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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 018 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 6 mai 2022

[Enregistrement électronique]

  (1300)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bienvenue à la 18e réunion du Comité permanent de la condition féminine. Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 29 avril 2022, le Comité entreprend l'étude du projet de loi C‑233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime).
    La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 novembre 2021. Des députées sont présentes dans la salle et d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom. Le 10 mars 2022, le Bureau de régie interne a adopté une directive obligeant les personnes présentes dans la salle à porter un masque, sauf si elles sont assises à leur place durant les délibérations.
    Permettez-moi quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro et veuillez mettre votre micro en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
     En ce qui concerne l'interprétation, si vous participez à la réunion par l'application Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Si vous participez en personne, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal que vous voulez. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
    Pour ce qui est de la rédaction d'amendements, je rappelle aux membres de communiquer dès que possible avec Alexandra Schorah, conseillère législative, si des amendements sont envisagés.
    J'ai maintenant le privilège d'accueillir notre premier groupe de témoins dans le cadre de l'étude de ce projet de loi qui, soyons francs, est d'une grande importance. Évidemment, je ne suis pas tout à fait objective sur la question. En tant que présidente, je serai on ne peut plus honnête là‑dessus.
    Nous discutons aujourd'hui du projet de loi C‑233 et accueillons une invitée spéciale, soit la marraine du projet de loi, Anju Dhillon.
    Merci beaucoup pour ce projet de loi, madame Dhillon.
    Je suis également fière d'accueillir Pam Damoff, comotionnaire du projet de loi, qui appuie cette mesure législative depuis ses tout débuts à la Chambre.
    Aujourd'hui, j'ai l'honneur d'accueillir Jennifer Kagan-Viater et Philip Viater dans le cadre de nos discussions sur ce projet de loi fort important.
    D'emblée, je vais mettre cartes sur table: nous aimons habituellement respecter le temps alloué. Je sais que la première heure de ce groupe de témoins est très très importante pour le Comité, donc je vais faire preuve de souplesse. Cela dit, si vous me voyez agiter les bras, je vous prie, dans la mesure du possible, de conclure dans les quelques secondes qui suivent.
    Je cède maintenant la parole à Mme Dhillon.
    Madame Dhillon, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire. Allez‑y.
    Merci beaucoup.
    D'abord, j'aimerais vous remercier, madame la présidente, de même que les membres du FEWO, de vous pencher aussi rapidement sur cette question d'une extrême importance. Je vous en suis très reconnaissante. Je vous remercie toutes du fond du cœur. Vous avez ma sincère gratitude.

[Français]

     Je suis très enthousiaste à l'idée de vous présenter, aujourd'hui, le projet de loi C‑233, que j'ai déposé. Je dois admettre que je suis extrêmement émue du vaste soutien qu'il a reçu. Même dans mes rêves les plus fous, je n'aurais jamais osé imaginer que mon initiative législative puisse bénéficier d'un soutien aussi extraordinaire, que ce soit de la part des victimes de violence conjugale, de mes collègues, de groupes de défense des droits de la personne ou des médias.
    Ce projet de loi a été rédigé avec une idée en tête, celle de mieux protéger les femmes et les enfants vulnérables victimes de violence conjugale et de leur sauver la vie.

[Traduction]

    Le projet de loi C‑233 vise la mise en œuvre de deux amendements, soit l'un au Code criminel et l'autre à la Loi sur les juges. Le but est d'inscrire au Code criminel la surveillance à distance d'un accusé en liberté provisoire dans des circonstances données, de même que de former les juges fédéraux sur le phénomène de la violence entre partenaires intimes et le contrôle coercitif.

[Français]

    Depuis que j'ai commencé à pratiquer le droit criminel et familial, j'ai pu constater à quel point il était difficile pour les victimes de violence conjugale de sortir du cercle vicieux de la violence et de la maltraitance. Beaucoup de victimes étaient réticentes à l'idée de dénoncer l'enfer dans lequel elles vivaient, par peur de ne pas être crues par le système ou de subir des représailles d'un partenaire violent, ou par crainte d'une précarité financière.

[Traduction]

    Certains de mes collègues avocats ont perdu des clientes aux mains d'un ancien partenaire violent qui les harcelait. D'autres ont représenté des clients violents qui ne laissaient pas leur partenaire intime tranquille malgré l'ordonnance du tribunal, un comportement qui a entraîné la perte de vies humaines.
    Le Comité de la condition féminine, où j'étais secrétaire parlementaire et, ultérieurement, membre, est arrivé aux mêmes conclusions. Le témoignage des victimes, des spécialistes et des alliés brosse encore et toujours le même portrait effroyable d'un très grand nombre de victimes subissant de la violence familiale, tout comme leurs enfants. En matière de violence entre partenaires intimes, il se dégage entre autres conclusions que le risque de violence et de décès chez les victimes et leurs enfants ne disparaît pas après la séparation du couple. Au contraire, bien souvent, dans les 18 mois suivant ladite séparation, le partenaire, qui est la plupart du temps une femme, et les enfants risquent encore plus d'être victimes d'une attaque violente.
    Dans les très rares coins du monde où la surveillance à distance a été adoptée afin d'améliorer la protection des victimes de violence familiale, comme l'Australie et l'Espagne, on a constaté une baisse marquée des crimes violents de même que des féminicides et des filicides.

  (1305)  

[Français]

     En d'autres termes, dans certains cas problématiques où l'agresseur refuse de se tenir à l'écart de la victime ou n'accepte pas la séparation imposée par le partenaire, le port d'un bracelet anti-rapprochement permet d'informer les autorités et l'ancienne partenaire du non-respect des conditions imposées par le juge et, donc, de sauver des vies ou de prévenir des crimes violents.
    Étant donné qu'une femme est assassinée tous les deux jours et demi, ce qui représente entre 144 et 178 meurtres par année, souvent commis par un partenaire intime, il semble évident que notre pays a besoin d'une telle technologie pour éviter ce genre de tragédies.

[Traduction]

    Il est donc évident que notre pays a besoin de ce type de mesure législative.

[Français]

    Il est impératif que cette loi donne la possibilité à un juge d'ordonner le port d'un bracelet anti-rapprochement lorsque des individus représentent un risque pour la sécurité de leur partenaire intime et de leurs enfants, et seulement lorsque cela est jugé nécessaire.

[Traduction]

    Procéder ainsi permettra aux juges provinciaux de même qu'aux juges municipaux d'ordonner de telles conditions quand elles s'avèrent nécessaires.
    Au cours de mes préparatifs menant au dépôt de mon projet de loi d'initiative parlementaire, mes bonnes amies et collègues d'Oakville-Nord—Burlington et de York-Centre, Pam Damoff et Ya'ara Saks respectivement, m'ont demandé de rencontrer Jennifer Kagan-Viater et son mari, Philip Viater, qui réclament ardemment l'obligation pour la magistrature d'assister à des colloques sur la violence familiale et le contrôle coercitif.
    J'ai eu l'occasion d'échanger avec eux et leur histoire m'a profondément secouée. En février 2020, la Dre Kagan-Viater a perdu sa fille de quatre ans, Keira, aux mains de son père dans le cadre de ce qui semble être un meurtre-suicide. Les signes avant-coureurs étaient là avant la tragédie, mais le tribunal qui a accordé des droits de visite non supervisée au père de Keira a rejeté cette preuve sous prétexte que le comportement violent envers la mère de Keira ne devait pas être vu comme posant un risque pour l'enfant.
    On constate toutefois que la réalité est toute autre.
    La sécurité des enfants est à risque quand un parent est violent envers l'autre et qu'il a la garde partagée des enfants du couple ou des droits de visite non supervisée.

[Français]

    Dans cette optique, avec l'appui de ces deux précieux alliés et de mes collègues mentionnées précédemment, j'ai rédigé une disposition dans le projet de loi C‑233 qui, si le projet de loi est adopté, exigera des juges qu'ils suivent une formation sur la violence conjugale.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup pour cela.
    Nous accueillons maintenant la Dre Kagan-Viater et M. Viater. Je sais que vous allez partager votre temps.
    Docteure Kagan-Viater, la parole est à vous.
    Je m'appelle Jennifer Kagan. Je suis mère et médecin. Permettez-moi de vous présenter mon mari, Philip Viater, qui est père et avocat en droit de la famille.
    Je suis ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C‑233, et plus particulièrement du volet sur la formation des juges nommé de façon informelle en l'honneur de ma fille, Keira Kagan.
    Aujourd'hui, je tiens à remercier les députées Dhillon, Damoff et Saks, de même que vous toutes au Comité, de nous avoir invités à prendre la parole. C'est vraiment un honneur.
    Il va sans dire que j'ai du mal à me présenter devant vous pour en parler, mais c'est très important, et ce projet de loi sauvera des vies.
    Essentiellement, je vais vous raconter mon histoire et la raison pour laquelle elle n'est pas inhabituelle, mais plutôt typique d'un problème plus général, à savoir la façon dont le système des tribunaux de la famille traite les cas de violence familiale, et elle illustre le manque de compréhension des questions de violence familiale et de contrôle coercitif au sein de la magistrature.
    J'ai été victime de violence familiale dans mon mariage précédent. Il a été court, et j'ai fait l'objet de différents types de violence, dont des épisodes isolés de violence physique de même que du contrôle coercitif.
    J'avais une petite fille et j'ai pu fuir mon agresseur en toute sécurité, mais quand j'ai eu recours au système des tribunaux de la famille pour protéger Keira, j'ai constaté qu'il n'était pas outillé pour protéger un jeune enfant. Si ma mémoire est bonne, j'ai comparu devant 10 à 12 juges, aucun d'eux ne saisissant bien ce que sont la violence familiale et le contrôle coercitif. Pendant mon procès, quand je suis allée à la barre pour parler de la violence que j'ai vécue, j'ai été interrompue par le juge qui m'a dit que la violence n'était pas pertinente du point de vue de la parentalité et qu'il n'allait pas en tenir compte.
    Keira a été remise sans la moindre supervision entre les mains d'une personne très dangereuse. Comme l'a déjà dit Mme Dhillon, Keira a été tuée dans le cadre d'un meurtre-suicide en février 2020. Elle et son père ont été retrouvés sans vie au pied d'une falaise, à Milton, en Ontario.
    Nous ne voulons pas qu'un autre enfant ou qu'une autre famille éprouve ce que nous avons vécu. Tous les ans, de 30 à 40 enfants au pays sont tués par l'un de leurs parents. Un enfant, c'est déjà un de trop. Quand on constate les échecs des tribunaux de la famille, nous comprenons que le système a laissé tomber Keira et qu'il en est de même pour d'autres enfants. Les enfants qui connaissent la violence familiale auront un éventail de problèmes au cours de leur vie, y compris des troubles de santé physique et psychologique. La violence familiale est une crise de santé publique qui exige une intervention urgente.
    Nous sommes convaincus que les juges doivent recevoir de la formation sur la violence familiale et le contrôle coercitif, d'où le volet sur la formation continue des juges du projet de loi C‑233.
    Quelque part au pays, une femme est tuée tous les jours et demi. Une intervention urgente s'impose, et nous sommes reconnaissants aux députées de déposer cette mesure législative afin qu'aucun autre enfant n'ait à subir une mort violente et prématurée aux mains de l'un de ses parents, ce qui peut être évité.
    Nous avons bon espoir que la formation sera offerte en consultation avec les survivants de violence et les organismes qui les appuient. Nous serions certes ouverts à une conversation avec la magistrature sur la formation en matière de violence familiale et ce qu'elle devrait comprendre. Selon moi, elle doit manifestement comprendre le contrôle coercitif, mais aussi l'évaluation des risques, les facteurs de risque associés à la létalité et des données des comités canadiens d'examen des décès dus à la violence familiale, qui étudient ces signes avant-coureurs.
    Je cède maintenant la parole à M. Viater.
    Une fois de plus, merci beaucoup. C'est vraiment un honneur d'être ici.

  (1310)  

    À mon tour de toutes vous remercier de nous entendre aujourd'hui, surtout Mmes Dhillon, Damoff et Saks, qui ont beaucoup soutenu et défendu ce projet de loi. Merci une fois de plus de nous accorder la parole aujourd'hui.
    Nous croyons qu'il s'agit d'un projet de loi extrêmement important. Le cas de Jennifer illustre parfaitement pourquoi ce projet de loi est si nécessaire. Ce qu'elle ne vous a pas dit, c'est que dans son cas, il y a eu 53 ordonnances rendues par plus de 12 juges. Beaucoup de ces ordonnances étaient des avertissements à son ancien mari à propos de sa mauvaise conduite. C'est de là que vient la dissonance.
    Il y a eu dissonance à deux degrés. D'abord, des juges reconnaissaient qu'il y avait quelque chose qui clochait chez son ancien mari, mais ils n'ont pas agi en conséquence. Ensuite, certains juges ne l'admettaient tout simplement pas. Dans un cas comme dans l'autre, cela s'est terminé exactement comme nous le craignions, soit par la mort de Keira.
    Je suis avocat en droit de la famille depuis 13 ou 14 ans déjà. Je suis fort occupé. Je le dis parce que, sur le terrain, il y a des problèmes dont je peux clairement témoigner. Beaucoup de victimes de violence font peu confiance au système. Pour être franc, les avocats ne sont guère plus convaincus.
    Les avocats recommandent souvent à leurs clients de ne pas mentionner la violence, parce que les juges n'en saisissent pas l'importance. En fait, on va s'en servir pour vous punir. Les victimes ont peur que les juges ne les écoutent pas, ne les comprennent pas ou rejettent la question du revers de la main. Elles ont l'impression d'être revictimisées au tribunal. Bien souvent, les juges les remettent dans des situations où elles doivent communiquer avec leur agresseur ou le côtoyer. Ils n'admettent pas vraiment tout le danger que cela peut parfois représenter.
    Quand je parle des juges, c'est une généralisation. Il y en a évidemment certains qui sont vraiment bons et bien informés, puis il y a ceux qui sont un peu moins bien informés. Globalement, on voit que les gens ne se sentent pas en sécurité, et qu'il y a un manque de confiance du public, surtout en ce qui concerne les survivants.
    Vous entendez un avertissement parce que vous avez pas mal dépassé le temps prévu.
    Oh, veuillez m'excuser.
    Monsieur Viater, je vais m'assurer de revenir immédiatement à vous, si vous me le permettez. D'accord?

  (1315)  

    D'accord, oui.
    Je vais vous accorder encore 15 secondes si vous le voulez. Donnez-moi ce message de 15 secondes, puis nous passerons tout de suite aux questions, d'accord?
    Ce sont les 15 secondes les plus importantes.
    Le seul amendement que nous souhaitons vraiment vise l'article 3 de la Loi sur les juges, à l'alinéa 3b) en fait, sur la nécessité de la formation continue des nouveaux juges. Actuellement, elle porte sur l'agression sexuelle, le contexte social, le racisme systémique, etc. Nous aimerions qu'elle comprenne également la violence entre partenaires intimes et le contrôle coercitif afin de donner à ce passage un peu plus de mordant.
    Le fait que les juges qui sont saisis d'une affaire de droit de la famille n'ont pas tous des antécédents ou de la formation en droit de la famille est le dernier point que j'allais soulever.
    Merci beaucoup.
    Permettez-moi de vous expliquer la procédure usuelle. Pendant le premier tour de questions, chaque parti a droit à six minutes. On m'a permis de poser des questions, bien que la présidence s'en abstienne habituellement. Tous les partis m'en ont donné l'occasion aujourd'hui. Je vais donc commencer avec une intervention de six minutes au nom du Parti conservateur, si vous le voulez bien. Ne vous en faites pas, j'ai mon chronomètre ici.
    Je vais commencer par vous, madame Dhillon.
    Madame, nous savons à quel point ce projet de loi est important. Je crois que vous étiez tout comme moi membre du Comité de la condition féminine quand nous avons étudié le projet de loi de Rona Ambrose. Nous parlions de la nécessité de former la magistrature.
    Pourquoi avez-vous posé ce geste maintenant? De quoi avez-vous entre autres été témoin? Avez-vous posé ce geste plus particulièrement en raison du cas de Keira ou avez-vous plutôt été incitée à le faire par quelque chose que vous avez mis de l'avant?
    Comme je l'ai dit, quand j'exerçais le droit, je voyais des lacunes dans le système, surtout quand il s'agissait de rompre le cycle de la violence. Les enfants en particulier sont très gravement affectés.
    Oui, nous avons siégé ensemble au Comité.
    Ces deux dernières années, pendant la pandémie, nous avons constaté une augmentation de la violence envers les femmes. Elles étaient isolées par leur partenaire. Les enfants étaient victimes de cette violence directement et par procuration. Les témoignages étaient horribles. La plupart du temps, j'étais assise là, à me dire: « Il faut faire quelque chose. » Je me le répétais sans cesse.
    J'aimerais ajouter une chose, car je sais que vous avez beaucoup de questions pour tout le monde et je vous vois bouger. Pendant les études, on a entre autres dit que la pandémie était le « paradis de l'agresseur ». Cette expression m'a vraiment marquée. Par paradis de l'agresseur, on entend que la victime est isolée et ne peut aller nulle part. Il fallait faire quelque chose.
    C'est ce qui m'a motivée. Puis Mme Damoff est venue me voir à propos de la tragédie des Kagan. Je lui ai répondu: « D'accord. Agissons. »
    Parfait. Merci beaucoup.
    Au début de 2020, lorsque j'étais la ministre du cabinet fantôme chargée des femmes et de l'égalité des sexes, je me souviens que des gens m'appelaient chez moi pour me dire: « Il faut que nous trouvions un endroit sûr pour cette femme. » C'était absolument tragique.
    Madame Kagan‑Viater, je veux que vous en parliez.
    D'abord, en tant que mère, je n'ai même pas les mots pour dire ce que je ressens. Une chose est sûre, « désolée » ne suffit pas, mais je pense à vous tous les jours. Pendant que nous examinons ce projet de loi, le projet de loi C‑233, l'image de votre magnifique petite fille aux cheveux bouclés me revient chaque jour.
    Je voudrais vous demander ceci. Vous avez obtenu 53 ordonnances judiciaires, et rien n'a été fait. On rendait des ordonnances qui disaient que cet homme, votre ex‑mari, ne pouvait pas venir chez vous, que c'était impossible. Chaque fois, il a défié ces ordonnances du tribunal. Qu'est‑ce qui s'est passé? Qu'est‑ce que vous pouviez faire ensuite? Quelles mesures d'exécution ont été prises? Qu'est‑ce que la police a fait? De quelles ressources disposiez-vous?
    Nous disposions de ressources qui me permettaient d'intervenir lorsqu'une ordonnance du tribunal était enfreinte ou lorsqu'une requête frivole était déposée. Mon ex‑partenaire a souvent introduit ces requêtes de manière très litigieuse afin de me mettre dans l'embarras, mais nous avons pu y réagir légalement.
    Malheureusement, de nombreuses victimes de violence ne sont pas en mesure de le faire. J'ai eu la chance d'avoir les ressources nécessaires pour payer l'avocat à ce moment‑là. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous dénonçons cette situation: beaucoup de personnes ayant survécu à la violence sont sans voix et ne sont pas en mesure de réagir lorsqu'un agresseur prend un enfant et s'enfuit avec lui pendant des semaines. Cela exige une réaction.
    De nombreux systèmes ont besoin d'être réformés. Je sais qu'aujourd'hui, nous sommes censés parler de la formation des juges, alors je vais m'en tenir à cela, mais de nombreux systèmes au Canada laissent tomber les survivantes de la violence et les enfants, et doivent être réformés.

  (1320)  

    Merci.
    Monsieur Viater, nous voulons vous entendre. Il nous reste 1 minute et 45 secondes.
    J'ai eu l'occasion de parler avec vous avant, et je pense que vous apportez au dossier une vaste expérience en tant qu'avocat en droit de la famille. Je suis sûre que vous avez été un partenaire formidable pour Mme Kagan‑Viater tout au long de cette période.
    Je crois qu'il y a une chose que nous observons, et ce, même dans les salles d'audience, où les avocats eux-mêmes se concentrent sur des aspects très précis. Il y a le droit de la famille et il y a le droit civil. Il y a tellement de choses différentes — le droit pénal, le droit immobilier. Ils veulent le faire. Je constate souvent que ce sont ces personnes qui deviennent juges. Un avocat peut avoir exercé le droit pénal pendant 20 ans, ou le droit immobilier pendant 20 ans, et voilà qu'il se retrouve à trancher des affaires pénales, comme nous l'avons vu à maintes reprises.
    Je vais vous laisser la prochaine minute, et je veux que vous me disiez ce que nous devons faire et la façon dont nous pouvons améliorer cela. Vous avez une minute, monsieur Viater.
    Merci.
    Oui, c'est l'une des plaintes et l'un des problèmes les plus importants que nous rencontrons aujourd'hui. C'est que vous n'avez pas toujours un juge qui a une expérience en droit de la famille. Très franchement, même lorsque c'est le cas, cela ne veut pas dire que la violence a fait partie de sa formation particulière. Il a pu s'occuper d'affaires concernant des revenus nets élevés ou des biens.
    C'est principalement à cause de cela que la formation sur ce sujet est si importante, et que l'amendement que j'ai demandé concernant l'engagement est si important. En l'absence d'un tel engagement, les juges décident de leur propre formation. Ce qui finira par arriver, c'est que l'avocat spécialisé dans l'immobilier ne suivra pas la formation sur la violence conjugale, parce qu'il ne siège pas souvent dans des affaires de droit familial. Ces avocats estiment ne pas en avoir besoin. Si nous leur donnons cette formation dès le début, lorsqu'ils deviennent juges, nous finirons par avoir une magistrature entièrement informée en matière de violence.
    Merci beaucoup. Mon temps est écoulé.
    C'est maintenant au tour de Sonia Sidhu, qui dispose de six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins d'être ici avec nous.
    Aucun enfant ne mérite cela. Je sais qu'il est difficile de parler de cela, docteure Kagan et monsieur Viater, mais vous défendez une cause si importante, et vous faites changer les choses.
    Je tiens également à remercier la députée Anju Dhillon de défendre ce projet de loi, ainsi que la députée Damoff d'avoir travaillé sans relâche.
    Ma première question s'adresse à la Dre Kagan. Outre la réforme judiciaire nécessaire, où voyez-vous des lacunes dans les mesures à prendre pour éliminer la violence fondée sur le sexe et protéger les enfants des préjudices qui y sont associés? Vous avez parlé de l'éducation en matière de violence conjugale. Pouvez-vous préciser ce point?
    Absolument. Je pense que l'éducation est vraiment essentielle pour donner aux professionnels du système les outils dont ils ont besoin pour prendre des décisions qui mettent la sécurité des enfants au premier plan. Il y a énormément de littérature et d'expertise en matière de violence familiale. Par exemple, le Centre for Family Violence de London, en Ontario, regroupe des personnes qui ont étudié la question.
    Je suis médecin, mais j'ai reçu une formation en soins palliatifs. Les gens se demandent parfois si cela suffit pour répondre aux besoins, mais en fait, j'ai suivi une formation très complète d'un an pour devenir médecin en soins palliatifs au Canada. Les enfants doivent pouvoir profiter de ce même degré d'expertise de la part des personnes qui prennent ces décisions.
    Il est bien sûr urgent de former les juges, mais aussi les travailleurs de la protection de l'enfance et, en fait, tout professionnel qui intervient dans des dossiers portés devant un tribunal de la famille, par exemple les évaluateurs en matière de garde ou tout travailleur social ou psychologue qui travaille à ce genre de dossier, ainsi que la police. Nous pouvons espérer que cela constituera un premier pas et que les provinces suivront en mettant en œuvre des initiatives de formation similaires. Même dans le domaine des soins de santé, il faut que les médecins soient prêts à reconnaître les signes de violence lorsqu'ils reçoivent des patients dans les services d'urgence ou les cliniques de médecine familiale, par exemple.
    Je vous remercie beaucoup de votre question, car c'est très important.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Dhillon.
    Comment pouvons-nous nous assurer que nous répondons aux divers besoins de tous les Canadiens?
    Désolée, mais j'ai manqué votre question. Pouvez-vous la répéter?
    Comment pouvons-nous nous assurer que nous répondons aux divers besoins de tous les Canadiens, en particulier ceux des personnes qui risquent le plus d'être victimisées, notamment au sein des autres communautés? Il y a tellement d'obstacles pour elles. Comment pouvons-nous les aider?

  (1325)  

    Tout d'abord, je pense que l'adoption de mon projet de loi serait un excellent point de départ. Ce n'est que le début de la conversation. Comme je l'ai déjà dit, le contrôle coercitif ne fait pas partie du Code criminel. Il n'est pas reconnu. C'est la première fois qu'il y aura une reconnaissance explicite à ce niveau au Canada.
    Les groupes de défense des droits et nos collègues d'en face nous ont montré que tous appuient le projet de loi et que nous devons reconnaître le contrôle coercitif. Il faut s'en occuper. C'est un très bon début pour entamer cette conversation.
    Merci.
    La prochaine question s'adresse à Mme Damoff.
    Je sais que vous avez été en communication avec de nombreux intervenants, victimes et groupes de survivants. Comment pouvons-nous nous assurer que nous répondons aux divers besoins de tous les Canadiens?
    En fait, j'aimerais féliciter la Dre Kagan et M. Viater pour les efforts qu'ils ont déployés en vue de communiquer avec les organismes et les députés de tout le Canada. J'ai rarement vu le genre de soutien que j'ai observé pour la loi de Keira dans n'importe quel autre dossier sur lequel j'ai travaillé, et c'est vraiment tout à l'honneur de la Dre Kagan et de M. Viater. C'est grâce à Hébergement femmes Canada. C'est grâce à des avocats comme Mme Pamela Cross et M. Jaffe, qui ont comparu devant notre comité et se sont prononcés en faveur de ce que nous essayons de faire avec la loi de Keira. C'est un mouvement qui a commencé en mémoire de Keira.
    Je suis désolée. Les questions de la présidente me rendent un peu émotive, mais sachez que nous pouvons vraiment améliorer les choses. Keira voulait changer le monde, et c'est ce qu'elle fait grâce au projet de loi. Elle a déclenché un mouvement à l'échelle du pays, mouvement qui va réellement changer le monde.
    Merci, madame Damoff.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Viater ou à la Dre Kagan.
    À votre avis, comment le projet de loi protégera‑t‑il les populations dans le besoin ou à risque afin qu'elles se sentent en sécurité et protégées?
    Permettez-moi de commencer par dire que si les juges sont en mesure de comprendre, en 2022, à quoi ressemble la violence — c'est‑à‑dire qu'il ne s'agit pas seulement de bosses, de bleus et d'yeux au beurre noir —, ce sera l'un des premiers et des plus grands objectifs à atteindre. C'est super important parce qu'à l'heure actuelle, lorsque les juges rejettent cela du revers de la main, ils ne font que permettre à l'agresseur de continuer ses agissements presque à l'infini. L'agresseur se dit qu'il peut continuer d'agir ainsi puisque le juge n'y voit rien de mal.
    De même, si les juges commencent à saisir les réactions des victimes face au traumatisme, ils comprendront que les mesures prises par ces dernières ne sont peut-être pas de nature malveillante, mais qu'elles visent en fait à protéger leurs enfants. Voilà le genre de changements qui vont vraiment protéger les gens parce que les juges sont les gardiens de dernier rempart, et ce sont eux qui doivent prendre la décision finale quant au sort des enfants.
    Il vous reste 20 secondes, madame Sidhu.
    Docteure Kagan, nous savons qu'il y a des problèmes systémiques. À votre avis, quels sont les changements qui doivent avoir lieu pour changer cette culture?
    Je pense que c'est un point de départ.
    Le fait que les victimes et les survivants se sentent à l'aise pour venir en parler est un pas dans la bonne direction. Il n'est pas facile pour une personne de se présenter comme survivante d'actes violents. Il faut une acceptation et une prise de conscience de la part de la société, une diminution de la stigmatisation et de la culpabilisation des victimes. Nous avons aussi besoin de personnes en position d'autorité qui ne valident pas ce genre d'incidents, et d'une reconnaissance du fait que la maltraitance est inacceptable. Tous les gens qui occupent des postes de pouvoir doivent appliquer une tolérance zéro à l'égard de la maltraitance.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant céder la parole à Andréanne Larouche pour les six prochaines minutes.
    Madame Larouche, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Madame Kagan‑Viater et monsieur Viater, je veux d'abord commencer mon intervention en vous offrant mes plus sincères condoléances. Étant moi-même, depuis peu, maman d'une petite fille, j'ai peine à imaginer la douleur que vous avez pu ressentir, en tant que parents. Cela démontre à quel point les violences entre partenaires intimes affectent non seulement ces derniers, mais aussi l'ensemble de la famille. Plusieurs témoins sont venus le dire au Comité. J'ai donc une pensée pour vous.
    Madame Dhillon, je vous remercie beaucoup d'avoir présenté le projet de loi C‑233. Vous m'avez beaucoup entendue parler du contrôle coercitif, tout comme Mme Damoff.
    J'ai eu l'occasion de rencontrer une survivante qui recevait, sur son blogue, « Les mots de Myra », les témoignages d'autres survivantes. À la lumière de tous ces témoignages, on peut constater que la notion de contrôle coercitif permet d'avoir un point de vue beaucoup plus large et global sur la question des violences familiales. Vous m'avez souvent entendue en parler.
    Je suis heureuse que vous déposiez le projet de loi C‑233, et vous ne serez pas surprise d'apprendre que ma formation politique et moi-même, évidemment, allons l'appuyer.
    Le projet de loi suit, en quelque sorte, ce que le gouvernement du Québec a récemment mis en place. Il s'inscrit dans la lignée de ce qui s'est fait à l'Assemblée nationale. Nous avions hâte de voir Ottawa en arriver là. Par contre, nous voyons que Québec a déjà bougé peut-être un petit peu plus rapidement. Bref, je tiens à vous dire que nous appuyons vraiment cette nouvelle politique publique, qui est cohérente avec les valeurs des Québécoises et des Québécois.
    Cependant, il faut souligner que cette amélioration à la législation ne règlera pas tous les problèmes de violence conjugale. Elle n'est pas une solution miracle. Plusieurs témoins ont prévenu le Comité qu'il ne faut pas penser qu'une mesure, comme le bracelet anti-rapprochement, par exemple, va tout régler en un coup de baguette magique. De nombreux témoins nous l'ont dit: il va falloir ajouter plusieurs autres moyens pour contrer ces violences.
    Nous savons que le gouvernement du Québec a déjà annoncé l'implantation du bracelet anti-rapprochement, parmi un ensemble de 14 autres mesures en cours pour contrer la violence entre partenaires intimes.
    Pour assurer la continuité de mise en application de ces mesures, je veux vous sensibiliser à l'importance de continuer d'augmenter le financement en santé versé au Québec et aux provinces pour maintenir l'offre de services adéquats aux victimes de violence conjugale. Plusieurs témoins l'ont mentionné. De nombreux organismes peuvent accompagner les victimes, et leurs services doivent aller de pair avec des mesures comme celle du bracelet anti-rapprochement.
    Plusieurs témoignages ont insisté sur le caractère essentiel de ces organismes. Qu'en pensez-vous?

  (1330)  

    Je vous remercie, madame Larouche, de tout le travail que vous-même avez fait concernant le contrôle coercitif. Vous avez raison de dire que je vous ai beaucoup entendue parler de ce sujet.
    Vous venez de soulever une question vraiment importante.
    J'aimerais ajouter un point à vos commentaires concernant le bracelet anti-rapprochement.
    En tant que Québécoise, c'est avec une certaine fierté que je peux dire que le Québec a vraiment instauré des mesures pour s'attaquer au problème de la violence conjugale. Ainsi, au mois de mars, le gouvernement québécois a annoncé qu'il lançait un premier projet pilote de tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale au palais de justice de Salaberry‑de‑Valleyfield. C'est le premier territoire au monde à mettre sur pied un tel tribunal. Le travail que la province fait est vraiment important. J'espère que cela va continuer et que nous pourrons travailler main dans la main avec toutes les provinces et les territoires.
    Vous avez absolument raison.
    D'ailleurs, je suis fière de dire qu'un des projets pilotes de tribunal spécialisé sera implanté chez nous, à Granby, au cœur de ma circonscription.
    La réflexion qui sous-tend l'implantation de tribunaux spécialisés est justement fondée sur la question de la formation des juges. Il est essentiel qu'ils soient mieux formés.
    Je veux simplement faire remarquer que le contrôle coercitif n'est abordé qu'en regard de la formation des juges et que, comme vous le dites, la modification au Code criminel qui est proposée dans le projet de loi déposé ne porte pas sur la criminalisation du contrôle coercitif. Je vous ai entendu dire que c'était le début d'une réflexion. Pourtant, une recommandation en ce sens a été faite par de nombreux experts, à maintes reprises, au Comité permanent de la condition féminine et au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Pour le moment, qu'est-ce qui fait que vous n'avez pas incorporé la recommandation de criminaliser le contrôle coercitif au projet de loi C‑233?
     Je vais laisser le prochain groupe de témoins répondre à cette question.
    Vous dites qu'on a vraiment fait appel à l'expertise du ministère de la Justice.
    Exactement.
    Vous avez dit qu'au Québec, avec l'adoption récente du projet de loi no 24, le déploiement du dispositif commence maintenant et durera jusqu'à l'an prochain pour couvrir l'ensemble du territoire.
    Le cœur du problème est toujours le déploiement du dispositif. Comment, selon votre projet de loi, va-t-on mettre en place le dispositif électronique au niveau fédéral?
    Pouvez-vous répéter la question?
    Selon votre projet de loi, comment le bracelet anti-rapprochement sera-t-il mis en place au niveau fédéral?
    Ce sera aux provinces et aux territoires qu'il reviendra de le mettre en place, car ils savent mieux comment gérer les détails techniques.
    Il y en a beaucoup. Les bracelets anti-rapprochement mettent en cause la couverture cellulaire. Il faut s'assurer qu'ils pourront fonctionner partout. On a parlé de ce problème. On a beau faire porter des bracelets anti-rapprochement, si la couverture cellulaire est déficiente, certaines victimes ne seront pas protégées. .

[Traduction]

    Cela ne résoudra pas tous les problèmes, et il y a certainement un problème de couverture cellulaire, mais ce sera au moins un début. Le projet de loi inscrira au Code criminel le travail remarquable que fait le Québec en matière de lutte contre la violence sexuelle et familiale.

  (1335)  

    Parfait. Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Leah Gazan, qui dispose de six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je voudrais commencer par dire que c'est un plaisir de vous revoir, docteure Kagan. J'aimerais vous dire à quel point j'admire le courage dont vous faites preuve en vous servant de votre expérience pour évoquer la mémoire de votre fille d'une manière aussi héroïque. C'est vraiment touchant, et je tiens à vous rendre hommage aujourd'hui pour cet immense courage. Monsieur Viater, je sais que cette situation vous a également touché personnellement, alors je veux aussi saluer votre courage, votre amour et votre compassion.
     Je remercie les députées Dhillon et Damoff d'avoir présenté ce projet de loi. En tant que femme à la Chambre des communes, je sais que l'espace que nous occupons n'est pas très grand. En créant l'occasion de parler de la violence et des mesures qui s'imposent pour y mettre fin, nous devons occuper ce champ d'action. Je tiens à vous remercier de faire ce travail à la Chambre des communes.
    Ma première question s'adresse à Mme Dhillon.
    Au sein de notre comité, nous avons parlé de la grande diversité culturelle en ce qui concerne les réactions aux traumatismes, aux préjudices et à la peur, ainsi que la manière dont on les exprime. Je suis tout à fait favorable au projet de loi pour ce qui est de la formation des juges, mais comment allons-nous nous assurer que la formation que reçoivent les juges leur permet d'avoir une vision interculturelle lorsqu'ils prennent de telles décisions?
    Je vais laisser Mme Damoff répondre à cette question.
    C'est l'une des choses dont nous avons parlé lorsque nous avons étudié le projet de loi de Rona Ambrose, puis la Loi sur les juges. J'ai eu le privilège de siéger au comité de la justice. Si vous vous souvenez bien, le racisme systémique a été ajouté dans la dernière version du projet de loi. Au départ, nous y avions également ajouté le contexte social afin de garantir la prise en considération des facteurs dont vous venez de parler. Nous ne pouvons pas prescrire ce que les juges feront dans le cadre de leur formation, mais nous pouvons faire tout ce que nous pouvons dans le libellé de la loi.
    Les questions que vous venez de soulever, madame Gazan, sont très importantes. Elles sont prises en compte dans le libellé précédent, mais je suis sûre que les juges nous regardent en ce moment. Je pense que nous pouvons tous leur envoyer un message très clair, à savoir qu'ils doivent s'assurer de communiquer avec les bonnes organisations et les bonnes personnes pour faire en sorte que leur formation tienne compte de tous les Canadiens.
    Merci beaucoup de votre réponse.
    On a posé une question sur le service cellulaire et l'efficacité des bracelets électroniques. C'est inquiétant. Je vais vous donner un exemple, car je pense que c'est une initiative très importante: si vous vivez dans une collectivité éloignée du Nord du Manitoba, il faut une heure à la police de certaines localités pour se rendre sur les lieux. Je me pose quelques questions, car je trouve que c'est un aspect essentiel.
    Y a‑t‑il des mesures concrètes à prendre pour rendre l'accès à cette mesure de sécurité plus équitable? Comment cela est‑il coordonné avec les divers services, de sorte qu'une victime de violence conjugale puisse obtenir une réponse rapide?
     Le gouvernement est en train de déployer le service cellulaire dans tout le pays. Je ne pense pas que nous voulions donner aux femmes de faux espoirs en leur faisant croire que cette mesure va permettre à toutes les femmes du Canada de bénéficier d'une surveillance à distance, car ce n'est pas le cas, et nous le savons. Les communautés autochtones, en particulier, sont très mal desservies par le service Internet. Il est important que nous fournissions également des services dans ces communautés. C'est pourquoi le travail effectué par votre comité est important, tout comme le sont les recommandations que vous formulez et, bien franchement, la ministre Ien accorde la priorité aux services dans les communautés.
    Je sais que votre temps est limité, alors je vais vous redonner la parole.
    Nous devons adopter une approche pangouvernementale. C'est là un aspect de la question, mais nous devons reconnaître que cela ne réglera pas le problème. Pour revenir à ce que vous disiez précisément, nous devons permettre aux femmes d'avoir accès à des services de soutien dans leur collectivité, en toute sécurité et en temps opportun.

  (1340)  

    Merci beaucoup. J'aime beaucoup travailler avec vous deux.
    Ma prochaine question s'adresse à la Dre Kagan‑Viater, et aussi à vous, monsieur Viater.
     Comment entrevoyez-vous le rôle du gouvernement? Quel rôle pouvons-nous jouer pour prévenir une situation de maltraitance semblable à celle que votre défunte fille, Keira, a subie? Je sais que nous envisageons actuellement le recours à des dispositifs électroniques. Nous allons certainement appuyer cette mesure, mais que pouvons-nous faire d'autre? Comment pouvons-nous en faire plus?
    C'est assurément un pas dans la bonne direction, et c'est un début. Si nous examinons les échecs dans le dossier de Keira et d'autres enfants canadiens, nous constatons qu'en cas de violence conjugale, la femme fuit généralement la situation. Nous voulons nous assurer que les juges sont bien outillés pour gérer ces cas et pour comprendre les effets de la violence conjugale sur les enfants, ce qui devrait faire partie de leur formation. C'est vraiment ce dont nous avons besoin en ce qui concerne les cas de maltraitance.
     Y a‑t‑il un problème avec mon audio? Je pensais qu'on me faisait signe, alors je m'en excuse.
    Ce n'est pas le cas, mais je vais vous donner environ 10 secondes de plus, parce que nous devons passer au tour suivant.
    Les juges doivent savoir reconnaître les situations où un enfant est blessé et en danger, et c'est l'essentiel ici. C'est, à tout le moins, un premier pas. Je pourrais absolument parler d'autres initiatives en long et en large.
    C'est un plaisir de vous revoir, madame Gazan.
    Merci beaucoup. Monsieur Viater, je sais que nous reviendrons à vous à un moment donné.
    Passons maintenant au deuxième tour. Madame Vien, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Bonjour, chères collègues. Je salue également nos invités.
    Nous vous sommes très reconnaissantes d'être ici aujourd'hui.
    En tant que députée et, il y a 15 ans, à titre de ministre au gouvernement du Québec, j'ai posé des gestes, et nous en posons encore ici aujourd'hui. Je suis contente que nous ayons encore des conversations très pertinentes. Parfois, nous réussissons à améliorer la vie des gens. La plupart du temps, c'est ce à quoi nous travaillons, ici, au Parlement. Chaque geste que nous posons et chaque parole que nous prononçons peuvent changer la vie des gens et des femmes en particulier.
    J'ai quelques questions à poser, mais vous aurez compris qu'il n'y aura pas beaucoup d'opposition, ici, cet après-midi.
    En ce qui concerne l'obligation pour les juges de se former sur ces sujets, monsieur Viater, comment pensez-vous que cela va être reçu par les juges?

[Traduction]

    C'est une question intéressante. Je ne sais pas vraiment quelle serait la réponse. Je peux seulement présumer que certains juges vont l'accueillir à bras ouverts et que d'autres vont être offensés.
    En réalité, les juges qui sont offensés sont ceux qui ont le plus besoin d'une telle formation, parce que les juges qui ne sont pas offensés vont généralement suivre ce genre de formation par eux-mêmes. Ce sont les juges qui sont offensés qui s'en tiennent généralement aux vieux stéréotypes et mythes et qui continuent à causer involontairement du tort à certaines familles.

[Français]

    Monsieur Viater, si j'ai bien lu le projet de loi, je comprends que c'est à la suite d'une demande faite au juge par le procureur de la Couronne que le bracelet peut être exigé.
    Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Non. Le bracelet électronique ne faisait pas nécessairement partie de la loi de Keira.
    J'ai déjà fait du droit pénal. Dans le cas d'une mise en liberté provisoire par voie judiciaire, lorsqu'une personne est accusée d'un crime de violence entre partenaires intimes, le juge de paix ou le juge doit envisager certaines conditions à imposer. Aux termes du projet de loi, les juges auront à se demander précisément s'il est dans l'intérêt de la justice d'ordonner un dispositif de surveillance à distance. On met ainsi à leur disposition un autre outil auquel ils peuvent envisager de recourir. Voilà, en gros, ce que fait le projet de loi.

  (1345)  

[Français]

     D'accord.
    J'avais l'impression que c'est le procureur qui devait présenter la demande et que le juge qui la recevait devait ensuite prendre une décision. Ce n'est donc pas le processus proposé.
    Docteure Kagan‑Viater, si le bracelet avait existé, la situation aurait-elle pu être différente?

[Traduction]

    Je crois que j'aurais demandé le port d'un bracelet, et j'appuie pleinement cette initiative. Malheureusement, cela n'aurait pas changé le cours des choses pour Keira, parce que le juge a ordonné qu'elle soit remise entre les mains de l'agresseur, mon ex‑mari. C'était une ordonnance du tribunal. Le volet éducatif aurait fait une différence considérable pour Keira, mais pas l'autre volet.
    Cela n'en diminue pas moins l'importance. Cette mesure va sauver la vie de femmes partout au Canada, et je l'appuie sans réserve.

[Français]

    Bien sûr.
    En terminant, madame la présidente, j'aimerais poser une question à notre collègue Mme Dhillon.
    Aurait-il été justifié que le projet de loi C‑233 comporte non pas une disposition de temporisation, mais une disposition qui prévoirait une analyse de sa mise en application? Nous aurions ainsi pu examiner les résultats qu'il aurait permis d'obtenir dans trois ou cinq ans, peut-être?
    Je vais laisser ma collègue Mme Damoff répondre à cette question.

[Traduction]

    Je ne peux pas parler de la surveillance électronique, mais si je me souviens bien, la Loi sur les juges prévoyait la présentation d'un rapport au ministre sur la participation à la formation des juges et le nombre de colloques suivis. Je parle de mémoire, mais je suis à peu près sûre que le projet de loi initial prévoyait la présentation de rapports sur les colloques suivis par les juges, de manière à ce qu'il y ait un suivi. Je peux me tromper, mais je suis certaine à 99 % que cela figurait dans le projet de loi initial.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à notre prochaine intervention de cinq minutes qui sera attribuée à Anita Vandenbeld. Madame Vandenbeld, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci beaucoup. J'aimerais partager mon temps avec M. Morrice.
    Docteure Kagan et monsieur Viater, je voudrais tout d'abord mentionner à quel point vous êtes incroyablement courageux. Il y a beaucoup de gens qui auraient sombré dans le chagrin après avoir vécu une expérience de ce genre, mais vous avez transformé cela en une mission qui va sauver la vie de nombreux enfants à l'avenir. Je crois que nous applaudissons tous l'incroyable courage que cela demande.
    J'ai une question à vous poser, et j'aimerais que chacun de vous y réponde en environ 30 secondes, car je veux économiser une partie de mon temps afin de le céder à M. Morrice.
    La loi comporte de nombreuses lacunes, et il y a de nombreuses façons de les combler. Pourquoi la formation des juges est-elle l'élément auquel nous devons nous attaquer en priorité?
    Je suppose que je commencerai par entendre Mme Anju, puis Mme Damoff. Ensuite, j'aimerais donner la parole à nos deux autres témoins.
    Je suis désolée, mais pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît? Il y a eu une certaine détérioration de la qualité du son.
    Pourquoi cette solution — c'est‑à‑dire la formation des juges et les bracelets de surveillance électronique — est-elle prioritaire? Étant donné qu'il existe de nombreuses façons de remédier au problème, pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur cette solution particulière?
    Il est extrêmement important que, dès le départ, les juges soient en mesure de rendre des décisions qui tiennent compte de la sécurité du plaignant ou de la victime et de ses enfants, et qui veillent à atténuer les préjudices et le cycle de la violence. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles j'ai opté pour cette solution dès le départ, car si nous commençons du bon pied, nous pourrons prévenir de nombreux préjudices par la suite. Nous ferons un grand pas en avant.
    Je pense que la députée, Mme Damoff, aimerait aussi ajouter quelque chose.
    Vous avez demandé la raison pour laquelle il est tellement important de prendre cette mesure maintenant. Cette raison est Keira Kagan. Nous ne voulons pas qu'une autre personne vive ce que Keira Kagan a vécu. Je ne pense pas avoir besoin d'en dire plus. Nous devons le faire pour Keira Kagan.

  (1350)  

    La parole est à vous, docteure Kagan‑Viater.
    En ce qui concerne les changements apportés à la Loi fédérale sur le divorce, Philippe peut évidemment en parler avec plus d'éloquence que moi. D'après ce que j'ai compris, la Loi sur le divorce a été modifiée en mars de l'année dernière, et elle mentionne désormais que la violence familiale est un facteur que les juges doivent prendre en compte lorsqu'ils décident de l'intérêt supérieur d'un enfant.
    Les juges ne comprennent pas à quoi ressemblent la violence familiale et les comportements contrôlants coercitifs. Nous devons leur fournir cette éducation, afin qu'ils puissent mettre en œuvre ces changements comme prévu.
    Vous avez la parole, monsieur Viater.
    Jennifer a mis le doigt sur le problème. Des changements étonnants ont été apportés à la Loi sur le divorce, mais quelle était la pièce manquante? C'était la composante éducative. En fait, très peu de choses ont changé, et ce n'était pas le but de ces changements.
    Je vais céder mon temps à M. Morrice.
    Merci.
    Merci, madame Vandenbeld.
    Permettez-moi de commencer par souligner la teneur différente de la conversation de cet après-midi, le nombre de femmes présentes dans la salle et l'incidence de la présence d'un plus grand nombre de politiciennes sur la qualité de nos conversations politiques.
    Ma question vous est destinée, madame Damoff.
    Vous travaillez dans ce domaine depuis un bon nombre d'années. Aimeriez-vous nous en dire davantage sur ce qui vous a d'abord attirée vers cette importante mesure législative?
    En 2020, j'ai reçu un message sur Twitter de la part de Jennifer Kagan qui disait ce qui suit: « Une amie m'a dit que je devrais communiquer avec vous, et j'aimerais vous raconter l'histoire de ma fille. » Nous avons parlé au téléphone, et depuis, nous conduisons une mission afin d'honorer la mémoire de Keira et de faire en sorte que les juges soient éduqués.
    Je pense que les modifications apportées à la Loi sur le divorce ont de bons côtés. Nous avons eu des conversations avec le ministre Lametti au sujet de l'excellent travail qui a été réalisé en ce qui concerne la teneur de la mesure législative, mais d'un point de vue pratique, nous devons nous en assurer sur le terrain.
    Je pense également que Mme Dhillon a mentionné de façon très élégante la surveillance électronique et l'éducation judiciaire dans le même projet de loi, car sans l'élément d'éducation, les juges ne sauront même pas qu'ils peuvent demander une surveillance électronique. Nous avons besoin que les juges soient sensibilisés à cette possibilité. Notre perception de ce qui constitue la violence familiale à l'heure actuelle est différente de ce qu'elle était il y a cinq ou 20 ans.
    Je sais qu'il en va de même pour la Dre Kagan. J'ai été inondée — et je crois que la présidente l'a été aussi — de messages provenant de personnes qui ont fait affaire avec le système judiciaire d'aujourd'hui et qui vivent exactement la même chose. J'ai été attirée par Jennifer Kagan dès notre première conversation, comme chacun d'entre vous l'a été. Nous devons simplement prendre cette mesure.
    Je vous remercie de votre question.
    De même, je vous remercie, docteure Kagan‑Viater, de votre militantisme, de la conversation que nous avons eue et de votre dialogue avec des organisations des quatre coins du pays, dont les Women's Crisis Services of Waterloo Region. Je sais à quel point elles se réjouissent de la présentation de cette mesure législative.
    Madame Dhillon, je vous remercie également de votre militantisme et de votre leadership.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Larouche. Madame Larouche, vous disposez de deux minutes et demie.

[Français]

     Mesdames Dhillon et Damoff, je vous remercie beaucoup, encore une fois, d'avoir présenté le projet de loi C‑233. Je remercie également de leur présence la Dre Kagan‑Viater et M. Viater.
    J'aimerais rappeler que le fait de parler de cette question ne date pas d'hier. Docteure Kagan‑Viater, vous avez souligné que la violence n'était pas toujours physique, mais qu'elle faisait toujours mal. Une campagne publicitaire diffusée à l'époque m'avait marquée en tant que jeune femme. C'est mon conjoint qui était à l'origine de cette campagne, qui y avait pensé. Je trouve qu'elle résumait bien ce qu'est le contrôle coercitif.
    Si je comprends bien, le bracelet électronique n'aurait peut-être pas pu sauver votre fille. Vous avez rappelé que c'était davantage la formation des juges qui était en cause dans ce cas. C'est ce que j'ai compris.
    Pour les survivantes et victimes de violence de la part d'un partenaire intime, l'important est qu'il n'y ait pas d'autres victimes, mais aussi de redonner confiance aux femmes pour qu'elles aient envie de rapporter ces situations, sentent qu'elles vont être écoutées et qu'on va accorder à leur situation toute l'importance qu'elle peut avoir.
    Docteure Kagan‑Viater, j'aimerais que vous nous parliez de l'impact qu'aura une meilleure formation des juges et du fait que les femmes seront encouragées à rapporter ces situations.

  (1355)  

[Traduction]

    Je dirais qu'à l'heure actuelle, les femmes ont peur de porter plainte. Elles savent qu'elles risquent d'être punies pour s'être présentées comme des victimes de violence familiale. Elles savent aussi qu'elles peuvent être accusées de ne pas vouloir faciliter une relation avec l'autre parent, ce qui n'est pas du tout le cas lorsqu'une personne agit de façon protectrice et craint pour sa propre sécurité ou celle de son enfant dans un cas de violence familiale.
    Il est à espérer qu'une fois que cette éducation aura été mise en œuvre et que la culture aura changé, les femmes et les victimes de violence se sentiront à l'aise de se manifester, sachant que l'on cherchera à les protéger et à faire en sorte qu'elles et leurs enfants soient en sécurité, qu'ils ne fassent pas partie des prochaines statistiques publiées dans les journaux.
    En ce moment, je peux vous dire que partout au pays, les survivantes sont très effrayées. Elles se tournent vers des systèmes afin d'être protégées, mais on les fait taire. Elles sont punies pour avoir signalé des actes de violence. Le projet de loi est un bon point de départ en vue de modifier cet état de choses.
    Formidable. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Gazan. Madame Gazan, vous avez la parole pendant deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
    Je suis entièrement d'accord, même si je pense que le droit familial provincial a régulièrement laissé tomber les femmes, en particulier dans les affaires où les enfants jouent un rôle.
    Ma question vous est destinée, docteur Kagan-Viater. Vous venez de parler de la peur des représailles si l'on se manifeste. Cependant, les femmes qui subissent des mauvais traitements sont également maltraitées par les systèmes qui les interrogent. Les personnes maltraitées doivent prouver qu'elles sont maltraitées, et c'est aux femmes qu'il incombe de le faire. De mon point de vue, il s'agit là d'un autre acte odieux et violent commis à l'encontre des victimes de violence.
    En ce qui concerne la formation, comment pensez-vous que nous puissions faire en sorte que le système judiciaire ne devienne pas un agresseur secondaire pour les femmes qui fuient la violence, notamment dans les cas de contrôle coercitif où les femmes n'ont pas d'ecchymoses sur le visage?
    Je suis d'accord pour dire que ces systèmes renforcent souvent les mauvais traitements et peuvent souvent être plus traumatisants que les mauvais traitements eux-mêmes. L'éducation est un pas dans la bonne direction, mais d'autres mesures peuvent être mises en œuvre. J'aimerais obtenir l'avis du gouvernement en ce qui concerne des mesures comme celles liées aux rôles joués par la victime et l'agresseur qui visent à éviter que ces personnes se croisent au tribunal. À l'heure actuelle, il arrive, par exemple, que l'agresseur contre-interroge la victime.
     J'accueillerais très favorablement une sorte de mesure législative globale portant sur la violence familiale ou des mesures ou des politiques visant à protéger les victimes afin qu'elles ne soient pas constamment traumatisées à nouveau par ces systèmes.
    Je vous remercie de votre question. C'était là quelques exemples de mesures à prendre.
    Ma prochaine question est destinée à Mme Dhillon ou à Mme Damoff.
    Nous parlons de formation. Les juges ont besoin de suivre une formation. Il y a eu plusieurs exemples au Manitoba qui sont tout simplement horribles. L'efficacité de la formation sera‑t‑elle mesurée d'une façon ou d'une autre?
    Dans ma dernière question, j'ai parlé de la compétence culturelle. J'ai maintenant abordé la possibilité de traumatiser de nouveau des victimes au moyen de l'interrogatoire. Je me demande si vous pouvez formuler des observations sur les recherches sur l'efficacité de la formation.
    Je vous remercie beaucoup de votre question, madame Gazan. Il ne nous reste que 10 secondes, alors je tiens à dire que vous avez soulevé un autre aspect problématique de notre système judiciaire. L'efficacité de la formation est un énorme problème. Nous devons vraiment nous attaquer à cette question et ne pas briser notre élan.
    La parole est à vous, madame Damoff.
    Je précise rapidement que je suis d'accord. Je vais en discuter avec le ministre Lametti afin de déterminer ce que nous pouvons faire pour mesurer l'efficacité de la formation.
    Génial.
    Au nom du Comité de la condition féminine, je tiens à remercier Anju Dhillon et Pam Damoff d'être venues faire un exposé aujourd'hui, pendant la première heure du débat sur le projet de loi C‑233.
    Je remercie infiniment Jennifer Kagan-Viater et Philippe Viater. Je suis tout à fait d'accord avec Mme Damoff pour dire que le travail et le militantisme que vous avez accomplis pour honorer la mémoire de Keira Kagan sont méritoires. Nous sommes tous avec vous. Nous vous remercions de nous permettre de participer à votre mouvement et de faire en sorte que les choses changent pour tous les Canadiens. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant suspendre nos travaux pendant quelques secondes afin d'accueillir le ministère de la Justice.
    Vous pouvez mettre fin à votre session. Nous vous remercions une fois de plus de vous être joints à nous.
    La séance est suspendue.

  (1355)  


  (1400)  

    Bonjour. Nous amorçons la deuxième heure du débat et des délibérations sur le projet de loi C‑233.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre deuxième groupe d'experts composé de membres du ministère de la Justice, notamment Melissa Moor, conseillère juridique, Services des affaires judiciaires, Secteur du droit public et des services législatifs; et Shannon Davis-Ermuth, avocate-conseil, Section du droit pénal et des politiques pénales.
    Vous disposez ensemble de cinq minutes pour faire votre exposé. Quand vous me verrez commencer à faire rouler mon stylo, ce serait fantastique si vous pouviez commencer à conclure votre exposé.
    Je vais maintenant vous céder la parole. Je ne sais pas qui souhaite commencer, mais je donne la parole aux représentants du ministère de la Justice. Vous disposez de cinq minutes.

  (1405)  

     J'aimerais commencer par signaler le fait que je me joins à vous depuis ma résidence et mon lieu de travail qui se trouvent sur les territoires traditionnels de la nation Haudenosaunee et de la Nation algonquine anishinabe.
    Je propose de vous donner un bref aperçu des réformes prévues dans le projet de loi en faisant référence aux cadres juridiques pertinents. Ensuite, ma collègue, Melissa Moor, et moi-même serons heureuses de tenter de répondre à vos questions.
    Comme vous le savez, le projet de loi propose deux séries de modifications: une série de modifications apportées aux dispositions du Code criminel relatives à la mise en liberté judiciaire provisoire, communément appelées dispositions relatives à la mise en liberté sous caution, et une autre série de modifications apportées aux dispositions de la Loi sur les juges relatives aux colloques en vue de la formation continue des juges. J'aborderai ces séries de modifications tour à tour.

[Français]

     Les modifications au Code criminel exigeraient qu'un juge de paix détermine si un accusé inculpé d'une infraction contre son partenaire intime devrait être tenu de porter un dispositif de surveillance à distance comme condition de mise en liberté provisoire, communément appelé « cautionnement », lorsque le procureur général le demande.
    À l'heure actuelle, le Code criminel permet aux tribunaux saisis des demandes de mise en liberté provisoire d'imposer les conditions qu'ils jugent nécessaires, tant qu'elles sont justifiées, dans l'un des cas suivants: pour assurer la présence de l'accusé au tribunal, pour la protection ou la sécurité du public, notamment celle des victimes, et [difficultés techniques] pour ne pas miner le paragraphe 515(10) du Code criminel.
    Ils peuvent notamment imposer toute condition qu'ils jugent nécessaire pour assurer la sécurité des victimes ou des témoins de l'infraction, ce qui peut inclure l'obligation de porter un dispositif de surveillance à distance comme condition de mise en liberté pour toute infraction, y compris les infractions contre un partenaire intime. La surveillance électronique des accusés mis en liberté sous caution est une question d'administration de la justice, et cette responsabilité relève donc des provinces et des territoires. L'utilisation d'un tel dispositif varie dans le pays. Certaines provinces et certains territoires offrent des programmes de surveillance électronique et assument le coût du dispositif, tandis que d'autres obligent l'accusé à en assumer le coût.

[Traduction]

    J'aborderai maintenant les modifications apportées à la Loi sur les juges par le projet de loi C‑233, qui ajouteraient la violence entre partenaires intimes et le contrôle coercitif à la liste des colloques organisés en vue de la formation continue des juges que le Conseil canadien de la magistrature peut établir. Cette liste de colloques fait déjà allusion aux « questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social, lequel comprend le racisme et la discrimination systémiques », comme le prévoyait le projet de loi C‑3, qui est entré en vigueur en 2021.
    Le « contrôle coercitif » est un terme inventé par les sociologues pour désigner un modèle de comportement contrôlant qui se produit au fil du temps dans le contexte de relations intimes ou familiales et qui sert à piéger les victimes, en éliminant leur sentiment de liberté dans la relation. Un vaste éventail de comportements contrôlants peut être employé, mais l'accent est mis sur la manière dont un tel modèle de comportement sert à assujettir les victimes, et non sur chaque incident au cours duquel l'agresseur exerce son contrôle.
    Le concept de contrôle coercitif a été utilisé dans le contexte du droit de la famille et du droit pénal. Dans le contexte du droit de la famille, le concept a récemment été ajouté à la définition de la violence familiale dans la Loi sur le divorce. Bien qu'il n'y ait pas d'infractions particulières liées à la violence entre partenaires intimes ou au contrôle coercitif dans le Code criminel, de nombreuses infractions du Code criminel d'application générale peuvent viser ce type de comportements, comme l'homicide, les voies de fait, les menaces de mort ou de lésions corporelles, l'agression sexuelle et le harcèlement criminel.
    Cela met fin à mes observations. C'est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions.
    Merci.

  (1410)  

     Formidable. Merci beaucoup.
    J'informe tout le monde qu'il y a un problème de connectivité. Je sais que Mme Davis-Ermuth fait de son mieux, mais nous avons un léger problème de connectivité. Nous devrons donc être patients pendant cette période.
    Je vous remercie vraiment de vos observations.
    Nous allons amorcer l'interrogation de notre deuxième groupe de témoins en organisant une série d'interventions de six minutes. Notre première intervenante sera Michelle Ferreri. Madame Ferreri, vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, madame Davis-Ermuth. J'avais un peu de mal à entendre votre voix, alors j'espère que...
    J'ai juste deux ou trois questions à vous poser. Vous avez décrit ce qu'était le contrôle coercitif. C'était en fait ma première question. Il existe une définition rigoureuse de ce terme que les juges doivent utiliser. Sont-ils actuellement renseignés sur la nature du contrôle coercitif et sur sa définition?
    Je vous remercie de votre question.
    Mme Moor fait partie de notre groupe des affaires judiciaires. Je ne suis pas sûre qu'elle soit en mesure de parler de la question de la formation des juges à cet égard.
    Je vous remercie de votre question sur ce que les juges apprennent ou comment la définition du contrôle cœrcitif est utilisée lors de la formation judiciaire. Le principe constitutionnel de l'indépendance judiciaire exige que le pouvoir judiciaire contrôle la formation des juges. Cela inclut le contrôle du contenu ou des sujets de la formation, y compris le contrôle cœrcitif.
     Le principal fournisseur de formation judiciaire pour les juges nommés par le gouvernement fédéral est l'Institut national de la magistrature, ou INM, et c'est lui qui conçoit et dispense la plupart des formations aux juges. Ses représentants seraient donc mieux placés que moi pour répondre à votre question.
    D'accord, mais à l'heure actuelle, les juges sont-ils formés sur ce qu'est le contrôle cœrcitif?
    Comme je l'ai mentionné, les représentants de l'INM, le principal fournisseur de formation judiciaire, seraient mieux placés que moi pour répondre à la question sur la formation qu'il offre actuellement aux juges.
    D'accord. Je vous remercie beaucoup.
     J'ai ce qui me semble être une question délicate. Évidemment, c'est un sujet que tous les membres du Comité ont très à cœur, et nous sommes ici parce que nous savons à quel point ce projet de loi est important. Je pense que parfois, lorsque les émotions prennent le dessus, on peut oublier les incidences potentiellement négatives qu'un projet de loi peut avoir.
     Juste pour s'assurer... J'ai reçu beaucoup de questions et de commentaires de la part d'hommes victimes de violence conjugale ou de violence familiale. Pensez-vous que ce projet de loi C-233 et la formation pour les juges protègent toutes les personnes, quel que soit leur sexe?
    Je vous remercie de cette question.
     Encore une fois, comme je l'ai mentionné, le contenu de la formation des juges et ce qu'elle couvrirait relèvent de la magistrature, dans ce cas le Conseil canadien de la magistrature et l'Institut national de la magistrature. Ils seraient mieux placés pour répondre aux questions sur ce que couvrirait une telle formation.
    Je pourrais dire, cependant, que, selon le contenu du projet de loi, son libellé, ce qu'il couvre et la protection qu'il offre aux victimes, le sexe de la victime n'est pas précisé [difficultés techniques], je pense, indépendamment [difficultés techniques] phénomène que le projet de loi vise.
    Je vous remercie. C'est très utile.
     J'aimerais poser une autre question. Je ne sais pas lequel d'entre vous voudra y répondre ou sera le mieux placé pour le faire. Y a‑t‑il des amendements qui, selon vous, devraient être apportés à ce projet de loi, ou y manque‑t‑il quelque chose, pour faire en sorte que la mort tragique d'une enfant comme Keira ne se reproduise jamais?

  (1415)  

    Je vous remercie.
    En tant que représentantes du ministère, nous ne pouvons pas vraiment proposer d'amendements. Nous pouvons vous parler de ce que fait le projet de loi techniquement et de ce qu'en seraient les effets.
     Si les membres du Comité voulaient nous poser des questions sur des amendements, nous pourrions également expliquer [difficultés techniques] techniquement comment cela changerait [difficultés techniques].
    Je suis désolée, mais la dernière phrase a été coupée. Pourriez-vous la répéter, madame Davis-Ermuth?
    Oui. Je suis désolée. Mon Internet est très instable aujourd'hui.
    Nous ne pouvons pas émettre une opinion sur les types d'amendements que le gouvernement devrait apporter, mais nous pouvons parler des effets techniques potentiels du projet de loi, ainsi que de tout effet technique que des amendements particuliers pourraient avoir.
    D'accord. Je vous remercie beaucoup.
    Combien de temps me reste‑t‑il, madame la présidente?
    Il vous reste 29 secondes.
    Je vais céder mon temps. Je vous remercie.
    D'accord. C'est fantastique.
    En fait, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais prendre ces 30 secondes pour poser une petite question.
    Quelle est la différence entre l'institut du conseil de la magistrature et le conseil de la magistrature, du point de vue...
    Certainement. Je pense que les deux organisations que vous mentionnez sont le Conseil canadien de la magistrature, le CCM, et l'Institut national de la magistrature, l'INM.
     Le CCM est une organisation composée de tous les juges en chef du Canada. Il est chargé d'établir les exigences en matière de perfectionnement professionnel pour les juges nommés par le gouvernement fédéral. Il collabore étroitement avec l'autre organisation que vous avez mentionnée, l'Institut national de la magistrature. L'INM est le principal fournisseur de la formation judiciaire. C'est aussi une organisation indépendante dirigée par des juges.
    Excellent. Je vous remercie beaucoup.
     Je vais maintenant céder la parole à Jenna Sudds. Madame Sudds, vous avez six minutes.
     Est‑elle là? Non?
     Madame Lambropoulos, allez‑y. Nous vous cédons le temps de parole.
    Je vous remercie et je remercie nos témoins d'être avec nous.
    Je commencerai par dire que nos témoins précédents, Mme Kagan et son mari — Mme Kagan est la mère de Keira — ont beaucoup parlé des échecs du système actuel et du manque de formation des juges en matière de violence contre un partenaire intime et de violence familiale en général, même lorsqu'il s'agit d'enfants. Je ne sais pas trop comment les choses fonctionnent actuellement dans le système judiciaire en matière de violence, mais pourriez-vous nous donner une idée de ce à quoi cela ressemble actuellement?
     Je sais que jusqu'à l'âge de 12 ans, un enfant n'est pas autorisé à décider s'il va vivre avec sa mère ou son père. Il ne peut pas choisir avec quel parent il va vivre. Dans certains cas, même lorsqu'il y a de la violence, le juge décide quand même que les deux parents ont la garde. Comment une telle décision peut-elle être prise? Selon vous, quelles autres protections existent actuellement pour garantir que l'enfant n'est pas maltraité ou qu'il est protégé d'un père comme celui de Keira?
    Je vous remercie.
     Pour être sûre de bien comprendre votre question, vous vous demandez comment, dans les cas de garde, les décisions sont prises concernant les enfants et les protections qui existent pour les enfants?
    D'accord.
     Lorsqu'un membre de la famille est violent, les enfants peuvent être protégés de différentes façons par le système judiciaire. Dans différents domaines du droit, il y a des dispositions qui peuvent être invoquées pour protéger les enfants.
     Par exemple, il y a le système de protection de l'enfance. C'est un domaine de compétence provinciale. Dans chaque province et territoire, il existe des lois qui régissent la protection des enfants. Si les autorités chargées de la protection de l'enfance estiment qu'un enfant est en danger, ce sont les lois de la province ou du territoire qui déterminent quels types de mesures peuvent être nécessaires pour protéger un enfant.
     En ce qui concerne le divorce, dans la Loi sur le divorce [difficultés techniques], les critères renvoient à ce qu'on appelle « l'intérêt de l'enfant ». La Loi sur le divorce comporte une liste de facteurs. Le facteur principal est le bien-être et la sécurité physiques, psychologiques et affectifs de l'enfant.
    Puis, il y a le Code criminel. S'il est allégué que des infractions criminelles ont été commises ou s'il y a une crainte qu'une infraction criminelle soit commise, si des accusations ont été portées contre un individu, alors il peut être détenu et...

  (1420)  

    Je m'excuse de vous interrompre. Je vais poser une question complémentaire.
    Bien sûr. Je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps.
    Quel type de preuve est pris en compte dans ces affaires? De toute évidence, il n'était pas dans l'intérêt de Keira d'être avec son père.
     En tant qu'enseignante, j'ai enseigné à des élèves qui venaient me voir et me parlaient de leur situation familiale. Beaucoup d'entre eux subissaient de la violence au domicile de leur père, par exemple. Les tribunaux ne les aidaient en aucune façon. Dans de nombreux cas, ils avaient des preuves vidéo qu'ils n'étaient apparemment pas autorisés à montrer au tribunal, et d'autres éléments de ce genre. Je ne sais pas si c'est un cas particulier ou si c'est quelque chose qu'on a raconté à l'un de mes élèves.
     J'aimerais savoir si vous pouvez nous donner des précisions à ce sujet ou nous dire quelles preuves sont prises en compte dans les affaires de cette nature.
    Pour clarifier les choses, si nous parlons d'affaires de garde et de droit de visite entre parents en cas de rupture familiale, le tribunal peut prendre en compte différentes preuves. Il prend en compte les preuves recueillies lors du témoignage des parents. Il peut prendre en compte les opinions et les préférences de l'enfant. Il peut également prendre en compte des preuves présentées par des experts, qui peuvent rencontrer les parties et faire des évaluations.
    Combien de temps me reste‑t‑il, madame la présidente?
    Il vous reste une minute.
    C'est ma dernière question.
     Vous avez vu la loi de Keira, soit le projet de loi C‑233. Je me demande si vous pouvez nous dire si vous croyez que ce projet de loi aiderait les enfants et les femmes dans ces situations à l'avenir. Est‑ce qu'il contribuerait à donner du pouvoir aux femmes en cas de divorce ou lorsqu'elles ont un partenaire violent?
    Je vous remercie de la question.
    Malheureusement, nous ne pouvons pas vraiment donner nos opinions personnelles sur l'opportunité des mesures. Nous sommes ici pour fournir des informations juridiques sur leur signification et leur effet.
    D'après vos connaissances et compte tenu de ce que contient ce projet de loi, cela contribuerait‑il à rendre le système plus efficace dans le traitement de ces cas?
    D'après ce que je sais du contenu du projet de loi, il pourrait avoir pour effet d'accroître la connaissance des juges. Il pourrait rappeler aux juges certains éléments à prendre en compte dans l'examen des facteurs de sécurité lorsque des infractions ont été commises contre un partenaire intime.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Larouche pendant six minutes.
    Vous avez la parole.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de tenter de répondre à nos multiples questions, cet après-midi.
    On a dit plus tôt que ce projet de loi était cohérent avec ce qui passe au Québec quant à la violence conjugale entre partenaires intimes.
    Pouvez-vous nous expliquer comment on mettra en œuvre la nouvelle politique publique, lorsqu'elle sera adoptée? Allez-vous vous inspirer de ce que le Québec a fait, après avoir adopté sa nouvelle loi sur les bracelets anti-rapprochement? Va-t-il y avoir un délai pour la mise en œuvre? Comment cela va-t-il se passer?
    Merci. J'espère avoir bien compris la question.
    Oui, nous suivons ce qui se fait au Québec.

  (1425)  

[Traduction]

    Je vais tenter de vous donner la réponse la plus précise possible.
    Nous avons effectué un suivi des mesures qui sont prises dans différentes administrations, y compris au Québec, notamment en raison de certaines similitudes avec les changements proposés au Québec en matière de surveillance électronique.
     Comme je l'ai mentionné, à un haut niveau, un élément comme la surveillance électronique est considéré comme faisant partie de l'administration de la justice, donc c'est un élément qui serait mis en place par les provinces et les territoires. Ils ont actuellement un certain nombre de mesures et de programmes différents.

[Français]

     D'accord.
    Ce que je comprends, c'est qu'étant donné que le gouvernement du Québec a déjà légiféré sur la question, il faudra coordonner certaines choses avec lui, même s'il ne s'agit pas de la même loi ou du même ordre de gouvernement. Comme vous l'avez dit, il y a différentes lois. Il y a celle du Québec et celles des autres provinces. Si j'ai bien compris, vous allez donc vous assurer de cette coordination entre les deux ordres de gouvernement.

[Traduction]

     La mise en œuvre des modifications se ferait au sein des différentes administrations. Le Québec pourrait être prêt pour ces changements. Il pourrait être plus facile pour cette province de les mettre en œuvre.

[Français]

    D'accord.
    Maintenant, pouvez-vous nous expliquer l'effet de cette mesure sur le plan judiciaire? Comment cela va-t-il changer précisément la manière de juger les agresseurs dans les cas de violence entre partenaires intimes?
     Lors de l'implantation d'une nouvelle politique publique, il est important de la lier à une solution. C'est une mesure parmi tant d'autres et il faudrait peut-être la mettre en place sur le plan politique, mais comme vous l'avez dit, bien sûr, c'est difficile pour vous d'émettre des opinions. Je comprends cela, alors je vais plutôt parler d'outils.
    Comment votre ministère va-t-il mesurer l'efficacité de cette politique publique? Avez préparé des outils de suivi pour évaluer cette nouvelle politique et voir comment cela évolue?

[Traduction]

    Pour effectuer un suivi des effets de la loi, nous travaillerions en collaboration avec Statistique Canada et examinerions les différentes mesures qu'il utilise. L'information pourrait être recueillie dans le cadre de diverses enquêtes.

[Français]

    D'accord.
    Je vais revenir à une question que j'ai tenté de poser à Mme Lambropoulos et à Mme Damoff. Elles m'ont dit de vous la poser, puisque cela relevait plus de vous, comme fonctionnaire.
    Au Québec, avec l'adoption récente du projet de loi n 24, on a choisi le bracelet anti-rapprochement comme dispositif, mais sa mise en place, qui va commencer dès ce printemps, va s'échelonner sur plusieurs mois.
    Comment la mise en place de ce bracelet va-t-elle s'effectuer du côté fédéral?
    Concernant l'implantation concrète, Québec a un plan. De votre côté, au ministère de la Justice, est-on en train de prévoir comment cela va se dérouler? Avez-vous un calendrier d'implantation pour bien déterminer ce qui va se passer?

[Traduction]

    Si je comprends bien, le ministère de la Justice n'aurait pas de plan précis concernant la mise en œuvre de la surveillance électronique, car cela relèverait de la compétence administrative des provinces et des territoires.
     Le ministre de la Justice et le gouvernement fédéral sont responsables des lois, et l'administration des lois relève des provinces et des territoires eux-mêmes.

[Français]

    Je ne parlais pas de l'implantation au Québec et dans les provinces, mais de l'implantation de ce qui aurait pu relever du fédéral ou de votre ministère dans ce projet de loi. Toutefois, j'ai bien compris ce que vous avez dit. On va donc respecter les compétences du Québec et des provinces en la matière.
    Puisque mon temps de parole est écoulé, je reviendrai sur la question du contrôle coercitif à mon deuxième tour.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup, madame Larouche.
    Je cède maintenant la parole à Mme Gazan pendant six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Ma première question s'adresse à Mme Davis‑Ermuth. Vous avez mentionné quatre critères qui sont pris en compte quand il s'agit de l'intérêt de l'enfant. Pouvez-vous les répéter?

  (1430)  

    Oui, je vais le faire avec plaisir. Il s'agit du bien-être et de la sécurité physiques, psychologiques et affectifs de l'enfant.
     Je pose cette question parce qu'au Manitoba, nous avons ce qui s'appelle « pour le bien des enfants ». Les parents qui divorcent doivent suivre une formation pour examiner leurs propres comportements afin d'être coparents dans l'intérêt de l'enfant et de toujours faire passer l'enfant en premier. Il est vraiment important de toujours faire passer l'enfant en premier.
    Une partie de la stigmatisation qui entoure cette question se produit lorsqu'un des partenaires subit un contrôle cœrcitif. Il craint même de faire des commentaires sur l'autre parent de peur d'être étiqueté avec ce qu'on appelle le « syndrome du parent malveillant ». Il existe quatre critères à cet égard.
     Le premier est qu'une personne souffrant de ce syndrome « tente de punir le parent qui divorce en s'efforçant de monter les enfants contre l'autre parent et en impliquant d'autres personnes ou les tribunaux dans des actions visant à séparer le parent et l'enfant ». Le deuxième est que la personne « cherche à priver les enfants de visites et de communications avec l'autre parent et de sa participation à l'école ou aux activités extrascolaires de l'enfant ». Le troisième est « mensonges répétés à l'égard de ses enfants et d'autres personnes et peut se livrer à des violations de la loi ». Enfin, une personne souffrant de ce syndrome ne souffre d'aucun autre trouble mental qui expliquerait ces actions.
     Je le mentionne parce que dans le cas de la Dre Kagan-Viater, elle s'est plainte 53 fois et a soulevé des préoccupations qui étaient valables concernant les visites du père à Keira. Elles n'ont pas été prises au sérieux. Elle a été traitée comme un parent malveillant. En conséquence, Keira a perdu la vie.
     Dans le cadre de la formation des juges, comment va‑t‑on aborder cette question afin d'éviter cette présomption? Si un parent fait part de préoccupations légitimes, même dans les cas de divorce où les deux parents subissent des évaluations psychologiques approfondies, cela ne doit plus jamais être négligé pour éviter que des enfants perdent la vie ou soient brisés moralement.
     Est‑ce qu'un des témoins peut répondre à cette question?
    Je vous remercie de votre commentaire au sujet de la formation des juges.
     Le principe de l'indépendance judiciaire exige que le pouvoir judiciaire contrôle la formation judiciaire sur un éventail de sujets, y compris la formation sur le contrôle cœrcitif et la violence entre partenaires intimes. C'est au pouvoir judiciaire de décider. Il lui appartient de décider du contenu de cette formation et de ce qu'elle doit inclure en particulier.
     Dans ce cas, il serait préférable de poser les questions sur le contenu de ce type de formation à l'Institut national de la magistrature.
    Je pose cette question parce que, surtout dans les cas de contrôle cœrcitif qui ne sont pas visibles, il n'est pas rare que les femmes se présentent avec des préoccupations légitimes au sujet de l'autre parent — pas de façon malveillante, mais avec de vraies raisons de s'inquiéter — et qu'elles soient caractérisées comme souffrant du syndrome du parent malveillant.
    Je sais que la formation que reçoivent les juges relève d'eux. Si ce sont eux qui conçoivent la formation, sont-ils tenus de la suivre? Sera‑t‑elle obligatoire?
    Comme vous l'avez mentionné, l'indépendance judiciaire exige un contrôle judiciaire sur la formation et l'éducation des juges. Cela comprend à la fois le type de formation qu'ils doivent suivre, son contenu et l'obligation ou non de la suivre. C'est une décision qui relève encore une fois du pouvoir judiciaire.
    Je trouve cela très inquiétant, car le problème se situe du côté des juges. Comme nous l'a dit M. Viater, ceux qui ont le plus besoin de formation sont généralement ceux qui n'en veulent pas, et ils participent à la prise de décision pour décider s'ils doivent suivre ou non la formation.
    Comment ce projet de loi peut-il faire en sorte de s'assurer que les juges reçoivent cette formation? Dans ce cas, une enfant est décédée parce que personne n'a écouté la mère. On y voyait de la manipulation, une intention malveillante. Cela a entraîné la mort d'une enfant.
     Comment pouvons-nous donner plus de mordant à ce projet de loi?

  (1435)  

    Comme ma collègue l'a mentionné, en tant que représentantes du ministère, nous ne pouvons pas émettre d'opinions sur des amendements potentiels ou suggérer des amendements à un projet de loi. Cependant, je vais répondre à votre question d'une manière différente.
     Comme vous l'avez mentionné, la magistrature a un contrôle sur la formation des juges, y compris la formation qu'ils suivent. On peut voir que le Conseil canadien de la magistrature, qui fixe les exigences en matière de formation des juges nommés par le gouvernement fédéral, prend la formation des juges très au sérieux. Sur son site Web, il présente plusieurs politiques sur la formation des juges qui soulignent l'importance de la formation continue pour que les juges puissent continuer à apprendre et aussi garder la confiance du public. On sait que les juges élaborent des plans de formation qui sont approuvés par leurs juges en chef.
     Ce projet de loi reconnaîtrait expressément, dans l'une des modifications proposées à la Loi sur les juges, que le CCM peut organiser des séminaires sur le contrôle cœrcitif et la violence entre partenaires intimes, et il modifierait également la Loi sur les juges pour élargir la portée de la disposition qui recommande ou encourage le CCM à organiser des séminaires pour inclure des séminaires sur la violence interpersonnelle ou la violence entre partenaires intimes et le contrôle cœrcitif.
    Merci beaucoup. Nous allons maintenant commencer notre deuxième tour. Pendant les cinq premières minutes, nous allons entendre Dominique Vien.
    Madame Vien, allez‑y, s'il vous plaît. Vous avez cinq minutes.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vous remercie, mesdames, d'être présentes cet après-midi.
    Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser. Cependant, j'en ai une qui porte sur une de vos réponses, qui m'a un peu surprise.
    Madame Davis‑Ermuth, à la question d'une de mes collègues concernant l'application des nouvelles dispositions du projet de loi C‑233 et la façon dont tout cela allait être vérifié sur le terrain, de même qu'à ma question en début d'après-midi, à savoir comment on analysait les effets de ces nouvelles dispositions, vous avez répondu que c'était Statistique Canada qui allait faire ce travail.
    Ai-je bien compris?
    Je vous remercie.
    Je voulais dire par là que, au sein du gouvernement du Canada, c'est Statistique Canada qui se chargera de ce travail.

[Traduction]

    Ils établissent les critères. Ils collaborent avec nos homologues provinciaux et territoriaux pour recueillir des données nationales sur différents facteurs.
    L'une des mesures pour [difficultés techniques] combien de fois la disposition relative à la surveillance électronique est utilisée. À l'heure actuelle, cela ne figure pas expressément dans le Code criminel. Ce n'est pas nécessairement facile à mesurer, mais ils travaillent avec les provinces et les territoires pour déterminer comment recueillir différentes données sur la façon dont fonctionne le système judiciaire.

[Français]

    J'ai de la difficulté à comprendre comment cela va se faire. Il y a des procureurs, des juges et des prévenus.
    Comment Statistique Canada va faire en sorte de colliger des données sur la façon dont sont appliquées les nouvelles dispositions? Je ne comprends pas que cette tâche soit confiée à Statistique Canada.
    J'ai de la difficulté à comprendre. Suis-je la seule dans ce cas? Ce n'est pas limpide pour moi.
    Derrière ce projet de loi, il y a un objectif.

[Traduction]

    Si quelqu'un pouvait répondre à cette question, ce serait formidable.
    Étant donné que nous disposons de différentes lois, il est parfois difficile de mesurer l'efficacité de chacune, mais un certain nombre de lois ont été adoptées par le gouvernement fédéral au cours des dernières années, y compris la Loi sur le divorce et l'ancien projet de loi C‑75, qui contiennent un certain nombre de mesures visant à accroître la protection des victimes de violence entre partenaires intimes et de violence familiale. Nous avons entendu aujourd'hui certaines des statistiques sur la prévalence de ces problèmes, et l'un des aspects que nous examinerions est la prévalence des cas de personnes qui subissent des blessures dans ce type de relations.
    Il y a aussi l'autodéclaration. Nous obtenons des rapports de victimes et d'autres personnes sur la victimisation dans le cadre de ces types de crimes. [difficultés techniques] et ensuite par rapport à [difficultés techniques].
    Il est plus difficile de quantifier la réussite de la mise en œuvre et la manière dont les mesures sont utilisées. Nous pourrions réaliser des études qualitatives, mais elles ne nous fourniraient pas de données définitives sur la façon dont les choses se passent dans tout le pays.

  (1440)  

[Français]

     Le ministère de la Justice va-t-il s'intéresser aux résultats de cette loi? Par exemple, va-t-il s'intéresser au nombre de bracelets installés par année, aux personnes qui en porteront et dans quelles circonstances elles le feront?
    Oui, le ministère de la Justice s'intéressera à ces éléments, mais il n'a pas les outils nécessaires pour recueillir ces données.
    J'aimerais obtenir une précision.
    J'ai posé une question au premier groupe sur les demandes liées au dispositif de surveillance à distance. On m'a dit que le juge pourrait prendre une décision si le procureur général en faisait la demande. Je n'avais pas le document sous les yeux tout à l'heure. D'après ce que je comprends maintenant, le juge peut ordonner qu'une personne porte un dispositif de surveillance seulement si un procureur lui en fait la demande, mais il ne peut pas l'imposer de son propre chef.
    Je crois que cette question est dans vos cordes.
    Vous avez bien compris.
    Le juge ne peut pas recommander le port de ce dispositif si le procureur de la Couronne...
    Non [difficultés techniques] les juges peuvent déjà prendre les dispositions nécessaires pour protéger les victimes et les témoins. Les dispositions du projet de loi précisent que le juge doit considérer le port de ce dispositif dans certains cas et qu'il peut l'imposer, s'il le juge nécessaire.

[Traduction]

    Formidable. Merci beaucoup.
    Je vais donner la parole à Mme Saks pour les cinq prochaines minutes. Madame Saks, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens à remercier nos témoins, et tous les membres de ce comité. Ce projet de loi me tient à cœur, car j'ai travaillé avec les députées Dhillon et Damoff, ainsi qu'avec Mme Kagan et M. Viater, pour que nous en arrivions là. Je tiens à tous vous remercier des efforts de collaboration que vous avez déployés, afin d'approfondir cette question pour que nous puissions protéger les partenaires et les enfants.
    La question du contrôle coercitif, ainsi que celle de la surveillance électronique, ont fait l'objet de conversations nationales dans un certain nombre d'administrations aux vues similaires, notamment en Australie et au Royaume-Uni, ainsi qu'ici au Canada.
    À titre de précision, lorsque nous parlons de contrôle coercitif et de violence conjugale, le ministère de la Justice a publié un document sur les différentes définitions de la violence conjugale dans « Renforcement de la sécurité ». On y lit ce qui suit:
« La violence conjugale coercitive »... est habituellement un processus cumulatif et structuré qui survient lorsqu'un conjoint ou un ancien conjoint adulte tente, par des moyens émotionnels et psychologiques, physiques, économiques ou sexuels, d'exercer à l'égard de l'autre une coercition, une domination, une surveillance, une intimidation ou une autre forme de contrôle.
    Le paragraphe suivant se lit comme suit:
La violence conjugale coercitive peut comporter un ensemble de comportements de surveillance émotionnelle, financière ou psychologique, de domination, de dégradation, d'intimidation, de coercition ou de contrôle sans violence physique ou sexuelle.
    Je pense que ces précisions sont très importantes dans le cadre de ce projet de loi. D'après ce que j'ai compris, d'autres aspects de la formation actuelle qui se rapportent aux agressions sexuelles ou à la violence entre partenaires intimes comprennent la formation à la compréhension des répercussions physiques, c'est-à-dire la détection des signes révélateurs que présentent les victimes. Ce que nous constatons de plus en plus est que ce comportement cumulatif de violence s'intensifie au fil du temps suivant un schéma systématique qui aboutit à une explosion de violence à l'encontre des victimes, qui peuvent être des enfants ou des partenaires. Les personnes affirment qu'elles n'ont rien vu venir, alors que les signes étaient là.
    Ma question s'adresse à Mme Moor ou à Mme Davis-Ermuth: dans la formation actuelle, qui ne mentionne que les agressions sexuelles et la violence entre partenaires intimes, l'élément relatif au « contrôle coercitif » que nous allons ajouter permettrait-il aux juges de mieux comprendre les signes avant-coureurs?

  (1445)  

    Merci de votre question.
    Je ne suis pas en mesure de fournir des renseignements sur ce que comprend la formation actuelle des juges et sur ce que pourrait contenir la formation future. L'indépendance judiciaire exige que les juges contrôlent la formation judiciaire, y compris son contenu...
    Je suis désolée. Je vais vous interrompre.
    Je comprends. Cependant, à l'heure actuelle, le projet de loi C‑3 tel qu'il a été adopté cite la formation sur les agressions sexuelles comme l'une des formations des juges. Est‑ce exact?
    La Loi sur les juges telle que modifiée par l'ancien projet de loi C‑3 énumère les formations sur les questions liées au droit en matière d'agression sexuelle et au contexte social comme des sujets sur lesquels le CCM peut créer des colloques.
    Merci.
    Je serai brève. J'ai des questions très précises à ce sujet.
    Est‑il vrai que la violence psychologique et émotionnelle, qui relève en réalité du contrôle coercitif, n'est actuellement pas expressément mentionnée dans la formation?
    Les seuls sujets actuellement énumérés sont le droit en matière d'agression sexuelle et le contexte social; toutefois, le Conseil canadien de la magistrature peut créer des colloques sur d'autres sujets.
    D'accord. Précisons qu'il s'agit d'une conversation nationale tenue dans les familles de tout le pays sur les conséquences du contrôle coercitif et les répercussions continues qu'il a dans les multiples salles d'audience du processus judiciaire. Celle‑ci ne se limite pas toujours aux tribunaux de la famille. Elle s'étend à d'autres litiges traités dans les salles d'audience de tout le pays. C'est pourquoi nous estimons que cette formation est essentielle.
    Je vais maintenant passer à la question des rapports. L'un de mes collègues a posé une question sur cet aspect tout à l'heure.
    Le paragraphe 62.1(1) de la Loi sur les juges prévoit que la liste des formations offertes aux juges chaque année doit être communiquée au ministère de la Justice. Corrigez-moi si je me trompe.
    À l'heure actuelle, cette disposition encourage le CCM à fournir un rapport au ministre de la Justice sur les colloques relatifs au droit en matière d'agression sexuelle et sur le contexte social qui ont été offerts au cours de l'année précédente.
    Cet amendement visant à inclure le contrôle coercitif entraînerait‑il l'ajout de colloques de cette nature à la liste des rapports?
    C'est exact. Le CCM serait encouragé à faire rapport également sur ces colloques.
    Parfait.
    Madame la présidente, combien de temps me reste-t‑il?
    Il vous reste 13 secondes.
    Allez‑y. Nous sommes très flexibles. Nous sommes souples.
    Merci. Je vous en suis reconnaissante, car je pense vraiment que nous devons parler de ce sujet.
    Si ce projet de loi comporte deux parties, c'est parce que nous voulons non seulement nous assurer que les juges connaissent les signes avant-coureurs, mais aussi qu'ils disposent d'outils efficaces en matière de surveillance électronique. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'Australie, le Royaume-Uni et d'autres pays du Commonwealth aux vues similaires discutent de l'utilisation de ce...
    Madame Saks, vous avez 10 secondes...
    Mme Ya'ara Saks: Je vais conclure.
    La présidente: Oui. Pouvez-vous conclure?
    Y a‑t‑il une réponse?
    Deux autres personnes vont poser des questions avant la clôture de la séance.
    Cet outil sera-t‑il utile? Voilà ma question. Sera-t‑il utile, oui ou non?
    Malheureusement, je ne pense pas que nous puissions spéculer sur ce point.
    Merci.
    Merci pour votre générosité, madame la présidente.
    Merci beaucoup. J'essaie simplement de faire participer tout le monde.
    Je vais passer la parole à Mme Larouche. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais revenir à la question de l'application, parce que nous sommes quelques‑unes — vous n'êtes pas toute seule, madame Vien — à trouver que ce n'est pas clair.
    Madame Moor, vous venez pourtant d'ouvrir la porte sur ce qui se passe à l'étranger. Le Québec est en train de mettre en place le système des bracelets anti-rapprochement. Des mesures sont prises dans d'autres pays.
    Si le ministère de la Justice pense ne pas disposer des moyens nécessaires pour bien mesurer les effets de ce bracelet sur les victimes, pourrait-il s'inspirer d'autres pays, comme l'Australie, que vous avez nommée, l'Espagne et le Royaume‑Uni? Il pourrait ainsi obtenir de la rétroaction sur ce qui lui manque afin de pouvoir mieux comprendre les effets de cette mesure sur les victimes et bien les évaluer.
    J'aimerais donc vous entendre à nouveau sur le sujet.

  (1450)  

    Ma réponse à votre question était peut‑être trop technique. J'ai essayé de parler de la façon dont les recherches seraient menées.
    Le ministère de la Justice examinera certainement les informations et les décisions qui seront rapportées des cours en collaboration avec les provinces et les territoires.
    Ce n'est pas que le ministère ne s'intéresse pas à ces questions. Il doit collaborer avec ses partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux pour mesurer le succès de ces nouveaux outils.
     Nous avons abordé la question du bracelet anti-rapprochement. Dans le cadre de la présente étude, nous avons étudié en partie l'importance et la possibilité de criminaliser le contrôle coercitif. Évidemment, cette mesure ne figure pas dans le projet de loi, mais avez-vous commencé à étudier ou à considérer cette possibilité? On parle d'inclure le contrôle coercitif dans la formation des juges, mais envisagez-vous de le criminaliser?
     Peut-être devrions-nous séparer un peu les questions. [difficultés techniques] Nous savons qu'un autre comité, au Parlement, fait une étude à ce sujet. Ce rapport recommande que le ministère de la Justice travaille avec les provinces et les territoires afin de faire une étude sur cette recommandation. Je pense que le ministère serait mieux placé, à la suite à cette étude qui serait réalisée de concert avec les provinces et les territoires, pour déterminer s'il serait nécessaire d'avoir une nouvelle infraction au Code criminel.

[Traduction]

    Pour ce qui est de la formation des juges, je ne sais pas si la formation des juges elle-même... Le fait de déterminer si une nouvelle infraction en matière de contrôle coercitif serait recommandée ou non est une autre question. Comme l'a dit ma collègue [difficultés techniques]
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer la parole à Leah Gazan, qui aura deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci pour le temps que vous nous avez accordé aujourd'hui.
    J'ai une petite inquiétude, car la façon dont nous définissons les choses est très importante dans le cadre de cette loi. Je fais cette mise en garde parce que le fardeau est souvent placé sur les femmes — le conjoint éconduit, vous savez, et tous les stéréotypes — puis les juges, qui sont essentiellement tous des hommes, peuvent suivre une formation ou non. Je trouve cette situation profondément inquiétante.
    J'ai une question sur les services de police. Dans le cadre de l'étude de notre comité sur la violence entre partenaires intimes, on nous a dit que l'utilisation de dispositifs de surveillance électronique doit s'accompagner d'une formation destinée aux agents de police, et que les services de police doivent développer les compétences nécessaires pour répondre aux signaux d'alarme émis par ce dispositif.
    Que faut‑il faire pour que les agents de police de tout le Canada soient correctement formés sur la façon de réagir au signal envoyé par les dispositifs et pour garantir la sécurité des survivants?
    Merci pour cette question importante. Malheureusement, je ne pense pas que nous soyons en mesure d'y répondre.
    D'accord. Savez-vous où nous pourrions obtenir ces réponses? Si nous pouvons les obtenir, pourrions-nous les obtenir par écrit?

  (1455)  

    La responsabilité du maintien de l'ordre relève du ministre de la Sécurité publique, et non du ministère de la Justice. Vous pourriez donc vous adresser à ce ministère.
    D'accord.
    L'une des questions que j'ai posées lors du dernier tour concernait l'accès aux services cellulaires pour les dispositifs électroniques, afin de pouvoir les utiliser dans les régions éloignées. Les études sur la violence indiquent qu'elle est plus prononcée chez certaines populations. Je pense que les femmes et les filles autochtones ainsi que les personnes bispirituelles qui vivent dans des régions éloignées ne pourront pas avoir accès à ce dispositif. Ce projet de loi est un très bon début, mais pouvez-vous parler du travail effectué au sein de votre ministère pour garantir que toutes les femmes, les filles et les personnes bispirituelles bénéficient d'un accès égal à la justice?
    Pour ce qui est de la capacité technologique, en particulier dans les régions éloignées et dans le Nord, nous entendons dire que l'accès à la justice pose problème. Le ministre de la Justice a comparu au sujet du projet de loi S‑4. Lorsque des questions semblables ont été soulevées, il a parlé de l'engagement pris par le gouvernement du Canada de faire entrer le système judiciaire et les services de protection qui s'y rattachent dans le XXIe siècle. Il a ajouté que le gouvernement du Canada a effectué des investissements pour connecter 98 % des Canadiens à l'Internet haute vitesse d'ici 2026, et tous les Canadiens d'ici 2030.
    Je sais que la question de l'Internet haut débit est...
     Désolée. Mon temps est limité.
    Quels progrès ont été accomplis?
    Malheureusement...
    Mon temps est écoulé. D'accord.
    En fin de compte, quels progrès ont été accomplis. Allez‑y.
    Oui.
    Quels progrès ont été accomplis?
    Malheureusement, la question de l'état d'avancement de la connexion numérique ne relève pas de mon domaine d'expertise. Je sais cependant que le gouvernement du Canada a déterminé qu'il était important de travailler sur cette question et qu'il essaye d'y répondre.
    Parfait. Merci beaucoup.
    Je vois que vous levez la main, madame Lambropoulos. Votre intervention concerne-t-elle les témoins de ce groupe ou peut-elle attendre que je les libère? Oui. D'accord.
    Au nom du Comité de la condition féminine, je tiens à remercier les témoins du ministère de la Justice de s'être jointes à nous aujourd'hui. Vous pouvez maintenant vous déconnecter.
    Nous avons environ trois minutes pour les travaux du Comité.
    Madame Lambropoulos, je vais vous passer la parole. Allez‑y.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais donner un préavis verbal d'une motion que j'ai envoyée au greffier et qu'il distribuera à tous les membres. J'aimerais lire cette motion. Nous n'en débattrons évidemment pas aujourd'hui, mais j'aimerais la présenter ou du moins en donner préavis aujourd'hui.
    Allez‑y.
    La voici:
Que le Comité fasse rapport à la Chambre que: a. l’accès et la disponibilité aux services de santé reproductive, peu importe où l’on habite au Canada, incluant l’accès à un avortement sécuritaire et légal, est un droit fondamental de la Charte et est assuré sous la Loi canadienne sur la santé; b. la décision de se faire avorter, prise par les femmes, les personnes transgenres et non binaires, peu importe la raison, relève uniquement d’elles seules et de leur liberté de choix.
    Formidable. Merci beaucoup, madame Lambropoulos, pour ce préavis.
    Comme l'a dit Mme Lambropoulos, et compte tenu du temps dont nous disposons, nous ne débattrons pas de cette motion. Nous n'avons que deux minutes et nous devons examiner un projet de loi très sérieux.
    Tout d'abord, je dois faire adopter ce budget au montant astronomique de 5 175 $. Il s'agit de la somme totale.
    Puis‑je obtenir l'approbation de ces 5 175 $?
    Des députés:Oui.
    Le président: Tout le monde l'approuve.
    Nous allons passer à un autre sujet. Il s'agit d'un thème qui vient d'être abordé par ce comité. Le Conseil de la magistrature a répondu non à notre invitation. C'est ce dont nous avons beaucoup parlé, l'indépendance du Conseil canadien de la magistrature. L'Association du Barreau canadien avait demandé à venir, et je me suis dit: « C'est un peu la même chose. C'est toute la question du droit ». Ces personnes ont maintenant retiré leur demande de comparution parce qu'elles n'ont pas assez de temps.
    On a également suggéré le nom de Peter Jaffe. Vous vous souviendrez tous de son travail sur la violence entre partenaires intimes, mais nous avons également entendu parler de l'institut du conseil de la magistrature. J'aimerais juste vous dire que nous devons déterminer qui seront les autres membres du groupe de témoins, car nous avons eu plusieurs personnes différentes. L'institut du conseil de la magistrature crée ces programmes. Est‑il prêt à comparaître?
    Madame Damoff, souhaitez-vous faire un commentaire?

  (1500)  

    Il s'agit de la juge Kent, n'est‑ce pas, madame Vecchio? Elle a comparu. Vous vous en souvenez probablement. Elle va sûrement refuser également. Je vous suggère de lui adresser une invitation.
    Il y a Peter Jaffe. Pamela Cross a été une excellente témoin. Sera-t-elle présente? D'accord.
    Madame Labelle, pourriez-vous énumérer les personnes qui participeront à la séance de mardi?
    Il y a une petite lacune ici. Je pense que ce que nous devons examiner. Il y a une petite lacune. Nous avons quelques personnes ici, mais...
    Avez-vous cette liste?
    Nous avons M. Fortin et M. Guay de l'Université de Montréal, qui ont travaillé sur les bracelets électroniques.
    Nous avons Corinne Paterson, gynécologue-obstétricienne. Il y a Megan Walker, directrice exécutive du Centre for Family Violence de London. Nous recevons Pamela Cross de Luke's Place, Peter Marshall de la Recovery Science Corporation et Cee Strauss du FAEJ, Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes.
    Je pense que l'on a ici principalement des juges et des avocats. Qui va être l'autre côté? Je pense que pour avoir une bonne discussion, nous avons besoin de personnes qui disent « Hé, ce n'est peut-être pas une bonne idée ». Nous savons que nous voulons tous la même chose, mais nous devons entendre le point de vue d'autres personnes.
    Madame Damoff, souhaitez-vous faire un commentaire?
    Oui. Il y a également l'Association du Barreau autochtone.
    Oui.
    Pourquoi ne pas leur demander s'ils souhaitent venir? On pourrait ainsi obtenir le point de vue dont parlaient Mme Gazan et Mme Larouche à propos de la surveillance électronique dans les communautés rurales et autochtones, mais celui de...
    Cette séance se déroule-t-elle à huis clos ou en public?
    Nous sommes en public.
    D'accord.
    Vous vous souvenez peut-être, madame Vecchio, que nous avons également reçu Carissima Mathen. Elle était professeure à l'Université d'Ottawa et elle a parlé du besoin en éducation au sein du système de justice pénale. Elle pourrait faire partie de ce groupe.
    Je commencerais par l'Institut national de la magistrature et je verrais si la juge Kent serait prête à participer.
    D'accord. Avec votre autorisation, j'aimerais que nous invitions d'abord l'institut du conseil de la magistrature, puis l'Association du Barreau autochtone, et enfin Peter Jaffe, si les deux premiers ne peuvent pas participer.
    Ai‑je votre autorisation?
    Un député:Oui.
    La présidente: Je serai disponible si vous avez besoin que je commence à passer ces appels téléphoniques, madame la greffière.
    Je tiens à tous vous remercier d'avoir participé à l'importante discussion d'aujourd'hui. Je vous donne rendez-vous mardi à 15 h 30.
    La séance est levée.
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