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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 018 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 juin 2016

[Enregistrement électronique]

  (1550)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
     Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue. Je remercie tout le monde d’être là aujourd’hui.
     Nous sommes très heureux d’accueillir un représentant d’ITK, soit Natan Obed, président. Nous avons aussi Jack Hicks, professeur auxiliaire, Santé communautaire et épidémiologie, Uniersité de la Saskatchewan. C’est fantastique de vous avoir tous les deux avec nous.
     J’ai le plaisir de vous offrir 10 minutes chacun.
     Je crois comprendre, monsieur Hicks, que vous allez être le premier à prendre la parole et nous faire une présentation Powerpoint.
     Je vais juste vous parler de mes cartes. Vous avez 10 minutes. Je vais vous montrer une carte jaune lorsque 9 minutes seront écoulées et une carte rouge lorsqu’il sera temps de conclure. Je vous saurais gré d’en tenir compte.
    Monsieur Hicks, je vous en prie, vous avez la parole.
    Je vous remercie de l’invitation. C’est un plaisir d’être ici avec vous sur le territoire traditionnel des Algonquins.
    Je crois que la raison pour laquelle j’ai été invité, c’est que j’ai vécu au Nunavut et que j’y ai été le conseiller en prévention du suicide auprès du gouvernement. À cette époque, j’ai eu l’occasion de travailler en étroite collaboration avec Natan Obed, que je tiens en très haute estime, donc c’est toujours un plaisir de faire une présentation avec Natan.
    J’ai montré ce graphique des centaines de fois et chaque fois que je le vois, je suis rempli de tristesse et de honte, franchement, en tant que Canadien. Ce que montre ce tableau, c’est l’évolution du taux de suicide chez les Inuits du Nunavut, qui était inférieur à la moyenne nationale dans les années 1960 et 1970, mais qui n’a cessé d’augmenter depuis. Ces 15 dernières années, le taux correspond à près de 10 fois la moyenne nationale.
     J'ai entendu Cathy McLeod demander quelles étaient les tendances. La raison pour laquelle je suis en mesure de lui répondre, c’est que dans les territoires, les certificats de décès sont codés par ethnicité. La raison pour laquelle vous n’avez rien de semblable pour les Premières Nations, c’est que dans les provinces, les certificats de décès ne sont pas codés par ethnicité. Voilà une des rares fois où l'on peut documenter une transition épidémiologique plutôt marquée d’une société où le taux de suicide passe de faible à élevé.
    Le taux est fortement dépendant de l’âge et du sexe. La population la plus à risque, c’est celle des jeunes hommes. Cette structure n'est pas représentative de la majorité de la société. Le taux dépend également de la région géographique, donc les points rouges représentent les collectivités où les taux sont les plus élevés. Vous constaterez qu’ils sont de loin en plus grand nombre dans la région de Qikiqtani, et dans une collectivité de l’Ouest. Je crois que le phénomène s’explique par l’histoire sociale moderne.
    C'est bizarre de parler de la santé mentale de chaque groupe ethnique en particulier, je sais bien, mais si nous étudions les États-Unis, où l’on a des données ventilées par ethnicité, nous constatons, par exemple — même si nous sommes mal à l’aise face à la notion de race telle qu’utilisée aux États-Unis — que les données officielles montrent que les Noirs des États-Unis affichent un taux de décès par suicide beaucoup plus faible que celui des Blancs. Nous pouvons en parler, mais cela demeure un fait.
    Si nous ajoutons les données du Canada à des fins de comparaison, dans l’ensemble, parce que nous n’avons pas ce genre de données, nous nous plaçons entre les deux. Les Asiatiques et les Hispaniques sont beaucoup plus près des Noirs que des Blancs.
    Si nous ajoutons les Autochtones des États-Unis et les Autochtones de l’Alaska — c’est là leur dénomination officielle — c’est très intéressant. À l’échelle nationale, les Blancs, les Autochtones des États-Unis et ceux de l’Alaska ont en fait le même taux de suicide partout sur le territoire, mais il est structuré différemment, les taux les plus élevés se situant chez les jeunes, chez les Américains autochtones et chez les Américains âgés de race blanche.
    À l’échelle des États, nous constatons qu’il y en a un, l’Alaska, où le taux de suicide est supérieur à 40 pour 100 000 habitants, alors qu’un autre, le Texas, qui compte 100 000 Autochtones, affiche un taux de 4 pour 100 000. Aux États-Unis, le taux varie énormément, à l’échelle des États, uniquement chez les Autochtones des États-Unis et de l’Alaska, et non chez les autres ethnies.
    Le raisonnement que je tiens à partir de là, c’est que ce n’est pas le fait d’être un Autochtone qui constitue un facteur de risque. Ce sont les conditions de vie des Autochtones dans les différentes régions des États-Unis qui représentent un facteur de risque.
    Si nous enlevions l’Alaska des lieux de vie de la population autochtone, nous constaterions qu’en fait beaucoup de suicides chez les jeunes se produisent en Alaska et que dans les États du Sud, le suicide chez les jeunes n’est pas un problème aussi grave qu'en Alaska. Si nous faisons un pas de plus et que nous intégrons le Nunavut, nous constatons l’ampleur du phénomène du suicide chez les jeunes Inuits au Nunavut, comparativement à l'Alaska et au reste des États-Unis. C’est plutôt bouleversant.
    Nous savons que le comportement suicidaire est complexe et attribuable à plusieurs facteurs, mais l’OMS affirme depuis des années que c’est un problème de santé publique en grande partie évitable. Je pense que nous devrions nous intéresser aux deux volets du phénomène, soit qu'il est en grande partie évitable et qu'il concerne la santé publique.
    Nous devons aborder le problème en parlant de cohortes de personnes qui se suicident. Par exemple, les personnes qui font leur première tentative de suicide à l’âge adulte, qu’elle soit menée à terme ou non, présentent un ensemble de facteurs de risque. Les personnes qui font une première tentative à l’adolescence ou au début de la vingtaine offrent un modèle différent de facteurs de risque. Dans nos communautés autochtones à risque élevé, étant donné que le taux est très élevé dans notre collectivité, c’est à l’ensemble des facteurs de risque pour les jeunes gens sur lequel il faut se pencher.

  (1555)  

    Nous avons bel et bien réalisé une étude de cinq ans financée par les IRSC au Nunavut, tout le monde nous ayant accordé son appui. Nous avons examiné les 120 décès enregistrés au cours de quatre années et nous les avons appariés à des cas témoins. Les rapports sont disponibles en ligne. Nous n’avons pas trouvé de facteurs de risque propres aux Inuits. Nous avons trouvé les facteurs de risque habituels qui jouent beaucoup plus dans certains cas.
    La conclusion, c’est que la santé mentale importe. Il faut s’intéresser aux problèmes des familles et des collectivités tout autant qu’à ceux des personnes.
    Comme je l’ai indiqué, avec Natan, j'ai fait partie de l’équipe qui a élaboré la stratégie de prévention des suicides au Nunavut; je crois pouvoir affirmer que nous en sommes très fiers. Elle a été très bien accueillie lors de sa parution. Il y a un lien. Malheureusement, les premières années de mise en application se sont mal passées. Par ailleurs, comme vous le savez, l’année dernière, le gouvernement du Nunavut a déclaré vivre une situation de crise en raison du nombre de décès par suicide et il a créé, pour la première fois dans le monde, le poste de ministre responsable de la prévention du suicide. Nous espérons que les choses seront prises plus au sérieux dans un avenir rapproché.
    Je veux vous montrer les taux pour les Inuits du Nunavut et ceux pour les Inuits du Groenland et vous faire remarquer quelque chose. Nous avons les données du Groenland recueillies par le premier médecin hygiéniste en chef pour la période de 1900 à 1930; le taux était de 3 pour 100 000. J’ai dépouillé les dossiers de la GRC et j’ai calculé un taux de 20, pour la période de 1925 à 1945.
    Par ailleurs, dans l’Arctique, à partir de la fin des années 1960 et du début des années 1970, le taux s’envole partout dans les collectivités inuites. Je vous signale que ce ne sont pas les personnes forcées par le gouvernement de se sédentariser à l’âge adulte qui ont commencé à se suicider : ce fut plutôt la première génération des enfants qui ont grandi dans ces colonies de peuplement à l’époque, alors qu’il y avait une chaude lutte pour le pouvoir et que les personnes étaient asservies.
    Il y a des données très intéressantes en provenance de la Nouvelle-Zélande, des données plus détaillées que celles que nous avons pour le Canada, et qui montrent que les Maoris formaient autrefois une société qui, par rapport aux normes nationales, utilisait peu les services de soins de santé mentale et manifestait peu un comportement suicidaire. Pourtant, si vous faites l’analyse — et les données de l’étude sur le développement humain de Christchurch se rejoignent dans le bas — et que vous reportez les valeurs d'une enfance en milieu défavorisé, d'une adversité familiale et autres facteurs socio-économiques, le « maorisme » disparaît.
    Si ces personnes ne vont pas bien, ce n’est pas parce qu’elles sont Maoris, mais c’est parce qu’une partie de la collectivité maorie souffre de pauvreté, d’une faible éducation et d’une forte consommation de substances. Il y a beaucoup de Maoris qui ne correspondent pas à ce profil, mais les enfants des Maoris qui ont une vie difficile grandissent handicapés, comme les enfants d’autres personnes vivant dans les mêmes conditions grandissent handicapés. La situation évolue. Cela nous enseigne que de parler de santé mentale chez les Maoris, c'est en savoir trop pour parler des Maoris comme s’il s’agissait d’un groupe homogène. Il y a des Maoris qui vont bien et il y en a d’autres qui ne vont pas bien, comme n’importe qui d’autre.
    La stratégie visant les Autochtones de l’Australie qui accompagne la stratégie nationale met l’accent sur les précurseurs développementaux du suicide et du comportement suicidaire. Comprendre qu’une enfance malheureuse peut amener des personnes sur la voie des problèmes dans la vie, le résultat final étant possiblement un comportement suicidaire, il faut investir en amont et adopter une approche en matière de santé publique qui réduira le nombre de personnes ayant besoin de services à l’adolescence et à l’âge adulte.
    J’ai regardé la vidéo de la séance du 31 mai. On y fait mention de Québec à quelques reprises. Le Canada est un pays peu avancé dans le domaine de la prévention du suicide. Nous sommes l’un des rares pays développés à ne pas avoir une stratégie nationale en ce domaine. Pourtant, au sein du Canada, les résultats sont parmi les meilleurs au monde. C’est pour cette raison que l’Association internationale pour la prévention du suicide s’est réunie à Montréal l’année dernière pour parler du Québec. C’est formidable de réduire de moitié le taux de suicides chez les jeunes dans la province en moins d’une décennie et j’espère que vous cherchez à comprendre comment elle a réussi. Je peux vous donner le nom de personnes qui pourraient souhaiter parler à ce sujet.
    Je me suis permis de vous trouver six courtes mentions que je peux vous communiquer en une minute.
    Premièrement, recommander avec circonspection le rapport phare de l’OMS de 2014, intitulé Prévention du suicide: l’état d’urgence mondial. Il est vrai que l’OMS a pris trop de temps avant de publier ce rapport, mais il est fantastique. Il parle peu des peuples autochtones, mais c’est un magnifique rapport en général.

  (1600)  

    Deuxièmement, en ce qui concerne les taux élevés de comportement suicidaire dans certaines communautés autochtones — parce qu’il est évident que toutes n'affichent pas des taux élevés de suicide dans notre pays, et nous savons cela — penchez-vous sur les éléments probants, portez attention aux manifestations de l’inégalité sociale, à la détresse liée au deuil et à la perte, à l’adversité dans la petite enfance et à la nécessité d’offrir des soins de santé mentale adaptés à la culture.
    Il y a beaucoup de préjugés, mais on entend souvent des idioties dans les médias au sujet des causes premières de suicide dans les comportements des Autochtones. Certaines paroles sont pas mal désagréables dans leur caractérisation des peuples autochtones. Vous devez regarder de plus près les résultats réels. Il y a des preuves solides, des preuves claires et irréfutables, grosses comme l’Himalaya, sur le lien qui existe entre la pauvreté et les inégalités socio-économiques d’une part, et la santé mentale et le comportement suicidaire, d’autre part. Le monde n’est pas toujours aussi compliqué que certains aimeraient le faire croire.
    Je prie instamment le gouvernement fédéral de donner suite aux recommandations de l’OMS et au succès au Québec en élaborant et en mettant en œuvre une stratégie nationale de prévention du suicide. Le 31 mai dernier, M. McLeod a demandé où en était la stratégie. Vous pouvez élaborer une stratégie pour tout le monde, et pas seulement pour les peuples autochtones.
    Je vous prie instamment de permettre aux organisations autochtones nationales de déterminer la forme que devrait prendre la prévention du suicide dans leurs régions. Personne n’a autant réfléchi à la prévention du suicide dans les collectivités inuites que les Inuits eux-mêmes.
    Je prie instamment le gouvernement fédéral d'appuyer la future stratégie nationale d'ITK en matière de prévention du suicide en y allouant des ressources proportionnelles au fardeau social que les comportements suicidaires font peser sur les collectivités inuites. Si autant de jeunes inuits étaient morts du VIH-sida, le gouvernement fédéral aurait coordonné une intervention parce que c'est une maladie transmissible. Comment expliquer l'absence de réaction face aux terribles taux de suicide chez les jeunes depuis 25 ans? Allez, faisons-le.
    Finalement, sur le plan personnel, je propose une formation pratique en techniques d'intervention face au suicide. Les ateliers durent deux jours. Je pense que c'est formidable. Je ne l'offrirais pas si je ne pensais pas que c'était bien. Je vous encourage à titre personnel à suivre cette formation pratique à votre retour dans vos collectivités. Vous ne le regretterez pas et si vous voulez savoir comment procéder, donnez-moi un coup de fil et je vais vous organiser cela.
    Je vous remercie de votre attention.
    Je vous remercie, monsieur Hicks, ces 10 minutes sont passées très vite.
    Natan, si vous voulez bien, vous avez la parole.
    Je m'appelle Natan Obed. Je suis le président d'Inuit Tapiriit Kanatami, l'organisation nationale qui représente les 60 000 Inuits du Canada.
    Le premier objectif de notre plan stratégique 2016-2019 est de passer à l'action pour prévenir le suicide chez les Inuits. Il est de la plus haute importance que notre organisation nationale et tous les Inuits du Canada posent des gestes significatifs pour prévenir le suicide.
    Je veux commencer par parler de l'effet du suicide sur chacun d'entre nous.
    Il y a une grande différence entre la population inuite, ou une personne qui vit dans une collectivité inuite, et les personnes qui vivent dans la partie méridionale du Canada. Chacun d'entre nous est touché personnellement par le suicide et cela commence dès notre plus jeune âge. Cela influence toute notre vie et c'est quelque chose qui reste toujours en nous. Imaginez un scénario où vous grandissez en sachant comment vous suicider; vous avez des amis, des membres de la famille et des êtres chers qui se sont suicidés; et le suicide est tellement normal dans votre collectivité que c'est même utilisé quelquefois comme un moyen de chantage, ou quelque chose qui est une menace, plutôt qu'une situation qui n'est pas normale et qui demande une attention immédiate et la mobilisation des collectivités et des gouvernements.
    Nous connaissons tous cette réalité et personne ne veut vivre un jour de plus dans cette réalité. Ce que vous faites aujourd'hui, et ce que la Chambre a fait lors du débat spécial, est suivi de près par tous les Inuits. Nous espérons que cela se traduira en un programme d'action visant à prévenir le suicide chez les Inuits.
    Je veux également saluer tous ces membres de nos collectivités qui, depuis les années 1970, abattent un travail extraordinaire pour prévenir le suicide sans recevoir l'aide de quiconque, ou si peu. Je m'adresse ici tant aux communautés religieuses qu'aux personnes qui ont pris fait et cause pour les personnes à risque. Cela ne veut pas dire nécessairement qu'il n'y a pas de système de soins de santé mentale, mais, pendant de trop nombreuses années, des membres de nos communautés ont dû abattre un travail immense de prise en charge du bien-être mental et de la santé mentale d'un grand nombre des personnes qui sont les plus à risque dans nos collectivités. C'est là une réalité qui va continuer d'exister, mais cela ne devrait pas être la seule façon de prévenir le suicide dans bien des cas, dans de nombreuses collectivités.
    Au cours des deux derniers mois, il y a eu un débat national au sujet de la prévention du suicide et du suicide chez les peuples autochtones. J'ai assisté au débat spécial et j'ai entendu beaucoup de députés bien intentionnés parler de l'importance de cet enjeu. Je dois dire que j'en suis sorti contrarié et que je continue d'être contrarié en raison de la manière dont s'est tenue la discussion jusqu'à présent. O dirait que le suicide chez les Autochtones et les Inuits est une question tout à fait étrangère au domaine de la santé publique et que, d'une certaine façon, les réponses dépendent de nous et de nous seuls.
    Lorsque des Canadiens bien intentionnés demandent à l'organisation nationale des Inuits ou à des personnes inuites ce qu'il faut faire, bien des fois la réponse qu'ils attendent n'a rien à voir avec l'équité sociale, les services de santé mentale ou tout ce qui va au-delà d'un traumatisme historique ou intergénérationnel. Ce qu'ils cherchent, dans bien des cas, c'est une composante particulière de la prévention du suicide qui est uniquement autochtone, qui ressemble à quelque chose comme des camps sur nos terres ou la transmission culturelle, ce qui est plutôt bon marché et qui n'a rien à voir avec la relation entre les services gouvernementaux et les populations en général et leur santé en particulier. Nous devons changer la teneur de cette conversation.
    De notre côté, l'Inuit Tapiriit Kanatami publiera une stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits le 27 juillet.

  (1605)  

    Cette stratégie tente d'expliquer pourquoi le suicide se produit ainsi dans nos collectivités et les mesures nécessaires pour prévenir le suicide dans les collectivités inuites.
    Vous allez peut-être trouver cela étrange, mais notre peuple ne parle pas d'une seule voix pour expliquer l'existence du suicide dans nos collectivités. Bien des fois, la discussion tourne autour du dernier pas franchi par quelqu'un qui était à risque, qui a pensé au suicide et qui a fait une tentative de suicide ou qui s'est suicidé. Toute la discussion au sujet de la raison du suicide concerne seulement cet instant en particulier, alors que nous vivons dans un environnement qui favorise le suicide. Dès la conception, beaucoup de nos enfants sont à risque de se suicider d'une manière différente en raison de l'environnement dans lequel ils grandissent et dans lequel vit notre peuple.
    Voici ce qu'on dit pour expliquer le suicide.
    Il faut travailler fort pour atteindre l'équité sociale. Notre société a vécu des transformations historiques énormes au cours des 50 à 60 dernières années. Comme l'a indiqué Jack Hicks, vous êtes en mesure de constater que les taux de suicide ont augmenté dans les années 1970, ce qui correspond à la première génération d'enfants qui ont grandi dans les collectivités. Nous devons faire plus pour nous donner des systèmes d'éducation appropriés, des systèmes de santé mentale adéquats et des systèmes de justice qui traduisent nos besoins; il faut s'occuper de la violence et des agressions sexuelles dans nos collectivités; nous devons mettre un terme à la pauvreté. L'équité sociale représente la toute première mesure sociétale qu'il faut prendre. Cette étape est nécessaire pour améliorer la santé mentale et, ultimement, prévenir le suicide.
    On passe ensuite à l'échelle de la collectivité, là où différentes choses sont faites dans les collectivités normales mais qui sont absentes de nos collectivités: les programmes et les services, les rapports entre les générations, des choses qui permettent d'acquérir la débrouillardise et la résilience.
    De la preuve réunie, nous pensons aux facteurs de risque et aux facteurs de protection. Les facteurs de risque sont soit sociétaux ou individuels. Dans les facteurs de protection qui donnent une résilience à nos collectivités, nous n'avons pas adopté les mesures qui permettraient à notre société en général de traverser sans heurts des temps difficiles. Tout le monde vit des moments difficiles au cours de sa vie. Ce sont les expériences de toute une vie et les relations de toute une vie avec votre famille, avec vous-mêmes, avec votre système de santé mentale et avec les systèmes de santé en général et dans vos collectivités qui façonnent les réponses à ces temps difficiles. Nous devons faire plus pour nous assurer qu'il y a des supports à l'échelle communautaire afin que tous ses membres surmontent les épreuves.
    À l'échelle individuelle, il y a différentes choses que nous pouvons faire pour offrir des services de santé mentale et un soutien à ceux qui présentent le plus de risques de suicide. Il faut donc améliorer certains agissements en santé mentale, améliorer les services de santé mentale à l'échelle communautaire et intégrer les pratiques de guérison particulières aux Inuits dans le continuum de soins en santé mentale. Nous avons besoin d'un continuum de soins en santé mentale pour relever les défis auxquels sont confrontés les gens au quotidien. Lorsque des personnes subissent un grave stress — et on parle ici à l'échelle individuelle, là où l'on parle beaucoup de prévention du suicide — nous avons besoin de personnes qui peuvent aider et nous devons intervenir auprès des personnes à risque.
    Habituellement, la prévention du suicide se fait en trois étapes: la prévention elle-même, les interventions et le suivi des interventions.
    À l'étape de l'intervention, lorsque les risques sont au maximum, des programmes tels qu'ASIST qui dotent les membres des collectivités de la capacité de déceler les personnes à risque et de leur faire prodiguer des soins, montrent bien comment nous pouvons prévenir le suicide d'une manière encore jamais employée à ce jour. Notre stratégie proposera des démarches qui amèneront un changement significatif dans notre collectivité et préviendra le suicide.
    J'aimerais conclure en associant ce qui s'est produit dans le cas du cancer du poumon au cours des 50 à 60 dernières années à ce qui doit arriver pour la prévention du suicide chez les Inuits au cours des 50 à 60 prochaines années.

  (1610)  

    Au début, on ne connaissait même pas les causes du cancer du poumon, en particulier son lien avec la cigarette, mais au cours des générations et en investissant en amont dans des mesures de santé publique pour que les gens connaissent les risques et prennent les mesures nécessaires pour ne pas être atteintes du cancer du poumon, nous sommes arrivés à une situation très différente. Les personnes qui ont le cancer du poumon, nous les traitons. Le traitement offert comprend la radiothérapie et les médicaments, et les soins palliatifs sont disponibles pour ceux dont le cancer n'est pas traitable.
    C'est comme si de nos jours, par rapport à la prévention du suicide chez les Inuits, nous ne permettions que de très petites interventions du type soins palliatifs à l'intention de notre peuple. Nous ne recevons pas les investissements en amont nécessaires à la création de l'équité sociale. Nous ne bénéficions pas des interventions nécessaires, des installations de santé mentale ni du continuum de soins en santé mentale pour les Inuits, qui permettraient de surmonter les périodes difficiles et d'avoir une bonne santé mentale. Nous n'avons certainement pas de moyens suffisants pour assurer la santé, le bonheur et la vie utile dans nos collectivités de manière à retrouver la situation antérieure à notre sédentarisation et avant que ne se produise toute cette colonisation.
    J'ai hâte de travailler avec chacun d'entre vous pour apporter les changements utiles nécessaires à la prévention du suicide chez les Inuits.
    Nakurmiik.

  (1615)  

    Nous vous remercions, messieurs Obed et Hicks.
    Nous allons passer à un premier tour de table à raison de sept minutes par intervenant, et je vais utiliser mes fiches de la même manière qu'auparavant.
    Avant de commencer, je dois vous dire que nous espérions recevoir vos témoignages de 15 h 30 à 17 heures, soit pendant 90 minutes, mais que nous avons commencé 20 minutes plus tôt que prévu. Si les membres du comité sont d'accord, je vais partager ces 20 minutes entre vous et les travaux du comité qui suivront. Je propose que nous posions nos questions jusqu'à 17 h 10 et que nous passions ensuite aux affaires du comité de 17 h 10 à 17 h 30, si tout le monde est d'accord.
    La première question viendra de Michael McLeod.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie MM. Hicks et Obed pour leurs exposés.
    Cette question préoccupe tout le Nord, comme vous l'avez mentionné. Je viens des Territoires du Nord-Ouest, je préside le groupe parlementaire du Nord et nous avons eu de nombreuses discussions à ce sujet — sans aller en profondeur, contrairement à ce que vous avez présenté aujourd'hui, mais en examinant la question et en comparant la situation dans nos circonscriptions. On admet que le Nunavut est en crise, et, dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons une situation critique. Le Labrador a indiqué avoir de graves problèmes dans ce domaine, au point qu'il est lui aussi en situation de crise.
    Par contre, quand nous examinons la situation du Yukon, ce n'est pas tout à fait la même chose, donc nous essayons automatiquement de mettre le doigt sur... Est-ce que c'est parce qu'ils ont des routes? Est-ce que c'est parce qu'ils ne sont pas aussi isolés? Est-ce que la qualité de vie est meilleure à cet endroit? C'est vraiment difficile. Je pense que tout le monde essaie de cerner le véritable enjeu, mais c'est un vaste problème. C'est une situation qui est inextricablement liée à divers aspects de la vie en petite communauté, dans une communauté autochtone et à l'absence de débouchés, la pauvreté et toutes ces choses qui viennent à l'esprit.
    Je veux tout de même vérifier quelque chose avec vous et entendre ce que vous avez à dire au sujet du facteur d'isolement et de son incidence sur le suicide. J'ai lu votre rapport. C'est un très bon rapport et je vous en suis reconnaissant. Il renseigne beaucoup. Vous envisagez la question sous différents angles, mais vous ne dites rien au sujet de l'isolement.
    Je vous remercie de cette question.
    Si vous regardez la carte que j'ai apportée, vous verrez qu'il y a beaucoup de collectivités isolées au Nunavut où les taux ne sont pas très élevés en comparaison à d'autres régions du Nunavut. Je ne pense donc pas que l'isolement soit à lui seul le facteur déterminant. On observe une constante assez générale parmi les gens Premières Nations du Nord, à savoir que leurs taux sont plus bas que ceux des Inuits. Dans les Territoires du Nord-Ouest, les Dénés ont un taux plus bas que les Inuvialuits. Dans le Nord du Québec, le taux des Cris est plus faible que celui des Inuits, avec qui ils partagent un territoire.
    Il y a des facteurs plus profonds qui sont en jeu. Je ne prétends pas pouvoir les expliquer tous, mais je ne pense pas qu'il y ait quelque preuve montrant que l'isolement est, en soi, un facteur. Toutefois, à travers le Nord, nous observons, chez les Inuits, que les taux de suicide des jeunes sont à la baisse dans les villes et que c'est dans certaines des collectivités plus traditionnelles —terme étrange — qu'ils sont les plus élevés, ce qui est à l'opposé de ce que certaines personnes auraient prévu. Si l'on considère la continuité culturelle, les Inuits, de façon générale, ont un niveau très élevé de continuité culturelle, comme les Dénés, mais si c'était seulement une question de continuité culturelle, comment expliquer alors que certaines de ces petites collectivités affichent des taux plus élevés qu'Iqaluit. Au Groenland et en Alaska, on observe sensiblement le même phénomène.
    Je pense que cela tient en grande partie aux réalités qui sont celles d'un jeune homme aujourd'hui et à sa manière de regarder l'avenir: dans quelles conditions il a grandi, si son milieu familial était harmonieux, comment étaient ses pairs, s'il peut envisager un avenir valorisant. Peut-il entrevoir un chemin menant au bonheur et à la santé? Se voit-il obtenant son diplôme d'études secondaires, trouvant un emploi, un appartement, une petite amie, un bateau? Il est toujours un Inuit et parle l'inuktitut. Il va encore à la chasse.
    Il y a des collectivités où l'espérance est simplement plus faible, et je crois que c'est en partie à cause de services moins étoffés et d'un traumatisme plus grand hérité du passé, mais l'isolement, en lui-même… Je ne pense pas que nous devrions en faire une obsession.

  (1620)  

    C'est certainement une question difficile. Je regarde les collectivités du Nord, je regarde ma propre localité, où il n'y a jamais eu un suicide, et à une autre collectivité qui n'a pas connu de suicide. Nous bénéficions d'un accès routier, mais il y a une autre localité, Déline, où il n'y a pas eu un juvénile devant les tribunaux depuis 14 ans. De toute évidence, ils font les bonnes choses.
    Si je demande quel est le rapport, quel est le lien, je vois qu'il y a un attachement culturel à la terre. Il y a des activités de chasse et de pêche. Je m'enthousiasme et je pense: « C'est là qu'est la solution », puis je regarde toutes les collectivités avoisinantes et je constate que leur situation est sensiblement la même, mais qu'elles ont des problèmes dans ce domaine. Je ne sais pas s'il y a un seul facteur qu'on pourrait isoler.
    Je suis heureux que vous ayez mentionné qu'il faut s'attaquer au problème de différents angles: éducation, possibilités économiques. Toutes ces choses ont un rôle à jouer.
    J'ai bien hâte de prendre connaissance de votre rapport. Je suis très intéressé à voir comment nous pourrions assurer la prestation des programmes et services, comment nous pourrions inclure les services de santé mentale, le traitement, tout ce qu'il faut offrir dans une collectivité.
    Je ne suis pas convaincu que c'est une organisation politique qui devrait assurer la prestation des programmes de ce genre. Des agents de programmes ou de prestation de services, tels que les centres d'amitié et les programmes d’aide préscolaire aux Autochtones, ne sont pas liés aux organisations politiques locales. Ils sont indépendants. Je me demande simplement si l'on a songé à des moyens d'offrir des programmes et services dans les collectivités autrement que par des agences gouvernementales.
    Je répondrai d'abord à votre première question.
    Plutôt que de spéculer sur les scénarios possibles qui expliqueraient pourquoi les taux de suicide sont plus élevés dans certaines collectivités que dans d'autres, nous avons choisi de nous en tenir aux données établies portant sur les facteurs du risque suicidaire. Nous disposons de certaines données de recherche propres aux Inuits, comme celles portant sur la violence physique et sexuelle à l'endroit des enfants, la consommation de cannabis tôt dans l'adolescence et les faibles niveaux de scolarisation. Quels que soient les scénarios qui jouent sur taux variables chez les Inuits dans le Nunangat, nous savons que, si nous appliquons les données que nous avons, nous ferons ce qui est le mieux pour la société dans son ensemble.
    Par ailleurs, en ce qui concerne les organisations qui conviennent le mieux pour la prestation des services, dans sa stratégie nationale future, ITK ne s'imagine pas assumer la prestation de programmes ou de services dans les collectivités inuites ni à l'échelle nationale. Nous tâchons, à bien des égards, de susciter une unification générale dans ce domaine au profit de tous les Inuits, puis d'élargir le rôle que nous pourrons jouer sur le plan national en vue d'assurer une action de transformatrice des collectivités.
    Merci.
    David Yurdiga est notre prochain intervenant.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Obed, monsieur Hicks, je vous remercie tous deux de vos exposés. L'information que vous nous avez communiquée est très utile, et je pense que, si nous réussissons à concerter nos efforts et à obtenir l'engagement de tous, nous pourrons apporter un réel changement.
    Dans ma collectivité, et dans certaines autres qui ont le même genre d'économie, les résultats diffèrent. Comme mon collègue, M. McLeod, je me demande à quoi tient la différence. C'est ce que nous essayons de comprendre. Qu'est-ce qui fait qu'une collectivité diffère de l'autre? Certains attribuent la différence au leadership. Je ne suis pas bien sûr que le leadership, que le fait que tel leader s'active plus que tel autre pour offrir des services aux jeunes, ait une grande influence sur le taux de suicide. Est-ce que l'un des éléments clés serait le manque de leadership, ou peut-être le manque de ressources qui permettraient aux leaders de mettre en œuvre différents programmes?
    Monsieur Obed, auriez-vous des commentaires à faire sur le rôle que jour le leadership dans différentes collectivités?

  (1625)  

    Il y a eu beaucoup de discussions au cours de la dernière décennie sur les pratiques exemplaires en matière de prévention du suicide. C'est une question difficile parce que le domaine de la recherche sur la prévention du suicide est très subjectif. Il existe de nombreuses vues divergentes sur ce qui constitue la prévention du suicide. Le simple fait qu'il n'y ait pas eu de suicides réussis dans une collectivité ne signifie pas que le niveau d'idéation du suicide y est faible. Nous savons très peu sur l'idéation du suicide, ou sur ceux qui envisagent de se suicider, comparativement à ce que nous savons sur les décès par suicide. Je pense que la discussion doit être enrichie par autant de données qu'il nous est possible d'obtenir.
    Pour ce qui est du leadership dans les collectivités, ou région par région à l'intérieur de la communauté autochtone du Canada, il y a certes des choses étonnantes qui se produisent. Nous devons certainement tenter de connaître les grandes réussites qui se sont produites ou qui se produisent et tâcher de les reproduire.
    En définitive, il s'agit d'équité sociale. À la base du problème il y a l'iniquité sociale. Nous pouvons en discuter autant comme autant, mais si nous n'assurerons pas les soins de santé, le logement, l'éducation, une sécurité de base à tous les Canadiens et à tous les Canadiens autochtones, le problème ne sera pas résolu comme il devrait l'être.
    Merci.
    Si je viens d'une petite collectivité éloignée comptant, disons, 150 habitants, qu'est-ce qui s'offre à moi, quant aux études que je pourrai faire et aux possibilités économiques que j'aurai pour fonder un foyer et voir aux besoins de ma famille? Au fond, quelles sont les possibilités qui existent si j'habite dans une collectivité éloignée?
    Dans beaucoup de nos collectivités inuites, le droit à l'éducation jusqu'à la 12e année ne s'est réellement concrétisé que vers le début des années 1990. Jusqu'à cette époque, bien des gens ont dû faire leurs études dans une école résidentielle. Désormais, chacune de nos collectivités offre des possibilités d'éducation.
    Dans beaucoup de collectivités, le programme d'études ne permet pas aux élèves d'entrer directement dans le programme d'études postsecondaires de leur choix en raison du manque d'infrastructure et de l'incapacité de diverses écoles d'enseigner certaines des matières de base qui sont des exigences préalables à certains cours universitaires. Nous avons des défis à relever en matière d'éducation, mais je crois que les systèmes d'éducation sont bien meilleurs qu'ils l'étaient jadis et ils ne cessent de s'améliorer.
    Quant aux possibilités qui s'offrent dans les petites collectivités, il y a différentes façons d'aborder la question. Beaucoup d'Inuits souhaitent vivre dans une économie mixte. Ils veulent avoir un certain travail salarié, mais ils veulent aussi avoir assez de temps et d'occasions de vivre dans la nature, d'en tirer des aliments de subsistance pour leur famille ou de renouer pour leur famille et eux-mêmes l'attachement à la terre leur permettant de préserver une bonne santé mentale.
    Mais oui, il doit y avoir plus de possibilités économiques qui s'offrent aux Inuits, surtout dans les petites collectivités, mais je suis aussi d'avis qu'il faut repenser la notion de réussite d'une collectivité. Nos petites collectivités peuvent être prospères. C'est une question de comprendre comment assurer les soutiens et l'équité pour leur donner ces possibilités.

  (1630)  

    Merci.
    Pensez-vous que le manque de possibilités économiques soit lié à la hausse des taux de suicide? Pensez-vous que le fait de ne pas pouvoir trouver un emploi à plein temps, d'être incapable de subvenir comme on le voudrait aux besoins de sa famille, est un facteur contributif?
    Je dirais que la pauvreté fait certainement partie de la discussion. La façon dont on a parfois voulu y voir la piste de solution au problème est irresponsable, mais le développement économique et les possibilités économiques sont définitivement des éléments positifs pour les familles et les particuliers.
    Pourrais-je ajouter à cela?
    M. David Yurdiga: Bien sûr.
    M. Jack Hicks: Si on examine les données américaines de près, on constate une hausse de 24 % des suicides aux États-Unis depuis 15 ans, attribuable à l'augmentation du suicide parmi les Blancs qui vivent dans des régions nouvellement atteintes par la dépression économique. Il y a une corrélation claire entre, d'une part, la perte d'emploi, le chômage, le désespoir social et, d'autre part, le suicide.
    Je signalerais, cependant, qu'au Nunavut, beaucoup des plus petites collectivités sont parmi celles où le taux de suicide est le plus bas. Ce n'est pas une corrélation simple.
    Je dois vous interrompre ici, David. Le temps est écoulé.
    J'invite Georgina Jolibois à poser la prochaine question.
    Je vous remercie, monsieur Obed, monsieur Hicks. J'ai bien apprécié vos exposés.
    Moi également, assise ici, je ressens de la frustration d'un point de vue subjectif. Puis, dans une perspective objective, nous au Canada, que nous vivions dans le Nord, dans les territoires par exemple, dans le Moyen-Nord ou les provinces… Je viens du nord de la Saskatchewan. Je ressens de la frustration parce que chaque fois que nous, ou nos amis ou parents, entendons que quelqu'un s'est suicidé, c'est pour nous un processus douloureux et une expérience peu agréable, et pourtant, quand nous considérons les services et programmes et les différents niveaux de solution et domaines que nous devons examiner…
    J'ai été heureuse de vous entendre parler du rapport. J'ai hâte de le lire parce que je veux comprendre à fond la différence dont vous faites l'expérience dans le Grand Nord, les territoires.
    De votre point de vue, subjectivement, les aînés jouent-ils un rôle clé dans le processus de guérison dans votre région?
    Je vous remercie de cette question.
    Les Inuits ont dû être — cela aussi est un jugement subjectif — parmi les peuples les plus résistants de la planète. Les expériences que tellement d'entre eux ont vécues pour survivre sur cette terre sont inouïes. Il existe de nombreux récits d'Inuits qui ont survécu à la famine ou à l'épidémie de la grippe espagnole en 1918 et 1919, qui ont entraîné la disparition de collectivités entières, exception faite de quelques petits enfants. Les histoires que nous racontent nos aînés qui évoquent ce qu'ils ont souffert, ce à quoi ils ont survécu, sont puissantes et édifiantes à bien des égards. Nous devons revenir à cette capacité de résistance, tenter d'en comprendre la puissance et la transmettre à ceux qui vivent aujourd'hui. Les aînés possèdent cette connaissance essentielle des raisons qui les ont amenés à réagir comme ils l'ont fait dans des situations incroyablement difficiles. Leur sagesse et leur expérience de vie doivent informer notre façon de penser cette question.
    Les fondements mêmes de la société inuite, les bases sur lesquelles nous vivons, nos gens disent qu'ils veulent y revenir. Notre culture, notre langue et notre histoire sont essentielles à notre bien-être. Nous devons nous assurer de les transmettre à nos enfants et d'imprégner notre société de nos enseignements et de notre vision du monde. Cela se rapportera parfois à la prévention du suicide et parfois au développement communautaire. Il s'agit de revenir à ce que nous étions en tant que société et de sentir que nous nous accomplissons par notre manière d'interagir avec tous nos aînés et par la façon dont nos collectivités fonctionnent.
    Je dirais que l'histoire inuite et nos aînés ont un grand rôle à jouer pour apprendre à la société inuite comment devenir résistante, comment nous pouvons recouvrer la santé et, relativement à la prévention du suicide en particulier, et pour aider notre société à guérir des malheurs qui l'ont frappée.

  (1635)  

    Ai-je le temps pour une autre question, monsieur le président?
    Le président: Oui, allez-y.
    Mme Georgina Jolibois: En tant que Canadiens, présents ici à cette audience, et d'un point de vue objectif, sur lequel vous avez donné quelque rétroaction, quel message devons-nous retenir dans notre travail de parlementaires pour faire en sorte de ne pas déroger aux messages?
    Avant toute chose, je ne crois pas qu'il soit respectueux de la part du gouvernement de prescrire des solutions aux peuples autochtones en matière de suicide.
    Quant aux multiples raisons qui font que nos collectivités sont ce qu'elles sont, je rappelle que ce sont la colonisation et les programmes et politiques du gouvernement canadien qui ont causé le traumatisme historique et intergénérationnel. Dire maintenant, en l'absence d'un véritable partenariat avec les Canadiens autochtones et leurs représentants, que le gouvernement canadien fera ceci ou cela pour prévenir le suicide est une autre façon de prendre la parole à notre place et ne constitue pas la façon qu'un vrai partenariat entre les Inuits et la Couronne ou de nation à nation doit fonctionner.
    Le second volet, c'est la nécessité de l'équité sociale. Nous avons tellement à faire pour être en mesure de l'assurer à tous les Canadiens et, au sein de la communauté inuite, il y a des mesures très précises, simples et directes à prendre pour le faire. En tant que Canadiens, nous devons tous croire que nous sommes… Nous exigeons l'équité à l'intérieur du Canada.
    Merci.
    Quel message pouvons-nous donner à nos jeunes?
    Merci. Voilà une excellente question.
    On s'attend souvent des jeunes qu'ils trouvent, dans un vide, des solutions à ce problème, et je sais que les jeunes ont déjà un très lourd fardeau à porter. Des attentes leur sont imposées par leur famille, leur milieu et par eux-mêmes quant à ce qu'ils sont en tant qu'Autochtones, plus précisément, dans mon cas, en tant qu'Inuit. Souvent, je crois, nous n'en faisons pas suffisamment pour faire en sorte qu'ils ont les ingrédients nécessaires pour réussir.
    Il y a tellement de jeunes qui ont réussi malgré les systèmes qui minent leur potentiel et leur capacité d'affirmer leur force et leur fierté d'Inuit. Je félicite les jeunes Inuits pour tout ce qu'ils font et pour tout ce qu'ils disent vouloir pour la société, mais je dis que nous devons aussi exiger un meilleur avenir et que les jeunes Inuits doivent faire entendre très clairement que les réalités qui ont été les leurs jusqu'à présent ne sont pas acceptables et que nous pouvons tous faire mieux pour améliorer la vie des jeunes Inuits.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à Don Rusnak.
    Je vous remercie de vous être déplacés aujourd'hui pour cette audience. Monsieur Obed, c'est un plaisir de vous revoir. Monsieur Hicks, je suis heureux de vous rencontrer.
    Depuis que nous avons entrepris cette étude, j'ai entendu beaucoup de gens dire que le suicide est simplement un symptôme de tous les problèmes qui existent dans les collectivités autochtones. Certains m'ont dit que nous devons élaborer une solution à deux étapes, la première étant d'envoyer des travailleurs de la santé pour s'attaquer au problème dans les collectivités immédiatement, la deuxième étape, à long terme, étant d'établir l'autodétermination économique et d'instaurer les conditions nécessaires à la prospérité des collectivités et de leurs membres.
     Qu'est-ce que vous voudriez que le Comité recommande à tous les ministères, mais plus particulièrement au ministre des Affaires autochtones, qui pourrait aider dans l'immédiat, puis empêcher que le problème persiste à long terme?

  (1640)  

    Au cours de l'élaboration de la stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits, nous avons travaillé avec Santé Canada, et le 27 juillet, jour du lancement de la stratégie, nous espérons que le gouvernement du Canada s'engagera à travailler avec les Inuits sur les premières mesures de prévention du suicide. Il y a des responsabilités dans l'ensemble du gouvernement. Il ne s'agit pas uniquement d'un problème de santé. C'est un problème qui a de nombreux différents aspects.
    Je voudrais dire un mot sur la question de l'autodétermination qui vient d'être mentionnée.
    L'autodétermination est notre objectif. Le lien entre notre taux de suicide et l'autodétermination relative ou l'autodétermination proprement dite dans un modèle de gouvernance est une chose qui ne me semble pas être fondée sur des données probantes de la réalité inuite. Peut-être qu'il existe ailleurs une corrélation claire entre l'autonomie gouvernementale ou l'autodétermination et le taux de suicide, mais chez les Inuits… Le Groenland bénéficie de l'autodétermination depuis assez longtemps et son taux de suicide est élevé, similaire au taux canadien.
    Je crois que l'autodétermination implique l'autonomie gouvernementale et un consentement libre, préalable et informé, ainsi qu'un certain nombre de différents concepts dont le gouvernement actuel peine à comprendre ce qu'ils signifient réellement pour la relation. Nous devrions aller de l'avant à toute vapeur avec ces discussions. Cependant, je crois que c'est vraiment forcer les choses que de lier l'autodétermination directement à la prévention du suicide. Peut-être que des recherches plus poussées et une meilleure compréhension du problème permettront d'établir quelque lien plus concret, mais il y a de grosses lacunes dans nos connaissances à ce sujet et c'est pourquoi nous avons tenté, en élaborant notre stratégie, de la fonder sur des données probantes plutôt que d'amonceler toutes sortes de différentes idées ayant une apparence de plausibilité.
    Il vous reste trois minutes.
    La solution immédiate, comme vous l'avez déjà dit, je crois, est de traiter le problème comme une question de politique de santé publique et d'avoir une stratégie, à mettre en application de concert avec les Inuits et les organismes dans les secteurs que vous représentez, afin d'offrir aux Inuits des ateliers ou des programmes reflétant leur culture et adaptés à elle. Une tentative en ce sens a-t-elle été faite par un gouvernement antérieur? Ou même dans un passé éloigné? Si oui, quels en ont été les résultats?
    Au niveau fédéral, le seul programme que je connaisse est la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones, introduite il y a 10 ou 15 ans. Elle comprenait un volet propre aux Inuits et finançait largement des programmes dans les collectivités, mais n'était pas, dans bien des cas, précisément axée sur la consultation psychologique ou les interventions préventives.
    Ce qu'il nous faut en premier lieu, c'est un meilleur travail d'intervention auprès des personnes à risque et d'identification de ces personnes pour faire en sorte qu'elles reçoivent les soins, les services de santé mentale et les soutiens dont elles ont besoin.
    Pour ce qui est de l'intervention postérieure auprès de ceux ayant subi un traumatisme, à peu près rien n'a été fait pour les Inuits traumatisés par un suicide ou ayant tenté de se suicider. Ces personnes n'ont bénéficié d'aucune espèce de soutien.
    Il y a certaines choses très précises à faire dans l'immédiat pour aider à corriger la situation à très court terme. Cependant, dans une perspective plus large, les investissements en amont en santé publique dont les Canadiens ont parlé de façon très nuancée quand il s'agissait d'autres problèmes de santé publique, doivent se faire dans nos collectivités. Le milieu dans lequel se présente spécifiquement le risque suicidaire, tel qu'il naît des circonstances de la vie d'une personne, puis qu'il apparaît dans un sens sociétal, doit être examiné.
    Les gens dans nos collectivités se demandent souvent pourquoi telle personne est morte. Ordinairement, la conversation débute par un rappel que la personne en question venait d'un bon foyer, qu'elle avait terminé ses études secondaires. Souvent, la conversation ne va pas plus loin. On ne mentionne pas que la personne se trouvait dans une société où des facteurs de risque suicidaire étaient présents. Quelle que soit la personne en cause, quelle que soit sa situation particulière, elle se trouvait exposée à ce risque. Même l'idée que l'exposition au suicide constitue effectivement un facteur de risque suicidaire doit être mieux comprise et appréciée dans notre approche à ce problème au sein de nos collectivités.

  (1645)  

    Merci.
    Nous devons faire avancer la discussion. Peut-être que M. Hicks pourra glisser un mot en réponse à d'autres questions.
    Nous passons maintenant à la ronde de questions de cinq minutes. Comme le temps avance à grands pas, j'invite les membres du Comité à s'abstenir de longs préambules et en venir à leurs questions aussi rapidement que possible.
    Harold Albrecht est notre prochain intervenant.
    Je vous remercie tous deux de vous être déplacés aujourd'hui. Laissez-moi vous dire que l'extraordinaire compréhension que vous avez du problème est pour moi une leçon d'humilité.
    J'ai eu l'occasion de lire rapidement le document « Résilience intérieure » que vous avez rédigé. J'applaudis sans ambages à beaucoup des initiatives qui y sont décrites. Je pourrais passer au travers des huit chapitres et en établir la liste. Je pense que c'est un excellent programme.
    À cet égard, y a-t-il eu des consultations avec l'Agence de la santé publique du Canada au cours de l'élaboration du cadre fédéral de prévention du suicide, qui doit être mis en œuvre plus tard cette année? L'Agence de la santé publique du Canada a été chargée de la mise en application du projet de loi C-300, qui établit le cadre fédéral. Je me demande quelle sorte de collaboration il y a eu entre le gouvernement du Canada et celui du Nunavut dans l'élaboration de votre programme.
    Je ne veux certainement pas suggérer que ce cadre devrait le remplacer ou même avoir préséance. En fait, c'est l'une des raisons qui a mené au choix du mot « cadre » de préférence à « stratégie ». Nous voulions un terme qui se prêterait à une contextualisation dans les différentes collectivités partout au Canada, mais je pense qu'il aurait dû y avoir, et j'espère qu'il y a eu, un certain niveau de consultation avec la communauté inuite.
    Je parlerai pour l'Inuit Tapiriit Kanatami. Nous avons été engagés dans ces discussions avec l'Agence de la santé publique…
    Vous l'avez été.
    … et tout au long de ces discussions, nous avons préconisé une approche propre aux Inuits que l'Agence de la santé publique et Santé Canada pourraient également adopter, en partenariat avec nous, pour travailler à la prévention du suicide. La répartition du risque dans nos collectivités est tellement différente de ce qu'elle est dans la population canadienne qu'elle exigeait une approche très précisément adaptée aux Inuits.
    Oui, je suis tout à fait d'accord. Je ne veux pas suggérer que le cadre devrait de quelque façon que ce soit se substituer à ce que vous faites déjà. De nouveau, j'applaudis à votre action.
    Je trouve très utile ce document que vous avez distribué. Vous mentionnez la continuité culturelle, la cohésion de la collectivité, la solidité de la famille, et ainsi de suite, comme facteurs de protection. Une chose qui manque peut-être, ou qui n'a peut-être simplement pas été mentionnée, est une dimension qui m'intéresse vivement, à savoir la composante spirituelle de ce que nous sommes en tant qu'êtres humains. Je sais que beaucoup d'études ont été faites sur cette question.
    Vous connaissez peut-être cet ouvrage faisant état d'études cliniques sur la prévention du suicide. L'une des observations de l'auteur qui se rapporte précisément aux collectivités autochtones est, je pense, très profonde. Je cite ce court passage où il affirme qu'il a été constaté que la participation active et régulière à des pratiques spirituelles avait un effet tampon sur le taux de suicide. Il parlait alors précisément du suicide parmi les jeunes Autochtones au Canada.
    Je me demande quel aspect de la communauté spirituelle, qu'il s'agisse de spiritualité autochtone ou autre… Vous avez mentionné les groupes confessionnels dans vos remarques préliminaires, et j'ai été heureux de l'entendre. Auriez-vous des commentaires à formuler sur la responsabilité des groupes confessionnels au chapitre de la prévention, de l'intervention et même de l'intervention postérieure?
    Ma question s'adresse à l'un ou l'autre.

  (1650)  

    Nous le savons, dans notre travail au Nunavut, les appels téléphoniques à deux heures du matin, soit en cas de crise de santé mentale, de suicide ou de menaces de suicide sont souvent traitées par les membres des groupes confessionnels. Ce sont simplement des gens solides et il y en a dans chaque collectivité.
    L'un de nos objectifs c'était de leur demander quel genre de formation ils voulaient. La façon dont les travailleurs volants de la santé traitent ces gens pose problème. Nos gens ne prétendent pas être des travailleurs sociaux ou des infirmières, toutefois, ce sont vraiment de solides résidents de la collectivité. Au Nunavut en tout cas je les apprécie fortement, car dans le cadre de notre travail, ce sont souvent nos premiers contacts dans les collectivités. Le groupe de travail a toujours eu un représentant d'un des groupes confessionnels.
    À l'évidence, dans toute société, un fondement spirituel fort constitue un élément protecteur, mais ce n'est pas donné à tout monde.
    Je ne prétends pas que ce soit la solution magique, loin de là. Toutefois, selon moi, ce serait regrettable, si nous, les travailleurs de la santé et les politiciens, ignorions cet outil. Ce n'est pas le seul, mais c'est l'un des nombreux que nous devrions utiliser.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Vous avez 10 secondes.
    Très bien, 10 secondes c'est parfait.
    Monsieur Hicks, pouvez-vous nous dire si votre formation « ASIST » et la formation « safe TALK » sont identiques?
    La formation « safe TALK » provient de la même organisation, mais ne vise pas les aptitudes d'intervention. En fait, ils offrent une suite de programmes.
    Cela porte sur l'observation.
    L'idée c'est de vous familiariser avec le comportement suicidaire et, si vous observez quelque chose, ainsi vous connaissez les personnes qualifiées « ASIST » à contacter.
    Merci pour votre patience.
    Je précise que cette méthode a été développée au Canada, en Alberta.
    Très bien.
    Mike Bossio, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci à vous deux d'être là.
    Jack, votre travail est reconnu et nous l'apprécions.
    Natan, vous revoilà devant nous. Vous connaissez intimement votre collectivité et je vous en félicite.
    M. Rusnak parlait d'autodétermination et d'autonomie gouvernementale. La formule de financement visant le Nunavut et les collectivités inuites est-elle identique à celles des autres ententes de contribution et des programmes de subventions?
    Il y a différents flux de financement de soins de santé et de santé mentale pour les collectivités inuites. La Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits a des ententes de contribution, soit avec des fournisseurs propres aux Inuits, soit avec les gouvernements. En plus, au plan provincial, la province de Québec et la province de Terre-Neuve-et-du-Labrador traitent avec nos régions inuites pour le financement des soins de santé.
    Vous dites qu'il y a un ramassis de différents financements, selon le programme ou le projet, il y a un fonds général. Là où je veux en venir, c'est la destination sectorielle spécifique de ces fonds et, en dehors de ces secteurs, il y a peu de contrôle sur leur utilisation. N'est-ce pas?
    Dans beaucoup de services de santé publique et dans les programmes de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, il y a des modalités très précises visant les types des services admissibles et de leurs fournisseurs.
    Très bien.
    Nous avons fait toutes sortes d'études, sur les suicides et sur la santé, mais la question est de savoir si l'on a déjà étudié — et peut-être que Jack pourra m'aider — l'égalité sociale, et le financement nécessaire à sa réalisation?
    Selon notre expérience au Nunavut, une stratégie sans budget n'est pas très efficace. Souhaitons une rectification rapide, du moins c'est ce qu'on nous a dit. Essentiellement c'est ça.
    Le Québec a investi dans une stratégie coordonnée visant le financement d'une gamme d'activités. L'OMS recommande à chaque pays d'avoir une stratégie nationale dotée de ressources adéquates, il y a donc un coût. La prévention du suicide, j'en suis convaincu, se paie d'elle-même. Je déteste utiliser cet argument, mais le suicide coûte cher au gouvernement — très cher.

  (1655)  

    Je m'en vais un peu dans ce sens.
    Au milieu des années 1980, à plusieurs reprises, je suis allé à Mistissini, dans le nord du Québec, chez les Cris. En 2005, quand j'étais là-bas, je n'en suis pas revenu de la transformation de cette communauté et de cette société. Et, cela c'est le résultat des 10 milliards de dollars versés par le gouvernement du Québec pour le projet hydroélectrique. Ils avaient beaucoup plus d'autodétermination et d'autonomie gouvernementale dans ces types de services.
    C'était une communauté magnifique et visiblement très fière. C'était incroyable. Selon moi, c'est une partie du casse-tête: nous devons imaginer comment arriver aux niveaux de financement nécessaire à la restitution de l'égalité sociale, de la fierté communautaire et de l'espoir dans l'avenir de nos jeunes. De nos jours, nos attentes envers nos jeunes sont très élevées, mais l'impossibilité de les atteindre assombrit les perspectives. Ne croyez-vous pas?
    Puis-je vous suggérer de remonter plus en amont, aux expériences néfastes de l'enfance — c'est dans les publications mondiales. En 1999. lors de la création du Nunavut, il y avait sept programmes Bon départ et, 16 ans plus tard, il n'y en a pas un seul de plus. Après toutes ces années de taux élevé de suicide d'enfants, pourquoi chaque enfant du Nunavut n'a-t-il pas accès à un programme Bon départ? Là où il y en a, les communautés les adorent et, selon les études fédérales, ils sont géniaux.
    Jack, excusez-moi de vous interrompre, mais j'ai une autre intervention.
    Nous sommes actuellement en situation de crise. Dans le secteur de la santé, s'il y a crise — une éclosion de maladie — il faut l'attaquer avec beaucoup de ressources, la maîtriser et ensuite offrir les ressources à long terme pour la maintenir à un certain niveau. Ne croyez-vous pas que c'est ce qui manque ici aujourd'hui? S'il y a une crise là-bas en lien avec la santé mentale, les dépendances ou les abus, nous devons l'attaquer dans cette communauté à l'aide de ressources très spécifiques.
    Oui, nous le faisons en partenariat et, absolument rien ne nous empêche d'investir en même temps dans le mieux-être des enfants. Absolument rien.
    Merci.
    La prochaine question sera posée par Arnold Viersen.
    Merci, monsieur le président.
    Natan et Jack, merci d'être là. J'ai beaucoup aimé votre exposé, c'était très instructif.
    J'ai peu de questions pour vous aujourd'hui. Votre exposé était formidable. Je lisais ce document, la partie sur le facteur de risque. C'est probablement ce qui est le plus important, atténuer les facteurs de risque.
    Pendant un moment, nous avons travaillé très fort sur les facteurs de protection, surtout en santé mentale. À chaque crise ou épidémie de suicide, on fait appel aux travailleurs de la santé mentale, c'est une solution de fortune. Nous devons faire mieux. C'est toute une culture du suicide que nous devons nous efforcer de changer un peu.
    Natan, pouvez-vous me dire si le terme de « culture du suicide » est approprié? Je suis tout à fait ignorant de la chose, ça m'est complètement étranger. Pourriez-vous nous parler davantage des communautés touchées par le suicide?
    Il est question dans ce document des forces de la famille, ça va de soi, mais de le voir écrit là, soudain on se dit: « Oui, nous devons nous préoccuper des forces familiales. » Ça fonctionne comment? Quel est le rôle de la cohésion communautaire? Je retrouve ces choses-là dans ma propre vie et je ne peux pas imaginer la réalité autrement.
    Pourriez-vous nous en parler un peu?
    Merci.
    Nous disons que le suicide est « normalisé » dans nos communautés. Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, tout le monde est affecté, voilà pourquoi on dit cela. Dès le plus jeune âge, tous le comprennent dans les moindres détails, comment ça se produit et comment une personne est affectée. Le parcours de vie des gens, des familles et des communautés entières est altéré et personne n'y échappe.
    Ce genre de chose ne se produit simplement pas dans la majeure partie du Canada. Ça peut arriver dans certaines familles ou un suicide peut être particulièrement médiatisé, mais ce n'est pas un environnement où les enfants grandissent et considèrent comme faisant simplement partie du fonctionnement ou du dysfonctionnement de leur communauté.
    Cela découle des années 1970, époque de l'augmentation du taux de suicide et, souvent, du dysfonctionnement de nos communautés transmis de génération en génération, tout cela explique pourquoi nous sommes comme ça aujourd'hui. C'est à cause de l'absence de services de santé mentale que des familles ont été détruites. Les gens ne pouvaient pas guérir des choses qui les déchiraient, comme les abus physiques et sexuels de l'enfance ou leur passage dans les pensionnats de l'âge de 5 à 18 ans. En peu de temps, bien des choses différentes se sont produites dans notre société amenant ainsi les gens à ne plus pouvoir composer avec les choses que nous tenons tous pour acquises.
    L'amour d'un partenaire, l'amour des enfants, de sa famille, la capacité à surmonter les difficultés de la vie — voilà autant de choses qu'il faut instiller à la personne dépourvue et c'est pour nous un motif d'espoir, car on peut bâtir la résilience, les mécanismes d'adaptation, et on peut guérir des choses qu'on a subies.
    Nous le répétons, on ne nous a pas donné ces possibilités, ces mécanismes requis, mais nous les réclamons depuis des générations et nous ne les avons toujours pas.

  (1700)  

    Ce sont mes 18 secondes.
    Vous avez terminé.
    Je le jure, ça me paraît toujours plus court.
    Merci beaucoup.
    Merci à vous deux. Je m'en excuse.
    Gary Anandasangaree posera la prochaine question.
    Jack et Natan, merci d'être venus.
    Natan, bienvenue à nouveau.
    Je veux approfondir certaines de vos déclarations précédentes sur l'application de la stratégie.
    Si je comprends bien, l'ITK est responsable de la stratégie, mais son application relèvera-t-elle de différentes agences ou des gouvernements? Après l'annonce du 27 juillet, comment voyez-vous le déroulement?
    À bien des égards, l'un des éléments clés de cette initiative, c'est la divulgation à tous les Inuits et à tous les Canadiens des raisons de ces manifestations suicidaires et des gestes de prévention nécessaires de la part de tous. Je le répète, nous sommes loin de cette unification nécessaire, selon moi, à un effort collectif bien orienté de prévention du suicide.
    Nous avons imaginé des stratégies variées, comme les revendications auprès du gouvernement. Il y a aussi notre réseau de prévention du suicide aux paliers locaux, régionaux et nationaux, et tous concentrent leurs efforts pour aider les Inuits là où ils sont. L'ITK peut aussi adopter des programmes spécifiques ou favoriser la création de ressources variées afin d'informer les régions et les communautés inuites.
    Dans bien des cas, nous sommes impliqués à favoriser et à promouvoir le changement, à travailler avec les communautés et régions inuites afin de rendre ces choses possibles, et de les imaginer de la même manière et les aborder ensemble.
    Au centre, nous allons jouer un rôle clé de défenseurs, mais nous allons aussi combler les principales lacunes dans les connaissances. Vu l'absence d'identificateurs ethniques dans toutes nos juridictions sauf le Nunavut et vu le besoin, lors de la création de notre stratégie en 2016, d'embaucher une expertise extérieure pour les bureaux des coroners afin de créer des données tout simplement inexistantes sur les suicides inuits, car les données existantes sont propres aux communautés et non propres aux Inuits au plan national... Nous devons créer ces changements pour bien comprendre comment nos communautés sont affectées et comprendre ce qui fonctionne. Dans le temps, il faut créer un processus d'évaluation pour vérifier si nos actions communes ont un effet positif, autrement il faut les adapter afin de voir une différence dans la population plus tard.
    Bien sûr, on ne parle pas de trois à cinq ans, c'est un effort générationnel, mais en cours de route nous pouvons voir si nous y arrivons.

  (1705)  

    Sur le plan de la participation du gouvernement, par le biais de Santé Canada et des Affaires autochtones, sans perdre de vue la nécessité de créer une relation à long terme de nation à nation, et en l'absence de celle-ci, comment percevez-vous leur rôle d'appui à la stratégie et à vos efforts?
    Avant tout, j'aimerais changer la façon dont le gouvernement présente cet enjeu et respecte les Inuits.
    Tous les jours, les médias soulèvent des questions et il y a régulièrement des déclarations sur la prévention du suicide chez les Autochtones du pays et comment cela va se faire. Pour la composante inuite, nous devons y travailler ensemble et partager nos points de vue sur son déroulement. C'est la seule façon respectueuse d'aborder la question.
    Des interventions et des investissements spécifiques des divers ministères fédéraux seront nécessaires. On ne peut non plus négliger le temps dont ces ministères auront besoin pour saisir les enjeux dans un contexte propre aux Inuits, car plusieurs d'entre eux agissent toujours comme si tous les peuples autochtones vivent sur les réserves, ou comme si les obligations et les réalités inuites correspondaient à celles des autres Autochtones canadiens.
    Nous sommes loin du compte, mais j'imagine une réalité où nous collaborons à trouver les investissements les plus sensés et les plus aptes à apporter les changements que nous souhaitons tous.
    Merci.
    Nous avons trois minutes pour une dernière question de Georgina Jolibois, s'il vous plaît.
    Selon vous et selon les jeunes, les familles, les anciens et les chefs, à quoi ressemblerait le vrai partenariat, la relation de nation à nation dont vous parlez?
    Le partenariat renouvelé entre les Inuits et la Couronne — c'est l'appellation que nous utilisons entre Inuits — commence par le respect des accords de revendications territoriales inuites et des structures de gouvernance inuites créées en vertu de ces accords.
    Nos quatre régions ont des modèles différents de gouvernance, mais tous découlent de ces accords de revendications territoriales globaux avec la Couronne. Nos populations se sont toutes investies dans ces accords. À bien des égards, nous attendons encore cet avenir commun imaginé lors de la signature de ces accords. Lorsque, ensemble, les chefs inuits, le gouvernement fédéral et les juridictions de résidence des Inuits emprunteront cette voie, ils devront le faire dans un esprit commun de partenariat.
    Dans le cadre d'une collaboration du gouvernement du Canada avec nos leaders pour créer ce changement, sans plus, là où c'est possible, et, simplement, en entretenant des relations avec les instances publiques des juridictions de résidence des Inuits, ou bien avec les organisations inuites ou communautaires non représentatives des Inuits. Ainsi, tous pourraient sentir un changement réel et nouveau.
    Dans notre démocratie inuite, si l'on veut, nous avons des organisations de jeunes et de femmes. Notre structure nous permet de réagir de façon spécifique à un problème spécifique. Tout ce fonctionnement est pour nous un défi constant, car il nous manque les liens historiques de la réussite. Nous n'avons peut-être pas été reconnus comme l'ont été d'autres groupes de représentants autochtones et nos accords de revendications territoriales n'ont pas été appliqués de la façon dont ils auraient dû l'être selon beaucoup d'Inuits, alors nous anticipons cette voie commune à venir.

  (1710)  

    Voulez-vous commenter?
    Comme par le passé, nous avons beaucoup de questions sans possibilité d'avoir de vraies réponses. Si vous avez d'autres commentaires, je vous invite à les transmettre au greffier et nous pourrons les inscrire au dossier, surtout certaines choses... Je voulais parler du Québec et du pourquoi de leur réussite. Tout ce que vous pouvez ajouter là-dessus sera grandement apprécié.
    Monsieur Obed, monsieur Hicks, merci beaucoup à vous deux pour ce témoignage fascinant et enrichissant. Ce sera très utile pour les travaux du comité. Merci beaucoup pour votre temps aujourd'hui.
    Nous allons suspendre la séance deux minutes et ensuite nous reviendrons à huis clos pour les affaires du Comité.
    Merci.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
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