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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 116 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 mai 2018

[Énregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

     Bienvenue à la 116e réunion du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons notre examen de la Loi sur le droit d’auteur.
    Nous accueillons aujourd’hui, du Conseil des ministres de l’Éducation du Canada, l’hon. Zach Churchill, ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance de la Nouvelle-Écosse, ainsi que Wanda Noel, avocate-conseil externe, Consortium du droit d’auteur.
    Nous allons commencer sans plus tarder. Monsieur, vous avez sept minutes, après quoi nous passerons aux questions. Vous avez la parole.
    Je tiens à rendre hommage à Wanda Noel, qui est l’avocate du CMEC dans le dossier du droit d'auteur depuis pas mal de temps. J’aimerais rendre hommage à Andrea John et à Chris George, qui sont présents pour manifester leur appui. Égoïstement, j’aimerais informer le Comité que ma femme et ma fille, Katie et Cecilia Churchill, sont également présentes. Voilà qui est le bébé.
    Nous vous sommes très reconnaissants du temps alloué pour parler d'un enjeu d'une très grande importance pour le pays. Depuis les années 1990, on parle beaucoup des droits d'auteur. Je pense qu’il importe de prendre acte des efforts consacrés à la réalisation de deux objectifs clés d'intérêt public.
    Le premier vise à assurer la protection des droits des auteurs et des créateurs et créatrices afin que ces derniers reçoivent une juste rémunération pour leur travail et que cette industrie soit en mesure de prospérer au Canada. Le second vise à permettre au système éducatif d'avoir accès au plus large éventail de matériel possible afin d'assurer la réussite et le bien-être à long terme des élèves et des étudiants.
    Pour nous entretenir de la question, deux aspects du droit d’auteur sont essentiels. Le premier est l’utilisation équitable et ce qu'on entend par là. Il est difficile de comprendre ce qui est équitable quand on essaie de concilier ces deux grandes priorités d'ordre public. Heureusement, pour nous tous ici présents, les tribunaux ont débroussaillé la question et ont travaillé très fort pendant 10 à 15 ans pour acquérir une compréhension de l’utilisation équitable au Canada, laquelle, à notre avis, en qualité de ministres de l’Éducation, cadre bien avec nos politiques.
    La seconde question porte sur l’idée d’imposer un tarif au système éducatif. C’est une chose à laquelle nous nous opposons. Nous appuyons la définition que donne le tribunal de l’utilisation équitable. Nous nous opposons à un tarif obligatoire sur le matériel éducatif.
    Il est important de comprendre pourquoi. Nous croyons que les maigres ressources des provinces nous amènent à engager la moindre dépense dans la salle de classe afin d'assurer la réussite, l'accomplissement et le bien-être des élèves. Un tarif obligatoire retirerait des dizaines de millions de dollars de notre système éducatif et des classes des futurs auteurs, créatrices et créateurs de notre pays.
    Il faut savoir que nous ne cherchons pas à mettre en opposition le secteur de l’enseignement et l’industrie de la création, bien qu'un certain désaccord existe. Nous nous intéressons tout particulièrement au succès d'un secteur de la création dynamique, vigoureux, sain, prospère et novateur au pays. En fait, notre système éducatif en dépend. Nous reconnaissons que la technologie, l'Internet, les logiciels libres et l’information utilisés dans nos systèmes éducatifs ont modifié le modèle économique dans ces secteurs.
    Nous ne croyons pas qu’un tarif obligatoire soit le meilleur moyen de soutenir cette industrie; nous croyons plutôt qu'on enlève ainsi de l’argent à nos classes qui en ont grand besoin.
    J’aimerais aborder deux questions dont j'ai appris que le Comité avait parlé. L'une concerne le nombre de manuels scolaires copiés au complet. Je sais que la situation préoccupe l’industrie. Nous n'aimerions pas cela non plus. Un tel geste rompt avec les lignes directrices sur l’utilisation équitable de matériel protégé par le droit d’auteur au Canada.
    Heureusement, la Cour d’appel fédérale et la Commission du droit d’auteur ont examiné la question à deux reprises et elles ont appris que 98 % des copies faites dans notre système éducatif le sont dans le cadre des lignes directrices sur l’utilisation équitable. Nous devrions en être très fiers. Quatre-vingt-dix-huit pour cent est une note de passage. Je ne pense pas que nous devrions envisager d’imposer un tarif en réponse à une anomalie de 2 % dans notre système éducatif.
    Je sais aussi qu’on soutient que les revenus des éditeurs et des auteurs en provenance du secteur de l’éducation ont subi une baisse à la suite de l'adoption des lignes directrices sur l'utilisation équitable et de la Loi sur le droit d’auteur. Les données de Statistique Canada que nous vous avons fournies montrent que les ventes de livres dans le secteur de l’éducation, de la maternelle à la 12e année, augmentent en fait depuis 2012. C’est un constat dont nous devrions aussi être très fiers, car il se dégage à une époque où la technologie évolue et où le mode d'enseignement évolue lui aussi.

  (1545)  

     En conclusion, je tiens à dire que nous, les ministres de l’Éducation, qui sommes responsables de nos systèmes éducatifs respectifs et qui sommes chargés d’offrir une éducation de qualité, nous appuyons la définition de l’utilisation équitable donnée par la Cour et considérons que nos lignes directrices y correspondent. Nous vous avons remis ces dernières également et nous nous engageons à travailler avec les membres du Comité, le gouvernement fédéral et l’industrie pour trouver des moyens originaux et novateurs d'aider cette industrie à réussir et à prospérer afin que nous puissions tous en profiter.
    Nous n'arrivons tout simplement pas à croire qu'une aide financière sous le patronage des écoles soit le meilleur moyen d'y arriver.
    Je tiens à informer le Comité que nous, en qualité de ministres, consacrons 5 millions de dollars à l’échelle nationale pour aider les enseignants à mieux comprendre le droit d’auteur, afin qu’ils prennent pleine conscience de leurs rôles et de leurs responsabilités, et pour effectuer de nouveaux examens de conformité en lien avec le droit d’auteur. J'ai pensé que le Comité aimerait aussi le savoir.
    Merci beaucoup de m'avoir permis ces mots d'ouverture, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup. Nous allons passer directement aux questions.
     Monsieur Baylis, vous avez six minutes.
    Bonjour, monsieur Churchill. Vous dites que vous voulez soutenir une industrie de la création canadienne dynamique. Comment feriez-vous cela? Je parle d’argent, parce qu’en fin de compte, les gens doivent être payés, alors j’aimerais savoir comment vous vous y prendriez financièrement.
    Je pense qu’il existe divers incitatifs partout au pays. Il y a des incitatifs fiscaux. Il y a des subventions pour les secteurs de la création et il y a des concours. Je crois qu'il faut examiner les meilleures pratiques adoptées par les diverses autorités. C'est une chose sur laquelle nous pouvons travailler avec le gouvernement fédéral, afin de trouver le meilleur moyen de stimuler la croissance dans ce secteur et de veiller à ce que ça marche réellement.
    Ce que nous ne pensons pas qui soit forcément tourné vers l’avenir, c’est de considérer un tarif obligatoire pour les systèmes éducatifs dans toutes les provinces comme étant la meilleure façon de faire. La raison en est, encore une fois, qu'on priverait ainsi les salles de classe de dizaines de millions de dollars dont elles ont désespérément besoin. Nous devons plutôt explorer des perspectives d'ordre plus général.
    Ces dizaines de millions de dollars, est-ce que c'est la somme que vous estimez avoir économisé depuis que l’utilisation équitable, cette partie de la Loi, s’applique à l’éducation? Vous avez dit que ça l'enlèverait aux classes, alors supposons que cette somme équivaut aux économies que vous avez constatées dans l'ensemble du pays, soit des dizaines de millions de dollars?
    Je ne sais pas si je parlerais d’économies. C'est de l'argent qui n'a pas servi à payer des tarifs et qu'on a pu utiliser pour...
    Oui, vous n'engagez pas cette dépense, mais si la Loi n’avait pas été modifiée, vous le feriez, donc vous ne versez pas ces dizaines de millions de dollars aux créateurs. Savez-vous à quoi correspondent ces dizaines de millions de dollars?
    Le calcul est basé sur le tarif de 13,31 $ par manuel scolaire que demande actuellement Access Copyright. C’est la réponse à cette demande en particulier et, évidemment, comme je l’ai mentionné, nous ne croyons pas que...
    Je crois qu’Access Copyright dit avoir perdu des dizaines de millions de dollars depuis son entrée en application; nous lui poserons la question quand elle comparaîtra plus tard. Vous dites que vous économiseriez des dizaines de millions de dollars ou que vous économisez cette somme?
    Si un tarif devait être imposé dans les systèmes éducatifs de toutes les provinces, ces derniers perdraient des dizaines de millions de dollars.
    Très bien, et vous avez indiqué qu'à votre avis, les créateurs devraient être rémunérés équitablement pour leur travail. Un certain nombre de créateurs ont comparu devant nous et, à vrai dire, j’ai été abasourdi de les entendre parler d'une baisse de revenu de l'ordre de 70 % à 90 %. D’accord, ce sont là des pourcentages, mais le montant qui m’a secoué, c’est quand ils ont dit que ce qui leur rapportait auparavant 2 000 $ ne vaut plus que 300 $. Je n’ai rencontré personne qui s’enrichissait particulièrement grâce à ces tarifs.
    En fait, j’ai même posé la question à ma soeur, qui est éditrice, et elle m’a répondu qu'en effet, elle reçoit un chèque d’Access Copyright. Je ne me souviens pas des détails, mais c’était quelques centaines de dollars. Pour elle, c’était négligeable. Elle n’allait pas prendre la peine de vérifier.
    Qu’est-ce qui constituerait une juste rémunération pour un écrivain? Disons que l'écriture d'un livre lui prend un an; quelle somme représenterait une rémunération équitable?

  (1550)  

    C’est une question à laquelle il m’est difficile de répondre en tant que ministre de l’Éducation.
    Donnez-moi un ordre de grandeur.
    Je ne vais pas essayer de donner un chiffre qui ne serait pas exact et parler d'une chose qui ne fait pas partir de mon champ de compétence. J’espère, monsieur le député, que vous comprenez cela.
    Ce que je peux faire remarquer, c’est qu'il y a une foule de facteurs qui ont une incidence sur l’édition en particulier. Le manuel scolaire n’est pas la principale source d'information, ou l'est de moins en moins, dans les salles de classe. Internet change le visage de l’industrie de l’édition. La technologie oblige cette industrie à évoluer et cela pose des défis. Nous admettons ce fait.
    Mais si vous regardez les revenus réels tirés du système de la maternelle à la 12e année par le secteur de l’édition, ils ont en fait augmenté, et, encore une fois, je vais faire référence aux chiffres...
     Quand vous dites qu’ils sont en croissance, quelle proportion va aux fournisseurs de contenu canadien plutôt qu’à l'international?
    Wanda va m’aider à répondre à cette question.
     Si vous consultez le document qui vous a été distribué, vous verrez que les ventes des propres ouvrages des éditeurs canadiens dans les établissements d’enseignement de la maternelle à la 12e année ont augmenté en 2012 et en 2016.
    Vraisemblablement, les propres ouvrages des éditeurs canadiens sont à contenu canadien, donc il y a croissance.
    Au sujet des ventes de leurs propres ouvrages par les éditeurs, vous dites que le chiffre d'affaires de ces derniers est passé de 300 000 $ à 400 000 $ l'année dernière. Est-ce exact?
    On parle ici de millions.
    Trois cents millions de dollars.
    Oui, le graphique contient les données de Statistique Canada. L'organisme étudie l’industrie de l’édition à l’échelle nationale, et ces données sont tirées d'études sur l’édition au Canada réalisées en 2012, en 2014 et en 2016.
    Très bien. En 2012, cependant, vous auriez contribué avant que la Loi ne soit adoptée, et en 2016, vous n’auriez pas contribué. Ai-je raison de dire cela?
    Non, je ne crois pas.
    Alors, qu’avez-vous changé après que la Loi ait été modifiée? Pourquoi essayez-vous de justifier votre utilisation équitable si la Loi ne change rien pour vous? J’ai besoin de comprendre: si elle n’a aucune incidence financière, pourquoi vous portez-vous à sa défense?
    Pourquoi tant de gens viennent-ils ici pour la défendre tout en affirmant qu’elle n’a aucun impact sur le plan financier? Il y a une raison pour laquelle vous tenez à la justifier. Vous venez de parler de dizaines de millions de dollars. Pouvez-vous m'expliquer le rapport?
    À notre avis, une nouvelle entente sur l’utilisation équitable aura une incidence financière. Selon la définition actuelle de l’utilisation équitable, si vous avez un court extrait d'un ouvrage...
    Je sais ce qu’est une utilisation équitable, mais vous la défendez parce que vous voulez faire des économies, n'est-ce pas?
    Nous la défendons parce que nous croyons qu’elle est juste. C'est après de longs débats et des décisions longuement réfléchies que les tribunaux en sont arrivés à cette définition. C'est plutôt compliqué d’établir ce qui est juste d'un point de vue didactique pour que les élèves aient accès au plus large éventail possible d'ouvrages et, évidemment, que les créateurs soient adéquatement rémunérés.
    Il n’est pas facile de répondre à cette question. Les tribunaux nous ont aidés à le faire.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Lloyd. Vous avez six minutes, monsieur.
    Merci d’être ici aujourd’hui.
    Ma première question porte sur le témoignage que votre organisation a livré en 2011 lorsque le Comité examinait la Loi sur la modernisation du droit d’auteur. Lors de votre comparution, votre groupe a promis que l’ajout de l’éducation aux fins justifiant une utilisation équitable n’aurait aucun effet négatif sur les revenus des créateurs, que vous acquerriez des licences collectives et que vous continueriez de le faire après la modification et que vous n’essayiez pas d’obtenir du matériel gratuitement. Depuis 2012, vous réclamez la reproduction gratuite d'un grand nombre d'oeuvres. Des centaines de millions de pages ont été imprimées. Ces éléments sont étayés. Vous n’avez pas payé de licences collectives et les revenus des créateurs ont subi une baisse sensible.
    Vous en tenez-vous à votre témoignage de 2011 dans lequel vous affirmiez qu'il n’y aurait pas d’impact sur les revenus des créateurs?
    Nous bénéficions aujourd’hui de la présence de Wanda Noel, qui était là et qui pourra mieux parler des observations de la ministre de l’époque. Pour ce qui est des centaines de millions de dollars que représentent les copies qui ont été utilisées, il faut se demander d’où vient ce chiffre. De notre côté, rien ne montre que ce chiffre est exact. Pour autant que nous sachions, d’après la Cour d’appel fédérale et la Commission du droit d’auteur, 98 % des copies faites au Canada à des fins éducatives respectent les critères de l'utilisation équitable.
    Nous ne savons pas d’où vient ce montant. Il faut chercher à mieux comprendre d’où il vient.

  (1555)  

    Je crois qu’il s’agit d’un chiffre établi par PricewaterhouseCoopers, un cabinet d'audit de réputation internationale. Vraisemblablement, si c’est le chiffre qu’ils avancent, il s'appuie sur quelque chose. Votre témoignage aujourd’hui, selon lequel des dizaines de millions de dollars ont été économisés, est lui aussi étayé par les données de PricewaterhouseCoopers, qui indiquent que depuis 2012, l’utilisation équitable a fait perdre 30 millions de dollars aux auteurs et aux éditeurs. Cela semble confirmer votre témoignage selon lequel il en coûte des dizaines de millions de dollars aux universités pour fournir des licences collectives.
    Vous avez invoqué la jurisprudence, mais en ce qui concerne le récent arrêt York, prononcé après le jugement de la Cour suprême sur l’utilisation équitable, estimez-vous toujours que vous êtes du bon côté de la loi?
     Beaucoup de questions sont en jeu.
    Occupons-nous des observations de la ministre Jennex sur la Loi sur la modernisation du droit d’auteur. Sa déclaration en 2011 ou 2012 était juste. Elle l'est toujours. En effet, l’ajout de l’éducation comme fin possible d'une utilisation équitable, ce qui a fait suite à l'adoption de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur, n’avait rien à voir avec les lignes directrices sur l’utilisation équitable. Les seuils et les lignes directrices sont basés sur les décisions de la Cour suprême du Canada qui ont suivi l’adoption de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur. Voilà un premier point. Récemment, j'ai lu en manchette que la ministre Jennex avait menti au Parlement. Eh bien, ce n’est pas vrai, pas du tout. C’est tout simplement faux.
    En ce qui concerne votre renvoi au rapport de PricewaterhouseCoopers, les sources étaient un rapport déposé à la Commission du droit d’auteur par Access Copyright, qui est dans l’auditoire cet après-midi, et un autre rapport d’expertise préparé par Deloitte. Dans une procédure de la Commission du droit d’auteur, il y a confrontation d'experts. Le rapport de PricewaterhouseCoopers adoptait un point de vue, et une étude analogue affirmait que tout le contenu du rapport était inexact.
     C’est un duel entre experts économiques. Je vous ferai parvenir, au nom du ministre Churchill, un exemplaire du rapport d’expert dans lequel on affirme que PricewaterhouseCoopers a tort.
    Est-ce le rapport de Deloitte dont vous parlez?
    Je le crois, en effet. Il y a plusieurs années de cela, mais je peux vous fournir le rapport.
    Vous pourrez peut-être nous l'expliquer ensuite.
    Je vous remercie.
    L'autre chose, l'affaire de l'Université York — désolée, je ne vais pas prendre de temps ici — est en appel et dans de nombreuses affaires, l'interprétation de l'utilisation équitable est conforme à ce que le ministre Churchill a dit. Dans une affaire, elle est interprétée différemment. Nous laissons les tribunaux faire leur travail et ils pourront trouver une solution.
    C'est fondé sur des preuves et c'est un processus très compliqué qui ne peut se dérouler dans le cadre d'un comité parlementaire.
    L'information qui nous a été communiquée ici est très intéressante.
    Selon vous, combien consacrez-vous au contenu canadien? Dans les témoignages, nous avons pu constater notamment que les universités ont indiqué que les dépenses totales augmentaient. C’est aussi ce que nous ont dit des éditeurs internationaux, des auteurs internationaux, dans les domaines de la science et du génie.
    Pouvez-vous nous donner des renseignements précis sur les retombées pour les créateurs de contenu canadien? Y a-t-il eu une augmentation des dépenses pour les créateurs de contenu canadien depuis 2012?
    Nous avons inséré dans votre trousse les chiffres dont nous disposons. Je ne sais pas si nous pouvons extrapoler le contenu canadien à partir de ces chiffres.
    Merci.
    Si vous pouviez faire parvenir au greffier le rapport dont vous avez parlé, ce serait très utile. Merci.
    Nous allons passer à M. Masse.
    Vous avez six minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le ministre, d’être ici aujourd’hui.
    Donc, l'essentiel ici — je veux m'assurer que c'est clair —, c'est que seulement pour votre province, on parle de 10 millions de dollars. Ce chiffre est-il exact s'il y avait un changement?
    Si le tarif proposé de 13,31 $ était imposé à l’échelle nationale, cela représenterait plus de 50 millions de dollars.
    À l'échelle nationale, d'accord. Les territoires sont-ils inclus?
    Oui, les territoires sont inclus, mais pas le Québec. C'est l'une des choses que j'ai oublié de mentionner. Je représente ici les ministres de l’Éducation à l’extérieur du Québec, mais cela inclut les territoires.
    D'accord, je voulais m'en assurer.
    Maintenant, avec l'ancien système en place, a-t-on calculé quel serait l’écart de coût aujourd’hui? Je veux dire, il s’agit de nouveaux fonds qu’on vous demande de payer si les droits sont perçus.
    Avez-vous une idée de ce que cela aurait coûté si Access Copyright n’avait pas proposé cela et que c’était le statu quo, avant même qu'il ne soit question d'utilisation équitable? Quels seraient vos coûts aujourd’hui si l’ancien système était en place? A-t-on examiné cette possibilité?

  (1600)  

    Les tarifs sont fixés par la Commission du droit d’auteur et sont presque toujours portés en appel.
    Avant le système tarifaire, le droit était d’environ 2,50 $ pour un étudiant équivalent temps plein. La Commission du droit d’auteur a fixé un tarif de 5 $ et quelques cents. Il s’est retrouvé à 4,81 $ lorsque les appels ont été épuisés. Il y a quatre millions d’étudiants, donc quatre millions fois 5 $. Vous pouvez faire le calcul.
    C’est l’affaire que les ministres de l’Éducation ont portée devant la Cour suprême du Canada et la décision rendue stipulait que des enseignants pouvaient reproduire de courts extraits sans payer de droits d'auteur. Puis, en 2013, s'inspirant de cette décision, les ministres de l'Éducation ont cessé de payer le tarif et ont décidé de s'en remettre notamment à l'utilisation équitable et aux licences et aux bases de données et référentiels pour combler leurs besoins en reproduction.
    C'est ce qui explique l'écart.
    Serait-il juste de dire que ce processus a permis de réaliser des économies, de réduire les dépenses?
    Non, l'argent dépensé, comme vous le verrez, augmente. Il n'est tout simplement pas affecté aux mêmes choses; il l'est sur des choses différentes.
    Oui, c'est ce qui se passe.
    En général, cependant, ce que nous entendons non seulement des témoins... Je sais que vous avez des documents de Statistique Canada sous les yeux. Lorsque nous recevons des témoins et des gens, ce n'est pas toujours représentatif du tableau d'ensemble; il n'y a aucun doute à ce sujet. Or, il me semble que nous nous heurtons à un modèle d'expériences où il y aurait, en cours de route, des gagnants et des perdants.
    Quand les politiques gouvernementales modifient quelque chose, je pense qu'on s'attend probablement à ce qu'il y ait une certaine amélioration ou des politiques publiques pour aider. Croyez-vous qu’il y ait eu des changements par rapport aux oeuvres que vous avez achetées ou à votre interaction avec certains fournisseurs de contenu, peut-être dans votre propre province? A-t-on cherché à savoir s’il y a eu un changement depuis?
    Certains auteurs disent qu’ils ont baissé les bras. Ils ne produisent plus rien. Ils ont réduit leur volume. A-t-on cherché à savoir si la Nouvelle-Écosse a fait la transition vers de nouveaux fournisseurs de contenu, ou la situation est-elle simplement la même?
    Nous nous sommes tournés vers un contenu plus local, et nous avons donc établi un partenariat avec notre communauté néo-écossaise d'origine africaine, notre population autochtone par l’entremise de la nation micmaque, vers des écrivains locaux pour nous assurer qu'il y ait plus de contenu local dans notre programme d’études. Oui, il y a eu un mouvement en ce sens en Nouvelle-Écosse que je peux expliquer précisément et je pense que d'autres provinces l'ont aussi fait.
    La question fondamentale ici est la suivante. Comment définir ce qui est équitable entre les besoins de l’industrie que nous reconnaissons et les besoins du système d’éducation? Les tribunaux ont fait beaucoup de boulot pour nous en ce qui concerne l'idée de l'utilisation équitable. Ils ont entendu beaucoup de témoignages de part et d'autre et ont proposé une définition qui, selon nous, est logique et nous ne voulons pas qu'elle soit rejetée du jour au lendemain.
    Je comprends. Je suppose que je cherche la réponse.
    Chaque fois que j’entends dire que les tribunaux sont saisis d'un processus, c’est un échec de la politique publique, de notre point de vue au niveau fédéral... dans ce cas particulier. Nous prenons ici des décisions qui doivent être éclaircies dans d'autres pays, car elles ne sont toujours pas totalement... Il se peut qu'avec la complexité du droit d'auteur et les changements dans la façon de faire, il était inévitable que la question se retrouve là de toute manière.
    J’aimerais savoir ce qui a été fait ou ce qui pourrait être fait pour aider certains artistes qui sont encore en transition. C'est ce que je veux savoir. Pour ce qui est de votre représentation des provinces, y a-t-il un plan global, ou est-ce chaque province? Vous avez parlé de la Nouvelle-Écosse et de ce que vous avez fait. Je représente une région du chemin de fer clandestin au Canada et je connais donc certaines des histoires qui relient directement ma collectivité à la vôtre. Savez-vous si les autres provinces s'efforcent davantage de promouvoir la culture locale, peut-être de nouveaux artistes et de nouveaux fournisseurs de contenu?
    Cela varie d'une province à l'autre et c'est surtout l'apanage des ministères des provinces responsables du patrimoine et de la culture.
    À titre de représentant du système d'éducation, je pense que nous faisons notre part pour nous assurer d'avoir plus de contenu local en particulier en ce qui concerne des volets de notre histoire qui n'ont pas été racontés sous l'angle local.

  (1605)  

    Merci, monsieur le président.
    Nous allons céder la parole à M. Sheehan.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Je vous remercie, vous et Wanda, d’être ici aujourd’hui pour nous aider dans notre examen du droit d’auteur.
    Récemment, nous avons fait une tournée pancanadienne qui nous a permis de recueillir l'opinion des diverses régions, des divers districts scolaires, des auteurs, des universités et des collèges d’un océan à l’autre. À Toronto, nous avons entendu le témoignage assez bon d'une personne qui a établi une comparaison avec la 401, qui est la superautoroute provinciale, où quelqu’un conduit à 100 lorsqu’il obtient son permis, mais passe ensuite à 105, 110 et ainsi de suite, puis à 120, et ensuite à l’autobahn. Elle a comparé cela au droit d'auteur; quelqu'un prend une reproduction pour une raison quelconque et les choses s'enchaînent. Puis, en vitesse supérieure, certains auteurs de l'Ouest canadien nous ont dit que leurs oeuvres étaient, dans leur ensemble, photocopiées et distribuées aux élèves.
    Quelles mesures les conseils scolaires ou les ministres provinciaux de l’Éducation prennent-ils pour sensibiliser les enseignants et les élèves aux lois sur le droit d’auteur et quels types de politiques mettent-ils en place?
    C’est une question très importante, parce que c’est important pour nous aussi.
    Nous voulons adhérer aux Lignes directrices sur l'utilisation équitable et voir à ce que seulement de courts extraits puissent être photocopiés. Soit dit en passant, on nous a dit que des enseignants photocopient un manuel complet et le distribuent à leurs élèves. La preuve, cependant, qui a été évaluée par la Cour d’appel fédérale et la Commission du droit d’auteur du Canada, indique que dans 98 % des cas, la photocopie se fait dans les limites de l'utilisation équitable.
    Je pense qu’une partie de notre succès à cet égard est attribuable à la sensibilisation que nous faisons auprès de nos enseignants. Des manuels sont distribués dans chaque école du pays. Des affiches pour informer les gens sont censées être installées à chaque photocopieur.
    À titre de ministres de l'Éducation, nous avons investi 5 millions de dollars de plus pour renforcer la sensibilisation à l'égard du droit d'auteur, mieux faire connaître les rôles et responsabilités des enseignants et soumettre notre rendement à ce chapitre à d'autres évaluations par des tiers. La Cour d’appel fédérale et la Commission du droit d’auteur du Canada disent constamment que 98 % des photocopies se font dans les limites de l'utilisation équitable. Nous allons faire appel à nos frais à une tierce partie indépendante pour nous fournir une évaluation supplémentaire afin de nous assurer de faire notre part, car nous ne voulons pas nous éloigner de la sphère de l'utilisation équitable. Nous avons un intérêt direct dans la réussite de nos industries créatives. Notre système d'éducation dépend d'elles. Nous devons veiller à ce que de brefs extraits d’information provenant d’un large éventail de sources soient accessibles à nos étudiants et disponibles et abordables.
    Vous avez dit que dans 98 % des cas, c'est conforme. Pour les 2 % restants, est-ce que les conseils scolaires ou les écoles locaux surveillent la situation et, le cas échéant, comment?
    Pour ce qui est de l’application de la loi, il arrive souvent que le processus varie d’une province à l’autre, d’un conseil scolaire à l’autre. Comme pour toute règle que les enseignants devraient suivre ou que nos administrateurs sont supposés suivre, il y a un processus en place dans chacune de nos administrations pour s’assurer que les règles sont respectées.
    En cas de pépin, on a recours à un mécanisme d'évaluation du rendement ou à une mesure disciplinaire, selon ce qui convient. Ces processus varient d'une province à l'autre, mais ils existent bel et bien.
    J'ai été conseiller scolaire il y a bien longtemps. Les modèles de financement ont changé. Dans diverses régions en Ontario, le taux par mille est établi non pas par les conseillers scolaires, mais par les provinces. Les provinces et les commissions scolaires mettent-elles plus d’argent de côté pour le droit d’auteur? Le montant reste-t-il le même? L’une de nos questions portait sur le financement du droit d’auteur et sur la question de savoir s’il existe des mécanismes permettant à la province ou au conseil scolaire de ce district d’investir davantage dans le droit d’auteur.

  (1610)  

    Les fonds que nous consacrons à l'achat de matériel didactique destiné à notre système d'éducation augmentent dans l'ensemble.
    Le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) investira 5 millions de dollars dans la sensibilisation à la question du droit d'auteur et, comme je l'ai déjà indiqué, à évaluer plus en profondeur le respect des règles concernant l'utilisation équitable.
    Merci. Nous sommes bons.

[Français]

    Monsieur Bernier, vous avez cinq minutes.
    Je veux juste revenir sur les questions d'argent. Mes collègues ont posé plusieurs questions sur les coûts que cela représente pour vous. En moyenne, depuis 2012, combien les commissions scolaires dépensent-elles annuellement pour acquérir des droits d'auteur?
    Il y a une autre question que le Comité se pose depuis le début de ses audiences sur le sujet. À la suite de la nouvelle Loi sur le droit d'auteur, cette somme a-t-elle augmenté ou diminué, et de combien environ?
    J'aimerais que vous clarifiiez ces chiffres.

[Traduction]

    Depuis 2012 — et les chiffres de Statistique Canada à l'appui vous ont été fournis — les ventes de l'industrie de l'édition au système d'éducation de la maternelle et du jardin d'enfants à la douzième année ont augmenté. Les ventes de livres ont sans cesse progressé de 2012 à 2016 et ces chiffres sont détaillés dans chacun des graphiques ici.
    À votre avis, avez-vous économisé un peu en bout de ligne ou payez-vous davantage pour ces droits?
    Nous payons davantage pour le matériel, mais la nature du matériel change. Nous investissons davantage dans le matériel de cours destiné à notre système d'éducation. Ce qui nous inquiète, c'est le tarif obligatoire qui, si la proposition est acceptée, priverait notre système d’éducation d’environ 53 millions de dollars en subventions à l’industrie. C’est donc quelque chose qui nous préoccupe et ces chiffres ne tiennent pas compte du Québec. Ce montant prend en compte toutes les provinces qui participent au consortium sur le droit d'auteur, mais c'est ce qui nous inquiète, car ces sommes sont précieuses. C’est l’équivalent de centaines de postes d’enseignant et de ressources spécialisées dans nos salles de cours. Ce chiffre aura une incidence sur la prestation de services d’éducation à nos étudiants.
    Vous pensez donc qu'il faut maintenir le statu quo et considérer que la décision du tribunal correspond à la définition de l'utilisation équitable. Cela vous convient-il?
    Nous appuyons la définition donnée par les tribunaux de l’utilisation équitable. Ce n'est pas facile de répondre à cette question. Je pense que les tribunaux nous ont rendu service en s'attaquant à cette importante question au cours des 10 dernières années. Je pense que si vous photocopiez seulement un extrait d'un texte, un chapitre ou au plus 10 % du texte, il est logique de pouvoir utiliser ces ressources en classe afin que nos enfants puissent avoir accès au plus large éventail d'information que possible.
    Pensez-vous que nous ayons besoin d’une définition plus détaillée dans notre propre loi pour refléter la décision du tribunal?
    Nous ne préconisons aucun changement aux définitions dans la Loi sur la modernisation du droit d’auteur adoptée en 2012. Nous croyons que la jurisprudence a fait ce travail pour nous.
    Voulez-vous ajouter quelque chose?
    Non.
    C'est tout.
    Monsieur Longfield, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous deux d’être ici.
    J’aimerais poursuivre dans la même veine que M. Bernier. Nous pouvons voir, à partir de la courbe, que le seuil monétaire augmente, mais il y a plusieurs choses que nous ne voyons pas, comme le montant consacré aux droits d’auteur dans ces chiffres. Une autre façon de le dire serait peut-être de se demander quel est le prix unitaire moyen des livres et s’il augmente. Or, est-ce que nous remboursons les auteurs par l’entremise des éditeurs, des distributeurs, et est-ce que nous percevons les droits qui iraient aux créateurs?

  (1615)  

    Si vous me le permettez, la réponse à cette question se trouve dans les contrats qui sont conclus entre les éditeurs et les auteurs. Ils divisent la cagnotte et la part qui leur revient dépend de l’importance de l’auteur. Les prix sont établis et le système d’éducation n’a aucun contrôle là-dessus. L’éditeur et l’auteur se partagent le gâteau.
    Je comprends, mais vous pouvez voir que ce que je veux dire — et vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre à cette question parce que c’est peut-être aux éditeurs de le faire —, c’est que le seuil monétaire n'est pas vraiment la réponse à la question que nous nous posons. Nous avons essayé d'infiltrer la chaîne d’approvisionnement pour voir exactement où se trouvent les fuites et ce fut une source de frustration pour nous, à titre de comité. Quand on parle d'une fuite de 2 % sur la copie légitime par rapport à la copie non légitime, à combien se chiffre 2 % du total? Il n'est pas question de 100 pages ici, mais bien de millions de pages que les conseils scolaires reproduisent et 2 % de cela pourrait en fait représenter une somme assez substantielle. Savons-nous quel est le coût d'une fuite de 2 %?
    Nous avons fait le calcul et si on envisage la question sous l'angle d'un élève, il s'agirait de deux copies par étudiant par année scolaire. On parle donc de deux copies illégales par étudiant par année, dans l'optique de ces 2 %.
    Nous avons certainement entendu d'autres témoins des opinions divergentes quant au nombre de copies.
    Si nous acceptons le chiffre de 600 millions d’exemplaires qui a été présenté, si vous regardez 2 % de ce chiffre — je n'étais pas un maître des mathématiques soit dit en passant...
    M. Lloyd Longfield: Ça va. Moi, je l'étais.
    L'hon. Zach Churchill: ... nous obtenons moins de deux copies par étudiant par année scolaire.
    Oui. Qu’en est-il des frais d’administration du programme actuel? Vous parlez de 5 millions de dollars en frais de publicité. Des affiches sont imprimées et installées au-dessus des photocopieurs. Je suppose que les gens, étant ce qu'ils sont, verront l'affiche et en prendront connaissance ou pas. La deuxième fois, ils ne remarqueront même pas l'affiche. Des coûts sont affectés aux efforts déployés pour administrer le programme existant. Ces coûts pourraient être éliminés si l’on imposait des droits de licence types dont la valeur monétaire correspondrait aux coûts cachés pour rembourser les auteurs. Sur le coût du programme actuel, avons-nous une idée du nombre d’heures-personnes consacrées à l’administration des programmes, à l’enseignement des exigences en matière de droit d’auteur, à la surveillance des services et aux services de l'auditeur auxquels vous avez recours? Savez-vous combien il en coûte pour administrer le programme existant?
    En tant que ministres, nous avons l’obligation de sensibiliser nos enseignants à la loi et de veiller à ce qu’elle soit respectée. Le coût n'est pas seulement lié au droit d’auteur; il est lié à la diversité des rôles qu’ils doivent assumer.
    Pour ce qui est de savoir combien d’argent nous allons consacrer, sur le plan des ressources, pour la sensibilisation et l’évaluation approfondie de la conformité, nous estimons que ce sera 5 millions de dollars, ce qui est nettement inférieur aux 50 millions de dollars ou plus...
    S’agit-il d’un montant pour la Nouvelle-Écosse ou pour l'ensemble du pays?
    C’est pour l'ensemble du pays.
    D’accord.
    Je ne suis pas encore convaincu, mais je vous redonne la parole, monsieur le président.
    Avant de poursuivre, j’aimerais avoir une petite précision.
    Vous avez mentionné deux copies. S’agit-il de deux pages ou de deux exemplaires des ouvrages?
    Ce sont des pages.
    C'est deux pages. D’accord, merci.
    Nous allons passer à M. Jeneroux. Vous avez cinq minutes.
    Merci à vous deux d’être ici aujourd’hui.
    Tout au long des témoignages sur l’éducation en 2011, de nombreux représentants du secteur de l’éducation ont énoncé explicitement que les établissements ne cesseraient pas de payer des droits de licence à des sociétés de gestion des droits d'auteur, comme Access Copyright et Copibec, si l’éducation était incluse dans les dispositions sur l'utilisation équitable. Le 5 décembre 2012, une nouvelle loi est entrée en vigueur. Madame Noel, vous avez envoyé une lettre officielle à Access Copyright au nom du CMEC et des conseils scolaires de l’Ontario dans laquelle il était mentionné qu'ils ne se conformeraient plus au régime tarifaire.
    Pouvez-vous expliquer cette contradiction entre le témoignage de 2011 et la lettre de 2012 à Access Copyright?

  (1620)  

    Certainement.
    Votre collègue qui est à côté de vous a posé la même question. La décision de ne plus seulement nous en remettre au tarif d’Access Copyright, mais d'avoir également recours à d’autres sources pour l'affranchissement des droits d’auteur n’a rien à voir avec l’ajout de l’éducation à la liste des fins constituant une utilisation équitable. Cette décision de ne pas payer le tarif est fondée uniquement sur la décision de la Cour suprême du Canada. Si la Cour suprême du Canada avait rendu une autre décision, il n’y aurait pas eu de retrait du régime tarifaire.
    Avant cette décision, on ne savait pas exactement si les enseignants pouvaient faire une copie d’un court extrait —« un petit peu » était le terme utilisé — pour chacun des étudiants de leur classe. C’est ce qu’on appelle faire des « copies multiples pour l’utilisation en classe ». Disons que vous enseignez à une classe de 30 étudiants et que vous voulez une copie d’un article de journal. Pouvez-vous en faire une copie pour chacun des étudiants de la classe? Avant la décision de la Cour suprême, on pensait qu’on pouvait faire une seule copie, qu’il était interdit de faire des copies multiples pour une classe. La décision a profondément modifié les dispositions législatives sur l’utilisation équitable, mais elle n’avait rien à voir avec l’ajout de l’éducation aux fins constituant une utilisation équitable. La Cour suprême a rendu sa décision en juillet, et le retrait a eu lieu le 1er janvier suivant.
    D’accord. Revenons à certains détails mentionnés par Universités Canada — j’ai la citation devant moi, mais pour éviter de perdre du temps, je ne vais pas me donner la peine de la lire pour le compte rendu —, l'association avait fait observer que les universités ne se retireraient en aucun cas du régime. Cela a été dit devant le Comité, puis vous avez envoyé la lettre en question au CMEC. J’essaie de...
     Vous essayez de comprendre.
    J’essaie de comprendre ce qui s’est passé entre les deux, ce qui, essentiellement, nous a menés au point où nous en sommes aujourd’hui.
    D’accord. Je vais essayer.
    L’éducation a été ajoutée aux fins constituant une utilisation équitable en 2012. C’était au cours du printemps et de l’été. Au Parlement, la question posée à la ministre Jennex a été la suivante: « Est-ce que l’ajout de l’éducation comme nouvelle fin dans les dispositions sur l’utilisation équitable aura une incidence sur les paiements que vous versez aux titulaires de droits? » Elle a répondu que non, ce ne serait pas le cas, et il n'y en a effectivement pas eu.
    Puis, il y a eu la décision de la Cour suprême, qui a interprété la notion d’utilisation équitable de façon beaucoup plus large que quiconque ne s'y serait attendu. La Cour a statué que la reproduction pour l’enseignement aux étudiants est une utilisation équitable tant que l’extrait reproduit est court. Il s’agissait d’une interprétation très large de la notion d’utilisation équitable, qui, six mois plus tard, a mené à la décision de ne plus payer le tarif d’Access, parce que ce n'était plus avantageux. Des millions de dollars étaient dépensés pour une licence qui n’avait plus du tout de valeur à cause de la décision de la Cour suprême, et non pas de l'ajout de l’éducation aux dispositions sur l’utilisation équitable.
    Il me reste une minute. Nous recevrons plus tard des représentants d’Access Copyright. Espérons que nous pourrons éclaircir certains points.
    J'aimerais vous poser une question, monsieur le ministre Churchill. En moyenne, par rapport à leur budget annuel total, combien d’argent les écoles et les conseils et commissions scolaires du Canada dépensent-ils chaque année pour acquérir des oeuvres protégées par un droit d’auteur?
    Nous n’avons pas le montant que vous demandez, mais nous demanderons aux fonctionnaires, s'ils peuvent le fournir au Comité.
    D’accord. Merci.
    Nous allons passer à vous, monsieur Jowhari. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Baylis.
     Merci d'être venu, monsieur le ministre.
    Monsieur le ministre, le CMEC a publié ses propres lignes directrices sur l’utilisation équitable. Pouvez-vous m’aider à comprendre le processus que le CMEC a suivi pour les élaborer? Qui avez-vous consulté?

  (1625)  

    Mme Noel a participé au processus. Je vais donc la laisser vous l'expliquer plus en détail.
    Après que la Cour suprême du Canada ait rendu sa décision en 2012 et interprété la notion d’utilisation équitable de façon large, en disant qu’il était permis ou équitable de reproduire de courts extraits pour l’enseignement, nous avons dû — par « nous », j'entends les conseillers juridiques des collèges, des universités et du Conseil des ministres de l’Éducation — définir l'expression « court extrait ». La Cour suprême a dit qu’on peut copier de courts extraits pour les étudiants d’une classe, mais elle n’a rien dit sur ce qu'est un court extrait.
    Un certain nombre de sources nous ont guidés dans l’élaboration des limites qui figurent dans les lignes directrices sur l’utilisation équitable.
     Le jour où elle a statué sur la façon d’interpréter la notion d’utilisation équitable dans le contexte de l’éducation, la Cour suprême a rendu une autre décision, dans laquelle elle interprétait cette notion dans le contexte de la vente de musique en ligne. Dans ce cas-là, elle a chiffré la quantité pouvant être reproduite aux fins d’une utilisation équitable, et elle correspondait à un extrait. Lorsqu'on achète de la musique en ligne, on peut en écouter un extrait. On peut en écouter une partie. Il s’agissait d'un extrait de 30 à 90 secondes d’une chanson de 4 minutes. Trente secondes sur quatre minutes, cela représente 12,5 % de l’oeuvre musicale. Voilà une des sources.
    Nous nous sommes également penchés sur la jurisprudence aux États-Unis, où, comme ici au Canada, il y a un différend entre les éditeurs et une université au sujet de la quantité qui peut être reproduite pour les étudiants. Dans ses décisions, qui ont maintenant été portées devant la cour d’appel fédérale, puis renvoyées à l'instance inférieure pour réexamen, et revenues sans qu’aucune décision ait encore été rendue, la cour a utilisé à maintes reprises dans sa décision le seuil de 10 %, ou un chapitre, et conclu que ce seuil était équitable.
    Permettez-moi de poser une question très précise...
     J’aimerais dire une dernière chose avant, parce que les lignes directrices sur l’utilisation équitable sont une interprétation conservatrice de l'expression « court extrait ». Si vous voulez savoir pourquoi elles sont conservatrices... regardez ce qui se passe ailleurs dans le monde, ailleurs qu'au Canada. En Israël, par exemple, il y a eu un différend entre le milieu de l’enseignement supérieur et les éditeurs. Là-bas, le seuil est de 20 % d’une oeuvre.
    Dans le cadre de votre examen et de l’élaboration des lignes directrices, avez-vous demandé aux créateurs de contenu ce que signifie « utilisation équitable » pour eux?
    Il y a eu un litige entre nous pendant des années. Non, nous ne l’avons pas fait, parce qu’il n'y avait aucune possibilité d'entente.
     Il n’y en a toujours pas aujourd’hui. C’est sur quoi se penche le Comité. Non.
     D’accord. Merci.
    J’aimerais revenir rapidement sur vos statistiques. Elles sont très intéressantes, mais je crains qu’elles soient un peu trompeuses.
    Lorsque vous avez fait ce travail, vous avez utilisé les chiffres de Statistique Canada. Avez-vous fait la conversion en dollars moyens? Avez-vous ramené les chiffres aux mêmes dollars?
    Voulez-vous dire en dollars constants? Oui.
    Il s’agit de frais en dollars constants que vous avez appliqués...
    Je crois que oui. J’ai posé la même question.
    Avez-vous appliqué le taux d’inflation?
    La réponse que j'ai reçue, c'est « dollars constants ».
    Nous ne savons donc pas de quel dollar il s'agit.
    Je vois qu’il y a aussi une erreur ici. C’est pour cette raison que j’ai commencé à avoir des doutes. Il est indiqué que 66 % de toutes les ventes canadiennes sont des ventes de livres. Le chiffre est entre parenthèses. J’ai fait le calcul rapidement. Je n'arrive à 66 % dans aucun cas. C'est ce qui m’a poussé à remettre en question certains de vos calculs.
    Êtes-vous absolument certaine que c’est en dollars constants?
    Il y a des statisticiens au Conseil des ministres. Je ne suis pas moi-même statisticienne. C'est eux qui produisent la liste.
    Je sais qu’il y en a. Je pose simplement la question. Ils ont fait une erreur sur un point, alors je vous demande si vous pouvez nous confirmer que c’est en dollars constants.
    J’ai posé la question. C’est la réponse que j'ai eue. Oui, c'est en dollars constants.
     Ils fournissent aussi un indice des prix à la consommation, précisément pour l’éducation. Pourriez-vous nous expliquer en quoi ces chiffres reflètent les variations liées à l’éducation?
    S'il y a des données de Statistique Canada là-dessus, nous pourrions vous fournir l'explication.
    Statistique Canada a bel et bien des données sur l’indice des prix à la consommation, précisément sur les loisirs et l’éducation. Pourriez-vous comparer les chiffres à cet indice pour voir leur variation par rapport à l'indice? Vous avez dit qu’ils sont en dollars constants. Vous pourriez peut-être nous dire lequel.
    Premièrement, comment les chiffres varient-ils en fonction de l’IPC, et deuxièmement, lequel des dollars est le dollar constant, c'est bien ça?
    Oui. Les dollars constants. Vous dites ici — j’ai peut-être mal compris — 66 % des ventes. C’est peut-être vrai aussi. Je ne suis pas arrivé au même résultat. Pourriez-vous nous fournir cette précision également?
    Quelle serait la précision? Le 66 %?
    Il est indiqué: voici les ventes de livres au Canada, voici les ventes de livres en Ontario, et entre parenthèses, que cela représente 66 % de toutes les ventes au Canada. Je viens de faire le calcul. J’ai multiplié les deux chiffres, et ça ne donne pas 66 %.

  (1630)  

    Je vais faire sortir les extraits du Hansard et les transmettre aux statisticiens pour voir si je peux obtenir les réponses.
    Il y a donc trois questions. Premièrement, de quels dollars constants s'agit-il? Deuxièmement, pourrions-nous avoir la comparaison du taux de variation dans ce cas-ci avec celui de l’indice des prix à la consommation, précisément pour l’éducation? Compte tenu de la proportion de votre budget réservé à l’éducation... Est-ce que c'est constamment ce que vous dépensez en livres canadiens, ou encore est-ce que votre budget diminue ou reste le même?
    Comprenez-vous?
    Je peux retrouver votre question précise dans le Hansard.
    C’est tout. La troisième est... peut-être ai-je mal compris quelque chose... mais veuillez préciser cela également.
    Merci.
    Pour les deux dernières minutes, nous passons à M. Masse.
    Merci, monsieur le président.
    Pour faire suite à ce que vous disiez au sujet des deux copies par étudiant, j’aimerais simplement savoir d'où vient ce chiffre sur le plan de l'accumulation des données. J'aimerais savoir aussi s'il y a eu des cas précis de violation grave du droit d’auteur. Quelles ont été les conséquences pour les gens qui l'ont enfreint? Quelle est votre politique à cet égard?
    Comment avez-vous obtenu les chiffres? Je suis sûr qu’il y a beaucoup d’étudiants qui enfreignent le droit d’auteur, mais y a-t-il eu des cas graves? Qu’arrive-t-il à ces personnes?
    Ce chiffre vient des 600 millions de pages qui, selon l’industrie, sont diffusées gratuitement chaque année dans les écoles du Canada. Je répète que nous ne savons pas si ce chiffre est exact. Prenons 2 % de ce nombre — puisque, d’après la Commission du droit d’auteur du Canada et la Cour d’appel fédérale, seulement 2 % des copies ne font pas l'objet d'une utilisation équitable —, cela fait 12 millions de copies. Il y a sept millions d’étudiants au pays, ce qui fait donc environ deux copies par étudiant par école...
    Oui, vous venez d’appliquer leurs propres chiffres. En réalité, ce sont leurs propres données.
     C'est ce qu'on obtient en utilisant les données de l’industrie.
     Les conséquences en matière de violation du droit d’auteur sont-elles différentes d'une province à l'autre?
    Les mécanismes en place relativement aux problèmes de rendement et aux mesures disciplinaires diffèrent d’une province à l'autre, même parfois d’un conseil ou d'une commission scolaire à l’autre.
    Merci, monsieur le président.
    Sur ce, j’aimerais remercier Mme Noel et le ministre Zach Churchill d’être venus aujourd’hui et d'avoir répondu à des questions quand même assez ardues. Vous aurez constaté que nous sommes un groupe très curieux. Nous essayons de trouver le noeud du problème. Je vous remercie tous les deux d’être venus nous parler aujourd’hui.
    Nous allons suspendre la séance très brièvement, le temps que nos prochains témoins s’installent.
    Merci beaucoup.

  (1630)  


  (1635)  

     Bienvenue à tous.
    Pour la seconde heure, nous accueillons Frédérique Couette, directrice générale de Copibec. Nous accueillons également Roanie Levy, présidente et directrice générale d’Access Copyright.
    Nous allons commencer par Copibec.

[Français]

    Vous disposez de sept minutes.
    Bonjour. Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui.
    Je me nomme Frédérique Couette. Je suis la directrice générale de Copibec, la Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction.
    Créée en 1997, Copibec est la société de gestion appartenant à la collectivité des auteurs et des éditeurs québécois. C'est un organisme sans but lucratif. Nous percevons les redevances et les remettons aux auteurs, aux journalistes pigistes, aux créateurs et aux éditeurs après le paiement de nos frais de gestion.
    Il y a environ six ans, nous témoignions devant le comité chargé d'étudier le projet de loi C-32. Nous mettions alors en garde les députés contre les dérives et les risques liés à l'introduction du mot « éducation » dans l'exception d'utilisation équitable. Les représentants du secteur de l'éducation tenaient un discours rassurant. Jamais, affirmaient-ils, ils ne mettraient fin aux licences avec les sociétés de gestion. Il s'agissait d'une simple clarification sans aucune conséquence négative tangible pour les titulaires de droits.
    Pourtant, dès le mois de janvier 2013, ces mêmes instances ont commencé à mettre fin à leurs ententes avec Access Copyright. Depuis, la situation n'a cessé de se détériorer. Elles se sont approprié le droit d'établir des politiques de copiage permettant la reproduction d'un chapitre ou de 10 % d'une oeuvre, selon l'interprétation la plus large possible, afin de ne plus payer les redevances versées aux titulaires de droits par l'intermédiaire de leur société de gestion. Les ministères de l'Éducation hors Québec sont même allés, récemment, jusqu'à poursuivre les titulaires de droits par l'entremise d'Access Copyright, tout en refusant de payer la redevance, pourtant minime, décidée par la Commission du droit d'auteur du Canada en 2017.
    Au Québec, la situation est également préoccupante. L'Université Laval, en juin 2014, a adopté une politique de reproduction calquée sur celle appliquée dans les établissements d'enseignement dans le reste du Canada. Les autres universités québécoises, les cégeps et le ministère de l'Éducation continuent de travailler avec Copibec, mais chaque renégociation des ententes entraîne une nouvelle baisse des redevances. Ainsi, la redevance annuelle par étudiant universitaire a baissé de près de 50 %, passant de 25,50 $ en 2012 à 13,50 $ en 2017, et celle des cégeps a baissé de 15 %.
    Nous devons malheureusement constater que nos craintes se sont, pour l'essentiel, concrétisées. Les revenus de licences des titulaires de droits fondent sous la pression du milieu de l'éducation, les litiges se multiplient et s'éternisent, pendant que les oeuvres de l'esprit ne cessent d'être dévaluées lors de chaque négociation des licences. Ainsi, bien que Copibec ait maintenu ses frais de gestion à 15 %, la redevance payée aux auteurs, aux créateurs et aux éditeurs a baissé de 23 % pour chaque page copiée par les universités.
    Les universités vous ont parlé des millions de dollars qu'elles dépensent en budget d'acquisition pour accéder au contenu des grands éditeurs étrangers de revues scientifiques. Cependant, environ 80 % des déclarations de reproduction que nous recevons, quel que soit le niveau d'enseignement, portent sur des reproductions de livres, et non de revues internationales. Ce ne sont pas les grands groupes étrangers d'édition de revues qui ont pâti de la baisse des redevances, mais bien nos petits et moyens éditeurs, nos éditeurs d'ici, ceux pour qui les redevances représentent en moyenne 18 % des bénéfices nets. Pour certains éditeurs de livres, les redevances peuvent représenter plus de 30 % des bénéfices nets. Ces revenus contribuent aussi de façon considérable à la pérennité de revues spécialisées canadiennes et québécoises et peuvent faire pencher la balance vers la survie de la publication ou encore vers sa faillite. Pour nos auteurs dont la situation est déjà précaire, tout affaiblissement des revenus en provenance d'un des maillons de la chaîne du droit d'auteur se répercute sur leur capacité financière à créer.
    L'expérience québécoise présente malgré tout un exemple de gestion collective permettant la négociation d'ententes entre utilisateurs et titulaires de droits. Je ne vous dirai pas que tout va bien, car ce n'est pas le cas. En fait, si rien n'est entrepris pour rectifier l'effet désastreux des modifications de 2012, la situation au Québec n'ira qu'en se dégradant et nous observerons une décroissance constante des redevances, voire leur disparition pure et simple.
    Actuellement, les étudiants d'universités québécoises paient 13,50 $ par année pour la licence de Copibec. Cela représente moins d'un demi de 1 % du total des frais de scolarité annuels moyens d'un étudiant québécois. De plus, dans les ententes signées avec ces universités — elles sont signées avec les universités, et non avec les étudiants —, rien ne les oblige à répercuter ces coûts sur les étudiants. À titre d'exemple, pour l'Université Concordia et l'Université de Montréal, cela représente respectivement, pour l'année universitaire 2017-2018, 0,08 % et 0,07 % du budget de fonctionnement annuel.
    Les frais de scolarité ne sont pas plus élevés au Québec que dans le reste du Canada. Payer des redevances pour la reproduction d'extraits d'oeuvres n'a jamais mis le système éducatif canadien en péril ni entraîné le surendettement des étudiants.
    On vous a présenté l'exception d'utilisation équitable à des fins d'éducation comme l'outil par excellence de l'accessibilité aux oeuvres. Nous restons extrêmement perplexes devant ces affirmations qui ne sont soutenues par aucune démonstration pertinente. En revanche, nous savons que la gestion collective a toujours comporté cet élément d'accessibilité aux oeuvres, incluant les oeuvres sur support numérique, grâce aux ententes signées avec les sociétés de gestion étrangères membres de la Fédération internationale des organisations de droits de reproduction, l'IFRRO.
    Atout indéniable d'une loi équilibrée, la gestion collective concilie accessibilité des oeuvres et facilité de gestion, d'une part, avec rémunération des titulaires de droits grâce au paiement de redevances d'un montant raisonnable, d'autre part. Elle favorise non seulement l'accès immédiat à la connaissance, mais elle préserve la création et la diversité culturelle de demain. Ce n'est pas sans raison que l'UNESCO considère que la gestion collective est « un élément essentiel de construction d'un système national moderne de protection du droit d'auteur, capable de concourir efficacement à la dynamique du développement culturel ».
    Les droits fondamentaux protègent la rémunération des auteurs et des éditeurs. La Déclaration universelle des droits de l'homme énonce que tout travail mérite salaire et protège la propriété intellectuelle. Le droit d'auteur, dans toutes ses composantes, est également intrinsèquement lié à la liberté d'expression des auteurs en leur permettant d'obtenir des revenus indépendants qui favorisent une indépendance de pensée.
    Monsieur le président, messieurs les vice-présidents, membres du Comité, je vous remercie de nous avoir écoutés aujourd'hui. Je tiens à souligner que nos demandes s'inscrivent dans une démarche de modernité et d'avenir d'une société qui investit dans sa culture à l'ère du numérique. La gestion collective n'est pas un modèle du passé, mais un modèle contemporain garant d'accessibilité et de diversité culturelle. Les décisions que vous prendrez à l'issue du processus actuel auront des répercussions fondamentales sur l'avenir du secteur du livre et du développement culturel au Canada.
    Je conclurai enfin ma présentation en citant un passage du Cadre stratégique du Canada créatif, publié en 2017, concernant l'examen de la Loi sur le droit d'auteur:
[...] Notre cadre du droit d'auteur est un élément essentiel de notre économie créative, et le restera. En vertu d'un régime de droit d'auteur efficace, les créateurs peuvent tirer profit de la valeur de leurs oeuvres, et les utilisateurs peuvent continuer d'avoir accès à une vaste gamme de contenu culturel.
    La gestion collective s'intègre dans ces objectifs et dans les autres poursuivis par la politique culturelle canadienne.
    Merci.

  (1645)  

    Merci beaucoup.
    Madame Levy, vous avez sept minutes.

[Traduction]

     Je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître devant le Comité.
    Je m’appelle Roanie Levy, et je suis présidente et directrice générale d’Access Copyright. Access Copyright est une société de gestion du droit d’auteur sans but lucratif qui a été créée en 1988 par des créateurs et des éditeurs canadiens de manuels scolaires, de publications commerciales, de journaux, de magazines et de revues spécialisées pour gérer la réutilisation de leurs oeuvres.
    La reproduction pour laquelle les créateurs étaient auparavant rémunérés est maintenant gratuite en vertu des soi-disant lignes directrices sur l’utilisation équitable. Ces politiques de reproduction reflètent l’interprétation que le secteur de l’éducation fait de la notion d’utilisation équitable et ont été élaborées sans l’apport ni l'appui des créateurs et des éditeurs. Ces politiques de reproduction, modelées sur les limites de reproduction qui donnaient auparavant lieu à un paiement au titre de la licence d’Access Copyright, ont en fait remplacé la licence collective par une exception sans rémunération sous le couvert de l’utilisation équitable aux fins d’éducation.
    Le résultat est que 600 millions de pages de contenu protégé par le droit d’auteur sont reproduites gratuitement chaque année par le secteur de l’éducation. Il s’agit de contenu qui n’est pas sous licence par l’intermédiaire des bibliothèques universitaires ni offert dans le cadre de licences de libre accès. Les redevances perçues par Access Copyright dans le secteur de l’éducation ont diminué de 89 % depuis 2012. Dans le passé, ces redevances comptaient pour 20 % des revenus d’écriture des créateurs et 16 % des profits des éditeurs. On estime à 30 millions de dollars par année la perte de redevances subie par les créateurs et les éditeurs en raison de l’interprétation que le secteur de l’éducation fait de la notion d'utilisation équitable. À cette perte, il faut également ajouter la perte de ventes essentielles attribuable à l’effet de substitution du contenu gratuit reproduit au titre des politiques de reproduction du secteur de l’éducation.
    J’ai structuré mes observations d'aujourd’hui en fonction de quatre questions, ce qui, j’espère, sera utile au Comité. Premièrement, lorsque la loi a été modifiée, l’intention du Parlement était-elle de supprimer la licence collective et de la remplacer par une exception non rémunérée? Deuxièmement, les politiques de reproduction prennent-elles appui sur les enseignements de la Cour suprême du Canada? Troisièmement, les politiques de reproduction nuisent-elles au secteur de l’écriture et de l’édition au Canada? Et quatrièmement, quel devrait être le véritable objectif de l’utilisation équitable aux fins d’éducation?
    Pour connaître l'objectif et l'interprétation de l’ajout de l’éducation aux fins d’utilisation équitable, il est utile de se reporter aux observations formulées par le secteur de l’éducation durant les audiences législatives sur le projet de loi. Des représentants du secteur de l’éducation ont assuré à maintes reprises et avec insistance au comité législatif que les changements ne feraient pas en sorte que le secteur de l’éducation cesse de payer pour la reproduction des oeuvres. Selon leurs témoignages, l’utilisation équitable aux fins d’éducation ne remplacerait pas la licence collective.
    À titre d'exemple, Paul Davidson, président d’Universités Canada, a dit ceci:
     En particulier, certains ont affirmé que le secteur de l'éducation ne voulait pas payer pour obtenir du matériel didactique et que le projet de loi C-32, en particulier l'ajout de l'éducation à titre de nouvelle fin constituant une utilisation équitable, allait causer un préjudice au secteur de l'édition au Canada et faire fondre les recettes des sociétés de gestion du droit d'auteur comme Access Copyright. Selon une autre affirmation, le secteur de l'éducation ne veut pas indemniser les créateurs qui produisent du matériel didactique. Ces affirmations sont fausses et ne sont pas conformes à la réalité.
    Les représentants du secteur de l'enseignement primaire et secondaire n'ont pas cessé de formuler les mêmes assurances. Ils ont répété à maintes reprises qu'ils ne cherchaient pas à obtenir quoi que ce soit gratuitement.
    Comme on l’a mentionné plus tôt, Ramona Jennex a comparu devant le comité législatif, et elle a dit ce qui suit:
    Il n'y a rien dans le projet de loi C-32 qui change la relation actuelle entre le secteur de l'éducation, les éditeurs, les fournisseurs de contenu, les sociétés de gestion collectives et la Commission du droit d'auteur.
    Même si le remplacement de la licence collective par une exception non rémunérée n'était pas l'intention au moment de l'ajout de l’éducation aux fins constituant une utilisation équitable, nous savons maintenant que c’est exactement ainsi que le secteur de l’éducation a réagi à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur. Partout au pays, sauf au Québec, des établissements d'enseignement ont adopté des politiques de reproduction qui incitent à la reproduction systémique et systématique de masse d'oeuvres protégées sans que leurs créateurs soient rémunérés. Une fois ces politiques adoptées, la plupart des établissements d’enseignement ont cessé d'honorer leur accord de licence de longue date avec Access Copyright.

  (1650)  

     Donc, si les politiques de reproduction n'étaient pas visées par les modifications à la loi, sont-elles conformes aux décisions de la Cour suprême dont il a été question plus tôt aujourd'hui?
    Après l'adoption des politiques de reproduction, le seul recours des créateurs et des éditeurs pour clarifier l'utilisation équitable a été de porter l'affaire devant les tribunaux. C'est pourquoi Access Copyright a poursuivi l'Université York. Dans une décision rendue en juin 2017, la Cour fédérale a conclu sans équivoque que les politiques et les pratiques de reproduction adoptées par l'Université York, qui sont pratiquement identiques aux politiques adoptées dans l'ensemble du pays par les établissements d'enseignement, y compris ceux de la maternelle à la 12e année:
« ne sont pas équitables, que ce soit dans leur formulation ou leur application. Les Lignes directrices ne résistent pas à l'application du critère à deux volets établi par la jurisprudence de la Cour suprême du Canada pour trancher cette question. »
    Les politiques de reproduction ne sont pas conformes aux règles établies par la Cour suprême du Canada.
    Est-ce que cela nuit à la création littéraire et à l'édition au Canada? L'affaire York a fait l'objet d'une audience de quatre semaines, au cours de laquelle le juge de la Cour fédérale a entendu de nombreux témoignages présentés par les deux parties, y compris ceux contradictoires d'experts en économie. Le tribunal a examiné les politiques de l'université en matière de reproduction et leur incidence sur les créateurs et les éditeurs. Après un examen attentif, le juge a conclu que les politiques sont arbitraires et injustes et qu'elles entraînent en fin de compte un « transfert de richesse » injuste des créateurs aux établissements d'enseignement. Fait important, la Cour a conclu que: « Toute suggestion que les Lignes directrices n'ont pas et n'auront pas de répercussions négatives sur les détenteurs de droits d'auteur ou les éditeurs n'est pas soutenable. »
    Il est important de noter que cette décision est la seule décision judiciaire ou la seule décision de la Commission du droit d'auteur qui examine l'équité des politiques de reproduction. Aucun tribunal n'a rendu d'autres décisions pour déterminer si la reproduction de 10 % d'une oeuvre ou d'un chapitre d'un livre est équitable, à part celle-ci.
    Quel devrait donc être l'objectif véritable de l'utilisation équitable? Encore une fois, je pense qu'il est instructif de revenir aux représentations faites par le secteur de l'éducation devant le comité législatif.
    Voici un premier exemple. Steve Wills, qui était à l'époque gestionnaire des Relations avec les gouvernements et affaires juridiques de l'Association des universités et collèges du Canada, l'a dit clairement:
Tout d'abord, pour ce qui est du secteur de l'éducation, j'aimerais vous dire pour commencer qu'aucune disposition du projet de loi C-32 ne va modifier les recettes que reçoivent les sociétés de gestion comme Access Copyright et Copibec. Il ne s'agit pas d'épargner de l'argent. Ce dont il s'agit — en particulier avec l'extension de la portée de l'utilisation raisonnable —, c'est de permettre certaines choses en matière d'éducation qui, à l'heure actuelle, ne sont pas permises.
    Mme Ramona Jennex nous aide également à comprendre quel devrait être le véritable but de l'utilisation équitable:
Nous ne cherchons pas à obtenir quoi que ce soit gratuitement. Le secteur de l'éducation paie pour obtenir des licences et remet des redevances de droit d'auteur, et il continuera à le faire. Les amendements que nous proposons visent à préciser la situation.
    Le but véritable des amendements de 2012, comme le soulignaient les représentants du secteur de l'éducation devant le comité législatif, était de préciser que l'utilisation équitable peut être invoquée par les établissements d'enseignement lorsque la reproduction d'une oeuvre n'est pas couverte par des licences ou facilement accessible par l'entremise des titulaires de droits, et non pas pour échapper aux licences collectives.
    Nous exhortons le Comité à recommander que cela soit clairement énoncé dans la loi. À mesure que le litige perdure, l'incertitude entourant ce qui peut être copié met les éducateurs au défi chaque jour. Les créateurs sont privés d'une part importante de leurs revenus et les éditeurs d'ouvrages scolaires doivent prendre des décisions difficiles. Les éditeurs quittent le marché de l'éducation, ce qui entraîne des pertes d'emplois et une réduction importante des investissements dans la création de contenu canadien. Cela se traduit par une diminution des possibilités et des revenus pour les créateurs.

  (1655)  

     Au bout du compte, nous sommes tous perdants lorsque les créateurs et les éditeurs canadiens n'ont pas les incitatifs économiques et la capacité nécessaires pour continuer à créer du contenu qui reflète ce que nous sommes, nos expériences et nos valeurs en tant que Canadiens.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Compte tenu du temps dont nous disposons, nous allons passer à M. Baylis. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Merci de votre présentation, madame Couette.

[Traduction]

     Merci, madame Levy, de votre présence ici.
    Nous entendons deux points de vue. D'une part, les universités, par la voix de leurs représentants, nous disent qu'elles paient de plus en plus cher. D'autre part, nous entendons des auteurs, des éditeurs et vous-mêmes, votre association, dire qu'ils reçoivent de moins en moins.
    Pouvez-vous nous aider à clarifier cela? Êtes-vous d'accord? Est-ce que les universités paient davantage? Recevez-vous moins? Si oui, à quoi cela tient-il?
    Nous ne contestons pas le fait que les secteurs universitaires paient de plus en plus pour le contenu. Ce qu'il est important de garder à l'esprit, c'est que le contenu qu'ils achètent et qu'ils paient par l'entremise des licences de leurs bibliothèques est différent du contenu qu'ils copient en vertu de leurs politiques de reproduction. Nous parlons de deux catégories différentes de contenu. Il y a des chevauchements, mais très peu.
    Le contenu qui fait l'objet de licences est, selon leurs propres témoignages devant vous, surtout constitué d'articles de revues. Par exemple, le Réseau canadien de documentation pour la recherche a témoigné que sur les 125 millions de dollars dépensés, 122 millions de dollars vont à des éditeurs étrangers. Ce contenu est souvent créé par des universitaires, des gens qui reçoivent un salaire pour leurs contributions.
    Le contenu qui est habituellement copié en vertu de la licence d'Access Copyright, aujourd'hui en vertu de ses lignes directrices sur l'utilisation équitable, est surtout composé de livres, et non de revues. Il s'agit de contenu créé par des auteurs professionnels qui comptent sur les redevances pour leur rémunération. Ce n'est pas le contenu qui fait l'objet de redevances pour une large part grâce aux licences des bibliothèques.
    Il s'agit de deux catégories différentes de contenu. Le contenu canadien qui est adapté et personnalisé, qui raconte notre histoire, se trouve dans la catégorie « B », c'est-à-dire celle du contenu qui est reproduit aujourd'hui gratuitement.
    Peu importe la façon dont on l'applique ou non, l'idée de l'utilisation équitable est de faciliter un peu les choses pour permettre aux gens de faire quelques copies d'un livre, par exemple. Cherchez-vous à serrer la vis...? Voulez-vous faire de l'argent, monétiser chaque exemplaire, ou êtes-vous contre...?
    Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur ce que devrait être l'utilisation équitable? Vous n'êtes pas satisfaite de ce que c'est. Devrait-elle exister, premièrement, et deuxièmement, si elle existe, quelle forme devrait-elle prendre?
    Oui, l'utilisation équitable devrait exister. Nous ne disons pas qu'il faut la supprimer. Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que l'utilisation équitable doit permettre la création d'un marché. La façon dont on l'applique aujourd'hui ne permet pas au marché des ouvrages éducatifs de survivre.
    Je pense que nous pourrions nous inspirer de la façon dont l'utilisation équitable est appliquée dans d'autres pays, comme le Royaume-Uni et l'Australie, et qui a pour résultat que, dans ces pays, la reproduction par les établissements d'enseignement n'est pas permise. S'il y a une licence, il faut la payer. L'utilisation équitable est la reproduction qui est faite par les étudiants, la reproduction autogénérée d'ouvrages. C'est ce que nous constatons en Australie et au Royaume-Uni. Ces deux pays ont des dispositions sur l'utilisation équitable. Les mécanismes s'y appliquant sont différents dans les deux pays, mais le résultat final est le même.

  (1700)  

    Ces mécanismes permettent aux étudiants de dire que l'utilisation équitable leur est destinée, mais l'établissement doit payer.
    C'est exact. La reproduction en masse systématique qui se fait dans les établissements, par exemple, la copie de chapitres, et les 10 % de contenu qui sont chargés dans les systèmes de gestion de l'apprentissage en ligne, qui sont reproduits dans des trousses de cours et qui remplacent l'achat de livres, ne devraient pas constituer une utilisation équitable. C'est ce que le juge a conclu dans l'arrêt York.

[Français]

    Madame Couette, Mme Levy vient de nous présenter ce qui se fait en Australie ou au Royaume-Uni comme étant des solutions.
    Copibec serait-elle favorable à cette approche? Que pensez-vous de ces solutions?
    C'est une vision que nous partageons avec Access Copyright. Nous avons la même inclination. À notre avis, nous devrions nous rapprocher des dispositions qui existent en Angleterre, au Royaume-Uni ou en Nouvelle-Zélande. C'est le même processus. Des dispositions s'appliquent à partir du moment qu'une licence est accordée.
    L'article 2 de la Loi sur le droit d'auteur du Canada définit l'« accessibilité sur le marché ». C'est déjà utilisé pour limiter certaines exceptions en faveur de l'éducation, mais cela pourrait être étendu à l'article 29. Ce dernier article a, en son coeur, la notion du caractère raisonnable. Selon l'article 2, à partir du moment où cela s'applique et que, après des recherches raisonnables, une licence est disponible à un coût raisonnable et dans un délai raisonnable, on ne devrait pas pouvoir recourir à la notion d'utilisation équitable. Cela permettrait de limiter ce recours et on aboutirait exactement à...
    On parle ici des établissements d'enseignement, quand même, et pas des étudiants.
    Tout à fait. Cela nous permettrait de donner aux étudiants la possibilité de satisfaire leurs besoins de recherches personnelles aux fins de travail à la maison, par exemple, alors que tout ce qui relève des établissements serait couvert par la licence.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Bernier.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vais partager avec M. Jeneroux le temps de parole qui m'est alloué.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Couette.
    Êtes-vous d'accord avec Mme Levy en ce qui concerne la façon dont l'université utilise les droits d'auteur pour les copies des bibliothèques en général, d'une part, et ce que font les étudiants en classe, d'autre part? Partagez-vous son opinion?
    Parlez-vous du partage entre acquisitions et licences?
    Oui.
    En effet, parce que nos contrats de licence sont conclus avec les universités, nous recevons une déclaration de leur part, et cette déclaration touche à 80 % des livres. Ce qu'elles nous déclarent, ce sont des livres, effectivement.
    La licence ne couvre pas les éditeurs internationaux. D'ailleurs, les montants que nous remettons à ces éditeurs internationaux représentent des peccadilles pour eux. Là où s'est fait sentir une baisse considérable de revenus en ce qui concerne les licences, c'est vraiment du côté de nos éditeurs locaux, de nos éditeurs nationaux canadiens et québécois.
    Vous êtes donc d'accord aussi sur le fait que, lorsque les universités nous disent qu'elles paient de plus en plus cher pour les droits d'auteur, d'un côté, c'est vrai; de l'autre côté, vous dites que vos revenus diminuent, pour les raisons que vous venez d'expliquer, n'est-ce pas?
    Absolument. En fait, ce que les universités vous disent, c'est surtout qu'elles paient plus pour de l'acquisition, alors que nous, elles nous paient pour de la reproduction.
    D'accord, parfait.
    En ce qui concerne les solutions, vous avez dit tout à l'heure que vous aimiez bien la loi du Royaume-Uni, entre autres pays. Doit-on garder dans la Loi sur le droit d'auteur du Canada l'utilisation raisonnable dans le domaine de l'éducation? Si oui, faudrait-il mieux l'encadrer? Devrait-on plutôt retourner à la version antérieure de la Loi qui n'incluait pas cette notion pour le domaine de l'éducation?
    La notion d'utilisation équitable a toujours été dans la loi canadienne. Cela en fait partie intégrante, tout comme les sociétés de gestion en font partie intégrante; cela fait partie de l'équilibre.
    Cependant, c'est cette interprétation de l'utilisation raisonnable aux fins de l'éducation telle qu'elle est proposée aujourd'hui par les universités qui pose problème. Si nous adoptions des dispositions comparables à celles qu'on retrouve, sous une forme différente, en Grande-Bretagne, en Nouvelle-Zélande ou en Australie, cela permettrait de rééquilibrer la situation et d'aller chercher ces redevances lorsqu'on parle de reproduction de masse institutionnalisée et systématique.

  (1705)  

    Il faudrait donc resserrer ces critères, et non pas se fier à la jurisprudence ou à l'interprétation que les différentes cours ont faite de la Loi, est-ce bien cela?
    Si on parle de l'interprétation des cours, ce que vous a dit Mme Noel, c'est qu'elle se fiait à l'interprétation de 2012 dans la décision Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright). Cette décision n'a jamais dit qu'on pouvait reproduire jusqu'à 10 % d'une oeuvre ou un chapitre au complet. Dans cette décision, on parlait de quatre pages et demie par année par étudiant. C'est donc très loin de 10 %.
    J'ai des chiffres provenant des déclarations des établissements d'enseignement. Au Québec, on parle de 47 millions de pages pour les universités et de 22 millions de pages pour les cégeps. Nous ne sondons que 10 % des écoles primaires et secondaires, et c'est 3,6 millions de pages; si on multiplie ce chiffre par 10, cela donne 36 millions de pages. On est donc vraiment très loin du quota de quatre pages et demie.
    Je vous rappellerai que la Cour suprême déclarait qu'une portion répondait effectivement au critère de l'utilisation équitable, et je crois que cela représente 17 millions de pages, mais que les écoles devaient payer le reste. Or, elles ne paient plus le reste.
    D'accord, merci.
    Je cède la parole à mon collègue.

[Traduction]

    Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue.
    Vous avez entendu les observations de Mme Noel tout à l'heure. Je vais vous donner à toutes les deux l'occasion de commenter ce qu'elle a dit. En particulier, remontons à 2011. Nous avons les témoignages, et vous nous en avez lu une partie aux fins du compte rendu, madame Levy. Êtes-vous soudainement prise de court par une lettre de Mme Noel à ce sujet?
    Revenons avant le 5 décembre 2012.
    Lorsque les créateurs et les éditeurs ont comparu devant le comité législatif en 2011-2012 pour examiner la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, nous étions très préoccupés par le fait que l'ajout du secteur de l'éducation nous mène exactement à la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, à savoir que ce secteur abandonne toutes les licences.
    Le secteur de l'éducation s'est présenté devant le Comité à maintes reprises pour dire essentiellement que les créateurs et les éditeurs assujettis à la licence collective étaient alarmistes, ce qui en fait n'était pas du tout le but visé. Il s'agissait en fait dans les faits des autres utilisations d'autres ouvrages non couverts par la licence, essentiellement, et du maintien de la licence dans son entièreté et des droits y afférant.
    Sommes-nous complètement pris de court? Nous nous sommes toujours inquiétés d'arriver à ce point. Nous n'avons pas été complètement pris de court, mais nous sommes un peu surpris qu'ils aient aussi rapidement changé leur position.
     Madame Couette, avez-vous quelque chose à dire au sujet du témoignage précédent de Mme Noel?

[Français]

    Nous avons fait face à la même situation. Dans notre cas, ce n'est pas la fin des licences qui a été annoncée, mais dès le mois de juillet 2012, les universités québécoises nous ont demandé de renégocier la licence. Nous venions de terminer la négociation en mai ou en juin 2012. L'adoption a eu lieu à la fin du mois, et les décisions de la Cour suprême ont été rendues en juillet. Les universités québécoises ont demandé de renégocier, ce qui a fait que la licence est passée de 25,50 $ en juillet 2012 à 21 $ en janvier 2013. Effectivement, nous avons fait face à la même situation à la suite de l'adoption des dispositions.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Masse, vous avez six minutes.
    Merci de votre témoignage aujourd'hui.
    J'aimerais avoir des précisions au sujet de la reproduction illégale. J'ai entendu différents chiffres. De quoi s'agit-il exactement et d'où proviennent les chiffres? Plusieurs témoins les ont également utilisés avant le témoignage d'aujourd'hui. Je pense que tous utilisent ces chiffres, les 600 millions, notamment. D'où viennent-ils?
    Il y a un document, que j'ai distribué plus tôt, qui contient des chiffres clés et qui explique d'où ils viennent. Vous verrez d'où viennent les 600 millions de pages d'oeuvres publiées copiées chaque année.
    Pour information, d'où viennent-ils exactement?
    Ils viennent de deux ou trois sources. La première est la décision de la Commission du droit d'auteur concernant les écoles primaires et secondaires, où 380 millions de pages sont copiées chaque année.

  (1710)  

    Comment est-on arrivé à cette conclusion?
    Une étude a été faite.
    Je vérifie parce que nous entendons beaucoup ce chiffre.
    Oui, absolument.
    Les gens qui s'intéressent à la question veulent peut-être le savoir.
    Une étude a été faite et c'est de là que viennent les 380 millions. La Commission du droit d'auteur a conclu que 60 % de ces 380 millions étaient compris dans l'utilisation équitable et ne pouvaient donc pas faire l'objet de redevances.
    D'accord.
    Les 40 % restants peuvent faire l'objet de redevances. Donc, en fait, il reste 150 millions de pages pour lesquelles une compensation est requise, mais les ministres de l'Éducation refusent toujours de payer. Ils prétendent que tout cela est compris dans l'utilisation équitable, même ce pourquoi la Commission du droit d'auteur a dit qu'il fallait payer.
    Il y a environ 150 millions de pages dont les redevances sont en souffrance?
    Des redevances en souffrance pour des copies qu'ils veulent assujettir à l'utilisation équitable, 380 millions de pages au total pour le primaire et le secondaire.
    Dans le secteur postsecondaire, nous avons fait une étude sur l'Université York. Dans ce cas, à la suite de l'étude sur les copies chargées dans les systèmes de gestion de l'apprentissage et les trousses de cours, nous constatons qu'en moyenne, 360 pages par étudiant par année sont copiées.
    D'accord. Donc, c'est...
    Quand on utilise toutes ces données, en étant conservateur, on se retrouve avec 600 millions de pages qui ont été copiées et pour lesquelles rien n'a été payé. Il s'agit de reproductions qui ne sont pas sous licence, et pour lesquelles on n'a pas obtenu de licences transactionnelles, même si elles ne sont pas disponibles en vertu de licences ouvertes.
    Serait-il juste de dire que les violations du droit d'auteur augmentent avec l'âge et le niveau d'instruction?
    Oui.
    Je ne veux pas faire d'hypothèses. Je ne vais pas lire les études.
    Oui. Non, absolument.
    C'est donc là que réside le problème. Cela a-t-il augmenté et existe-t-il des données à ce sujet depuis que la décision a été prise? Le comportement a-t-il changé par suite de la décision?
    Je vais laisser cela de côté. Y a-t-il eu augmentation? A-t-on noté des tendances dans les comportements ou a-t-on une idée à ce sujet? Ces questions ne sont peut-être pas justes pour vous, mais j'essaie d'avoir une idée de la portée de ce qui se passe.
    C'est difficile à dire parce que nous avions des données historiques sur ce qui était copié, du moins sur une partie de ce qui était copié auparavant, parce qu'avant 2013, quand les paiements ont cessé, au niveau postsecondaire, on nous indiquait toutes les copies qui étaient faites et incluses dans les trousses de cours, les trousses de cours sur papier.
    Aujourd'hui, nous ne savons pas ce qui est copié. Ce que nous savons se limite à l'étude que nous avons faite au sujet de l'Université York dans le contexte de ce litige.
    Oui.
    Dans ce contexte, on a déterminé que 360 pages par étudiant par année étaient copiées.
    Cela sera sûrement assez important, avec le numérique et les différents changements de format qui se produisent de plus en plus rapidement.
    Dans une bonne partie des témoignages, nous avons entendu — et vous l'avez entendu aussi aujourd'hui — que le montant consacré aux documents augmente. Vous dites que les maisons d'édition canadiennes au Québec connaissent un déclin. Est-ce essentiellement ce qui se passe? Est-ce que la plupart des documents sont transmis à trois ou cinq conglomérats d'édition? Est-ce réellement ce qui se produit ou est-ce que nous ne savons pas tout et que le coût des publications augmente?
     D'après ce que j'ai entendu dans leurs témoignages — et ils sont mieux placés pour vous dire combien ils dépensent —, ils augmentent les dépenses pour les articles de journaux. Dans l'ensemble, il s'agit de documents de recherche et non de matériel didactique.
    D'accord, oui.
    Les documents qui ont tendance à être reproduits et utilisés en classe pour l'enseignement sont différents de ceux utilisés pour la recherche. C'est là que l'on retrouve les éditeurs de revues scientifiques, techniques et médicales. Les cinq grands éditeurs multinationaux font partie de cette catégorie. Les licences qu'ils ont par l'entremise du Réseau canadien de documentation pour la recherche sont pour l'édition de revues scientifiques, techniques et médicales. Ce qui est copié, mais pour lequel on ne verse plus de redevances, c'est le contenu éducatif, le contenu spécialisé, les documents qui sont utilisés à des fins pédagogiques.
    Comme Frédérique l'a mentionné au sujet de l'expérience au Québec et dans le reste du Canada, ce que nous avons vu historiquement, c'est que seulement 15 % des copies qui étaient faites et dont nous prenions connaissance provenaient de l'édition de revues scientifiques, techniques et médicales. Le reste était des livres, et les bibliothèques universitaires n'ont pas tendance à obtenir de licences dans ce cas.
    Merci.
     Nous allons passer directement à M. Longfield.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous deux d'être venues nous présenter ces données détaillées. Nous essayons de déterminer au minimum ce qui est juste, pas seulement du point de vue de l'utilisation équitable, mais aussi de l'équité sur le plan législatif.
    M. Masse a mentionné tout à l'heure que lorsque des cas se retrouvent devant les tribunaux, cela veut dire que nous n'avons pas fait notre travail. Nous avons tenu 21 audiences depuis l'adoption de la nouvelle loi. Quelles étaient vos relations avant cela? Des audiences ont-elles eu lieu? Vos deux organisations sont impliquées dans des litiges en ce moment. Il s'agit d'un recours collectif dans un cas, et dans l'autre, le litige porte sur des licences qui n'ont pas été payées.
    Quelle était la situation avant l'adoption de ce projet de loi? Était-ce mieux ou pire?

  (1715)  

[Français]

    En ce qui nous concerne, Copibec a toujours négocié ses licences. Nous n'avons jamais fonctionné par l'entremise de la Commission du droit d'auteur du Canada ou d'un litige quelconque. Nous avons toujours privilégié la négociation. C'est encore ce que nous privilégions aujourd'hui avec les autres universités, à l'exception de l'Université Laval. En 2014, l'Université Laval a refusé toute discussion et n'a jamais voulu s'asseoir à une table avec nous. Nous n'avons donc pas eu d'autre choix. Pour nous, ce n'est pas un mode privilégié de négociation des redevances, mais, depuis 2012, c'est ce à quoi nous avons été confrontés dans le cas de l'Université Laval.

[Traduction]

    Merci.
    Si vous me le permettez, j'ai travaillé pour Access Copyright pendant 17 ans. J'ai été avec eux, d'une certaine façon, tout au long de ce processus, et je vais vous donner mon point de vue personnel sur ce qui s'est passé au fil des ans. Il a fallu 15 ans pour arriver à la Loi sur la modernisation du droit d'auteur.
    Pendant 15 ans, les parties ont comparu devant des comités — parfois des comités législatifs, parfois des comités permanents — pour examiner une autre version de la Loi sur le droit d'auteur. Il y avait les créateurs, les écrivains et les éditeurs, de même que les sociétés de gestion collective, d'une part, et le secteur de l'éducation, d'autre part. Les créateurs et les éditeurs voulaient des droits d'auteur plus stricts, et les utilisateurs — dans le cas présent, le secteur de l'éducation, les bibliothèques — souhaitaient plus d'exceptions.
    Nous avons été en conflit pendant 15 ans, et dans le contexte de cette lutte concernant le libellé ultime de la Loi sur le droit d'auteur, des licences importantes ont fait l'objet de négociations. Il est devenu de plus en plus difficile pour nous de nous asseoir à une table et de négocier des licences, et c'est pourquoi nous nous sommes retrouvés devant la Commission du droit d'auteur. Au fur et à mesure que le processus se poursuit, avec ces examens quinquennaux et ces litiges qui prennent presque des décennies à se conclure, nous sommes coincés dans cette guerre. Ce n'est pas la situation que nous privilégions.
    D'accord. J'aurais dû mentionner que j'allais partager une minute de mon temps avec M. Sheehan, mais je vais pousser cette question un peu plus loin, parce que je pense que nous allons vers quelque chose en ce qui a trait aux permis.
    À l'époque, l'intention était que cela n'ait aucune incidence sur les recettes. Les licences devaient continuer d'être payées, les utilisateurs devaient conserver leur accès à des fins d'études et d'éducation, les établissements devaient continuer de payer les licences en leur nom, en sachant que les étudiants auraient accès aux documents à copier aux fins des études et de la recherche.
    Puis, à un moment donné, les choses ont déraillé. Les licences avec les établissements ont cessé d'être prises en charge. Est-ce que mon évaluation est juste?

[Français]

    Je pense que l'exemple québécois démontre une forme d'équilibre. Bien sûr, je ne vous dirai pas que je trouve équitable un montant de redevances de 13,50 $, mais nous sommes à tout le moins capables de nous asseoir autour d'une table. La seule raison pour laquelle les choses se passent ainsi au Québec, c'est que le ministère de la Culture et des Communications ainsi que le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur ont à coeur de maintenir une industrie de l'édition forte, qui raconte l'histoire québécoise, plutôt que d'aller chercher ce qui se passe en France, en Belgique ou ailleurs. Si la notion d'utilisation équitable à des fins d'éducation ne repose pas sur cela, si rien ne la renforce pour guider les universités et les ministères de l'Éducation en matière d'interprétation, on aboutit à une situation du genre de celle d'Access Copyright. C'est ce qui finira par arriver si rien n'est fait au Québec.

[Traduction]

     Merci.
    Il reste 30 secondes à M. Sheehan.
    Très rapidement, au cours de la tournée, les responsables de l'Université de la Colombie-Britannique nous ont montré un tableau où les recueils de cours étaient utilisés à 80 % et numérisés à 20 %. Tout récemment, une étude a été faite, et les chiffres se sont complètement inversés.
    En ce qui a trait à la forme numérique et aux transactions qui ont lieu, beaucoup d'universités se retirent d'Access Copyright, etc. Pourrait-il y avoir une situation où Access Copyright intenterait des poursuites contre une université ou un acheteur de contenu pour l'utilisation de documents de votre répertoire qu'ils auraient déjà et qu'ils auraient été légalement autorisés à utiliser dans d'autres contextes?

  (1720)  

    Je pense que c'est hypothétique, et je ne peux pas vraiment répondre à une question hypothétique, surtout lorsqu'il est question de poursuites.
    En ce qui concerne le passage du papier au numérique, je pense qu'il est important de noter que la licence d'Access Copyright et la licence de Copibec couvrent la reproduction sur papier et sur support numérique. Le fait, que la production de recueils de cours sur papier ait été remplacée par des fichiers PDF téléchargés dans un système de gestion de l'apprentissage, ne change rien à l'impact de la consommation d'oeuvres protégées par le droit d'auteur sans versement de redevances. Le mécanisme de paiement est compris dans la licence collective, afin qu'il soit simple et facile pour les professeurs, partout au pays, de faire les copies dont ils ont besoin pour enseigner, tout en veillant à ce que les redevances reviennent aux créateurs.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Lloyd.
    Vous avez cinq minutes, très rapidement.
    Merci de votre présence ici aujourd'hui. J'ai apprécié votre témoignage.
    Je vais me reporter au document qui a été fourni par le Consortium du droit d'auteur du CMEC, dans lequel il est question des ventes de livres au Canada, des ventes de livres en Ontario, de la marge bénéficiaire de l'industrie canadienne de l'édition et de la vente de leurs propres titres par les éditeurs canadiens à 12 institutions.
    J'aimerais avoir des précisions de votre part. Vous ne vendez pas de livres. Vous êtes une entreprise de reproduction et vos revenus proviennent principalement d'établissements d'enseignement.
     Croyez-vous que ces statistiques ont une valeur pour le Comité?
    Ces statistiques ne font pas référence aux droits de réutilisation, à la reproduction, mais plutôt aux ventes.
    Malheureusement, je ne suis pas en mesure de parler de la source de ces données et de leur correspondance avec notre propre expérience.
    Il est à supposer, parce que ce sont des données de Statistique Canada, qu'elles sont très exactes.
    Diriez-vous qu'il n'est pas vraiment pertinent que le Comité examine les ventes de livres lorsqu'il est question de droit d'auteur? S'agit-il de deux questions totalement différentes?
    Il ne faut pas oublier que les oeuvres qui sont vendues et celles qui sont copiées sont parfois différentes. Un groupe d'oeuvres qui n'est pas acheté peut être copié, ce qui peut faire augmenter les revenus tirés de la vente pour ce groupe de créateurs, alors que les oeuvres d'un autre groupe de créateurs sont reproduites sans que des redevances soient versées.
     L'exemple que nous avons entendu ici à maintes reprises est celui des bibliothèques universitaires, qui dépensent des centaines de millions de dollars, plus qu'elles ne l'avaient jamais fait, pour des revues scientifiques, techniques et médicales, et qui ne paient pas les droits de réutilisation pour la copie de chapitres, de nouvelles et de pièces de théâtre qu'elles téléchargent dans les systèmes de gestion de l'apprentissage auxquels leurs étudiants ont accès.
    Il y a deux groupes différents de détenteurs de droits. L'un est lié à la vente primaire et l'autre, aux revenus secondaires; l'un reçoit de l'argent et l'autre pas. L'impact n'est pas ressenti de la même façon. Le fait qu'ils paient pour l'un ne leur permet pas de copier librement dans l'autre groupe.
    C'est de vente de livres qu'il s'agit, comme on l'a dit dans un témoignage précédent. On ne peut pas comparer un auteur moyen à une J.K. Rowling, par exemple, qui vend des millions de livres dans le monde entier. Ces ventes de livres englobent tous les livres de tous les auteurs, y compris les ouvrages à succès. Le pourcentage d'ouvrages scolaires est probablement très faible dans le marché global des ventes de livres au Canada.
    Encore une fois, je ne connais pas la source de ces données, alors je ne peux pas vraiment les commenter en tant que telles, mais...
    Je vais passer à un autre sujet.
    ... de façon générale, je pense que vos commentaires sont exacts.
    Certains témoins ont prétendu que l'utilisation accrue du contenu numérique en cette ère de l'Internet a entraîné une diminution de la pertinence d'Access Copyright en tant que société collective et, par extension, pour le droit d'auteur. Diriez-vous qu'il est vrai qu'Access Copyright est plutôt à l'écart de l'ère numérique?
    Absolument pas. C'est faux.
    Je pense qu'il faut examiner l'affaire de l'Université York. Elle nous a fourni l'occasion de constater que le contenu est utilisé dans les recueils de cours et les systèmes de gestion de l'apprentissage à l'Université York. Dans le contexte de ce litige, une étude a été réalisée.
     On s'est penché sur les titres individuels. Il fallait déterminer si les titres se trouvaient dans le répertoire d'Access Copyright, si l'Université York détenait des licences et si les ouvrages étaient disponibles en libre accès. On a pu déterminer que 360 pages par étudiant par année du répertoire d'Access Copyright ne faisaient pas l'objet de redevances et n'étaient pas disponibles en libre accès. C'est une moyenne: 360 pages par étudiant par année. Cela représente une quantité énorme de copies.

  (1725)  

    J'ai une dernière question. Dans ma conversation avec les témoins précédents qui ont comparu aujourd'hui, il a été question de preuves concurrentes présentées à la Commission du droit d'auteur. Je faisais référence au rapport de PwC, qui a été commandé par Access Copyright. Vous avez parlé de la décision de la Commission du droit d'auteur, mais en y faisant référence, il a été dit qu'il y avait un autre élément de preuve, provenant probablement de Deloitte.
    Mme Roanie Levy: Oui.
    M. Dane Lloyd: Pouvez-vous nous en dire davantage sur les différences et les contrastes entre ces rapports?
    Je pense qu'il est important de noter une chose qui a suscité beaucoup de confusion dans le groupe de témoins précédent, à savoir que les tribunaux se sont penchés sur les lignes directrices sur la reproduction. La Commission du droit d'auteur ne les a pas examinées. Elle n'a rien dit au sujet de leur équité. Seule la Cour fédérale, dans l'arrêt York, a dû examiner les lignes directrices sur la reproduction — les 10 %, le chapitre — et déterminer si elles étaient équitables. C'est dans ce contexte que les experts se sont contredits. En fait, il y en avait deux de chaque côté. La Cour a conclu sans équivoque que les lignes directrices sur l'utilisation équitable sont arbitraires, qu'elles sont injustes et qu'elles causent un préjudice économique.
    Merci.
    Monsieur Jowhari, vous avez quatre minutes, très rapidement.
    Merci, madame Levy et madame Couette. Vous avez été très claires dans vos explications de la différence entre l'acquisition et la reproduction. Nous avons toujours tenté de trouver la raison pour laquelle le coût d'acquisition augmentait. Maintenant, il est devenu clair, du moins pour moi, que cela a beaucoup à voir avec les articles, la publication qui se fait et la transition vers le numérique.
    L'une des autres choses que nous avons entendues, c'est que les étudiants obtiennent leur matériel didactique soit de la librairie de manuels scolaires, soit dans les recueils de cours. Habituellement, l'université ou les bibliothèques achètent aussi un ou deux exemplaires et les mettent à la bibliothèque. On nous dit également que le nombre de recueils de cours créés est considérablement réduit. Dans un cas, je crois que cela se passait à Halifax et concernait l'université. Il avait été dit que l'université avait une recueil de cours pour l'ensemble de ses programmes. Nous avons demandé comment cela était possible. Où obtiennent-ils les documents?
    Aidez-moi à comprendre. Si les manuels ne sont pas disponibles à la librairie pour qu'on puisse les acheter et qu'il n'y a pas de recueils de cours créés et imprimés — je sais que vous avez mentionné qu'elles sont maintenant numériques — et qu'ils ne font pas partie des acquisitions, où les étudiants obtiennent-ils les documents dont ils ont besoin pour étudier? Comment arrive-t-on à 600 millions de pages?
    Partout au pays, les établissements d'enseignement ont ce qu'on appelle des « systèmes de gestion de l'apprentissage ». Ce sont essentiellement des plateformes numériques qui permettent aux professeurs et aux étudiants de télécharger du contenu et de le partager avec un groupe. On est passé de l'utilisation d'ouvrages publiés et produits sous forme de recueils de cours à leur intégration dans les systèmes de gestion de l'apprentissage.
    Ce n'est pas parce que les documents ne se retrouvent pas dans des recueils de cours sur papier que leur contenu n'est pas utilisé. Le contenu est toujours utilisé. On est passé du papier au numérique, mais le contenu est encore utilisé. C'est ce que nous avons constaté dans l'affaire de l'Université York. Comme cela faisait partie du processus de la communication préalable, nous avons examiné non seulement les recueils de cours sur papier qui ont été produits, mais aussi tout ce que l'université publie dans les systèmes de gestion de l'apprentissage.
     L'université numérise-t-elle le contenu des manuels pour le mettre en format PDF?
    Parfois, le contenu est numérisé. Parfois, il est déjà en format PDF. Parfois, il est extrait d'un document en PDF plus important. Il y a de nombreuses façons de l'obtenir sous forme numérique et de le télécharger dans les systèmes de gestion de l'apprentissage.
    Pour que ce soit clair, l'étude que nous avons faite à l'Université York ne portait aucunement sur les liens, qui ont donc tous été exclus. Il s'agissait uniquement des documents figurant dans les systèmes de gestion de l'apprentissage et, surtout dans le cadre de cette étude, il fallait vérifier si les droits avaient déjà été acquis pour ces oeuvres, parce que vous avez pris connaissance des centaines de millions de dollars dépensés pour accéder au contenu. Ces arguments ont également été présentés au juge. Au début du processus, l'Université York a dit qu'elle détenait des licences pour la plupart des documents qu'elle copie.
    À la fin de l'audience, elle a dû renoncer complètement à cet argument parce qu'elle ne pouvait pas établir de liens entre les oeuvres téléchargées dans les systèmes de gestion de l'apprentissage et copiées dans les recueils de cours et les licences qu'elle détenait. Il ne s'agit pas d'une erreur administrative, mais plutôt du fait que ce sont des oeuvres différentes.

  (1730)  

    Merci.
    Pour la dernière minute, monsieur Masse, vous avez la parole.
    Nous allons tenir des audiences et présenter un rapport au ministre, qui y répondra. J'imagine que, s'il doit y avoir des changements, il faudra adopter une loi, ce qui donnera lieu à un autre examen.
    À mesure que la situation progresse, y a-t-il des choses qui, selon vous, pourraient être faites en attendant?
    Il y a des choses qui peuvent être faites immédiatement, à savoir que le gouvernement peut indiquer dès maintenant s'il croit que cette approche est bonne ou non. Le simple fait de signaler la chose au secteur de l'éducation représente un bon point de départ.
    Le gouvernement s'est également engagé à apporter des changements au processus de la Commission du droit d'auteur du Canada, et bien que cela ne touche pas l'utilisation équitable, ce qui restera après les dommages de l'utilisation équitable, à tout le moins ce qui restera une fois tout enlevé, sera exécutoire et utilisable. Ce serait une autre suggestion.
    Votre organisation a-t-elle communiqué cette information au ministre?
    Oui, nous l'avons fait.
    Seriez-vous disposé à communiquer cette information au Comité?
    Absolument.
    Merci.
    Si vous faites parvenir cela au greffier, ce sera parfait.
    Nous aurions pu passer deux heures avec vous. Je tiens à vous remercier toutes les deux d'être venues aujourd'hui et de nous avoir fait part de votre expérience et de vos connaissances.
    La séance est levée.
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