Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 8 avril 2022

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

     Bienvenue à la 11e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 31 mars, le Comité se réunit en vue d'étudier le projet de loi C‑5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 novembre 2021. Les membres sont présents en personne dans la salle et à distance grâce à l'application Zoom. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre témoin, le ministre de la Justice et procureur général du Canada David Lametti, qui sera présent dans la salle de comité.
    J'ajoute que je n'ai pas mes cartons aide-mémoire aujourd'hui, alors je compte sur le ministre et mes collègues pour respecter leur temps de parole. Je devrai intervenir au besoin pour vous informer que votre temps est écoulé, mais je vous demande de respecter le temps imparti. Merci.
    Je vous cède la parole, ministre Lametti.

[Français]

    C'est un honneur pour moi de me joindre à vous ce matin sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe ici, à Ottawa.
    Je suis accompagné du sous-ministre François Daigle et des experts en la matière du ministère de la Justice, soit M. Matthew Taylor, qui est dans la salle avec moi, ainsi que Mme Carole Morency et M. Andrew Di Manno, qui participent à la réunion par Zoom.
    Je salue tous les gens qui sont dans la salle ainsi que mes collègues qui sont en ligne. Je souhaite à tous la bienvenue.

[Traduction]

    Je suis heureux de témoigner devant le Comité aujourd'hui pour discuter des modifications importantes proposées dans le projet de loi C‑5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

[Français]

    Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par notre gouvernement pour lutter contre le racisme et la discrimination systémiques. Ce sont des réalités auxquelles se heurtent un trop grand nombre de personnes qui entrent en contact avec le système de justice pénale, dès les premières interactions avec la police jusqu'à la condamnation.

[Traduction]

    Le projet de loi C‑5 prévoit trois catégories de réformes. Premièrement, il abolira les peines minimales obligatoires pour toutes les infractions relatives aux drogues, quelques infractions relatives aux armes à feu et une infraction liée au tabac. Deuxièmement, il permettra un recours accru aux ordonnances de sursis, ou OS. Troisièmement, il exigera des policiers et des procureurs qu'ils envisagent d'autres mesures pour la possession simple de drogues, comme la déjudiciarisation vers des programmes de traitement de la toxicomanie.

[Français]

    Ces réformes sont attendues depuis longtemps. Les Autochtones, les Canadiens de race noire et les membres des communautés marginalisées, notamment ceux aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de dépendance, sont surreprésentés à toutes les étapes du système de justice pénale, mais surtout dans les établissements correctionnels du Canada. Cela ne peut tout simplement pas continuer ainsi.
    Lorsque nous examinons les facteurs qui accentuent ces enjeux préoccupants, il est indéniable que certaines mesures obligatoires de la détermination des peines qui réduisent le pouvoir discrétionnaire des juges ont eu une incidence disproportionnée sur les membres de ces communautés. Ces mesures, qui étaient censées réduire la criminalité en dissuadant les délinquants et en les isolant de la société, se sont avérées inefficaces, coûteuses et nuisibles.

[Traduction]

    Entre 2007 et 2017, les adultes autochtones et noirs étaient plus susceptibles que les autres Canadiens d'être admis dans un établissement fédéral pour une infraction passible d'une peine minimale obligatoire, ou PMO. Le nombre d'admission des adultes autochtones et noirs dans un établissement fédéral pour infraction passible d'une PMO a presque doublé durant cette période. Par exemple, en 2016‑2017, les Canadiens noirs comptaient pour 43 % des personnes admises pour avoir exporté ou importé de la drogue alors que les Autochtones constituaient 40 % des adultes admis pour une infraction liée à une arme à feu.

[Français]

    Les réformes que nous proposons en matière de détermination de la peine s'alignent sur les recommandations faites par les intervenants impliqués dans la justice sociale et la justice pénale depuis de nombreuses années.

[Traduction]

    En effet, la Commission de vérité et réconciliation a constaté le problème de la surreprésentation des Autochtones dans les établissements correctionnels et a demandé à ce qu'elle soit éliminée au cours de la prochaine décennie. L'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a aussi demandé au gouvernement d'évaluer les répercussions des PMO sur l'incarcération excessive des femmes, des filles et des personnes 2SLGBTQQIA autochtones et de prendre les mesures qui s'imposent pour remédier au problème. Le Caucus des parlementaires noirs a également appelé à l'élimination des PMO.

[Français]

    Le gouvernement est à l'écoute et il prend des mesures appropriées. Ce projet de loi abroge certaines peines minimales obligatoires, ou PMO, mais pas toutes. Nous proposons de mettre l'accent sur l'abrogation des PMO qui ont eu l'incidence la plus marquante sur les communautés en question, tout en garantissant que les tribunaux puissent continuer à infliger des peines sévères pour les infractions violentes et graves.
    Permettez-moi d'être clair sur ce dernier point: ces réformes n'auront pas de conséquences négatives sur la sécurité publique et elles ne signalent pas aux tribunaux que les infractions visées ne sont pas graves.
    Les PMO sont maintenues pour des infractions graves telles que le meurtre, l'agression sexuelle, toutes les infractions sexuelles contre des enfants et pour certaines infractions impliquant des armes à feu à autorisation restreinte ou prohibées ou lorsque l'infraction publique implique une arme à feu et est liée au crime organisé.
    En ce qui concerne la deuxième catégorie de réformes, le projet de loi C‑5 augmente le recours aux peines d'emprisonnement avec sursis, aussi appelées ordonnances de sursis, ou OS.

  (1310)  

[Traduction]

    Une OS correspond à une peine d'emprisonnement de moins de deux ans purgée dans la collectivité et assujettie à des conditions strictes comme un couvre-feu, une détention à domicile, un traitement ou des restrictions sur la possession, la propriété ou le port d'une arme. Les OS accroîtront l'accessibilité à des solutions de rechange à l'incarcération pour les délinquants à faible risque tout en servant les objectifs de dissuasion et de dénonciation que vise la détermination de la peine.
    La preuve est claire. Pour diminuer la criminalité ultérieure, il s'avère plus efficace de permettre aux délinquants qui ne représentent pas un risque pour la sécurité publique de purger leur peine dans la collectivité tout en respectant des conditions strictes. Les délinquants peuvent ainsi conserver leur emploi et leurs liens avec leur famille et leur communauté. Les mesures proposées redonnent aux juges une plus grande souplesse dans la détermination de la peine pour qu'ils puissent aider les gens et non pas seulement les jeter en prison. Par exemple, un juge peut imposer une OS à un délinquant qui purgera sa peine à domicile, où il recevra des services de soutien appropriés en matière de santé mentale et de réhabilitation.
    Les mesures proposées permettront aux collectivités d'assumer la responsabilité de la réhabilitation de leurs membres par l'entremise d'un programme de justice communautaire que nous finançons. Selon les experts dans le domaine, c'est la meilleure façon de faire avancer une communauté, de faire avancer la société et d'aider tout le monde, y compris les victimes, à guérir tout en assurant la sécurité publique. Voilà ce que font les OS.
    Les réformes prévues dans le projet de loi C‑5 aboliront de nombreuses restrictions relatives à l'admissibilité aux OS, mais pas toutes. Les OS pourront s'appliquer uniquement aux peines de moins de deux ans pour les délinquants qui ne représentent pas un risque pour la sécurité publique. Je tiens à souligner ce point, car je crois qu'il y a un malentendu et qu'on croit à tort que tous les délinquants pourront se prévaloir d'une OS. Je répète: les OS seront possibles uniquement dans les cas où la sécurité publique n'est pas menacée.
    Il ne sera pas possible de recourir aux OS pour certaines infractions, notamment l'encouragement au génocide, la torture et la tentative de meurtre, ainsi que pour les infractions de terrorisme et d'organisation criminelle lorsqu'elles sont poursuivies par voie de mise en accusation, ce qui les rend passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans ou plus.
    Enfin, même s'il est important de prendre des mesures sentencielles qui visent à réduire les récidives et la surreprésentation, il est tout aussi essentiel de garantir des voies de sortie adéquates aux premières étapes du processus de justice pénale. C'est particulièrement vrai pour les comportements qu'il vaudrait mieux traiter comme un problème de santé.
    À cette fin, le projet de loi C‑5 exigera des policiers et des procureurs qu'ils envisagent d'autres solutions que la mise en accusation ou l'engagement de poursuites dans les cas de possession simple de drogues. Il pourrait s'agir de ne prendre aucune mesure, de donner un avertissement ou, avec le consentement de la personne, de la renvoyer à un programme de traitement de la toxicomanie. Ces mesures sont conformes à l'approche du gouvernement centrée sur la santé publique à l'égard de la consommation de substances et de l'épidémie d'opioïdes au Canada.
    La politique actuelle de justice pénale est inefficace et ne cause pas uniquement des dommages au Canada. J'étais à Washington le mois dernier, où je me suis entretenu avec un certain nombre de groupes bipartisans et de groupes de réflexion qui travaillent à réformer le droit pénal. Ils sont tous d'avis que les peines d'emprisonnement ne fonctionnent pas. De nombreux États, tant démocrates que républicains, ont abandonné les PMO parce qu'elles ne fonctionnement tout simplement pas. Les réformes que nous proposons sont celles que ces groupes préconisent, soit l'abolition des PMO, une souplesse accrue dans le processus de détermination de la peine et la déjudiciarisation des délinquants pour les tenir initialement à l'écart du système de justice pénale. Ces solutions permettront de régler les problèmes auxquels nous faisons face.
    Outre les réformes proposées dans le projet de loi C‑5, le gouvernement demeure résolu à collaborer avec les provinces et les territoires, ainsi qu'avec les leaders des communautés noires, autochtones et marginalisées, afin d'éliminer la surreprésentation des membres de ces communautés dans le système de justice pénale.
    Ce que nous voulons, c'est assurer la sécurité des communautés. Ces réformes nous aideront à y parvenir.
    Je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.
    Merci.
    Je vous remercie, ministre Lametti. Nous vous sommes très reconnaissants d'être ici aujourd'hui.
    Chers collègues, j'utiliserai une chemise verte pour indiquer qu'il vous reste 30 secondes. Cela m'évitera de vous interrompre alors que vous posez des questions. Ainsi, je vous accorderai gracieusement ces 30 secondes pour que vous puissiez terminer.
    Le premier tour de questions commence avec M. Moore, qui dispose de six minutes.

  (1315)  

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci d'être ici, monsieur le ministre. Je suis heureux de vous revoir, à distance, ainsi que les fonctionnaires qui vous accompagnent.
    Monsieur le ministre, je sais qu'il nous arrive, vous et moi, de nous entendre de temps à autre. Ce ne sera pas le cas avec le projet de loi C‑5. Lors de nos consultations approfondies, nous avons entendu des témoins et des collectivités, tant rurales qu'urbaines, ainsi que divers groupes de victimes, et je peux vous dire que le projet de loi à l'étude ne pourrait être plus complètement déconnecté de la réalité canadienne actuelle.
    L'abolition de peines minimales obligatoires pour des crimes graves commis avec une arme à feu, la détention à domicile pour des délits graves contre la personne, l'élimination des peines minimales pour des infractions graves à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, notamment pour la possession, le trafic, la production et la distribution qui sévissent dans nos collectivités... Bien franchement, ce projet de loi est tout à fait contraire à ce que souhaitent ceux qui veulent des rues et des collectivités plus sûres, et il s'agit d'un affront aux victimes.
    J'ai entendu dans votre déclaration liminaire que vous maintenez la peine minimale obligatoire pour le meurtre. Cela est très encourageant et je suis sûr que les Canadiens en seront soulagés. Je suppose que cela place la barre bien bas, monsieur le ministre. Nous souhaitons nous assurer que notre système de justice est équilibré, qu'il protège les droits des victimes et qu'il assure la sécurité des collectivités.
    Je passe directement aux questions.
    Selon Statistique Canada, le taux de victimisation avec violence chez les femmes était près du double de celui observé chez les hommes en 2019. Nous savons que cela découle en partie du fait que, selon les recherches de Statistique Canada, les femmes étaient cinq fois plus susceptibles que les hommes d’être victimes d’agression sexuelle. Lorsque vous avez comparu devant le Comité le 10 mars 2020, vous avez déclaré que « malgré la robustesse de notre cadre juridique en la matière, on constate encore des taux extrêmement bas de signalements, d'inculpations et de condamnations dans les cas d'agression sexuelle ».
    Or, monsieur le ministre, le projet de loi C‑5 que vous proposez éliminerait les peines d'emprisonnement obligatoires pour les agressions sexuelles armées, accompagnées de menaces ou infligeant des lésions corporelles ainsi que pour les agressions sexuelles visées à l'article 271. Les délinquants ayant commis ces crimes pourraient donc purger leur peine dans leur collectivité.
    Avez-vous consulté les victimes d'agressions sexuelles avant de prendre la décision de laisser les agresseurs purger leur peine à domicile?
    Je remercie le député de sa question. Merci, Rob, si je puis me permettre.
    Oui, nous serons fortement en désaccord sur cette question. À mon avis, l'affront est plutôt de maintenir une politique de durcissement des peines qui a échoué lamentablement au Canada. Une politique qui a lamentablement échoué aux États‑Unis. Ainsi qu'au Royaume‑Uni. Elle est abandonnée partout. Ce serait un affront de poursuivre dans cette voie sans tenir compte des données probantes ni évaluer l'incidence des peines minimales obligatoires et de l'absence d'ordonnances de sursis sur le système.
    Voilà ce que nous tentons de faire. Je ne sais pas où vous...
    Je vous remercie, monsieur le ministre. Je n'ai pas beaucoup de temps. Je vous demande si vous avez consulté les victimes d'agression sexuelle.
    Je ne sais pas d'où vous tenez l'information que les peines minimales obligatoires ont été éliminées pour les agressions sexuelles. C'est tout simplement erroné.
    Je voudrais rappeler deux choses. Tout d'abord, comme je l'ai dit, un juge peut se servir des ordonnances de sursis uniquement pour une peine de moins de deux ans. De toute évidence, les ordonnances de sursis ne s'appliquent pas à un cas pour lequel la peine minimale obligatoire est supérieure à deux ans. En outre, aucune ordonnance de sursis n'est permise lorsque la sécurité publique est menacée. C'est la condition sine qua non de ce que nous faisons ici.
    Les genres de situations dont vous parlez n'existent tout simplement pas. Les infractions graves seront toujours assorties d'une peine sévère. Les juges tiennent toujours compte du contexte et des circonstances, et ils se rendent jusqu'au bout du spectre des peines lorsque la situation l'exige.
    En fin de compte, nous redonnons de la souplesse au système pour les cas où une raison fondée sur le contexte impliquerait que la meilleure option pour la victime, la meilleure option pour la personne et la meilleure option pour la collectivité serait de ne pas incarcérer la personne.

  (1320)  

    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Je tiens l'information sur les agressions sexuelles...
    Excusez-moi, monsieur le président. J'entends la traduction française dans mon casque d'écoute. Je vais poursuivre...
    Je crois que la situation a été corrigée, monsieur Moore. Je pense avoir entendu la même chose que vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je tiens l'information du projet de loi C‑5 lui-même. Les infractions pour lesquelles le recours à une ordonnance de sursis est possible comprennent l'agression sexuelle armée, la menace ou le préjudice, le trafic ou l'exportation, la fraude de plus de 5 000 $, le vol, l'introduction par effraction et le vol qualifié visant une arme à feu. De telles infractions sont commises dans toutes les collectivités. Avec ce projet de loi, les contrevenants pourront bénéficier d'une ordonnance de sursis, que l'on appelle aussi « détention à domicile », plutôt que d'une peine d'emprisonnement.
    Monsieur le ministre, j'aimerais connaître la source de ces nombreuses peines minimales obligatoires qui, selon vous, correspondent à des infractions non graves. Dans le Code criminel, connaissez-vous l'origine de la peine minimale obligatoire pour l'usage d'une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction, par exemple, et pour le trafic d'armes? Savez-vous à quel moment ces peines minimales obligatoires ont été proposées?
    Veuillez répondre très brièvement, monsieur le ministre.
    Je vous remercie.
    Je crois qu'elles ont été proposées par un gouvernement libéral. Je ne suis pas certain s'il s'agissait du premier ministre Martin ou du premier ministre Chrétien, mais le fait...
    L'une d'elles a été proposée par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau en 1976 et l'autre, par le premier ministre Jean Chrétien en 1995; mon argument étant, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'infractions graves.
    Je vous remercie, monsieur Moore.
    Nous devons passer au témoin suivant.
    Monsieur Moore, l'argument est qu'il y avait une augmentation rapide...
    Monsieur le ministre, je dois vous demander de fournir votre réponse après la prochaine question. Peut-être que la députée suivante vous laissera du temps pour répondre.
    Madame Brière, vous disposez d'un temps de parole de six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je vous donne l'occasion de continuer la réponse que vous étiez en train de donner à M. Moore.
    Je vous remercie.
    Même s'il y avait certaines peines minimales obligatoires sous les régimes des premiers ministres Trudeau père, Chrétien et Martin, la grande majorité de ces peines a été introduite par le gouvernement de M. Harper, lequel a aussi supprimé l'option de recourir à des ordonnances de sursis. Il est manifeste que cela a mené à une surreprésentation parfois exagérée de certains groupes, surtout des Autochtones, dans les prisons canadiennes et à une surincarcération, un problème que nous voulons corriger.
    Cela étant dit, il faut supprimer ces peines, car elles ne fonctionnent pas. Nous avons donc choisi une vingtaine de peines minimales obligatoires dont la suppression ne met pas l'ordre et la sécurité publique en danger. Pour certaines des infractions que M. Moore a mentionnées, par exemple en lien avec une arme à feu prohibée, une arme à feu à utilisation restreinte ou l'utilisation d'une arme à feu par le crime organisé, les peines minimales obligatoires vont demeurer. Nous visons vraiment les infractions liées l'usage d'un fusil.
    Monsieur le ministre, vous nous avez parlé de votre visite à Washington. Comme vous le savez, de nombreuses organisations aux États‑Unis s'efforcent de redresser les torts causés par l'échec de décennies de politiques de justice pénale.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre visite à Washington et sur ce que vous avez appris auprès de ces organisations?
    Je vous remercie de la question.
    J'ai rencontré des experts du Brennan Center for Justice, du Sentencing Project et du Council on Criminal Justice. Ce sont des organisations bipartisanes, dont les experts dans le domaine se sont penchés sur l'étendue de la surreprésentation de certains groupes dans les prisons aux États‑Unis et sur l'efficacité de l'incarcération.
    Ils sont en train de proposer les mêmes recommandations que celles dont il est question aujourd'hui, soit la réduction ou l'élimination des peines minimales obligatoires, la flexibilité dans la détermination de la peine, comme le recours à des ordonnances de sursis, et la déjudiciarisation des cas relevant davantage d'un problème de santé.

  (1325)  

    Selon un document d'information provenant du gouvernement et portant sur le projet de loi C‑5, l'abrogation des peines minimales obligatoires s'inscrit dans le cadre de mesures qui visent à promouvoir le pouvoir discrétionnaire des juges en matière de condamnation.
    Le projet de loi ne prévoit cependant pas la suppression de toutes les peines minimales obligatoires.
    Si le pouvoir des juges à l'égard de la détermination des peines est important dans le cas de certaines infractions, est-ce à dire qu'il ne l'est pas dans d'autres cas?
    Nous voulions remédier à un problème assez particulier, soit la surreprésentation des peuples autochtones et des personnes de race noire dans le système judiciaire. Nous avons donc ciblé des infractions associées à une telle surreprésentation.
    Nous ne disons pas que d'autres mesures ne pourraient pas être évaluées, mais nous souhaitons aller de l'avant avec prudence pour vraiment nous attaquer à ce problème particulier. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi ces infractions.
    Nous avons justement parlé tantôt de surreprésentation.
    Le projet de loi C‑5 confie également un important pouvoir discrétionnaire aux policiers et aux procureurs dans les affaires criminelles.
    Comment les changements apportés par le projet de loi vont-ils prévenir la surreprésentation de certaines populations en milieu carcéral?
    Je vous donne l'exemple des personnes souffrant d'une dépendance. Nous croyons qu'il serait préférable de traiter ce type de problème comme un problème de santé. Le fait de faire subir un procès à ces personnes, de les amener devant un juge ou de les envoyer en prison n'est pas la façon la plus efficace d'améliorer leur situation, ni celle de sa communauté ou de sa famille.
    Il est possible d'envisager d'autres solutions. Nous pourrions réduire le nombre de personnes dans le système judiciaire en les dirigeant vers les ressources dont elles ont besoin, surtout en matière de santé.
    Une fois que les personnes sont prises en charge dans le système, nous pourrions aussi, au moyen d'ordonnances de sursis, déterminer des peines qui leur permettraient de rester avec leur famille, de garder leur emploi, de trouver les appuis nécessaires pour améliorer leur situation et d'en arriver à ce qu'il y ait une réconciliation avec les victimes. Les victimes sont aussi très importantes.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Nous passons maintenant à M. Fortin, qui dispose d'un temps de parole de six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre. Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
    J'ai presque envie de commencer par la même mise en garde que celle qui vous a été faite par mon collègue M. Moore. Je ne suis pas certain que nous allons nous entendre sur le projet de loi C‑5, même si, sur le fond, le Bloc québécois a toujours été historiquement en désaccord avec les peines minimales obligatoires et qu'il continue de l'être.
    Nous pensons qu'il est effectivement préférable de laisser les juges déterminer les peines applicables dans la plupart des cas, mais pas dans tous les cas. Sur la question de la décriminalisation pour l'usage de petites quantités de drogues, nous croyons qu'il s'agit davantage de problèmes de santé que de problèmes judiciaires.
    Sur le fond, nous pourrions donc peut-être nous entendre. Nous avons toutefois certaines réserves à l'égard du projet de loi C‑5 tel qu'il est libellé.
    Vous nous avez dit d'emblée que ce projet de loi visait à lutter contre le racisme systémique. Je dirais que vous étirez l'élastique pas mal fort. Le problème de racisme systémique est un problème important auquel il faut évidemment s'attaquer, mais il faudrait d'abord déterminer ce que c'est. Je ne suis pas certain que le racisme systémique, au sens où le gouvernement actuel l'entend, existe réellement. Il s'agit toutefois d'une autre question, que nous n'aborderons pas aujourd'hui.
    À mon sens, le fait de réduire les peines applicables à certains crimes dans le but d'éviter que des gens racisés se retrouvent en prison est une drôle de façon d'aborder la question du racisme.
    Cela étant dit, je vais vous poser des questions plus précises, parce que je dispose de seulement six minutes et qu'il ne doit pas m'en rester plus de cinq. Comme vous vous en doutez, nous ne pourrons pas faire le tour de toute la question en cinq minutes.
    Je tiens cependant à valider un point avec vous.
    Vous dites que les peines minimales obligatoires pour les crimes graves demeurent en vigueur.
    À votre avis, le trafic d'armes, est-ce un crime grave ou non?

  (1330)  

     C'est un crime grave. C'est la raison pour laquelle la grande majorité des infractions en lien avec l'usage d'une arme à feu...
    Monsieur le ministre, ma question était...
    Je vais répondre à votre question, monsieur Fortin.
    Puisque mon temps de parole est seulement de cinq minutes, je ne peux pas vous laisser parler pendant deux minutes.
    Oui, mais il faut que je réponde à votre question.
    J'ai bien compris que, à votre avis, il s'agit d'un crime grave.
    Cela n'est donc pas inclus dans le projet de loi.
    Monsieur Fortin, vous devriez lire le projet de loi plus attentivement.
    Monsieur le président, j'ai droit à mon temps de parole pour poser des questions.
    N'est-ce pas?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    D'accord.
    Monsieur le ministre, selon vous, est-ce un crime grave de décharger une arme à feu avec une intention particulière?
    Si c'est grave compte tenu des circonstances, la peine sera sévère.
    Le fait de décharger une arme à feu avec une intention particulière n'est donc pas nécessairement grave.
    Ai-je bien compris?
    Dans certains cas judiciarisés, ce n'était pas nécessairement le cas.
    D'accord.
    Si quelqu'un...
    Le vol commis avec une arme à feu...

[Traduction]

    Monsieur Fortin, vous devez accorder au témoin une période raisonnable pour répondre.

[Français]

    Le témoin a le temps de répondre à mes questions, monsieur le président. Mes questions sont simples et il peut y répondre par oui ou par non. Je n'ai pas besoin qu'il me donne plus d'explications.
     Je n'ai que cinq minutes de temps de parole.
    Ce n'est pas à vous de déterminer la réponse, monsieur Fortin.
    J'aimerais discuter plus longtemps avec le ministre, mais mon temps de parole est limité.
    Monsieur le ministre, selon vous, le fait de commettre un vol en utilisant une arme à feu est-il un délit grave?
    Monsieur Fortin, le projet de loi vise à abroger certaines peines minimales dans les cas...
    Ce n'est pas l'objet de ma question.
    On vise l'abrogation des peines minimales dans les cas où la flexibilité du juge est nécessaire.
     Ce n'est pas l'objet de ma question, monsieur le ministre.
    Monsieur le président, ce serait bien que l'on explique à M. Lametti...
    Cela ne veut pas dire que, si les circonstances sont graves...

[Traduction]

    Monsieur le président, j’invoque le Règlement. La discussion des trois ou quatre dernières minutes a été très difficile à suivre. Les interprètes parlent en même temps. Bien franchement, je n'arrivais pas à suivre le fil des questions et des réponses.
    Monsieur Fortin, je vous demande qu'après avoir posé une question, vous laissiez le témoin y répondre, puis que vous l'informiez que vous vous apprêtez à poser la question suivante. Les échanges de propos compliquent aussi beaucoup la tâche des services d'interprétation, et l'écho ne fait qu'empirer les choses.
    Monsieur le président, j’invoque le Règlement. Je pense que M. Fortin a posé une question, qu'il a obtenu une réponse satisfaisante, mais que le ministre a continué de parler. Puisque nous avons une limite de cinq minutes, dès que nous obtenons une réponse, nous pouvons passer à une autre question... Sinon, le ministre pourrait continuer de parler pendant toute la période de cinq minutes, ce qui ne conviendrait pas, à mon avis.
    J'invoque moi aussi le Règlement.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Oui. Je crois que Mme Diab a parlé, puis M. Anandasangaree.
    Monsieur le président, il faut respecter le fil des questions.

[Français]

    Monsieur Fortin, je pense que, la raison pour laquelle le ministre n'a pas le temps de répondre à vos questions, c'est parce que vous avez utilisé tout votre temps de parole pour poser vos questions. Si vous voulez vraiment obtenir une réponse, vous devez absolument lui laisser au moins quelques secondes pour répondre à la question.
    Les membres du Comité doivent faire preuve de respect envers les témoins.
    Monsieur le président, permettez-moi de dire que je suis tout à fait d'accord sur...

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Fortin, je vais m'adresser à M. Anandasangaree, puis je reviendrai à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je pense qu'il est généralement convenu au Parlement que le temps de réponse équivaut de très près au temps que l'on a pris pour poser la question. Quand M. Fortin pose une question, il doit accorder suffisamment de temps pour y répondre. Il ne peut pas couper la parole au ministre pour passer à la question suivante.
    Nous reconnaissons tous que le temps est limité. En général, je pense que nous avons tous respecté les conventions. J'espère que nous pourrons poursuivre la réunion en laissant assez de temps pour répondre — sans interruption —, afin que nous puissions entendre aussi bien la question que la réponse pour pouvoir les comprendre. La situation est particulièrement difficile pour les interprètes, qui travaillent sans relâche.

  (1335)  

    Monsieur Fortin, vous avez la parole.

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie.
    Je suis tout à fait d'accord sur les interventions que nous venons d'entendre, particulièrement celle de Mme Diab. J'ai beaucoup de respect pour le ministre Lametti. C'est non seulement un homme respectable, mais c'est aussi un érudit, un spécialiste en matière de justice. Jaser avec lui toute la journée serait pour moi un plaisir, j'en suis convaincu. Cependant, je ne dispose que de cinq minutes pour poser mes questions. Je perds déjà du temps en raison de l'interprétation.
    Nous avons souvent discuté de cette situation. J'ai d'ailleurs proposé à plus d'une reprise que le temps de parole soit allongé lorsque les questions ne sont pas posées dans la langue du témoin. L'idée est de permettre à tout le monde de disposer d'une période équitable. J'ai ce problème. Comme je l'ai dit déjà, je suis d'accord avec Mme Diab. En raison de cette situation, je pose au ministre des questions précises auxquelles il peut répondre par oui ou par non.
    Je lui demande si, à son avis, faire du trafic d'armes à feu est un crime grave, si commettre un vol en utilisant une arme à feu est un crime grave et si décharger une arme à feu avec une intention particulière est un crime grave. Ce sont des questions auxquelles il peut répondre par oui ou par non. Si chaque question donne lieu à un exposé de quatre ou cinq minutes, je n'aurai pas le temps de poser plus d'une ou deux questions pendant tout l'après-midi et j'aurai perdu mon temps à ce comité.
    Je pense que nous sommes en droit d'obtenir des réponses claires. M. le ministre a disposé de cinq minutes pour faire son discours d'ouverture et pour nous dire comment il voyait son projet de loi. Nous en avons pris note. Là n'est pas le problème. Maintenant, le temps est venu pour les députés de poser des questions au ministre. Or, malgré tout le respect que j'ai pour lui ainsi que pour les citoyens qui nous regardent, je crois que nous serions en droit de nous attendre à des réponses courtes lorsque la question posée est courte et qu'il est possible d'y répondre par oui ou par non.

[Traduction]

    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Je vous remercie, monsieur Fortin.
    Je donnerai ensuite la parole à M. Naqvi.
    Monsieur Fortin, je vous demande de laisser au témoin le même temps pour répondre que celui que vous avez pris pour poser la question. Je sais que vous vous attendez à un « oui » ou à un « non », mais si vous prenez 10 ou 15 secondes pour poser votre question, laissez au témoin 15 ou 20 secondes pour y répondre. L'interprétation exige quelques secondes de plus dans les deux sens. Nous voulons tous pouvoir écouter vos questions pour qu'elles soient consignées.
    Monsieur Naqvi, vous avez la parole. Nous tâcherons de reprendre nos travaux par la suite.
    Je veux simplement faire valoir un argument auquel je pense depuis quelque temps. Nous traitons de questions juridiques et d'enjeux de justice pénale très complexes. Comme M. Fortin le sait, on ne peut tout simplement pas répondre par oui ou par non. Il s'agit de questions nuancées qui nécessitent des réponses réfléchies et nuancées. Je pense qu'il faut laisser le temps à tous les témoins — pas seulement au ministre — d'exprimer adéquatement leurs idées.
    Je vous remercie, monsieur Naqvi.
    Je vais...
    J'invoque le Règlement. Veuillez m'excuser, monsieur le président, mais toute cette discussion sur la façon de poser des questions et d'y répondre ampute beaucoup la période de questions. Nous n'avons pas souvent l'occasion d'avoir le ministre parmi nous. J'espère donc que le ministre pourra poursuivre son témoignage pendant peut-être 15 minutes de plus, afin de compenser le retard causé par le débat sur la façon de poser des questions et d'y répondre.
    Je vous remercie, monsieur Moore.
    Il ne me revient pas de décider de l'emploi du temps ou des plans du ministre. Nous siégeons au Comité en notre qualité de députés. Je laisse donc au ministre le soin de décider. J'espère que tout le monde aura le temps de poser ses questions. Ce comité a toujours très bien fait son travail et, même si c'est la première fois que le ministre y témoigne et que nous en sommes tous très enthousiasmés, je demande que l'on respecte le décorum. Je crois que nous y arriverons.
    Monsieur Fortin...
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Pour faire suite au commentaire de M. Moore et à celui de M. Naqvi voulant qu'il s'agisse de questions nuancées qui exigent des réponses nuancées, le Comité pourrait peut-être envisager d'inviter le ministre à une autre occasion. De toute évidence, les députés de tous les partis souhaitent poser beaucoup de questions au ministre, et il nous offre de longues réponses. En conséquence, il conviendrait peut-être de l'inviter à revenir passer une autre heure au Comité dans les circonstances.

  (1340)  

    Je vous remercie, monsieur Brock.
    Je pense que nous l'envisagerons plus tard. Il reste encore une heure pour entendre les témoignages des fonctionnaires du ministère ayant une grande expertise dans ce dossier. Il faut écouter ce qu'ils ont à nous dire.
    Nous allons reprendre nos travaux pour permettre à M. Fortin de continuer à poser des questions.
    Monsieur Fortin, je vous ai ajouté du temps pour compenser les interruptions. Il vous reste environ deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses précédentes. Je tiens à dire, encore une fois, que j'ai pour vous un très grand respect, mais que nous sommes malheureusement contraints par le temps. J'accepte la décision du président, à savoir que répondiez dans le même laps de temps que celui où la question est posée.
    Je vais donc revenir là où j'étais rendu.
    Considérez-vous que le vol commis avec une arme à feu est une infraction grave?
    La gravité de l'infraction est déterminée par le juge. Cela peut être grave ou moins grave, selon les circonstances.
    D'accord.
    L'extorsion avec une arme à feu, est-ce grave ou non, selon vous?
    La gravité de l'infraction est toujours déterminée par le juge, et elle peut varier en fonction des circonstances.
    La perpétration d'une infraction avec une arme à feu, le trafic d'armes à feu, la possession en vue de faire le trafic d'armes à feu, la décharge d'une arme à feu avec intention, le vol avec une arme à feu, l'extorsion avec une arme à feu, tout cela n'est pas nécessairement grave, selon vous, si je comprends votre témoignage. Cela dépend des faits et des circonstances.
    Est-ce que...
    Je suis désolé de vous interrompre.
    C'est la raison pour laquelle on donne une certaine marge de manœuvre au juge pour qu'il puisse déterminer la peine souhaitable, selon la gravité des circonstances.
    Monsieur le ministre, vous êtes au courant, comme moi, de la montée de la violence avec arme à feu, particulièrement dans la région de Montréal, mais un peu partout au Canada au cours des dernières années.
    Croyez-vous que c'est le bon message à envoyer à la population que de retirer les peines minimales obligatoires dans le cas des infractions que je viens d'énumérer?
    Cela soulève un autre problème, monsieur Fortin.
    J'ai été très heureux de vous voir appuyer publiquement, à la Chambre des communes, ce même projet de loi lorsqu'il y a été déposé pour la première fois.
    Comme il a été promis lors de la campagne électorale, mon collègue le ministre Mendicino est en train de s'attaquer au problème lié au trafic d'armes à feu, surtout au Québec.
    Je ne ferai pas un long exposé, puisqu'il ne me reste pas assez de temps.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Fortin. Votre temps de parole est écoulé.

[Français]

    Monsieur le président, ces tours de questions sont presque inutiles, quand le temps est limité.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.

[Traduction]

    La prochaine période de six minutes est réservée à M. Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également le ministre d'être des nôtres aujourd'hui.
    Je sais que l'une des motivations derrière le projet de loi C‑5 est la lutte contre le racisme systémique dans le système de justice, mais je m'interroge sur un aspect qui me semble très étroitement lié à ce problème, soit la crise des surdoses au Canada.
    En 2021, en Colombie‑Britannique, 2 224 personnes sont mortes d'une surdose causée par la consommation de drogue contaminée. Il y a donc au moins 2 224 familles qui ont perdu un père, une mère, une sœur, un frère, un enfant, un cousin ou quelqu'un de leur entourage. Ce problème prend rapidement de l'ampleur.
    En ce qui a trait à ce projet de loi, vous avez notamment parlé d'aiguiller les gens vers des services et de réduire les peines minimales obligatoires. Or, en Colombie‑Britannique, la Régie de la santé des Premières Nations a révélé que les Autochtones de cette province sont cinq fois plus susceptibles de souffrir d'une crise de surdoses.
    Monsieur le ministre, ma question est la suivante: ne serait‑il pas préférable d'éliminer tout simplement l'infraction criminelle de possession simple de petites quantités de drogue destinées à la consommation personnelle?
    Je vous remercie de la question, monsieur Garrison . Je partage certainement les craintes par rapport à la présence d'une crise des opioïdes, non seulement à Vancouver et en Colombie‑Britannique, mais dans l'ensemble du Canada. C'est un grave problème.
    Je m'efforce de m'attaquer à un problème précis en apportant des réformes portant sur la détermination de la peine. Je suis prêt à me pencher sur d'autres façons de contrer ce problème, notamment en collaboration avec les experts sur le terrain, avec les administrations de la Colombie‑Britannique et de Vancouver, avec le ministre de la Santé, et maintenant, avec la ministre de la Santé mentale. Je pense qu'aucune possibilité ne devrait être écartée pour résoudre ces problèmes.
    Je serais aussi ouvert à l'idée d'apporter d'autres réformes au droit pénal. Je m'efforce certainement d'investir des ressources dans les centres de justice communautaire en Colombie‑Britannique, y compris ceux qui desservent les communautés autochtones. Ce sont des centres dirigés par des Autochtones qui travaillent véritablement auprès de délinquants autochtones, dont un grand nombre qui sont aux prises avec des problèmes liés à la toxicomanie et aux opioïdes.
    C'est une autre mesure que je peux prendre, mais je suis prêt à travailler auprès d'autres collègues dans tous les domaines, et je suis ouvert aux idées.

  (1345)  

    Monsieur le ministre, mon collègue le député de Courtenay—Alberni, Gord Johns, a présenté le projet de loi d'initiative parlementaire C‑216, qui vise justement à décriminaliser la possession pour usage personnel et à apporter bien d'autres changements à l'égard des infractions liées à la possession pour que les gens puissent se faire traiter au lieu d'être pris en charge par le système de justice.
    Êtes-vous en train de dire aujourd'hui que le gouvernement est prêt à se pencher sur ce projet de loi d'initiative parlementaire?
    Je ne vais pas m'avancer sur une décision qui pourrait être prise plus tard, mais je serais certainement prêt à me pencher sur la question avec M. Johns ainsi qu'avec mes collègues ministériels et d'autres intervenants concernés.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Parmi les aspects de ce projet de loi que d'autres personnes et moi avons critiqués, mentionnons le fait qu'il ne porte que sur certaines peines minimales obligatoires. Je conviens, comme vous, de la nécessité de maintenir ces peines pour certains crimes parmi les plus graves et les plus violents, mais dans bien d'autres cas, on pourrait les éliminer.
    Au Sénat, des mesures législatives ont été proposées à maintes reprises à ce sujet. Elles se retrouvent maintenant dans le projet de loi S‑213, qui vise à rétablir le pouvoir discrétionnaire des juges même dans les cas où des peines minimales obligatoires sont prévues. De cette façon, un juge qui établirait l'existence de circonstances atténuantes pourrait choisir de ne pas tenir compte de ces peines minimales obligatoires. Je me demande ce que vous pensez de cette approche.
    C'est une approche que j'ai évaluée dans le cadre de la conception du projet de loi que nous étudions en ce moment. Que ce soit dans ce comité ou à la Chambre des communes, vous savez que je suis toujours prêt à travailler de bonne foi avec mes collègues des autres partis pour améliorer tous les projets de loi que je propose. J'y suis toujours disposé.
    Je n'ai pas retenu cette approche pour une foule de raisons. J'estime que l'approche proposée dans le projet de loi que j'ai présenté est réalisable. Je pense que c'est envisageable. J'estime qu'il s'agira d'un moyen efficace pour répondre de façon ciblée à la surreprésentation systémique.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Oui, bien sûr, nous avons eu de bons rapports, de bonnes discussions, etc. J'aimerais vous poser une question sur un sujet dont nous avons discuté en privé afin que vous puissiez en parler publiquement. Je parle de la radiation du casier judiciaire.
    Les personnes qui sont prises en charge par le système de justice pour possession à des fins personnelles se retrouvent avec un casier judiciaire, ce qui rend souvent la recherche d'un emploi et d'un logement plus difficile. Ce projet de loi ne contient aucune mesure concernant la radiation du casier judiciaire pour des condamnations antérieures. J'aimerais savoir ce que vous répondriez à cela, même si je le sais déjà.
    Cela relève de mon collègue le ministre Mendicino, qui est ministre de la Sécurité publique.
    Nous avons proposé la radiation du casier judiciaire par rapport à ce qu'on appelle les « crimes » concernant la communauté LGBTQ pour les membres de la fonction publique, lorsque nous avons présenté des excuses à cet égard. Nous l'avons fait parce que nous voulions que ces « crimes » soient traités comme si ceux‑ci n'avaient jamais été des actes criminels.
    Nous avons entrepris la réforme de ce que nous appelons le système de pardon après que le cannabis... Nous avons établi un processus de pardon accéléré parce que ces activités étaient illégales avant que nous décidions de légaliser le cannabis. Voilà où se situe la distinction.
    Il incombe à mon collègue de se pencher sur la réforme du système de pardon. Je sais qu'il y songe, et que son prédécesseur, le ministre Blair, l'envisageait également. Je suis conscient des effets du pardon. C'est aussi une proposition dont j'ai entendu parler de la part de réformateurs bipartisans de Washington, aux États‑Unis.
    Les néo-démocrates et nous parlons souvent de la radiation automatique. En ce qui concerne la radiation du casier judiciaire ou l'accélération du processus de pardon, nous avons vu que les efforts déployés par le passé ont donné lieu à un processus tellement coûteux ou complexe que les gens qui sont censés en bénéficier ont beaucoup de difficulté à y accéder, que ce soit parce qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires pour retenir les services d'un avocat ou pour payer les frais connexes, ou parce qu'ils n'ont pas accès à Internet de façon régulière.
    Je suppose que je vous exhorterais à en discuter avec vos collègues, étant donné que les gens que nous essayons d'aider ont beaucoup de mal à accéder à ce genre de processus.
    Merci, monsieur Garrison.
    Nous passons maintenant à une série de questions de cinq minutes avec M. Brock.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie le ministre et les fonctionnaires du ministère de leur participation.
    C'est la première fois que j'ai l'occasion de m'adresser directement à vous, monsieur le ministre. J'espère pouvoir vous poser un certain nombre de questions.
    La première question que j'aimerais porter à votre attention concerne le moment choisi pour présenter ce projet de loi en particulier. Je me souviens très bien de ce jour, car, moins de 24 heures avant que vous présentiez le projet de loi C‑5, les députés s'étaient montrés solidaires à la Chambre en commémorant la tuerie survenue il y a plusieurs années à l'École Polytechnique. Nous avons appuyé le gouvernement lorsqu'il a dit qu'il allait combattre avec vigueur toutes les formes de violence armée, et lorsqu'il a indiqué très clairement aux Canadiens qu'on allait agir immédiatement pour contrer la hausse constante de ce comportement criminel.
    Je crois que vous conviendrez, monsieur le ministre, que la première responsabilité du gouvernement fédéral est d'assurer la protection des citoyens. Êtes-vous d'accord?

  (1350)  

    Écoutez, je suis Montréalais. Je connais l'École Polytechnique. Je suis allé dans cet immeuble ainsi que dans la salle en question. Je connais des diplômés de ce programme. Je me souviens des effets dévastateurs de cet événement, et je me rappelle où je me trouvais lorsque j'ai appris la nouvelle. Je m'en souviens très bien.
    Nous prenons la violence armée très au sérieux. Au gouvernement, nous avons rétabli les investissements dans la lutte contre la violence armée dans l'ensemble du pays. Nous avons interdit les armes d'assaut comme celles qui ont été employées pour commettre ce genre de crimes et qui ne devraient se trouver que sur un champ de bataille.
    Merci, monsieur le ministre. Je n'ai que quelques minutes...
    Nous luttons aussi contre le trafic. Nous avons investi des sommes sans précédent...
    Merci, monsieur le ministre.
    ... et comblé des lacunes en dépensant là où le gouvernement Harper précédent n'avait pas investi.
    Merci.
    Poursuivez, monsieur Brock.
    Merci.
    Selon les propos qui ont été rapportés, le jour même où vous avez présenté le projet de loi C‑5, vous avez dit que ce projet de loi ne visait pas les « criminels endurcis », mais les délinquants à faible risque et ceux qui commettent une première infraction. Plus précisément, vous avez dit ceci:
Pensez à vos propres enfants. Ils ont peut-être eu des démêlés avec la justice à un certain moment. Je parie que vous seriez prêts à leur accorder le bénéfice du doute ou une seconde chance s'ils commettaient une erreur. Or, il est beaucoup plus difficile de leur accorder une seconde chance dans l'état actuel des choses.
    Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, j'estime que cette réponse insensible n'était pas ce que les Canadiens voulaient entendre le lendemain de ce jour de commémoration où vous avez exprimé votre solidarité à l'égard de la lutte contre la criminalité armée. Vous savez que cette forme de criminalité est en hausse partout au Canada, et particulièrement dans ma circonscription, Brantford—Brant.
     Monsieur le ministre, cette semaine, le 6 avril, vous n'avez pas répondu directement à une question posée par le député conservateur de Kamloops—Thompson—Cariboo. Il a porté à votre attention un cas de fusillade depuis une voiture qui serait visée par ce projet de loi. Il vous a demandé plus précisément en quoi cela ne constituait pas une menace à la sécurité publique. Le gouvernement pourrait mettre en place un mécanisme de sûreté constitutionnel et maintenir les peines minimales obligatoires tout en prévoyant certaines exceptions pour remédier aux problèmes de surreprésentation carcérale. Il s'agirait d'un juste milieu idéal. Pourquoi le gouvernement ne voudrait‑il pas envisager cela?
    Vous avez répondu, monsieur, que l'argument du député était « manifestement erroné », et que vous vouliez seulement éliminer les peines minimales obligatoires pour les infractions les moins graves. Ensuite, vous avez donné un autre exemple en disant que vous parliez des situations où « après avoir trop bu un samedi soir, une personne tire quelques fois sur une grange vide ».
    Monsieur le ministre, ma question est la suivante. La décharge d'une arme à feu, de façon volontaire ou avec insouciance, doit être passible d'une peine d'emprisonnement. Est‑ce que vous souscrivez ou non à cette affirmation?
    En tant qu'ancien procureur, vous le savez, la gravité de toutes ces infractions prévues au Code criminel dépend des circonstances. Il est ici question de la détermination de la peine. C'est au juge de décider, en fonction des faits qui lui sont présentés et de la gravité de l'infraction en question.
    En ce qui concerne l'actus reus ou le mens rea, c'est toujours la même infraction, mais il existe différents niveaux de gravité. Les crimes graves seront toujours punis par des peines sévères. Une fusillade à partir d'une voiture sera toujours punie par une peine sévère. Ce genre d'infraction appellera une peine d'emprisonnement sévère. C'est faire affront aux Canadiens que d'insinuer le contraire.
    En ce qui concerne les infractions dont nous parlons, j'ai donné un exemple tiré d'une affaire réelle. L'homme qui a commis cet acte avait un travail. Il avait une petite amie; il allait à l'école. Ce soir‑là, il avait trop bu. Il a tiré quelques coups avec son fusil de chasse sur le côté d'une grange vide. Il n'y avait personne dans les environs, mais un voisin a entendu les coups de feu et il a appelé la police. L'homme s'est vu imposer une peine minimale obligatoire: quatre ans. Il a perdu son emploi; il a perdu sa petite amie et il a cessé d'aller à l'école. À sa sortie de prison, il est allé rester avec les personnes qui étaient emprisonnées en même temps que lui. C'est l'éducation qu'il a eue.
    C'est ce que nous voulons changer. Dans l'affaire en question, la gravité des circonstances n'aurait pas dû mener à une peine d'emprisonnement, alors qu'une fusillade à partir d'une voiture est une infraction qui doit certainement entraîner une peine d'emprisonnement.

  (1355)  

    Merci, monsieur le ministre. Le temps s'écoule et je dois passer au prochain intervenant.
    Monsieur Naqvi, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je suis heureux que vous soyez avec nous aujourd'hui.
    J'aimerais en savoir plus au sujet des ordonnances de sursis dont il est également question dans le projet de loi C‑5. Lorsque j'ai eu l'honneur d'être procureur général de l'Ontario, nous avions présenté une notion similaire pour des projets de loi, dans la présentation du projet de loi... C'était au niveau provincial. D'ailleurs, je me souviens d'avoir fait une annonce en particulier en compagnie de M. Brock, qui était alors procureur de la Couronne. Il était très favorable à l'initiative en question.
    L'idée était d'aider les personnes atteintes de troubles de santé mentale graves ou toxicomanes... Plutôt que de les renvoyer en prison pendant qu'elles attendaient leur procès, on leur permettait de retourner dans la collectivité, avec des conditions strictes, où elles avaient accès aux services d'aide. Les données étaient claires: cela était beaucoup plus bénéfique pour ces personnes et pour la société en général.
    Quels sont les données et les avantages concernant les ordonnances de sursis qui vous ont convaincu de ramener ces dernières au moyen du projet de loi C‑5?
    Je trouve merveilleux de me retrouver en compagnie de deux anciens procureurs généraux.
    Les données ne manquent pas au sujet des ordonnances de sursis et de ce genre de flexibilité dans la détermination de la peine; elles montrent des impacts positifs en matière de réinsertion sociale et de réadaptation pour le délinquant, mais aussi des impacts positifs pour les victimes et la collectivité. Les ordonnances de sursis permettent de cibler la cause réelle du problème, qu'il s'agisse d'une dépendance problématique, d'un traumatisme intergénérationnel dans le cas des communautés racialisées, de pauvreté ou du manque de logements. Ce sont ces problèmes qu'il faut régler.
    Grâce aux ordonnances de sursis, plutôt que d'envoyer une personne en prison — et souvent, dans le cas d'une femme, de placer ses enfants sous garde —, on la retourne chez elle et on lui permet d'obtenir les traitements dont elle a besoin et possiblement de conserver son emploi et de conserver le soutien communautaire auquel elle avait accès.
    J'ajouterais également que cela nous permet d'obtenir le maximum des investissements que nous faisons pour les Autochtones avec les rapports Gladue, qui permettent aux juges chargés de la détermination de la peine de prendre une décision en fonction de ce qui se trouve dans le rapport Gladue.
    Nous avons lancé un projet pilote sur les évaluations de l'incidence de l'origine ethnique et culturelle en Nouvelle‑Écosse, à Montréal et à Toronto. À l'instar des rapports Gladue, ces évaluations permettent l'inclusion d'un rapport présentenciel pour la détermination de la peine d'un délinquant noir. Encore une fois, les ordonnances de sursis permettent au juge — en l'absence d'une peine minimale obligatoire et lorsqu'il n'y a pas de méfait ni de menace pour la sécurité de la collectivité — de choisir une peine qui sera bénéfique pour tous: la victime, le délinquant et ceux qui les côtoient. Les ordonnances de sursis donnent également aux communautés la possibilité de prendre en charge la peine et la réadaptation de façon positive et proactive. C'est ce que recommandent les groupes d'experts, en particulier en Amérique du Nord.
    Merci.
    Je pense que c'était une grave erreur de les retirer du Code criminel. Je crois qu'il est extrêmement important de donner aux juges la possibilité de tenir compte de l'ensemble des circonstances, en particulier dans le cas des Autochtones, des Noirs et des personnes racisées.
    Lorsque vous avez parlé des peines minimales obligatoires, vous avez mentionné les impacts généraux qu'elles ont sur les Autochtones, les Noirs et les personnes racisées. Pouvez-vous nous parler des données qui montrent que ce type de peines est particulièrement imposé aux Autochtones, aux Noirs et aux personnes racisées au Canada?
    Il y a assurément un certain nombre d'études et de données concernant la surreprésentation, notamment en ce qui a trait aux peines minimales obligatoires. Vous connaissez les chiffres. Les Autochtones ne représentent qu'une infime partie de la population canadienne, mais ils comptent pour au moins 30 % de la population des pénitenciers fédéraux. Ce pourcentage est encore plus élevé chez les femmes autochtones. Les Noirs représentent environ 3 % de la population générale et, si je ne m'abuse, ils comptent pour près de 9 % des délinquants.
    En ce qui concerne les peines minimales obligatoires comme telles, de 2010 à 2020, de tous les délinquants admis dans des pénitenciers fédéraux, 53 % des délinquants noirs et 36 % des délinquants autochtones ont été admis des suites d'une peine minimale obligatoire. Ce sont des chiffres choquants. Rien, à part le racisme systémique, ne peut expliquer des chiffres aussi élevés. Il faut donc nous attaquer au problème sous tous les angles. Il y a la détermination de la peine, certes, mais il y a aussi d'autres éléments qu'il faut cibler.

  (1400)  

    Merci, monsieur le ministre.
    Merci, monsieur Naqvi.
    Nous passons maintenant à une plage de deux minutes et demie. Monsieur Fortin, vous avez la parole.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je suis d'accord sur ce que vous avez dit tantôt. Un juge va habituellement sanctionner une infraction liée à un crime grave par une peine d'emprisonnement, que l'infraction donne lieu ou non à une peine minimale obligatoire.
    Je suis aussi d'accord sur l'exemple que vous avez donné, c'est-à-dire qu'il n'y a probablement pas lieu d'envoyer en prison pour quatre ans un individu qui a déchargé une arme à feu sur un mur dans une ruelle.
    Cependant, il aurait peut-être été pertinent de scinder ce genre d'infraction. Le fait de décharger une arme à feu avec intention en la pointant vers un objet inanimé, c'est une chose, mais, décharger une arme à feu avec intention en la pointant vers des individus, cela nécessite une peine d'emprisonnement minimale. Vous n'avez pas tenu compte de cet aspect, mais c'est peut-être ce que j'aurais fait. Nous proposerons peut-être un amendement en ce sens dans le rapport du Comité.
    Cela étant dit, monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur deux choses.
    D'abord, les lois évoluent avec le temps. Le Code criminel actuel n'est pas le même que celui d'il y a 10, 20, 50 ou 100 ans. Les lois évoluent parce que le législateur doit légiférer en fonction des préoccupations de la population au moment où il légifère.
    Ensuite, monsieur le ministre, si vous êtes d'accord sur cet énoncé, pourquoi légiférer aujourd'hui pour abroger des peines minimales obligatoires dans des cas d'utilisation d'arme à feu en vue de commettre une infraction?
    À l'heure actuelle, il y a une montée de la violence avec armes à feu, ce qui inquiète la population. On entend des mères dire qu'elles hésitent à envoyer leurs enfants à l'école, parce que c'est devenu un milieu dangereux en raison des armes à feu qui circulent dans nos écoles.
    Selon vous, monsieur le ministre, le moment n'est-il pas mal choisi?
    Les modifications proposées aux peines minimales obligatoires dans ce projet de loi ne visent pas les armes d'assaut ni les armes à feu qui sont utilisées par les gangs de rue à Montréal et ailleurs.
    Notre gouvernement est en train de lutter contre le trafic de telles armes à feu et de lutter contre les gangs de rue. Il est en train de le faire d'une manière qui passera à l'histoire.
    Nous entendons les préoccupations de la population et nous sommes en train de réagir en mettant en œuvre des mesures, de concert avec les provinces, dont le Québec, et avec les municipalités.
    Ce que vise ce projet de loi, c'est de s'attaquer à un autre problème. Il s'agit de la surreprésentation des Noirs et des peuples autochtones dans le système judiciaire. C'est un problème réel, et nous sommes en train de nous y attaquer.
    Les crimes seront graves, mais ce projet de loi va faire en sorte que des criminels n'aillent pas en prison. C'est un drôle de raisonnement.

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin.
    Merci, monsieur le ministre.
    C'est maintenant au tour de M. Garrison. Vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je sais que le projet de loi C‑5 vise à répondre au racisme systémique, mais — comme tout le monde parle de son passé — j'ai enseigné le droit pénal pendant 20 ans et il y a un autre impact des peines minimales obligatoires qui m'inquiète, soit la situation des femmes qui se trouvent dans une relation de violence ou de contraintes. Ces femmes se retrouvent souvent aux prises avec le système de justice en raison des activités de leur conjoint, qui les oblige à faire la livraison de drogue ou à en garder en leur possession. Elles se voient imposer des peines minimales obligatoires.
    J'aimerais que le ministre parle des impacts du projet de loi pour les femmes qui se trouvent dans des situations du genre. Encore une fois, à cause du racisme systémique, bon nombre de ces femmes sont des Noires ou des Autochtones.

  (1405)  

    C'est clairement l'une des situations auxquelles nous voulons nous attaquer. Il s'agit de femmes qui, sans le vouloir, se retrouvent dans une relation de contraintes ou de femmes qui ont une dépendance problématique dans le contexte de cette relation ou qui, pour répondre à cette dépendance, sont forcées d'entretenir une telle relation. On les force à transporter de la drogue et elles finissent par être accusées de possession simple ou d'autres infractions. Nous voulons éviter que ces femmes aient des démêlés avec la justice. Nous voulons que des peines correspondant aux crimes soient imposées à ces femmes afin qu'elles puissent obtenir l'aide dont elles ont besoin tout en demeurant en sécurité.
    Tout cela fait partie d'un ensemble. Nous croyons que cette initiative sera très fructueuse, notamment en ce qui concerne l'interaction entre les peines minimales obligatoires et les ordonnances de sursis, qui seront complémentaires.
    Une des choses que j'ai souvent entendues des avocats de la défense et des procureurs de ma région, c'est que les peines minimales obligatoires contribuent à la prolongation des délais dans les tribunaux, parce qu'un grand nombre d'affaires sont amenées jusque devant un tribunal alors qu'il aurait été possible d'arriver à une entente hors cour s'il n'y avait pas eu de peine minimale obligatoire.
    Est‑ce que le ministère a étudié ce problème?
    Absolument; ces peines nous coûtent très cher. Les peines minimales obligatoires réduisent le nombre de négociations de plaidoyer dans le système, alors il y a plus d'affaires qui se rendent à procès. Les peines minimales obligatoires causent un nombre accru de contestations aux termes de la Charte; plus du tiers, voire plus, de ces contestations concernent les peines minimales obligatoires et environ la moitié sont jugées recevables. Cela engorge le système et nous coûte de l'argent. Si des personnes qui ont commis des crimes graves sont relâchées en raison de l'arrêt Jordan, c'est en grande partie à cause de l'énorme arriéré provoqué par les peines minimales obligatoires. Depuis l'introduction des peines minimales obligatoires et le retrait des ordonnances de sursis par le gouvernement conservateur Harper, le nombre d'affaires et les délais ont augmenté, alors c'est un autre problème que nous voulons régler.
    Je tiens à remercier le ministre d'être resté avec nous. Je crois que nous en sommes à trois minutes pour cette intervention, mais j'ai usé de mon pouvoir et décidé de dépasser les sept minutes.
    Merci, monsieur Lametti, d'être venu témoigner devant notre comité. Vous serez toujours le bienvenu.
    Je vais suspendre la séance un moment, le temps de vous laisser partir. Nous reprendrons ensuite la réunion avec le témoignage de vos fonctionnaires, qui seront avec nous pendant la dernière heure et la prochaine ronde de questions.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci à vous tous.

[Traduction]

    La plupart des témoins du prochain groupe sont en ligne, alors je vais faire les présentations.
    Du ministère de la Justice, il y a François Daigle, sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, qui est présent sur place, je crois. Il y a Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal. Il y a Paul Saint-Denis, avocat-conseil, et Matthew Taylor, avocat général et directeur, tous deux de la Section de la politique en matière de droit pénal. Il y a enfin Andrew Di Manno, avocat.
    Si tous les témoins sont prêts, je vais relancer la ronde de questions.
    Nous commençons par M. Morrison. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question et tous les témoins peuvent répondre. Croyez-vous que les Autochtones, les Noirs et les membres d'autres communautés marginalisées sont surreprésentés parmi les victimes?
    En fait, ce qu'indiquent les données, c'est que les Autochtones, les Noirs et les membres des communautés marginalisées sont surreprésentés au Canada autant du côté des victimes que des délinquants dans le système de justice pénale.

  (1410)  

    Lorsque nous parlons de solutions à long terme, nous regardons du côté de la prévention de la criminalité, alors que nous avons une vision à courte vue à mon avis. Nous cherchons des façons de nous attaquer au fait que... Par exemple, prenons la crise des opioïdes, qui est ciblée dans le projet de loi. Quels sont les moyens pour endiguer la crise des opioïdes dans un contexte de prévention du crime comparativement à un contexte de réduction de la criminalité, qui, évidemment, mène à des peines d'emprisonnement?
    C'est vraiment du côté de la prévention de la criminalité que je penche; je crois que nous avons besoin d'un programme. J'aimerais savoir si vous ou les gens de votre domaine avez discuté des façons d'arriver à une solution à long terme.
    Ce que je peux dire au sujet du projet de loi C‑5, c'est qu'il ne s'agit que d'un des mécanismes que le gouvernement a mis en place non seulement pour réduire la criminalité, mais aussi pour s'assurer que des peines plus justes soient imposées afin de répondre aux besoins des collectivités. Certaines des mesures du projet de loi C‑5 concernant les peines minimales obligatoires redonnent aux juges leur pouvoir discrétionnaire et c'est la même chose pour les peines d'emprisonnement avec sursis: elles donnent aux juges la possibilité d'imposer des peines à purger dans la collectivité lorsqu'il s'agit de la solution appropriée. En ce qui a trait à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, encore là, il y a des mécanismes visant à permettre au système de justice pénale d'éviter d'emprisonner des gens afin que ces derniers obtiennent l'aide dont ils ont besoin.
    Êtes-vous pour l'augmentation des services de police qui sera requise, notamment en raison de l'utilisation des ordonnances de sursis, et avez-vous prévu une augmentation des budgets pour cette augmentation? Y a‑t‑il un plan? Je n'ai rien vu à ce sujet dans le budget hier. Y a‑t‑il quelque chose dans le budget et prévoyez-vous soutenir les forces policières qui auront besoin d'aide en ce qui concerne le programme des ordonnances de sursis?
    Il est raisonnable de s'attendre à ce que la refonte concernant les ordonnances de sursis fasse croître la demande relative aux programmes de traitement au début. Cependant, les peines minimales obligatoires coûtent extrêmement cher au système de justice pénale et elles amènent une augmentation des contestations aux termes de la Charte. Si nous mettons en œuvre les réformes prévues dans le projet de loi C‑5, nous nous attendons à ce qu'il y ait une augmentation initiale des demandes concernant les traitements et les programmes et que, à long terme, il y ait une réduction du récidivisme et l'avènement de meilleures solutions de lutte contre la criminalité.
    Pouvez-vous nous parler des recherches que vous avez faites pour arriver au plan que vous avez utilisé pour choisir les articles où éliminer les peines minimales obligatoires et, également, lorsque vous avez consulté des victimes des infractions ciblées, comment ont-elles réagi à votre intention d'éliminer ces peines?
    Par exemple, je pense à l'enlèvement d'une personne qui a, disons 14 ans, comme ma fille, et qui aurait été agressée et retenue contre son gré. Quelle serait ma réaction si le délinquant concerné était admissible à une ordonnance de sursis et qu'il pouvait immédiatement revenir dans la collectivité?
    Le ministère de la Justice a sondé l'opinion publique. Ce que les résultats ont montré, c'est que, initialement, les Canadiens se disent pour les peines minimales obligatoires, mais, une fois qu'on leur a expliqué les impacts négatifs pour le système de justice pénale, ils sont majoritairement pour une approche plus nuancée que celle prévue par la législation actuelle.
    Je ne veux pas parler au nom de toutes les victimes, parce qu'il s'agit d'un groupe hétéroclite; cependant, dans le cadre du Sondage national sur la justice de 2017 mené par le ministère de la Justice, la plupart des Canadiens ont indiqué être contre les peines minimales obligatoires et 91 % ont affirmé que le Canada devrait donner plus de latitude aux juges afin qu'ils puissent imposer des peines moins sévères que les peines minimales obligatoires.
    Oui et, vous savez, cela fait partie du travail du comité. Des victimes viendront témoigner. Elles pourront nous dire comment elles se sentent face à l'élimination de certaines peines minimales obligatoires.
    Il y a une chose qui m'a rassuré dans ce que le ministre a dit, soit que la réduction des peines ne concernera pas les actes commis par le crime organisé et par les gangs criminels. Ai‑je bien compris le ministre?

  (1415)  

    Oui, vous avez raison. Bon nombre des peines minimales obligatoires qui subsisteront après l'adoption du projet de loi C‑5 sont des peines de cinq ans et de sept ans relatives à des infractions, impliquant l'utilisation d'armes à feu prohibées ou à utilisation restreinte, commises par des membres du crime organisé. Les peines minimales obligatoires ciblées dans le projet de loi, par exemple pour les infractions liées aux armes à feu, sont celles qui concernent les infractions de la catégorie « dans les autres cas », qui comprennent notamment les infractions liées à l'utilisation d'armes d'épaule.
    Merci, monsieur Morrison. Votre temps est écoulé.
    Nous passons à Mme Diab. Vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins qui sont avec nous aujourd'hui. Le travail de recherche que nous menons aujourd'hui dans le cadre de cette réunion est très important. Je suis impatiente d'entendre tous les intervenants que nous recevrons.
    Lorsque j'étais en Nouvelle‑Écosse, j'ai travaillé au portefeuille de la justice. Là‑bas, la surreprésentation des Noirs et des Autochtones dans les établissements correctionnels est ridiculement élevée. Je dirais que la recherche et les données sont très claires et que pratiquement tous ceux qui ont parlé de cette question depuis sont unanimes. Il y a de toute évidence un problème dans le système. Pourriez-vous nous en parler davantage?
     Quelles consultations ont servi à l'élaboration du projet de loi C‑5, en particulier celles menées auprès des groupes représentant les communautés racisées et les Autochtones et auprès des provinces, comme la Nouvelle‑Écosse? Qu'est-ce qui est ressorti de ces consultations et quels sont les impacts des peines minimales obligatoires sur la surreprésentation?
    Tous ceux qui sont en mesure de nous le dire peuvent répondre.
    Je peux commencer par dire qu'il n'y a pas eu de consultations concernant spécifiquement le projet de loi C‑5, mais des consultations ont été menées dans le cadre des tables rondes sur le système de justice pénale en 2016. Les peines minimales obligatoires ciblées dans le projet de loi sont celles qui sont associées aux impacts négatifs subis de façon disproportionnée par les Autochtones, les Noirs et les membres de communautés marginalisées au Canada.
    Comme l'a souligné plus tôt le ministre, les Autochtones sont surreprésentés en ce qui concerne certaines infractions liées aux armes à feu et les Canadiens noirs sont surreprésentés en ce qui concerne les infractions liées à l'importation et à l'exportation. Je peux également ajouter qu'une femme autochtone sur cinq qui purge une peine est emprisonnée pour une infraction grave en matière de drogue ou un complot en vue de commettre un crime grave en matière de drogue et que, en éliminant les peines minimales obligatoires concernant ces crimes, le gouvernement redonnera aux juges leur pouvoir discrétionnaire afin qu'ils puissent imposer des peines appropriées dans toutes les affaires.
    Je pense que le projet de loi, je ne me souviens pas où exactement, donnerait plus de latitude aux procureurs et aux policiers. Est‑ce bien le cas? Croyez-vous que les communautés marginalisées devraient s'en inquiéter, compte tenu du système que nous avons? Qu'en pensez-vous?
    Je peux dire que les modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ajoutent pour la première fois une déclaration de principes à cette loi fédérale et les principes en question sont fondés sur ce que contenait le projet de loi C‑236, un projet de loi d'initiative parlementaire, qui demandait que les infractions en matière de drogue, de consommation et de possession simple de drogue, soient considérées comme relevant d'un problème social de santé plutôt que d'un problème de criminalité.
     Lorsqu'un policier n'exerce pas son pouvoir discrétionnaire pour éviter la judiciarisation au premier point de contact, les procureurs de la Couronne doivent appliquer les mêmes principes. Ces principes reposent en partie sur les lignes directrices d'août 2020 du directeur des poursuites pénales, qui demandent que les efforts soient davantage axés sur les infractions en matière de drogue les plus graves, celles qui mettent en danger la sécurité publique, et qu'on évite, au premier point de contact, de judiciariser les personnes dans les affaires moins graves.

  (1420)  

    Merci.
    Nous avons entendu — et mon expérience le confirme — que, lorsqu'elle est appropriée en fonction de l'infraction ou de l'acte criminel commis, l'ordonnance de sursis permet au délinquant de continuer de faire partie intégrante de sa communauté pendant qu'il purge sa peine. Nous savons que le soutien communautaire est essentiel au processus de gestion de la santé mentale et des troubles de dépendance, lesquels sont extrêmement difficiles à traiter lorsque la personne est incarcérée.
    Je sais que le ministre en a parlé, mais j'aimerais en savoir plus sur ce que révèlent les données concernant la différence observée au chapitre des résultats pour les délinquants et la communauté.
     Pour être bien franche avec vous, lorsque j'étais ministre de la Justice et procureure générale de la Nouvelle‑Écosse, nous avons créé le Tribunal de la santé mentale, qui offre un service complet aux personnes dont le cas lui est confié. Au cours de mon mandat, nous avons célébré le cinquième anniversaire de la création de ce programme, et les résultats qui en ont découlé montrent que cette approche est incroyablement avantageuse pour la personne en cause, la communauté et toutes les personnes concernées.
     Je vais vous laisser ce qu'il reste de mon temps de parole pour parler davantage de cet aspect.
    Malheureusement, madame Diab, votre temps de parole est écoulé. Vous l'avez même dépassé de quelques secondes. Espérons que le témoin pourra intégrer une réponse à votre question dans sa réponse à la prochaine question.
    Je crois que M. Fortin éprouve une panne de courant, mais s'il se branche à nouveau, nous lui accorderons son temps de parole un peu plus tard.
    Je vais donc passer directement à M. Garrison, qui dispose de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, de me forcer à rester alerte.
    J'aimerais d'abord savoir, si vous le connaissez, le nombre d'infractions pour lesquelles une peine minimale obligatoire sera toujours prévue dans la loi après l'adoption du projet de loi C‑5. Si je ne m'abuse, il en existe actuellement 73 ou 75.
    À l'heure actuelle, 67 infractions au Code criminel sont punissables par une peine minimale obligatoire. De ce nombre, le projet de loi éliminera la peine minimale obligatoire pour 13 infractions liées aux armes à feu et d'une infraction liée au tabac. Donc, il réduira de 14 ces 67 infractions au Code criminel assorties d'une peine minimale obligatoire.
    En ce qui a trait à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, toutes les peines minimales obligatoires seront éliminées. À l'heure actuelle, six infractions à cette loi sont punissables par une peine minimale obligatoire.
    J'ai pour règle de ne jamais faire de mathématiques en public, mais si je comprends bien, une quarantaine d'infractions seront toujours assorties d'une peine minimale obligatoire.
    Il y en aura 47.
    Il y en aura 53.
    Des députés: Oh, oh!
    Les députés d'en face suggèrent trois ou quatre nombres différents.
    Disons 47. D'accord. Combien de ces dispositions prévoyant une peine minimale obligatoire font présentement l'objet d'une contestation judiciaire? Vous n'avez peut-être pas les chiffres à votre disposition, j'en suis conscient. Notre système judiciaire est plutôt décentralisé, mais je sais que l'on conteste régulièrement la constitutionnalité de bon nombre de ces peines minimales obligatoires. Avons-nous une idée du nombre de telles causes en instance en ce moment?
    Au 30 mars 2022, le ministère de la Justice faisait état de 245 contestations judiciaires d'une peine minimale obligatoire invoquant la Charte. Cela représente 35 % de toutes les contestations judiciaires invoquant la Charte visant le Code criminel que le ministère surveille.
    De ces contestations, 27 concernent la peine minimale obligatoire prévue pour des infractions liées aux armes à feu, dont sept sont en cour d'appel et 20 sont en première instance. On compte également deux contestations de la peine minimale obligatoire prévue pour des infractions liées aux drogues, notamment le trafic, l'importation, l'exportation et la production, et toutes deux sont en première instance. De toutes les causes surveillées par Justice Canada au cours de la dernière décennie pour lesquelles une décision a été rendue, 69 % des contestations invoquant la Charte concernant la peine minimale obligatoire prévue pour des infractions liées aux drogues ont été fructueuses, et près de la moitié, c'est‑à‑dire 48 %, des contestations invoquant la Charte concernant la peine minimale obligatoire prévue pour des infractions liées aux armes à feu ont été fructueuses.
    Si je pose ces questions, c'est parce que je fais partie de ceux qui préféreraient que les tribunaux se consacrent davantage à traiter les causes qui concernent des actes criminels violents plus graves qui menacent réellement la population. Si je comprends bien ce que vous me dites, l'adoption du projet de loi C‑5 permettrait de libérer le système judiciaire d'un nombre considérable d'éventuelles contestations judiciaires.

  (1425)  

    En effet. L'une des tendances que nous avons observées au cours des 10 dernières années, c'est que, comme l'a dit le ministre, les peines minimales obligatoires ont augmenté le nombre de contestations judiciaires fructueuses invoquant la Charte, réduit le nombre d'aveux de culpabilité, lesquels, le plus souvent, obligent les victimes à témoigner, du moins dans certains cas, et fait croître le nombre de peines d'emprisonnement de courte durée, parfois au détriment de peines plus longues et plus efficaces purgées au sein de la collectivité. En éliminant ces peines minimales obligatoires, on peut réaffecter les ressources vers des mesures plus efficaces qui favoriseront la réduction des taux de récidive.
    Merci. J'estime qu'il est important de nous rappeler, dans notre étude, que l'élimination des peines minimales obligatoires n'entraîne pas seulement des coûts; elle permet également de réaliser des économies. C'est peut-être un moyen d'obtenir de notre système judiciaire de meilleurs résultats à moindres coûts.
    Parlons maintenant du pouvoir discrétionnaire accru que ce projet de loi conférerait aux policiers. En l'absence d'une réforme sérieuse pour remédier au racisme systémique au sein des forces de l'ordre, cette mesure me préoccupe. Je sais que le ministère de la Justice n'est pas responsable de cela, mais il y a deux dispositions du projet de loi qui me préoccupent parce que, en l'absence d'une réforme, aucune mesure de sauvegarde n'empêche le racisme systémique de se perpétuer.
    La première de ces dispositions conférerait aux policiers chargés de l'intervention initiale des pouvoirs discrétionnaires supplémentaires. Ma crainte, c'est que ce pouvoir discrétionnaire favorise les personnes blanches de classe moyenne supérieure auprès desquelles les policiers sont appelés à intervenir, au détriment des Canadiens racialisés ou autochtones, comme cela s'observe au sein de trop de corps policiers. La deuxième de ces dispositions porte sur la tenue de dossiers. Le projet de loi C‑5 autorise le corps de police à tenir un dossier. Encore là, ma crainte est que, en l'absence d'une réforme des services policiers, ces derniers tiendront des dossiers sur les Canadiens autochtones et racialisés mais pas pour les autres personnes auprès de qui ils sont appelés à intervenir.
    Que pense le ministère de ma préoccupation concernant le pouvoir discrétionnaire des policiers et leur autorisation à tenir des dossiers en l'absence de cette sérieuse réforme des forces de l'ordre qui s'impose?
    Le but de la disposition concernant la tenue de dossiers est de permettre aux policiers de verser dans un dossier tous les avertissements et les renvois afin d'éviter la confusion et d'assurer l'application uniforme des dispositions. Toutefois, le projet de loi précise que ces dossiers sont inadmissibles, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être mis en preuve dans des poursuites devant un tribunal pour établir le comportement délictueux de l'individu.
    En outre, le projet de loi prévoit un double système de freins et contrepoids. Lorsque le policier chargé de l'intervention initiale n'exerce pas son pouvoir discrétionnaire, dépose les chefs d'accusation et renvoie l'affaire à la Couronne, cette dernière est tenue d'observer les principes énoncés dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, de même que les lignes directrices fédérales ou provinciales en matière de poursuites, lesquelles disent essentiellement qu'il faut réserver les accusations d'acte criminel pour les infractions liées aux drogues qui sont les plus graves et qui compromettent la sécurité publique.
    Merci, monsieur Garrison.
    M. Fortin est de retour.
    Monsieur Fortin, je suis heureux que votre panne d'électricité soit terminée. Nous avons passé votre tour, alors je reviens à vous. Vous disposez de six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Di Manno, on a entendu M. le ministre nous expliquer que la raison première de ce projet de loi était de lutter contre le racisme systémique et la surreprésentation des personnes racisées à l’intérieur de nos prisons, si j'ai bien compris.
    Pouvez-vous me dire si des vérifications ont été faites sur les raisons pour lesquelles les personnes racisées sont surreprésentées dans nos prisons?
    Est-ce parce que ces personnes commettent davantage d’actes criminels, ce que je n’imagine pas être le cas? Est-ce parce que les policiers ou les juges sont plus sévères avec ces personnes?
    Est-ce parce qu’il n’y a pas suffisamment de services de soutien sur le plan juridique dans ces communautés?
    Y aurait-il d’autres raisons?
    C'est une question très complexe, car les raisons sont complexes. Elles débordent d'ailleurs de la portée du projet de loi C‑5.
    Selon nos données, certains délinquants, dont les personnes autochtones, les personnes de race noire et les personnes issues de communautés marginalisées, sont surreprésentés pour certaines infractions, notamment celles liées aux armes à feu et à la drogue.
    Les personnes ayant commis des infractions sanctionnées par des peines minimales obligatoires sont surreprésentées dans le système de justice pénale.

  (1430)  

    Si je comprends bien, vous dites que la raison pour laquelle il y a une surreprésentation des personnes racisées dans nos prisons n'a possiblement ou probablement rien à voir avec la question des peines minimales obligatoires.
    Dans ce cas, n'est-il pas un peu étonnant que le ministère de la Justice réagisse en disant qu'il va éliminer ces peines minimales obligatoires?
    Selon plusieurs études, les peines minimales obligatoires ont des effets différentiels et négatifs sur ces communautés racisées. Diverses preuves confirment que le fait d'enlever au juge son pouvoir discrétionnaire soulève des risques quant à l'équité procédurale, ce qui fait en sorte que ces personnes se retrouvent plus souvent devant le système de justice pénale.
    Cependant, le gouvernement a aussi fait des investissements stratégiques pour combattre ces problèmes, dont certains dans des centres de justice communautaires.
    On sait que le gouvernement a également mis en place — ce que la Cour suprême a avalisé — les fameux rapports Gladue, qui permettent à un Autochtone d'effectuer une étude sociale lorsqu'un membre d'une communauté autochtone est accusé [difficultés techniques].
    Les gens qui travaillent dans le domaine me disent qu'il n'y a pas suffisamment de ressources dans les communautés autochtones pour préparer des rapports Gladue. Les juges les demandent, mais les avocats de la défense disent qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires pour préparer un rapport Gladue.
    Cela n'aurait-il pas été une meilleure façon de s'attaquer au problème de la surreprésentation des personnes autochtones dans nos prisons, par exemple?
    Si vous me le permettez, je vais répondre à la question en anglais pour ne pas devoir chercher mes mots.

[Traduction]

    En fait, le gouvernement a effectué plusieurs investissements dans le budget de 2021 et l'énoncé économique de l'automne qui appuyaient la rédaction d'un rapport Gladue dans le cadre de la détermination de la peine.
    La même chose vaut pour l'évaluation de l'incidence des origines ethniques et culturelles. Cette évaluation aide le juge à tenir compte des désavantages et du racisme systémique ayant contribué aux démêlés de Canadiens racialisés avec le système de justice pénale.

[Français]

    Manifestement, il semble qu'il n'y en ait pas encore suffisamment.
    J'ai abordé rapidement la question de la décharge d'une arme à feu avec intention. Monsieur le ministre nous a dit qu'il n'était pas nécessaire d'envoyer en prison quelqu'un qui a tiré dans un mur, par exemple, parce qu'il avait trop bu d'alcool ou peu importe la raison. Je conçois bien cela.
    Cependant, comme je l'ai mentionné au ministre, si l'on scindait cette infraction, on pourrait envisager de traiter le cas d'une personne qui décharge son arme à feu sur un objet inanimé différemment de celui d'une personne qui la décharge sur une autre personne.
    Selon vous, aurait-il été possible de scinder cette infraction pour la traiter différemment en fonction des cas?
    La nature d'une infraction est déterminée par les tribunaux et la portée de cette infraction est large. Autrement dit, l'acte peut être commis dans diverses circonstances.
    Si une peine minimale obligatoire s'applique, le juge ne peut pas tenir compte de toutes ces circonstances lors de la détermination de la peine, et ce, même s'il voulait infliger une peine moins sévère que cette peine minimale. Comme la Cour suprême le dit dans l'arrêt Nur, une des solutions au problème de la constitutionnalité des peines minimales obligatoires est la réduction de la portée de l'infraction.
     Justement, n'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire qu'une personne qui décharge une arme à feu....

[Traduction]

     Merci, monsieur Fortin. Malheureusement, votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Brock, je vous accorde la parole pour cinq minutes.

  (1435)  

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les participants de leur présence. Mes questions ne s'adressent à personne en particulier. N'importe qui peut y répondre.
    J'aimerais d'abord revenir sur le dernier point soulevé par mon collègue, M. Garrison. Il a laissé entendre au Comité qu'il serait avantageux d'adopter le projet de loi C‑5 parce que cela permettrait d'alléger le fardeau du système de justice pénale, ce qui réduirait les coûts et permettrait de réduire les délais.
    Je peux expliquer — et j'espère que les témoins seront d'accord avec moi — que cela est tout à fait faux. L'élimination de peines minimales obligatoires ne réduira pas de façon considérable la quantité de contestations judiciaires invoquant la Charte. En tant que membre du Barreau de l'Ontario ayant participé à des poursuites devant les tribunaux de l'Ontario pendant presque 30 ans, je peux vous confirmer que pratiquement toutes les infractions au Code criminel font l'objet de contestations invoquant la Charte, et pas seulement les infractions liées aux armes à feu.
    Le ministère est‑il disposé à reconnaître qu'il n'y aura pas de corrélation directe considérable qui entraînera une réduction du nombre de contestations invoquant la Charte si nous éliminons ces 14 peines minimales obligatoires? Oui ou non?
    D'après ce que je comprends, la tendance de ces 10 dernières années montre que la promulgation de ces peines minimales obligatoires a contribué à une augmentation des contestations fondées sur la Charte.
    Monsieur le président — si je peux me permettre d'ajouter quelque chose —, en 2016, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice ont décidé que dans le cadre des délibérations à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Jordan, pour trouver des mesures efficaces afin de gérer et d'éviter les retards, la plus importante mesure à prendre pour remédier à ce problème serait d'aborder la question des peines minimales obligatoires.
    De manière générale, il y a évidemment de grandes attentes, et comme mon collègue l'a souligné, nous faisons le suivi d'un certain nombre de contestations fondées sur la Charte qui vont dans ce sens. Nous espérons que tout cela aura les résultats escomptés, et nous continuerons bien évidemment à travailler avec nos homologues fédéraux, provinciaux et territoriaux pour surveiller et évaluer les répercussions des modifications si...
    Merci, madame Morency. Je voudrais maintenant passer au point suivant.
    Je voudrais parler de l'idée consistant à maintenir les peines minimales obligatoires pour ces 14 infractions, tout en instaurant une exemption constitutionnelle qui donnerait une certaine latitude aux juges partout au pays pour écarter la peine minimale obligatoire dans les cas exceptionnels où elle constituerait une peine cruelle et inusitée. Les ministères ont-ils envisagé cette possibilité, et si tel est le cas, pourquoi cela a‑t‑il été rejeté sous la forme d'un avant-projet de loi?
    Comme l'a dit le ministre, il a examiné les différentes solutions en tenant compte des répercussions négatives, mentionnées par mon collègue, concernant les peines minimales obligatoires. Sa décision s'appuyait sur le fait que l'approche proposée dans le projet de loi C‑5 était réaliste et mesurée, et qu'elle pouvait être mise en œuvre à court terme.
    Merci.
    J'aimerais maintenant parler des peines avec sursis. Je pense que nous pouvons tous convenir que la condition préalable dans le Code est qu'un juge doit être convaincu que permettre au délinquant de purger sa peine à la maison ne mettrait pas en danger la sécurité de la population.
    Notons également que l'article 752 du Code criminel est totalement oblitéré dans le projet de loi C‑5. L'article 752 définit ce qu'on entend par « sévices graves à la personne », qui peut être un acte criminel mettant en cause:
(i) soit l'emploi, ou une tentative d’emploi, de la violence contre une autre personne,
(ii) soit une conduite dangereuse, ou susceptible de l'être, pour la vie ou la sécurité d’une autre personne ou une conduite ayant infligé, ou susceptible d'infliger, des dommages psychologiques graves à une autre personne;
    D'après moi, les agressions sexuelles, le harcèlement criminel, les enlèvements, la traite de personnes, les incendies criminels et l'enlèvement d’une personne âgée de moins de 14 ans sont des infractions pour lesquelles, en vertu du projet de loi C‑5, il serait désormais envisageable d'imposer une peine avec sursis. Cela serait contraire à l'article 752, ce qui aurait pour conséquence de faire augmenter le nombre de litiges devant les tribunaux.
    Le ministère a‑t‑il envisagé les répercussions de l'article 752? D'un bout à l'autre du Canada, les juges ont toujours statué, notamment pour les instances d'appel, que face à tout sévice grave à la personne, la notion même de peine avec sursis n'était pas envisageable.

  (1440)  

     Monsieur Brock, votre temps est écoulé, mais je laisserais quelques secondes à M. Di Manno pour répondre brièvement.
    Je peux dire qu'en vertu du projet de loi C‑5, il faudrait que certaines conditions soient réunies pour qu'une peine d'emprisonnement avec sursis soit imposée. Pour commencer, l'emprisonnement doit être de moins de deux ans. Ensuite, la peine d'emprisonnement avec sursis ne doit pas présenter de risque pour la sécurité publique et elle doit être conforme à l'objectif et aux principes de détermination de la peine. En outre, l'infraction ne doit être ni un encouragement au génocide, ni un acte de torture, ni une tentative de meurtre. Pour finir, l'infraction ne doit pas relever du terrorisme ou d'une organisation criminelle, chacune d’entre elles étant poursuivie par mise en accusation et passible d’une peine maximale d’emprisonnement de 10 ans ou plus.
    Merci, monsieur Brock.
    Monsieur Zuberi, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poursuivre la conversation à propos des peines d'emprisonnement avec sursis, aussi appelées OS. Le ministre nous a expliqué en quoi elles consistaient et nous venons d'entendre une série de questions à ce sujet. J'aimerais avoir des explications supplémentaires, si vous le voulez bien, concernant leur fonctionnement concret. À quelle fréquence ces peines sont-elles prononcées à l'heure actuelle?
    Ces 10 dernières années, avec la promulgation de nouvelles restrictions relatives aux peines d’emprisonnement avec sursis, nous avons constaté une baisse de leur fréquence, car elles ne s'appliquaient plus dans autant de cas. D'après Statistique Canada, pour ce qui est des peines communautaires comme les OS, les données montrent qu'en 2019‑2020, des peines avec sursis ont été rendues dans 6 720 affaires au Canada. Comparativement, en 2004‑2005, avant les réformes qui restreignent le recours à ces peines, elles ont été rendues dans 11 545 affaires.
    La peine d'emprisonnement avec sursis — comme indiqué par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Proulx — englobe deux objectifs. Elle a un caractère punitif, car le délinquant doit respecter des conditions très strictes comme l'assignation à résidence, le couvre-feu et l'interdiction de posséder des armes, qui sont des conditions nécessaires pour le respect de la sécurité publique. Elle peut aussi avoir un objectif de réinsertion, avec des éléments qui relèvent de la justice corrective.
    Lorsque ces peines sont prononcées dans les circonstances appropriées, il semble qu'il y ait une forte réduction du taux de récidive. Le recours à l'emprisonnement dans des circonstances non appropriées peut renforcer l'affiliation à un gang et contribuer à la stigmatisation, ce qui pourrait en fait nuire à la sécurité publique.
    Certainement.
    À la fin de votre intervention, vous avez abordé un point sur lequel j'aimerais que vous nous donniez plus de détails. Des études ont-elles été menées concernant les répercussions du recours efficace aux peines avec sursis? Obtient‑on de meilleurs résultats qu'avec les peines minimales obligatoires? S'il y a eu des recherches, pourriez-vous nous en parler?
    Nous disposons d'une bibliographie de recherches que nous serions heureux de fournir au Comité.
    Oui, cela serait vraiment intéressant. Par exemple, pour des personnes dépendantes aux opioïdes, il me semble que les peines avec sursis sont préférables aux peines minimales obligatoires, car elles aident au rétablissement de ces personnes qui peuvent alors contribuer pleinement à la société, de la façon qui leur correspond le mieux. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le recours aux peines avec sursis au lieu des peines minimales obligatoires pourrait être une meilleure solution pour les personnes dépendantes aux opioïdes ou à d'autres drogues?
    Un des facteurs contribuant à la crise des opioïdes est la stigmatisation. Plusieurs études montrent que le recours trop fréquent à l'incarcération est en fait lié à une augmentation du taux de récidive, et que cela a des répercussions particulièrement négatives sur les contrevenants à faible risque. En outre, les études indiquent que le taux de récidive dans le cadre des peines avec sursis est plutôt faible. Les peines d'emprisonnement avec sursis sont efficaces dans certaines circonstances, car elles permettent aux contrevenants de se faire soigner tout en continuant à travailler, ce qui permet également de faire diminuer le taux d'incarcération.

  (1445)  

    Il me reste une minute, et j'aimerais l'utiliser pour que vous expliquiez les particularités de fonctionnement des peines d'emprisonnement avec sursis. Le ministre de la Justice nous a donné quelques exemples, mais j'aimerais que vous nous en donniez d'autres afin que les membres du Comité comprennent bien les tenants et les aboutissants.
    Les peines communautaires, notamment les peines avec sursis, sont prononcées lorsque le juge considère qu'une peine de moins de deux ans est appropriée. Ce type de peine s'avère particulièrement efficace lorsqu'on l'associe à une thérapie obligatoire. Si une personne purge une peine d'emprisonnement, le juge ne peut pas obliger le contrevenant à se faire soigner. Par contre, la peine avec sursis permet au tribunal d'aider le contrevenant à s'attaquer aux racines du problème. Ainsi, on obtient une forte diminution du taux de récidive.
    Exactement, c'est ce que je pense.
    Merci.
    Merci, monsieur Zuberi.
    Je cède la parole à M. Fortin pour deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je voudrais revenir à M. Di Manno et reprendre notre discussion là où nous l'avons laissée tantôt.
    À votre avis, monsieur Di Manno, la décharge d'une arme à feu avec intention en direction d’individus ne mériterait-elle pas une peine d’emprisonnement dans chaque cas?
    Selon vous, y a-t-il des situations où cela ne mérite pas l’emprisonnement?
    Ce que je pourrais vous dire, c'est que, selon les circonstances, l’infraction peut avoir une portée plus large. C’est au tribunal de déterminer la peine appropriée dans les circonstances.
    Pour ces infractions, le projet de loi C‑5 garde les peines minimales de cinq ans et de sept ans d'emprisonnement s'il y a usage d'une arme à feu prohibée ou d'une arme à autorisation restreinte et si l’infraction est liée au crime organisé.
    Ici, on parle de l'alinéa 244(2)b) du Code criminel, qui fixe la peine minimale obligatoire à quatre ans pour la décharge d’une arme à feu avec intention.
    Tantôt, le ministre disait que, si une personne tirait sur un mur, ce ne serait pas nécessaire de l'envoyer en prison. Je suis d'accord là-dessus, et je le concède.
    Toutefois, si une personne tire intentionnellement en direction d’un individu ou d’individus, cela ne mérite-t-il pas toujours une peine d’emprisonnement?
    En fait, le tribunal, lors de la détermination de la peine, va toujours tenir compte des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise. Quand un crime commis avec une arme à feu met en danger la sécurité publique, les principes de détermination de la peine et de la dénonciation sont ceux que la cour va utiliser pour infliger la peine.
    Je suis d’accord avec vous. Le juge va sûrement infliger une peine d'emprisonnement dans un tel cas. Ce qui me pose un problème, c’est que, dans le projet de loi C‑5, on envoie à la population un message selon lequel nous, les législateurs, nous trouvons que ces infractions ne sont pas graves et que l’on peut enlever la peine minimale obligatoire.
    Je suis convaincu que, dans une situation comme celle que j’ai illustrée, le juge va infliger une peine d’emprisonnement. Je n'ai aucune crainte. Je ne peux pas croire qu’il va donner une amende de 100 $ à quelqu’un qui a tiré sur quelqu’un d’autre. Le problème, c'est que nous, les législateurs, nous avons une responsabilité à l'égard de la population...

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin...

[Français]

    ... et le message m'apparaît un peu trouble.

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin.
    Je cède la parole à M. Garrison pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais moi aussi reprendre là où j'en étais au tour précédent. Les observations de M. Brock à propos de ma position sur le sujet me poussent toutefois à apporter quelques précisions. Je ne prétends pas que le projet de loi permettra d'économiser de l'argent par souci d'efficacité. Il s'agit plutôt de dégager du temps et de l'argent pour que les tribunaux se concentrent sur les infractions les plus graves, qui sont les plus dangereuses pour la société. Nous devons faire en sorte d'éviter que des gens dans des affaires très graves soient relâchés à cause de délais judiciaires alors que les tribunaux s'occupent de cas qui, à mon avis, ne devraient même pas se retrouver dans le système judiciaire.
    Il n'est pas seulement question d'efficacité; il s'agit d'utiliser efficacement les ressources du système judiciaire pour mieux protéger la société.
    Je préférerais parler de la décriminalisation de la possession de drogue pour usage personnel, mais ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui. Je vais donc parler à nouveau du pouvoir discrétionnaire qui est accordé aux policiers et aux procureurs. C'est là où j'en étais.
    Le projet de loi C‑5 ne semble prévoir aucun critère clair qui guiderait les procureurs et les policiers sur la façon d'exercer leur pouvoir discrétionnaire. Je pense que l'augmentation du pouvoir discrétionnaire touche les policiers. Je ne suis pas certain que c'est vraiment le cas pour les procureurs. Cela dit, il ne semble pas avoir de critères clairs sur la façon d'appliquer ce pouvoir discrétionnaire.

  (1450)  

    Il ne s'agit pas vraiment d'une augmentation du pouvoir discrétionnaire des policiers ou des procureurs, monsieur Garrison. C'est plutôt une reconnaissance du pouvoir discrétionnaire qu'ils ont déjà. Le projet de loi vise à les inciter à y avoir recours d'une façon qui répond aux préoccupations soulevées dans la mesure législative.
    Pour revenir aux inquiétudes que vous avez exprimées plus tôt à propos de l'exercice du pouvoir discrétionnaire, c'est un sujet de préoccupation que nous avons entendu à maintes reprises par rapport au projet de loi. C'est aussi un point dont le ministre a fait état. Il est important de ne pas seulement proposer des réformes législatives, mais aussi de s'attaquer à ces autres grands problèmes systémiques; le gouvernement s'est notamment engagé à élaborer une stratégie en matière de justice pour les Autochtones et une autre pour les Noirs. Nous nous penchons sérieusement sur ces problèmes systémiques.
    Cependant, les mesures législatives en soi et le gouvernement fédéral à lui seul ne peuvent pas régler ces problèmes plus vastes.
    Le projet de loi C‑5 ne semble pas exiger la consignation du recours à ce pouvoir discrétionnaire. Je me demande comment nous pourrons vérifier si ce pouvoir est utilisé d'une façon juste et si nous atteignons les objectifs de lutte contre le racisme. Si le recours à ce pouvoir discrétionnaire n'est consigné d'aucune façon, comment saurons-nous s'il est efficace?
    C'est une bonne question. Le pouvoir discrétionnaire existe déjà dans le système de justice pénale: il est possible d'examiner les cas d'utilisation inappropriée. On peut se prévaloir de recours visant le pouvoir discrétionnaire des procureurs et les abus de procédure ainsi que porter plainte auprès de corps policiers — ce sont des mesures de ce genre qui sont offertes. Cela dit, vous avez raison: le projet de loi ne prévoit rien à ce sujet.
    Merci, monsieur Garrison.
    M. Moore disposera des cinq dernières minutes. Tout de suite après, nous parlerons de quelques questions budgétaires.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui pour parler d'un projet de loi que je considère comme important.
    Un certain mythe est perpétué, et j'aimerais que vous nous confirmiez quelque chose rapidement. On entend qu'un grand nombre de ces peines minimales obligatoires remontent à l'époque de M. Harper. S'il est vrai que le gouvernement conservateur, au moyen de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, a supprimé la possibilité de recourir à des ordonnances de sursis pour des crimes comme les incendies criminels, la traite de personnes pour tirer un avantage matériel, les agressions sexuelles et le harcèlement criminel, je veux parler plus précisément des peines minimales obligatoires pour les crimes commis avec une arme à feu. Je vais en énumérer quelques-uns: usage d'une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction, possession d'une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec des munitions, possession d'une arme obtenue lors de la perpétration d'une infraction, possession en vue de faire le trafic d'armes, trafic d'armes, vol qualifié commis avec une arme à feu, extorsion perpétrée avec une arme à feu et décharger une arme à feu avec une intention particulière.
    Je sais que vous connaissez tous ces dispositions. Pouvez-vous confirmer au Comité que toutes ces peines minimales obligatoires ont été mises en place avant le gouvernement conservateur précédent et qu'elles ont en fait été présentées par des gouvernements libéraux?
    Je crois qu'il nous faudrait passer en revue la liste avec vous, monsieur Moore.
    Certes, un certain nombre de peines minimales obligatoires pour les crimes commis avec une arme à feu existaient avant le gouvernement précédent. Comme vous vous en souvenez probablement, certaines de ces peines ont été augmentées pendant cette période, notamment les peines de cinq et sept ans liées aux armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte, ou encore au crime organisé.
    Il faudrait toutefois que nous nous penchions sur la question pour vous donner une réponse plus tard.
    Pourriez-vous le faire et envoyer la réponse au Comité? Je me suis permis de vérifier ce qu'il en était pour toutes ces peines. Je peux confirmer qu'elles ont toutes été présentées par des gouvernements libéraux précédents. Cela dit, si vous pouviez le confirmer et en faire part au Comité, je vous en serais reconnaissant. Je ne m'attends pas à ce que les autres députés me croient sur parole, mais ils vous croiront.
    Je suis un peu inquiet d'apprendre qu'il n'y a pas eu de consultations précises. J'ai entendu parler de sondages sur les peines minimales obligatoires, mais des consultations précises auprès de groupes particuliers qui sont plus susceptibles d'être victimes de criminels pour savoir ce qu'ils pensent des mesures proposées dans le projet de loi C‑5...
    Je mentionne rapidement que, selon Statistique Canada, les personnes qui s'identifient en tant que lesbiennes, gais ou bisexuelles sont plus susceptibles d'être victimes d'un crime violent. Ce projet de loi — et j'ai abordé la question des répercussions sur les femmes avec le ministre — prévoit le recours à des ordonnances de sursis pour certains crimes graves et l'abrogation de peines minimales obligatoires. Des consultations ont-elles été menées auprès de différents groupes au sujet des répercussions que le projet de loi aurait sur les victimes s'il était adopté?

  (1455)  

    Je vais compléter ce qu'a dit M. Di Manno plus tôt.
    Le gouvernement a mené des consultations assez complètes sur les idées et les aspects de la réforme qui sont inclus dans le projet de loi C‑5. Je vous invite à consulter le site Web de Justice Canada. On peut y lire un résumé des consultations sur l'examen du système de justice pénale, y compris des tables rondes tenues par le ministre de la Justice et le secrétaire parlementaire.
    Des consultations assez complètes ont effectivement été menées sur des sujets comme les ordonnances de sursis et les peines minimales obligatoires. La question posée plus tôt était la suivante: ces groupes ont-ils été consultés expressément au sujet des réformes prévues dans le projet de loi? Ils ne l'ont pas été.
    Merci de votre réponse, monsieur Taylor. J'imagine que ce fait m'inquiète parce que nous parlons de différents groupes désignés, des Premières Nations et des peuples autochtones, de la communauté noire, ainsi que des lesbiennes, des gais et des bisexuels. Nous avons découvert que ces groupes n'ont pas été consultés même s'ils sont plus susceptibles d'être victimes des crimes qui sont traités avec indulgence dans ce projet de loi du gouvernement. C'est évidemment inquiétant, et nous avons invité des témoins au Comité pour étudier cette question plus en profondeur. Je...
    Merci, monsieur Moore. Le temps est écoulé.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs précieuses contributions aujourd'hui. Je remercie également tous les députés de leur participation.
    Nous avons une brève question budgétaire à régler. Nous devons approuver le budget pour la présente étude.
    D'ailleurs, les témoins peuvent maintenant se retirer. Ils peuvent bien sûr quitter la réunion, mais aussi rester jusqu'à la fin.
    Je crois que tous les députés ont reçu le budget. Je tiens à vous prévenir qu'il pourrait être modifié compte tenu d'une nouvelle décision de la Chambre. Je crois qu'il sera permis de recevoir des témoins en personne après la pause. Les budgets pourraient devoir être modifiés pour tenir compte des frais de déplacement et d'hébergement des témoins. Il faut en prendre note.
    Sommes-nous tous en faveur d'adopter le budget?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci. Je vous souhaite une excellente fin de semaine et une agréable pause parlementaire. Nous nous reverrons à la reprise des travaux de la Chambre.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU