficile pour les travailleuses de se présenter à la police ou en général. Dans les deux exemples tirés de ma recherche que j'ai donnés, ces lois font qu'elles se méfient de la police. Les policiers sont accusés d'adopter une loi qui criminalise, qui est imprégnée d'un cadre juridique qui vise à éradiquer le métier qu'elles font. Tout cela fait qu'il est très difficile pour elles de faire confiance à la police, surtout dans des situations comme celle où le chef Smyth, à Winnipeg, niait l'existence des travailleuses du sexe.
    Madame Chevrier, je vais vous poser une question sur un autre aspect précis, les dispositions de la loi actuelle qui interdisent à ceux et celles qui travaillent dans la rue de se tenir à proximité de certaines institutions publiques. Pouvez-vous nous parler des répercussions de ces dispositions sur leur sécurité?
    Cela se résume à imposer des pénalités supplémentaires aux personnes qui, comme vous l'avez mentionné, travaillent ou communiquent avec leurs clients à proximité des garderies, des écoles et des églises. Quand on y pense, voilà qui décrit la plupart des endroits dans une ville. Je sais qu'à Winnipeg, je ne peux jamais me trouver bien loin de l'un de ces établissements. Cela rend les choses très difficiles pour les travailleuses du sexe, qui sont très nerveuses à l'idée de travailler dans certains quartiers. Elles vont donc dans des endroits plus éloignés et peu passants, où il n'y a peut-être pas de service cellulaire, et où il peut être encore plus difficile de travailler en équipe ou avec d'autres personnes. Bien entendu, tout cela augmente les risques d'être victime de violence, d'autant plus que les travailleuses du sexe sont souvent la cible par excellence des gens qui s'adonnent à des actes violents.
    Les deux autres témoins nous ont parlé de leur objectif, qui est d'éradiquer le travail du sexe. Pouvez-vous nous dire quel serait, selon vous, le meilleur résultat d'une étude comme la nôtre? Je sais que de nombreuses personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe la regardent d'un œil sceptique. Pouvez-vous nous dire quel pourrait être le meilleur résultat pour vous?
     À mon avis, le meilleur résultat de cette étude serait d'examiner de près les données probantes produites par les chercheurs et les commentaires reçus des travailleuses et travailleurs du sexe. J'espère que vous entendrez beaucoup plus de témoins qui font le métier actuellement et qui sont les principales parties prenantes dans ce dossier. Vous vous apercevrez que cette loi est contraire aux attentes des gens.
     Elle ne garantit pas la sécurité. Elle ne protège ni la vie des travailleurs du sexe ni les victimes d'exploitation sexuelle et de traite des personnes. À mon avis, cette loi est censée mettre l'accent sur le travail du sexe et sur la sécurité de ceux et celles qui s'y consacrent. J'espère que les gens concluront que ce n'est pas la voie à suivre.
    Cela dit, je vous invite à consulter la documentation internationale sur la santé publique qui met l'accent sur la décriminalisation. Amnistie internationale a récemment réclamé la décriminalisation. J'aimerais également attirer votre attention sur un énoncé de principe de l'Agence de la santé publique du Canada, publié après la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation, qui parle de l'importance de la décriminalisation pour améliorer la santé et les conditions sociales des travailleuses et travailleurs du sexe au Canada.
    J'imagine que je dois m'arrêter sans plus, mais je dirais simplement que les preuves sont faites en matière de santé publique et qu'il n'y a aucun doute que la décriminalisation est la voie à suivre pour le bien de la santé et des conditions sociales.

  (1345)  

    Merci.
    Merci, monsieur Garrison.
    Monsieur Moore, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Vous savez, nous pourrions facilement passer trois heures avec ce groupe de témoins, compte tenu de tous ces renseignements tellement intéressants et spécialisés.
    Je pense qu'il faut être très clair. Le projet de loi C-36, qui était une réponse à l'arrêt Bedford, établit très clairement que la vente de services sexuels de son propre chef est protégée contre la responsabilité criminelle. C'est déjà décriminalisé. Ce que les gens qui demandent la décriminalisation complète disent maintenant, c'est que ceux qui obtiennent des services sexuels moyennant rétribution, ceux qui achètent, vendent et exploitent... Comme Cathy Peters et d'autres témoins l'ont rappelé, la grande majorité des victimes d'exploitation sont des femmes. Bien sûr, beaucoup de gens, surtout des femmes, rejettent tout de go l'idée que cela devrait être légal, que nous devrions décriminaliser l'achat et la vente de personnes canadiennes.
    Vous avez fait des déclarations sur lesquelles j'aimerais revenir rapidement. Premièrement, vous avez dit que le Canada pourrait devenir « le bordel des États-Unis ». Vous vous êtes inspirée de votre expérience en Colombie-Britannique, où vous avez dit que la loi adoptée en 2014 n'était pas appliquée. Vous avez entendu des témoignages sur les différentes approches suivies dans d'autres provinces.
    Pourriez-vous nous éclairer un peu plus à ce sujet et nous dire en quoi le fait de ne pas appliquer cette loi peut entraîner une augmentation du nombre de victimes?
    Absolument. En fait, je suis enseignante au secondaire dans un quartier défavorisé. Je n’ai pas choisi de m’engager dans cette voie. Quand la LPCPVE est entrée en vigueur, j'ai pensé que je devais parler aux forces de l’ordre et au public pour voir s’ils étaient au courant de la loi et si on allait l’appliquer. Ils n’avaient jamais entendu parler de la loi.
    Cela fait huit ans que j’interviens à cet égard — tous les politiciens de la Colombie-Britannique me connaissent — et je ne n'arrive pas à croire qu'ils ne connaissent pas cette loi. Même les fonctionnaires de notre gouvernement provincial en matière de sécurité publique ne comprennent pas vraiment la loi. Le téléphone n'arrête pas de sonner. C’est tout ce que je peux dire. Je travaille là-dessus à temps plein, presque sept jours par semaine.
    Je veux attirer votre attention sur un livre, si vous voulez des recherches canadiennes et nationales, intitulé Sex Industry Slavery : Protecting Canada’s Youth. Il s’agit de la thèse de doctorat de M. Robert Chrismas. J’ai été interviewé avec lui à la radio et à la télévision. C’est un policier de Winnipeg, et il comprend à quoi cela ressemble.
    Le fait est que l’Ontario, où l'on comprend cet enjeu — la province a un coordonnateur qui s’occupe de la traite des personnes et sa police a reçu une formation — a carrément 30 ans d’avance sur la Colombie-Britannique. Le Manitoba a aussi quelqu'un du nom de Joy Smith.
    Oui.
     Je ne sais pas si vous savez tous qui est Joy Smith. Elle a présenté nos trois lois sur la traite des personnes. J’ai fait du bénévolat pour elle.
    Tout le monde au Manitoba comprend ce problème. Même en Alberta on le comprend, notamment grâce à Paul Brandt et aux programmes #NotinMyCity. En Colombie-Britannique, Vancouver est devenue une destination mondiale pour le tourisme sexuel, tout comme Tofino et Whistler.
    J’interviens auprès des conseils municipaux de toute la Colombie-Britannique. La semaine dernière, j’ai parlé aux gens du petit village de Telkwa, qui est situé sur la route des larmes. Les femmes autochtones me disent qu’elles perdent leurs filles. Ça continue!
    Je travaille en étroite collaboration avec les organismes d’application de la loi, avec le quartier général de la GRC, le service de police de Vancouver et le service de police de Victoria.
    La criminalité est en hausse à Vancouver et à Victoria. On devine un sentiment de craindre envers les policiers en qui « il ne faut pas faire confiance », et à qu’il faut couper les vivres. Cette situation s’est beaucoup aggravée. Mardi, un policier d’Ottawa a parlé de la vraie nécessité d’avoir des agents de liaison dans les écoles. Or, à Vancouver, à New Westminster et à Victoria, on les a retirés, et le crime organisé s’est installé. On parle de crime organisé.

  (1350)  

    Je vous remercie de cette réponse.
    Comme nous n’avons pas beaucoup de temps, nous devons poser le plus de questions possible en peu de temps.
    Jennifer Dunn, je veux vous donner l’occasion de parler également du travail que fait le London Abused Women's Centre. Vous avez notamment dit que le Canada avait besoin de cette loi. Vous avez utilisé le mot « incompatible » et vous avez dit qu’il fallait continuer à criminaliser le trafic d’êtres humains, principalement des femmes. Procéder à une décriminalisation complète serait dire qu’on peut acheter des personnes — surtout des femmes — au Canada.
    Pouvez-vous nous en dire plus long sur votre expérience au London Abused Women’s Centre?
    Répondez rapidement, madame Dunn.
    Merci beaucoup.
    Cette question touche toute la société. Ce n’est pas ce que nous voulons pour les filles de notre communauté. Nous devons nous rappeler que les hommes ne méritent de se servir du corps des femmes moyennant finance. Le corps humain n’est pas une marchandise qu'on peut acheter et vendre.
    Chaque jour, les femmes nous disent que ce n’est pas ce qu’elles veulent. Nous devons reconnaître les répercussions sur notre communauté à cet égard et sur les femmes et les filles qui sont les plus vulnérables.
    Merci.
    Merci, monsieur Moore.
    Nous passons maintenant à Mme Dhillon.
    Madame Dhillon, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais adresser mes questions à Mme Chevrier.
    Tout d’abord, madame, pourriez-vous nous faire parvenir la documentation et les statistiques que vous avez mentionnées tout au long de votre témoignage devant le Comité. Nous vous en serions très reconnaissants.
    Premièrement, vous avez beaucoup parlé des travailleuses du sexe et des victimes qui ne peuvent pas faire confiance à la police. Elles sont même terrifiées. Ce n’est pas la première fois que nous entendons cela. Le plus souvent, ceux qui font le travail que vous faites pour aider les gens nous en font part dans leurs témoignages.
    Que pourrait-on faire pour encourager les policiers à faire preuve de compassion envers les travailleuses du sexe et à reconnaître qu’elles sont souvent des victimes? Pouvez-vous nous dire ce qui ne va pas dans toute cette culture? Pourquoi cette culture déshumanisante?
    Si vous pouviez nous donner des solutions concrètes, nous vous en serions très reconnaissants.
    Merci beaucoup.
     Merci de votre excellente question.
    Ce sont de grands enjeux. Je vais faire de mon mieux pour vous les expliquer, et je ne vais peut-être pas vous parler de la recherche... En fait, je vous enverrai toutes les recherches. Je vais déposer un mémoire, ainsi que toute la littérature que j’ai mentionnée. C'est très varié.
    Le fait que les gens ne fassent pas confiance à la police est une question très complexe. Un mouvement récent comme Black Lives Matter et des initiatives qui visent à critiquer la police ou à lui couper les vivres ont élargi notre compréhension de la réalité de beaucoup de populations marginalisées depuis toujours. La population en général comprend mieux cette réalité, et je m’en réjouis.
    De façon générale, une meilleure compréhension des réalités serait utile. C’est ce que m’ont dit les personnes que j’ai interrogées. À la fin de mes entrevues, j’ai demandé: « Que voudriez-vous dire aux fournisseurs de services si je vous donnais un micro? » Elles avaient toutes sortes de choses à dire.
     Tout d’abord, absolument toutes celles que nous avons interviewées voulaient être traitées comme des êtres humains, ce qui a été terrible à entendre. Cependant, elles ont également formulé des suggestions concrètes, comme la possibilité pour les travailleuses du sexe d’offrir des formations aux agents de police et aux différents prestateurs de services, et la création de programmes visant à aider les policiers à comprendre les diverses réalités qui se cachent derrière l'expression « travail du sexe ». Ils comprendraient la différence entre le travail du sexe, l’exploitation sexuelle et la traite des personnes, car ce ne sont pas des synonymes et il ne faudrait pas les employer comme tels. Elles ont aussi proposé une formation sur la compassion. Je ne sais pas trop comment on peut faire cela avec un adulte, mais cela montre à quel point les choses peuvent être terribles. Ce sont des choses concrètes qui sont ressorties de mes recherches.
    De façon plus générale, dans un contexte où le travail du sexe serait décriminalisé, il pourrait être plus facile pour les travailleuses du sexe — victimes de violences liées au travail du sexe ou pas — de communiquer avec les policiers ou tout autre service dont elles ont besoin, sans craindre d’être criminalisées pour travail du sexe ou autre, ou de subir des pressions pour produire la liste de leurs clients. Les clients sur ces listes peuvent être de bons clients, et c’est pourquoi elles veulent préserver leur confidentialité...
    Si l'activité n'était pas criminalisée, il serait plus facile pour les travailleuses du sexe d’appeler la police. Il serait également plus facile pour les clients témoins de quelque chose qui semble dangereux d’intervenir ou d’appeler la police. Cela ne se produira jamais dans la situation où...
    Je veux donner rapidement l’exemple de la Nouvelle-Zélande, où le travail du sexe est décriminalisé depuis 2003. Il y a quelques années, il y a eu l’histoire d’une travailleuse de salon de massage qui a pu porter plainte contre son patron, qui la harcelait sexuellement. Elle a eu gain de cause et a été indemnisée, comme tout autre travailleur. À l’heure actuelle, il est impensable qu’une travailleuse du sexe puisse faire une telle chose au Canada.
    Je voulais m'arrêter là.
    Merci.

  (1355)  

    Merci.
    Merci, madame Dhillon.
    Nous passons maintenant à Mme Michaud, pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Cette fois-ci, je vais m’adresser à Mme Dunn, représentante du London Abused Women’s Centre.
    Je me questionne au sujet de l’incidence de la pandémie sur l’industrie du sexe.
    Dans un article du National Post paru en avril 2021, on évoquait une hausse de clientèle à votre centre qui serait attribuable à la pandémie. On y indiquait que, de 2020 à 2021, le London Abused Women's Centre a apporté son soutien à plus de 9 200 femmes et filles, dont 820 étaient victimes d’exploitation sexuelle.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus des conséquences de la pandémie sur votre clientèle, et plus particulièrement sur les femmes et les filles victimes d’exploitation sexuelle?

[Traduction]

     Merci beaucoup de la question.
    La pandémie a eu de graves conséquences pour tous les Canadiens. Pour les femmes et pour les jeunes filles, la situation a été très difficile, car en période de « confinement, » c’est-à-dire quand les femmes et les jeunes filles sont priées de réduire au minimum leurs déplacements, que les écoles sont fermées et ainsi de suite, l’accès aux services devient très difficile pour elles.
    Plusieurs raisons expliquent cette situation. Les femmes peuvent être piégées chez elles avec leurs agresseurs ou leurs trafiquants, et elles n’ont pas la possibilité de demander de l’aide. Notre organisme met vraiment l’accent sur la capacité d’offrir un soutien immédiat et d’être disponible quand une femme se présente à notre porte ou nous téléphone, afin que nous puissions lui offrir du soutien le plus rapidement et le plus efficacement possible.
    Une grande partie de notre travail concerne la planification de la sécurité. Si une femme qui a été victime de traite des personnes ou d’exploitation sexuelle ou qui est travaille dans l’industrie du sexe se présente à notre porte, nous la rencontrons pour déterminer ce qui fonctionne le mieux pour elle à ce moment-là.
    Comme je l’ai dit, la pandémie a eu d’énormes répercussions sur la vie de toutes les femmes et de toutes les filles. Les femmes qui ont été exploitées sexuellement et ont été victimes de la traite des personnes ne sont pas différentes, et elles sont les plus à risque. Les femmes sont confrontées à des problèmes de violence et de santé physique...
    Merci, madame Dunn.

  (1400)  

    Merci.
    Désolé.
    Les deux prochaines minutes et demie vont à M. Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je reviens à M. Chevrier. La question qui m’a été posée remonte à l’époque où je siégeais au conseil municipal et où je traitais avec PEERS, la société d’autonomisation des prostituées de ma circonscription. Pourquoi les travailleuses du sexe n’ont-elles pas recours aux services sociaux offerts aux autres? Pourquoi les groupes de défense finissent-ils par devoir offrir des services spéciaux aux personnes qui travaillent dans l’industrie du sexe?
     Je peux revenir à mes recherches, mais il y a aussi des recherches approfondies sur l’accès aux services de santé et aux services sociaux pour les travailleuses du sexe partout au pays. Il y a beaucoup de raisons. Il y a des obstacles passifs et des obstacles actifs.
    Les barrières passives peuvent être des choses comme l’emplacement, ou les heures de travail, ou le fait qu’elles offrent leurs services à un seul sexe, ce qui peut rendre l’accès à ces services difficile. Il peut aussi s’agir de la stigmatisation, de la peur de la stigmatisation — et il ne s’agit pas seulement de la sensibilité des gens. Il y a des expériences horribles de stigmatisation dans tous les services de santé et les services sociaux, même ceux qui sont très progressistes.
    Il se produit quelque chose de particulier à Winnipeg, et, d'après la littérature, partout ailleurs je crois, soit le fait que, s'il existe bien des services pour les travailleurs et travailleuses du sexe, ces services ne sont dispensés qu’à celles et ceux qui vivent des expériences particulières dans le commerce du sexe. Par exemple, on dit implicitement ou explicitement aux gens qu’ils doivent parler de leur expérience d’exploitation ou de traite des personnes pour recevoir des services. Parfois, c’est implicite, ou alors on conseille les gens dans ce sens. Il est donc difficile pour ces gens de bénéficier de ces services. C’était la situation au Manitoba au début de mes recherches, où il n’y avait pas de services offerts.
    J'ajouterai que la criminalisation donne lieu à un autre obstacle de taille. Les gens craignent qu'en divulguant leur situation de travailleurs du sexe, ce qu'il convient parfois de faire, n'entraînent la participation de différents organismes ou services, comme les services d’application de la loi ou de protection de l’enfance, participation qui pourrait être inappropriée.
     Merci beaucoup, madame Chevrier.
    Merci, monsieur Garrison.
    Merci à tous les témoins. J'apprécie vraiment vos témoignages et le temps que vous avez accordé au Comité.
    Je vais maintenant suspendre la séance pendant quelques secondes pour permettre au prochain groupe de témoins de s'installer. Merci. Ceux qui souhaitent se déconnecter peuvent le faire.

  (1400)  


  (1405)  

     Nous reprenons la séance.
    Je vais demander aux témoins, en commençant par Mme Baptie, d'intervenir pendant cinq minutes. Après Mme Baptie, ce sera au tour de Mme Hon Chu et de Mme Barile, après quoi nous passerons aux questions.
    La parole est à vous, madame Baptie.
     Je tiens à remercier le Comité de me donner cette occasion d'exprimer mon point de vue.
    J'aimerais vous faire part de plusieurs réflexions, alors je vais essayer d'être rapide. N'hésitez pas à me dire de ralentir si je parle trop vite.
    J'ai survécu à 15 ans de prostitution, de l'âge de 13 ans à l'âge de 28 ans. Pendant les six premières années, j'étais considérée comme une mineure ayant besoin d'aide pour faire la transition vers une vie plus saine. À minuit le jour de mon 19e anniversaire, j'ai commencé à être perçue comme une femme libre de ses choix, sans égard à mon histoire ni au fait que je ne connaissais rien d'autre, comme tant d'autres personnes dans la même situation.
     Vous ne m'entendrez à peu près jamais utiliser le terme « travailleuse du sexe », car nous ne croyons en aucun cas qu'il s'agit d'un emploi. Que l'on utilise les termes « travail du sexe », « relation sexuelle transactionnelle » ou « escorte », on qualifie la même chose, c'est-à-dire satisfaire les demandes sexuelles des hommes. Le rôle des hommes comme cause profonde du problème de la prostitution se perd souvent dans tout le bruit qui entoure cette activité, et c'est sur ce comportement que je veux me concentrer aujourd'hui, car c'était le but visé par la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation ou LPCPVE et la raison pour laquelle nous appuyons cette loi. Je vous encourage à lire le préambule. Nous trouvons qu'il est encourageant et qu'il constitue un plan véritable pour notre pays.
    Je viens de Vancouver. Dans les années 1990, j'ai perdu certaines de mes amies aux mains du pire tueur en série qu'a connu le Canada. Nous avons également dû faire face à d'autres formes de violence physique et sexuelle que trop de prostituées connaissent intimement. Je veux être claire. Ce n'est pas à cause de la loi et à cause de la stigmatisation que mes amies et moi avons été battues, violées et tuées; c'est à cause des hommes. Ce ne sont pas les endroits où nous nous trouvions qui n'étaient pas sécuritaires. Ce sont les hommes qui étaient là qui les ont rendus dangereux. Il ne s'agit pas d'un seul type d'homme, mais bien d'hommes de tous les horizons.
    Ces hommes ne recherchent pas des femmes de 40 ans qui ont un diplôme. Il leur faut plutôt un flot constant de jeunes femmes, de préférence naïves. Je sais que ce n'est pas la traite des personnes qui est au cœur de la discussion ici, mais le fait d'ignorer le lien qui existe entre les deux rend un mauvais service à la multitude de femmes et de filles qui font face à cette menace très réelle. On ne s'adonne pas à la traite de jeunes femmes pour qu'elles deviennent infirmières ou députées. Ces personnes sont victimes de la traite des personnes pour satisfaire aux besoins sexuels des hommes. Même si nous décriminalisons ou légalisons complètement la prostitution, il y aura toujours des jeunes femmes pour s'y adonner. Si nous choisissons la décriminalisation ou la légalisation, nous disons essentiellement qu'il y aura toujours un endroit où acheter des services sexuels. Est-ce vraiment ce que nous voulons pour le Canada, pour nos filles et nos jeunes femmes?
    Tout cela nous amène à la question suivante: comment le fait de permettre aux hommes de payer pour avoir des relations sexuelles peut-il contribuer à créer une société égalitaire? En quoi l'achat de services sexuels par les hommes favorise-t-il une société plus sécuritaire pour toutes les femmes et les filles?
     Qu'est-ce qui me fait dire que les femmes et les filles ne sont pas en sécurité? Dans ma ville — et dans toutes les villes — il y a des endroits où les hommes estiment avoir le droit de solliciter des services sexuels à n'importe qui dans la rue — des grands-mères, des adolescentes, n'importe qui. Pour être plus juste, il s'agit généralement des quartiers pauvres et racisés de la ville.
    Je vais passer rapidement en revue quatre points de la loi, puis je vais conclure. Voici ce qu'il y est dit:
Attendu que le Parlement du Canada a de graves préoccupations concernant l'exploitation inhérente à la prostitution et les risques de violence auxquels s'exposent les personnes qui se livrent à cette pratique;

que le Parlement du Canada reconnaît les dommages sociaux causés par la chosification du corps humain et la marchandisation des activités sexuelles;

qu'il importe de protéger la dignité humaine et l'égalité de tous les Canadiens et Canadiennes en décourageant cette pratique qui a des conséquences négatives en particulier chez les femmes et les enfants;

qu'il importe de dénoncer et d'interdire l'achat de services sexuels parce qu'il contribue à créer une demande de prostitution;
    Il ne s'agit pas de détester les travailleuses du sexe ou de vouloir les éradiquer. Il s'agit de mettre fin à une pratique qui repose sur l'inégalité, le sexisme, le racisme, le colonialisme, les problèmes de santé mentale, la toxicomanie et d'autres problèmes.

  (1410)  

    Nous sommes ici pour discuter de l'examen quinquennal de cette loi, mais celle-ci n'a pas été appliquée de façon uniforme partout au pays et n'a pas eu la possibilité de créer un véritable changement ni de profiter aux personnes qui en ont besoin.
    Il est impossible d'avoir des statistiques fiables sur les effets de cette loi, alors que certaines régions du pays n'en ont même pas encore entendu parler. Nous avons besoin de plus de temps pour voir cette loi progresser, s'implanter pleinement et aider à changer la société.
    Merci beaucoup de m'avoir écoutée.
    Merci, madame Baptie.
     Je vais passer à Mme Ka Hon Chu.
     Je vous remercie de m'accueillir ici aujourd'hui. Je suis avocate et codirectrice exécutive du Réseau juridique VIH, une organisation qui travaille aux côtés des travailleuses et des travailleurs du sexe depuis sa création, il y a près de 30 ans, afin de plaider pour des lois et des politiques qui défendent les droits humains de ces personnes.
    J'aimerais parler d'une étude que j'ai corédigée il y a trois ans et qui s'intitule The Perils of « Protection ». Elle porte sur les expériences qu'ont les travailleuses et des travailleurs du sexe de l'application de la loi en Ontario. Nous avons parlé à des travailleuses et des travailleurs du sexe noirs, autochtones, asiatiques et racisés, à des travailleuses et des travailleurs du sexe migrants, transgenres et bispirituels et à des travailleuses et des travailleurs du sexe soumis à des conditions extrêmement précaires. Certains participants travaillaient de façon autonome, tandis que d'autres travaillaient avec des tiers, comme des gérants, des chauffeurs, des pairs, des traducteurs, des agents de sécurité, des experts-comptables, des webmestres et des réceptionnistes, qui leur offraient un soutien et une infrastructure essentiels pour travailler en toute sécurité.
    Tous les participants à notre étude nous ont dit que l'application de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation, ou LPCPVE, qui continue de criminaliser les communications publiques des travailleuses et des travailleurs du sexe, a alimenté la stigmatisation, la violence et l'exploitation dont ils sont victimes, remettant en question la prétention selon laquelle la loi les protège. De plus, la loi n'a atteint aucun des objectifs qu'elle comporte.
    Par exemple, les travailleuses et les travailleurs du sexe ont continué à travailler après l'adoption de la loi. La criminalisation du travail du sexe n'a pas changé la réalité, à savoir que les travailleuses et les travailleurs du sexe ont toujours besoin d'un revenu pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille. Alors qu'elles continuent de travailler, ces personnes parlent des répercussions financières négatives de leurs contacts avec la police, qui est habilitée par la loi à les surveiller.
    Comme l'a dit une femme, « La police veut mettre nos clients en prison. Cela a donc un grand impact sur nous... De plus, comme cela touche nos finances, cela a des répercussions sur tous les autres aspects de notre vie…nos besoins fondamentaux, comme le logement, la nourriture, les vêtements, l'amour. »
     De plus, certains travailleurs et travailleuses du sexe ont décrit comment la criminalisation limitait leurs perspectives d'emploi à l'extérieur de l'industrie du sexe. Un travailleur du sexe bispirituel, qui avait déjà fait l'objet d'accusations criminelles, m'a dit qu'il était incapable de poursuivre une carrière en soins infirmiers, parce que la vérification de ses antécédents en vue d'un travail en milieu vulnérable a révélé ces condamnations.
    Les participants ont également expliqué comment la criminalisation les force à accepter de mauvaises conditions de travail et des incidents de violence. La criminalisation force les tiers et les lieux de travail à dissimuler le travail du sexe, de sorte que les travailleuses et les travailleurs du sexe ne peuvent ni avoir accès à des conditions de travail décentes, ni signaler le harcèlement ou la violence, parce que cela a pour effet que leurs employeurs et leurs pairs sont scrutés à la loupe en tant que tiers ou trafiquants de personnes.
     Selon une participante, une femme a été victime de chantage et de vol par de nombreux bandits. Elle a essayé d'appeler la police pour mettre fin à cette violence... L'agent chargé de l'affaire n'a pas enquêté sur le chantage ou le vol qualifié, mais lui a donné un avertissement pour qu'elle quitte immédiatement les lieux. La police ne lui a pas demandé à quoi ressemblait le voleur, mais plutôt qui lui avait loué l'endroit où elle se trouvait. On lui a aussi demandé qui lui avait offert ce travail et qui l'aidait à faire sa publicité.
     Une autre participante a expliqué comment la surveillance policière constante a amené certaines femmes qui ne peuvent plus travailler de façon autonome dans des espaces publics à travailler pour des tiers qu'elles ne connaissent pas.
    Comme d'autres intervenants vous l'ont dit, la loi a découragé les signalements de cas de violence par les travailleuses et les travailleurs du sexe. Cette affirmation est renforcée par de nombreuses autres études. La plupart des travailleuses et des travailleurs du sexe à qui nous avons parlé nous ont dit qu'ils ne s'adresseraient jamais à la police pour obtenir de l'aide, surtout si la violence se produisait dans le cadre de leur travail. Certains travailleurs et travailleuses du sexe, et en particulier ceux qui sont racisés, ont fait l'objet d'accusations criminelles lorsqu'ils ont communiqué avec les forces de l'ordre pour obtenir de l'aide. Plusieurs participants ont décrit comment le signalement de cas de violence à la police avait entraîné une enquête sur leur lieu de travail ou la fermeture de leur lieu de travail, ce qui les a forcés à déménager dans des régions éloignées, les privant de l'accès aux réseaux assurant leur sécurité et les exposant à un risque accru d'exploitation.
     Sachant que les travailleuses et les travailleurs du sexe et leurs employeurs sont incapables de demander l'aide de la police, une participante a décrit comment les lieux de travail de ces personnes sont souvent la cible de vols qualifiés.
    L'ensemble des travailleuses et des travailleurs du sexe ont expliqué comment les lois et la présence des forces de l'ordre ont mené à leur isolement, augmentant ainsi le risque qu'ils fassent l'objet de violence ciblée et d'autres abus. Beaucoup ont décrit comment l'interdiction d'acheter des services sexuels a fait peur aux clients, qui demandent désormais des rencontres dans des endroits plus isolés, et a forcé des rencontres à la sauvette. Cela nuit à la capacité des travailleuses et des travailleurs du sexe de prendre des mesures pour promouvoir la sécurité, comme le filtrage, la communication des services offerts et la négociation des conditions de l'activité sexuelle avec un client.
    Cela mine la capacité des travailleuses et des travailleurs du sexe de consentir aux activités sexuelles auxquelles ils se livrent. Comme une participante l'a mentionné, les clients ne veulent même plus discuter initialement dans la rue, ce qui est beaucoup plus dangereux pour les filles, qui préféreraient avoir une entente avant de s'impliquer.
     Une autre participante a expliqué comment l'interdiction de faire de la publicité avait affecté sa sécurité: « Si je ne peux pas communiquer en ligne, cela va me forcer à communiquer au moment où je rencontre le client. Les limites sont importantes... Si vous n'êtes pas en mesure de communiquer à l'avance, cela vous oblige à expédier les choses au moment de fixer vos limites, vos prix et tout le reste. »
    De façon plus générale, la criminalisation a fait en sorte que les travailleuses et les travailleurs du sexe ont subi de nombreux autres préjudices, y compris des évictions de leur lieu de travail et de leur logement, des répercussions sur leur vie familiale et la garde des enfants, des limites quant à leur mobilité, leur identité comme travailleur ou travailleuse du sexe ressortant par suite des recherches dans les bases de données effectuées par les agents des services frontaliers, la détention et l'expulsion des travailleuses et des travailleurs du sexe migrants considérés comme contrevenant aux règlements de l'immigration qui interdisent le travail du sexe, et des entraves à la pratique du sexe à moindre risque.

  (1415)  

    Ce sont les travailleuses et les travailleurs du sexe les plus marginalisés, qui font déjà l'objet de profilage racial et social, qui ont subi les répercussions les plus graves de la loi. Ces constatations ressortent également d'une vaste série de recherches comprenant de nombreuses études et enquêtes soumises à un examen par les pairs, qui proviennent d'organisations de défense des droits de la personne et de multiples organismes des Nations Unies. Elles confirment uniformément que la criminalisation de tout aspect du travail du sexe porte atteinte aux droits de la personne, ainsi qu'à l'autonomie, à la santé et à la sécurité des travailleuses et des travailleurs du sexe.
    Nous exhortons le Comité à se concentrer sur l'expérience de ces personnes, qui ont été profondément touchées par cette mesure législative, et nous recommandons l'abrogation des infractions liées au travail du sexe.
    Merci.
    Merci, madame Ka Hon Chu.
    Nous entendrons maintenant Daphne Barile, pour cinq minutes.
     Je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.
    Je travaille comme coordonnatrice d'Action Santé Travesti(e)s et Transsexuel(le)s du Québec, ou ASTTeQ, un groupe communautaire de Montréal qui est constitué de personnes transgenres et qui travaille pour elles.
    Depuis 1998, ASTTeQ offre des services, de l'accompagnement, des informations juridiques et du soutien par les pairs, en particulier aux femmes transgenres sans abri, migrantes et vivant avec le VIH, ainsi qu'aux travailleuses du sexe. ASTTeQ est le seul organisme qui œuvre principalement auprès des travailleuses du sexe transsexuelles au Québec et, à ma connaissance, dans tout le Canada. Le travail d'ASTTeQ auprès de ces personnes est financé par le gouvernement fédéral.
    Les travailleuses du sexe avec lesquelles je travaille tous les jours ne nous demandent pas d'aide pour quitter le travail du sexe. Elles veulent continuer de s'adonner à cette activité pour diverses raisons, certaines pour atteindre l'autosuffisance économique ou pour subvenir aux besoins de leur famille, d'autres pour compléter les prestations d'aide sociale, qui ne sont pas suffisantes pour payer un loyer; certaines parce qu'elles sont victimes de discrimination transphobique ou raciste dans le monde du travail licite, et d'autres encore parce que leur statut en matière d'immigration les empêche d'occuper d'autres emplois.
    Les femmes qui fréquentent ASTTeQ nous demandent plutôt de l'aide pour répondre aux problèmes causés par la criminalisation de leur travail. Elles s'adressent à nous parce que leurs propriétaires les menacent d'éviction après avoir découvert le travail qu'elles faisaient chez elles. Elles s'adressent à nous parce que la surveillance policière constante exercée à leur endroit a fait en sorte qu'elles font face à des accusations criminelles, ce qui pourrait mener à leur incarcération dans une prison pour hommes ou mettre en péril leur statut d'immigrante. Bon nombre des femmes avec lesquelles ASTTeQ travaille sont de nouvelles arrivantes au Canada, qui sont venues à la recherche d'une vie à l'abri de la haine, de la discrimination et de la violence. Pourtant, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation a privé un grand nombre de ces femmes de la vie qu'on leur avait promise en les forçant à travailler dans des conditions dangereuses et en les exposant aux préjudices causés par la présence policière constante.
    La loi n'a pas éliminé et n'éliminera pas le travail du sexe dans les communautés transgenres au Canada, mais elle a simplement rendu ce travail moins sécuritaire. La majorité des personnes transgenres qui fréquentent ASTTeQ vivent dans la pauvreté et dans des conditions précaires, et la loi a accentué cette précarité en leur imposant des conditions de travail dangereuses et invivables. Elles ne peuvent pas collaborer avec d'autres membres de leur collectivité pour assurer leur sécurité ou prendre des mesures ensemble pour filtrer les clients. La menace d'accusations policières et criminelles les a obligés à travailler en isolement, loin du centre-ville, dans des endroits où il n'y a pas de ressources communautaires. Même pour les personnes qui n'ont jamais fait l'objet d'accusations criminelles, la menace constante de criminalisation réduit leurs possibilités dans la vie et les empêche de profiter d'une certaine forme de stabilité et de sécurité pour elles-mêmes.
     Récemment, ASTTeQ a mené une recherche pour une étude qualitative commandée par le ministère de la Justice du Canada sur une vaste gamme de problèmes juridiques graves auxquels font face les personnes trans, bispirituelles et non binaires au Canada. Le contenu du rapport a été approuvé par le ministère de la Justice, et il est en attente de traduction avant sa publication. Nos recherches ont révélé ce qui suit :
Pour de nombreuses participantes, la criminalisation du travail du sexe empêche l'accès à un revenu stable, à des conditions de travail plus sécuritaires, au soutien de la communauté trans et à l'affirmation de genre. Plusieurs participantes ont explicitement indiqué que le cadre législatif pénal actuel lié au travail du sexe était une source de conditions de travail non sécuritaires ou de peur. (p. ex., peur des contacts avec les organismes chargés de l'application de la loi, répercussions sur d'autres aspects de leur vie, comme leur statut d'immigrante, leur logement et leur impôt sur le revenu).
    L'un des objectifs de la loi était de réduire la violence et l'exploitation dans le contexte du travail du sexe. Là encore, elle a échoué lamentablement. Un grand nombre des travailleuses du sexe trans évitent à tout prix les contacts avec la police, y compris après avoir été agressées au travail, parce que ces contacts et le fait d'être connues de la police comme travailleuses du sexe les entraînent dans un cycle d'aggravation des problèmes juridiques qu'elles éprouvent, comme l'interdiction de territoire pour criminalité dans le système d'immigration, l'augmentation des obstacles au logement et à l'emploi et l'escalade des accusations criminelles exacerbée par les contacts constants et violents avec la police. L'amélioration de la formation policière ou de l'accès à des ressources juridiques ne réglerait pas les problèmes de ces femmes, car c'est la loi elle-même qui les cause. C'est la loi qui donne à la police le pouvoir d'entrer dans leurs maisons et leurs lieux de travail.
    Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a déployé de nombreux efforts pour accroître la protection des transgenres, mais ces droits et protections sont totalement inaccessibles pour les personnes pauvres et les transgenres marginalisées avec qui je travaille et le demeureront jusqu'à ce que la loi soit abrogée et que le travail du sexe soit décriminalisé au Canada.
    Merci.

  (1420)  

     Merci.
    Pour notre première série de questions, je donne la parole à M. Morrison, pour six minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier les trois participantes de cet après-midi. Nous avons besoin de votre expertise pour aller de l'avant.
    Ma question s'adresse à vous, madame Baptie.
    J'ai travaillé un peu au centre-ville de Vancouver. J'ai une assez grande expérience de l'application de la loi. Je sais que vous avez dit que vous avez commencé la prostitution à 13 ans. Nous avons reçu une agente de la police d'Ottawa mardi. Sa véritable préoccupation concernait l'âge des filles qui sont maintenant ciblées pour le travail du sexe ou la prostitution. C'est presque incroyable: on parle d'enfants de 11 ans ou de 10 ans.
    Pouvez-vous nous parler de votre expérience, au centre-ville de Vancouver à tout le moins, et de ce qui se passe en Colombie-Britannique?
    Je ne pense pas que cela se limite au centre-ville de Vancouver. Ce sont les médias sociaux qui sont le problème dans une large mesure. Les prédateurs ont maintenant des façons d'avoir accès à des personnes de plus en plus jeunes au moyen d'applications et de différents sites Web. Il y a beaucoup de jeunes filles qui sont aux prises avec de très gros problèmes, et ces prédateurs le savent et ils s'en prennent à elles. Leur démarche est tout à fait intentionnelle.
    J'ai travaillé avec une jeune de 16 ans qui vivait dans une maison en rangée de Kits, dont le loyer était de 2 500 $ par mois. Comment pouvait-elle se permettre cela? Nous ne le savons pas.
    Oui, les personnes sont de plus en plus jeunes. Oui, cela fait de plus en plus peur, et c'est pourquoi nous devons nous concentrer sur le problème, c'est-à-dire la demande. Si les hommes n'exigeaient pas que les filles soient de plus en plus jeunes, celles-ci pourraient vivre en paix.
    Nous devons aussi parler de ce qui arrive aux femmes et aux filles lorsqu'elles quittent cette vie. Quel traumatisme vivent-elles après avoir fui la violence, le viol; dans quelles situations se retrouvent-elles?
    J'avais 13 ans. C'était assez courant pour les jeunes de cet âge à l'époque. Je vivais dans un foyer de groupe. La plupart de mes amies étaient autochtones — donc racisées. Mais ce problème n'est pas rare. C'est vraiment ce que nous devons faire. Ce problème n'est pas rare, et le cœur du problème, ce sont les exigences des hommes.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais revenir sur votre expérience, surtout au cours des cinq ou six dernières années. À votre avis, que pourrions-nous faire, à l'avenir, pour vraiment avoir un impact, et surtout pour aider nos jeunes avant qu'ils ne s'incrustent dans cette vie criminelle, au sein du crime organisé et dans les activités de gang, par exemple? Quelle est votre impression? Que nous suggéreriez-vous de faire parmi toutes les options qui s'offrent à nous pour avoir un impact vraiment positif?

  (1425)  

    Nous devons investir beaucoup plus dans la santé mentale des jeunes, et je vais vous donner un exemple rapide de cela.
    Je suis allé en Suède pour voir comment la loi avait une incidence sur les femmes et les collectivités là-bas. Je suis allée dans une école secondaire, parce que je voulais savoir comment la loi, qui est appliquée depuis huit ou neuf ans, influait sur la perception que les jeunes ont d'eux-mêmes. J'étais dans une école secondaire avec des jeunes de 15, 16 et 17 ans qui parlaient tous de la prostitution comme d'un sévice infligé à soi-même. Ils disaient qu'ils signaleraient leurs amis s'ils apprenaient qu'ils s'adonnent à cela, parce que c'est une pratique nocive, qui n'est pas bonne pour eux ni pour la société.
    Ensuite, je leur ai dit, d'accord, c'est très bien, nous comprenons que la prostitution est une forme de préjudice pour l'ensemble de la société, mais qu'en est-il de la pornographie? Qu'en pensez-vous?
    Ils m'ont regardé et, en tant que Nord-Américaine, je suis restée médusée pendant une minute ou deux, après qu'ils m'aient dit qu'ils ne sortiraient jamais avec quelqu'un s'étant adonné à la prostitution, parce que ce n'est pas ce qu'ils veulent pour eux-mêmes. C'est ce niveau de conscience de soi et d'estime de soi que je veux pour nos filles ici. Je veux que nos filles disent qu'elles ne s'adonneront jamais à cela, parce qu'elles valent mieux que cela.
     J'ai une dernière question. Nous avons entendu beaucoup de commentaires sur l'application de la loi et les services de police. Je me demande simplement quelle est votre relation avec la police de Vancouver ou, je suppose, celle de la région métropolitaine de Vancouver. Travaillez-vous avec eux? Trouvez-vous que les agents de liaison collaborent avec vous pour vous aider?
    Nous avons des interactions avec les agents de liaison par l'entremise de différentes coalitions, etc. La police de Vancouver est très claire. Elle n'est pas intéressée à appliquer cette loi. Ses représentants ont dit très clairement qu'ils ne cibleront pas ce problème. C'est un peu le Far West ici, mais oui, nous avons des contacts avec les agents de liaison. Ils semblent comprendre ce qui se passe et la raison d'être de la loi peut-être plus que d'autres agents.
    D'accord.
    Je tiens à vous remercier du courage dont vous avez fait preuve en comparaissant devant notre comité pour nous faire part de votre expérience. Cela va réellement nous aider.
    Merci beaucoup.
    Merci de nous avoir invitées.
    Merci, monsieur Morrison.
    Nous passons maintenant à Mme Diab.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup à vous trois d'être venues aujourd'hui. Comme vous le savez, notre travail en tant que parlementaires n'est pas facile, mais dans ce groupe, nous nous penchons précisément sur une loi qui a été adoptée et qui est maintenant soumise à un examen.
    Il y a déjà eu beaucoup de discussions, et nous n'avons commencé à parler de cela que la semaine dernière. Nous aurons un certain nombre de séances au cours desquelles nous entendrons les points de vue et les opinions de différentes personnes, organisations, etc. On nous parle beaucoup des femmes et des filles qui se trouvent dans différentes régions de notre pays — des Autochtones, des Noires, des personnes racisées, des jeunes de 13 ans, des mineures. Nous parlons du travail du sexe. Nous parlons d'exploitation. Nous parlons de traite de personnes. Je reconnais que ces situations sont toutes différentes. Nous avons des lois pour certaines de ces choses. Je le souhaite en tout cas. Quant à savoir si ces lois sont appliquées uniformément dans tout le pays, c'est une autre question. Aujourd'hui, cependant, nous examinons cette loi particulière qui traite des problèmes qui se posent dans ce domaine.
     Sandra — si vous n'avez pas d'objection à ce que je vous appelle Sandra —, pouvez-vous me donner votre point de vue, s'il vous plaît, au sujet des dispositions législatives dont nous sommes saisis? Que feriez-vous pour les améliorer?
    Oui. Je vous remercie de la question.
    Permettez-moi de vous citer la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Bedford. C'est une affaire dans laquelle nous sommes intervenus il y a près de 10 ans. La Cour suprême a déclaré à l'époque qu'une disposition qui empêche les travailleuses et travailleurs du sexe de prendre des mesures de sécurité de base est « une disposition qui a perdu de vue son objectif ». Je pense que c'est ce qui arrive avec la LPCPVE. Vous avez entendu parler des recherches que j'ai menées. Vous avez entendu d'autres chercheurs. Depuis l'adoption de la LPCPVE, de nombreuses données montrent que la loi empêche absolument les travailleuses et travailleurs du sexe de prendre des mesures de sécurité très élémentaires, ce qui a eu une incidence sur leur sécurité et a alimenté l'exploitation.
    Il est absurde de confondre travail du sexe et traite des personnes. Que veut dire exploitation quand tout est confondu? Des travailleuses et des travailleurs du sexe me disent qu'ils sont souvent en mesure de repérer les situations d'abus ou d'exploitation au sein de leur industrie, mais quand leurs clients, leurs pairs et souteneurs sont criminalisés, ces gens-là ne s'adressent pas à la police. Vous connaissez les statistiques du nombre de déclarations. C'est épouvantable de voir que si peu de travailleuses du sexe — surtout les travailleuses du sexe autochtones et racialisées, et les travailleuses du sexe migrantes — s'adressent à la police, quelles que soient les circonstances, même dans les situations les plus violentes qui soient, parce que les gens les exploitent impunément. Elles ne s'adressent pas à la police.
    Je pense que la seule solution serait d'abroger entièrement la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation.

  (1430)  

    Daphne — si vous me permettez de vous appeler Daphne —, vous servez une clientèle unique. Vous avez parlé des nouveaux arrivants. Je suis de tout coeur avec tous les nouveaux arrivants, mais surtout ceux-là. Vous avez raison de dire qu'ils sont venus au Canada pour une vie meilleure.
    D'après votre expérience et le travail que vous faites au sein de votre organisation, qui est probablement la seule au Canada à faire cela, pourriez-vous nous dire s'il s'agit d'un phénomène qui se limite à Montréal, au Québec? S'étend-t-il à l'échelle du pays?
    J'aimerais avoir un peu plus de rétroaction de votre part, s'il vous plaît. Que pouvons-nous faire avec cette loi?
     Ce n'est certainement pas un problème propre à Montréal. Je peux parler pour l'ensemble du Québec, à tout le moins. Nous finissons par travailler avec des gens et des nouveaux arrivants au pays qui sont répartis dans tout le Québec.
    Comme je l'ai indiqué en ouverture, ces dernières années, ce phénomène est devenu de moins en moins exclusivement urbain parce que beaucoup de travailleuses et de travailleurs du sexe trans craignent d'être constamment surveillés par la police, ce qui a poussé bon nombre des personnes avec qui je travaille à ASTTeQ à se tourner vers les banlieues ou les régions exurbaines où il y a moins de soutiens communautaires. Quand je dis « moins de soutiens communautaires », je veux parler du soutien des communautés trans et du soutien communautaire pour les migrants et les gens de leurs communautés culturelles. Ce genre d'isolement a vraiment contribué à la violence et au danger vécu au travail. Il est devenu très difficile pour les nouveaux arrivants au Canada de réaliser les rêves qu'ils avaient au moment de leur arrivée ici pour vivre en toute sécurité conformément à leur identité de genre.
    Pour bon nombre d'entre eux, c'est tout un choc parce qu'on leur a dit, on leur a promis qu'en leur qualité de demandeurs d'asile, de réfugiés, etc., le Canada était un endroit où les personnes transgenres peuvent vivre sans craindre constamment la violence. Ils viennent alors au Canada et ont des conditions de travail extrêmement dangereuses. Ils n'ont aucun recours juridique contre la violence dont ils pourraient être victimes au travail. Ils font l'objet d'une surveillance policière constante et la police en fait le profilage comme transgenres, comme migrants et les menace constamment de poursuites criminelles qui pourraient annuler leur statut d'immigrant et les renvoyer dans les pays qu'ils ont dû fuir.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à Mme Michaud, du Bloc, pour six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence et de leurs témoignages.
    Madame Ka Hon Chu, vous avez parlé de l'arrêt Bedford et du contexte dans lequel la Loi a été mise en vigueur. Depuis ce temps, des tribunaux de première instance ont établi que certaines parties de la Loi étaient inconstitutionnelles et qu'elles rendaient plus difficiles et moins sécuritaires les conditions dans lesquelles se trouvaient les travailleuses du sexe. Vous avez dit que, finalement, cela n'avait pas changé grand-chose, parce que les femmes continuaient de travailler. Cela n'a pas changé leur réalité. En fait, cela leur a nui dans la façon dont elles pouvaient faire leur travail.
    Vous avez commencé à répondre à la question plus tôt, mais j'aimerais vous entendre nous en dire davantage.
    Que devons-nous faire de cette loi, que nous révisons aujourd'hui? Devrions-nous tout effacer et recommencer à zéro, ou plutôt en modifier certaines parties? Y a-t-il certaines dispositions qui sont meilleures que d'autres et qui ont leur raison d'être? Devons-nous décriminaliser le travail du sexe complètement?
    Bref, quelles seraient les solutions, selon vous?
    C'est un débat qui divise la population en général. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.

  (1435)  

[Traduction]

    Comme vous le savez, la décision de la Cour suprême du Canada a invalidé trois dispositions, soit le proxénétisme, les maisons de débauche et la communication.
    La LPCPVE rétablit ces mêmes dispositions, en ajoutant l'interdiction d'acheter et l'interdiction de faire de la publicité. Rien n'a changé. Les préjudices que la Cour suprême du Canada a constatés il y a près d'une décennie sont toujours présents, comme vous l'ont dit les chercheurs. Cela signifie que la loi actuelle est encore inconstitutionnelle; elle ne résistera pas à un examen fondé sur la Charte. Les mêmes préjudices se produisent, et des tonnes de recherches le prouvent.
    Même s'il y a un nouvel objectif législatif selon lequel on peut éliminer et décourager le travail du sexe pour promouvoir le signalement, vous avez entendu dans mon exposé que cela ne répond à aucun de ces objectifs législatifs. Il n'y a même pas de lien rationnel avec l'idée du féminisme et de l'égalité des sexes lorsqu'on se rend compte qu'on met les travailleuses et travailleurs du sexe en danger et qu'on les prive de leur identité en les stigmatisant.
    Dans le dernier exposé, Mme Chevrier a dit vouloir rendre le travail du sexe tellement dangereux que les travailleuses et travailleurs du sexe quitteraient tout simplement l'industrie. Ce n'est pas un modèle féministe et il ne peut résister à un examen fondé sur la Charte.
    Je dirais qu'il faut abroger complètement la LPCPVE. Il n'y a rien là-dedans qui soit... La loi est irrémédiable.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'aimerais aussi entendre Mme Barile nous dire ce que nous devrions faire de cette loi.

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord avec ce que Sandra vient de dire. Je pense que, tant que cette loi ne sera pas abrogée, les gens avec qui je travaille à ASTTeQ ne seront pas en sécurité. Ils ne pourront pas travailler en toute sécurité. Cela veut dire la décriminalisation du travail du sexe, parce que c'est la menace de la criminalisation avec laquelle ils vivent chaque jour qui les mène dans des conditions de travail dangereuses. Il y a aussi les problèmes juridiques réels qui découlent de la présence constante des policiers dans leur vie, et ils persisteront tant que la LPCPVE existera.
    Auand la LPCPVE sera annulée, nous serons en mesure de voir des conditions de travail éventuellement plus sécuritaires pour les travailleuses et travailleurs du sexe au Québec.

[Français]

    Je comprends donc qu'il n'y a pas vraiment de changement législatif possible pour améliorer la situation.
    Pensez-vous qu'il existe d'autres solutions pour venir en aide aux femmes et s'assurer qu'elles sont davantage en sécurité quand elles travaillent?
    Vous travaillez avec des organismes qui apportent de l'aide à ces femmes, à ces filles et à ces gens qui pratiquent le métier en général ou qui en font leur profession. Quel genre de solution pourriez-vous apporter pour assurer davantage leur sécurité?
    J'aimerais entendre les commentaires de Mme Barile.

[Traduction]

    Eh bien, je pense que ces ressources existent déjà, et il y a des soutiens et des organismes communautaires. Il est certain que, dans les communautés transgenres du Canada, ce sont les travailleuses et travailleurs du sexe trans qui s'adressent à des organisations communautaires comme ASTTeQ, parce qu'ils croient que nous comprenons les réalités qu'ils vivent au travail. Ils comptent sur des organisations comme la nôtre pour les aider à résoudre les problèmes qu'ils nous présentent. S'ils viennent nous voir pour nous dire qu'ils vivent des conditions dangereuses au travail, nous les dirigeons vers les ressources dont ils ont besoin ou nous les aidons à fournir des renseignements juridiques qui pourraient les aider à résoudre ces situations à leurs propres conditions.
    Je pense que la véritable solution aux problèmes de conditions non sécuritaires dans l'industrie du sexe, ce sont les soutiens communautaires pour les travailleuses et travailleurs du sexe. Je pense que c'est l'un des aspects les plus dommageables de la LPCPVE: elle empêche les travailleuses et travailleurs du sexe de travailler ensemble, d'échanger des renseignements sur la façon de travailler en toute sécurité, d'établir des mesures de sécurité les uns pour les autres et de veiller les uns sur les autres. Dans la communauté transgenre, cela a toujours été très important pour assurer la sécurité des travailleuses et travailleurs du sexe transgenres. C'est la capacité de travailler ensemble, et la LPCPVE l'interdit expressément.

  (1440)  

    Merci. Je suis désolé, mais je vais devoir donner la parole au prochain intervenant.
    Monsieur Garrison, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je tiens à remercier les trois témoins d'être venus aujourd'hui, et en particulier Mme Baptie, d'avoir raconté son histoire personnelle au Comité. Je sais que ce n'est jamais facile.
    J'aimerais commencer par Mme Ka Hon Chu.
     Je pense qu'elle a soulevé une question très importante au sujet de la constitutionnalité de cette loi. À mon avis, c'est lié au fait que les gens ont tendance à dire que la vente de services sexuels n'est pas criminalisée au Canada, et Mme Ka Hon Chu a donné des exemples qui démontrent que ce n'est tout simplement pas vrai. Je me demande si elle pourrait nous en dire davantage à ce sujet.
    Absolument. Nous savons que le paragraphe 213(1.1) est une nouvelle disposition qui a été introduite en vertu de la LPCPVE qui criminalise la communication publique dans les endroits où il y a des enfants — terrain d'école, garderie et terrain de jeu. Il y a aussi l'article 213 qui n'a pas été invalidé par l'arrêt Bedford, qui porte sur l'interférence à la circulation à des fins de prostitution. De toute évidence, les travailleuses et travailleurs du sexe vivent dans la peur de la criminalité quand leurs pairs, leurs souteneurs et leur milieu de travail sont criminalisés. Cela a une incidence sur leur capacité de faire des signalements.
    Dans bien des cas, les travailleuses et travailleurs du sexe sont des tierces parties. Daphne a parlé de travailler dans des collectifs et de travailler avec d'autres personnes qui offrent soutien et entraide, et ils sont pris dans ce filet de criminalité. Dans le cadre de mes recherches, nous avons parlé à des travailleuses et travailleurs du sexe qui ont été accusés d'infractions commises par des tierces parties — l'avantage matériel, la publicité ou le proxénétisme — parce qu'ils offraient ce service à un autre travailleur et travailleuse du sexe. Ils continuent absolument d'être criminalisés en vertu des nouvelles dispositions.
     Je connais le travail que votre organisation a fait dans la lutte contre le VIH. J'aimerais vous donner l'occasion de faire le lien — que beaucoup de gens ici n'ont pas fait, je crois — quant à l'incidence négative du projet de loi sur la lutte contre le VIH.
    Merci, Randall, de cette question.
    Si la communication relative à l'achat de services sexuels est criminalisée, les gens ne sont pas en mesure de négocier les modalités de la transaction de façon claire et concise de manière à dire ce qu'ils sont prêts à faire et quelles sont les pratiques sexuelles sécuritaires à prendre. Cela nuit à la communication et à la capacité de négocier des pratiques sexuelles sécuritaires.
    Les travailleuses et travailleurs du sexe qui travaillent dans des lieux de travail gérés nous disent aussi qu'ils n'ont pas de préservatifs et d'autres dispositifs sexuels sécuritaires sur place parce que, si ces objets sont découverts, c'est que la personne est une travailleuse du sexe. C'est criminel. Beaucoup de pratiques sexuelles sûres, comme l'usage de préservatifs, ne sont pas préconisées comme elles le devraient à cause de ce niveau de secret et de dissimulation.
    Je voulais aussi vous faire part d'une statistique. Des recherches ont été effectuées il y a quelques années sur les régimes qui criminalisent le travail du sexe par opposition à la décriminalisation. Ces recherches ont révélé que la décriminalisation du travail du sexe a réduit de 33 à 46 % les nouvelles transmissions du VIH dans les 10 années qui ont suivi. C'est énorme. Tout se ramène à la capacité de négocier, de communiquer et d'avoir un milieu de travail ouvert où l'on fait la promotion de la santé et de la sécurité au travail.
    Si vous me le permettez, Randall, j'aimerais ajouter quelque chose.
    Quand vous décriminalisez, vous donnez aussi aux travailleurs et aux travailleuses du sexe accès à des normes de santé et sécurité au travail, à des lois sur l'emploi et à tout ce que vivent les autres secteurs décriminalisés. Tout cela favorise la santé et la sécurité au travail.
    J'aimerais donner à Mme Barile l'occasion de répondre à la même question au sujet des répercussions de cette loi sur les travailleuses et travailleurs du sexe trans et le VIH.

  (1445)  

    C'est une excellente question. Merci beaucoup, M. Garison.
    Comme vous le savez sans doute, il existe actuellement au Canada des lois pénales concernant la transmission du VIH. Cette situation, conjuguée à la criminalisation du travail du sexe, crée de nombreuses complications pour les personnes qui sont surveillées par la police parce qu'elles sont connues en tant que travailleuses du sexe ou soupçonnées de l'être.
    Dans l'étude que j'ai mentionnée et qui a été commandée par le ministère de la Justice, on peut lire un cas dont j'aimerais vous parler. L'une des participantes à l'étude a été agressée dans le cadre de sa vie de travailleuse du sexe. Elle a signalé l'agression à la police et, dans le cadre du processus de signalement, elle a divulgué qu'elle était porteuse du VIH. La police a ensuite révélé à son agresseur qu'elle était porteuse du VIH. Elle s'est retrouvée avec des accusations criminelles pour transmission du VIH alors qu'elle signalait à la police qu'elle avait été agressée sexuellement.
    C'est exactement le genre de problème qui empêche les travailleuses et travailleurs du sexe d'avoir accès à toute forme de sécurité de la part de la police. Tout cela découle de la façon dont les travailleuses et travailleurs du sexe sont traités par les policiers chaque fois qu'ils communiquent avec eux. Cela crée un climat de peur. Cela mène à un climat dans lequel les travailleuses et travailleurs du sexe sont moins susceptibles de se soumettre à un test de dépistage du VIH parce qu'ils craignent que, s'ils sont exposés au VIH ou s'ils ont des preuves qu'ils sont séropositifs, ce sera utilisé contre eux par la police par la suite.
    Tout cela devient extrêmement compliqué dans un contexte où les travailleuses et travailleurs du sexe sont constamment surveillés par la police. Cela les décourage d'obtenir les services de santé dont ils ont besoin. Cela les empêche aussi d'avoir accès à des documents sur les pratiques sexuelles à risques réduits.
    Comme mon temps est écoulé, permettez-moi de vous remercier du travail important que vous et votre organisation faites dans la collectivité. Je suis très heureux d'apprendre l'existence de votre organisation et j'ai hâte de travailler avec vous à l'avenir.
    Merci, monsieur Garrison.
    Nous passons maintenant à M. Lawrence, pour cinq minutes.
    Merci à tous les témoins.
    Je dirai tout d'abord que tout le monde devrait se sentir valorisé, aimé et en sécurité. S'il y a quelqu'un, particulièrement dans ma circonscription, mais partout au Canada, qui estime qu'il ne peut pas s'adresser à la police et qu'il se trouve dans une position non sécuritaire, je prendrai personnellement son appel et je ferai tout en mon pouvoir pour l'aider. Que celui ou celle qui, dans ma circonscription, se sent en danger et ne peut pas s'adresser à la police, n'hésite pas à prendre le téléphone et je serai heureux de l'aider.
    Cela dit, ma question s'adresse à Mme Baptie.
    Tout d'abord, merci beaucoup de votre témoignage et de nous avoir raconté votre histoire. Nous vous en sommes reconnaissants. Je sais qu'il faut de la force pour raconter votre histoire et livrer ce témoignage.
    Vous avez dit souhaiter que ce projet de loi prenne racine ou soit pleinement mis en œuvre. Selon vous, comment pourrions-nous y parvenir? Que pourrait faire la police pour aider à cet égard? Que pourraient faire les représentants du gouvernement pour rendre cette mesure législative plus efficace?
    Je vais parler encore une fois du temps que j'ai passé en Suède, parce que ce pays avait adopté la loi. Ce qui s'est fait là-bas, et c'est tout à fait faisable ici, c'est d'éduquer la police et les procureurs de la Couronne au sujet non seulement de la loi, mais aussi de l'intention de la loi qui consiste à créer un Canada plus sécuritaire et d'éradiquer la prostitution parce que nous ne la considérons pas comme un commerce juste et équitable. Nous ne voulons pas que cela se poursuive dans notre société.
    Nous devons éduquer tout le monde, des policiers aux procureurs de la Couronne. Nous pouvons le faire de plusieurs façons. Nous avons des policiers municipaux, nous avons la GRC. Il peut s'agir tout simplement d'envoyer une directive dont ces agents pourront ensuite parler, ou il peut s'agir d'un groupe de travail itinérant qui se rend dans tous les districts et qui fait de l'éducation. Le Canada est un très grand pays par rapport à la Suède, alors nous devrons peut-être faire preuve d'un peu de créativité à cet égard, mais je ne pense pas que ce soit impossible.
    Dans notre monde, tout se fait sur Zoom. Rien ne justifie que nous ne puissions pas avoir des appels Zoom avec plusieurs agents de police pour les informer, les éduquer. Ensuite, ces agents vont parler à leurs collègues et à ceux qui relèvent d'eux.
    Il y a une autre chose qui s'est fait. Les Suédois ont non seulement fait de l'éducation policière, mais ils ont aussi fait de l'éducation sociale sur des panneaux d'affichage, sur les autobus... partout! Ils ont expliqué pourquoi ils avaient adopté ces lois et quelle était l'intention de ces lois. C'est une campagne sociale et politique qui a permis de favoriser ce changement là-bas.

  (1450)  

    Merci.
    Il y a probablement un profond désaccord au sein de notre groupe sur le pourcentage, mais je pense que tout le monde reconnaîtra que certaines femmes sont manipulées ou forcées de faire ce genre de travail.
    Pour ce pourcentage, quel qu'il soit, et nous n'avons pas besoin de tenir ce débat, y a-t-il d'autres façons de modifier le projet de loi pour mettre fin à la manipulation par des hommes — appelons un chat un chat, car ce sont surtout des hommes qui seront visés — qui ont recours à d'autres moyens et à la coercition pour amener des personnes à faire ce genre de travail contre leur volonté?
    Madame Baptie.
    Vous demandez comment nous pouvons empêcher les femmes d'être forcées de faire cela.
    Oui. Y a-t-il des amendements que nous pourrions apporter au projet de loi?
    Je pense que les modifications à la loi... éliminez l'article 213. Elles n'ont pas à faire face à des accusations pour les situations dans lesquelles elles se trouvent. Nous l'avons déjà dit dans le préambule.
    Je ne comprends pas pourquoi on pense que les femmes ne s'adressent pas à la police si elles ont subi un préjudice. Je connais des femmes qui se sont adressées à la police. Je pense que la police a peut-être besoin... La police ne s'occupe toujours pas vraiment des problèmes auxquels les femmes sont généralement confrontées, comme la violence familiale, le viol et les agressions sexuelles. Nous devons encore éduquer les policiers là-dessus. Je pense que nous devons simplement intégrer la LPCPVE à tout cela.
     Merci.
    Il ne s'agit pas de punir les femmes, mais de changer le comportement des hommes.
    Merci, madame Baptie.
    Merci, monsieur Lawrence.
    Je donne maintenant la parole à Mme Brière, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les personnes devant nous d'avoir livré des témoignages personnels. Nous savons que cela peut être plus difficile, alors nous leur en sommes très reconnaissants.
    Évidemment, le but du Comité est de protéger les travailleuses et les travailleurs de l'industrie du sexe et d'améliorer la situation.
    En janvier dernier, à Winnipeg, on a mis fin à l'octroi de licences aux agences d'escortes et aux salons de massage, entre autres. Des défenseurs des droits de la personne militaient pour l'abrogation de ces permis. Ils estimaient que ces changements étaient nécessaires pour mettre fin à l'exploitation et aux violences sexuelles. En contrepartie, des travailleuses de l'industrie s'opposaient à cette mesure, parce qu'elles craignaient des conséquences néfastes. Par exemple, elles étaient d'avis que l'abrogation des permis pourrait les pousser vers la clandestinité, ce qui faisait augmenter leurs inquiétudes quant à leur sécurité.
    Madame Baptie, j'aimerais connaître votre opinion sur ce qui s'est passé à Winnipeg.

  (1455)  

[Traduction]

    Je pense que le problème tient au fait que nous continuons d'en parler comme d'un travail, comme si c'était inévitable. Nous nous employons à y mettre fin, tout comme nous nous employons à mettre fin à la violence familiale, au viol et à toutes ces choses qui affligent les femmes et la société. Je veux m'employer à mettre fin à la prostitution, alors écoutez-moi.
    À l'époque où les permis ont été retirés, il aurait fallu mettre en œuvre ce dont les femmes ont besoin pour ne pas se retrouver dans ce genre de situations. Bon nombre de femmes avec lesquelles je travaille et avec lesquelles d'autres travaillent mènent se genre d'activités pour des raisons économiques. L'aide sociale ne suffit pas. Elles ne reçoivent pas de pension alimentaire suffisante. Elles n'obtiennent pas ce dont elles ont besoin. Nous devons examiner ce dont les femmes ont besoin pour parvenir à un point où elles n'auront pas besoin de compter sur ce travail pour assurer leur viabilité économique.
    Ma sœur et mon beau-frère possèdent un atelier de mécanique automobile, et trois portes plus loin se trouve une maison close autorisée, un salon de massage. C'est déconcertant. Nous entendons ce qui se passe à travers les murs. Nous voyons constamment des hommes entrer et sortir. Ce n'est tout simplement pas bon pour la société. Une fois que l'on met la prostitution est reléguée dans des bureaux, une fois qu'on l'enferme dans une pièce, comment savoir qui se cache derrière la porte? Que se passe-t-il derrière des portes closes? Et puis, qui a poser ces portes pour commencer? Comment savons-nous que les personnes sont en sécurité? Comment savons-nous qu'elles ne sont pas victimes de traite? Comment savez-vous si elles ont l'âge légal? Dès que nous perdons la capacité de surveiller ce qui se passe, cela devient en quelque sorte le Far West et le problème ne fait que continuer à prendre de l'ampleur et à se répandre alors que, par souci d'égalité, nous devrions nous efforcer d'y mettre fin.

[Français]

    Merci beaucoup de cette réponse, madame Baptie.
    Vous évoquez une situation de far west. Ma prochaine question, qui s'adresse à Mme Barile, porte justement là-dessus.
    Pendant la pandémie, nous avons constaté une importante augmentation de la violence. Une travailleuse de rue d'un organisme d'intervention de Lévis, au Québec, a décrit la situation des femmes de l'industrie du sexe comme un zoo. Compte tenu de la COVID‑19, des confinements et des couvre-feux, les femmes ont modifié leurs façons de faire. Peu importe les méthodes retenues, la plupart ont dû se tourner vers le travail indépendant ou le travail virtuel.
    Est-ce que vous pensez que, dans un contexte de travail autonome, ces femmes se retrouvent encore plus isolées et risquent de subir encore plus de violence?

[Traduction]

     Absolument. Je vous remercie de la question; c'est vraiment important. Au Québec, bon nombre des mesures liées à la COVID-19 ont certainement eu de graves répercussions sur la capacité des travailleuses du sexe à faire leur travail en toute sécurité. En fin de compte, ces travailleuses du sexe n'ont eu aucun moyen d'obtenir un soutien du revenu pendant cette période. En fait, même le fait de continuer à faire leur travail était dangereux, parce que le seul travail qu'elles pouvaient obtenir comportait le risque que leurs clients ou elles-mêmes soient en contact avec la police qui surveillait le respect des mesures liées à la COVID-19.
    Maintenant, si les travailleuses du sexe avaient la même...
     Merci, madame Barile. Il ne nous reste plus beaucoup de temps.
     Je vais demander rapidement le consentement du Comité pour prolonger la séance de cinq minutes. Nous dépasserons d'environ quatre minutes le temps prévu. Je pourrai ainsi accorder deux minutes et demie à Mme Michaud et à M. Garrison.
    Ai-je le consentement? Y a-t-il des objections? D'accord.
    Allez-y, madame Michaud, pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie mes collègues d'avoir donné leur consentement. Mon collègue M. Garrison et moi aurons donc un peu plus de temps pour poser des questions aux témoins.
    Pour terminer, je m'adresserai à vous, madame Baptie.
    Il y a plusieurs éléments qui expliquent une hausse de l'exploitation sexuelle, notamment la mondialisation et l'absence de réglementation à propos d'Internet. On remarque aussi une application lacunaire des lois: toutes les lois ne sont pas nécessairement bonnes, ou elles ne sont pas toujours appliquées. De plus, il y a un manque d'éducation préventive.
    Vous parlez de mettre fin à tout cela.
    Selon vous, que pouvons-nous faire, en tant que parlementaires, pour mieux prévenir l'exploitation sexuelle?

  (1500)  

[Traduction]

    Nous devons resserrer nos lois en ce qui concerne les agressions sexuelles et les viols. Nous devons cesser d'imposer le fardeau de la preuve à la victime. Nous devons assurer une plus grande confidentialité aux victimes et des choses de ce genre.
    L'une des choses les plus importantes que nous devons faire est d'avoir une conversation avec les hommes dans notre vie sur la façon dont ils traitent les femmes. Achètent-ils des services sexuels? Pourquoi pensent-ils que c'est correct? J'ai trois fils. Nous avons eu cette conversation. Cela fait partie de nos discussions à la maison. Nous devons le faire avec de plus en plus d'hommes, parce que nous sommes maintenant de plus en plus capables de cacher nos comportements derrière des écrans et d'être isolés.
    Nous devons en parler davantage. Nous avons eu le mouvement #MoiAussi. Nous avons eu Weinstein et Bill Cosby. Cela entre dans la conversation, mais il faut le faire de façon plus significative, du sommet vers le bas.
    Comme femmes, nous devons avoir l'espace nécessaire pour tenir ces conversations entre nous également.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Mon temps de parole est pratiquement écoulé, alors je vous remercie de vos témoignages.

[Traduction]

    Merci, madame Michaud.
    Monsieur Garrison, vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie mes collègues de cette brève prolongation.
    Mme Ka Hon Chu et Mme Barile ont toutes deux mentionné l'impact de ces lois sur les travailleuses et les travailleurs du sexe migrants et je leur demanderais de s'assurer d'inclure cette question dans leurs commentaires écrits, puisque nous n'avons pas le temps d'en parler aujourd'hui. Je pense que c'est très important.
    J'aimerais terminer en posant une question sur la traite à Mme Ka Hon Chu. Pouvez-vous nous parler de l'équivalence ou de la ligne de démarcation qui a été établie entre ces dispositions de la loi actuelle, qui nuisent aux travailleuses et travailleurs du sexe, et la présomption qu'elles font quelque chose au sujet de la traite des personnes?
    Oui, et je vous remercie de cette question.
    Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que, si vous qualifiez tout de violent et si vous assimilez tout travail du sexe à une forme d'exploitation, il n'y a plus de distinction entre le travail du sexe et l'abus des pratiques de travail ou la traite des personnes. pour tomber sous le coup de la loi, la personne doit craindre pour sa sécurité.
    Il est clair qu'il faut faire une distinction entre les deux concepts. Tant et aussi longtemps que le travail du sexe est criminalisé, il sera beaucoup plus difficile d'identifier les personnes qui souffrent, qui sont exploitées ou qui sont victimes de la traite des personnes. Cette confusion n'aide ni les travailleuses et travailleurs du sexe ni les personnes qui sont victimes de la traite des personnes.
    Merci beaucoup de cette réponse.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je sais que nous avons dépassé le temps alloué, alors je vais m'arrêter ici.
    Je tiens à remercier les membres du Comité d'avoir accordé ce temps supplémentaire.
    Je remercie également tous les témoins, d'autant plus que c'est un sujet très délicat. Pardonnez-moi si j'ai dû vous interrompre; je dois m'assurer que le temps est suffisant pour permettre à tous les membres de poser des questions. Merci.
    Je vais demander l'ajournement.
     Chers collègues, nous nous reverrons la semaine prochaine. Merci beaucoup et bonne fin de semaine.
    La séance est levée.
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