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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 003 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 21 octobre 2020

[Enregistrement électronique]

  (1855)  

[Traduction]

    Bonsoir à tous. Je déclare maintenant la séance ouverte.
    Je vous souhaite la bienvenue à la troisième séance du Comité permanent des pêches et des océans. Le Comité se réunit pour entendre des témoins. La séance d'aujourd'hui se tient selon une formule hybride.
    J'aimerais commencer par vous fournir un peu d'information compte tenu de la motion adoptée par la Chambre, le mercredi 23 septembre 2020.
     Le Comité siège désormais selon une formule hybride, de sorte que les membres peuvent participer à la séance en personne ou par vidéoconférence. Les témoins doivent absolument comparaître par vidéoconférence. Tous les membres, quelle que soit la façon dont ils y participent, seront pris en compte dans le calcul du quorum. Cependant, le pouvoir de siéger du Comité est limité par l'utilisation prioritaire des ressources de la Chambre, selon les décisions des whips.
    Toutes les décisions doivent être prises par vote par appel nominal, à moins que le Comité n'en décide autrement par consentement unanime ou avec dissidence. Enfin, le Comité peut délibérer à huis clos, pourvu qu'il tienne compte des risques potentiels de bris de la confidentialité inhérents à ce type de délibérations avec des participants à distance. Les délibérations d'aujourd'hui seront accessibles depuis le site Web de la Chambre des communes, et je rappelle que c'est toujours la personne qui parle qui apparaît à l'écran plutôt que l'ensemble du Comité.
    Pour assurer le bon déroulement de la séance, j'aimerais vous présenter quelques règles à suivre.
    Pour ceux qui participent à la séance virtuellement, les membres comme les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts, et vous avez le choix, au bas de votre écran, entre « Parquet », « Anglais » ou « Français ». Avant de prendre la parole, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Quand vous avez terminé de parler, je vous prie de désactiver votre micro pour réduire au minimum les interférences.
    Je vous rappelle que toutes les observations des membres et des témoins doivent être adressées à la présidence. Si un député veut demander la parole en dehors de la période qui lui est réservée pour les questions, il doit activer son micro et indiquer qu'il invoque le Règlement. Si un député souhaite réagir au rappel au Règlement d'un de ses collègues, il doit utiliser la fonction « Lever la main ». Je saurai ainsi que vous voulez prendre la parole et créerai une liste d'intervenants. Pour ce faire, vous n'avez qu'à cliquer sur l'icône « Participants » de votre barre d'outils, au bas de votre écran. Quand la liste apparaît, vous verrez, près de votre nom, une icône pour lever la main.
    Veuillez vous exprimer lentement et clairement. À moins de circonstances exceptionnelles, l'utilisation d'un casque d'écoute muni d'un microperche est obligatoire pour tous les participants à distance. Si un problème technique survient, veuillez en aviser immédiatement la présidence. Il est à noter que nous pourrions devoir suspendre quelques instants nos travaux en pareil cas, car nous devons nous assurer que tous les députés peuvent participer pleinement à la séance.
    Pour ceux qui y participent en personne... Je crois que personne n'y participe en personne ce soir, donc je ne lirai pas les règles à cet égard.
    Pour ce qui est de la liste des intervenants, la greffière du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour toujours la tenir à jour, en tenant compte de tous les députés, qu'ils y participent en personne ou virtuellement.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins de la première partie de notre réunion, ce soir. Notre premier groupe se compose de Shelley Denny, qui comparaît à titre personnel, ainsi que d'Allison Bernard, directeur de la faune pour la Mi'kmaq Rights Initiative.
    Nous avons tenté d'inviter d'autres personnes ici, ce soir, question d'entendre des témoins de tous les horizons, mais le délai était court, et nous voulions tout de même commencer notre étude.
    Nous entendrons donc sans plus tarder les allocutions d'ouverture.
    Madame Denny, vous serez la première et vous aurez un maximum de six minutes. La parole est à vous.
    Bonsoir. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes pour le lancement de votre étude sur la mise en œuvre des droits de pêche issus de traités des Micmacs visant à assurer une subsistance convenable.
    Je suis moi-même une Micmaque, membre de la Première Nation de Potlotek, mais je vis à Eskasoni depuis un certain temps. Je suis étudiante de doctorat au programme des affaires maritimes de l'Université Dalhousie, et je cherche justement des solutions aux enjeux qui occupent le Comité: comment pouvons-nous réussir à mettre en œuvre les droits inhérents et issus de traités des Micmacs en Nouvelle-Écosse?
    J'ai eu la chance de participer à un projet de recherche participative financé par le Conseil de recherches en sciences humaines et intitulé Fish-WIKS, un acronyme pour « fisheries western and indigenous knowledge systems ». Notre objectif est d'utiliser les deux systèmes de connaissances pour améliorer la gouvernance des pêches sur les trois côtes du Canada. Mon rôle, à titre de chercheure doctorante dans la région de l'Atlantique était d'orchestrer et de mener des recherches pour répondre aux besoins actuels de gouvernance des pêches des communautés autochtones et analyser diverses solutions sous l'angle des deux systèmes de connaissances, selon ce qu'on appelle une « approche à double vison ». Selon l'approche à double vision, les connaissances sont considérées comme un système, qui ne se limite pas qu'à l'objet des connaissances et qui tient compte aussi de la façon dont elles sont acquises.
    Un système de connaissances, qu'il soit occidental ou autochtone, comprend beaucoup de choses. Les éléments que la plupart des gens connaissent en seraient ce que nous savons, comment nous exerçons nos connaissances, comment nous nous y adaptons et comment nous les transmettons, mais on oublie souvent les valeurs et les croyances à la base de ces connaissances, qui distinguent un système de connaissances d'un autre. C'est problématique, parce que les valeurs et les croyances sous-jacentes d'un système sont souvent en contradiction avec celles d'un autre, ce qui peut nuire à la collaboration.
    Cependant, notre projet de recherche Fish-WIKS montre qu'on peut aussi miser sur les similarités pour construire des ponts d'un système de connaissances à l'autre et mieux en comprendre les différences. Cela signifie qu'il est essentiel pour ceux qui proviennent de systèmes de connaissances différents de comprendre les valeurs et les croyances à la base de chaque système, puis que toutes les parties qui contribuent à la recherche de solutions les prennent en considération pour s'orienter. La recherche montre clairement que si les croyances de base profondes sont non négociables, les valeurs, comme la justice, sont souvent communes d'un système de connaissances à l'autre et que par conséquent, elles sont plus facilement comprises dans les efforts de résolution des conflits.
    Aujourd'hui, j'aimerais vous faire part de quelques résultats de mes recherches pour vous aider à comprendre la situation. Il est malheureux que les discussions tournent tant autour de ce qu'on entend par une « subsistance convenable » parce que le nœud de la question est plutôt « comment » on peut mettre en œuvre les droits de pêche issus de traités des Micmacs.
    De 2018 à 2019, j'ai mené 48 entrevues auprès de 52 personnes expérimentées en matière de gouvernance, d'histoire et de droit des pêches. J'aimerais vous faire part aujourd'hui des grands défis que j'ai observés dans le cadre de mes travaux. Je suis certaine qu'ils vous sembleront familiers, mais ces constats sont appuyés par mes recherches. Il n'est pas surprenant que les relations conflictuelles soient à la base des tensions actuelles. Les raisons à la base de ces relations conflictuelles sont notamment les comportements antagonistes persistants envers les pêcheurs micmacs, la méfiance externe et interne, une mauvaise compréhension du contexte micmac et la concurrence pour les ressources.
    Les lacunes contribuant à la situation actuelle sont nombreuses. Par exemple, il n'y a pas de politique fédérale sur les pêches de subsistance. De plus, le gouvernement doit renforcer sa capacité de mettre en œuvre les droits des Micmacs, puisque son approche actuelle est inadéquate, souvent plus réactive que proactive. Par ailleurs, en général, les choses évoluent lentement au gouvernement. Les gens de l'industrie accordent beaucoup de valeur aux règles et sont frustrés que les règles qui s'appliquent dans l'industrie ne s'appliquent pas à la pêche et aux pêcheries autochtones, de sorte qu'ils jugent que les pêcheurs autochtones sont dans un vide juridique. Pour leur part, les Micmacs veulent répondre aux besoins de leurs familles grâce à une pêche de subsistance, mais n'ont pas les moyens de le faire. Les négociations se font de nation à nation, mais le plus souvent sans la participation des pêcheurs touchés. Si tous les Micmacs ont des droits, ils ne souhaitent pas tous faire de la pêche de subsistance. Il est nécessaire d'identifier qui souhaite pêcher. La gouvernance est déficiente à l'échelle communautaire aussi, ce qui inquiète le MPO.
    Les visions opposées des pouvoirs de gestion des pêches sont évidentes. Elles sont intimement liées à la perception de légitimité des systèmes de gouvernance. La légitimité est la perception d'une action politique, si elle est considérée juste par les différentes personnes touchées ou intéressées. Il y a des difficultés de part et d'autre en ce qui concerne la perception et l'acceptation des outils de gouvernance utilisés. Les pêcheurs micmacs valorisent la préservation de leurs pratiques culturelles et associent l'exercice de leurs droits micmacs à leur identité et à la reconnaissance des traités. Selon eux, ils n'ont pas besoin de permis pour pêcher. Ils ont déjà leurs traités, et cette autorisation leur revient de droit dès leur naissance.
    Une gouvernance fondée sur des enseignements culturels transmis de génération en génération par la famille est en dissonance avec l'approche hiérarchique, très réglementée des pêches du MPO. Cependant, de part et d'autre, on considère actuellement qu'il manque une structure de gestion des pêches. Les Micmacs savent que l'exercice de leurs droits présente des difficultés, notamment les abus, et qu'il doit y avoir un moyen culturellement adapté de gérer les abus, puisqu'il y a des questions éthiques sous-jacentes qui échappent au MPO et au système de justice canadien. Il faut que les Micmacs se dotent de règles sur la pêche et les pêcheries.

  (1900)  

    Il faut reconnaître que ce n'est pas qu'un cauchemar opérationnel pour le MPO. C'est un problème de gouvernance qui exige qu'on laisse de l'espace aux Micmacs selon le principe du partage. L'industrie doit laisser de la place aux pêches de subsistance des Micmacs en partageant l'accès aux ressources. Le MPO doit faire de la place à un modèle de gouvernance différent, qui soit cohérent avec les traités et les lois canadiennes, dans lequel les pouvoirs exécutoires et décisionnels sont partagés, afin de favoriser la mise en place d'un cadre juridique qui permette à ce modèle de gouvernance des pêches de s'implanter.
    Il est évident que la capacité du MPO de régir les pêches des Micmacs est limitée, compte tenu de la protection des droits autochtones issus de traités garantie par la Loi constitutionnelle du Canada, mais l'élément et l'atout importants qu'on oublie souvent, c'est la volonté des Micmacs de contribuer à la gouvernance des pêches. Saisissons l'occasion de miser sur les valeurs communes de gouvernance pour déterminer comment ces systèmes peuvent coexister et faisons preuve d'innovation pour respecter les valeurs uniques à chaque système.
    Maintenant que nous comprenons les raisons sous-jacentes aux relations conflictuelles entre les deux parties, nous devons prendre conscience du fait que nos actes doivent inspirer la confiance et se fonder sur de bons principes de gouvernance, il faut favoriser l'éducation sur les traités et réduire au minimum la concurrence entre les pêcheurs et les pêcheries.
    Merci. Wela’lioq.
    Je vous remercie.
    Nous entendrons maintenant M. Bernard, qui disposera d'un maximum de cinq minutes.
     Bonjour. Je m'appelle Allison Bernard. Je travaille au service de la Mi’kmaq Rights Initiative. Je m'occupe des pêches depuis 10 ans. J'ai vu beaucoup de hauts et de bas, comme j'ai vu deux gouvernements différents essayer de trouver des solutions.
    Mon expérience en la matière a souvent été troublante. Je constate que les Micmacs n'ont jamais vraiment eu la chance d'avancer, même si nous jouissons de ce droit issu de traités et malgré l'arrêt Marshall, rendu en 1999, soit il y a 21 ans. Cela me brise le cœur, parce que mon père était le chef de notre communauté quand il a été prononcé. Tout le monde croyait que les pêcheurs pourraient recommencer à pêcher et continuer leur vie, mais quoi qu'il en soit, ce n'est pas ce qui est arrivé.
    Il y a eu beaucoup de pourparlers entre l'Assembly of Nova Scotia Mi’kmaq Chiefs et le gouvernement, le MPO, jusqu'au cabinet du ministre. Il y en a toujours eu, mais il n'y a pas vraiment de progrès.
    C'est un peu comme un mouvement de troisième génération pour faire valoir la décision Marshall. Comme je l'ai dit, mon père a été le premier en lice. Je suis de la deuxième génération. J'ai été conseiller de bande pendant 10 ans. Aujourd'hui, mon propre fils pêche et il connaît beaucoup de difficultés, parce que les incohérences abondent, quoi qu'il se passe.
    Notre peuple nous dit que nous avons un droit — et les tribunaux le reconnaissent — mais globalement, ce qui arrive depuis bien des semaines... J'étais présent, en plein centre de Saulnierville, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, où toutes les manifestations ont eu lieu entre les pêcheurs acadiens, ou les pêcheurs de la région, et les Micmacs. C'est vraiment dur de voir les nôtres, particulièrement les jeunes — qui étaient tellement excités d'aller pêcher —, puis de voir les gens de l'industrie venir détruire des pièges, couper des cordages, saisir des cages et pourchasser nos bateaux dans l'eau. En tant qu'ex-policier, qui comprend ce qui se passe, je crois qu'il aurait dû y avoir des mesures ou d'autres interventions du MPO ou de la GRC pour prévenir ces gestes disgracieux de pêcheurs et de groupes furieux.
    Nous exerçons notre pêche de subsistance, comme nous le faisons depuis des milliers d'années, selon le concept de netukulimk. Netukulimk est un mot très fort dans notre culture. Il limite nos activités et nous oblige absolument à respecter tout ce qui se trouve dans l'océan et autour de nous, y compris les plantes, les oiseaux, l'air, l'eau, tout ce qui nous entoure. Nous ne perturberons rien.
    Quoi qu'il en soit, j'étais très heureux d'être invité par votre comité ce soir. J'ai vu neiger. Je pense que quelque chose doit être fait pour rendre le message plus cohérent au MPO et améliorer les relations entre C et P et la haute direction du MPO. À mon avis, les différents secteurs du ministère ne collaborent pas entre eux, compte tenu des différences d'une région à l'autre. Comme je l'ai déjà dit, d'autres pièges ont été saisis à St. Peter’s Bay au cours des derniers jours, et la GRC l'a dit. Jamais Ottawa ou le cabinet du ministre n'a dit que l'équipement de pêche ne devrait pas être saisi. Le seul équipement qui reste est celui de notre pêche de subsistance, à des fins alimentaires, sociales et cérémoniales.
    Comme je l'ai déjà dit, je participe à bon nombre des choses qui se passent en ce moment. Tout va bien. Il y a eu une manifestation pacifique aujourd'hui pour la pêche micmaque, du comité sur les pêches, je suppose, de la part de personnes qui appuient nos jeunes pêcheurs. Quand je dis « jeunes », c'est que je parle de la troisième génération de pêcheurs, je le répète. Je ne suis plus apte à aller pêcher, donc ce sont mes fils qui y vont.
    À mon avis, c'est le MPO qui fait preuve d'incohérence, dans la façon de s'organiser et de se conduire, selon que la décision vienne de C et P ou du cabinet du ministre. Cela doit changer.

  (1905)  

    Comme je l'ai déjà dit, je baigne dans le dossier des pêches de subsistance depuis des années, mais je participe aussi aux consultations sur à peu près tout, donc je vois comment tout est interrelié, qu'on parle de la conservation, des besoins alimentaires ou sociaux ou de l'industrie. Cela me brise le coeur de voir qu'un groupe de personnes, toutes néo-écossaises, ne semble pas pouvoir s'entendre et trouver de solutions, alors qu'il est évident qu'il y a des personnes assez intelligentes pour cela tant dans l'industrie que dans le système et le gouvernement micmacs.
    Nous devons être reconnus. Quand nous affirmons nos droits, nous avons une structure de gouvernance. Nous sommes le troisième ordre de gouvernement en Nouvelle-Écosse. Il y a la province, il y a les Micmacs et il y a le ministère fédéral.
    Depuis des années, on ignore les droits héréditaires des Micmacs de mettre en place leur propre structure de gouvernance, et il a fallu les événements du mois dernier, où les Micmacs ont dit que c'était assez... Nous devons faire ce qui est bon pour notre peuple, et nous devons pêcher.

  (1910)  

    Monsieur Bernard, nous n'avons plus de temps pour votre allocution d'ouverture. J'espère que vous aurez la chance de dire ce que vous n'avez pas encore pu dire en réponse aux questions, faute de quoi vous pourrez assurément soumettre vos notes d'allocution à la greffière du Comité.
    Nous passerons donc maintenant aux questions. La première personne inscrite à la liste, pour un maximum de six minutes, est M. Bragdon.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie simplement à la fois Mme Denny et M. Bernard de prendre le temps, ici ce soir, malgré le court préavis, de discuter avec nous de cette situation très grave qui nous occupe en ce moment. Nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps de comparaître devant le Comité. Merci. Nous vous remercions de vos réflexions et nous nous réjouissons à l'idée de vous entendre encore au fur et à mesure que nous avancerons dans ce dossier.
    De toute évidence, il y a toute une série d'événements qui ont mené à cette situation, qui n'est pas arrivée du jour au lendemain. Il semble bien que ce soit une situation qui s'annonçait depuis un certain temps, et tout récemment, les choses se sont empirées au point où nous nous trouvons dans les circonstances actuelles.
    Je pense qu'il est très important pour tous les Canadiens, pour nous tous, de faire en sorte de bien comprendre et de bien faire les choses. Il est très bien établi que les Autochtones ont le droit de pêcher, de maintenir une pêche, cela ne fait aucun doute, et nous voulons nous assurer que leurs droits soient respectés et qu'ils puissent être exercés.
    Nous comprenons aussi que tant pour les pêches autochtones que non autochtones, la conservation des espèces est fondamentale dans tous les secteurs, parce que nous voulons qu'il y ait beaucoup de homards, beaucoup de poissons, beaucoup d'espèces, en abondance dans les océans pour les générations futures, autochtones comme non autochtones, pour que tous puissent en vivre.
    Je suis content que vous soyez parmi nous ce soir. J'aimerais d'abord vous poser à tous les deux la question qui suit: comment avez-vous vu les événements se succéder pour créer la situation actuelle? Il semble bien que tout cela soit en grande partie attribuable à l'inaction du gouvernement et du ministre à l'égard de la situation en Nouvelle-Écosse. J'aimerais vous demander à tous les deux ce que vous pensez de la réponse du gouvernement — et du ministre en particulier — devant la situation jusqu'à maintenant.
    Pour avoir moi-même observé la situation et pris part à des manifestations à Saulnierville, je trouve que c'est vraiment désolant... J'y suis allé en quelque sorte pour agir comme gardien de la paix, car je savais qu'il risquait d'y avoir des tensions. Il est significatif pour les Micmacs que le MPO n'intervienne pas en mer comme il devrait le faire, car ils ont l'impression que le ministère et le gouvernement ne se préoccupent pas vraiment de leur sort.
    J'ai entendu les déclarations faites par la ministre au cours des derniers mois alors que les gens de l'industrie se sont ralliés pour aller manifester devant son bureau. Je suis conscient que sa tâche est loin d'être facile, et il va de soi que je sympathise avec elle. Comme je suis moi-même un ancien politicien et que j'ai consacré toute ma vie à la politique, je sais très bien que l'on ne peut pas plaire à tout le monde.
    Il y a toutefois une mise en garde importante que je dois servir. Lorsque l'on risque de brimer ainsi les droits ancestraux et issus de traités des Autochtones, toutes les entités gouvernementales, qu'il s'agisse du MPO, de la GRC ou d'une autre agence, sont légalement tenues d'intervenir pour assurer la protection de ces droits. Ce n'est malheureusement pas ce qu'on a fait.
    On a plutôt dû constater que l'industrie a pu en faire à sa tête, et j'ai trouvé extrêmement navrant et tout à fait terrifiant — en tant qu'ancien agent de police, comme je l'indiquais — de voir toutes les injustices ainsi commises en mer. C'était devenu une véritable zone de guerre et nous priions tous pour que personne ne soit blessé. Il faut avouer que ces navires passaient bien près de foncer dans des embarcations micmaques beaucoup plus petites.
    À mon avis, la ministre n'a pas fait ce qu'elle aurait dû faire. Elle aurait dû intervenir sur-le-champ de façon énergique. Elle s'est plutôt contentée de déclarations après les émeutes et les différents événements.
    Les choses auraient pu facilement tourner en confrontation. Il est arrivé à quelques reprises que les deux groupes — les Micmacs et les pêcheurs allochtones — se retrouvent face à face, ce qui m'a obligé à m'interposer en compagnie d'un autre ex-policier de la région de la Première Nation de Sipekne'katik. Nous avons dû convaincre nos gens de renoncer à vouloir se faire justice eux-mêmes. Nous avons ainsi pu prévenir des affrontements extrêmement violents en quelques occasions.
    Si l'on y réfléchit bien, il est difficile pour chacun de se retrouver dans une telle situation quand il sait qu'il agit correctement, qu'un traité lui confère le droit d'agir de la sorte et que ce droit devrait être protégé. Comme je l'indiquais, tout agent fait le serment de protéger la Constitution canadienne en faisant appliquer toute la réglementation en vigueur, que celle-ci découle de la Loi sur la GRC ou de la Loi sur les pêches. En fin de compte, la Constitution demeure le fondement de tous les droits au pays. Il est vraiment terrible de voir un gouvernement rester les bras croisés en pareil cas, et je peux seulement me réjouir du fait que personne n'ait perdu la vie là-bas.

  (1915)  

    Merci, monsieur Bernard.
    La période allouée à M. Bragdon est terminée.
    Nous passons maintenant à M. Battiste pour un maximum de six minutes.
    À vous la parole.
    Ma question s'adresse à Mme Denny.
    Il a beaucoup été question de conservation et des motifs justifiant l'établissement de saisons de pêche qui font en sorte qu'il n'a pas de place pour les Micmacs dans le secteur de la pêche au homard. Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez en réitérant quelques-unes des solutions que vous avez mises de l'avant dans votre commentaire en page éditoriale du Chronicle Herald?
    Oui, certainement. Merci, monsieur Battiste.
    Il y a des motifs justifiant l'établissement de saisons pour la pêche, mais ils sont liés pour la plupart aux conditions du marché. Le Canada préfère vendre le homard à carapace dure. Il faut également tenir compte de la saison de reproduction du homard. Comme il n'y a pas d'épisode de frai de masse, les homards ont besoin d'un certain temps pour trouver des partenaires, les protéger et attendre la mue, soit le délestage de la carapace externe, et également que cette carapace se reconstitue. Tout cela ne se fait pas du jour au lendemain.
    Je pense aussi que les conditions de mer et de glace sont déterminantes. Ces conditions font en sorte que les possibilités de pêche ne sont pas les mêmes pour tous. Ainsi, la situation est différente dans la baie de Fundy où il n'y a pour ainsi dire jamais de glace. Les marées y sont si hautes que la glace se retire au fur et à mesure.
    Il est réellement difficile de justifier l'établissement de saisons de pêche en invoquant des motifs de conservation. Si l'on considère la situation dans le Canada atlantique, il y a par exemple une zone de pêche au homard (ZPH) où l'on peut pêcher d'août à octobre, et c'est la ZPH 25. Pendant que l'on pêchait dans la ZPH 39, il y avait donc aussi de la pêche commerciale dans la ZPH 25. Il est très difficile de justifier des règles uniformes pour les saisons de pêche lorsque celles-ci varient d'une région à l'autre de la Nouvelle-Écosse et du Canada atlantique.
    Pour faire de la place aux Micmacs, il faut en fait partager l'accès à la ressource. Pour ce qui est de la conservation, il y a différentes possibilités qui s'offrent. Ils participent à un plan intégré de gestion des pêches et pourraient avoir davantage leur mot à dire en la matière. Ils peuvent suggérer, si bon leur semble, une réduction du nombre de casiers. Ils peuvent demander des modifications aux saisons de pêche. Ainsi, lorsque la pandémie a éclaté, on leur a offert la possibilité de choisir une saison différente ou de fractionner les saisons. En toute logique, on ne peut pas vraiment invoquer la conservation comme justification pour l'établissement des saisons de pêche.
    Je pense que la participation des Micmacs au secteur des pêches pourrait prendre d'autres formes. Il faut se montrer novateur et j'estime que l'industrie offre de nombreuses perspectives en ce sens. C'est aussi le cas du ministère, mais je préférerais que l'initiative vienne de l'industrie, car cela nous procure de meilleurs moyens d'action tout en démontrant une capacité de partage. On s'éloignerait ainsi de l'approche autoritaire traditionnelle avec laquelle les gens ont l'impression de se voir imposer une réduction du nombre de casiers ou d'autres mesures semblables. Il s'agit de reconnaître la nécessité d'un effort de conservation tout en offrant certaines pistes de solution.

  (1920)  

    Pourriez-vous nous en dire plus long sur certaines des solutions simples que vous proposez dans votre article quant aux moyens à prendre pour mieux reconnaître les droits des Micmacs en s'en tenant aux saisons actuellement établies?
    Tout cela émane du second arrêt Marshall. Il est malheureux que les Micmacs voient les possibilités qui leur sont offertes au sein de l'industrie être limitées, mais ils peuvent tout de même atteindre leurs objectifs en pêchant différemment, en utilisant moins de casiers. Il y a d'autres façons d'envisager les choses. On n'est pas obligé de s'en tenir exactement à ce que prévoit un permis.
    Je crois qu'il y a beaucoup d'idées fausses qui circulent quant au nombre de pêcheurs micmacs actifs. Nos communautés doivent donc chercher à déterminer combien sont intéressés. Si l'on fait un décompte des casiers dans l'état actuel des choses, et je dois vous avouer que je n'ai pas de chiffre exact à vous donner, je crois qu'il y aurait une marge de manœuvre pour que chaque pêcheur de homard renonce à 1 % de ce qui lui est alloué. On constituerait ainsi un fond commun qui nous assurerait une certaine souplesse quant à la façon d'évaluer et de partager l'accès à la ressource. J'y vois une solution simple et facile qui ne coûterait pour ainsi dire rien du tout.
    Combien de casiers cela donnerait-il au total?
    Il y a plus de 3 000 permis. En fait, quelqu'un m'a corrigée en m'indiquant qu'il y en avait plus de 9 000 en Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas trop comment on est arrivé à ce nombre, mais, selon mes propres calculs, il y en aurait plus de 3 000 dans la région des Maritimes seulement. Cela inclut donc aussi le Nouveau-Brunswick. Si ces 3 000 détenteurs de permis renoncent à 1 % de leurs casiers, ce qui ferait de 2,5 à 4 casiers chacun, selon la région, on arriverait à un total dépassant les 8 000 casiers. Ce serait l'équivalent... Vous savez, les gens ne voient pas nécessairement les choses dans une optique de permis. Cela ne fonctionne pas, car les Micmacs ne disposent pas ainsi de la flexibilité voulue pour pratiquer leur pêche traditionnelle. Il reste quand même que cette possibilité d'accès à la ressource est vraiment importante. C'est primordial, surtout quand on considère les objectifs de conservation et les moyens à déployer pour les atteindre.
    D'accord.
    Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que les connaissances traditionnelles des Micmacs nous enseignent au sujet de la conservation?
    Certainement.
    M. Bernard a parlé du principe du netukulimk. C'est un mode de vie pour les Micmacs. Dans nos efforts pour appliquer ce principe... Il y a certaines choses que j'ai apprises au fil des ans, non seulement dans le cadre de mes recherches, mais aussi grâce à mon travail à l'Institut de ressources naturelles Unama'ki (UINR). En nous demandant de « ne prendre que ce dont on a besoin », le netukulimk s'appuie sur une capacité d'autorégulation. Cela permet en outre de prévenir le gaspillage. Il y a également des composantes spirituelles et cérémoniales témoignant notamment de la nécessité de pouvoir partager et remettre ce qui vous a été donné. Le cérémonial a donc sa place dans ce concept.
    Dans le cadre de votre travail au sein de l'Institut, avez-vous pu gérer les stocks de certaines espèces en collaboration avec le gouvernement?
    Oui. Nous avons travaillé avec le MPO pour le saumon.
    C'est un processus qui s'est amorcé par une consultation. Il nous a fallu un certain temps pour nous rendre compte que nous partagions des vues similaires en matière de conservation, mais qu'il y avait des façons différentes de les concrétiser. Après quelques années de travail, nous avions pu nous faire une meilleure idée des connaissances des Micmacs et de celles du MPO, ce qui nous a permis d'établir une marche à suivre pour aller de l'avant en acceptant le fait que nous ne serions pas toujours d'accord sur toutes les questions. Nous avons toutefois pu aussi constater que le ministère était prêt à convenir que nous pouvions exploiter la ressource en respectant certaines limites. Nous avions l'impression de ne même pas nous approcher des limites ainsi établies et que tous semblaient capables de s'entendre sur la suite des choses.
    Il y a toutefois des choses que nous devons faire...
    Merci, madame Denny.
    Merci, monsieur Battiste.
    Nous passons maintenant à Mme Gill, pour un maximum de six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais tout d'abord remercier les deux témoins. Évidemment, j'ai des questions à leur poser.
    Madame Denny, je vous remercie pour la qualité de votre témoignage. Je l'ai trouvé très intéressant. J'aurais beaucoup de questions à vous poser, mais je vais me limiter à quelques-unes. Vous avez déjà parlé de conservation, alors je vais aborder avec vous un autre sujet qui nous intéresse tous, soit celui de la subsistance convenable. Je souhaiterais connaître votre point de vue concernant la façon dont les autorités compétentes devraient définir ce concept, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif.
    J'aimerais également entendre M. Bernard là-dessus, s'il vous plaît.

  (1925)  

[Traduction]

    Je vais répondre d'abord, si vous n'y voyez pas d'objection.
    La subsistance convenable est une affaire de concept davantage que de définition. C'est malheureusement cette question qui monopolise le débat. Tant et aussi longtemps que vous n'avez pas mis en place un processus permettant de collaborer véritablement pour mettre en oeuvre ce concept... Je déteste parler d'une définition, car c'est très limitatif. Le concept de subsistance convenable correspond à la capacité de subvenir à ses propres besoins du point de vue spirituel, culturel, économique et social. C'est davantage que de simplement accumuler des revenus.
    Je pense que c'est ce qui manque dans la perception des gens quant au concept de subsistance convenable. Il est bien certain que l'on peut en tirer des avantages économiques, mais il y a bien d'autres choses à prendre en considération. Je crains qu'en voulant trop définir ce concept, on en limite la portée. Une fois que le concept est ainsi trop étroitement défini, il devient vraiment difficile de voir comment on peut le rendre opérationnel. J'estime qu'il est plus important de déterminer comment nous pouvons travailler tous ensemble pour gérer une pêche de subsistance que de nous employer à définir le terme « subsistance convenable ».

[Français]

    Merci.
    Je ne sais pas si M. Bernard souhaite ajouter quelque chose ou bien nous donner son propre point de vue.

[Traduction]

    Comme je n'ai pas entendu l'interprétation, je n'ai pas vraiment compris la question. Est-ce que cela portait sur la subsistance convenable?
    Comme Shelley l'indiquait, on ne peut pas vraiment définir le concept de subsistance convenable, car c'est notre mode de vie depuis des millénaires, d'autant plus que les temps ont changé, et que les responsabilités et les besoins des Micmacs ont aussi évolué.
    Comme vous le savez tous, je vis dans une communauté durement touchée par la pauvreté, près de 75 % de nos membres se retrouvant dans cette situation. Nous avons aussi des taux de suicide élevés et une pléthore de problèmes sociaux. Entre 75 % et 80 % de nos gens doivent essentiellement s'en remettre à l'aide sociale. Il est très décourageant de voir tous ces jeunes désoeuvrés qui n'ont pas vraiment d'avenir en perspective ni quelque espoir que ce soit auquel se rattacher.
    Lorsque la situation s'est présentée et que nous avons tous convenu que les Micmacs iraient pêcher, les Premières Nations d'Eskasoni et de Chapel Island ont établi leurs plans de gestion, et celle de Sipekne'katik en a fait autant. Il était fort encourageant de voir ces jeunes heureux pour une fois en accédant à une certaine dignité dont ils ne jouissaient tout simplement pas auparavant. Ils peuvent désormais envisager un avenir où ils pourront gagner leur vie et subvenir aux besoins de leur famille, ce qui nous fait sincèrement regretter tout ce temps où ils ont été privés d'une telle possibilité. Il en est ainsi depuis que des droits ancestraux nous ont été conférés par voie de traités, ces mêmes traités étant consacrés par la Constitution canadienne. Je trouve particulièrement aberrant que le MPO et les autres instances n'approuvent pas ou n'appuient pas cette initiative. C'est ce que j'ai pu constater en même temps que toutes les contrariétés qui se manifestent actuellement alors que des gens qui n'ont pas les moyens de racheter des casiers se sont vus saisir les leurs au cours des derniers jours et se demandent bien ce qu'ils doivent faire maintenant. Tout cela parce que les autres intervenants au sein de l'industrie exercent des pressions sur les fournisseurs pour qu'ils ne nous vendent plus les appâts, les permis et les autres sous-produits dont nous avons besoin pour pêcher.
    Les choses sont en train de changer. J'ai vu les déclarations de certains restaurateurs à Montréal et dans la région de Halifax qui disent ne plus vouloir de homard en raison du conflit. Je pense qu'il y a une façon de régler le tout. Notre secteur de pêche au homard a droit à 25 étiquettes de prise supplémentaires par permis en Nouvelle-Écosse, ce qui lui permet de pêcher avec 375 casiers dans la région du sud-ouest. Ils ont de plus aussi droit à 50 casiers supplémentaires par détenteur de permis, ce qui suffit pour totaliser près de 50 000 casiers. Les Micmacs seraient bien en peine d'utiliser 50 000 casiers dans ce secteur, et même dans l'ensemble de la Nouvelle-Écosse. Il y a donc une importante marge de manoeuvre dont on pourrait se servir, mais chacun doit y mettre un peu du sien parce qu'en fin de compte, nous bénéficions d'un droit, et non d'un privilège.

  (1930)  

    Merci, monsieur Bernard.
    C'est tout le temps que nous avions pour les questions de Mme Gill. Nous passons maintenant à M. Johns pour les six prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous parle depuis le territoire traditionnel non cédé des Upacasath et des Tseshaht. Je veux vous remercier, madame Denny et monsieur Bernard, d'avoir bien voulu témoigner devant nous aujourd'hui.
    Monsieur Bernard, j'ai une question pour vous au sujet des principes qui sous-tendent le plan de gestion de la pêche au homard visant la mise en œuvre des droits des Sipekne'katik que vous avez mentionné. Mme Denny nous parlait tout à l'heure du principe traditionnel micmac du netukulimk en nous indiquant qu'il s'agissait d'atteindre des niveaux suffisants de bien-être nutritionnel et économique pour la communauté sans mettre en péril l'intégrité, la diversité ou la productivité de l'environnement. Appuyez-vous les Sipekne'katik dans leur volonté de gérer de façon autonome leurs activités de pêche en s'appuyant sur ce principe de conservation?
    Oui, certainement. J'appuie toutes les nations de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick ou des Maritimes qui souhaitent mettre en œuvre leur propre plan de gestion en respectant les conditions de la pêche netukulimk.
    Netukulimk est une notion puissante. Je l'ai d'abord entendue lorsque j'étais jeune et que j'habitais avec mon grand-père, car il vivait seul et je suis allé habiter avec lui dans sa maison. C'est un homme très sage. J'ai également beaucoup appris de mon père. Ces deux hommes m'ont enseigné comment chasser et ne pas prendre plus que le nécessaire pour nourrir notre peuple.
    Cela s'applique également à la pêche. Je n'ai jamais ramené un sac plein de poissons ou de homards à la maison. Et si je le faisais, on m'aurait dit d'aller les distribuer chez les voisins et les membres de la famille, car ces gens en avaient besoin.
    La notion de netukulimk est si profondément enracinée en moi que lorsque je travaille sur le terrain autour de ma maison, je ne coupe pas certains arbres ou certaines plantes si ce n'est pas nécessaire, car ces arbres et ces plantes ne me dérangent pas. Ce sont des cadeaux de mère Nature. Il y a partout des plantes et des plantes médicinales avec lesquelles nous vivons en harmonie depuis des milliers d'années. Cette notion fait partie du fondement de notre identité.
    Nous serons les premiers à mener cette lutte, comme Mme Denny l'a dit lorsque nous parlions du saumon, et nous avons élaboré notre plan. Toutefois, même si nous avons le droit de prendre environ 500 saumons dans les rivières de notre région, nous ne le faisons pas. Nous prenons probablement de 30 à 40 poissons ou moins pendant la saison automnale, et ce n'est pas beaucoup.
    Nous ne faisons rien qui pourrait nuire à une espèce, comme c'est arrivé à la morue... Si tout le monde pratiquait la notion de netukulimk, il y aurait encore de la morue le long de nos côtes, mais ce n'est plus le cas. Autrefois, des espèces comme le hareng étaient tellement abondantes qu'elles changeaient la couleur de la mer autour de Crane Cove, où j'habite, mais c'est terminé maintenant. Il n'y a plus de poissons de fond dans le lac Bras d'Or. Il n'y a presque plus de homards à cause de la surpêche.
    Si tout le monde respectait la notion de netukulimk, il n'y aurait même pas 50 étiquettes. Les membres de nos collectivités se moqueraient de ceux qui auraient 200 ou 300 étiquettes et de ceux qui demanderaient plus de 50 étiquettes de remplacement. Comme je l'ai dit, et je reviendrai sur cette notion, ces 50 étiquettes représentent 50 000 casiers à homard.
    Avec tout ce qui se passe, nous sommes les protecteurs de la nature. Nous sommes la seule voix de ces espèces. M. Albert Marshall, notre aîné respecté, qui est également mon voisin, dit toujours qu'il faut parler au nom des espèces de la nature, car elles ne peuvent pas parler pour elles-mêmes, et il nous revient donc de les protéger. Je crois que si cela signifie que nous devons nous battre contre l'industrie, nous devrons le faire.

  (1935)  

    Je vous suis très reconnaissant de nous permettre de comprendre vos connaissances autochtones et vos liens à la nature par l'entremise de vos principes et de votre interprétation de ces principes.
    J'aimerais vous poser une question. Pouvez-vous penser à une raison ou à un scénario qui justifierait un geste comme couper des cages ou des filets ou détruire le homard afin d'appuyer les efforts de conservation?
    Oh mon Dieu. C'est tellement une façon ridicule de tenter de protéger les espèces ou de les préserver, surtout lorsqu'on sait qu'il y a 50 000 cages supplémentaires, peu importe la saison et l'année.
    C'est du vandalisme. Cela revient à enlever des ressources à des personnes qui vivent déjà dans la pauvreté, et qui utilisent ces bateaux et qui peuvent à peine se permettre d'acheter des cages et des bateaux. Je ne vois rien qui pourrait aider les efforts de conservation dans cette situation. Au contraire, cela va détruire l'espèce, car ils ont laissé des déchets partout dans la mer.
    Il me reste seulement 30 secondes. Je voulais seulement vous demander si vous appuyez la Première Nation de Sipekne’katik qui fait valoir son droit à l'autonomie gouvernementale garanti à l'article 35 de la Loi constitutionnelle, ainsi que ses droits et la mise en œuvre du plan de gestion de la pêche au homard.
    Oui, tout à fait, car je pense que les membres des Premières Nations sont les meilleures personnes pour protéger les ressources. En effet, nous sommes ici depuis des milliers d'années, et nous avons démontré au reste du monde que nous protégeons mère Nature et tout ce qui s'y trouve.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie, monsieur Johns. Votre temps est écoulé.
    Chaque parti a eu droit à une série complète de questions. Je sais que nous avons commencé un peu en retard en raison de certaines difficultés, mais je suggère de faire une autre série de questions de deux minutes et demie pour chaque parti, si tout le monde est d'accord. Cela signifie que nous pourrions terminer la réunion avec quelques minutes de retard.
    Je ne vois aucune objection.
    D'accord. M. Arnold a la parole pendant deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais également remercier Mme Denny et M. Bernard d'être ici aujourd'hui.
    Les événements qui se déroulent en Nouvelle-Écosse me troublent énormément.
    Je me souviens qu'il y a quelques années, lorsque j'étais président de la B.C. Wildlife Federation, nous avons eu un conflit sur le fleuve Fraser à propos de la pêche au saumon. Une réunion avait été organisée entre les différents intervenants pour discuter de leurs diverses activités et pour mieux comprendre la position de chacun. Le jour où cette réunion devait avoir lieu, un conflit a éclaté sur le fleuve, et l'un des chefs des Premières Nations a été touché à la joue par un projectile de fusil à plomb. Heureusement, personne n'a été gravement blessé, mais à cause de cet incident, la réunion qui devait avoir lieu — et qui était organisée par le MPO — a été immédiatement annulée.
    J'étais dans le bureau de l'organisme à ce moment-là et j'ai collaboré avec les gens du bureau... Nous avons communiqué directement avec le bureau du chef des Premières Nations, et nous avons pu poursuivre la réunion. Nous l'avons organisée de façon à ce que les deux parties puissent discuter et mieux comprendre la position de l'autre.
    C'est ainsi qu'a été créée l'organisation Fraser River Peacemakers, qui s'efforce depuis des années de mieux comprendre les différents points de vue des pêcheurs sur ce fleuve. Dans une grande mesure, la situation est maintenant beaucoup plus pacifique qu'auparavant.
    J'aimerais rapidement demander aux deux témoins si, selon eux, cela pourrait faire partie de la solution dans la situation actuelle.

  (1940)  

    Les pêcheurs micmacs et ceux qui pratiquent la pêche au homard commerciale n'interagissent pratiquement pas. Cela résume la situation. Lorsque des négociations se produisent de gouvernement à gouvernement et de nation à nation, ils sont largement exclus de ces discussions. Il y a tellement de tension en ce moment qu'il serait difficile de réunir ces gens dans la même salle, selon moi. Mais, je n'en suis pas certaine.
    En même temps, nous avons souvent demandé du soutien au MPO, afin que des agents de conservation soient présents pour appuyer les droits des Micmacs et pour informer les intervenants de l'industrie de ces droits. Toutefois, cela ne s'est pas concrétisé. Cela n'a pas été fait non plus dans le cas du saumon, et c'est quelque chose que nous tentons d'obtenir chaque année.
    J'ai bon espoir que cela pourrait représenter une partie de la solution, mais je pense certainement qu'il faut laisser les choses se calmer pendant un certain temps. Je pense également qu'il faut établir une communication constructive entre les deux groupes, échanger des renseignements et certainement informer les intervenants sur le nombre de prises et le nombre de pêcheurs à l’œuvre.
    Les gens ne peuvent pas décider de prendre les choses en main comme cela. De plus, couper des casiers à homard va à l'encontre des efforts en matière de conservation. En effet, les gens touchés ont maintenant besoin de pêcher davantage pour avoir les moyens de remplacer l'équipement qu'ils avaient déjà eu du mal à obtenir. Ce n'est certainement pas une bonne situation.
    Je vous remercie, madame Denny.
    Monsieur Arnold, votre temps est écoulé.
    La parole est maintenant à M. Morrissey, qui a deux minutes et demie ou moins.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à Mme Denny. Je vous serais reconnaissant de me donner une brève réponse, car vous avez déjà parlé de la notion de conservation.
    J'aimerais que vous formuliez un commentaire. Au cours des 40 dernières années, les pratiques de gestion mises en oeuvre dans le domaine de la pêche, à savoir les saisons structurées et les limites sur la taille des homards, ont permis à cette industrie de devenir très lucrative aujourd'hui.
    Quelle serait la raison ou la justification principale pour modifier une pratique de gestion établie qui a permis à cette pêche de devenir très importante au Canada Atlantique?
    Pouvez-vous répondre très brièvement?
    On ne modifierait pas vraiment cette pratique, seulement les saisons. En effet, nos pêcheurs ne peuvent pas être sur l'eau en même temps que les pêcheurs commerciaux, car ils seraient en désavantage numérique. Ils utilisent également des bateaux et des engins beaucoup plus petits, et il est difficile de déterminer qui coupe les cages de qui. Au moins, pendant la saison secondaire, ils ont la possibilité de voir qui est sur l'eau et qui fait des dégâts. Une grande partie des mesures de conservation sont adoptées de l'industrie commerciale. Les Micmacs sont très bons pour tenir compte de l'avenir. Nous souhaitons réellement favoriser les efforts de conservation et utiliser les outils qui ont aidé l'industrie à prospérer.
    D'accord. C'est très bien, madame Denny. Vous conviendriez donc, en général, que les mesures de gestion qui ont été mises en œuvre au fil des ans ont eu des répercussions positives sur l'industrie et sur sa croissance.
    Ma question pourrait également intéresser M. Bernard, car on a parlé plus tôt de l'inaction du gouvernement. Toutefois, avant nous, il y avait un autre gouvernement en place pendant neuf ans. Qu'a accompli le gouvernement conservateur pendant ces neuf années?
    À mon avis, les choses n'ont pas bougé, car... J'ai participé à la transition des conservateurs aux libéraux. Il y a eu quelques efforts, mais lorsque nous avons commencé à parler de mesures liées aux traités et d'un retour à la table de négociations pour tenter de discuter de la mise en œuvre de nos droits, il n'y a eu aucun effort à cet égard. On a fait juste assez pour pouvoir dire que le gouvernement avait établi la communication avec les Micmacs de la Nouvelle-Écosse.
    Depuis ce temps-là, les choses n'ont pas vraiment bougé, du moins depuis que je participe au processus, qui est devenu plus structuré. Les décisions rendues par les tribunaux ont fait davantage bouger les choses, car elles ont débouché sur des consultations et d'autres interventions dans notre région. Mais on ne devrait pas avoir besoin des tribunaux pour faire cela. Un dialogue aurait dû être entamé il y a des années. Je crois que 21 ans, c'est beaucoup trop long pour tout le monde, et les deux gouvernements...

  (1945)  

    Je vous remercie, monsieur Bernard.
    Je vous remercie, monsieur Morrissey.
    La parole est maintenant à Mme Gill, qui a deux minutes et demie ou moins.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, j'ai une autre question à poser aux deux témoins, et j'aimerais qu'on ne politise pas le débat. Je n'ai pas envie de savoir qui a fait pire que l'autre. J'aimerais plutôt qu'on cherche des solutions.
    Madame Denny, vous avez dit plusieurs choses qui m'interpellent, par exemple la façon dont le gouvernement et le ministère pourraient mieux travailler. Dans votre article paru dans le Chronicle Herald, vous dites que le concept de conservation — on en revient à ce concept — est instrumentalisé et utilisé politiquement par le ministère.
    Pouvez-vous donner plus de détails sur ce qui pourrait être amélioré, selon vous?

[Traduction]

    Oui, la conservation est maintenant un outil. C'est un outil qu'on utilise maintenant pour empiéter sur les droits des peuples autochtones. C'est l'un des moyens que le gouvernement peut utiliser pour empiéter sur ces droits.
    Dans le domaine de la conservation, il y a différentes façons de faire les choses. Il n'est pas très difficile d'imaginer différents types d'efforts de conservation. Il n'est pas nécessaire d'adopter une approche universelle dans tous les cas, en tout temps. Cela revient à l'approche fondée sur un système de connaissances dans lequel les valeurs et les croyances sont tout aussi importantes que le reste. Lorsqu'on accorde de l'importance aux efforts de conservation, mais qu'on ne parvient pas à se mettre d'accord sur la manière de les mettre en œuvre, c'est très difficile.

[Français]

    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Il vous reste 50 secondes.

[Français]

    D'accord.
    Madame Denny, j'aimerais que vous nous parliez des moyens de conservation. Je suis curieuse au sujet des valeurs et des connaissances en matière de conservation. Bien entendu, les membres du Comité sont également ici pour apprendre. Ainsi, ils pourront mieux savoir de quelle façon on peut dénouer la crise ou l'impasse.
    Pouvez-vous nous parler davantage de ces valeurs et de ces connaissances, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Oui, il est important que les différents points de vue partagent des valeurs communes, notamment la capacité de participer à la gouvernance des pêches. Nous constatons que les Micmacs ont la volonté et le désir de mettre sur pied leurs propres plans et occasions en matière de gouvernance des pêches. Nous devons également comprendre que nous n'aurons pas les mêmes valeurs et que nous avons besoin de solutions innovatrices pour respecter toutes les valeurs, et nous devons donc connaître les différents points de vue et valeurs et ce qui est réellement important pour chaque partie pour avancer dans ce dossier.
    Je vous remercie, madame Gill.
    La parole est maintenant à M. Johns, qui a deux minutes et demie ou moins.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Notre parti respecte le processus et le dialogue de nation à nation. Nous pensons qu'il est essentiel que cela soit protégé dans cette situation. Nous savons que la ministre discute actuellement avec la Première Nation de Sipekne’katik. Elle a dit qu'elle ne mènerait pas ces négociations en public. Nous pensons que c'est la bonne approche à adopter.
    Nous sommes ici, en train d'étudier cette situation, pendant que les deux parties les plus importantes discutent activement.
    Madame Denny, vous pourrez peut-être répondre à ma question. Craignez-vous, en ce qui concerne le Comité... que cela puisse nuire à ces discussions?
    Je ne sais pas si je peux répondre à cette question. Ces discussions doivent se produire. On peut espérer que les participants à ces négociations sont bien informés et qu'ils font le nécessaire pour être bien informés.
    Monsieur Bernard, avez-vous quelque chose à ajouter sur cette question? Vous avez oeuvré dans le domaine politique, donc...
    Le dialogue est toujours nécessaire, quel que soit l'endroit. C'est ce qui nous a permis de fonder notre pays. Il faut donner et recevoir dans tout ce que nous faisons. Je ne pense pas réellement que ce que nous faisons ici aujourd'hui aura des répercussions sur la situation actuelle, car nous sommes une nation micmaque, et nous prenons donc soin les uns des autres. Qu'il s'agisse de la Première Nation de Sipekne’katik ou d'autres communautés, par exemple Membertou, We’koqma’q ou Eskasoni, tout le monde sera touché au bout du compte. J'espère que si on met en oeuvre des mesures qui modifieront nos pratiques et notre pêche, cela se s'étendra à toutes les nations de la Nouvelle-Écosse.
    Monsieur Bernard, pouvez-vous nous donner votre avis sur la définition de la notion de « subsistance convenable »? Pensez-vous également qu'il devrait revenir à la Première Nation de Sipekne’katik de définir cette notion?

  (1950)  

    Il vous reste 20 secondes.
    En fait, il est très difficile de parler d'une chose qu'on ne connaît pas vraiment. Selon moi, une subsistance convenable serait...
    Je vais m'attirer beaucoup d'ennuis si je tente de définir cette notion. Je ne le ferai donc pas.
    Selon vous, cela reviendrait-il tout simplement aux principes de netukulimk?
    La notion de netukulimk aurait de grandes répercussions sur tout cela. En effet, les Micmacs ne feront pas cette pêche pour s'enrichir. Nous n'avons pas beaucoup de personnes riches parmi nous. Nous partageons nos ressources avec tout le monde, et cela ne sera donc pas le cas. Mais il faut que les gens puissent assurer une subsistance convenable pour leur famille, en plus de l'aide sociale.
    Je vous remercie, monsieur Bernard.
    Merci, monsieur Johns. Votre temps est écoulé. Je crois que vous allez maintenant nous quitter. Vous serez remplacé par M. Bachrach, qui est déjà en ligne.
    Je remercie nos témoins qui ont assisté ce soir à la première heure de la réunion du Comité. Vous nous avez présenté un témoignage fort utile. Je suis persuadé qu'il nous aidera à finaliser notre étude lorsque nous parviendrons à cette étape.
    Nous allons suspendre la séance un instant pour accueillir les trois autres témoins. Nous devrons peut-être prolonger un peu la séance afin de pouvoir compléter encore deux séries de questions.
    Je vous remercie infiniment.
    Wela'lioq.
    Merci.

  (1950)  


  (1955)  

    Reprenons.
    J'aimerais dire quelques mots aux nouveaux témoins.
    Avant de parler, veuillez attendre que je vous nomme. Lorsque vous êtes prêts à prendre la parole, vous pouvez cliquer sur l'icône du micro pour l'activer. Les témoins doivent toujours adresser leurs observations à la présidence. L'interprétation dans le cadre de cette vidéoconférence fonctionnera pratiquement de la même manière qu'à une réunion ordinaire du Comité. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Lorsque vous parlez, veuillez vous exprimer lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, assurez-vous que votre micro est désactivé pour éviter que nous entendions un retour audio ou d'autres sons.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins du deuxième groupe. Nous accueillons M. Sproul, président de la Bay of Fundy Inshore Fishermen's Association, de même que Mme Canet et M. Cloutier, qui représentent le Regroupement des pêcheurs professionnels du Sud de la Gaspésie.
    Nous allons maintenant écouter l'allocution des témoins.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Sproul. Vous avez tout au plus cinq minutes, s'il vous plaît.
    Bonsoir, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie infiniment de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Les membres de la Bay of Fundy Inshore Fishermen's Association sont reconnaissants d'avoir l'occasion d'exprimer leurs préoccupations. L'Association représente près de 200 entreprises de pêche familiales sur la côte de Fundy en Nouvelle-Écosse. Depuis 30 ans, nous réclamons des pratiques durables et une gestion des pêches à l'échelle communautaire. Nous avons été une figure de proue dans la coexistence pacifique entre les pêcheurs non autochtones et ceux des Premières Nations, et nous collaborons depuis longtemps avec les gouvernements et les organismes de réglementation à tous les niveaux. Cela nous a valu une réputation d'allié précieux pour les enjeux relatifs aux océans. Il va sans dire que nos membres sont fiers de leur héritage à titre de pêcheurs progressistes qui font les choses différemment. Nous sommes tous résolus à préserver notre mode de vie pour les Néo-écossais de demain.
    Je suis ici aujourd'hui pour me porter à la défense d'un mode de vie véritablement durable qui existe depuis 400 ans. L'année dernière, l'industrie de la pêche a exporté bien au-delà de 2 milliards de dollars de produits de la mer en provenance de la Nouvelle-Écosse. Nous ne sommes pas une industrie vieillotte et artisanale. La pêche est le moteur économique de la province. Elle emploie 26 000 personnes directement et 26 000 autres indirectement. Par conséquent, notre industrie est aujourd'hui le plus grand employeur de la Nouvelle-Écosse, à l'exception du secteur public. Mais ces chiffres ne révèlent pas tout. Ce qu'il faut comprendre, c'est la façon dont ces 2 milliards de dollars entraînent des retombées économiques jusque dans les collectivités les plus isolées de la province. Il s'agit véritablement de la pierre angulaire de notre économie et du seul rempart qui sépare la prospérité actuelle de nos nombreuses collectivités côtières du fort déclin économique qu'on observe dans les autres régions rurales du Canada atlantique.
    Ce n'est pas par hasard que l'industrie de la pêche en est arrivée là. Sa réussite est attribuable à son travail acharné, à son respect de l'environnement et à son application du principe de précaution dans la gestion des pêches. Nous avons pris soin de notre pêche côtière, et elle nous le rend bien aujourd'hui.
    L'Association respecte et reconnaît les droits d'accès à la pêche des Autochtones, et nous condamnons explicitement tous les actes de violence dans le secteur de la pêche. Par conséquent, une importante question se pose aujourd'hui: pourquoi sommes-nous soudainement impliqués dans un conflit après 21 années de coexistence pacifique mutuelle? À son époque, mon arrière-grand-père pêchait dans notre petite anse de la baie de Fundy, en paix et en coexistence avec les pêcheurs néo-écossais de descendance africaine et micmaque. Nous avions des choses en commun: le respect de la mer et de son abondance dont nous dépendions, et surtout, notre situation de pauvreté extrême. Depuis cette époque, des choses horribles ont été faites aux pêcheurs micmacs en raison du colonialisme et du gouvernement, qui les a privés de leurs droits de pêche. Ce ne sont pas mon grand-père et les autres pêcheurs de l'anse qui ont causé du tort aux Autochtones, mais bien le gouvernement. Nous devrions tous reconnaître ce fait dans le conflit actuel. Les problèmes de la baie St. Marys ont été causés à Ottawa, et non pas dans nos communautés de pêcheurs de la Nouvelle-Écosse.
     C'est justement une division qui est à l'origine du clivage. J'ai passé ma vie à me battre pour la justice sociale des pêcheurs, quelle que soit leur origine. La tentative actuelle du gouvernement visant à nous diviser pour des motifs politiques est au cœur du conflit. Toutes nos communautés, qu'elles soient autochtones ou non autochtones, dépendent d'un même stock de homard, qui ne se soucie pas de savoir qui l'attrape. C'est donc la pérennité qui est vraiment au centre de la crise actuelle de la baie St. Marys. Au cours des trois dernières années, les débarquements de homard ont diminué de 65 % dans la baie, alors qu'ils demeurent robustes dans le grand district de pêche du homard et dans le Canada atlantique.
    À l'évidence, il est essentiel que tous ceux qui participent à la pêche commerciale respectent un même ensemble de règles. Dans ma jeunesse, j'ai été témoin de l'horreur qui règne lorsque la politique s'ingère dans la gestion des pêches. Cela a conduit à l'extermination totale des stocks de poissons de fond sur le plateau néo-écossais, qui a entraîné des conséquences désastreuses pour toutes les communautés de la Nouvelle-Écosse. Par la suite, l'industrie du homard a été gérée au moyen d'un ensemble de procédures de gestion organiques qui ont été conçues par l'industrie et pour l'industrie. Il en a résulté une pêche incroyablement lucrative et bien gérée.
    J'assiste à présent au retour de l'ingérence politique dans la gestion des pêches en Nouvelle-Écosse, et je ne veux pas que ma communauté subisse le même sort, et les communautés autochtones non plus.

  (2000)  

    Toutes les solutions au conflit qui s'offrent aux pêcheurs des deux camps sont évidentes dans la forme actuelle de l'arrêt Marshall. Nous devons tous respecter les différents volets de la décision Marshall et l'appliquer pour rétablir la paix dans le Canada atlantique.
    J'attire votre attention sur l'article 40 de la clarification de l'arrêt Marshall, qui dit clairement ceci:
L’objectif prépondérant en matière de réglementation est la conservation de la ressource, et cette responsabilité incombe carrément au ministre responsable et non aux personnes autochtones et non autochtones qui exploitent la ressource.
    Je vous remercie, monsieur Sproul, mais votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant écouter la déclaration liminaire de nos autres témoins. J'ignore si vous parlerez tous les deux cinq minutes, ou si l'un d'entre vous prononcera le mot d'ouverture.

  (2005)  

    Veuillez s'il vous plaît commencer, monsieur Cloutier. Vous avez tout au plus cinq minutes.

[Français]

    En fait, nous allons partager notre temps de parole et nous assurer de ne pas dépasser les 10 minutes qui nous sont allouées.
    Monsieur le président et chers membres du Comité, je vous remercie d'avoir accepté d'entendre le témoignage des 148 homardiers commerciaux de la Gaspésie représentés ce soir par le Regroupement des pêcheurs professionnels de homard du Sud de la Gaspésie.
    Je suis O'neil Cloutier, directeur général du Regroupement. Je suis aussi le président de l'Alliance des pêcheurs professionnels du Québec et le secrétaire de la Fédération des pêcheurs indépendants du Canada. Pour terminer, je suis aussi pêcheur professionnel depuis 1983.
    Ma collègue Claire Canet est chargée de projet au Regroupement. Elle est licenciée en droit français et elle a un diplôme universitaire en résolution de conflits. Elle a exercé le rôle d'avocate et de facilitatrice en Nouvelle-Zélande.
    Nous vous ferons d'ailleurs parvenir notre témoignage écrit détaillé dans les prochaines 24 heures.
    La mission du Regroupement est d'assurer le développement durable de la pêche, en maintenant l'équilibre entre les besoins économiques des pêcheurs côtiers du Sud de la Gaspésie et la durabilité des espèces sur lesquelles ils s'appuient, particulièrement le homard américain.
    Le 13 décembre 2019, un mandat a été donné à la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne afin de porter et d'accélérer la réconciliation avec les Premières Nations. Dans ce contexte, le processus suivi par le ministère soulève des questions fondamentales relatives aux modalités de gestion des activités de pêche, à l'accès à la ressource pour tous, à la durabilité des stocks et à l'équilibre économique des communautés côtières qui dépendent de la pêche.
    La violence actuelle est le symptôme d'un processus de négociation défectueux suivi par le gouvernement et de l'exclusion constante des pêcheurs commerciaux dans les discussions sur la gestion des pêches. L'approche gouvernementale divise les communautés côtières qui dépendent de la pêche pour vivre. Cela est aggravé par l'utilisation publique et répétée de termes violents tels que « dégoûtant », « raciste » et « terroriste ». Aussi dois-je mentionner que les événements récents viennent d'une minorité de pêcheurs, et que la coalition des pêcheurs de l'Atlantique canadien et du Québec, dont fait partie le Regroupement, ne tolère pas la violence.
    Depuis le 30 octobre 2019, le Regroupement appelle le ministère des Pêches et des Océans à mettre en place un processus de discussion, de dialogue et de communication engageant les Premières Nations de la Gaspésie, le Regroupement et le ministère. À ce jour, le ministère n'a toujours pas répondu à cet appel.
    De plus, le Regroupement n'a toujours pas reçu de réponse du ministère quant aux mesures qui étaient en cours de discussion. Le Regroupement n'a pas non plus été consulté par le ministère sur ces mesures.
    Toute modification des mesures d'un plan de pêche au homard axé sur la conservation en faveur d'un groupe de pêcheurs cause inévitablement des inégalités et des tensions au sein des communautés côtières qui dépendent de la pêche.
    Depuis le XVIIe siècle, les communautés côtières non autochtones en Gaspésie dépendent du homard pour se nourrir et obtenir des revenus.
    La saison de pêche commerciale dure 10 semaines, de la fin avril à la fin juin, période où les homards ne sont pas en mue et où les femelles œuvées sont remises à l'eau le plus possible. C'est dans cette période que les homardiers commerciaux tirent une partie de leurs revenus annuels.
    En 2013, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a noté que, depuis 2008, le secteur de la pêche au homard faisait face à des difficultés économiques et structurelles sans précédent. Il a estimé que ces efforts ne devaient pas être relâchés, que le secteur du homard devait garder le cap et continuer d'apporter les changements nécessaires pour garantir sa stabilité et sa durabilité.
    Depuis 2006, le Regroupement des pêcheurs professionnels de homard du Sud de la Gaspésie a mis en place de multiples mesures pour réduire l'effort de pêche de 30 % afin de rétablir les stocks de homard. Il joue un rôle central dans la conservation et la durabilité des stocks, afin de permettre à tous les homardiers, qu'ils soient issus de Premières Nations ou de communautés non autochtones, de continuer à exercer de manière équitable et durable leurs activités de pêche, dont tous dépendent.
    En 2019, la pêche commerciale au homard en Gaspésie dans les zones 19, 20 et 21 représentait près de 45 millions de dollars, soit 24 % de la valeur totale des débarquements enregistrés en Gaspésie. Selon les déclarations publiques de Listuguj, les Premières Nations micmaques en Gaspésie ont retiré un revenu de pêche commerciale de plus de 40 millions de dollars cette même année.
    Le ministère des Pêches et des Océans a délivré au total 163 permis de pêche au homard en 2020 pour les zones 19, 20 et 21: 148 aux allochtones, 12 aux trois Premières Nations micmaques de la Gaspésie et trois à la Première Nation des Malécites de Viger.

  (2010)  

    C'est l'équivalent, en 2020, d'un permis de pêche au homard pour 610 habitants allochtones en Gaspésie et d'un permis de pêche au homard pour 223 habitants des Premières Nations en Gaspésie.
    Je vais continuer la présentation, si cela vous convient.
    J'aborderai maintenant la notion de niveau de vie modéré.
    En 1993, dans un jugement de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Van der Peet, le juge Taggart a indiqué que, à son avis, indépendamment de ses origines, la notion de « moyen de subsistance modéré » ne fournissait pas une base appropriée ou pratique pour déterminer la portée et la nature des droits ancestraux ou la portée de la priorité ancestrale pour l'exercice de ces droits. Il ajoutait que la notion de ce qui constituait un moyen de subsistance modéré était intrinsèquement subjective. Selon lui, même si l'on pouvait déterminer comment et, surtout, par qui une norme aussi fluide pourrait être définie, cela ne permettrait pas de faire avancer la question des droits ancestraux.
    Dans le même...

[Traduction]

    Madame Canet, nous avons largement dépassé le temps imparti pour les remarques liminaires. J'espère que les sujets que vous n'avez pas pu aborder seront couverts dans les questions.
    Nous allons maintenant commencer le premier tour avec M. Bragdon, qui a un maximum de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je vais céder mon temps à M. Calkins.
    La parole est à vous, monsieur Calkins.
    Merci, monsieur le président. Monsieur Bragdon, je vous remercie.
    Je tiens à remercier les témoins de discuter avec nous aujourd'hui.
    Monsieur Sproul, merci infiniment. Je vais vous adresser mes premières questions. Vous avez transmis votre message avec beaucoup de clarté et avec grande éloquence. Je comprends la frustration que vous avez ressentie.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le déclin de 65 % dans la baie St. Marys et sur ce à quoi il peut être attribuable?
    Tout d'abord, je pense qu'il est important de comprendre ce que représente la baie St. Marys. Il s'agit d'une baie côtière aux eaux peu profondes et chaudes qui sert de lieu de mue et de reproduction pour le homard. Pendant les chauds mois de l'été, les homards y forment des regroupements extrêmement denses. Par conséquent, lorsque la pêche y est pratiquée hors saison, la capturabilité des casiers à homards dans cette zone est considérée par beaucoup comme étant de 10:1 comparativement à la pêche en saison commerciale.
     Même si nous avons constaté une baisse de 65 % des débarquements dans la baie St. Marys au cours des trois dernières années, par rapport à une baisse de 6 % dans l'ensemble de la zone de pêche qui est généralement attribuable à la variabilité saisonnière, les débarquements ne reflètent pas l'ampleur de tous les dommages causés par la pêche hors saison. En outre, il n'est jamais acceptable de pêcher dans une aire de reproduction des homards lorsque la saison de pêche est fermée, car il s'agit alors d'un homard à carapace molle très sensible aux blessures.
    J'ai entendu l'argument selon lequel les Américains pêchent le homard à l'année. Je pense toutefois que si vous discutez avec un pêcheur américain, il vous parlera de l'incroyable force du stock de homard dans le Canada atlantique, ce qui est vraiment attribuable au fait que nous pêchons pendant la saison où la pratique est la plus durable.
    Pour ce qui est des pêches au homard qui ont lieu à différents moments dans le Canada atlantique, la variation est attribuable à un changement des conditions environnementales. Les pêcheurs de homard de toute la région s'adonnent à la pêche au moment où c'est le plus durable et le plus rentable.
    Vous dites que si la conservation est l'objectif premier, nous devons mettre en place un système fondé sur des règles régissant le moment où la pêche au homard est permise, le nombre de homards qui sont permis, la saison de pêche, les horaires de pêche, et ainsi de suite. Lors du témoignage précédent, Mme Denny parlait d'un modèle de gouvernance différent, même si elle n'a pas donné de détails à ce sujet. Ce n'est pas une critique puisque je n'ai pas eu l'occasion de lui poser des questions. Elle parlait toutefois de choses comme une limite spirituelle ou un accomplissement spirituel, et elle envisageait de permettre la pêche jusqu'à ce que ce besoin soit comblé.
    Comment pensez-vous que le ministère des Pêches et des Océans peut s'entendre avec les pêcheurs à la fois autochtones et non autochtones sur ce genre de notion ou concept?

  (2015)  

    Je crois à ces idéaux et au Netukulimk lorsqu'il s'agit de pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Mais lorsqu'il est question de pêche à des fins lucratives, il y a alors des personnes non autochtones dans l'équation, à savoir les consommateurs du produit. C'est là où la gestion des pêches fondée sur ces idéaux pose problème à mes yeux.
    Il faut aussi se rendre à l'évidence que toutes les communautés du Canada atlantique dépendent d'un seul stock de homard. Celui-ci a été géré grâce aux efforts concertés de plus de 9 000 titulaires de permis de pêche au homard, à une foule de données scientifiques qui proviennent de l'industrie et du gouvernement, ainsi qu'à une détermination intrinsèque d'appliquer le principe de précaution sur les plans de la gestion et de la durabilité. C'est vraiment de la pure folie de penser qu'une personne, aussi bien intentionnée soit-elle, pourrait gérer un même stock de homard au moyen de 34 plans de gestion différents qui s'ajoutent à celui qui a été accepté.
    Je vous remercie infiniment de votre réponse.
    Je suis membre du Comité depuis longtemps, et nous avons parlé à un grand nombre de pêcheurs au fil des ans. Je sais que le gouvernement du Canada a beaucoup investi pour aider les Autochtones à avoir accès à la pêche commerciale dans le Canada atlantique. Certains de ces investissements ont notamment servi à acheter des embarcations et des quotas, de sorte que les revenus totaux des Micmacs et des Malécites tirés de la pêche sur réserve sont passés d'environ 3 millions de dollars en 1999 à quelque 152 millions de dollars en 2016, je crois. J'ignore si ce chiffre est exact.
     À votre avis, est-ce que la croissance que nous avons fait connaître aux pêcheurs autochtones suffit à assurer la subsistance convenable qu'ils tireraient de la pêche communautaire s'ils partageaient cette richesse?
    Votre question m'amène à demander pourquoi les Autochtones n'ont toujours pas accès à la pêche, étant donné que le gouvernement fédéral a dépensé plus de 600 millions de dollars pour acheter des accès à la pêche auprès des communautés non autochtones pour les remettre aux Premières Nations. C'est au cœur du problème, mais personne n'en parle.
    Le problème, c'est que la majorité de ces accès sont ensuite offerts en location à des sociétés de pêche non autochtones, ce qui prive en réalité les Premières Nations de leur droit légitime de pêcher.
    Pas plus tard que le mois dernier, la ministre Jordan a indiqué clairement que le gouvernement envisage de faire valoir les droits relatifs à la subsistance convenable au moyen du programme d'accès commercial communautaire et du transfert de l'accès des communautés non autochtones aux communautés autochtones.
    Je constate que certains Autochtones influents dans l'industrie de la pêche en Nouvelle-Écosse passent à côté de la véritable valeur de la pêche. L'industrie ne se limite pas à des homards débarqués sur le quai ou à de l'argent dans un compte bancaire. La vraie valeur de l'accès à la pêche réside dans les familles de pêcheurs et le legs durable de prospérité pour les Premières Nations du Canada atlantique.
    Monsieur Cloutier ou madame Canet, pouvez-vous nous dire brièvement si une structure semblable a été mise en place pour l'achat de quotas et de bateaux à l'intention des pêcheurs autochtones de Gaspé?

[Français]

     Effectivement, un certain nombre de permis ont été rachetés par le ministère des Pêches et des Océans et ont été donnés aux trois Premières Nations qui sont présentes sur le territoire de la Gaspésie. Ce sont des permis commerciaux. Vous aurez le détail dans nos présentations écrites, qui vous seront soumises demain. De plus, la Première Nation de Listuguj dispose de l'équivalent d’un permis de pêche commerciale, donc de 235 casiers, pour exercer une pêche de subsistance en automne.
    Je tiens à souligner que, dans la région de la Gaspésie, en période automnale, les homards viennent juste de se reproduire. Les femelles qui ont été fécondées ne portent pas encore leurs œufs. Ces femelles, qui permettraient le renouvellement des stocks, ne sont pas identifiables parmi toutes celles qui sont capturées à ce moment-là, contrairement à la période de pêche commerciale du printemps.
    Je vais laisser M. Cloutier poursuivre.

[Traduction]

    Le temps alloué à cette question est écoulé.
    Nous allons maintenant écouter M. Battiste, qui a un maximum de six minutes.
    Monsieur Sproul, vous avez déclaré qu'il est clair, selon le paragraphe 40 du deuxième arrêt Marshall, que la ministre des Pêches peut unilatéralement prendre des règlements ou des décisions qui enfreignent des droits issus de traités pour des raisons de conservation. C'est étrange, car Donald Marshall Jr. faisait de la pêche hors saison et vendait ses prises hors saison, mais la Cour ne l'a pas trouvé coupable, et ce, deux fois plutôt qu'une, en raison du traité de 1761.
    Monsieur Sproul, je me demande si vous avez lu le reste de la jurisprudence du droit autochtone qui vise les traités, ou seulement l'arrêt Marshall.

  (2020)  

    Non. J'ai lu les arrêts Marshall…
    Vous sauriez que dans l'arrêt Badger, la cour a conclu que pour porter atteinte à des droits conférés aux Autochtones par les traités, vous devez justifier les atteintes par la sécurité ou la conservation. Cependant, dans l'affaire Mikisew Cree, en 2006, la Cour a également déclaré qu'avant même d'en arriver à une atteinte fondée sur la sécurité ou la conservation, vous devez démontrer le respect du principe de l'honneur de la Couronne.
    Je me demande si vous vous êtes rendu jusqu'au paragraphe 45 de l'arrêt Marshall, c'est-à-dire cinq paragraphes plus bas que celui que vous avez mentionné et qui dit:
Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. Les tribunaux ont l’obligation de donner effet à cet engagement national. Le fait d’entendre à nouveau le présent pourvoi afin de réexaminer des principes aussi fondamentaux et incontestables ne servirait aucune fin utile.
    Je me demande pourquoi vous continuez de dire qu'il est évident que la ministre peut prétexter la conservation et prendre des règlements.
    Eh bien, il y a deux raisons.
    Premièrement, immédiatement après l'arrêt Marshall, nous avons vu la situation chaotique à Burnt Church, au Nouveau-Brunswick. C'est ce qui a vraiment mené aux éclaircissements de la Cour, en novembre de la même année, et c'est la raison pour laquelle je me concentre sur le paragraphe 40. Cela a clairement révélé à ce moment-là que la gestion devait incomber au ministre, et le ministre de l'époque a mis cela en œuvre au moyen du programme des pêches commerciales communautaires.
    Deuxièmement, je suis d'accord avec vous pour dire que le gouvernement doit se soumettre aux critères établis dans Badger. La première partie de ce test est constituée d'un véritable processus de consultation avec les Micmacs. Il n’y a pas eu un seul processus de consultation au cours des 21 dernières années. C'est peut-être en partie parce que cela n'a pas été organisé comme il se doit pour les Micmacs, mais aussi parce que les leaders des pêches autochtones refusent de participer à un processus de consultation, exprimant littéralement qu'il ne s'agit pas d'une consultation, mais d'une négociation. J'irais même jusqu'à dire que pour que le gouvernement puisse se soumettre aux critères établis dans Badger, les chefs en Nouvelle-Écosse doivent consentir à y participer.
    J'ai discuté aujourd'hui avec les avocats de Marshall, Eric Zscheile et Bruce Wildsmith. Seriez-vous surpris d'entendre que la Couronne n'a pas une seule fois soulevé l'argument de la portée des pouvoirs réglementaires ni produit de preuves à cet égard, dans la première affaire Marshall? Est-ce que cela vous surprend?
    Non. Je n'en suis pas surpris.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que le gouvernement a manqué à ses obligations envers les Micmacs. Cependant, il a également laissé tomber les gens de ma collectivité, et je pense…
    Monsieur Sproul, ce n'est pas du gouvernement qu'il est question, mais de la loi.
    Vous citez la loi, alors vous voulez savoir… dans le deuxième arrêt Marshall, c'est en fait la West Nova Fishermen's Coalition qui a soulevé l'argument des pouvoirs de réglementation. Le paragraphe 31 est très précis et dit qu'il ressort de la lecture du texte de cette question « qu'elle n'est pas soulevée par l'objet du pourvoi, et qu'il est impossible d'y répondre à partir du dossier factuel ». La cour n'a même pas regardé… ou n'a eu aucune preuve ou aucun argument au sujet des pouvoirs de réglementation.
    Vous citez sans cesse une partie de l'arrêt qui présente des principes. Savez-vous de quoi il s'agit?
    Je ne suis pas avocat; je suis pêcheur. Vous êtes l'avocat.
    Vous citez beaucoup la loi, et à titre d'information, je vais vous dire de quoi il s'agit. Les principes forment la partie d'un avis judiciaire qui n'est rien d'autre que l'interprétation que donne le juge, et qui ne traite pas directement des détails de l'affaire.
    Est-il vrai que vous utilisez ces principes comme seule source pour affirmer que le ministre a un pouvoir de réglementation sur les Micmacs? Est-ce vrai ou faux?
    Je ne suis pas sûr de comprendre la question, mais je dis assurément que la ministre a un pouvoir de réglementation en l'espèce. C'est absolument ce que je pense.
    L'affaire a été tranchée très précisément, et ce, deux fois plutôt qu'une. La Cour a conclu que Donald Marshall Jr n'était pas coupable parce qu'il avait un droit issu d'un traité, même s'il pêchait hors saison, et même s'il vendait ses prises hors saison. Malgré cela, vous maintenez que la loi est claire. J'essaie de comprendre comment cela est possible.
    Je crois que le véritable problème, c'est qu'il s'agissait de Donald Marshall Jr et non de sa nation. Je crois qu'il avait individuellement le droit inhérent de pêcher. Je crois que la plupart des problèmes qui ont émergé depuis sont dus au fait que nous avons le gouvernement d'une nation et le gouvernement d'une autre nation qui traitent de ce problème, et que les pêcheurs ne sont absolument pas pris en compte, d'un côté comme de l'autre.
    Monsieur Sproul, vous estimez que c'est la faute du gouvernement, mais nous voyons des gens se faire justice et couper les casiers à homards. Trouvez-vous que c'est la bonne façon de traiter la situation? Condamnez-vous les gens qui coupent les casiers et tout ce qui se passe dans ce secteur?

  (2025)  

    Je condamne toute forme de violence, et je condamne aussi ceux qui font couler de l'équipement de pêche au fond de l'océan. D'après moi, aucun pêcheur axé sur la durabilité ne préconiserait ce genre d'action.
    Je tiens à préciser une chose, monsieur Battiste. La ressource que constitue le homard peut soutenir toutes nos collectivités si nous concentrons notre attention sur une bonne gestion fondée sur le principe de la prudence plutôt que sur la politique.
    Il y a une question plus générale à laquelle il faut répondre: si le but de la pêche à des fins de subsistance convenable est de permettre aux Autochtones de faire de l'argent — des témoins précédents ont convenu que s'il y a une saison de pêche commerciale, c'est pour les possibilités de commercialisation, en plus de la durabilité de la ressource —, pourquoi ne serait-il pas plus sensé de pêcher pendant la saison où la ressource est hautement commercialisable?
    Il y a une autre façon d'envisager cela. Le prix que les pêcheurs qui s'adonnent à une pêche de subsistance convenable obtiennent pour leurs prises, cet été, se situe entre 3 $ et 3,50 $ la livre, en dollars canadiens, mais le prix que les pêcheurs obtiennent dans les ZPH ouvertes, en ce moment, où la ressource se déplace pour devenir un produit commercialisable de grande qualité, est de 12 $ la livre. Si les Sipekne’katik laissaient les homards dans les eaux de la baie St. Marys huit semaines de plus, la valeur en serait quatre fois plus élevée.
    Ce qu'il est important de savoir, c'est que la nation du chef Sack possède 15 permis de pêche commerciale du homard qui lui permettent de pêcher, pendant les saisons de pêche commerciale, dans différents secteurs de la Nouvelle-Écosse. Je pense que l'activité qui se déroule là en ce moment est en quelque sorte une arme à double tranchant pour les membres de cette nation, concernant les avantages économiques à tirer de l'industrie.
    Merci, monsieur Sproul.
    Merci, monsieur Battiste. Votre temps est écoulé.
    C'est maintenant au tour de Mme Gill, qui dispose d'un maximum de six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, j'aimerais calmer le jeu. Nous sommes ici, en comité, pour trouver des solutions. Les échanges vigoureux que nous venons d'avoir témoignent d'une difficulté ou peut-être d'une frustration de part et d'autre. J'espère que nous sommes capables de nous élever au-dessus de la mêlée pour trouver des solutions et créer cet espace qui est demandé, dont nous avons discuté. Il faut laisser de l'espace à l'autre, l'autre avec un grand A, pour comprendre ses préoccupations, bien entendu, et arriver à un espace de négociation. Il est important de faire preuve d'ouverture envers son interlocuteur, de le respecter et de reconnaître son mérite.
    Par ailleurs, je sais que Mme Canet n'a pas eu le temps de mentionner tout ce qu'elle voulait aborder en introduction, donc je lui laisse l'espace.
    Comme avec les autres témoins, je m'intéresse particulièrement au concept de subsistance convenable et à ce que pourrait faire le ministère des Pêches et des Océans pour faciliter les négociations et la résolution de la crise que nous vivons présentement. Cela dit, les autres sujets qui vous intéressent sont tout aussi importants, bien sûr.
    Je vous remercie beaucoup de vos commentaires, madame Gill.
    Effectivement, nous sommes dans un forum qui se veut informatif pour tous. Nous voulons comprendre la situation qui nous réunit tous d'urgence, aujourd'hui, au Comité permanent des pêches et des océans. Dans la situation actuelle, il est important que nous avancions avec un esprit ouvert, afin que nous puissions tous nous mettre à la recherche de solutions acceptables pour tous en tenant compte des besoins de chacun.
    Puisqu'on parle de besoins, je dirai que la notion de niveau de vie modéré est une notion extrêmement complexe qui a été laissée très vague dans les différentes décisions des tribunaux, y compris dans l'arrêt Marshall. Cela cause aujourd'hui des problèmes d'interprétation et de compréhension.
    La seule chose que je pourrais apporter aujourd'hui a déjà été dite dans différentes cours, à savoir que la notion de niveau de vie modéré est extrêmement subjective et sera difficile à mettre en place. Il a aussi été dit que, afin de déterminer cette notion, il faudrait tenir compte de l'ensemble des ressources disponibles à une communauté, quelle que soit l'origine de celle-ci.
    Le Regroupement des pêcheurs professionnels du Sud de la Gaspésie suggère donc que, dans l'éventualité où une telle notion devrait être définie — si une telle chose est même possible —, il faudrait regarder les accès aux pêches commerciales, les accès aux pêches de subsistance, les accès à d'autres sources de revenus, les accès aux revenus privés des foyers constituant ces communautés, les avantages fiscaux qui pourraient être mis en place par le gouvernement, ainsi que d'autres aides supplémentaires.
    Dans ce contexte, il est difficile de faire porter seulement aux pêches la notion de niveau de vie modéré. Il est vrai qu'il est important de s'assurer que toutes les communautés au Canada, quelles que soient leurs origines, ont accès au même niveau de vie.
    On peut dire que les communautés de la Gaspésie, comme la plupart des communautés côtières de l'Est du Canada, sont toutes des communautés défavorisées économiquement et socialement. Elles dépendent toutes de la pêche commerciale ou de la pêche de subsistance. Il est donc important d'avoir un dialogue à ce sujet.
    [Difficultés techniques]
    Au paragraphe 61 de l'arrêt Marshall, on suggère en passant — c'est du moins mon interprétation personnelle — que le gouvernement peut, par règlement, établir ce que veut dire un niveau de vie modéré et que la définition en elle-même n'est pas soumise au test de l'arrêt Badger. Cela me fait penser que toute notion de niveau de vie modéré doit être définie, si tant est qu'il soit possible de le faire, pour l'ensemble de la population canadienne et ne doit pas se rapporter seulement aux pêches.
    On se trouve donc dans un flou et dans un contexte extrêmement complexe où l'échange d'information et la compréhension mutuelle sont essentiels.

  (2030)  

[Traduction]

    Merci, madame Gill, d'avoir permis à notre témoin de s'exprimer publiquement.
    Avant de poursuivre, je vais demander aux membres du Comité leur consentement unanime pour que la séance soit prolongée d'une période suffisante pour que nous puissions terminer le tour actuel et le prochain, comme nous l'avons fait la dernière fois pour nos témoins. Je vois des pouces en l'air. Nous pouvons poursuivre.
    Je vois que M. Bachrach nous a quittés et que M. Johns est revenu.
    Je suis ravi de vous voir, monsieur. Vous avez la parole pour un maximum de six minutes.
    Merci, monsieur le président. Je suis ravi d'être de retour.
    Monsieur Sproul, comme vous le savez, en 1999, la Cour suprême a apporté un éclaircissement:
L’objectif prépondérant de la réglementation est la conservation de la ressource. Cette responsabilité incombe carrément au ministre et non aux personnes autochtones et non autochtones qui exploitent la ressource.
    Pouvez-vous préciser à quel moment la responsabilité de la conservation a officiellement été retirée au ministre pour être confiée aux pêcheurs qui coupent des casiers et empêchent les Micmacs d'exercer leurs droits de pêche?
    Cela ne s'est assurément pas produit, monsieur Johns. Ce que je dirais — et je reviens au paragraphe 40 —, c'est que la gestion de la ressource n'incombe manifestement pas aux non-Autochtones.
    Que pensez-vous…? Trouvez-vous qu'il existe des circonstances pouvant justifier qu'on coupe des casiers et des lignes de pêche et qu'on détruise du homard au nom de la conservation? Est-ce qu'il existe des circonstances pouvant justifier cela?
    Non. Je ne crois pas que la conservation justifie qu'on fasse couler de l'équipement de pêche au homard au fond de l'océan.
    Voici l'argument le plus important d'après moi. Des pêcheurs se sont rendus dans une aire fermée de reproduction du homard et en ont retiré des engins de pêche au homard non étiquetés et mis en place illégalement en vertu des lois canadiennes, ils les ont apportés au détachement du MPO à Meteghan et ils les ont placés dans des contenants destinés aux éléments de preuve. Tout cela s'est déroulé sous la surveillance attentive de centaines de membres de la GRC, de la garde côtière et du MPO, à bord de navires et d'hélicoptères. Aucune accusation n'a été portée, et aucune mesure d'application de la loi n'a été prise.
    Je comprends que bien des gens ne seraient pas d'accord avec cela…
    Je crois que c'est dégoûtant et je vais passer à la prochaine question, monsieur Sproul.
    Est-ce que je peux finir ce que je disais?
    Bien sûr, si vous pouvez le faire rapidement
    Ce que je dirais, c'est que bien des gens ne sont pas d'accord avec cela. Regardons dans ce cas l'autre côté de la question. Le chef Sack est venu à Saulnierville et a délivré des permis de pêche au homard, a installé des casiers et a délivré des étiquettes qui ne relèvent d'aucun cadre juridique existant, tout cela sous la même surveillance attentive. Aucune mesure d'application de la loi n'a été prise non plus contre le chef ou contre les pécheurs qui font de la pêche de subsistance convenable.
    Je crois que peu importe de quel côté vous vous trouvez, nous devrions tous pouvoir nous entendre pour dire que la responsabilité incombe à la ministre Jordan.

  (2035)  

    Je suis d'accord. Cela devrait incomber à la ministre Jordan, et il est décevant que les pêcheurs blâment les pêcheurs autochtones. Ils devraient blâmer la ministre Jordan. C'est au gouvernement que cela incombe. Il envoie continuellement des négociateurs sans mandat. Il se traîne les pieds alors qu'il devrait soutenir la nation afin qu'elle puisse faire valoir ses droits.
    Les Sipekne'katik font valoir leur droit constitutionnel à l'autonomie gouvernementale et à la mise en œuvre d'un plan de gestion de la pêche au homard. C'est leur plan et ils le mettent en œuvre. Ils en discutent en ce moment avec le Canada, sur invitation à traiter de nation à nation, et c'est la bonne façon de tenir cette conversation.
    Êtes-vous d'accord pour dire que la présente étude du Comité permanent ne doit pas faire obstacle aux discussions que la nation a en ce moment avec le Canada?
    Je crois qu'il est important de comprendre avant tout qu'après l'arrêt Marshall de 1999, ce même comité a entrepris une étude et a transmis un ensemble de recommandations à la Chambre des communes sur la façon de mettre en place des droits en matière de subsistance convenable. Les membres du Comité ont écouté les témoignages de nombreuses personnes des deux côtés de l'industrie et de partout au Canada atlantique.
    Je crois que la solution à tous les problèmes de nos deux collectivités est évidente dans l'arrêt Marshall et dans ses éclaircissements. Je respecte les décisions et je demanderai au gouvernement de mettre en œuvre cet arrêt. Toutes nos solutions sont déjà là. Il faut simplement que le gouvernement les reconnaisse.
    Pour moi, un élément clé est l'énoncé du Comité, présidé alors par Wayne Easter, toujours membres du caucus libéral. Voici ce que le Comité recommandait:
Au fur et à mesure que des permis sont transférés aux groupes autochtones, particulièrement pour la pêche du homard, il faut trouver une façon d'empêcher la concentration excessive de l'effort de pêche afin d'éviter de réduire la santé des stocks, en particulier dans les secteurs fragiles comme les frayères et les zones de croissance. L'effort de pêche ne devrait en aucun cas être accru, notamment au niveau local.
    Nous voyons bien qu'une grande partie de ces questions et de ces problèmes ont été explorés il y a 21 ans, sauf que personne n'a agi.
    C'est drôle que vous parliez de cette étude. Le Comité a présenté un rapport sur l'arrêt Marshall et ses incidences pour la gestion des pêches de l'Atlantique, à l'époque, en décembre 1999. Ce rapport révélait que le MPO s'était fait prendre au dépourvu et qu'il n'avait pas de plan d'urgence.
    Sachant que les pêcheurs micmacs seraient sur l'eau et qu'ils seraient menacés par les pêcheurs commerciaux, nous sommes encore ici en 2020, et les pêcheurs micmacs subissent toujours des menaces et de l'intimidation. Les casiers à homards sont coupés et un bâtiment a été ravagé par les flammes. Au cours des 21 dernières années, avez-vous l'impression que le MPO a élaboré un plan pour protéger les intérêts des pêcheurs micmacs quand ils sont sur l'eau, ou en fait sur terre également? Le MPO a-t-il plutôt été encore pris au dépourvu?
    Ils ont certainement été pris au dépourvu encore une fois, mais rien n'excuse cela, monsieur Johns, et voici pourquoi. C'est que, comme nous avons entendu d'autres témoins des collectivités autochtones le dire précédemment, ils soulèvent ces enjeux depuis des années auprès du gouvernement — auprès de gouvernements successifs —, tout comme l'industrie. Depuis trois ans, nous exerçons des pressions intenses sur la ministre Jordan et le ministre Blair, et nous avons soulevé des préoccupations en matière de sécurité publique.
    Soyons clairs sur ce qui est vraiment au centre de ce problème. Au cours des trois dernières années, le cabinet de Justin Trudeau, en guise de tactique de négociation, a cessé d'appliquer la politique et les dispositions législatives du Canada sur les pêches parce qu'il ne veut pas refroidir l'atmosphère à la table. Ce laxisme dans l'exécution de la loi est précisément ce qui a mené au chaos et à l'animosité entre des pêcheurs qui, auparavant, coexistaient de façon pacifique.
    Le Comité ne fonctionne pas « de nation à nation ». Je tiens à souligner cela. Vous comprenez cela, n'est-ce pas?
    Oui, et j'ai bien dit dans ma déclaration que je pense que le gouvernement doit et peut certainement avoir toutes les conversations de nation à nation que les nations souhaitent, et que je ne crois pas que nous ayons un rôle à jouer dans cela.
    Je crois cependant que nous devons participer aux conversations qui portent sur la durabilité de la ressource homard, ce qui affecte la durabilité à long terme des collectivités côtières de la Nouvelle-Écosse. Il existe des précédents; des conversations de nation à nation pour lesquelles le gouvernement est quand même allé chercher l'avis de l'industrie, la Northwest Atlantic Fisheries Organization étant le meilleur exemple. La ministre discute avec les autres nations et négocie directement avec elles, tandis que, en parallèle, elle obtient les conseils de personnes, tant autochtones que non autochtones, qui font partie de l'industrie de la pêche.
    Merci, monsieur Johns. Votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant au deuxième tour de questions.
    Monsieur Calkins, la parole est à vous pour deux minutes et demie, tout au plus.
    Merci, monsieur le président. Je crois que c'est M. Mazier qui allait poser ces questions.
    Très bien.
    Le temps est commencé, monsieur Mazier.
    Merci beaucoup aux présentateurs de ce soir. C'était excellent. Je viens des Prairies, du Manitoba. Parlez d'un poisson hors de l'eau... Ce fut très enrichissant d'apprendre tout cela.
    J'ai observé avec horreur la malheureuse situation dans votre province et vos collectivités. Monsieur Sproul, je vois la douleur et la frustration qui affligent votre communauté et je vois ce que vous traversez, avec votre communauté. C'est terrible de voir cela. Je travaille moi-même la terre; je comprends votre point de vue lorsque vous parlez de protection des ressources et d'exploitation durable. Je vous en remercie.
    Ma question s'adresse à vous. Selon vous, pourquoi ce gouvernement ignore-t-il la situation? Que faut-il faire? Que s'est-il passé, il y a combien d'années...? On a parlé de 21 ans, mais la situation s'est certainement exacerbée ces six derniers mois, voire ces deux derniers mois, en raison de la capture de homards de la prochaine saison, menaçant ainsi la poule aux œufs d'or, essentiellement.
    À votre avis, pourquoi le gouvernement ignore-t-il cela? Pourquoi le ministre n'agit-il pas? Que se passe-t-il là-bas, selon vous?

  (2040)  

    J'avais commencé à donner des précisions plus tôt. En réalité, le nœud du problème, c'est que le gouvernement a certes de louables intentions, en voulant conclure des accords de réconciliation des droits avec les nations, mais qu'une des tactiques qu'il a utilisées pendant les négociations a été de cesser de faire appliquer la loi. Cela n'a fait qu'inciter les gens à continuer de pêcher hors des saisons réglementées. Cette tactique a été un échec, évidemment. Ce que nous avons vu, c'est que 12 nations ont quitté la table des négociations, et aucune n'a participé. Je pense que cela démontre très clairement que les choses ne fonctionnent pas, ici.
    Nous devons aussi reconnaître l'accès existant des collectivités aux pêcheries. Je veux que les membres des Premières Nations soient autorisés à pêcher. Je prône la justice sociale, économique et environnementale pour tous les pêcheurs, quelle que soit leur origine, mais dans l'état actuel des choses, il n'y a pas de pêcheurs micmacs. Nous devons changer le processus. Le plus immoral dans les actions du gouvernement jusqu'à maintenant, à mon avis, c'est qu'après 21 ans sans réconciliation définitive et légitime relativement aux droits des pêcheurs micmacs, il s'entête à toujours essayer la même chose, ce qui ne fera qu'accroître les divisions.
    Merci, monsieur Sproul.
    Merci, monsieur Mazier. Votre temps est écoulé.
    Nous passons à M. Cormier pour deux minutes et demie, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur Cloutier, je suis content de vous revoir au Comité. Ma question s'adresse à vous.
    Expliquez-moi pourquoi vous seriez inquiet si, par exemple, on permettait aux Premières Nations de votre région de pratiquer une pêche de subsistance en dehors des saisons de pêche commerciale.
    J'aimerais que vous répondiez le plus rapidement possible, pour que j'aie le temps de poser d'autres questions.
    Bonjour, monsieur Cormier. Cela me fait plaisir de vous rencontrer.
    Pêches et Océans Canada et l'ensemble des scientifiques nous ont toujours dit qu'il ne fallait pas exploiter une espèce sur une trop longue période, afin de lui donner le temps et l'occasion de se reproduire et de vivre convenablement. Pour le homard, c'est la même chose. Il est très clair qu'on ne doit pas exploiter cette espèce lorsqu'elle est dans une période de vulnérabilité.
    Dans la baie des Chaleurs — au nord de celle-ci pour les Gaspésiens et au sud pour les Néo-Brunswickois —, l'été et l'automne sont des périodes où les homards peuvent muer ou pondre leurs œufs. Alors, en fonction du principe selon lequel nous devons assurer la durabilité de l'espèce, nous devons nous abstenir de pêcher pendant ces périodes.
    C'est parfait, merci.
    Je peux témoigner de la collaboration avec les Premières Nations dans ma région, mais parlez-moi de la collaboration qui a pu exister dans votre région au cours des années ou de l'inclusion des Premières Nations, par exemple, dans les discussions concernant les pêches et la conservation. Je sais que, dans ma région, il y a beaucoup de collaboration de part et d'autre concernant les efforts de conservation, mais comment cela se passe-t-il dans votre région?
    Vous savez que notre région compte trois bandes autochtones micmaques ainsi que la Première Nation des Malécites de Viger. Nous participons tous au comité consultatif pour élaborer des règles et des mesures adéquates concernant l'exploitation de la ressource. Nous nous réunissons chaque année, et tout le monde est présent à la table. En 2006, nous avons décidé qu'il fallait prendre beaucoup de mesures pour préserver la ressource, et les communautés autochtones étaient d'accord. Aujourd'hui, elles en tirent les bénéfices.
    Selon nous, la collaboration est facile. Je vous en donne un exemple. En 2020, le comité consultatif a décidé de confier la cogestion du comité consultatif de 2021 à un groupe d'Autochtones, soit les Malécites de Viger. Ces derniers ont accepté de gérer le comité consultatif avec Pêches et Océans Canada. En 2019, c'est moi qui étais cogestionnaire.

  (2045)  

    D'accord, merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Cormier. Votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Gill, pour deux minutes et demie.

[Français]

    Monsieur Cloutier et madame Canet, j'aurais aimé vous entendre parler de conservation.
    J'aimerais connaître votre point de vue et vos idées concernant la possibilité pour les communautés allochtones et autochtones d'avoir des modèles de gestion et de conservation de la ressource qui auraient les mêmes objectifs, mais qui différeraient selon les valeurs, les connaissances et les principes propres à chacune des communautés.
    En Gaspésie, je crois que nous avons tous compris, y inclus les groupes autochtones, que nous devions avoir un seul modèle de gestion et que Pêches et Océans Canada devait être responsable de sa mise en œuvre. La raison en est fort simple: la Gaspésie compte quatre bandes autochtones, dont une située au nord, et si elles décidaient entre elles d'établir chacune leur propre modèle de gestion, autrement dit d'opter pour une autogestion, ce serait difficile de partager le territoire. De plus, les pêcheurs allochtones seraient pris entre différents modèles de gestion. Ce serait donc très difficile à appliquer.
    Voilà pourquoi nous pensons que le ministère des Pêches et des Océans doit assumer cette responsabilité qui lui est conférée, tant et aussi longtemps que les différents groupes seront d'accord, bien entendu. Pour l'instant, je pense que nous réussissons assez bien à gérer cela. Le but est d'éviter les effets négatifs sur l'exploitation des stocks. C'est très important. Les effets négatifs doivent être mis de côté dans tout conflit et on doit assurer le développement durable de cette ressource. Nous sommes persuadés que c'est le meilleur moyen d'aider les communautés autochtones.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Vous avez 30 secondes.

[Français]

    J'invite Mme Canet ou M. Sproul à prendre ces 30 secondes pour indiquer ce qu'il serait essentiel et urgent de faire, selon eux.
    Ce qui est urgent et essentiel, c'est de trouver un processus juste et équitable qui permette aux Premières Nations, aux pêcheurs commerciaux et au gouvernement de s'asseoir ensemble pour trouver des solutions que tous jugent acceptables.
    Le processus actuellement suivi par le gouvernement dans la gestion des pêches est directement responsable des tensions que l'on voit dans le Sud de la Nouvelle-Écosse. La priorité est donc la mise en place urgente d'un processus inclusif pour la gestion des pêches et la compréhension mutuelle des valeurs sur lesquelles cette gestion doit reposer. On entend bien que les Premières Nations ont des connaissances ancestrales sur les pêches et que, par conséquent, cela doit aussi être entendu par tous. Cela ne peut se faire que dans un processus inclusif.

[Traduction]

    Merci.
    Nous avons légèrement dépassé le temps imparti.
    Je donne maintenant la parole à M. Johns pour la dernière intervention de deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sproul, la Première Nation de Sipekne'katik est la deuxième plus importante collectivité micmaque de la Nouvelle-Écosse, et la plus importante de la portion continentale de la province, comme vous le savez sûrement. Leur collectivité a été touchée par la centralisation, l'oppression sous le régime de la Loi sur les Indiens et les effets intergénérationnels des pensionnats. Leurs dirigeants ont choisi de mettre en œuvre leur droit issu du traité de 1760-1761, leur droit protégé par la Constitution, selon les décisions de la Cour suprême. Étant donné les oppressions coloniales qui ont empêché la Première Nation de Sipekne'katik d'intégrer la classe moyenne canadienne, considérez-vous que la Première Nation de Sipekne'katik doit elle-même définir ce qu'est la « subsistance convenable »?

  (2050)  

    Je tiens d'abord à préciser que je reconnais qu'il y a du racisme systémique en Nouvelle-Écosse, comme je reconnais ses répercussions sur les Autochtones et les horreurs du colonialisme et la façon dont le colonialisme a eu pour effet de déposséder les Micmacs de leurs droits, en particulier le droit de pêcher, dans le cas présent.
    Concernant la définition de « subsistance convenable », je dirais que la cour l'a délibérément laissée vague, car c'est une question qui devait être résolue à la Chambre des communes et par l'intermédiaire de négociations avec les Premières Nations. Je ne pense pas que la notion de « subsistance convenable » puisse être définie correctement un jour. Je pense que ce serait très différent dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique que dans les régions côtières de Terre-Neuve, par exemple.
    Ce qu'il faut faire, à mon avis, c'est examiner...
    Êtes-vous d'accord pour dire que c'est à eux de le déterminer?
    Je crois au droit des Micmacs à l'autodétermination prévu à l'article 35, mais je crois aussi que lorsqu'il s'agit de droits naturels...
    Pensez-vous qu'ils devraient pouvoir faire valoir leurs propres droits à l'autonomie gouvernementale prévus à l'article 35, avec leur propre plan de gestion de la pêche au homard visant la mise en œuvre de leurs droits?
    J'essaie de terminer ma réponse, monsieur.
     Je crois au droit à l'autodétermination des Micmacs.
    Concernant les ressources naturelles sur lesquelles comptent tous les Canadiens, je pense que la Cour suprême a clairement établi, après la situation chaotique de 1999, que les décisions de gestion relèvent de la ministre. Je le dis en reconnaissant que mes membres ne sont pas propriétaires des stocks de homard des eaux de l'océan Atlantique. Personne n'en est propriétaire; la ressource appartient à tous les Canadiens. Voilà pourquoi j'estime qu'il est important que la ministre — qui doit en fin de compte prendre les meilleures décisions pour tous les Canadiens en son âme et conscience —, soit la personne qui prenne les décisions.
    Je pense que cela correspond non seulement à l'avis de la Cour suprême, mais aussi avec le point de vue d'une majorité de Canadiens, comme l'a révélé notre sondage réalisé en août par Nanos Research. Le sondage a montré que 79 % des Canadiens pensent que nous devrions tous être à la table pour discuter avec la ministre, et que 89 % des Canadiens considèrent que la pêche commerciale devrait uniquement être pratiquée en saison commerciale, au profit de toutes nos collectivités.
    Merci, monsieur Sproul.
    Merci, monsieur Johns.
    C'est là-dessus que se terminent les séries de questions.
    Je tiens à dire un grand merci à nos témoins pour cette partie de la réunion du Comité ce soir. Mes excuses à tous pour le retard. Nous n'avons perdu personne, mais je devrais me faire des excuses à moi-même, car c'est probablement nous qui veillons plus tard. Il est presque 22 h 30, ici à Terre-Neuve, où je me trouve. Pour le Comité, c'est un peu plus tard que d'habitude.
    Je vais maintenant donner quelques secondes pour laisser les témoins partir. Nous avons une question à régler, ce qui ne devrait prendre qu'un instant.
    Encore une fois, je remercie les témoins.
    C'est difficile lorsque nous vous tenons éveillé si tard, monsieur le président.
    Je sais. Je suis généralement au lit avant cette heure, et je ne plaisante même pas.
    Cela dit, c'était une excellente réunion.
    Je pensais que c'est l'heure à laquelle les pubs ouvrent, à Terre-Neuve.
    Je ne fréquente pas les pubs.
    C'était très intéressant, monsieur Morrissey, avec les témoins que nous avons accueillis ce soir.
    Monsieur le président, les témoins sont partis, si vous voulez continuer sur la question du budget.
    Très bien.
    Je pense que tout le monde a reçu une copie d'une proposition de budget. Je rappelle à tous qu'il doit maintenant être approuvé. Ce n'est qu'un budget préliminaire, qui permettra à la greffière de commencer à rembourser les frais de déplacement, une compensation pour le temps, ou ce qui est nécessaire pour la comparution des témoins. Bien entendu, ce montant peut augmenter, et on reviendra nous voir, le cas échéant.
    Je suis prêt à entendre une motion sur l'approbation du budget, tel que présenté ici ce soir.
    J'en fais la proposition, monsieur le président.
    M. Morrissey en fait la proposition, appuyé par M. Cormier.
    Y a-t-il des commentaires?
    (La motion est adoptée.)
    Merci à tous. Merci également à la greffière et aux analystes d'avoir été si coopératifs étant donné que nous avons travaillé si tard ce soir. Encore une fois, vous êtes à notre service, et nous vous en sommes très reconnaissants.
    Nous nous reverrons lundi soir pour une réunion habituelle complète.
    La séance est levée.
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