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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 076 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 24 avril 2023

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bonjour tout le monde.
    Bienvenue à la 76e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 20 septembre 2022, nous nous réunissons afin de poursuivre notre étude de la pratique sécuritaire du sport au Canada.
    Nous entendrons plusieurs témoins aujourd'hui. Quatre sont présents dans la salle et deux autres nous joignent par vidéoconférence.
    Voici la liste des témoins: Mme Myriam Da Silva Rondeau, qui est olympienne et enseignante; Mme Rachael Denhollander, une avocate et défenseure des victimes, qui nous joint par vidéoconférence; Mme Ciara McCormack, lanceuse d'alerte et joueuse de soccer professionnelle; Mme Andrea Neil, une ancienne joueuse et entraîneuse adjointe de l'équipe nationale de soccer féminin; M. David Wallbridge, un avocat qui lui aussi participe à la réunion par vidéoconférence; enfin, Mme Emily Mason, qui représente l'organisme L'escrime pour les changements Canada.
    J'informe les témoins qui comparaissent par vidéoconférence, à savoir Mme Denhollander et M. Wallbridge, que vous pouvez accéder aux services d'interprétation en cliquant sur le globe au bas de votre écran. Vous allez être interrogés en anglais et en français, et vous pourrez choisir la langue qui convient.
    La première demi-heure de la réunion, sinon plus, sera consacrée aux déclarations liminaires.
    Nous allons commencer avec Myriam Da Silva Rondeau, pour cinq minutes.
    Madame Da Silva Rondeau, vous avez la parole.

[Français]

    Il faut comprendre que, dans le sport, tout va vite. Les compétitions représentent des points, et les points, c'est ce qui nous permet d'être sélectionnés pour les camps d'entraînement, l'équipe nationale ou encore les compétitions internationales. Cela nous permet par la suite d'obtenir un classement afin de gravir les échelons et d'arriver au plus haut sommet. Sans ces points, on n'avance pas.
    Dans ce processus, qui semble simple, voici où cela se complique:
    Si l'athlète refuse de signer le contrat d'athlète qui lui est soumis, il ne peut pas participer aux compétitions et il n'obtient donc pas de points. De plus, les délais sont courts. On parle souvent de quelques semaines, parfois de jours, lorsqu'on est sélectionné pour participer à une compétition et obtenir des points. Les mécanismes de dénonciation actuels, eux, prennent des mois.
    Je vous pose donc la question suivante: si vous étiez à notre place, dénonceriez-vous?
    Ensuite, il y a les points et la sélection. Cela peut sembler simple de l'extérieur, mais tout cela est régi par de la documentation souvent exhaustive et malléable par les fédérations. À ce sujet, je demande qu'on dépose le document que j'ai envoyé hier soir au greffier.
    Monsieur le greffier, le document n'a pas été traduit, mais j'aimerais que vous procédiez à sa distribution, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Est‑ce que quelqu'un s'oppose à la distribution du document?
    Il est en français, non? Est‑ce qu'il est dans les deux langues?
    Je suis désolée. Il est en anglais. Cette documentation vient de ma fédération.
    Mes observations sont en français.
    La traduction n'est pas parfaite. Avez-vous des objections à ce qu'il soit distribué à tous?
    Madame Gladu, vous avez la parole.

  (1105)  

    S'il est éventuellement traduit dans les deux langues officielles et transmis au Comité, je pense que cela ne pose pas problème.
    Il a été envoyé à la traduction, qui prendra un certain temps.
    Est‑ce que cela vous convient, monsieur Bittle?
    Une voix: Oui.
    Le vice-président (M. Kevin Waugh): Merci.
    Madame Rondeau, vous pouvez poursuivre.

[Français]

    Parmi les documents que je vous ai envoyés se trouve le résumé de l'évolution des critères de sélection de la fédération de boxe du Canada, pour la période de 2011 à 2021. Ces documents sont approuvés par le conseil d'administration. La supervision de Sport Canada, si elle existe, est substantielle. Sans contexte et sans connaissance du milieu, il est facile d'approuver un document sans se poser de questions.
    Encore une fois, lorsque les athlètes utilisent les mécanismes en place, cela peut prendre plusieurs mois. Pendant ce temps, l'athlète ne participe ni aux compétitions ni aux camps d'entraînement, et il n'accumule pas de points. Qu'on le veuille ou non, la dénonciation est un pensez-y-bien.
    Il y a aussi une stigmatisation qui vient avec la dénonciation et l'utilisation des mécanismes en place. Lorsqu'une coéquipière et moi avons déposé une plainte auprès de la fédération, il aura fallu à peine 24 heures avant que les entraîneurs et les athlètes nous ciblent comme étant celles qui poursuivaient le directeur de la haute performance. Bien sûr, nous nous sommes senties exclues. Les personnes au pouvoir se font rapidement des alliés. À mon avis, vous comprenez maintenant pourquoi.
    Après deux semaines, ma santé mentale avait grandement diminué: perte d'appétit, trouble du sommeil, automutilation et isolement. La médecin nous a mises, ma coéquipière et moi, en congé de maladie. Nous aurions pu être redirigées vers un endroit sécuritaire, comme un autre gymnase ou un autre club, le temps que la situation soit réglée, mais le président de la fédération a refusé. En effet, pour obtenir le brevet, le soutien financier de ce comité, plusieurs fédérations exigent une centralisation exclusive, et les règles sont strictes et inflexibles. Si on nous donnait la permission de sortir de la centralisation, on devait donner la permission aux autres de le faire aussi. C'est ce qu'on nous a mentionné. Par souci d'équité, nous devions donc être inactives jusqu'à ce que nous décidions de revenir dans cet environnement toxique.
    Lorsque nous avons signifié notre désir de participer au camp d'entraînement, notre demande a été refusée, car nous avions manqué trop de séances d'entraînement régulières, bien que la médecin était en accord et qu'une demande d'adaptation avait été faite. Nous devions donc inévitablement perdre nos points, ce qui allait aussi, bien entendu, influé sur notre brevet et notre sélection éventuelle. Je rappelle que tout cela se passait en même temps que Sport Solutions faisait des démarches auprès de la fédération et du directeur de la haute performance. C'est beaucoup à prendre en charge pour une athlète, mais c'est la réalité du fonctionnement actuel. Il faut aussi comprendre que la fédération — dans mon cas, il s'agit du directeur de la haute performance — pouvait mettre fin à mon brevet dans un claquement de doigts, de même qu'au financement, sans que personne, ni même vous, n'ayez droit de regard. Il aurait encore été possible pour moi de porter plainte au moyen des différents mécanismes en place. Encore une fois, cela peut prendre des mois. On est des mois sans ressources financières, ce qui fait qu'on lâche prise.
    Selon le système actuel, les athlètes sont responsables de la surveillance de leur fédération. Cette surveillance peut nous coûter cher, car tous les rapports et les gestes posés, toutes les dénonciations et les plaintes faites à l'intérieur du système du sport canadien peuvent être repris par le système judiciaire propre à chaque province.

[Traduction]

    Je vous demanderais de conclure. Vos cinq minutes sont écoulées.

[Français]

    Autrement dit, le système et les mécanismes visant à nous protéger sont comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.
    Je vous repose la question. À la lumière de l'information que je vous ai transmise, seriez-vous prêts à faire une dénonciation? Je l'ai fait, et j'en ai payé le prix, tant sur le plan de ma carrière que sur les plans psychologique et financier.
    Combien d'athlètes devront en payer le prix, soit mettre en péril leur carrière ainsi que leur santé mentale et physique, avant qu'une enquête nationale ait lieu?

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre Mme Rachael Denhollander, qui est avocate et défenseure des victimes.
    Madame Denhollander, vous disposez de cinq minutes. À vous la parole.
    Je remercie les députés de m'accorder le privilège de participer à votre réunion aujourd'hui.
    Comme tant d'autres témoins qui ont comparu devant le Comité, je fais partie des athlètes qui ont survécu à des abus sexuels. Mon agresseur était le Dr Larry Nassar, l'ancien médecin de l'équipe olympique féminine des États-Unis.
    Je suis également avocate, avec une certaine expérience du domaine des politiques publiques. Mon champ d'expertise professionnelle englobe la prévention des abus, l'intervention en cas de crise et la transformation institutionnelle.
    J'ai le privilège de donner des formations dans les écoles militaires aux États-Unis, dans le cadre de conférences médicales, ainsi que dans des associations de barreau et des facultés de droit, des universités, des organismes sans but lucratif, des organismes d'application de la loi et des groupes associés aux plus importantes confessions protestantes du pays.
    Souvent, quand je travaille avec ces groupes, on me demande ce qui est le plus important de faire pour prévenir les abus, et on s'attend à ce que je réponde qu'il faut changer telle politique ou instaurer tel programme. Mais ce n'est pas le plus important. Sans la volonté et les connaissances nécessaires, une nouvelle politique ou un nouveau programme éducatif ne valent pas grand-chose.
    Si une institution souhaite vraiment prévenir les abus envers les enfants, le plus important est de procéder à des évaluations honnêtes et transparentes. Trop souvent, quand une crise éclate autour des pratiques abusives, que ce soit dans la communauté sportive, les milieux religieux ou les universités, les dirigeants veulent simplement aller de l'avant en proposant un projet éducatif et des réformes. Pour eux, l'important est que leur organisme passe à autre chose. C'est une grave erreur, pour deux raisons.
    Premièrement, si des torts ont été causés, c'est la responsabilité de l'organisme et de ses dirigeants de contribuer à la guérison. Comme adultes, nous le savons. Si un enfant fait quelque chose de répréhensible, nous lui enseignons à en assumer la responsabilité. Mon enfant de quatre ans sait déjà qu'il faut s'excuser après avoir frappé quelqu'un ou lui avoir pris son jouet, et lui demander comment faire pour l'aider à se sentir mieux. Comment se fait‑il qu'une fois sortis de l'enfance et parvenus au rang de leaders d'un pays… Comment expliquer qu'il devienne acceptable que des leaders à qui on a confié la sécurité de milliers d'enfants et d'athlètes refusent de reconnaître les énormes défaillances qui ont mené à des abus dévastateurs envers les personnes innocentes placées sous leur protection?
    Les personnes qui ont survécu aux sévices de tous ces agresseurs veulent des réponses. Elles veulent que la vérité éclate et qu'il y ait de la transparence, et elles y ont droit. C'est un élément crucial de leur processus de guérison, car ce qui anime les personnes survivantes, c'est l'espoir que la génération qui les suit ne revivra jamais ce qu'elles ont enduré.
    Deuxièmement, une évaluation honnête et transparente est essentielle pour assurer la protection des enfants parce qu'aucun traitement n'est possible sans un diagnostic précis. Si on ne comprend pas parfaitement la culture à l'origine des abus, si on n'a pas eu de discussions honnêtes et posé un bon diagnostic, proposer des programmes d'éducation sera comme mettre un pansement sur une plaie béante pour la rendre plus acceptable. Si on ne cherche pas à comprendre exactement ce qui cloche dans les politiques et les structures d'un organisme, aucune réforme ne sera efficace.
    Tant que vous, les leaders canadiens, n'aurez pas toute l'information nécessaire et une connaissance détaillée concernant les personnes au pouvoir qui ont permis les abus, fermé les yeux ou perpétué une culture destructrice, vous serez incapables de déterminer si des changements au sein d'une direction ont porté leurs fruits ou si le nouveau régime est aussi toxique que l'ancien.
    Il serait très pertinent de votre part, à titre de dirigeants du pays, de chercher à comprendre comment un ancien entraîneur de mon pays, les États-Unis, s'est retrouvé à la tête du volet de haut niveau de Gymnastique Canada, ou GymCan, même s'il a été mêlé au système extrêmement abusif qui a donné le champ libre à mon agresseur, Larry Nassar. Comment se fait‑il qu'après un changement de garde complet à USA Gymnastics, GymCan a choisi un des entraîneurs expulsés pour diriger son nouveau programme prétendument renouvelé et amélioré?
    Vous devez chercher à comprendre comment GymCan peut d'une part affirmer que les choses ont changé et, de l'autre, refuser de divulguer les résultats d'une enquête qui apparemment innocenterait M. Gallardo de toute accusation d'abus. La survivante qui l'a dénoncé a déclaré qu'elle n'avait jamais été interrogée dans le cadre de cette enquête.
    Vous qui êtes à la tête du pays, vous devez chercher à comprendre comment GymCan peut parler de changement réel après avoir nommé Kyna Fletcher comme cheffe de l'équipe nationale, celle‑là même qui a intimé à une athlète de se taire quand elle a voulu dénoncer les abus sexuels d'un entraîneur qui a depuis été banni à vie. Mme Fletcher a témoigné en faveur de cet agresseur invétéré et nié les déclarations d'athlètes qui ont tout risqué pour protéger la génération suivante.
    Dans la procédure visant à mettre un pédophile en échec, Mme Fletcher et les victimes de David Brubaker ont combattu dans des camps opposés. Entre les 11 enfants victimes d'abus sexuels et la femme qui a défendu l'agresseur, c'est elle que GymCan a choisie.

  (1110)  

    Il faut essayer de comprendre comment GymCan peut prétendre accorder la priorité à la sécurité des athlètes alors que la direction de son programme national junior a été confiée à Lorie Henderson, dont les abus ont été dénoncés par de nombreuses athlètes.
    C'est le comble de l'absurdité de prétendre que les problèmes ont été compris et que les choses ont changé quand on voit ce genre d'agissements. C'est une très bonne chose que le comité du patrimoine ait été chargé de cette étude, car vos enfants font partie de ce patrimoine.

  (1115)  

    Merci, madame Denhollander. Nous allons passer à la témoin suivante.
    Madame McCormack, vous avez la parole.
    Je m'appelle Ciara McCormack. Je suis une joueuse de soccer professionnelle, une lanceuse d'alerte et je siège au conseil d'administration de la Professional Footballers Association of Canada, le premier syndicat canadien des joueurs de soccer professionnels.
    Comme athlète, j'ai été obligée de quitter le Canada pour échapper aux abus. Aujourd'hui, 16 années plus tard, je vis à l'étranger parce qu'après avoir fait connaître la vérité, je ne me sens pas en sécurité au Canada, ni professionnellement ni personnellement.
    Par l'entremise d'Internet, j'ai suivi les audiences du gouvernement et entendu un nombre impressionnant d'athlètes qui ont courageusement accepté de revivre leurs traumatismes en racontant leurs expériences horribles, et je ne peux pas m'empêcher de vous demander, à vous qui êtes au gouvernement, s'il faudra encore beaucoup d'histoires du genre pour vous convaincre d'exiger la tenue d'une enquête nationale et des changements réels.
    En 2007, j'ai quitté le Canada après avoir dénoncé les abus que m'avait fait subir Bob Birarda, mon ancien entraîneur des Whitecaps et de l'équipe nationale canadienne.
    Une année plus tard, en 2008, il a été congédié pour inconduite sexuelle contre des joueuses de l'équipe nationale canadienne des 20 ans et moins. Malgré cela, pour des raisons inexplicables, Canada Soccer lui a permis de continuer d'entraîner des adolescentes. Pendant 12 ans, nous avons été plusieurs à dénoncer ce prédateur à maintes reprises, mais en vain.
    En février 2019, parce que je ne voyais pas d'autre façon de le sortir du terrain, j'ai décidé de raconter les choses sordides qui se passent au Canada et sur lesquelles tout le monde veut fermer les yeux dans un blogue que j'ai intitulé « A Horrific Canadian Soccer Story—The Story No One Wants to Listen To, But Everyone Needs to Hear ». La publication est devenue virale et les victimes ont commencé à sortir de l'ombre.
    Birarda est actuellement en prison pour avoir commis des crimes sexuels contre 4 anciennes joueuses adolescentes sur une période de 20 ans. La dernière victime a été agressée en 2008, l'année où les Whitecaps de Vancouver et Canada Soccer ont balayé l'affaire sous le tapis en annonçant que son départ avait été décidé d'un commun accord.
    Cela dit, il y a eu pire que les abus de Birarda. La pire épreuve a été de réaliser que pendant la dizaine d'années où nous avons essayé de le dénoncer, nous avons été réduites au silence non pas par un système dysfonctionnel, mais par un stratagème délibéré et précis qui expose les personnes qui souhaitent pratiquer un sport au Canada, encore de nos jours, à une absence volontaire de protection contre les abus, de même qu'à des menaces de représailles si jamais elles tentent de les dénoncer.
    Il y a de cela quelques semaines, j'ai entendu des députés présents dans cette salle parler avec enthousiasme à des membres de l'équipe féminine nationale, et je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Charmaine Hooper. Vous n'en avez probablement jamais entendu parler. Je parie que vous ne saviez pas qu'elle a été la joueuse de soccer canadienne la plus médaillée à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Je parie également que vous ne saviez pas qu'en 2006, elle et 2 autres joueuses, qui ensemble avaient représenté le Canada à 243 reprises, ne se sont pas présentées à un match de l'équipe nationale pour protester contre les pratiques abusives au sein de cette équipe. Elles ont été expulsées. Même si elles ont suivi à la lettre les mécanismes de résolution, y compris ceux du Centre de règlement des différends sportifs du Canada, aucune de ces trois joueuses n'a rejoué au Canada par la suite.
    Je parie qu'à vos yeux, les héros du soccer des 30 dernières années sont ceux qui ont marqué des buts et qui ont gagné des médailles. Détrompez-vous. Les joueurs qui méritent votre admiration sont ceux dont vous n'avez jamais entendu parler mais qui, après avoir courageusement dénoncé les administrateurs et les entraîneurs qui ont commis des abus, n'ont bénéficié d'aucune protection et ont tout perdu. Leur voix et la manière dont ils ont été traités comptent autant, sinon davantage, que celles des joueurs qui ont gardé le silence et qui ont continué de jouer, et ils doivent pouvoir raconter leur histoire dans le cadre d'une enquête nationale.
    Ces audiences ont permis de comprendre que les conflits d'intérêts sont généralisés, qu'il n'y a pas de surveillance financière et qu'il existe un grave déséquilibre des pouvoirs entre les athlètes et les responsables des organismes canadiens de sport, et que les dommages sont immenses. Depuis quelques mois, nous avons entendu les témoignages ou entendu parler d'un grand nombre de ces groupes et de ces personnes durant les audiences du gouvernement.
    Permettez-moi de revenir sur certaines choses que nous avons apprises, à commencer par Canadian Soccer Business, ou CSB, une entreprise à but lucratif qui a signé une entente ridicule et secrète de 20 ans avec Canada Soccer, notre organisme national de sport sans but lucratif. Le Comité sait maintenant que la signature de cette entente ridicule n'est mentionnée nulle part dans les procès-verbaux des réunions de Canada Soccer, et ses administrateurs ont déclaré sans équivoque qu'ils ne l'ont jamais signée.
    Nous avons entendu le témoignage de Victor Montagliani et d'autres témoignages à son sujet. Nous avons appris au cours des audiences qu'il a été impliqué dans l'entente en question avec CSB. Il a aussi été identifié dans le rapport McLaren, publié en juillet 2022, comme l'un des individus qui ont couvert les agissements d'un délinquant sexuel qui a depuis été condamné, de concert avec Peter Montopoli, qui devrait aussi être appelé à répondre de sa conduite ignoble à l'époque où il travaillait à Canada Soccer. Les deux occupent aujourd'hui, en toute impunité, des rôles importants au sein de l'association internationale de football, la FIFA.
    Je ne peux pas m'empêcher de vous demander si vous allez nous forcer à regarder Montopoli et Montagliani en première ligne durant la Coupe du monde de la FIFA de 2026 qui aura lieu au Canada et sera financée avec l'argent des contribuables canadiens. Votre gouvernement va‑t‑il fermer les yeux sur les dommages bien documentés que ces hommes ont causés ou va‑t‑il prendre les mesures qui s'imposent pour lutter contre ce genre de comportements?
    Concernant d'autres sports que le soccer, nous avons entendu parler de groupes à but lucratif comme ITP et Sport Law qui prônent la sécurité dans le sport. Ces groupes sont des loups dans la bergerie. Quand ils se vantent d'offrir un espace sûr aux athlètes vulnérables et victimes d'abus, ils omettent de dire qu'ils sont rémunérés par les organismes de sport responsables des dommages pour protéger leurs intérêts.
    Nous avons appris aussi qu'une universitaire qui reçoit des millions de dollars en financement public pour mener des recherches sur la pratique sécuritaire du sport aurait, selon un témoin qui a comparu devant le Comité, tenté de le museler quand il a voulu dénoncer des abus alors qu'elle était responsable du bien-être des athlètes au sein de la Fédération canadienne de gymnastique, où les abus sont endémiques.
    Un autre problème est lié à l'absence totale de sens moral de cabinets d'avocats comme Ruben Thomlinson. Ils tentent de faire croire aux athlètes victimes d'abus comme ceux de notre groupe qu'ils mènent des « enquêtes indépendantes », alors qu'ils se bornent à mener des opérations de relations publiques et à se réfugier derrière le secret professionnel de l'avocat pour protéger les organismes responsables d'abus. Ce qu'ils font n'a absolument rien à voir avec une enquête indépendante. C'est un effort concerté pour perpétuer les situations d'abus.

  (1120)  

    La liste est interminable, et je me permets donc de vous redemander s'il faudra encore l'allonger pour vous convaincre de lancer une enquête nationale ou si vous allez plutôt choisir de garder le gouvernement canadien dans ce silence complice.
    Ceux dont les actes odieux ont été dénoncés devant vos comités espèrent que vous allez oublier ce qu'ils ont fait et leur permettre de conserver leur argent et leur pouvoir, que tout rentrera dans l'ordre dans quelques semaines. Moi, au contraire, je vous implore, au nom des athlètes canadiens, d'appuyer d'une voie forte la tenue d'une enquête nationale. Cette enquête est essentielle pour comprendre comment on a laissé ces abus se produire, mettre en place un nouveau système sportif fondé sur la sécurité, la responsabilité et la transparence, et faire en sorte que les personnes dans ma situation se sentiront en sécurité de rentrer chez elles.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame McCormack. Vous y êtes arrivée. Vous avez tenu bon.
    Des députés: Bravo!
    Le vice-président (M. Kevin Waugh): Félicitations!
    Nous passons maintenant à Mme Andrea Neil, une ancienne joueuse et entraîneuse adjointe de l'équipe nationale canadienne de soccer féminin.
    Vous avez cinq minutes, madame Neil.
    J’ai participé à quatre coupes du monde, j’ai été capitaine de l’équipe nationale et, en 2011, j’ai été entraîneuse adjointe de l'équipe canadienne pour ma cinquième Coupe du monde féminine de la FIFA. Mon témoignage s'appuie donc sur plus de 30 ans d'expérience.
    Les témoignages que j'ai entendus au cours de ces audiences m'ont encouragée. Cela dit, j'ai été troublée par certaines réponses à vos questions, et notamment celles de Canada Soccer. Elles n'étaient pas toujours exactes ou honnêtes. Je parle en connaissance de cause parce que j'étais là, parce que j'ai participé de près au processus de dénonciation des abus sexuels de Bob Birarda, et parce que j'ai vu de première main la mauvaise gestion financière de la Fédération et sa négligence à l'égard du programme féminin. Son style de communication a des effets néfastes et elle n'est pas digne de confiance. C'est souvent le cas.
    Je sais très bien que c'est normal pour le club des copains de la vieille école qui tiennent les cordons de la bourse. Ils nient, ils biaisent et ils orchestrent des campagnes médiatiques de désinformation et de manipulation pour se défendre. C'est un modèle de comportement que j'ai pu observer quand j'ai travaillé avec eux. Ils étaient beaucoup plus enclins à protéger leurs intérêts et ceux des prédateurs sexuels qu'à assurer la sécurité des athlètes.
    Quand une entraîneuse en chef s'est inquiétée au sujet des fonds manquants, des états financiers fabriqués et d'autres manquements à l'éthique, ils n'ont pas mené d'enquête et imposé des sanctions au gestionnaire impliqué. Ils lui ont accordé une promotion et puni les entraîneuses de l'équipe nationale féminine qui ont dénoncé ces actes répréhensibles.
    Canada Soccer est un monopole qui échappe à toute forme de surveillance digne de ce nom et qui jouit d'un pouvoir et d'un contrôle illimités. Ce contexte a alimenté une culture d'exploitation et explique les lacunes au chapitre de la responsabilisation. Les dirigeants de notre fédération ont abusé de leur autorité pour renforcer leurs pouvoirs et leur influence, et pour s'enrichir au détriment de la sécurité, de la santé et de la dignité humaine des athlètes qu'ils sont censés servir.
    Cela n'a rien de surprenant quand on connaît les liens étroits entre nos dirigeants et la FIFA, un organisme dont la réputation de sexisme et de corruption n'est plus à faire. Toutefois, avec la tenue imminente de la Coupe du monde au Canada, nous n'avons pas le choix d'y regarder de plus près.
    La dernière fois où le Canada a été le pays hôte, nous avons violé notre propre Charte des droits et libertés en tolérant des conditions de travail inéquitables et dangereuses pour les équipes féminines. Quel héritage le Canada veut‑il laisser cette fois‑ci?
    Notre pays devrait s'inquiéter que Victor Montagliani et Peter Montopoli, des hommes qui ont causé autant de tort à la tête de Canada Soccer, supervisent actuellement l'organisation de la Coupe du monde de 2026 dans notre pays.
    Les dirigeants de Canada Soccer ont systématiquement refusé d'assumer leur responsabilité. Dans l'affaire Birarda, nous avons été témoins de leur incapacité lamentable à agir même si les indicateurs de comportements abusifs étaient légion. Ces comportements étaient loin de se limiter à l'envoi de textos à caractère sexuel, malgré ce que Montagliani essaie actuellement de faire croire pour se disculper. Birarda s'est livré à des abus sexuels et psychologiques contre des joueuses de l'équipe. Un de ces abus contre une témoin clé a entraîné sa condamnation au criminel. Canada Soccer n'a rien fait pour protéger la communauté, mais a plutôt choisi de minimiser son comportement prédateur et de camoufler le motif de son départ, avec pour résultat qu'il entraînait de nouveau des filles vulnérables quelques semaines plus tard.
    Des athlètes ont subi une procédure criminelle qui a duré trois ans avant que Birarda soit exclu, tout cela pour protéger d'autres athlètes. Canada Soccer aurait pu boucler l'affaire en une journée en prenant une décision éclairée.
    Sur le plan des affaires, il est évident que Canada Soccer n'a pas le flair, la transparence et le sens des responsabilités nécessaires. Comment expliquer sinon son incapacité à assurer la viabilité financière de l'une des meilleures équipes féminines dans le monde? Le Canada a remporté l'or aux derniers Jeux olympiques, et le bronze lors des deux éditions précédentes. Tout ce qui est offert à cette équipe qui rivalise avec les meilleures au monde depuis des décennies ont été des compressions budgétaires qui la relèguent au statut des ligues mineures et un accord commercial aussi opaque que douteux, au titre duquel les revenus de marketing et de commandites sont redirigés vers les propriétaires d'équipes professionnelles masculines. C'est inacceptable.
    Jusqu'à maintenant, quiconque osait réclamer des comptes ou une saine gouvernance à la Fédération s'est fait montrer la porte ou a été réduit au silence au moyen d'accords de non-divulgation ou d'autres instruments du genre. Cette culture toxique et autoritaire doit disparaître, et une réforme de fond en comble s'impose, notamment pour améliorer la représentativité et la surveillance.
    Les problèmes de Canada Soccer sont connus de longue date. Déjà en 2008, le comité du patrimoine avait menacé la Fédération de lui retirer son financement. Je vous demande de faire le nécessaire pour que les choses changent vraiment. Nous avons besoin d'une enquête nationale.
    Le scandale du dopage aux stéroïdes de Ben Johnson a secoué le Canada et il a saisi cette occasion pour devenir un chef de file mondial dans la lutte au dopage dans le sport. Les athlètes canadiens vivent un autre moment charnière, et il faut en profiter pour insuffler la sagesse et la compassion qui ont fait défaut jusqu'à maintenant. Nous pouvons transcender ces moments difficiles pour créer un modèle national éthique, sain, digne et efficace de l'administration du sport.
    Merci.

  (1125)  

    Merci, madame Neil.
    Le témoin suivant, M. David Wallbridge, nous joint en ligne.
    Monsieur Wallbridge, vous disposez de cinq minutes.
    Bonjour, monsieur le vice-président, distingués membres du Comité.
    Je m'appelle David Wallbridge. Je suis avocat spécialisé en droit du travail et de l'emploi à Halifax, en Nouvelle-Écosse.
    Je souligne que je vous parle depuis le Mi'kma'ki, le territoire ancestral et non cédé du peuple micmac.
    Je souhaite également souligner l'aide que j'ai reçue du personnel du Comité pour mon témoignage par vidéoconférence, et je l'en remercie.
    Ma pratique est centrée sur la représentation d'employés et de syndicats des secteurs publics et privés du Canada atlantique. Outre mon travail de représentation, je me suis toujours intéressé aux questions législatives touchant les travailleurs et leurs droits.
    Pour ce qui concerne leur milieu de travail, on peut affirmer que les athlètes ont été abandonnés par les provinces. C'est le cas notamment des joueurs de hockey, mais également d'autres athlètes qui pratiquent un sport d'équipe comme le soccer, la crosse ou une autre discipline.
    Le Comité devrait porter une attention particulière aux droits des athlètes relativement à leur milieu de travail. Du point de vue de la sécurité, la reconnaissance des droits fondamentaux liés au milieu de travail et l'existence de mécanismes pour les faire valoir sont essentielles pour rétablir l'équilibre dans une structure de pouvoir où il fait gravement défaut.
    Une bonne partie de mes observations porteront sur la Ligue canadienne de hockey, de même que sur les ligues et les équipes affiliées.
    Les joueurs qui évoluent au sein des équipes de la Ligue canadienne de hockey sont jeunes et ils poursuivent un rêve. C'est la recette parfaite pour les placer dans une position d'extrême vulnérabilité.
    De manière générale, les jeunes travailleurs sont plus vulnérables que les autres. Ils manquent d'expérience et en sont souvent à leur premier emploi. Ils ne connaissent pas leurs droits. Beaucoup sont des mineurs qui travaillent pour des adultes.
    Le portrait est le même dans les ligues majeures de hockey junior. Des jeunes de 16 ans côtoient d'autres jeunes de 20 ans et plus. Dans ce milieu, ce sont ces employés que les employeurs embauchent.
    Quand je regarde les matchs avec mes yeux d'avocat du droit du travail, je suis abasourdi de voir qu'un adulte peut déclencher une bagarre avec un mineur sans qu'il y ait de conséquences. Le plus troublant est que les propriétaires en tirent profit.
    Je suis conscient que c'est un milieu de travail particulier. Un emploi de joueur d'une équipe de hockey n'a rien à voir avec un emploi dans la plupart des milieux de travail. Cela dit, dans tous les cas de figure, il y a des dirigeants et il y a des exigences liées à l'emploi. L'équipe génère des revenus. Les propriétaires veulent tirer un profit du travail de leurs joueurs. Ce n'est pas très différent des autres entreprises du secteur privé.
    Dans les provinces, nous avons assisté à un abandon total de toute garantie de protection pour ces employés. Dans la plupart des provinces, plusieurs normes minimales du travail ne s'appliquent plus aux employés qui sont des athlètes ou des joueurs de hockey.
    L'exemple de la Nouvelle-Écosse, d'où je viens, est assez alarmant. Sans qu'il y ait eu de consultation publique et, selon l'information que nous avons eue, en l'absence de lobbyistes représentant la Ligue canadienne de hockey inscrits dans la province, les droits des travailleurs ont été abolis par la voie d'un règlement pris au milieu de l'été. Selon CBC News, il aurait suffi d'un appel de la ligue pour que le premier ministre change la loi. La réforme législative s'est faite en un temps record. La plupart des provinces ont emboîté le pas à la Nouvelle-Écosse et ont aboli les normes minimales du travail pour ces employés.
    Qu'est‑ce que le Comité pourrait faire à cet égard?
    Le Comité doit recommander, ou décréter leur prise en compte dans toute enquête, d'autres mécanismes de défense des intérêts des joueurs employés. Le Comité devrait recommander qu'une enquête ait lieu ou que les avocats du gouvernement fédéral soumettent des propositions visant la mise en place de mesures de protection de la santé et de la sécurité des joueurs employés dans leur milieu de travail.
    Cela pourrait englober un processus fondé sur le Code canadien du travail visant à établir que ces emplois ou ces entreprises sont de compétence fédérale. Tout cela devrait faire partie d'une étude sur la pratique sécuritaire du sport pour les joueurs de hockey et tous les autres athlètes. Ce dont il est réellement question ici, comme d'autres témoins l'ont évoqué, c'est le déséquilibre flagrant des pouvoirs entre les employés et leurs employeurs, soit les équipes et la ligue.
    Merci.

  (1130)  

    Merci beaucoup, monsieur Wallbridge.
    Nous passons maintenant à Mme Emily Mason, la porte-parole de l'organisme L'escrime pour les changements Canada.
    Merci, madame Mason, de nous avoir fait parvenir le texte de votre déclaration avant la réunion.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Bonjour. Tout d'abord, merci de votre invitation à venir vous parler de notre petit sport qui est plus souvent associé à La Princesse Bouton d'or ou à La Guerre des étoiles qu'à une discipline olympique des temps modernes.
    Je m'appelle Emily Mason. Comme vous le savez peut-être, je suis l'athlète anonyme dont l'expérience de l'entraînement avec Igor et Victor Gantsevich au sein du Dynamo Fencing Club de Vancouver a été rapportée dans un article de l'agence Reuters.
    Aujourd'hui, je ne parlerai pas seulement de ma propre histoire comme victime d'abus, mais également des dizaines d'escrimeurs canadiens qui ont eu le courage de parler de leur expérience dans l'espoir de faire changer les choses.
    Comme vous l'avez déjà entendu au sujet de beaucoup d'autres sports, une culture toxique d'intimidation et d'abus règne depuis des décennies dans les milieux canadiens de l'escrime.
    Je vais vous présenter le cas de l'entraîneur Kyle Foster. En 2018, Kyle Foster a accueilli plusieurs athlètes de l'équipe nationale féminine chez lui pour qu'elles participent à des entraînements avant un événement international. Certaines athlètes étaient mineures et, alors qu'elles se trouvaient sous sa responsabilité, M. Foster leur a présenté des jouets sexuels. Il leur a expliqué comment ils les utilisaient sur lui-même et sur certaines athlètes. Il les a encouragées à fréquenter un club de sexe. Une plainte a été déposée et il a été conclu que des actes répréhensibles avaient été commis. En guise de sanction, une ordonnance émise contre Kyle Foster lui interdisait de communiquer avec certaines athlètes pendant une année.
    En 2020, il y a eu une autre plainte pour harcèlement sexuel contre des personnes mineures. L'enquête d'une tierce partie indépendante a de nouveau donné lieu à un constat d'actes répréhensibles. Quelles ont été les sanctions? La rédaction d'une lettre d'excuse, une ordonnance de non-communication avec la survivante pendant une année et une exclusion de quatre mois des compétitions. C'était pendant la pandémie et il n'y avait pas de compétitions de toute façon. Cédant aux pressions de la survivante, la Fédération canadienne d'escrime, la FCE, a publié les sanctions imposées sur son site Web, mais la publication a été retirée quatre mois plus tard.
    Kyle Foster est le propriétaire de la Canadian Fencing Academy située à Oakville, en Ontario. Il est aussi le chef de l'équipe d'escrime de l'Université métropolitaine de Toronto et un membre agréé de la FCE. Si on se fie à ses publications dans les médias sociaux, il annonçait encore ses programmes pour enfants le 8 février dernier.
    J'aimerais vous dire que ces actes répréhensibles sont les seuls incidents du genre dont nous avons eu vent dans les derniers mois, mais la désolante réalité est que ces histoires sont loin d'être les seules que nous avons entendues au sujet d'entraîneurs et d'autres individus associés à la FCE partout au pays. Les victimes survivantes nous ont abondamment parlé de leur peur. Elles craignent de subir les représailles de leurs agresseurs si elles le dénoncent, mais aussi de perdre leur place au sein de l'équipe nationale en raison de la politique de sélection de la FCE. Selon cette politique, les membres de l'équipe nationale peuvent être choisis par un vote à la majorité des responsables et du personnel plutôt qu'en fonction des résultats ou du classement officiel. Pour beaucoup d'athlètes, dénoncer les abus peut vouloir dire renoncer à leur carrière, mais aussi au rêve de leur vie de concourir pour le Canada.
    Pour les athlètes, les cas comme celui de Kyle Foster sont une preuve que leur voix ne sera pas entendue et que le processus complexe de dénonciation des abus n'en vaut pas la chandelle. Quelles sont leurs options? S'ils décident de parler, ils risquent de perdre tout ce pour quoi ils ont tant travaillé pour une lettre d'excuse. À quoi bon?
    C'est ce qui nous a amenés à créer L'escrime pour les changements Canada. Nous adorons notre sport. C'est dans ce monde que nous avons grandi, où nous avons rencontré nos meilleurs amis et où nous avons appris les leçons les plus précieuses. Nos athlètes souffrent. Mes amis souffrent, et il faut que les choses changent.
    Nous souhaitons préserver les éléments positifs associés au sport et instaurer une culture qui favorisera la réussite des athlètes sur le terrain et à l'extérieur. Pour opérer ce changement, il faut avant tout comprendre le problème dans toutes ses dimensions. C'est pourquoi il est impératif de tenir une enquête publique sur la culture du sport au Canada. Nous sommes conscients qu'une enquête ne suffira pas pour régler tous les problèmes qu'elle mettra en lumière, mais elle nous orientera vers l'établissement d'un cadre rigoureux pour bâtir un avenir favorable.
    Nous vivons des moments charnières dans l'histoire des sports au Canada. Le mouvement de dénonciations qui s'est amorcé est puissant. On ne peut plus reculer et les athlètes ne peuvent plus être muselés. À nous maintenant de choisir le genre d'héritage que nous voulons laisser aux prochaines générations d'athlètes. Voulons-nous leur transmettre un héritage entaché par les abus que nous avons subis, continuer de sacrifier le bien-être des enfants et privilégier les médailles au détriment de la vie des athlètes, ou voulons-nous être des vecteurs de changement?
    Nous, les athlètes, nous avons fait notre travail. Nous sommes ici pour vous demander de nous aider à franchir les prochaines étapes vers la création d'une communauté sportive sûre et inclusive au Canada. Cette communauté ouvrira les bras à tous ceux qui veulent faire l'expérience de la joie immense que le sport peut apporter. Seule une enquête publique nationale nous permettra de franchir ce pas.
    Merci.

  (1135)  

    Merci, madame Mason. En fait, je tiens à remercier tous les témoins.
    Nous passons maintenant à la période des questions et des réponses, avec des segments de six minutes pour débuter. M. Shields, du Parti conservateur, sera notre premier intervenant.
    Monsieur Shields, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins de participer à la réunion. Nous vous sommes très reconnaissants de prendre la parole. Comme vous l'avez entendu, beaucoup d'autres témoins ont comparu devant le Comité, et nous les remercions infiniment.
    Madame Mason, l'escrime est un sport qui comporte différents volets. C'est ce que nous pouvons voir lors des compétitions internationales auxquelles participent les olympiens comme vous.
    Dans un ordre d'idées un peu différent, j'aimerais essayer de comprendre quelles ont été les répercussions sur votre famille. Comment les personnes de votre entourage, autres que celles que vous fréquentez dans votre sport, ont-elles été touchées? Quelles ont été les répercussions pour vous et votre famille?
    Quand j'ai quitté le sport, j'avais 17 ans. J'étais une personne brisée. J'avais de graves problèmes de santé mentale. J'ai fait une tentative de suicide. Je consultais un professionnel de la santé mentale. Ma famille a dû affronter d'immenses épreuves durant les années qui ont suivi mon abandon du sport. Cela fait cinq ans, et c'est une expérience qui va continuer de faire partie de nos vies pendant de longues années encore.
    Aucun parent ne confierait son enfant à un milieu où il subira des abus. Pourtant, très peu d'enfants reconnaissent qu'ils sont victimes d'abus au moment où ils les subissent. Je ne savais pas que ce que je vivais était malsain, et il ne me venait jamais à l'idée de dire que quelque chose n'allait pas quand j'étais à la maison. La culpabilité qu'ils ressentent maintenant est très difficile à surmonter pour nous tous.
    Merci pour ce témoignage. Cela fait partie, je crois, des choses essentielles dont nous avons pris conscience et qui méritent notre attention. Il faut prendre en considération la famille élargie et les effets pour elle.
    Pour ce qui concerne l'organisme de sport, diriez-vous que les allégations de mauvaise gestion continuent de s'appliquer aux dirigeants en place?
    À mon avis, et je suis d'accord avec Mme Denhollander sur ce point, les dirigeants en place doivent aider à la guérison et assumer la responsabilité de toutes les allégations de mauvaise gestion, passées et actuelles. Il faut parler de ces problèmes, et ils doivent chercher les meilleures solutions, peu importe qu'ils aient été en poste ou non quand ils sont survenus. Cela ne fait aucune différence.
    Aujourd'hui, nous avons entendu un témoignage concernant les politiques des organismes. C'est quelque chose dont nous parlons souvent. Nous cherchons à comprendre la structure, les politiques en place. Or, on nous dit maintenant qu'il faut voir plus loin que la structure et les politiques. Vous l'avez entendu comme moi. Vous en avez fait l'expérience.
    Au‑delà de la structure et des politiques qui sont souvent au centre de nos discussions concernant les organismes, à quoi devrions-nous porter attention selon vous?
    À mon avis, au‑delà de la structure et des politiques, ce qui compte avant tout est de comprendre la culture globale qui permet à des individus d'exploiter des enfants. Dans le monde de l'escrime, mais dans d'autres sports aussi, il y a une certaine tolérance de la maltraitance et des abus tout simplement parce que leurs auteurs obtiennent des résultats. C'est inacceptable et je pense qu'il faudra un changement systémique beaucoup plus large que les politiques. C'est le cadre au complet qu'il faut changer, notre manière d'envisager le sport.

  (1140)  

    Vous avez parlé de la sélection des athlètes qui participeront aux compétitions par vote plutôt qu'en fonction des résultats. Ce n'est pas quelque chose qui fera partie d'une politique. Comment pouvons-nous nous assurer que la structure de sélection repose sur les résultats et non sur un vote? Quel niveau devons-nous viser?
    Dans le cas de la Fédération canadienne de l'escrime, la sélection de l'équipe par vote fait partie d'une politique, mais d'autres organismes d'escrime, comme celui des États-Unis, utilisent un système de classement objectif. Je vous assure que ce genre de politiques existe. Vous trouverez des exemples de systèmes plus efficaces, aucun doute là‑dessus.
    C'est à nous de décider jusqu'où nous voulons creuser. Nous pouvons examiner les politiques pour y relever ce dont vous avez parlé, et notamment le genre de structures que vous avez mentionné. Devrions-nous prêter attention à d'autres volets des politiques de votre organisme que ceux dont vous avez parlé aujourd'hui?
    Pour ce qui concerne notre organisme, je crois qu'il sera extrêmement important de tenir compte de la complexité des politiques, et notamment celles qui concernent la dénonciation des abus. C'est très difficile de comprendre si les athlètes doivent s'adresser à leur organisme provincial, à l'organisme national, au Bureau du commissaire à l'intégrité des sports, le BCIS, ou faire valoir la politique 1 ou la politique 2 sur la sélection. C'est extrêmement complexe et une bonne partie du processus est totalement hors du contrôle des personnes survivantes. Je pense que ce facteur empêche très souvent les athlètes de faire une dénonciation.
    C'est une partie de la structure… Qu'en est‑il des lanceurs d'alerte? À quel point avez-vous eu peur de vous lancer dans ce processus?
    Je me sens un peu plus protégée parce que je ne participe plus aux compétitions.
    Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce que les olympiens et les athlètes qui prennent encore part aux compétitions sont encore terrifiés. Ils ont peur de notre directeur de la haute performance, d'être exclus de l'équipe.
    En ce sens, je suis très chanceuse d'avoir le recul nécessaire pour parler de ce que j'ai vécu. Cela dit, j'ai encore peur de mon agresseur. La seule différence est que j'ai la chance de savoir qu'il ne peut plus rien m'enlever.
    Parce que vous l'avez déjà perdu.
    Tout à fait.
    Merci.
    Merci, monsieur Shields. Merci, madame Mason.
    Nous passons à M. Louis, du Parti libéral. Vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie l'ensemble des témoins, autant ceux qui nous joignent à distance que ceux qui sont présents ici, de leur participation et du courage dont ils font preuve.
    Pour beaucoup d'entre vous, tout était à faire. Vous avez tracé la voie. Vous laissez un important héritage. J'espère que vous réalisez que d'autres personnes ont aujourd'hui le courage de parler parce que des personnes comme vous ont tracé la voie.
    Malgré tout, vous nous dites que les personnes qui trouvent le courage nécessaire pour dénoncer ces abus continuent de subir des représailles, et que c'est un aspect qui mérite vraiment notre attention.
    Madame Neil, vous êtes une ancienne capitaine et joueuse de l'équipe nationale canadienne. Je crois que vous avez mentionné avoir pris part à cinq Coupes du monde à titre de joueuse ou d'entraîneuse. J'ai trouvé le mémoire que vous nous avez soumis fort intéressant. Vous y parlez du fardeau que le système actuel impose aux athlètes qui demandent des comptes à leur organisme. C'est quelque chose dont il faut discuter. Vous y parlez aussi de mauvaise gestion et de pratiques financières, de l'application insatisfaisante des normes de bonne gouvernance et du défaut des organismes de suivre leurs propres politiques.
    Nous avons trop souvent constaté, dans le cadre de cette étude et dans d'autres contextes, que les organismes font leurs propres rapports et leurs propres études, et qu'ils sont souvent plus symboliques qu'autre chose.
    Qu'est‑ce qui vous inquiète quand des organismes affirment qu'ils vont prendre les choses en main, qu'ils vont établir leurs propres plans de développement stratégique, et qu'ils essaient de changer leur image? Comment faire pour leur demander des comptes?
    Tout d'abord, les performances sont nombreuses, malgré tout. Lorsque les joueurs et les athlètes ne cessent de réclamer de la transparence, cela veut dire qu'ils n'ont pas confiance; or, la confiance est fondamentale dans toute relation humaine.
    Quand on parle de l'éthique dans l'attitude des personnes dans cette affaire, on remarque un mode de comportement au fil du temps. C'est pourquoi je parlais de 30 ans. Avec ce que les gens et les dirigeants disent, et les valeurs qui sont les leurs dans le temps, on peut voir les attitudes qui ressortent des comportements de ce qui est la réalité. À l'heure actuelle, pour ce qui est des organismes sportifs, il y a un fossé entre ce qu'ils disent et ce qu'ils font. C'est un énorme problème.
    Les dirigeants doivent adopter une approche plus réfléchie vis‑à‑vis de celles et ceux qui parlent — des dénonciateurs ou des personnes qui disent qu'il y a un manque de transparence — et examiner leurs propres approches du leadership. C'est difficile et il faut beaucoup de vulnérabilité de la part des dirigeants pour le faire. Cela exige beaucoup de travail et d'humilité.
    Pour évacuer le problème, il faut maintenant excuser les dénonciateurs. Ils ne sont pas clairs eux-mêmes et ils doivent rectifier leur propre attitude, en quelque sorte, pour changer leur propre comportement, ou pour faire taire des gens. C'est une arme à double tranchant. Il y a la première victimisation, disons des anciennes joueuses de l'équipe U‑20, et la réaction de l'institution à ce qui est dénoncé. Elle peut faire du mal, beaucoup de mal. Elle a des conséquences, comme Mme Mason vient de le mentionner, pour la culture, pas seulement sur le moment, mais encore maintenant.

  (1145)  

    Je vous remercie de votre réponse.
    Vous avez également parlé des pratiques financières. Que pouvons-nous faire? En ce qui concerne l'importance de la vérification judiciaire, en quoi est‑ce qu'elle peut aussi obliger les organismes à rendre des comptes?
    Elle peut les obliger à rendre des comptes. La commission d'enquête nationale est, à mon avis, l'examen approfondi qui doit avoir lieu. Une vérification financière sur les 20 dernières années révélera des preuves des schémas des comportements présents en matière financière. Quand il est arrivé, dans le passé, que des entraîneurs ou des athlètes cherchant à obtenir une rémunération, par exemple des régimes de rémunération pour les joueurs, ont posé des questions, et que la transparence, ou l'argent, tarde à venir et que les camps, tout à coup, semblent disparaître, il y a de quoi s'interroger.
    Je pense que le moment est venu d'un examen plus approfondi. Ce n'est pas pour critiquer des personnes, les montrer du doigt ou les humilier. Nous devons savoir où nous en sommes et ce qui s'est passé pour corriger le cap et fixer des objectifs appropriés.
    Vous mentionnez également dans votre mémoire que les équipes nationales masculines et féminines connaissent des succès malgré le système actuel.
    Pouvez-vous expliquer en quoi une culture plus sûre et plus responsable sera non seulement bénéfique pour la sécurité et le bien-être de nos joueurs, raison primordiale pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, mais sera également plus axée sur le succès? Parfois, nous voyons une résistance de... Certains disent que le prix à payer sera une perte de compétitivité.
    Pouvez-vous nous aider en expliquant comment, avec ce système, nous pouvons réussir à former une génération d'athlètes qui sont en sécurité tout en restant compétitifs?
    Il faut d'abord définir ce qu'on entend par sécurité. Être en sécurité veut dire être à l'abri du danger, et c'est notre objectif. Si nous voulons créer un environnement et une culture où les personnes peuvent être en bonne santé, progresser et obtenir leurs meilleurs résultats, il faut que cet environnement soit sans danger parce qu'il est impossible de progresser si on est sur la défensive et qu'on cherche à se protéger.
    Le manque de confiance, par exemple, nuit aux relations humaines. C'est fondamental. Si on n'instaure pas la confiance, et que les personnes mêmes qui aident à tracer le cap percent des trous dans la coque du bateau... Comment bien fonctionner quand cela arrive et que les relations ne sont pas honnêtes et encourageantes, quand les personnes dans le bateau doivent écoper? Comment donner le meilleur de soi dans ces conditions?
    On peut passer outre pendant un temps, mais c'est au prix de relations, de sa santé et de son bien-être. Les conséquences de cette situation ne se limitent pas au moment où elle se produit. La carrière, la santé et le bien-être en souffrent pendant des décennies après.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Neil, et je vous remercie, monsieur Louis.
    Nous passons au Bloc québécois et à M. Sébastien Lemire. Vous avez la parole pour six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je dois avouer que je suis particulièrement ébranlé ce matin, même si je m'étais quand même bien préparé à cette rencontre et au type de témoignages que nous étions susceptibles d'entendre.
    Je remercie chacune d'entre vous pour votre courage.
    Je suis fâché qu'on reste impassible devant la situation. Selon moi, le Comité n'est peut-être effectivement pas la bonne tribune. Vos témoignages devraient être entendus par un juge ou par un commissaire indépendant afin que des mesures concrètes fassent suite à vos témoignages, ne serait-ce que sur le plan judiciaire, policier ou autre.
    Nous avons entendu des histoires de cas très variés, qui touchent des aspects d'ordre tant sexuel que financier, psychologique ou physique. Il s'agit de cas d'abus qui sont très durs. Je ne comprends pas que les choses ne bougent pas plus vite sur le plan politique et j'en suis sincèrement désolé.
    Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui. Vos témoignages font sincèrement avancer la cause.
    Je vais commencer par Mme Denhollander.
    Madame Denhollander, je veux d'abord souligner votre courage. Vous avez été la première à oser prendre la parole. Vous avez été au cœur d'un changement important dans le monde entier, disons-le, par les gestes que vous avez posés et par votre parole.
    À quel point l'enquête menée par la juge Aquilina a-t-elle été importante pour faire avancer les revendications des gymnastes américaines?
    Comment réagissez-vous à ce que vous avez entendu aujourd'hui quant à ces témoignages?
    Merci.

  (1150)  

[Traduction]

    Je pense que la décision rendue par la juge Aquilina était tout à fait essentielle parce que c'était un énoncé de valeurs. Elle disait toute la valeur des victimes des agressions sexuelles commises par Larry Nassar. La question qui vous est posée aujourd'hui est aussi une question de valeur: combien valent vos enfants?
    Telle est la réalité. Chaque fois que vos organismes sportifs choisissent une action, que ce soit de rester passifs, de faire une évaluation qui sert, en fait, d'opération de relations publiques, ou de faire taire les survivants... Chaque fois que vos associations sportives agissent, chaque fois que vous prenez une mesure, vous sortez, au fond, une balance. Sur un plateau, les associations sportives placent leurs priorités. Cela peut être un désir de gagner, la crainte de perdre sa réputation, la volonté de protéger des actifs ou des relations professionnelles ou un objectif de l'organisme. Ensuite, sur l'autre plateau, elles placent les enfants qui paieront le prix de leur choix.
    La décision de la juge Aquilina était essentielle parce qu'elle disait que nos enfants comptent et que ces survivantes comptent. Je pense que ce que ces athlètes et ceux qui ont témoigné avant vous disent clairement, c'est que les organismes sportifs qui sont chargés de la sécurité des athlètes et des enfants aujourd'hui ressortent la même balance. Ils disent que leur organisme et sa réputation comptent plus.
    Je remercie Mme Neil d'avoir répondu que la sécurité contribue vraiment au succès des athlètes. J'aimerais reformuler cette question pour vous parce que, là encore, nous devons revenir à nos valeurs essentielles. Quand nous commençons par demander comment faire en sorte de continuer de gagner, ce que nous disons en réalité, c'est que gagner est peut-être plus important que la sécurité de nos athlètes: « Comment faire en sorte d'atteindre cet objectif final? Et, au fait, s'il est possible d'assurer la sécurité des enfants, ce serait formidable aussi. »
    Selon moi, mesdames et messieurs les députés, c'est une erreur de commencer par là. La question devrait être, avant tout, la suivante: « Que pouvons-nous faire pour être certains que nos enfants sont en sécurité, car la sécurité est également fondamentale pour le succès sportif et pour le bien-être professionnel? »
    Ce que vous avez entendu aujourd'hui, c'est que tous ces organismes se sont tous uniquement livrés à des opérations de relations publiques. Le changement de régime s'est opéré d'un système toxique à un autre. Les évaluations et les enquêtes qui vous ont été présentées, où ces organismes ont dit, « Oh non, nous comprenons tout ce qui va mal », manquent de transparence. Ils ne font pas participer les survivants. Ils ne sont pas structurés de manière à ce que les survivants puissent participer en toute sécurité et de manière à faire la lumière sur ce qui s'est passé.
    Mon domaine de compétence professionnelle est la transformation institutionnelle, la mise en place de ces types de processus afin de pouvoir mettre au jour les dysfonctionnements. Faisons le diagnostic des particularités qui ont mené à cette maltraitance d'enfants ou d'athlètes pour faire en sorte que cela ne se reproduise pas. C'est complexe. Cela fait intervenir la culture, la politique et la structure, et beaucoup de choses dont nous n'imaginons pas qu'elles sont directement liées à la maltraitance d'enfants, comme la façon dont les conseils gèrent leurs finances et leurs processus de sélection.
    Il est tout à fait essentiel d'avoir une commission d'enquête nationale qui se penche sur la complexité de ces dynamiques afin de bien diagnostiquer ce qui s'est produit et de bien identifier les personnes qui font partie de ce système toxique pour qu'elles ne soient plus chargées de la sécurité des enfants et des athlètes. Il faut commencer par cette question fondamentale, se demander ce que valent nos enfants. C'est ce que vous devez décider aujourd'hui.

[Français]

    Je partage tout à fait votre point de vue, madame Denhollander. Merci beaucoup.
    Madame McCormack, comment l'organisme Sport Canada peut-il ignorer les voix qui s'élèvent dans tous les domaines du sport? La réponse que vous avez reçue de Sport Canada et de la ministre est-elle adéquate, selon vous?
    Avez-vous le sentiment que toutes les enquêtes réalisées par le secteur privé, les tierces parties indépendantes qui doivent rendre des comptes à Sport Canada, sont suffisantes à l'heure actuelle?

  (1155)  

[Traduction]

    Je suis venue ici deux fois et je me suis effondrée en parlant de ce qui nous est arrivé. Alors je trouve choquant, pour tout dire, que rien ne soit fait. C'est parfois décourageant. Combien de fois devons-nous continuer de venir et combien de fois devons-nous continuer de vous le dire? Vous savez, les conséquences pour notre vie à toutes les quatre sont immenses.
    Je ne comprends pas, d'un point de vue humain, comment on peut littéralement assister aux accidents de la route, entendre nos histoires dans tous nos sports, encore et encore. C'est la même chose. De ce point de vue, je trouve cela très décourageant par rapport à la situation plus généralement... Je ne comprends pas ce qui empêche de créer une commission d'enquête nationale. Comment pouvons-nous soutenir nos athlètes si nous vous disons que c'est la réalité derrière tous les sports, dans toutes les provinces, pour les athlètes des deux sexes?
    C'est à se demander si elle s'y intéresse même. Est‑ce que la ministre des Sports regarde ce qui se passe? Est‑ce que le premier ministre regarde ce qui se passe? Est‑ce que ceux qui prennent ces décisions regardent ce qui se passe?
    Nos vies en sont bouleversées, bien au‑delà de nos carrières sportives. C'est tellement décevant. J'ai honte, franchement, d'être Canadienne — honte de cette réalité et de la réponse au fait d'être une athlète canadienne. C'est la réponse qu'obtiennent tellement d'entre nous qui parlent depuis des mois maintenant et qui vous disent que telle est la réalité derrière les médailles olympiques et toute cette sorte de choses. Vous savez, c'est...
    Je vous remercie, madame McCormack. Nous devons passer à quelqu'un d'autre.
    Je vous remercie, monsieur Lemire, de vos questions.
    Nous passons maintenant au Nouveau Parti démocratique.
    Monsieur Julian, vous disposez de six minutes.

[Français]

    Les mots me manquent relativement à ce que vous venez de nous confier. C'est très profond. Nous vous écoutons et vous comprenons.

[Traduction]

    Nous savons quelles souffrances vous avez endurées. Nous entendons vos témoignages puissants. Madame McCormack, quand vous dites que nous ne pouvons pas continuer de laisser faire ce mal, tous les membres du Comité sont, selon moi, du même avis. Nous y tenons mordicus. Nous devons faire cesser cette situation. C'est pourquoi nous avons ces audiences, c'est pourquoi nous continuons d'entendre le témoignage profond de chacun d'entre vous. Je vous remercie.
    Vous avez parlé d'une commission d'enquête publique. Je pense que le Comité le mentionnera dans le rapport qu'il doit préparer. Personnellement, j'appuie fermement la demande de commission d'enquête publique.
    Que doit‑il se passer à présent? Que doit faire le gouvernement fédéral par rapport à Canada Soccer, à la Fédération canadienne d'escrime, à Boxe Canada ou à Gymnastique Canada? Quelles mesures le gouvernement fédéral doit‑il mettre en place?
    Ce sont tous des organismes financés par les contribuables. Ils ont, au fond, carte blanche. Ils ont un chèque en blanc pour faire ce que bon leur semble. Les histoires effarantes, révoltantes, horribles de préjudices et de mauvais traitements qui continuent et sont perpétués montrent manifestement que Sport Canada et le gouvernement fédéral ne font pas leur travail.
    Que souhaitez-vous que la ministre des Sports annonce cette semaine qui obligerait chacun de ces organismes à s'acquitter de son mandat de ne pas causer de tort, de protéger les athlètes et de protéger le public?
    Ce qui manque complètement — d'après des conversations avec nous tous —, c'est que les organismes sportifs, les organismes nationaux de sport... Comme nous l'avons tous dit, nous sommes des petits grains de sable, et ils contrôlent le financement, le pouvoir et qui est choisi. Je ne pense pas que les choses puissent changer tant qu'un organisme ne représentera pas nos intérêts et ne portera pas notre voix. S'ils savent que nous sommes représentés, que nous n'essayons pas de pratiquer notre sport et de combattre ces monstres en même temps, et qu'il y a un collectif capable de...
    L'entraîneur de Mme Da Silva Rondeau la poursuit en diffamation pour avoir suivi le processus sportif. Mme Da Silva Rondeau va devoir payer de sa poche pour se défendre simplement parce qu'elle a fait ce qu'on lui a dit de faire dans le système sportif et signaler de mauvais traitements. S'il y avait une entité...
    Neuf dollars vont à Canada Soccer, en gros, pour avoir un comportement financier douteux et aussi pour régler les affaires d'agression. S'il y avait un organisme qui nous protégeait de ces neuf dollars donnés à Canada Soccer, avec la moitié de cet argent qui irait à un organisme qui se battrait pour nos droits et qui ferait en sorte que nous soyons bien... Canada Soccer ne nous a offert aucune thérapie pour ce que nous avons subi. C'est un particulier qui nous a donné des fonds pour être même en mesure de les contacter.
    Nous ne sommes donc pas protégés et nous sommes sous-représentés, alors qu'il n'y a pas de système sportif sans notre participation. C'est fou, mais cela cadre avec ce qui se passe.
    Voici ce qui doit se passer. Il faut qu'un changement structurel s'opère dans le système et il faut une entité qui protège nos intérêts et qui se batte pour nous afin que nous puissions simplement pratiquer notre sport dans un environnement sécuritaire, y prendre plaisir, ne pas subir de préjudices et ne pas être encore à recoller les morceaux des années après avoir arrêté notre carrière sportive.

  (1200)  

    Madame Neil, vous avez la parole.
    C'est fondamental.
    À ceux qui n'agissent pas après avoir entendu tout ce qui se passe, qu'est‑ce qui vous empêche d'agir? Il faut un leadership pour écouter avec compassion et sagesse ce que disent les athlètes, regarder les choses avec empathie et discerner ce qui se passe dans une situation très complexe. Il faut un leadership moral. Il faut avoir un compas. Il faut du courage.
    Qu'est‑ce qui empêche de prendre cette décision, quelles peurs? Quand des personnes pleurent et qu'on leur a fait du mal, l'inaction fait également partie du problème.
    Ma question fondamentale, tandis que ces organismes font tous cela, est la suivante: qui les supervise et, par conséquent, qu'est‑ce qui empêche de prendre des mesures? Je ne pense pas que les personnes qui font partie du problème sont celles qui le régleront. Il faudra une situation transformative — fondée sur des valeurs — pour d'abord comprendre l'objet du sport et pour toujours revenir aux éléments fondamentaux, mais il me semble que la peur empêche beaucoup d'avancer à cet égard.
    Ensuite, ce sera le tour de Mme Mason.
    Je suis d'accord, et je m'associe aux déclarations des autres témoins qui sont ici aujourd'hui.
    Je dirai qu'il est important d'agir, mais qu'agir de manière irréfléchie, sans comprendre pleinement le contexte du problème, serait une erreur. Je pense qu'il est impératif qu'il y ait une enquête publique dès que possible. Combien d'autres voix devons-nous entendre avant que la ministre prenne des mesures? Cela me sidère.
    Comme le mentionnait Mme McCormack, le soutien en santé mentale manque cruellement. Tellement d'athlètes ont subi d'énormes traumatismes, et il faudra énormément de ressources pour que notre communauté puisse guérir. J'aimerais qu'un soutien soit apporté.
    Je vous remercie, monsieur Louis.
    Je vous remercie.
    Ensuite, ce sera le tour de Mme Da Silva Rondeau.
    Je suis tout à fait d'accord avec mes collègues.
    Par rapport à ce qu'a dit Mme Mason au sujet de la santé mentale, nous avons besoin de fonds. Nous avons besoin d'argent et de ressources. Après deux ans, je suis toujours en thérapie et c'est moi qui paie, évidemment. La stratégie aide parce que j'ai deux thérapeutes, mais j'ai souffert de dissociation pendant six mois. Ainsi, je ne me souviens pas de ma qualification ou de ma participation olympique. Je ne me rappelle pas le meilleur souvenir de ma vie — supposément —, alors nous devons... et je paie tout de ma poche. Je dois travailler pour payer ma thérapie, mais comment travailler si je ne suis pas en état de travailler...? Je dois aller travailler pour gagner de l'argent pour payer la thérapie, mais c'est très difficile d'aller travailler parce que j'ai été dépressive pendant si longtemps.
    Oui, nous avons besoin d'aide à ce sujet, s'il vous plaît, et il faut que les gens dans la Fédération arrêtent de retourner nos plaintes contre nous en justice dans notre province. À propos de ce que nous disons, de toutes les plaintes dont nous parlons, nous utilisons les mécanismes que vous avez mis en place. Le gouvernement a mis des mécanismes et un processus de plainte en place, mais quand on l'utilise, il est possible de le retourner contre nous, et nous n'avons pas les mêmes moyens financiers. Vous devez le comprendre, je n'ai pas le même pouvoir que les gens de ma fédération qui sont payés, qui sont des employés de cette fédération et qui reçoivent un vrai salaire. Les athlètes ne sont pas des employés de leur fédération.
    Je suis heureuse de voir qu'à Hockey Canada, les joueurs ont le statut d'employés. Ils ont de la chance, mais il y a quand même des abus dans cette fédération, et ils y sont considérés comme des athlètes employés. Imaginez comment nous qui ne sommes même pas considérés comme des employés sommes traités. Nous n'avons même pas droit au respect d'être considérés comme des employés, mais c'est grâce à nous que le système fonctionne.
    En fait, il ne fonctionne pas.

  (1205)  

    Nous pouvons y revenir.
    Mme Myriam Da Silva Rondeau: Oui...
    Le vice-président (M. Kevin Waugh): Nous y reviendrons, d'accord?
    Mme Myriam Da Silva Rondeau:... alors, aidez-nous, s'il vous plaît.
    Des députés: Bravo!
    Le vice-président (M. Kevin Waugh): Je vous remercie, monsieur Louis.
    Nous passons à la deuxième série de questions, avec cinq minutes pour les conservateurs et les libéraux et deux minutes et demie pour le Bloc québécois et le NPD.
    Nous commencerons par Mme Thomas pour les conservateurs. Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. Je vous remercie de votre courage, du courage dont vous faites preuve, et je vous remercie d'être les fers de lance d'un immense effort.
    Ma première question est pour Mme Denhollander.
    Dans vos observations préliminaires, vous parliez de politique. Vous avez dit, plus ou moins, que la politique ne vaut que ce que vaut la motivation de veiller à ce qu'elle soit appliquée. Il est manifeste que nous avons besoin de dirigeants qui prennent leurs responsabilités et qui soient prêts à faire en sorte que la politique soit respectée. Sans cette motivation, ce n'est rien de plus qu'un bout de papier, quelques lignes et peut-être une signature.
    À propos du système honnête et transparent dont vous parlez, et qui est nécessaire, pouvez-vous nous dire un peu plus en détail à quoi il pourrait ressembler pour protéger les joueurs et leurs familles?
    Il faut d'abord une commission d'enquête nationale bien menée, et voilà pourquoi. Voici ce que je dis à mes enfants: vous pouvez choisir de faire ce qui est juste pour deux raisons. D'une part, parce que vous vous souciez des personnes qui paieront les conséquences si vous ne le faites pas et, d'autre part, parce que vous avez peur des conséquences. Le but est d'avoir des organismes et des dirigeants qui veulent faire ce qui est juste parce qu'ils se soucient des athlètes et des enfants placés sous leur protection, mais ce n'est pas ce que nous avons à l'heure actuelle. La seule chose qui reste en ce moment, c'est la motivation qui repose sur la peur des conséquences, en sachant que, si nous ne faisons pas ce qui est juste, la vérité se saura sur ce que nous avons fait si nous réduisons les survivants au silence. Si nous prenons la défense des agresseurs, si nous ne respectons notre politique, la vérité éclatera.
    Le mieux que les députés puissent faire maintenant, c'est de dire: « Nous allons dire la vérité et si vous n'avez pas fait ce qu'il fallait, nous le dirons. » Il est possible de créer une commission d'enquête dotée de mécanismes qui protègent vraiment les survivants en tenant compte des traumatismes et en protégeant l'identité des survivants. Nous parlons de données d'identification personnelle, ou DIP. Elle peut être créée de manière à protéger les DIP des survivants, et il s'agit d'un processus de collaboration avec les survivants et les députés où tous avancent dans la même direction.
    Faisons ce qu'il faut. Trouvons des solutions pour que nos enfants soient en sécurité. Travaillons ensemble pour dire la vérité. Une commission d'enquête ou une enquête indépendante bien menée s'appuie sur un processus de collaboration parce que tout le monde avance dans le même sens afin de faire ce qui est juste. Elle est mise sur pied avec les protections des survivants voulues. Elle est organisée de sorte que toutes les données pertinentes soient accessibles et puissent être communiquées, dans une vraie recherche de la transparence et de la responsabilisation, et elle est structurée de façon très solide afin de pouvoir examiner la culture de l'organisme ainsi que les détails de ses politiques et de sa structure, car nous trouvons généralement les trois choses.
    Les organismes dirigés par des personnes qui ne sont pas axées sur la sécurité des enfants sont souvent conçus de manière que la structure permette un cloisonnement de la communication, des déséquilibres du pouvoir ou des faiblesses structurelles générales qui font qu'il est possible d'ignorer les signaux d'alarme et de dissimuler la maltraitance d'enfants. Il faut une commission d'enquête très rigoureuse qui examinera toutes ces dynamiques et qui sera en mesure de vraiment accéder à toutes les données pertinentes et d'en rendre compte, et qui pourra protéger comme il convient les survivants.
    C'est possible. Je le fais tout le temps. Quand tout le monde avance dans le même sens, qui est de dire la vérité et de travailler ensemble pour protéger la prochaine génération, une commission d'enquête nationale ou une enquête indépendante n'est pas un processus antagoniste. Elle est propice à une grande collaboration parce que tout le monde cherche à protéger la prochaine génération et à permettre à notre communauté de guérir de ce qui s'est passé.

  (1210)  

    Madame Denhollander, merci de votre explication et des sujets de réflexion que nous avez soumis. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je pense que nous prenons très au sérieux le fait que vous parlez d'expérience, puisque vous avez dirigé ces processus. Nous vous remercions donc.
    Ma question suivante est pour Mme Neil.
    Vous avez déclaré, entre autres, qu'il nous faut un code national qui s'applique à toutes nos fédérations sportives. J'aimerais savoir à quoi il ressemblerait. Encore là, le code est une chose, son application en est une autre. Comment pensez-vous que cela fonctionnerait?
    Tout à fait. C'est très judicieux.
    Je pense que nous pouvons regarder ce qui se fait dans d'autres pays, comme le magnifique exemple américain de ce qui s'est fait pour aider à surmonter cette période difficile dont nous venons de parler. Prenons le code de gouvernance anglais imposé aux organismes sportifs de haut niveau et locaux, il est commun aux deux types d'organismes, le gouvernement est très investi, et le code s'applique à tous les niveaux dans les organismes.
    Selon moi, commencer par étudier ce que d'autres font et comment ils ont été appelés à agir après certains préjudices et certaines situations survenues dans le passé est un excellent point de départ. Je crois que nous cherchons à nous y retrouver dans une situation très confuse, mais nous pouvons examiner d'autres exemples.
    Les politiques peuvent être souples, et les programmes éducatifs aussi, mais nous devons nous surpasser en tant que dirigeants et personnes qui en influencent d'autres. Il s'agit, au fond, d'éthique et de morale. On peut ajouter des politiques, mais nous devons faire une introspection en tant que dirigeants et voir quel impact positif nous avons et ce qui nous empêche de faire preuve de courage. Il me semble fondamental de commencer par là.
    Je vous remercie, madame Neil.
    Nous passons aux libéraux avec Mme Lisa Hepfner pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je tiens également à remercier tous les témoins de leurs témoignages vraiment convaincants et importants devant le Comité aujourd'hui.
    J'aimerais continuer dans la même veine pour savoir quels autres pays ont fait ce qu'il faut.
    Je me tourne vers vous, madame Denhollander. Y a‑t‑il des progrès enregistrés aux États-Unis qui permettent d'améliorer la culture du sport dans ce pays et dont nous pouvons nous inspirer au Canada?
    Il y a quelques changements qui se sont opérés dont je suis reconnaissante. Il y a un changement de régime considérable à USA Gymnastics, par exemple.
    Je serai honnête avec vous. La plupart des problèmes auxquels vous faites face maintenant sont des problèmes dont vous avez, dans une large mesure, hérité en adoptant au Canada notre système de pratique sécuritaire du sport. Notre système est incroyablement défaillant. Il est sous-financé. Il y manque de vraies protections des victimes. Il comporte beaucoup de politiques descendantes qui compliquent la tâche aux athlètes qui veulent faire des signalements, et il y a un manque flagrant de transparence dans nos organismes sportifs.
    Quand on parle avec les gymnastes aux États-Unis, ils disent que, dans une large mesure, il n'y a pas à l'USAG les types d'évaluations transparentes que nous demandons. En revanche, les gymnastes britanniques estiment, de manière générale, que le Rapport Whyte leur a au moins permis de s'exprimer. Il leur a donné l'occasion de dire qu'ils avaient, en effet, l'impression que la commission comprenait vraiment ce qui se passait.
    Il existe aux États-Unis des modèles mis en place qui fonctionnent principalement avec des confessions religieuses très importantes et très complexes. Ces processus sont beaucoup plus solides et, par conséquent, ils donnent de bien meilleurs résultats que ce que l'on voit jusqu'ici dans les organismes sportifs.
    En réalité, l'essentiel est que les survivants puissent dire qu'on leur a fait du mal et qu'ils pensent que ces organismes se sont vraiment attaqués aux aspects complexes de ce qui a abouti aux violences dont ils ont été victimes. Il est important que les survivants puissent dire cela, premièrement parce que c'est essentiel à leur guérison et que nous avons la responsabilité, lorsque nous causons un préjudice, d'aider dans le processus de guérison. Deuxièmement, le moteur d'un survivant, c'est de savoir que son histoire n'est pas anodine et qu'elle permettra à la génération suivante d'être plus en sécurité.
    Il est tout à fait possible de mettre en place des processus dans le cadre desquels les dirigeants de l'organisme qui vont dans le bon sens déclarent que cela les a beaucoup aidés et qu'ils savent à présent ce qu'ils doivent faire et dans le cadre desquels les survivants peuvent dire qu'ils ont le sentiment d'avoir été entendus et qu'ils croient que la vérité est ressortie et que l'on comprend ce qui s'est passé.
    Ensuite, il y a le long chemin de la reconstruction, mais en connaissant les erreurs commises, de sorte que les diagnostics ont été posés et que la réforme peut être précise et efficace. Cela permet aux survivants de tourner la page et ouvre une voie positive, avec une bonne utilisation des ressources et une véritable protection de la prochaine génération.

  (1215)  

    Je vous remercie.
    Je me tourne vers vous à présent, monsieur Wallbridge. Il me semble vous avoir entendu dire dans vos observations préliminaires que les provinces ont abandonné les athlètes. Vous parliez de droits élémentaires en milieu de travail qui sont nécessaires.
    Lorsque nous créerons une commission d'enquête nationale dans ce pays, à quoi seront tenues les provinces? Pouvez-vous nous dire en quelques mots comment cela pourrait fonctionner et comment cette coopération devrait fonctionner?
    Certainement. Ce qui arrive dans presque toutes les provinces, à une ou deux exceptions près, c'est que les employés sont couverts par la législation sur les normes minimales. Il s'agit du code du travail ou des normes d'emploi, quel que soit le nom utilisé. Au niveau fédéral, il s'agit de la partie III du Code canadien du travail. Ce qui arrive partout, c'est que les joueurs sont exemptés de la totalité du code ou d'articles du code. Dans certaines provinces, les joueurs de hockey employés sont explicitement mentionnés et, dans d'autres, comme dans ma province, la Nouvelle-Écosse, il est juste question d'« athlètes ». Là est le problème.
    À écouter les témoins parler de leurs situations particulières, et puis à imaginer le travail que je fais pour les employés... Quand on supprime des droits en milieu de travail et tout moyen de faire respecter ces droits, une culture peut perpétuer ce qui aboutit à toute une gamme de préjudices.
    J'espère que le Comité examinera, dans le cadre de la proposition de commission d'enquête, cet énorme fossé qui est créé pour les athlètes et les joueurs, et que dans son rapport, il dira que le sujet doit être étudié. Il faut que vous fassiez participer les provinces.
    L'autre élément à examiner — et je le mentionnais dans mon premier exposé —, est le suivant: quel pouvoir le gouvernement fédéral a‑t‑il d'exercer sa compétence en l'absence de participation des provinces? Le Code canadien du travail et la Loi constitutionnelle prévoient des mécanismes qui pourraient être appropriés. Il s'agit, évidemment, de questions constitutionnelles délicates au sujet desquelles le gouvernement voudra et devra demander conseil, mais elles doivent être posées.
    On ne peut permettre que cette culture de l'exploitation se perpétue, que ce soit dans le sport amateur ou dans le sport professionnel, au détriment de quiconque, notamment des joueurs employés.
    Je vous remercie, monsieur Wallbridge.
    Nous passons maintenant au Bloc québécois avec M. Lemire pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais poursuivre avec M. Wallbridge.
    Monsieur Wallbridge, je vais reprendre l'adage que Mme Stéphanie Grammond, de La Presse, a utilisé au cours de l'été pour décrire ce qu'on vit aujourd'hui dans tous les sports: le poisson pourrit toujours par la tête. Elle faisait allusion à l'odeur nauséabonde qui se dégage de l'accumulation de scandales dans tous les sports. Ce qui a été vécu à Hockey Canada se vit partout ailleurs. On voit que notre système est brisé.
    Parallèlement à cela, Hockey Canada a revu son financement très rapidement, sans nécessairement rendre des comptes publiquement. La ministre ou une des structures de Sport Canada s'arroge tous les pouvoirs en matière de validation.
    Que pensez-vous de la décision d'accorder à nouveau du financement à Hockey Canada?

[Traduction]

    J'ai été surpris de le lire dans les nouvelles parce que cela ressemblait à un rétablissement du financement, sans réponse à aucune des questions, et alors que le travail du Comité n'était pas terminé. C'était très surprenant.
    Encore une fois, mon expérience se rapporte essentiellement au droit du travail et au milieu de travail, mais vous voyez clairement qu'il y a une culture de l'exploitation qui est omniprésente dans des organismes comme la Ligue canadienne de hockey, où le déséquilibre du pouvoir est criant.
    La culture se perpétuant, les joueurs vivent dans ce système. Ce sont les victimes de ce système et ils finissent par en faire partie de manière plus générale. Jusqu'à ce qu'on le démonte, dans le cadre des enquêtes que mène le Comité, en faisant venir... Comme il a été mentionné, soit on le fait volontairement parce que les gens veulent être mieux... Je suis d'accord avec Mme Denhollander quand elle dit que, parfois, il suffit d'une loi qui soit applicable, que les gens connaissent les règles et que les personnes touchées, tous les joueurs, aient le pouvoir de les faire respecter.

  (1220)  

[Français]

    Merci, monsieur Wallbridge.
    Je vais conclure en disant que j'aime bien votre idée de légiférer pour donner des droits aux athlètes, comme ceux énoncés à la partie III du Code canadien du travail. Cela pourrait être une façon de rétablir l'équilibre pour une pratique du sport plus saine et plus sécuritaire.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Lemire. Vous terminez dans les temps.
    Nous passons au NPD avec M. Peter Julian pour deux minutes et demie. Vous avez la parole.
    Je vous remercie.
     Madame Denhollander, j'ai posé la question à d'autres témoins qui étaient ici au sujet de ce que Sport Canada et la ministre des Sports doivent faire maintenant, en plus de l'appel à une commission d'enquête publique que nous avons tous entendu.
    Selon vous, sur quoi la ministre doit-elle insister et que doit-elle obliger Gymnastique Canada à faire?
    Une des premières mesures qui, je l'espère, peuvent être prises serait de mettre en place une loi de type anti-bâillons ou des protections pour que les survivants puissent dénoncer sans crainte de représailles, sans crainte de se retrouver sans protection lorsque les agresseurs s'en prennent à eux, et sans crainte d'avoir à renoncer à leur système de points et à leur carrière. Des protections devraient être mises en place pour permettre aux survivants de parler et de le faire en toute sécurité.
    À vrai dire, là encore, le plus important que quiconque puisse faire, c'est de regarder comment nous communiquons sur des problèmes d'abus quand le message est... Je suis très heureuse que quelqu'un vienne de demander ce que nous pensons du fait que le financement de Hockey Canada soit rétabli. Il n'y a vraiment pas eu de transparence à ce sujet. Quand on prend ce type de mesure, quand on prend des mesures, quelles qu'elles soient, on communique quelque chose, un énoncé de valeurs.
    Quand des communications sont en place et que des mesures sont prises, qui équivalent à des énoncés de valeurs, nous n'allons pas exiger de transparence. Nous n'allons pas exiger honnêteté et responsabilisation. Nous n'allons pas exiger de véritables diagnostics. Quand cela arrive, ce que le gouvernement dit, au fond, c'est que c'est important, mais pas vraiment. La maltraitance des enfants ne nous plaît pas, mais pas au point de dire que nous ne financerons pas ces systèmes tant qu'ils nuiront à nos athlètes et à nos enfants.
    Le plus important que les dirigeants puissent faire, c'est de communiquer très clairement, en paroles et en actes, que c'est important, qu'ils vont faire toute la lumière sur ce qui s'est passé et qu'ils diront la vérité. Qu'ils vont utiliser toutes les ressources dont ils disposent pour que les athlètes et les enfants puissent parler en toute sécurité, afin que nous sachions ce qui leur est arrivé.
    Par ce que nous disons et faisons, nous communiquons nos valeurs.
    Je vous remercie.

[Français]

    Madame Da Silva Rondeau, vous avez parlé des dénonciateurs. Mme Denhollander vient justement de parler de l'importance de protéger les données et d'assurer un meilleur équilibre des ressources quand il s'agit des dénonciateurs.
    Quels éléments devraient-ils être mis en place immédiatement pour que les dénonciateurs soient protégés dans ce système qui est tellement inégal?
    Il s'agit simplement d'empêcher le transfert du système sportif vers un système judiciaire. Il faut empêcher toutes les plaintes et toutes les dénonciations qui se produisent à l'intérieur du système sportif d'en sortir pour être utilisées par le système judiciaire public propre à chaque province.
    Le système judiciaire du Québec est différent de celui de l'Ontario. Chaque province fonctionne différemment, mais il demeure qu'on peut prendre ce qui se passe à l'intérieur du système sportif et décider de l'utiliser contre n'importe qui dans le système judiciaire public. Cela doit cesser. Les plaintes et les dénonciations qui se font dans le système sportif actuel ne doivent pas en sortir, tout simplement.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à Mme Gladu pour le Parti conservateur.
    Madame Gladu, vous disposez de cinq minutes.

  (1225)  

    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie tous les témoins de leur courage et de leurs témoignages aujourd'hui.
     J'ai remarqué que vous avez tous demandé une commission d'enquête publique nationale. J'ai entendu Mme Hepfner dire « quand » le gouvernement créera une commission d'enquête. Il me semble donc que la ministre doit se prononcer à ce sujet. Son silence est assourdissant.
    J'ai remarqué que vous avez dit, Mme Mason et Mme McCormack, qu'elle brille par son inaction. Elle est au courant de tout ce qui se passe dans ces différents organismes sportifs et elle continue de les financer sans prendre de mesures concrètes.
    Il est possible, nous a‑t‑on dit, de prendre certaines mesures pendant une commission d'enquête. Ce peut être des vérifications de l'aptitude à travailler auprès de personnes vulnérables pour tout entraîneur et toute personne concernée. On le fait dans la plupart des organismes de bienfaisance du pays. Il y a le signalement à la police des agressions sexuelles, qui sont des infractions criminelles. Ces organismes ne devraient pas enquêter sur eux-mêmes. Par ailleurs, un registre éviterait que ces prédateurs ne se déplacent d'un endroit à l'autre pour continuer le cycle des agressions.
    Il y a les lois anti-bâillons, la protection des dénonciateurs et des systèmes de classement qui sont objectifs. Je pense aussi qu'on peut faire quelque chose en matière de gouvernance parce qu'il est évident que tous ces organismes ont beau avoir une gouvernance, elle ne fonctionne pas.
    Madame Mason, avez-vous des observations au sujet de la gouvernance? Je sais que vous avez un avis sur la question.
    En effet. Je pense que nous l'avons déjà mentionné au sujet de la gouvernance de la Fédération canadienne d'escrime. Elle a l'immense responsabilité d'assumer la responsabilité de toute l'inconduite passée et de toute l'inconduite qui continue. Plus particulièrement, je crois qu'elle doit assumer la responsabilité de la nomination d'Igor Gantsevich au poste de directeur de la haute performance.
    De façon plus générale, un grand changement est nécessaire, pas seulement dans les politiques de sélection, mais aussi dans les politiques de signalement, afin que les survivants puissent parler en toute sécurité et qu'ils se sentent soutenus. Les politiques doivent tenir compte des traumatismes.
    Ces deux éléments constituent, selon moi, un bon commencement. Vraiment.
    Je tiens aussi à parler des représailles. Nous avons entendu beaucoup de personnes qui ont souhaité raconter leur histoire et qui nous ont dit combien c'est difficile et traumatisant. En plus de cela, elles sont punies. Elles perdent leur place ou, dans certains cas, il y a d'autres sortes de représailles.
    Madame Rondeau, je ne me trompe pas, vous faites l'objet d'une plainte pour avoir parlé?
    Pouvez-vous nous dire comment c'est arrivé?
    Je ne peux pas. C'est pour cela qu'on a porté plainte contre moi. Pour me réduire au silence en tant que victime.
    Madame Neil, pouvez-vous parler des représailles dans le soccer?
    Je peux me fonder sur mon expérience où tout allait bien; en fait, ça n'allait pas bien.
    J'avais signalé la situation concernant Bob Birarda. Quelques mois plus tard, je suis devenue entraîneuse adjointe et les choses se passaient apparemment bien. On m'offrait des contrats et on me proposait de l'aide pour obtenir ma certification d'entraîneuse. Après que j'ai aidé l'entraîneuse principale à se plaindre — il y avait une incohérence et un manque d'éthique dans le programme de l'équipe nationale féminine —, la certification a été bloquée, tout comme les fonds qui m'étaient destinés.
    J'ai remarqué ce que j'appellerai de la manipulation institutionnelle à l'égard de l'entraîneuse principale et des mesures pour bien lui compliquer la tâche. Elle ne parvenait pas à obtenir des renseignements, les bons renseignements, ou on la noyait d'autres renseignements. Elle n'a pas pu tracer correctement la voie à suivre et n'a jamais pu obtenir du navire qu'il trace son cap.
    On penserait que des personnes qui prennent sur elles de parler de situations éthiques... Eh bien, l'intéressé a obtenu une promotion, alors qu'à elle, on a fait toutes les difficultés du monde. Les dénonciateurs essaient de dire qu'on s'égare complètement. On devrait les soutenir, mais on les traite comme s'ils étaient les problèmes.
     Je suis très inquiète au sujet des dirigeants des organismes — beaucoup que nous avons entendus, plus les noms énumérés aujourd'hui et les autres noms mentionnés à d'autres séances — qui font partie du problème et pas de la solution, mais qui sont encore au sommet de la gouvernance. La ministre des Sports, qui est au sommet de cette pyramide, doit prendre des mesures pour corriger cette situation.
    Madame McCormack, vous avez mentionné dans votre témoignage quelque chose au sujet d'un silence complice.
    Le président: La réponse devra être brève.
    Mme Marilyn Gladu: Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là?

  (1230)  

    Encore une fois, quand on a le pouvoir de changer quelque chose et qu'on ne fait rien, je pense que l'on contribue au problème, que ce soit sur une petite échelle, avec notre situation avec Bob Birarda — le nombre de personnes qui étaient au courant de son comportement de prédateur et qui n'ont rien fait — ou à présent, à grande échelle, avec la ministre des Sports ou qui que ce soit qui décide de créer une commission d'enquête nationale.
    Quand on ne fait rien, on est complice, et c'est une part énorme des abus. C'est permettre qu'ils soient commis chaque fois qu'on ne dit rien ou qu'on ne fait rien, alors qu'on a le pouvoir d'intervenir, et les abus continuent.
    Je vous remercie, madame McCormack.
    Nous passons maintenant aux libéraux avec M. Michael Coteau pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je tiens tout d'abord à remercier tous les témoins présents ici aujourd'hui. Je sais que le Comité apprécie leur témoignage et leur volonté d'améliorer les sports en général dans tout le pays.
     Les histoires que nous avons entendues ces derniers mois sont à peine croyables. Lorsque j'entends parler d'abus, en particulier de maltraitance des enfants — enfin de sévices sur n'importe qui —, je me dis qu'il faut agir rapidement.
     J'ai publiquement soutenu l'idée d'une enquête publique, et j'appuie les témoins ici présents qui la réclament également.
     Je voulais commencer par poser quelques questions sur les dénonciations et le manque de protection en place.
     L'une de nos témoins nous a dit aujourd'hui qu'elle avait fourni des renseignements et qu'elle est maintenant poursuivie en justice. Je sais que nous ne pouvons pas parler expressément de ce cas, mais y a‑t‑il quelqu'un au sein du groupe qui puisse parler des tactiques utilisées de manière un peu plus détaillée — pas explicitement du cas que nous avons entendu, mais en général? Quelles sont les tactiques utilisées par les organisations pour faire taire les informateurs, en utilisant le système judiciaire et d'autres méthodes pour les réduire au silence?
     Quelqu'un peut‑il en parler plus en détail au Comité?
    Je peux personnellement parler de certaines clauses dans les contrats qui interdisent aux gens de parler de certaines choses. En tant qu'entraîneuse adjointe, quand j'ai finalement conclu un contrat avec l'association, il y avait certaines clauses, comme des accords de non-divulgation, en vertu desquelles vous ne pouviez pas parler de certaines situations. Ce sont des tactiques utilisées pour faire taire les gens qui divulguent des informations ou, s'ils ont déjà parlé, pour les punir.
     Il y a aussi la complicité... ou toute la culture de permissivité qui est basée sur la peur. Les gens se tairont si on les menace de représailles. Il s'agit d'un problème permanent, culturel et systémique. Les gens restent très discrets et ne sont pas prêts à prendre le risque de divulguer certaines choses.
    Oui. J'ai une question pour Mme Rachael Denhollander.
     Vous avez parlé de déclarations de valeur et d'évaluation honnête pour aller de l'avant, de vérité et de responsabilisation. J'ai été intrigué par le commentaire que vous avez formulé: « Vous ne pouvez pas réparer ce que vous refusez de... diagnostiquer ». Pensez-vous qu'une enquête nationale soit l'un des mécanismes qui permettent de diagnostiquer les défis dont nous parlons aujourd'hui?
    Absolument, et ce pour deux raisons. Un élément que les survivants et les athlètes qui ont témoigné aujourd'hui et au cours des derniers mois vous ont répété à maintes reprises, est que les organisations sont, dans l'ensemble, truffées des mêmes personnes ou groupes de personnes qui ont fait partie du système abusif. L'idée que ces dirigeants soient capables de faire une évaluation précise ou même qu'ils aient les compétences et les connaissances nécessaires pour examiner une structure, un changement de politique, une pratique ou une dynamique culturelle et comprendre et identifier comment cela joue un rôle dans la maltraitance des enfants et des athlètes relève de la naïveté la plus totale.
     Les personnes qui ont fait partie du système ou, franchement, qui n'ont pas les compétences nécessaires pour effectuer ce type d'évaluation ne peuvent pas être en mesure de diagnostiquer avec précision ce qui s'est passé, nous devons donc sortir de ce système, et l'enquête nationale offre un moyen de le faire.
     Bien sûr, elle devra être bien organisée. Elle devra être mise en place de manière que les survivants puissent s'engager en toute sécurité, à ce que des protections suffisantes des survivants soient en place et à ce que l'équipe soit au courant des traumatismes subis. Cette équipe devra posséder la formation et les connaissances nécessaires pour comprendre le bien-être des athlètes et la structure de l'entreprise, alors que certaines des dynamiques dont nous avons entendu parler et qui sont reconnues sont très complexes.
     La maltraitance des enfants et des athlètes va bien au‑delà de ce à quoi nous pensons dans notre politique de protection des enfants maltraités. Il s'agit de questions complexes, et vous avez besoin d'une équipe d'experts compétents qui ont accès à toutes les informations utiles, une équipe mise en place de manière que les athlètes puissent parler en toute sécurité. Tant que ce processus n'aura pas été mis en place, vous n'aurez fait qu'analyser toutes les organisations qui ont des décennies de corps laissés derrière elles et pourrez leur dire: « Nous comprenons que vous faites partie du problème, mais nous pensons aussi que vous pouvez résoudre le problème que vous avez créé. » Cela ne fonctionne tout bonnement pas.

  (1235)  

    Existe‑t‑il une organisation que vous pouvez citer, que ce soit aux États-Unis ou au Canada, qui a suivi un processus, l'a rectifié et apporté des améliorations au système?
    Oui, il y en a. J'ai eu le privilège d'aider à mettre en place des systèmes à très grande échelle pour certaines des plus grandes confessions de notre pays qui ont des systèmes de gouvernance très complexes et des entités très semblables à des organisations sportives. J'ai également travaillé avec des organisations beaucoup plus petites. Il est vraiment possible de bien faire les choses et de les faire relativement facilement.
     Aussi complexes que soient les problèmes, la façon d'y parvenir est tout à fait simple. Il suffit de mettre en place les structures contractuelles et de définir le champ d'application approprié, et lorsque cela est fait avec des dirigeants et des survivants qui vont tous dans la même direction et veulent que justice soit faite, il s'agit vraiment d'un processus de collaboration intense où tout le monde est capable de sortir du tunnel en ayant l'impression que nous avons maintenant un cheminement à suivre.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Coteau.
     Nous allons passer au troisième tour. Nous verrons si nous avons le temps. Le troisième tour donnerait aux conservateurs et aux libéraux cinq minutes chacun, et au NPD et au Bloc deux minutes et demie chacun. Nous jouerons ensuite avec le chronomètre, mais nous commencerons par les conservateurs.
     Je donne d'abord la parole à Mme Thomas.
    Je vous remercie.
     Encore une fois, merci à chacun d'entre vous d'être venu et d'avoir participé à notre séance d'aujourd'hui.
     Ma question s'adresse à chacun d'entre vous. C'est une question un peu percutante. Vous vous êtes courageusement présentés devant le Comité et vous avez permis que l'on raconte votre histoire. Nous admettons en avoir saisi seulement un aperçu et, à bien des égards, nous avons l'impression de commettre une injustice à votre égard et à l'égard de l'existence que vous avez menée.
     Je voudrais vous donner une dernière chance de faire une brève déclaration. Encore une fois, je me rends compte que c'est une injustice, mais je tiens à donner une chance à chacun d'entre vous. Si vous deviez dire en une ou deux phrases ce que vous attendez de la ministre des Sports, que diriez-vous?
     Je commencerai par vous, madame Da Silva Rondeau.
     Je souhaite simplement que cette enquête nationale soit lancée. Nous en avons vraiment besoin. Il n'y a pas d'autre solution... Nous pouvons occulter ou camoufler les problèmes, mais cela n'arrangera pas le système dans lequel nous nous trouvons. N'attendons plus. Lancer cette enquête serait la meilleure chose que la ministre puisse faire.
    Je vous remercie.
    Je me fais l'écho de Mme Da Silva Rondeau.
     Je dirais également qu'il faut commencer à prendre des mesures pour avoir une organisation qui représente les intérêts des athlètes, afin que nous ne menions pas seuls ce combat. Dans cette optique, nous avons également besoin d'une forme de soutien, que ce soit pour que Mme Da Silva Rondeau ait quelqu'un à qui s'adresser pour obtenir des fonds légalement, ou pour que nous n'ayons pas à attendre que Canada Soccer, quand il voudra bien nous contacter pour nous donner quelque chose... Vous savez, nous les supplions de nous donner de l'argent pour la thérapie, essentiellement pour les problèmes qu'ils ont causés chez nous.
     Il s'agit de ces deux choses, de doubler une enquête. Commencer à prendre des mesures pour créer une organisation d'athlètes, non pas qu'eux mettent en place, mais que nous mettions en place et que nous appuyions légalement avec une thérapie de surcroît.
    Cette transition est très malsaine et il est donc de prime importance de soutenir financièrement et psychologiquement les athlètes et les personnes concernées, et pas seulement les athlètes, pour les aider à se stabiliser.
     Je pense que la protection des dénonciateurs est extrêmement importante, car ce sont eux qui tentent vraiment d'appeler au secours et de dire qu'il y a un problème.
     Si l'on considère notre législation en matière de complicité pour les personnes concernées, les lois sont d'une grande faiblesse. Sans enquête nationale, je crains qu'on tente de redorer le blason du sport en toute impunité. Ce sera quelque chose, mais on ne s'attaquera pas à la racine du problème, et cela ne fera qu'aggraver le mal.

  (1240)  

    Je me fais l'écho des déclarations des autres témoins présents aujourd'hui, même si je pense qu'il ne faut pas sous-estimer le fait que chaque jour qui passe, de plus en plus d'enfants sont placés dans de tels milieux. De plus en plus d'enfants vivent les mêmes choses que nous et continuent de les vivre chaque jour sans qu'une enquête nationale soit lancée et sans que nous prenions des mesures. Cela est inacceptable.
    Madame Denhollander, vous avez la parole.
    Je voudrais joindre ma voix à celles de ces femmes et athlètes incroyables qui sont venues témoigner.
     Il est temps d'agir. Il est grand temps d'agir. En tant que dirigeants du Canada, vous avez la possibilité unique de dire que nous irons de l'avant, que nous découvrirons la vérité et que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger la prochaine génération. Je pense que ceux qui font partie du système vous ont dit très clairement à quoi cela doit ressembler.
    Je vous remercie.
     Monsieur Wallbridge, vous avez la parole.
    Oui, il faut que la ministre et le gouvernement aient le courage de protéger tous ces athlètes, y compris les athlètes salariés qui travaillent pour des équipes et des ligues dans tout le pays.
    Je vous remercie.
     Je pense que mon temps de parole est épuisé, alors encore merci.
    En fait, il vous restait 45 secondes, madame Thomas.
    Je vais ainsi permettre à ces personnes d'avoir le dernier mot.
    Je vous remercie.
     Nous passons à M. Housefather du Parti libéral.
     Vous avez cinq minutes, je vous prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Merci infiniment aux témoins d'être venus nous parler aujourd'hui. Vos témoignages ont été très convaincants. Ils nous ont beaucoup émus et je pense que vous avez mis en évidence le déséquilibre qui existe entre les fédérations nationales et les athlètes.
     Lorsque nous avons parlé du processus de sélection en escrime... je sais que beaucoup de mes collègues ne sont peut-être pas tout à fait au courant de la façon dont cela met le pouvoir entre les mains des fédérations et des entraîneurs. Dans mon propre sport, la natation, ce n'est pas le cas. Les deux premiers finalistes des essais olympiques sont automatiquement intégrés à l'équipe, à condition qu'ils aient atteint la norme olympique.
     Dans de nombreux sports — je songe à Mme Thomas lorsqu'elle concourrait en gymnastique — vous pouviez terminer deuxième aux essais olympiques dans le concours général, mais vous retourniez dans une salle et Bela et Marta Karolyi décidaient en fait de la composition de l'équipe olympique. Vous pouviez être pénalisé parce que vous n'étiez pas allé dans leurs camps d'entraînement, ou lorsque Larry Nassar était dans leurs camps et que vous faisiez du grabuge, vous pouviez ne pas être invité. C'est ce qui se passe dans beaucoup trop de sports. Dans nos recommandations, je pense que nous devons gérer cela du mieux que nous pouvons.
     Vous êtes tous des héros à mes yeux. Je vous remercie.
     Je voudrais m'adresser un instant à Mme Neil et à Mme McCormack, au sujet de Canada Soccer.
    Madame McCormack, vous avez mentionné que le procès-verbal n'a jamais fait état de la signature du contrat avec Canadian Soccer Business. Comme vous vous en souvenez peut-être, Canada Soccer ne l'a pas mentionné dans le procès-verbal initial qui a été fourni. Puis, miraculeusement, des procès-verbaux sont apparus après notre réunion, montrant soudain une approbation du contrat après coup. Nous savons toujours que le secrétaire général de Canada Soccer n'a pas signé le contrat comme il était tenu de le faire. Ce contrat soulève un certain nombre de questions.
     M. Reed, de Canada Soccer, doit comparaître la semaine prochaine. En ce qui concerne les témoins de Canada Soccer qui ont déjà comparu et dans le témoignage desquels vous avez décelé des incohérences et des inexactitudes, j'aimerais vous donner l'occasion de nous dire ce qu'il en est, afin que nous puissions faire le suivi la semaine prochaine avec M. Reed.
     Madame Neil, je ne sais pas si vous voulez commencer.
    En ce qui concerne le cas de Bob Birarda, je sais qu'il s'agit de Steve Reed, mais il était également présent au cours de ces périodes. Il ne s'agissait pas seulement de messages textuels à caractère sexuel. Il s'agissait de bien plus que cela. Les SMS à caractère sexuel sont une forme d'exploitation et sont incroyablement préjudiciables, mais il s'agissait de bien plus que ce que j'ai personnellement signalé à l'enquêtrice indépendante, soit Anne Chopra à l'époque. Le fait qu'ils continuent d'affirmer qu'il n'y a pas eu dissimulation et que l'affaire a été traitée comme il se doit est un problème majeur. Ne pas le reconnaître de la part des dirigeants, et de Steve Reed devant les dirigeants depuis lors et jusqu'à aujourd'hui, est très grave. Et on continue de ne pas donner une voix à ces personnes.
     À entendre dire qu'il a été sanctionné lors de certaines de ces audiences publiques, vous vous posez cette question: Il a été congédié, mais qu'est‑ce que cela signifie? Pourquoi a‑t‑il fallu attendre ces audiences pour qu'ils prononcent le mot « suspendu »? Une enquête de police et son incarcération auraient dû suffire. Cela aurait dû suffire bien avant cela.
     En ce qui concerne les finances, il est inquiétant de constater que les joueurs demandent la transparence dans les programmes masculins et féminins, alors qu'il est troublant de constater que l'argent a été signalé par le passé. Il faudrait analyser certains éléments; or, cela ne s'est jamais produit. L'argent n'a pas été comptabilisé. Cela semble être enfoui dans le passé, mais cette culture se poursuit année après année.

  (1245)  

    Madame McCormack, teniez-vous à ajouter quelque chose?
    Oui. Je voudrais tout d'abord remercier les membres du Comité.
     Je sais, ne serait‑ce qu'en regardant — surtout vous avec Canada Soccer, lors de cette audience — que cela a été solidement établi. Qu'il s'agisse du rapport McLaren qui place toutes les personnes sur les lieux du crime dans l'affaire Birarda... Ce n'est même pas remis en question. Victor Montagliani et Bob Lenarduzzi sont des noms inscrits noir sur blanc dans ce rapport. Et vous avez des gens assis ici, comme Victor Montagliani, qui affirment ne pas être impliqués. Si, vous l'étiez. Dans ce rapport, il est bien dit que vous étiez impliqué. Ce sont des faits.
     Je pense, une fois encore, que ce que vous avez découvert à propos des finances... est plutôt ironique. C'est presque un schéma qui prouve à quel point tout cela est dysfonctionnel. Encore une fois, il n'y avait pas de procès-verbal. Rien n'a été signé, alors que l'accord existe toujours, et que la Fédération est pratiquement en faillite. L'avenir des joueurs canadiens pour les 20 prochaines années...
     Je suis en Irlande et je joue en ce moment même avec des joueuses canadiennes dans une ligue féminine. Il n'y a pas de ligue au Canada. Les gens d'ici doivent aller là‑bas. Tout cela fait partie de CSB. Tout cela a été clairement démontré.
     Je pense que la question qui se pose est qu'il y a manifestement un problème colossal dans ce qui se passe actuellement. Tout cela a été établi. Il ne s'agit pas de savoir si: « Victor, étais‑tu là, ou non? » Il était là. Les preuves ont démontré qu'il était là. Je pense seulement que tout cela souligne, une fois de plus, l'absence de ce qui se passe maintenant. L'accord de CSB n'est pas légitime, parce qu'il n'a pas respecté les procédures. Que se passe‑t‑il désormais? Victor Montagliani et d'autres étaient sur les lieux de toute l'affaire. Ils sont toujours impliqués dans le football. Que va‑t‑il se passer désormais?
     Je pense que c'est la question que nous devons nous poser. Je pense qu'en ce qui concerne notre affaire, c'est plutôt clair. Il y a eu une mauvaise gestion financière massive. La situation de M. Birarda a donné lieu à un comportement catastrophique et flagrant. Je ne pense pas que ce soient eux qui apporteront des solutions, ou qui instaureront responsabilisation ou transparence, parce qu'ils ont été les seuls... Nous avons dû déployer tant d'efforts pour en arriver là aujourd'hui — après 15 ans de lutte.
    Merci, madame McCormack.
     Nous allons maintenant passer à M. Lemire, du Bloc, pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Da Silva Rondeau, vous nous avez apporté plusieurs éléments de réflexion, dont un qui a aussi été mentionné aujourd'hui, soit la fameuse course à la médaille d'or à tout prix, qui influe énormément sur toute la structure de financement. J'ai demandé que des représentants de l'organisme À nous le podium, notamment, viennent témoigner à ce comité prochainement.
    Comment expliquez-vous leur inaction quant aux agissements des fédérations sportives? D'anciens membres d'À nous le podium nous ont affirmé que l'organisme avait de la difficulté à savoir ce que les fédérations sportives avaient fait avec l'argent qui leur a été versé.
    Pouvez-vous nous parler des liens que vous voyez, de la responsabilité de Sport Canada dans tout cela et du rôle de la ministre? Pourquoi ce dossier ne bouge-t-il pas?
     Je crois que des agents sont censés superviser ce qui se passe au sein des fédérations, mais je n'ai jamais vu ces agents. Une partie de la responsabilité leur revient, c'est-à-dire surveiller ce qui se passe à l'intérieur des fédérations. En ce moment, ce rôle est transféré à l'organisme À nous le podium et, bien sûr, aux athlètes, par le truchement du système de plaintes et des mécanismes actuels qu'on connaît.
    Surveiller les fédérations par des mécanismes de plaintes est donc devenu le rôle des athlètes. Or, ce rôle est trop exigeant pour nous. L'organisme À nous le podium fait sa part en essayant de faire en sorte que les fédérations assument la responsabilité des gestes qu'elles posent, mais son pouvoir est limité. Le reste du pouvoir appartient à Sport Canada.
    Que se passe-t-il de ce côté? Où sont les agents de surveillance?

  (1250)  

    Une chose m'apparaît particulièrement choquante. J'ai l'impression que des gens comme vous, qui osent prendre la parole, font l'objet de poursuites, d'après ce que je comprends, ou d'ententes hors cour dans le cadre de ces fameux accords de non-divulgation. Cela fait en sorte que la culture toxique du silence se poursuit et que les agresseurs n'ont jamais à rendre de comptes.
    Comment notre système pourrait-il être différent? Comment pourrions-nous mieux protéger les gens comme vous?
    Pour le moment, je peux trouver une solution pour chaque situation que je vis. Cependant, je ne peux pas trouver de solutions pour l'avenir, soit pour ce que je ne connais pas. C'est pourquoi une enquête nationale est vraiment primordiale.
    Comment trouver des solutions à des problèmes que nous ne connaissons pas en profondeur? Pour ma part, j'arrive à trouver des solutions pour les situations que je vis — et je vous en ai fait part —, qu'il s'agisse de protection ou de ce qui se passe à l'intérieur des mécanismes de plaintes et de dénonciations. Je parle ici du fait que cela ne peut pas sortir des fédérations et être transféré vers le système judiciaire. C'est une solution.
    Je ne suis qu'une enseignante, mais c'est tout de même un rôle très important dans notre société. Je suis enseignante et j'ai des connaissances, mais les connaissances qui sont en cause ici, je ne les possède pas. Ce sera donc à vous de trouver des solutions.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lemire.
    Nous accorderons deux minutes et demie à M. Julian.
    Madame Mason, lorsque vous avez parlé du cas de Kyle Foster, j'ai été vraiment choqué. L'idée que de tels abus puissent se produire et que la seule protection offerte par Fencing Canada soit une règle de non-contact pour certains athlètes... Il me semble que l'on pourrait tout aussi bien dire à un agresseur: « Trouvez-vous de nouvelles victimes. »
     Comment peut‑on se sentir en sécurité dans ce genre d'atmosphère, alors qu'une organisation sportive nationale fait semblant de protéger les victimes?
    Eh bien, je pense que la réponse la plus simple est que les gens ne se sentent pas en sécurité. Les gens ne se sentent pas en sécurité lorsqu'ils sont victimes de mauvais traitements. Je pense que des histoires comme celle de Kyle Foster sont malheureusement très courantes dans le milieu de l'escrime au Canada. Il n'est pas le seul à avoir maltraité des athlètes. Cela se produit dans toutes les provinces.
     Cette année, la FCE a non seulement mal géré ces cas de façon constante et répétée, mais elle a aussi intimidé nos athlètes en les réduisant au silence lorsqu'ils ont essayé de dire quelque chose. Il est encore difficile pour beaucoup de gens de dénoncer certains faits, et je pense que cela témoigne d'une culture plus large qui autorise ces comportements parce que les entraîneurs obtiennent des résultats.
    Madame Neil, à propos de cette question, nous avons également entendu, lors des audiences de Hockey Canada, que Hockey Canada devrait faire un grand ménage. Canada Soccer a vu deux ou trois personnes démissionner, mais est‑il temps pour Canada Soccer de faire le ménage afin que nous puissions construire avec nos joueurs de soccer une organisation sportive nationale qui protège les athlètes et préserve nos valeurs?
    Oui, je pense qu'une transformation de fond en comble s'impose. Très souvent, c'est comme un feu de forêt qui consume quelque chose pour pouvoir reprendre de plus belle, alors je dirais que la transformation doit se faire par l'intermédiaire de nouvelles personnes.
     Je connais des membres de conseils d'administration qui, par le passé, ont lancé des défis et reçu des menaces physiques de la part d'autres membres de conseils d'administration lorsqu'ils se sont prononcés en faveur de la transparence. J'ai entendu parler d'un autre membre de conseil d'administration qui réclamait la transparence et la responsabilisation dans l'affaire Bob Birarda. On a fait venir une avocate pour lui dire qu'elle ne pouvait pas tendre la main aux anciens U‑20 pour leur témoigner de l'empathie.
     Ce que je veux dire, c'est que cette culture se transmet d'une personne à l'autre parce qu'elle s'homogénéise. Même au sein de la culture actuelle, si quelqu'un s'exprime en faveur de ce qui est juste et moral, il est réduit au silence, ce qui enseigne à la génération suivante que c'est la bonne manière de se conduire. C'est très malsain.
    Merci, madame Neil
     Je vais passer à un tour de deux minutes, puis nous conclurons.
    Madame Gladu, du Parti conservateur, vous avez deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
     J'ai une dernière question à poser à nos témoins. Cela va bientôt faire un an que la BCIS est en place, cela nous aide‑t‑il, est‑ce ce dont nous avons besoin, et pensez-vous qu'il va réussir à régler ces problèmes? Tout le monde peut émettre son avis.

  (1255)  

    Je vais commencer. Je pense que le BCIS est loin d'être une solution. Je pense qu'il est représentatif, encore une fois, d'un système sportif qui se lave à l'intérieur de lui-même pour tenter de donner l'impression qu'il cherche à résoudre un problème, mais en réalité ce sont exactement les mêmes personnes, si vous regardez à nouveau les liens entre toutes les différentes organisations. Non, je ne pense pas du tout que le BCIS soit une solution.
    Les autres en conviennent-ils?
    Tout à fait.
    Je suis d'accord avec vous. Le BCIS éprouve bon nombre des mêmes problèmes que le système de sport sécuritaire des États-Unis, et je travaille avec des athlètes qui essaient de s'y retrouver dans ce système en permanence. Aucune mesure de protection des survivants n'est en place et les équipes d'enquêteurs sont incompétentes. Il faut facilement deux ou trois fois plus de temps qu'il n'en faudrait pour mener à bien une enquête, alors que l'athlète n'est pas protégé et qu'il n'existe aucune protection pour les dénonciateurs.
     Les renseignements fournis par ces athlètes sont les mêmes problèmes que ceux auxquels nous sommes confrontés aux États-Unis, et il est profondément traumatisant et parfaitement injuste pour les survivants de leur demander de s'y retrouver dans un système qui va les laisser plus accablés qu'ils l'étaient lorsqu'ils y sont entrés.
    Madame Neil, allez-y.
    Je n'ai pas grand-chose à ajouter à cela. Je suis d'accord.
    Madame McCormack, êtes-vous d'accord avec cela?
    Oui.
    Madame Rondeau et monsieur Wallbridge, êtes-vous d'accord?
     Des voix: D'accord.
     Mme Marilyn Gladu: C'est parfait. Je pense que mon temps de parole est écoulé.
    Je vous remercie.
     Pour notre dernière question de la journée, nous allons céder la parole à M. Bittle pendant deux minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je voudrais me faire l'écho de mes collègues en vous remerciant tous d'être ici. Cela n'a pas été facile, mais vous avez été entendus, je tiens à ce que vous le sachiez.
     Mes questions s'adressent à M. Wallbridge.
    Nous avons beaucoup parlé des interactions entre les gouvernements provinciaux et le fédéral; nous avons parlé de choses comme la loi anti SLAPP, qui est du ressort des provinces, et vous avez parlé de la législation sur les normes d'emploi.
     Je sais que la ministre a déclaré que la question ne consiste pas à savoir s'il y aura une enquête, mais comment elle se déroulera. Est‑il indispensable que les provinces soient présentes à la table pour tout type d'enquête, afin que nous puissions aborder un grand nombre des questions dont on a discuté ici aujourd'hui?
     Si les questions relatives au lieu de travail font partie de l'enquête, alors les provinces devront absolument être présentes à la table pour rendre compte des décisions qu'elles ont prises de se retirer de la protection des athlètes salariés. Cela ne fait pas le moindre doute.
     Il est choquant d'entendre ces récits sur la durée qu'il a fallu pour que ces athlètes réussissent à obtenir justice, et d'apprendre que les provinces ont reçu un coup de téléphone d'un propriétaire d'équipe et ont amendé les lois en l'espace d'une fin de semaine, à titre de comparaison. Ils doivent être présents à la table; ils doivent répondre aux questions sur les raisons d'une telle situation. S'ils ne veulent rien faire pour protéger les joueurs athlètes, la ministre et le gouvernement fédéral doivent avoir le courage d'intervenir.
    Si je peux m'appuyer sur le mythe de l'exemption des athlètes étudiants dans la LCH, comment en est‑on arrivé là? Est‑ce analogue à ce qui s'est passé aux États-Unis avec la NCAA, où les écoles gagnent des millions de dollars? Nous avons des équipes de hockey qui valent des dizaines de millions de dollars. Comment se fait‑il que ces athlètes ne bénéficient pas de protections législatives?
    Comment se fait‑il qu'ils ne soient pas protégés? C'est une bonne question.
     Ce que je connais le mieux, c'est le cas de la Nouvelle-Écosse où, au cours d'une fin de semaine de juillet, les règlements de la province ont été modifiés, et la province a déclaré que la Ligue canadienne de hockey, ou certains propriétaires d'équipes, l'avaient appelée pour lui demander d'agir dans ce sens. D'après ce que j'ai entendu dire, ni la ligue ni une seule équipe ne figurait sur le registre des lobbyistes, comment se fait‑il donc que ces conversations aient eu lieu? Je ne connais pas la réponse, mais c'est indéniablement suspect, et un plus un fait souvent deux.
    Merci beaucoup, monsieur Bittle.
     Merci à M. Wallbridge et à Mme Denhollander, qui participent tous deux à la vidéoconférence d'aujourd'hui.
     Merci à nos invités qui sont venus en personne.
     Merci à notre analyste, Mme de Billy Brown, qui est de retour.
     Monsieur Bédard, merci beaucoup.
     J'ai besoin que quelqu'un dise...

  (1300)  

    La séance est levée.
    Merci beaucoup.
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