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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 023 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. J'espère que tout le monde est bien éveillé aujourd'hui. Nous allons commencer immédiatement par la reprise des témoignages concernant l'étude sur la pauvreté.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins ce matin: Derek Cook, directeur du Canadian Poverty Institute; Philip Cross, agrégé supérieur du Macdonald-Laurier Institute; Allan Moscovitch, professeur émérite de l'École de service social de l'Université Carleton; Geranda Notten, professeure agrégée de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa; et Richard Shillington, qui est titulaire de diplômes en statistique, a effectué 30 ans de recherche sur des politiques sanitaires, sociales et économiques et travaillé pour divers gouvernements, le secteur privé et des ONG. Bienvenue.
    Nous entendrons ce matin l'exposé de chacun d'entre vous.
    Encore une fois, merci beaucoup d'être ici, tôt ce matin. Nous avons hâte de vous poser des questions.
    Je vais donner la parole à M. Cook. Bienvenue, monsieur.
    Bonjour. Merci de nous offrir la possibilité d'être ici ce matin devant le Comité pour faire part de nos réflexions sur la pauvreté et le système de sécurité du revenu du Canada.
    J'aimerais commencer par féliciter le gouvernement de ses engagements renouvelés à l'égard de la réduction de la pauvreté et d'entamer cet examen des programmes.
    Comme l'indique le document de travail du gouvernement du Canada intitulé Vers une stratégie de réduction de la pauvreté, la pauvreté est un problème très complexe et multidimensionnel. Je veux commencer par dire que, au Canadian Poverty Institute, nous partageons ce point de vue et comprenons que la pauvreté est un problème de bien-être économique, social et spirituel compromis. Par pauvreté économique, nous entendons l'absence d'accès au revenu et aux ressources. Par pauvreté sociale, nous voulons dire l'absence de liens aux mesures de soutien social dont nous avons besoin pour nous épanouir. La pauvreté spirituelle désigne l'absence de signification d'une tradition spirituelle pouvant nous soutenir ou de liens avec cette tradition.
    Comme il s'agit d'un problème social de même qu'économique, nous croyons que la réduction de la pauvreté doit se concentrer autant sur le renforcement de notre interdépendance que sur celui de notre indépendance individuelle. Par conséquent, nous comprenons que la sécurité du revenu est une responsabilité quadruple: de la personne, de l'employeur, de la collectivité et de l'État. Nous devons discuter de la sécurité du revenu dans ce contexte. Comme vous le savez tous, les tendances des dernières décennies ont érodé notre capacité à tous ces égards. La qualité des emplois, comme le signalait la Banque Canadienne Impériale de Commerce, s'érode depuis un certain temps, et les emplois sont de plus en plus précaires. Cela accroît la pression sur les personnes et l'État.
    L'érosion des avantages sociaux, les investissements réduits dans l'infrastructure sociale et l'élimination de normes nationales ont tous contribué à compromettre le filet de sécurité sociale.
    Comme nous avons travaillé avec des personnes vivant dans la pauvreté ou vulnérables à celle-ci et les avons écoutées, nous avons entendu des préoccupations importantes concernant le filet de sécurité sociale du Canada. Les gens nous ont dit que les programmes, les services et les mesures de soutien sont de plus en plus difficilement accessibles, particulièrement aux personnes qui en ont besoin le plus. Les services sont fragmentés et souffrent d'une absence de coordination. Les avantages sont très inadéquats. Des décisions cruciales qui changent la vie des gens semblent souvent arbitraires, et il y a une absence de recours. La conception et la prestation de programmes et de services compromettent la dignité des gens en tant qu'êtres humains.
    En 2013, j'ai eu la possibilité de travailler dans le groupe de travail du maire sur la pauvreté à Calgary. Nous avons parlé à certains résidants d'un refuge pour sans-abri au centre-ville et leur avons demandé: « Quel est le problème le plus important auquel vous faites face en tant que personne vivant dans une pauvreté extrême? » J'ai été surpris de la réponse unanime: « La violation de mes droits ».
    Nous comprenons et reconnaissons de plus en plus le fait que la pauvreté constitue effectivement une violation des droits économiques, sociaux et culturels. Le Canada est signataire du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et par conséquent, nous devons respecter certaines obligations conformément au pacte. Dans l'exposé que nous avons récemment présenté dans le cadre de l'examen périodique universel de l'ONU relativement aux progrès du Canada pour respecter ces obligations, le Canadian Poverty Institute, avec un certain nombre d'organisations de la société civile, a constaté ce qui suit: des revenus de bien-être social inadéquats et une réglementation relative au bien-être social punitive, un soutien au revenu inadéquat pour les personnes âgées, des salaires minimums insuffisants et une précarité de plus en plus grande des emplois, une insécurité alimentaire croissante, l'itinérance, des inégalités sanitaires répandues, des inégalités relatives au sexe persistantes et un accès inéquitable aux services de garde d'enfants et à l'éducation préscolaire précoce.
    En réponse, la commission des Nations unies a recommandé que le Canada élabore et mette en oeuvre une politique visant l'égalité des sexes, renforce la loi sur l'équité en matière d'emploi, s'assure que les salaires minimums sont augmentés dans toutes les administrations, s'assure que les taux d'aide sociale sont adéquats, révise le régime d'assurance-emploi et mette en oeuvre une stratégie nationale sur le logement et l'itinérance. Nous sommes satisfaits de voir les progrès accomplis sur presque tous ces fronts. En tant qu'institut national ayant le mandat de combattre et d'éradiquer la pauvreté, nous sommes d'accord avec ces recommandations tout en reconnaissant les défis liés au fait de réaliser des progrès dans une structure fédérale comme le Canada.

  (0850)  

    J'aimerais proposer certains principes qui, selon nous, peuvent guider une refonte des systèmes de sécurité du revenu et ensuite offrir certaines recommandations précises.
    Nous estimons que les principes suivants devraient être le fondement des programmes de sécurité du revenu du Canada. Conformément à notre compréhension de la pauvreté et à nos obligations relatives aux droits de la personne internationales, nous croyons qu'un régime de sécurité du revenu efficace doit être fondé sur des droits et le pacte international. Il doit être universel et fondé sur la reconnaissance de notre vulnérabilité humaine universelle. Il doit être inclusif dans sa conception et sa mise en oeuvre et doit être holistique, respecter les principes de l'indivisibilité des droits. Il doit être intégré horizontalement, adopter une approche pangouvernementale. Il doit être conçu pour promouvoir la dignité humaine et fondé sur des principes de confiance. Il doit aussi être juste et fondé sur les principes de transparence et de responsabilité et sur le droit d'interjeter appel.
    Ces principes fournissent une certaine orientation pour la façon dont nous pouvons avancer dans le réexamen de notre filet de sécurité sociale. En conséquence, nous présentons les approches suivantes pour un cadre de sécurité du revenu renouvelé. Il faut d'abord réinvestir dans l'infrastructure sociale essentielle comme le logement, la sécurité alimentaire, la garde d'enfants, la formation axée sur des compétences et l'accès aux soins de santé et aux médicaments sur ordonnance. L'admissibilité et les avantages sociaux prévus par les programmes de sécurité du revenu existants, comme l'assurance-emploi, l'aide sociale et les mesures de soutien au revenu des personnes âgées, doivent être révisés pour que l'on puisse s'assurer que les avantages sont suffisants afin d'offrir un revenu adéquat.
    Nous croyons que nous devons rétablir des normes nationales. Avec l'élimination du Régime d'assistance publique du Canada, on a compromis la capacité d'influencer la conception et la prestation de programmes partout au pays. Nous croyons que nous devons revenir aux normes nationales avec une certaine mesure de conditionnalité des programmes comme le Transfert canadien en matière de programmes sociaux.
    Nous croyons que nous devons travailler en partenariat. Bien qu'il y ait un besoin de normes et de principes nationaux, les programmes, dans leur conception et mise en oeuvre, doivent être adaptés au contexte local: il faut travailler en partenariat avec d'autres ordres de gouvernement comme les Premières Nations, avec les organisations de la société civile, le monde des affaires et les personnes vivant dans la pauvreté.
    Enfin, nous croyons que nous devons avoir une approche holistique et intégrée. Comme nous le savons, la pauvreté est complexe. Elle est multidimensionnelle, et les interventions pour combattre la pauvreté tendent souvent à être ponctuelles en raison de cela, et nous finissons par traiter des symptômes individuels plutôt que les causes structurelles.
    Nous croyons qu'il y a deux possibilités qui se présentent actuellement qui pourraient être le fondement d'une telle approche intégrée. La première est la discussion continue sur le revenu de base, lequel garantit des droits et offre un niveau de vie adéquat d'une manière digne. L'autre est l'assurance d'un salaire minimum vital en reconnaissant que la sécurité du revenu est un partenariat et une responsabilité quadruple, y compris la responsabilité des personnes et des employeurs.
    Nous croyons que nous pouvons et devons fournir des emplois de qualité qui offrent un salaire minimum vital assorti d'avantages sociaux. On peut y parvenir en rétablissant un salaire minimum fédéral, en offrant des incitatifs fiscaux aux entreprises qui versent des salaires minimums vitaux et au moyen du pouvoir d'achat du gouvernement fédéral et dans son rôle d'employeur.

  (0855)  

    Excusez-moi, monsieur Cook, je dois vous couper la parole. Je suis désolé. J'espère que nous pourrons revenir au reste de votre exposé, mais nous devons entendre tout le monde. Avez-vous un dernier commentaire?
    J'étais sur le point de conclure mon exposé.
    D'accord, allez-y.
    En conclusion, nous félicitons le gouvernement encore une fois de son engagement renouvelé pour éradiquer la pauvreté et examiner son architecture de soutien au revenu.
    Merci de m'avoir donné l'occasion de vous avoir présenté mon exposé. J'ai hâte de discuter avec vous.
    Nous vous avons écouté avec plaisir, monsieur.
    Nous allons maintenant passer à M. Cross. J'aimerais vous remercier de vous être présenté aujourd'hui moyennant un très court préavis.
    Pas de problème, merci de l'invitation.
    La semaine prochaine, je participe aux consultations prébudgétaires sur la croissance économique. En tant qu'économiste, je crois que le raisonnement doit aller dans l'autre direction. On doit résoudre le problème fondamental de la croissance économique d'abord, puis décider de la façon de se partager le gâteau.
    Le président du Conseil des conseillers économiques du président Lyndon Johnson, Arthur Okun, a écrit le livre Equality and Efficiency: The Big Tradeoff. Ce compromis existe toujours. Si nous mettons indûment l'accent sur les questions de redistribution, nous négligeons les nécessaires incitations à la croissance.
    Ces risques sont accentués dans le contexte actuel de faiblesse chronique qui caractérise la croissance des économies avancées, dont le Canada. Le programme de lutte contre la pauvreté le plus puissant, c'est une croissance économique rapide. Cette constatation valait pour le Canada au cours des deux derniers siècles, notre niveau de vie ayant atteint un niveau inimaginable au début du XIXe siècle, et elle reste vraie pour les économies émergentes en pleine croissance comme l'Inde et la Chine, où le développement a soulagé des milliards de personnes de la pauvreté extrême.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, il vaut la peine de jeter un coup d'oeil sur l'impact global de la redistribution des revenus au Canada. Notre système de taxation et de transferts est devenu de plus en plus progressif au fil du temps, comme je le signale dans une étude que j'ai publiée à l'lnstitut Macdonald-Laurier en avril 2015. Sans entrer dans les détails, la grande conclusion est que le système de redistribution favorisant les quintiles de revenu faible et moyen repose en grande partie sur les deux quintiles les plus élevés, 80 % du revenu redistribué provenant du quintile de revenu le plus élevé. La progressivité s'explique en grande partie par les transferts, non pas par les impôts. Plusieurs changements dans le budget de 2016 accroîtront sans doute cette progressivité, notamment l'Allocation canadienne pour enfants et les réductions d'impôt pour la classe moyenne.
    La capacité de redistribuer davantage de revenus par l'intermédiaire du système fiscal et des transferts pourrait bien avoir atteint son maximum. Le gouvernement avait proposé de financer sa réduction d'impôt pour la classe moyenne en augmentant les impôts prélevés sur les revenus supérieurs; or, le ministère des Finances a calculé que ces nouveaux impôts seraient bien en dessous de ses attentes, ce qui concorde avec les conclusions d'universitaires comme Kevin Milligan de l'Université de la Colombie-Britannique, selon qui des taux marginaux d'imposition qui s'élèvent au-delà de 50 % génèrent peu de recettes supplémentaires.
    II convient également de noter que l'augmentation des transferts et la réduction des impôts ont profité davantage aux quintiles de revenu moyens qu'aux quintiles inférieurs. Nous utilisons de plus en plus le système de taxation et de transferts pour améliorer le niveau de vie de la classe moyenne, et non pas pour relever les revenus au bas de l'échelle. Dans le budget de 2016, cette tendance à utiliser l'impôt et les transferts pour accroître les revenus de la classe moyenne a continué à prendre le pas sur la création des conditions qui favorisent une croissance des revenus gagnés dans le marché qui peuvent soutenir du même coup les revenus de cette même classe moyenne.
    Compte tenu des limites à la redistribution des revenus, seule la dernière possibilité peut véritablement mener à une croissance durable. Dans la mesure où la reconfiguration du système de taxation et de transferts procure à la classe moyenne un appui artificiel en se substituant à l'adoption de politiques visant à stimuler la croissance, cette configuration peut même freiner la croissance des revenus de la classe moyenne à long terme.
    Si nous adoptons les politiques de redistribution de façon vigoureuse, nous risquons de ralentir encore plus la croissance économique. Et la lenteur de la croissance comporte en retour ses propres risques; elle fait baisser les taux d'intérêt, ce qui incite les gens à prendre des décisions plus risquées lorsqu'ils investissent dans le marché boursier et le marché du logement.
    L'incidence du faible revenu dans notre société n'a plus la taille qui exigerait l'instauration de mesures à l'échelle de la société. Le faible revenu est concentré dans des groupes spécifiques, comme les femmes âgées qui n'ont jamais travaillé, les immigrants récents qui manquent de compétences linguistiques, les mères seules avec enfants et les personnes handicapées, une population qui peut être ciblée par des programmes gouvernementaux.
    Après avoir souligné que les mesures visant à lutter contre le faible revenu à l'échelle de la société sont en grande partie inutiles, j'aimerais ajouter que l'expérience démontre que les modifications apportées à certains programmes gouvernementaux peuvent être des outils efficaces pour réduire le faible revenu. II est probable que nous ayons obtenu nos plus grands succès grâce aux changements apportés à notre système de pension, le taux de faible revenu chez les personnes âgées étant passé de 44 % en 1961 à moins de 10 %. Toutefois, l'inverse est également vrai; les coupes marquées à l'aide sociale au milieu des années 1990 n'ont pas augmenté l'incidence du faible revenu, contrairement à ce que beaucoup prévoyaient.
    Plusieurs idées circulent actuellement sur la façon de réduire davantage l'incidence du faible revenu au Canada. On compte parmi celles-ci un revenu annuel garanti, des salaires minimums plus élevés, l'expansion du RPC et d'autres modifications du système de retraite, ainsi que l'augmentation de la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Je vais parler brièvement de certaines de ces propositions.
    II convient de féliciter le gouvernement pour avoir écarté les hausses du salaire minimum. Comme le professeur Pierre Fortin de l'UQAM l'a souligné lundi, augmenter fortement le salaire minimum équivaudrait sur le plan économique à faire exploser « une bombe atomique » — ce sont ses mots, pas les miens — au coeur de la communauté des affaires, tout en menant à l'exclusion grandissante des jeunes et des personnes peu qualifiées, dont les emplois sont déjà menacés par l'automatisation.
    Des salaires minimums plus élevés sont susceptibles de nuire aux groupes qu'ils sont censés aider. Le fait d'augmenter le salaire minimum dans une économie en difficulté — comme le fait le gouvernement de l'Alberta en ce moment — ne fera qu'empirer une situation déjà mauvaise.

  (0900)  

    L'expansion du RPC sur lequel les gouvernements se sont mis d'accord cet été ne contribuera guère à résoudre le problème du faible revenu. C'est pourquoi le Québec a pris ses distances. L'expansion est conçue pour aider une mince tranche de travailleurs de la classe moyenne qui fait face à une possible baisse importante de revenu — mais les prévisions réalisées des décennies à l'avance sont difficilement crédibles — quoique cette baisse ne sera pas assez marquée pour les amener en situation de faible revenu. Et les hausses de prestations sont très loin à l'horizon.
    Entre-temps, il a été clairement démontré qu'il y a un groupe de personnes âgées qui peut facilement passer à travers les mailles du filet de l'actuel système de retraite: ce sont les femmes âgées qui n'ont jamais travaillé. Les prestations versées au conjoint survivant sont rarement suffisantes, et le conjoint survivant n'a souvent aucune autre source de revenus ou de revenu de retraite sur laquelle compter. II n'y a aucune bonne raison de ne pas augmenter les prestations pour ce groupe, d'autant plus que le phénomène des femmes qui n'ont jamais travaillé sera en grande partie résorbé dans une décennie ou deux.
    J’ai hâte d’entendre vos commentaires.
    Merci beaucoup, monsieur Cross.
    Nous allons maintenant passer à monsieur Allan Moscovitch, professeur émérite de l'École de service social de l'Université Carleton. Merci d'être ici, monsieur.
    Ce que je voulais faire, c'était d'examiner brièvement certains des différents types de travail que j'ai effectués sur la question de la pauvreté et la réduction de celle-ci. J'espère donner au Comité une idée des types d'aspects qui ont été abordés, et si on a des questions à ces égards, je serai heureux d'y répondre.
    Mon expérience est un peu différente, car j'ai eu la possibilité de travailler à tous les échelons du gouvernement, non pas uniquement dans l'analyse des politiques, mais aussi dans la mise en oeuvre de programmes. Au début des années 1990, j'ai dirigé un processus menant à la refonte du système d'aide sociale et de bien-être de l'Ontario.
    Comme M. Cook, nous avons constaté, dans une de nombreuses études préliminaires que nous avons réalisées au cours desquelles nous avons demandé à des bénéficiaires d'aide sociale quelles étaient leurs principales préoccupations, qu'ils étaient préoccupés par l'absence de droits de la personne et l'absence de dignité dans le programme dont ils devaient dépendre. Nous avons essayé dans la refonte de nous concentrer sur les droits de la personne, la formation et l'éducation pour sortir de la pauvreté et sur le placement en emploi et les idées relatives au soutien à l'emploi, qui ont été mis de côté, je crois, par d'autres gouvernements depuis.
    J'ai aussi eu la possibilité de travailler pour la Commission royale sur les peuples autochtones, où un collègue et moi-même avons réalisé une étude préliminaire sur l'aide sociale et le rôle de celle-ci dans les collectivités des Premières Nations. Ce que nous avons constaté — et je crois que les résultats, malheureusement, sont toujours pertinents 20 ans plus tard — c'est un degré incroyablement élevé de dépendance envers l'aide sociale. Il y a de nombreuses collectivités où l'aide sociale est la forme principale de soutien économique. Même s'il y avait des débats au cours des années 1990 sur les chiffres, le Ministère, à la suite de pressions du vérificateur général du Canada, a révisé certaines données. Néanmoins, les taux de dépendance des collectivités des Premières Nations demeurent incroyablement élevés, et cela continue d'être un problème important à régler.
    Dans un passé plus récent, j'ai eu la possibilité de travailler sur deux enjeux liés de plus près à votre programme, comme il est décrit dans la résolution. Le premier était la pension de vieillesse. De fait, avec certaines données fournies par un de mes collègues ici présents, Richard Shillington, et avec certaines données que nous avons préparées nous-mêmes, nous avons constaté que la proposition du gouvernement précédent d'augmenter l'âge pour toucher la pension de vieillesse de 65 à 67 ans aurait, de fait, un impact important sur les gens ayant un revenu faible et modeste. Nous avons ensuite exploré un certain nombre de solutions de rechange pour trouver la même somme d'argent au moyen, par exemple, d'une réduction du seuil de la réimposition ou du changement du taux de réimposition. Je peux certainement en fournir une copie, laquelle a été préparée pour « How Ottawa Spends », une publication annuelle produite par l'Université Carleton.
    Enfin, j'ai eu la possibilité de travailler sur l'enjeu des principes sous-tendant le Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Les membres connaîtront probablement son histoire. Entre 1966 et 1996, il y avait une loi relative au Régime d'assistance publique du Canada qui comportait une série de principes qui y étaient associés et qui étaient censés fournir des contextes normalisés pour la prestation d'aide sociale et de services sociaux partout au pays.

  (0905)  

    Lorsque le régime a été remplacé par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, et par la suite par deux transferts distincts, la Loi canadienne sur la santé, qui exprimait les principes régissant la partie sur la santé, est demeurée. Toutefois, à part l'exigence liée à « l'absence de résidence », il n'y avait aucun principe établi pour le Transfert canadien en matière de programmes sociaux.
    Dans un article que j'ai écrit récemment, j'ai défendu certains des principes de base similaires à ceux de la Loi canadienne sur la santé pour la prestation de services sociaux partout au pays. J'ai aussi été un ardent défenseur de l'établissement de certains principes de base pour la partie sur l'aide sociale du Transfert canadien en matière de programmes sociaux.
    C'est ce que je voulais dire ce matin. Merci beaucoup de m'offrir la possibilité d'être ici.

  (0910)  

    Merci d'être ici. Nous apprécions cela.
    Nous allons maintenant passer à Mme Geranda Notten, professeure agrégée de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa. Bienvenue.
    Dans mon exposé d'aujourd'hui, je veux parler de la façon dont nous mesurons la pauvreté. Je veux établir un lien avec le mandat de l'étude, et cela concerne la façon dont la prestation de programmes fédéraux fonctionne pour réduire la pauvreté.
    Dans mon exposé d'aujourd'hui, je ferai valoir que la façon dont nous mesurons la pauvreté au Canada n'est pas à la hauteur des normes internationales. Le fait de se concentrer presque exclusivement sur le faible revenu comme indicateur de pauvreté nous entraîne à exclure un nombre important de Canadiens qui peuvent vivre dans la pauvreté. Si leur situation s'améliore, ce n'est pas jugé comme une réduction de la pauvreté. En outre, comme nous ne comptons pas non plus ces personnes dans nos évaluations des politiques, nous tendons à sous-estimer la façon dont nos programmes fonctionnent en ce qui concerne la réduction de la pauvreté. Non seulement nous ne posons pas un bon diagnostic du problème, mais en même temps, nous sous-estimons l'effet de la solution.
    La recommandation que je veux faire aujourd'hui est que nous complétions les indicateurs de faible revenu avec un indicateur qui mesure combien de gens connaissent des conditions de vie sous le seuil de la pauvreté. Un tel indicateur existe, et nous l'appelons: privation matérielle. Permettez-moi de vous en parler davantage. J'ai aussi précisé l'argument, avec Michael Mendelson de l'Institut de politique sociale Caledon, dans un mémoire que j'ai déjà présenté à la greffière.
    Une politique au Canada signifie que vous ne pouvez pas vous permettre un niveau de vie très modeste, mais encore acceptable. Cela signifie, par exemple, que vous ne pouvez pas vous permettre un manteau d'hiver chaud. Cela peut signifier que vous n'avez pas les moyens même d'acheter un petit cadeau pour l'anniversaire de votre enfant. Cela peut signifier que même si vous avez mal aux dents depuis des semaines, vous ne pouvez pas vous permettre d'aller voir le dentiste, mais les indicateurs de faible revenu ne mesurent pas cela. Ils mesurent le revenu d'une famille et le comparent au coût de la vie qui vous permet un niveau de vie acceptable.
    Je ne veux pas dire que les indicateurs de faible revenu sont de mauvais indicateurs de pauvreté, parce qu'ils sont appropriés, mais ils se concentrent effectivement sur une seule ressource financière. C'est une ressource importante, et elle est importante pour les Canadiens, mais ce n'est pas la seule chose. L'indicateur a ses critères. Les indicateurs de faible revenu se concentrent sur le revenu, ce qui signifie que nous n'examinons pas d'autres ressources financières comme l'accès à l'épargne et l'accès au crédit. Un autre point qui est très important, c'est que les familles peuvent avoir des besoins plus importants que la moyenne. Elles peuvent avoir un membre de la famille qui a un handicap ou une allergie alimentaire grave, et cela signifie qu'elles doivent dépenser plus qu'une famille similaire pour se permettre un niveau de vie acceptable minimum. Les familles peuvent vivre dans une région où le coût de la vie est plus élevé, et nous tentons de rajuster cela dans nos indicateurs de faible revenu, mais cela ne fonctionne pas toujours.
    Un autre exemple, c'est celui d'une famille qui peut avoir un revenu décent au-dessus du seuil de la pauvreté, mais qui peut utiliser une grande partie de celui-ci pour rembourser des prêts. Je pourrais poursuivre, mais je ne le ferai pas.
    La conséquence que j'ai mentionnée plus tôt, c'est qu'en se concentrant presque exclusivement sur les indicateurs de faible revenu, nous passons à côté de personnes qui font face à une combinaison de problèmes. Ces types de problèmes sont différents, et ces familles éprouvent des problèmes liés au niveau de pauvreté. En plus du faible revenu, lorsque nous avons tenté de mesurer les résultats, cela donnait à penser que le fait de ne pas pouvoir se permettre un chaud manteau d'hiver et de ne pas être en mesure d'aller chez le dentiste lorsque vous en avez vraiment besoin... cela signifie que si nous abordons cette question d'emblée, et nous avons une bien meilleure chance de cerner ces familles. C'est ce que font les indicateurs de privation matérielle.
    J'ai mentionné que le degré de mauvais diagnostic est considérable. Ma recherche montre que nous faisons fi de pas moins de 2 millions de Canadiens en nous concentrant uniquement sur le faible revenu. C'est environ 5 % de la population canadienne. Si vous comparez cela au nombre de personnes qui sont considérés comme ayant un faible revenu selon nos indicateurs normaux, qui est, selon nous, environ de 10 % à 15 %, c'est un très grand nombre de personnes.

  (0915)  

    Nous avons posé un mauvais diagnostic de l'étendue du problème, et de plus, nous avons sous-estimé la façon dont nos programmes fonctionnent pour ce qui est de la réduction de la pauvreté. Prenez, par exemple, un programme comme l'Allocation canadienne pour enfants. Une famille peut avoir un revenu supérieur au niveau de faible revenu, mais peut affronter certains des défis que je viens de mentionner. Lorsque nous évaluons l'efficacité de l'Allocation canadienne pour enfants, laquelle, nous le savons, a des objectifs plus larges que la seule réduction de la pauvreté, à la lumière d'une stratégie fédérale visant la réduction de la pauvreté, il est peut-être logique d'examiner la façon dont des programmes comme l'Allocation canadienne pour enfants s'en sortent pour ce qui est de réduire la pauvreté.
    Imaginez une famille avec un enfant qui reçoit l'Allocation canadienne pour enfants. On aidera financièrement cette famille. Elle recevra plus de soutien financier, mais l'effet n'est pas pris en compte lorsque nous examinons le faible revenu, alors le programme semble moins réduire la pauvreté parce que nous ne comptons pas cette famille comme pauvre, et nous ne comptons pas l'argent qui va à cette famille considérée comme pauvre. Cela a un impact sur l'efficacité du programme, mais en même temps, cela a un impact sur la façon dont nous évaluons l'efficience de ce programme à l'égard de la réduction de la pauvreté parce que le coût financier pour cette famille, est vu comme une perte, du moins, de ce point de vue.
    Les indicateurs de privation matérielle ne sont pas non plus parfaits. Ils comportent leurs défis lorsqu'il est question de suivre les besoins de groupes minoritaires. Les gens peuvent sous-déclarer leur situation parce qu'ils ont honte du fait qu'ils ne peuvent pas se permettre d'acheter un petit cadeau à leur enfant.
    Le message clé avec lequel je veux terminer mon exposé, c'est qu'en utilisant des indicateurs de faible revenu et de privation matérielle, nous obtenons une meilleure évaluation de la pauvreté économique au Canada. D'autres pays le font. L'Irlande, le Royaume-Uni et l'Union européenne le font. Statistique Canada a la capacité de faire cela. Il l'a fait pour l'Ontario, mais ne le fait plus. Les coûts sont relativement modestes.
    Ce dont on a besoin maintenant, c'est que le gouvernement donne à Statistique Canada le mandat de faire cela et que le gouvernement, en évaluant les effets de ses politiques sur la réduction de la pauvreté, utilise les deux types d'indicateurs: le faible revenu et la privation matérielle.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Sans plus tarder, finalement, monsieur Richard Shillington. Merci de vous joindre à nous.
    Merci beaucoup de m'offrir la possibilité de discuter avec vous de cette question importante et fondamentale.
    Je vais parler principalement de la pauvreté chez les personnes âgées, parce qu'elle est plus évidente dans le domaine fédéral que la pauvreté chez les jeunes familles. La réduction de la pauvreté pour les personnes non âgées examinerait habituellement des choses comme le salaire minimum et les politiques relatives à la garde d'enfants, lesquelles relèvent davantage de la compétence provinciale. Il existe un salaire minimum fédéral, mais la plupart des gens sont assujettis au salaire minimum provincial.
    Avant de parler d'autres questions, je veux aborder un sujet auquel nous devrions penser davantage. Les baby-boomers comme moi prennent leur retraite. Nombre d'entre nous s'occupent de donner des soins à des parents fragiles. Dans quelques années, les baby-boomers auront besoin de soins à domicile et de soutien de la part de membres de la famille disponibles. Je suis presque certain que nos réseaux de soutien personnels et professionnels ne sont pas prêts. Je crois que nous devrions parler de cela avant que ma génération commence à avoir besoin de soins à domicile ou d'aide pour tondre la pelouse.
    Avant de parler de politiques, je dirai quelques mots sur la mesure. À la lumière du SFR, le seuil de faible revenu, de 1992, la pauvreté des personnes âgées est en baisse. Selon la mesure de faible revenu, la MFR, la pauvreté des personnes âgées est en hausse. Comment cela peut-il être possible? Le SFR reflète un revenu de référence établi en 1992. Il est établi tous les deux ou trois ans depuis 1968. La dernière fois qu'il a été rajusté par Statistique Canada, c'était en 1992. La MFR, mesure de faible revenu, reflète les niveaux de vie. C'est environ la moitié du revenu médian. Depuis 1992, le SFR a augmenté d'environ 50 % pour refléter l'inflation, et la MFR a augmenté d'environ 100 % au cours de la même période. Ils sont tous deux des mesures de pauvreté axées sur le revenu. Pourquoi donc?
    Le SFR représente la façon dont votre niveau de vie se compare à un revenu de référence établi en 1992. La MFR montre comment vous vous portez en comparaison de vos contemporains, d'autres personnes au cours de la même année.
    Vous pouvez avoir le même niveau de vie au fil du temps, mais prendre du retard. Cela tient à une décision relative aux politiques. Quelle est notre mesure de la pauvreté? Disons-nous qu'il existe un panier de biens que vous devriez être en mesure d'acheter? Le nombre de calories dont nous avons besoin pour vivre est probablement le même maintenant qu'il y a 50 ou 100 ans. Ou sommes-nous des animaux sociaux, et quel est le niveau de vie décent qui permet à une personne de participer à la société contemporaine? Cette décision relative aux politiques déterminera le type de mesure de la pauvreté que vous voulez peut-être utiliser.
    Vous avez demandé des commentaires sur un certain nombre de mesures fiscales, et je vais vous en faire part très rapidement.
    Les régimes enregistrés d'épargne-retraite sont excellents pour les familles à revenu élevé. C'est évident, c'est de l'argent facile.
    Le Bon d'études canadien a été créé en 2004, et j'ai témoigné devant un comité similaire lorsque cela s'est produit. J'ai dit que j'étais inquiet du taux de participation parce que le gouvernement fédéral a de très mauvais antécédents lorsqu'il s'agit de s'assurer que les gens reçoivent les avantages sociaux auxquels ils ont droit. La dernière fois que j'ai vérifié, la participation aux bons d'études — c'est 500 $ remis aux personnes à faible revenu avec des enfants — était de moins de 20 %. C'était 500 $ qui demeuraient sur la table parce que nous n'avons pas rejoint ces personnes.
    Les régimes enregistrés d'épargne-retraite sont toxiques pour les Canadiens à faible revenu. La dernière chose qu'un Canadien à faible revenu veut, c'est un REER parce que le SRG reprendra au moins 50 % de celui-ci, parfois 75 %, et lorsque vous ajoutez une prestation complémentaire provinciale au SRG, c'est 100 %. Si ces personnes vivent dans un logement social, c'est 130 %.
    Le Régime de pensions du Canada est absolument essentiel pour les Canadiens à faible revenu. Toutes les données montrent cela. Mais il est miné par la disposition de récupération du SRG, et les augmentations récentes du RPC — je m'accorde une partie du mérite du fait que cela est bien connu — ne seront pas très utiles aux Canadiens à faible revenu.
    Encore une fois, le Supplément de revenu garanti vous aide. Environ 30 % des personnes âgées le reçoivent. Ce n'est pas un programme marginal, mais il vous soutient. Il vous offre un soutien au revenu qui est essentiel et ensuite récupère 50 %, 75 % et 100 % de tout autre revenu que vous avez.
    Le dernier gouvernement a annoncé qu'il allait retarder la SV pour deux ans. Cela posera problème pour de nombreuses personnes.

  (0920)  

    J'ai pensé davantage à cela. Je crois maintenant en effet — et un article sera bientôt publié à ce sujet — que nous devrions faire passer l'entrée en vigueur de la SV à 67 ans, comme c'était proposé, mais laisser le SRG à 65 ans, ou le ramener à 60 ans. Vous pouvez bénéficier des prestations de la SV et du SRG actuellement à l'âge de 60 ans si vous êtes veuf ou si vous êtes marié à une personne âgée de plus de 65 ans. Pourquoi ne pas retarder la SV, et les personnes qui n'ont pas un faible revenu attendront deux années de plus? Mais pour le SRG, revenons à 60 ans ou laissons-le à 65 ans. Je crois que c'est un bon compromis entre ces deux politiques. Je ne suis pas un très bon politicien.
    Combien de personnes âgées ont un faible revenu? Environ de 25 % à 30 % des personnes âgées célibataires ont un faible revenu, d'après la mesure de faible revenu. Comment cela est-il possible? Pour la SV, la Sécurité de la vieillesse, les prestations maximales sont environ 7 000 $ ou 8 000 $. Pour le RPC, les prestations maximales sont de 11 000 $, et la moyenne est, la dernière que j'ai vue, 7 000 $ ou 5 000 $ pour les femmes. Additionnez ces sommes, et vous obtenez moins de 20 000 $. Le SRG peut vous donner jusqu'à 6 000 $ ou 7 000 $, mais pour chaque dollar de RPC, cette somme baisse de 50 ¢. Alors le revenu médian des personnes âgées célibataires qui n'ont pas de régime de pension financé par un employeur est de 18 000 $ à 19 000 $. Nous pouvons demander l'avis des statisticiens et des économistes qui débattent de la question de savoir si ces personnes sont pauvres.
    J'ai vérifié, et ce sont les mêmes chiffres à Victoria, à Vancouver et à Toronto. Ça doit l'être. Regardez la conception du programme. Il n'y a pas beaucoup d'argent. Il ne s'agit pas de la somme d'argent avec laquelle vous voulez que votre mère vive à Ottawa ou à Toronto. Nous pouvons débattre de la question de savoir si ces personnes sont pauvres, mais ce n'est pas beaucoup d'argent.
    Au cours des 30 dernières années, la SV a augmenté de 112 % parce qu'elle est indexée seulement selon l'IPC. Elle est rajustée selon l'inflation. Elle n'a pas changé autrement depuis 50 ans.
    Encore une fois, le SRG est indexé selon l'inflation, uniquement les prix. Il est occasionnellement augmenté un peu par les gouvernements. Il a augmenté de 150 % au cours de la même période. À titre indicatif, au cours de la même période, les limites de REER ont augmenté de 350 %. C'est pour dire. Les limites de REER sont-elles indexées selon les prix? Non, elles sont indexées selon les salaires. La SV et le SRG sont indexés selon les prix. Les limites de REER sont indexées selon les salaires.
    Je vais passer, très rapidement, à quelques-unes de mes propositions.
    Il faut indexer la SV et le SRG selon les salaires au lieu des prix. Cela n'aura pas d'effet à court terme. À long terme, les personnes qui ont à coeur les REER et les pensions s'assureront que ceux-ci sont indexés selon les salaires, non pas selon les prix. L'économiste à la table vous dira qu'à long terme les salaires dépasseront les prix, c'est pourquoi la MFR croît beaucoup plus que le SFR.
    Il y a deux dispositions dans le système fiscal qui garantissent que le revenu de pension est imposé à un taux plus bas que les autres revenus: le partage des droits et le droit à pension. Saviez-vous que le revenu du RPC n'est pas une pension? Le régime de pension pour chaque Canadien n'est pas admissible comme crédit pour revenu de pension.
    Les retraits de REER sont imposés au taux d'un revenu normal, peu importe votre âge. Les retraits de FERR sont imposés comme un revenu de pension si vous êtes âgé de plus de 65 ans. Lorsque je suis allé à ma banque à 65 ans et j'ai dit: « Je veux retirer 50 000 $ de mon REER et placer cette somme dans mon FERR », on m'a dit: « Vous n'êtes pas âgé de 71 ans; vous n'avez pas encore à faire cela. » J'ai dit: « Non, il est imposé à un taux plus bas. » « Eh bien, n'est-ce pas ingénieux? » Tout d'abord, je me serais attendu à ce qu'on me le dise. En 2013, 200 000 personnes âgées, âgées de plus de 65 ans, ont retiré de l'argent de leur REER. S'ils avaient reçu de bons conseils fiscaux, elles l'auraient retiré de leur FERR. C'est 2,3 milliards de dollars.
    Un des principes de la politique sur le faible revenu est que la complexité est fondamentalement régressive, qu'il s'agisse de la complexité du système fiscal, de la complexité des règles d'admissibilité à la SV, au SRG et au RPC, tout cela. Elle est fondamentalement régressive parce que les personnes à faible revenu ne solliciteront pas d'avis professionnels; elles n'en ont pas les moyens. Alors, si vous voulez aider les personnes à faible revenu, simplifiez la chose. J'ai rédigé un rapport pour le groupe de travail sur les connaissances financières. Le rapport établit qu'une des façons d'aider les personnes à faible revenu, c'est de simplifier le système fiscal.

  (0925)  

    Une des choses que vous pourriez faire serait de considérer comme un revenu de pension les retraits de REER des personnes âgées de plus de 65 ans, alors elles n'auraient pas à effectuer ce petit transfert du REER au FERR pour bénéficier d'un avantage. Il y a beaucoup d'exemples comme celui-là.
    Merci beaucoup.
    Je vous en prie, monsieur. Merci beaucoup.
    Merci à tous nos témoins. Il y a beaucoup d'information dans ce que vous avez dit, et je sais qu'il y aura un certain nombre de questions qui seront posées pour approfondir le sujet.
    Nous allons d'abord commencer par M. Zimmer.
    Merci aux témoins. J'imagine que vous êtes ici aujourd'hui pour nous aider à nous faire une idée des enjeux, et nous arrivons à comprendre sans aucun doute ce matin différents facteurs relatifs à la pauvreté.
    J'ai une question pour quelques-uns d'entre vous. D'abord, je veux demander à Philip et ensuite à Derek: pouvez-vous définir la pauvreté?
    Il existe deux façons d'aborder cela. Une approche examine la pauvreté relativement à la manière dont nous vivons en comparaison d'autres personnes, et c'est une cible qui se déplace constamment. C'est ce que font les SFR et les MFR.
    Il y a ensuite la pauvreté dans un sens absolu, selon laquelle vous n'avez pas les moyens d'acheter le strict nécessaire, alors que le concept relatif est comment pouvons-nous suivre la croissance économique dans notre société avec une personne moyenne.
    Pour des estimations actuelles de la pauvreté absolue, il y a — quel est son nom — Chris...?
    Une voix: Christopher Sarlo, de l'Institut Fraser.
    M. Philip Cross: Il publie beaucoup d'articles sur les estimations de pauvreté absolue. Environ 4 % de la population vit dans la pauvreté absolue.
    Le problème avec toutes ces mesures, cependant, ce qui revient à ce dont Geranda parlait, c'est la mesure des résultats. C'était aussi le problème fondamental lorsque je travaillais à Statistique Canada.
    Comment se portent vraiment les gens? Vivez-vous dans la pauvreté ou non? Quel est votre niveau de vie? Nous ne pouvons pas très bien mesurer ces choses, alors nous nous croisons essentiellement les doigts et disons: « Eh bien, nous allons fournir une approximation en fonction des revenus. » Il y a de nombreuses raisons de penser — Geranda a mentionné certaines d'entre elles — que les revenus ne correspondent pas aux résultats.

  (0930)  

    Merci de votre commentaire. Je dois seulement poursuivre. J'aimerais vous poser quelques autres questions. Je vais passer à un autre sujet parce que le temps file rapidement.
    Je dirais que Geranda avait la définition que j'ai le mieux comprise. Je me souviens, après avoir terminé l'université, être un jeune père avec quatre enfants. Nous n'étions peut-être pas près du seuil de la pauvreté, mais parfois tout ce que nous pouvions manger, c'était du Kraft Dinner parce que nous devions effectuer le prochain paiement, même si nous avions un revenu décent. Mon dictionnaire définit le « seuil de pauvreté » comme le niveau minimum estimé de revenu nécessaire pour acquérir les choses essentielles de la vie. Je crois que cela définit très bien ce que je pense de la pauvreté ou du seuil de pauvreté.
    Je veux revenir à ce que je crois que M. Cross disait. Selon moi, la façon la plus simple de sortir de la pauvreté — et ce n'est pas nécessairement la façon absolue —, c'est un emploi. Si c'est un emploi à faible revenu, il ne vous permet pas toujours de vous en sortir, mais sans celui-ci, vous êtes presque destiné à être pauvre. Avec un emploi, vous avez la possibilité de sortir de la pauvreté, ou vous ne vivez plus dans celle-ci.
    Ce que je veux dire, ce dont M. Cross parlait, ce sont les politiques au pays qui sont favorables aux créateurs d'emplois. Du côté des conservateurs, nous voyons que les personnes qui créent des emplois créent des possibilités pour les gens. Nous voyons cela comme des possibilités pour des Canadiens ordinaires d'avoir un emploi.
    Dans le cadre de notre conversation, selon vous, monsieur Cross, quel serait le meilleur rendement de l'investissement au Canada pour ce qui est d'une politique fiscale que devrait adopter un gouvernement qui cherche à aider les gens à sortir de la pauvreté?
    Je ne crois pas qu'une politique fiscale permettra de régler ce problème. Dans tous les pays industrialisés, en Europe, en Amérique du Nord ou au Japon, nous sommes enlisés dans une faible croissance chronique. La grande question c'est, comment allons-nous sortir de ce pétrin?
    Il y a un consensus de plus en plus large voulant que le recours aux outils traditionnels que sont la politique monétaire et la politique budgétaire, y compris les réductions d'impôts, n'est peut-être pas la façon de s'en sortir. Il nous faut quelque chose qui fera augmenter la productivité — qui répondra davantage aux enjeux du côté de l'offre. Ce pourrait être d'apporter des modifications au régime d'imposition qui feront en sorte que les personnes âgées demeureront sur le marché du travail plus longtemps. Ce pourrait être d'apporter des modifications au régime de pension qui auraient pour effet de réduire les avantages de prendre sa retraite et de quitter le marché du travail, des choses du genre.
    C'est exact, et cela accompagne l'étape suivante. J'écoutais le témoignage de M. Cook et, c'est bien d'augmenter le salaire minimum et d'offrir toutes ces belles choses, si on en a les moyens.
    J'ai mentionné par le passé Jean et Jeanne Contribuable, et je les appelle les personnes à revenu moyen au Canada. Ce sont à elles qu'on demande toujours de verser de l'argent et de payer pour tout ça.
    Il y a une nouvelle mesure qui vient d'être annoncée par le gouvernement actuel; il s'agit de la taxe sur le carbone. Selon les évaluations, le coût pourrait s'élever entre 1 000 $ et 2 500 $ par famille, pour Jean et Jeanne Contribuable, à qui l'on demande de continuer de payer. On leur demande de payer l'augmentation du salaire minimum, parce qu'ils devront débourser davantage pour les aliments. Tout au long de la chaîne, nous leur demandons constamment de payer. Ce qui me préoccupe, c'est que nous imposions un fardeau trop grand à ce groupe en particulier et que, ce faisant, nous le plongions sous le seuil de pauvreté.
    Monsieur Cook, que pensez-vous de la taxe sur le carbone et de ses effets sur les personnes qui frôlent le seuil de pauvreté?
    Soyez bref s'il vous plaît, monsieur.
    Je ne suis pas un expert en politique environnementale, mais, en ce qui concerne la taxe sur le carbone, nous sommes préoccupés, en particulier, par ses répercussions sur les familles à faible revenu. Selon nous, toute taxe sur le carbone devrait assurément être accompagnée de dispositions visant à compenser les incidences sur les familles à faible revenu.

  (0935)  

    Merci beaucoup.
    Je donne la parole à la députée Tassi.
    Je souhaite vous remercier de votre présence aujourd'hui, ainsi que de vos formidables et extraordinaires témoignages et de vos travaux dans ce domaine.
    Ma première série de questions porte sur les mesures efficaces. Voilà sur quoi j'aimerais me concentrer.
    Madame Notten, vous avez parlé d'indicateurs importants, que je trouve formidables, soit les indices de privation matérielle.
    Ma première question est très simple. Ces indicateurs définissent-ils la pauvreté de la même façon que M. Cook l'a fait, c'est-à-dire qu'ils tiennent compte de la pauvreté économique, sociale et spirituelle? Ces trois aspects sont-ils inclus?
    Non, l'indice de privation matérielle est axé sur l'aspect matériel, ou l'aspect économique de la pauvreté, donc sur les conséquences de ne pas avoir les ressources financières suffisantes pour soutenir un niveau de vie.
    Je crois qu'il est important que ces aspects soient mesurés et pris en compte tout comme le faible revenu. Vous avez mentionné que d'autres pays mesurent ces aspects et qu'ils sont inclus.
    Existe-t-il un moyen facile de faire cela? Que doit-on faire concrètement? De quelle façon devons-nous procéder afin que, quand nous mesurons le taux de pauvreté au Canada, ces aspects soient englobés?
    Pour ce qui est de la façon de procéder, dans les faits, je vais me reporter aux propos du député Zimmer concernant les biens de première nécessité. La première chose à faire est de cerner les biens de première nécessité au Canada. Cela constitue la base. Des études déjà menées en Ontario ont cerné, entre autres, les manteaux d'hiver et les soins dentaires; donc nous avons une idée de ce que seraient les biens typiques.
    Ensuite, il nous faut recueillir des données, non pas pour un seul de ces biens, mais pour un ensemble, peut-être 10 ou 15 indicateurs au plus. Cela correspond normalement à 20 questions d'enquête. Il s'agit de demander aux personnes si elles possèdent un manteau d'hiver et si elles ont les moyens d'en acheter un. C'est la capacité financière qui nous intéresse.
    Il s'agit ensuite de colliger ces données pour en faire ce que nous appelons un indice. Ensuite, il faut faire la même chose avec la MFR et le SFR. Où devons-nous établir le seuil? Est-ce quand une personne n'a pas les moyens de se procurer un manteau d'hiver ou quand cette personne est confrontée à de multiples problèmes? Habituellement, nous choisissons le fait d'être confronté à de nombreux problèmes, et cela correspond à un certain pourcentage de la population.
    Croyez-vous que les aspects social et spirituel devraient faire partie de la mesure? Seriez-vous ouverte à l'idée d'ajouter ces aspects à la mesure et en tant qu'indice?
    Tout d'abord, nous devrions mesurer la complexité de la pauvreté de nombreuses façons. Dans mon exposé, j'ai mis l'accent sur la façon dont nous mesurons l'aspect économique. Je dirais qu'il y a des façons d'examiner, par exemple, l'aspect social et l'aspect spirituel. Le Québec met actuellement à l'essai des indices d'inclusion sociale, ce qui pourrait être associé à l'aspect social.
    Je préférerais les traiter séparément, parce qu'ils donnent de l'information sur différents aspects de la pauvreté. Sinon, nous mélangerons les aspects économique, social et spirituel. C'est ce que je dirais.
    Monsieur Cook, j'aimerais avoir vos commentaires, et ceux de M. Shillington aussi, concernant les mesures touchant ces deux éléments et leur importance?
    J'aimerais commencer par répondre à la question de savoir ce qu'est la pauvreté, soit la première question posée, et je vais me reporter au projet de loi C-245 qui contient dans le préambule une définition très utile, de notre point de vue:
la pauvreté est la condition dans laquelle se trouve un être humain privé des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique et pour favoriser son intégration et sa participation à la société;
    Je crois qu'on ne peut séparer les aspects économique, social et spirituel. Ils sont tous liés; aussi, nous devons nous pencher sur la pauvreté dans son ensemble.
    J'inclurais assurément l'aspect social. Je ne suis pas certain de savoir à quoi correspond l'aspect spirituel, mais j'ai tendance à croire que nous sommes des animaux sociaux. Même Adam Smith, l'économiste, a affirmé que la pauvreté, c'est ne pas avoir les moyens de porter une chemise de lin en public. Je crois que ce sont là ses paroles.
    J'ai rédigé de nombreux rapports concernant les façons de mesurer la pauvreté. Le mot « dignité » revient toujours. Amartya Sen, un économiste ayant reçu le prix Nobel, parlait de la capacité de participer à la société d'une façon que vous appréciez.
    Je suis mathématicien de formation, donc, pardonnez-moi si je souhaite parler de façons de mesurer. Bien sûr, nous avons le SFR et la MFR. Les seules choses à connaître à propos d'une famille pour établir si elle est pauvre au moyen de la MFR, c'est son revenu, avant ou après impôt, par rapport à un seuil, et la taille de la famille. Vous ne connaissez pas le nombre de problèmes touchant l'invalidité. Il s'agit d'une mesure arbitraire, mais elle ne l'est pas plus que le taux de chômage: avez-vous cherché un emploi cette semaine ou ce mois-ci?
    Une voix: C'est cette semaine.
    M. Richard Shillington: Ce calcul ne fait pas de différence entre les personnes travaillant à temps plein, à temps partiel ou celles qui ont arrêté de chercher un emploi. En fait, Statistique Canada, parmi toutes ses publications, établit 12 taux de chômage : à long terme, à court terme, à temps partiel, ainsi de suite. Le SFR et la MFR, et toutes les mesures fondées sur le revenu sont arbitraires. Aucune personne réfléchie n'affirmerait que chaque famille est classée de façon appropriée, c'est certain, mais, au fil du temps, les responsables mesurent-ils quelque chose d'utile? Je crois que oui.

  (0940)  

    Merci beaucoup. Je suis désolé, mais le temps est écoulé.
    La parole est maintenant accordée au député Sansoucy.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Shillington.
     Ce matin, vous avez choisi selon moi de nous parler à juste titre des aînés. Mardi dernier, les représentants de Statistique Canada nous ont présenté un bilan de la pauvreté au Canada. Les chiffres portant sur les aînés étaient très clairs. À mon avis, tous les députés autour de cette table ne peuvent pas aller dans leurs communautés sans que ces réalités leur sautent aux yeux.
     Vous avez traité des programmes pour les aînés, mais j'aimerais parler plus précisément du Supplément de revenu garanti. Celui-ci s'adresse à ceux qui, parmi les aînés, sont les plus démunis. Dans le budget de 2016, une augmentation de 10 % avait été prévue pour les aînés qui sont seuls, ce qui mettait de côté 50 000 aînés se trouvant dans un état de pauvreté mais qui ne vivent pas seuls.
     Selon vous, comment pouvons-nous venir en aide à ces aînés qui ont un faible revenu, mais qui ne vivent pas seuls?

[Traduction]

    Si vous souhaitez améliorer la situation des aînés ayant un faible revenu, le taux de pauvreté des couples est en réalité assez faible. Par contre, le taux de pauvreté des personnes seules, hommes et femmes, est assez élevé; donc, dans les faits, vous allez devoir examiner le SRG. Il y a certaines choses que j'ai mentionnées auparavant, selon lesquelles les régimes de pension pourraient être utiles, mais ils ne le sont pas vraiment pour les aînés ayant un faible revenu, parce que ces personnes ne reçoivent pas de prestations d'un régime de pension.
    Le revenu d'une personne à la retraite ne touchant pas de prestations d'un régime de pension d'un employeur est établi par le gouvernement fédéral. Il est composé des prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada, ensuite, le SRG est calculé en fonction du montant de la prestation du Régime de pensions du Canada, c'est tout. Le gouvernement fédéral a essentiellement établi leur revenu, donc, si le taux de pauvreté est de 25 %, il s'agit d'une décision prise par le gouvernement fédéral.
    Une des choses qui me choquent à propos de la conception du programme de SRG est la disposition concernant la récupération. Environ 30 % des aînés touchant le SRG ont un REER — j'ai fait des recherches à ce sujet — environ 30 milliards de dollars, soit environ 70 000 $ en moyenne. Ils ne savent pas que chaque fois qu'ils retirent 1 000 $ de leur REER, le gouvernement fédéral se dit: « Parfait, nous pouvons vous donner 500 $ ou 750 $ de moins et c'est toujours imposable, et cela pourrait avoir une incidence sur votre admissibilité aux médicaments sur ordonnance et à toutes sortes d'autres avantages. »
    Récemment, on a modifié les règles; ainsi la première tranche de 3 500 $ de salaire est écartée du calcul servant à établir le SRG — il s'agit du salaire, pas des revenus comme travailleur autonome, mais bien du salaire. Cette décision découle de raisons historiques étranges. S'il n'en tenait qu'à moi, je décréterais que les premiers 3 500 $ de revenu, peu importe la source, ne seraient pas pris en compte. En termes simples, toutes les personnes possédant un REER n'auraient pas à courir et les transférer dans un CELI.
    L'Institut C.D. Howe a publié un rapport que j'ai rédigé en 2003 qui faisait état de ce grand nombre de personnes âgées ayant un faible revenu et possédant un REER, ce qui, pour certaines personnes, est une des raisons ayant mené à la création du CELI.
    Je collabore avec la communauté des connaissances financières. Les responsables dans les banques disent encore aux personnes, et ce, peu importe la source de leur revenu: « Contribuez au maximum à vos REER. Faites ceci, faites cela. » Ils donnent les mêmes conseils financiers à tous, sans faire de distinctions. Tous ces conseils sont très mauvais. De fait, il s'agit des pires conseils à donner à quelqu'un qui sera admissible au SRG à sa retraite.

  (0945)  

[Français]

     Je vous remercie de votre recommandation.
    Ma deuxième question s'adresse à Mme Notten.
    À ce jour, le gouvernement fédéral n'a pas adopté de mesure officielle au sujet de la pauvreté. Vous avez décrit cette situation de façon très claire. Les représentants de Statistique Canada qui ont comparu devant ce comité ont eux aussi abordé cette question. On parle de faible revenu, qui est une notion somme toute assez vague.
     Vous dites qu'il ne faut pas mêler les aspects économiques et les aspects sociaux. Or je dois vous avouer que j'ai de la difficulté à séparer les deux. Pour moi, ils sont intimement liés. Quand vous parlez de tenir compte des spécificités régionales, il s'agit à mon avis d'un aspect social. Il est question des indicateurs d'exclusion sociale et de privation. À mon avis, quand on parle de manteaux d'hiver, il s'agit d'un aspect social, en l'occurrence de privation. Selon, moi, il est clair que c'est lié.
     Vous avez mentionné que Statistique Canada pourrait faire des changements à peu de frais au chapitre des données et qu'il y avait des exemples très clairs dans d'autres pays. Dans le cadre de votre présentation, Mme Tassi vous a posé une question à ce sujet.
    À la lumière de ce qui se fait dans d'autres pays, comment Statistique Canada pourrait-il faire ces changements à peu de frais?

[Traduction]

    J'entends deux questions ou observations. Une portait sur la question de savoir si l'on devrait mélanger les aspects social et économique de la pauvreté. C'est la première partie. Votre deuxième commentaire concernait la question de savoir comment appliquer une telle mesure. Est-ce exact?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    La pauvreté est un problème complexe qui comporte divers aspects. Dans ma réponse à la question de la députée Tassi, le message que je souhaitais faire entendre est que, quand il s'agit de mesurer les progrès accomplis en ce qui concerne la pauvreté, il est plus logique de mesurer l'aspect économique au moyen d'indices économiques de la pauvreté et de mesurer l'aspect social au moyen d'indices de pauvreté sociale. J'hésite quelque peu à mettre tout dans le même panier et ensuite produire possiblement une seule statistique ou un indice statistique qui contient ces deux aspects, parce qu'ils sont liés, mais parce qu'ils ont aussi des dimensions distinctes. Une personne peut manquer de ressources financières, mais quand même faire partie de la collectivité.
    Merci. Nous devons procéder rapidement.
    Devons-nous...
    Je suis désolé, le temps est écoulé. Peut-être pourrons-nous y revenir pendant la deuxième série de questions.
    C'est au tour du député Ruimy.
    Merci à vous tous d'être venus aujourd'hui. Les exposés étaient excellents.
    Une tâche immense nous attend. Sur le plan professionnel, je suis un homme d'action. J'observe le problème et je veux vraiment le régler. Je cherche quelques éléments potentiels qui peuvent nous permettre d'agir, je me retrousse les manches et je m'y mets. L'un des défis qui se posent actuellement consiste à définir ce qu'est la pauvreté, comment nous la mesurons et comment nous devons établir des objectifs et passer à l'action. Lorsque nous parlons des mesures que nous avons adoptées, je regarde ma circonscription et je considère que ce n'est pas suffisant. Je vois des gens, tous les aînés, qui touchent les prestations maximales, mais ce n'est pas suffisant parce que le coût du logement est trop élevé.
    Pourtant, ma mère, qui vit à Montréal depuis 25 ans, habite au même endroit, et son loyer tourne probablement encore aux alentours des 600 $, alors que partout à Vancouver un logement équivalent se louerait au moins 900 $. Nous avons des subventions, bien sûr, mais encore une fois, il faut d'abord mesurer les besoins, puis déterminer de quelle manière nous pouvons cibler les gens pour qui c'est vraiment une nécessité.
    Vous avez dit que 25 % des aînés en étaient réellement à ce stade. De quelle manière pouvons-nous trouver ces gens? Comment pouvons-nous évaluer ces gens et orienter nos programmes en fonction de leurs besoins? L'autre aspect de ce processus entier concerne l'innovation.
    Ma question est pour vous, madame Notten. Vous avez une riche expérience. Y a-t-il des conseils que vous aimeriez nous donner au sujet de ce qui, sur le plan stratégique ou autre, nous aiderait à réellement progresser au lieu de régresser?

  (0950)  

    Merci beaucoup, monsieur Ruimy.
    Si vous utilisez, par exemple, un indice de privation matérielle pour évaluer si les gens sont capables de se procurer les nécessités de la vie ou non, vous pouvez tenir compte indirectement du fait que le coût de la vie peut être très différent d'un endroit à l'autre. Nous n'essayons pas réellement de corriger cet aspect avec notre mesure, mais nous mettons l'accent sur les résultats associés à la pauvreté.
    En tant que chercheuse, si je veux savoir quels groupes doit cibler notre politique, je serais mal à l'aise de me concentrer uniquement sur le faible revenu comme mesure pour déterminer le groupe cible. Je vais donc examiner davantage les problèmes que vivent ces gens. Si j'inclus ceux qui ont des problèmes du point de vue de la privation matérielle, bien sûr, ce n'est pas tout. Nous devons pousser notre réflexion. Pourquoi n'arrivent-ils pas à joindre les deux bouts? Est-ce en raison de l'abordabilité des logements, est-ce parce que les besoins sont élevés ou y a-t-il une tout autre raison? Nous devons approfondir la question.
    Je dirais qu'en utilisant un éventail d'indices, vous êtes certain d'avoir une meilleure idée de la composition de votre groupe cible potentiel, et vous pouvez ensuite déterminer quels sont leurs problèmes et comment les régler sur le plan stratégique.
    D'accord, merci.
    L'autre aspect dont nous ne parlons pas vraiment ici concerne les répercussions des problèmes de santé mentale et de toxicomanie chez les jeunes, par exemple. Ce sont deux aspects qui ne sont probablement même pas mesurés. Selon ce que nous avons entendu de Statistique Canada, il semblerait que du point de vue technique, certaines villes mesurent l'itinérance, mais une telle pratique ne constitue pas une norme nationale. Je suis donc inquiet quant à la nature du problème. Quelle est l'ampleur de ce problème? De quelle manière pourrions-nous mesurer cela à l'échelle nationale?
    Vous avez posé deux questions. L'une concerne la façon de mesurer l'itinérance, à mon avis, croyez-vous que certaines personnes itinérantes ont de graves problèmes de santé mentale. Est-ce...
    Les problèmes de santé mentale sont généralisés dans tout le Canada, et certains de nos jeunes viennent tout juste d'apprendre qu'ils ont des problèmes de santé mentale, et à l'instant où on se parle, ils dorment chez des connaissances, squattent des divans chez l'un et chez l'autre, donc ils ne font partie d'aucune étude.
    En effet, je sais qu'aux échelons municipaux il y a beaucoup d'initiatives en cours qui permettent réellement de suivre et de mesurer cette situation. Nous avons donc acquis certaines connaissances quant à la façon de procéder. Je pourrais vous mettre en relation avec des gens qui vous donneront une vraie réponse franche sur le sujet, parce que je sais que des progrès ont été réalisés. Mais le squattage de divan sera un obstacle. La situation est complexe puisque ce sont les gens qui ne se retrouvent pas dans les sondages de Statistique Canada ou dans les bases de données administratives.
    Voilà le problème. Seriez-vous en mesure de transmettre ces personnes-ressources et ces contacts à la greffière? Je pense qu'il est important de nous pencher sur la question.
    D'accord.
    Je pose la question à tous et je demande à quiconque souhaite le faire de se lancer et de nous faire part de ses réflexions quant au dossier de la santé mentale et de son lien avec la pauvreté. C'est une question difficile, n'est-ce pas?
    Vous posiez des questions au sujet de la mesure. Une série d'études ont été réalisées à l'échelle municipale dans tout le pays. En utilisant ces données, il est possible d'avoir une idée globale du nombre de personnes sans abri. En travaillant à l'échelon municipal, il ne fait aucun doute qu'un grand nombre de personnes itinérantes sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie et de santé mentale. Cela est en partie attribuable au fait que les services qui ont été fournis à l'échelon local n'ont pas permis de répondre adéquatement aux problèmes de santé mentale que présentaient ces personnes.

  (0955)  

    Nous voyons de nombreuses municipalités aborder cette question. Comment pouvons-nous, en tant que gouvernement fédéral, même songer à une politique si nous n'arrivons pas à appréhender le problème à plus grande échelle?
    Veuillez répondre très brièvement.
    Le gouvernement fédéral participe à une stratégie de lutte contre l'itinérance depuis la fin des années 1990. Pour aller de l'avant avec ces fonds, il faudrait que le gouvernement fédéral soit plus catégorique quant à la manière dont ces fonds sont dépensés. Il ne suffit pas de simplement accroître le nombre de refuges; il faut également aborder d'autres aspects. Par exemple, certaines villes se sont concentrées sur le logement avant tout. La Commission de la santé mentale du Canada a réalisé un essai à cet égard et recommande fortement de suivre davantage cette voie. Ce serait une façon de procéder — utiliser ces fonds et les affecter davantage aux services sociaux offerts dans les refuges en construction à l'échelle locale.
    Merci.
    Monsieur Robillard.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Mes questions s'adressent à M. Cook.
    Lorsque vous étiez directeur exécutif de la Calgary Poverty Reduction Initiative, quelles ont été les principales leçons que vous avez tirées quant à l'élaboration de stratégies pour réduire la pauvreté?

[Traduction]

    La principale leçon que nous avons tirée à l'égard de la réduction de la pauvreté tient à ce dont j'ai parlé au début. Ce n'est pas seulement une situation économique. Au début, nous avons insisté sur l'aspect économique, puis nous avons rapidement constaté qu'il s'agissait d'une situation aussi sociale qu'économique. Ainsi, la stratégie que nous devons employer ne doit pas seulement viser l'augmentation du revenu. Si ce n'était qu'une question d'augmentation du revenu, un bon nombre de mesures stratégiques pourraient être adoptées. Elles nous permettraient de nous attaquer à l'aspect économique de la pauvreté, peut-être, mais elles ne pourraient pas régler le problème de la pauvreté dans son ensemble.
    Fait plus important encore, je ne crois pas qu'elles permettraient de prévenir la pauvreté. Comme certains autres témoins l'ont mentionné, les gens existent fondamentalement en collectivité, et lorsque nous voyons notre collectivité éclater, cela nous rend vulnérables à la pauvreté. La réduction de la pauvreté de notre point de vue — et c'est là une des leçons clés — concerne autant le renforcement des liens de la collectivité que l'apport d'un soutien du revenu. Ce faisant, vous évitez la pauvreté et vous vous attaquez à la question du revenu, mais il s'agit pratiquement d'un produit qui découle d'une stratégie plus vaste.

[Français]

     Toujours dans le cadre de vos fonctions au sein de l'équipe du maire Nenshi, qu'avez-vous pu observer quant à la situation des aînés qui sont aux prises avec la pauvreté dans un milieu urbain?

  (1000)  

[Traduction]

    En ce qui concerne la pauvreté chez les aînés, je crois que les autres témoins ont abordé la dimension économique de la pauvreté. Manifestement, de nombreux aînés vivent une situation économique précaire, mais pour revenir à ce que je disais précédemment, ils sont dans une situation sociale précaire. L'isolement social est à la fois une cause et un résultat de la pauvreté. Lorsque les gens sont isolés et qu'ils n'ont aucun soutien, ils sont plus susceptibles de sombrer dans la pauvreté. Une fois dans la pauvreté, ils sont plus enclins à s'isoler, parce qu'ils n'ont pas la capacité d'interagir ou d'accéder aux soutiens sociaux et aux ressources qui les entourent.
    Les gens peuvent devenir beaucoup plus vulnérables très rapidement en raison de l'isolement social qu'ils vivent.

[Français]

    Enfin, comment la notion de prévention peut-elle être incluse dans une stratégie de réduction de la pauvreté?

[Traduction]

    Lorsque nous pensons à la prévention de la pauvreté — et, selon moi, nous devons nous concentrer davantage sur la prévention de la pauvreté que sur son éradication —, nous devons nous pencher sur les sources de vulnérabilité.
    Une autre leçon clé que nous a apprise le groupe de travail du maire, je crois, tient au fait que nous sommes tous vulnérables. Parler de la pauvreté, c'est comme parler du cancer. Il n'y a pas qu'un seul cancer. Il y a le cancer des poumons, la leucémie, le cancer du foie. C'est un terme fourre-tout que nous utilisons, mais il y a de grandes distinctions à faire. La pauvreté englobe un spectre de vulnérabilité.
    Pour nous attaquer à la question de la pauvreté du point de vue de la prévention, nous devons examiner en quoi nous sommes tous vulnérables. Nous avons étudié quatre sources de vulnérabilité. Il y a la vulnérabilité personnelle, qui concerne ma personne, mes biens ou mes besoins. Il y a aussi la vulnérabilité liée à certaines étapes du cycle de la vie, comme la vieillesse et l'enfance. Il y a également la vulnérabilité qui découle d'éléments perturbateurs. Peu importe notre niveau de préparation, des événements surviennent. Nous pouvons perdre un emploi. Nous pouvons tomber malades, ou un conjoint ou un enfant peut tomber malade. Il peut y avoir une catastrophe naturelle.
    Puis, il y a la vulnérabilité systémique, qui est causée par l'inefficacité de certains aspects de nos systèmes. On parle ici par exemple des restrictions liées aux actifs qui empêchent les gens d'accéder à l'aide sociale et les obligent à se départir de leur REER pour être admissibles à l'aide sociale.
    Pour aborder la pauvreté du point de vue de la prévention, nous devons nous pencher sur ces quatre quadrants de la vulnérabilité, et il faut réellement adopter une approche universelle, et non une approche ciblée. Les approches ciblées, selon moi, mettent réellement l'accent sur l'élimination de la pauvreté chez les gens qui la vivent actuellement, mais elles ne sont pas très efficaces en matière de prévention à long terme.
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre M. Poilievre.
    Si vous le permettez, je vais d'abord m'adresser à Philip Cross, ancien analyste économique de Statistique Canada.
    Chaque fois que le sujet de la pauvreté est abordé, nous nous demandons ce que le gouvernement devrait faire à cet égard; c'est comme si nous supposions automatiquement que le gouvernement détient la solution.
    Lors de la rencontre précédente, j'ai examiné les données sur les inégalités au Canada et j'ai constaté que les inégalités avaient augmenté davantage dans la province de l'Ontario au cours des 15 dernières années, ce qui peut être surprenant pour certains, puisque c'est une province où le gouvernement a joué un rôle extrêmement actif en instaurant massivement ce qu'on appelle des déficits de relance, en faisant croître les dépenses du gouvernement plus rapidement que le taux d'inflation combiné à la croissance de population chaque année de la dernière décennie, presque immanquablement, en augmentant le nombre de nouveaux programmes et de nouvelles initiatives, en investissant 36 milliards de dollars en subventions vertes pour des éoliennes et des panneaux solaires, et ainsi de suite.
    On pourrait croire que si un gouvernement prodigue était la solution à l'inégalité en Ontario, on aurait vu un déclin, mais c'est dans cette province qu'on a observé la plus grande augmentation parmi toutes les provinces.
    J'aimerais savoir si M. Cross aimerait nous parler des actions du gouvernement qui causent la pauvreté en premier lieu, au lieu de parler simplement des solutions qu'il pourrait offrir une fois les dommages causés.

  (1005)  

    Les programmes particuliers qui... En fait, je ne veux pas parler d'un programme en particulier. Je pense que, essentiellement, le gouvernement peut avoir les meilleures intentions.
    Les gouvernements ne peuvent pas légiférer sur la prospérité. Cela mène à des erreurs, comme il y en a eu en Alberta, où l'augmentation du salaire minimum... Tout le monde veut aider les gens pauvres, mais il est peu probable que l'augmentation du salaire minimum à 15 $ de l'heure aide. Cela pourrait même empirer les choses. Il se pourrait bien que ces gens dont vous aimeriez augmenter le salaire minimum finissent littéralement par perdre leur emploi. Ils pourraient se retrouver dans une situation pire, donc je crois que le gouvernement doit être prudent. Des conséquences inattendues peuvent découler des politiques. Elles peuvent en fait envenimer la situation.
    Je réitère, moi aussi, l'argument global selon lequel ces politiques peuvent ralentir la croissance générale. Nous l'avons clairement vu en Ontario. La province est constamment sous la moyenne nationale depuis les 10 dernières années. La plupart de ces indices liés au chômage et aux revenus se sont détériorés. Cela va pénaliser les gens qui ont un très faible revenu, que nous voulons tous aider, je crois.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Shillington.
    En 2004, vous avez recommandé la mise en place d'un régime d'épargne à impôt prépayé. Est-ce que je me trompe?
    En 2004?
    Il y a très longtemps.
    Des voix: Oh, oh!
    Je pense qu'il était question du REER et de la récupération fiscale du SRG. Oui, j'étais en faveur d'une certaine forme de régime d'épargne à impôt prépayé.
    Sans entrer dans les détails techniques, en quoi cela diffère-t-il des comptes d'épargne libre d'impôt?
    L'Institut C.D. Howe a publié des articles, et j'ai eu un différend avec l'Institut C.D. Howe, pour déroger à la langue parlementaire. Je voulais qu'un plafond soit mis en place pour les CELI.
    L'hon. Pierre Poilievre: Quel genre de plafond?
    M. Richard Shillington: Un plafond monétaire.
    Sur les contributions ou sur la valeur marchande?
    Ce qui motivait mon appui à la création du CELI, c'était simplement la possibilité d'offrir aux personnes à faible revenu une façon d'économiser et de bénéficier d'avantages fiscaux et de ne pas laisser le Trésor fédéral profiter de ces économies au moyen du SRG. J'ai passé beaucoup de temps à discuter avec des aînés qui vivaient avec un faible revenu. Ils gagnaient en moyenne 30 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $.
    J'étais d'avis que le plafond devrait être de 200 000 $. Une fois que votre CELI atteint 200 000 $, selon moi vous ne devriez plus avoir le droit d'y cotiser davantage. L'argent pourrait continuer de fructifier à l'abri de l'impôt, mais il devrait y avoir un plafond. En fait, je crois — on m'a déjà cité à cet égard — que le CELI, dans sa structure actuelle, ne peut survivre, car à l'heure actuelle nous savons qu'il est possible d'accumuler des millions de dollars dans un CELI et d'avoir droit au SRG, n'est-ce pas?
    Aussitôt qu'un article à ce sujet paraît à la page 3 du Report on Business, les gens emboîtent le pas. Ils planifient en conséquence. Je pourrais le faire. Je connais assez bien les règles pour obtenir facilement le SRG et toucher un très bon revenu qui n'apparaît pas dans ma déclaration d'impôt. Je n'ai qu'à me constituer en société et à laisser tous mes bénéfices dans la société à titre de bénéfices non répartis.
    Je pense que le CELI, dans sa structure actuelle...
    Mais cela n'a rien à voir avec le CELI.
    Non. Ce que je veux dire, c'est que le CELI en est un autre exemple. Vous laissez les gens commettre des fraudes au moyen du SRG, et cela finira par ne plus être viable du point de vue politique, je crois, mais je ne suis pas un politicien.

  (1010)  

    Très rapidement, s'il vous plaît.
    Pour obtenir des millions de dollars dans votre CELI, en raison des limites de cotisation, il vous faudrait être un genre de magicien comme Warren Buffet, donc si vous l'êtes, nous devrions peut-être discuter après, parce que j'utiliserai volontiers vos conseils en matière de planification de la retraite
    Des voix: Oh, oh!
    Non.
    D'accord. Qui est le prochain témoin?
    Monsieur Wayne Long, allez-y.
    Je dois dire que les exposés étaient tout à fait inspirants et excellents.
    J'ai des questions à poser à chacun d'entre vous, mais je crois que ma première question sera pour vous, monsieur Cook.
    L'un des rapports de votre institut, lequel j'ai lu très attentivement, porte sur l'harmonisation des administrations et sur l'importance d'harmoniser nos administrations fédérale, provinciales, municipales et territoriales dans le cadre d'une stratégie de réduction de la pauvreté.
    Comme la lettre de mandat de notre ministre énonce qu'il faut en arriver à une stratégie nationale de réduction de la pauvreté et que je suis continuellement exaspéré par les gens qui viennent à mon bureau pour des questions de logement, auquel cas je dois leur dire que cette question relève du provincial ou Dieu sait quoi, et leur dire que l'argent du fédéral peut être investi dans le logement, mais qu'il est transféré aux provinces et que c'est elles qui décident; pouvez-vous simplement me dire ce que vous en pensez? Pouvez-vous en dire davantage? Peut-être qu'on pourrait faire le tour des témoins, question de connaître votre point de vue. À quel point est-il important que les administrations harmonisent leurs interventions? Quelles sont les choses que vous voyez et que vous voudriez corriger? Avez-vous une opinion à cet égard?
    Oui, je crois que l'harmonisation est extrêmement importante, et mon collègue, M. Moscovitch, a fait allusion à la solution à cette question. Lorsque nous nous sommes éloignés des principes de conditionnalité, du Régime d'assistance publique du Canada, et que nous sommes passés au Transfert canadien en matière de programmes sociaux, qui n'imposait aucune condition, le gouvernement fédéral n'était plus en mesure de préserver cette harmonisation.
    La possibilité qui s'offre à nous, en ce qui concerne l'harmonisation, est celle de revenir au principe des droits. En tant que signataires du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, nous avons certaines obligations qui lient tous les ordres de gouvernement. Ce serait un cadre très puissant qui permettrait cette harmonisation. De fait, c'était l'une des recommandations du comité des Nations unies lorsqu'il a présenté les progrès réalisés par le Canada plus tôt cette année, d'intégrer l'harmonisation à nos stratégies et à nos ententes de financement de façon à ce que la prise en compte des droits fournisse le cadre voulu et fixe les conditions en vertu desquelles le gouvernement fédéral doit financer d'autres ordres de gouvernement.
    Cela veut dire qu'il y a des conditions, à proprement parler.
    Exactement.
    Soyons clairs, il existe une condition relativement au TCPS, selon laquelle aucune province ne peut établir d'exigence de résidence relativement à l'aide sociale. Cela nous ramène au XIXe siècle où, pour vous aider, on vous donnait un billet pour quitter la ville.
    Est-ce que certains principes devraient être liés au Transfert canadien en matière de programmes sociaux? Je crois bien.
    J'aimerais les voir énoncés de façon générale de la même façon que la Loi canadienne sur la santé fixe les cinq conditions. J'aimerais voir certaines conditions générales, mais je pense qu'il est important de comprendre que rien ne peut se faire sans le consentement de toutes les administrations dont nous parlons. Il est question ici d'essayer d'établir un cadre consensuel entre les provinces et le gouvernement fédéral. La dernière discussion à ce sujet remonte aux années 1990, et ce sont en fait les provinces qui ont pris l'initiative de tenter d'établir ces principes, et c'est le gouvernement fédéral qui n'était pas réceptif à ce moment-là.
    Je ne veux pas présumer que ce sont les provinces qui s'y opposeraient nécessairement. Je pense qu'une vérification s'impose, mais on a simplement abandonné l'idée. À cette époque, la discussion portait sur une charte sociale, et l'idée a simplement été écartée. Je pense qu'il faudrait ramener l'idée et nous pencher sur les principes qui ont été abordés à ce moment-là.
    Que recommandez-vous?
    Quelqu'un d'autre veut-il se prononcer sur cette question?

  (1015)  

    L'harmonisation des gouvernements provinciaux et fédéral est essentielle. Je comprends ce que les autres témoins ont dit.
    Naturellement, dans le Canada atlantique, nous sommes tous libéraux à l'heure actuelle et il en est de même pour les gouvernements provinciaux, et je peux constater moi-même les avantages que présente l'harmonisation, mais de toute évidence, cela n'arrivera pas.
    J'ai laissé entendre dans un article paru dans l'édition d'avril de la revue Options politiques que, dans le secteur de la santé, nous disposons d'un institut dont les indicateurs de santé nous aident à évaluer la situation. Les gens qui y travaillent viennent des administrations fédérale, municipales et provinciales et il y a également des fournisseurs de soins de santé. Ils recueillent des données administratives et des données d'enquête pour avoir une idée de ce que fait le système de santé pour les Canadiens. Nous n'avons pas d'institut semblable pour les indicateurs sociaux.
    Pour ma part, en tant que chercheuse spécialisée en politique sociale, il est difficile de voir ces différentes couches et l'incidence sur les gens. J'avancerais que l'un des rôles à jouer ici, compte tenu des défis auxquels vous faites face en tant que gouvernement fédéral, qui ne peut pas trop se mêler des affaires provinciales, serait de fournir à tout le moins des renseignements sur ce qui se passe afin que nous puissions voir l'interaction des programmes. Le gouvernement pourrait ainsi trouver les moyens de financer un tel institut, comme il le fait pour la santé au Canada.
    Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?
    J'ai une courte remarque à faire au sujet des données. On disposait à Ottawa d'un organisme appelé le Conseil national du bien-être social, qui n'existe plus. Il était rattaché à RHDCC, ou quel que soit son nom aujourd'hui. On y recueillait des données sur les taux d'aide sociale selon les provinces, de façon à ce que l'on puisse comparer divers facteurs: l'aptitude au travail, s'il s'agit d'une personne handicapée ou d'une famille monoparentale; on y trouvait aussi les dispositions de récupération, les restrictions en matière d'actifs, toutes les règles. Cet organisme n'existe plus, et je ne sais pas si ces travaux se poursuivent.
    Est-ce que Caledon le fait?
    Oui, Caledon le fait à l'aide de financement collectif.
    Cet institut peut le faire mieux que quiconque, car ses responsables étaient réellement des fonctionnaires fédéraux. C'est un aspect important.
    Il y a longtemps, j'étais un fonctionnaire fédéral, et je sais que lorsque le gouvernement fédéral songeait à augmenter le crédit d'impôt pour enfants, son objectif était simplement de réduire l'aide sociale. Quant aux prestations aux aînés, si nous augmentons le SRG, les provinces qui offrent des prestations complémentaires au SRG pourraient s'adapter.
    Excellent, merci beaucoup.
    Je suis désolé, mais nous devons passer à autre chose. Nous allons maintenant entendre M. Warawa pendant cinq minutes. Allez-y.
    Merci aux témoins.
    Je vais faire une petite mise en contexte puis je vais poser une question. Je vis dans la région du Grand Vancouver, à Langley. Nous avons une grande population d'aînés. À l'heure actuelle, un Canadien sur six est un aîné. Dans six ans, ce sera un sur cinq. Dans 13 ans, ce sera un sur quatre.
    Du point de vue démographique, les aînés représentent l'un des groupes les plus vulnérables. Certains aînés sont très bien nantis, mais il y en a d'autres qui sont en difficulté. J'ai trouvé très intéressants les commentaires formulés par Mme Notten au sujet de l'intégration d'indicateurs de privation matérielle à notre évaluation des aînés.
    Le gouvernement a annoncé un montant supplémentaire destiné aux femmes âgées vivant seules. Si nous utilisons les statistiques limitées et que nous n'observons qu'un seul aspect de la pauvreté, on constate que ce sont les femmes âgées vivant seules qui ont le plus besoin d'aide, peut-être parce qu'elles n'ont pas travaillé et qu'elles comptent sur des ressources très limitées. Dans certains cas, on parle de couples qui vivent ensemble depuis 50 ou 60 ans, et l'un des deux a maintenant des problèmes de santé. Dans cette situation, ils ont peut-être davantage de difficultés que tout autre groupe, donc au moment d'évaluer la pauvreté et la façon d'aider, devrions-nous tenir compte de ceux qui sont pauvres, mais qui sont encore en couple? Ils vivent dans la pauvreté et sont maintenant exclus du programme.
    L'ancien gouvernement libéral a mis sur pied le programme de prestations de compassion et il était très restrictif quant aux conditions d'admissibilité. J'ai défendu un électeur qui n'était pas admissible à ces prestations pour prendre soin de sa soeur pendant ses derniers jours; il s'était fait dire qu'on ne pouvait prendre soin d'un frère ou d'une soeur. Depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons apporté des changements afin qu'une personne mourante puisse choisir la personne qui prendra soin d'elle. Il pourrait s'agir d'un frère ou d'une soeur ou d'un ami, pourvu que la personne soit admissible aux prestations d'assurance-emploi. Nous avons élargi le programme de prestations de compassion, et je me réjouis d'entendre que le gouvernement va l'enrichir.
    Nous proposons parfois des programmes qui ne répondent pas vraiment aux besoins, donc j'étais plutôt fasciné par ce que vous avez dit, soit que nous devions adopter une vue d'ensemble. Nombre d'entre vous ont dit qu'il fallait en faire davantage pour prendre soin des aînés.
    Avez-vous des commentaires à formuler au sujet du SRG? C'est une très bonne chose de favoriser l'expansion du SRG pour aider ceux qui sont réellement dans le besoin. Devrions-nous tenir compte de quiconque est admissible, qu'il s'agisse d'un couple ou d'une seule personne? Si ces personnes vivent dans la pauvreté et qu'elles ont besoin d'aide, alors augmentons le supplément.
    Pourrais-je entendre ce que vous avez à dire, madame Notten?

  (1020)  

    Votre question porte sur les aînés et le programme de prestations de compassion. J'étais un peu confuse.
    Il ne s'agit pas du programme de prestations de compassion. Le programme de SRG est majoré pour les personnes célibataires. Disons que vous n'êtes pas célibataire. Vous êtes en couple, mais vous vivez dans la pauvreté. Le gouvernement devrait-il envisager la possibilité d'étendre la portée du programme afin d'inclure tous ceux qui sont vraiment dans la pauvreté et prendre en compte la privation matérielle liée à la pauvreté, incluant ainsi les aînés en couple?
    Dans l'objectif de réduire la pauvreté, il est logique d'évaluer les ressources et les besoins des gens qui vivent dans la pauvreté, peu importe qu'ils soient seuls ou en couple, et d'en faire le critère d'admissibilité pour l'aide sociale, que ce soit au moyen du SRG ou non. Bref, je dirais oui.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Vous avez environ 20 secondes, monsieur.
    J'aimerais que M. Cross réponde brièvement à la question suivante.
    Vous avez dit qu'un solide programme antipauvreté était synonyme de croissance économique rapide. À l'heure actuelle, nous éprouvons des difficultés. Est-ce que d'autres taxes, comme la taxe sur le carbone, constitueraient une douche froide pour la croissance économique au Canada?
    De manière générale, oui, mais avec la taxe sur le carbone qui est proposée, et nous parlons d'environ 10 ¢ le litre, par rapport au prix très bas de l'énergie, je ne pense pas que cela aura une grande incidence.
    Merci, monsieur.
    Nous allons maintenant entendre Mme Sansoucy pour les trois prochaines minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'ai été très intéressée par les commentaires de M. Shillington et de Mme Notten, qui déploraient l'abolition du Conseil national du bien-être social. J'ai choisi de contribuer aux travaux du ministre dans l'élaboration d'une stratégie nationale de réduction de la pauvreté en déposant le projet de loi C-245.
    Selon moi, il était essentiel — et c'est la raison pour laquelle cela se retrouve dans ce projet de loi — qu'une façon de le faire était de remettre en place un conseil national qui s'occuperait de la réduction de la pauvreté et favoriserait l'inclusion sociale et de créer aussi un commissariat. Cela nous permettrait, comme nous l'avons dit tout à l'heure, de nous doter d'indicateurs plus clairs que ceux que nous avons actuellement. En plus de cela, un commissaire pourrait faire le suivi, année après année, de l'évaluation de nos résultats au chapitre de la réduction de la pauvreté.
    Madame Notten, dans votre présentation, vous avez fait référence aux stratégies qui existent dans les provinces. Vous en avez abordé quelques-unes, notamment celles qui existent au Québec.
    Parmi les stratégies de réduction de la pauvreté qui ont déjà été mises en place dans plusieurs provinces et territoires, quelles sont celles qui pourraient nous inspirer au plan fédéral? En lien avec les propos de mon collègue M. Long, comment pourrions-nous arrimer les efforts provinciaux et fédéraux dans une stratégie de réduction de la pauvreté?

[Traduction]

    Je étudié quatre stratégies provinciales de réduction de la pauvreté en détail. La plupart des provinces et des territoires en ont une, à l'exception de l'Alberta. Mes recherches montrent que les provinces procèdent différemment, même s'il existe certaines similitudes. En pratique, chaque province a ses propres forces et faiblesses. Je pense qu'il y a des possibilités d'apprentissage.
    L'un des points forts de la stratégie du Québec est l'institutionnalisation de la participation d'agents non gouvernementaux à un débat visant à définir la pauvreté et l'inclusion sociale. Elle fournit aussi des ressources à des organismes indépendants ou relativement indépendants afin qu'ils surveillent les progrès réalisés à l'égard des objectifs de la stratégie de réduction de la pauvreté.
    Il y a d'autres provinces, comme Terre-Neuve-et-Labrador, qui fournissent régulièrement des renseignements au sujet des sommes investies dans la stratégie, et nous en sommes informés chaque année, lors des discussions relatives au budget, et il en est de même pour le Manitoba.
    De nombreuses leçons peuvent être tirées des stratégies provinciales de réduction de la pauvreté et être utiles à la création d'une stratégie fédérale.
    De quelle façon intégrez-vous ces stratégies? Je pense qu'il y a de quoi devenir fou lorsqu'on voit les diverses sphères de compétence d'une administration à l'autre. C'est pourquoi je suis en faveur de la création d'un institut national qui, à tout le moins, nous permettrait de nous assurer que nous en discutons, que nous communiquons des renseignements et que nous savons ce qui se passe, potentiellement, au sujet des répercussions et ce qui se passe à l'échelon fédéral vu les sommes supplémentaires accordées à l'échelon fédéral et les sommes retirées à l'échelon provincial.
    Nous voulons savoir ce qui se passe. Nous voulons tenir un débat. Nous pouvons le faire pour la santé, mais apparemment pas pour les questions sociales.

  (1025)  

    Nous allons passer au deuxième tour, en supposant que tout le monde est d'accord. Nous en sommes déjà presque à la demie, et il ne reste que 15 minutes. Je ne vois pas l'intérêt de prendre une pause. Il n'y a aucune objection.
    C'est au tour de M. Poilievre.
    Madame Notten, vous avez parlé des différences entre les mesures du faible revenu fondées sur le revenu, qui ne supposent qu'une simple évaluation de ce qui entre dans le compte bancaire d'une personne, et celles fondées sur les résultats, qui dépendent davantage de ce dont a besoin une personne pour éviter la privation matérielle.
    Nous avons été informés des trois différentes mesures par Statistique Canada lors de la dernière rencontre. La première est la mesure de faible revenu; la deuxième est le seuil de faible revenu; et la troisième est la mesure du panier de consommation. Il me semble que, parmi ces trois, deux évaluent à des degrés divers et avec un succès discutable les besoins d'une personne. Il s'agit de la mesure du panier de consommation et du SFR. Le SFR s'appuie sur les niveaux de consommation de 1992, mais il mesure tout de même le nombre de personnes qui dépensent 20 % ou plus de leur revenu en biens de première nécessité par rapport à la moyenne des gens.
    La mesure de faible revenu, quant à elle, semble être la seule qui n'a aucun lien avec le coût d'achat des biens de première nécessité qu'il faut se procurer pour éviter la privation matérielle. Je ne suis pas un expert de ces mesures. Est-il vrai que la mesure de faible revenu est la seule des trois qui ne tient aucunement compte de ce dont a besoin une personne pour éviter la privation matérielle?
    Merci de votre question.
    J'aimerais d'abord répondre à la question qui concerne les besoins. Toutes les mesures de la pauvreté — qu'il s'agisse du SFR, de la MPC, soit la mesure du panier de consommation, ou même des indices de privation matérielle —, ne tiennent pas directement compte des besoins. Les indices de privation matérielle tiennent compte non pas des besoins, mais plutôt de ce que l'on considère comme étant des nécessités dans la société canadienne. Le SFR et la MPC, quant à eux, se penchent sur le coût moyen de la vie, ou sur les besoins moyens, mais le problème tient au fait que le Canadien moyen n'est pas le Canadien type. C'est très hétérogène.
    Les indicateurs de revenu tentent d'établir un lien en déterminant le coût de ces nécessités ou besoins de base, particulièrement le SFR et la MPC. Je suis d'accord avec vous. La privation matérielle est axée sur les nécessités, sur les résultats qui sont associés à au niveau de vie sous le seuil de la pauvreté. Si quelqu'un a des besoins élevés, il est plus susceptible d'avoir un niveau de vie sous le seuil de la pauvreté. Cette personne n'est peut-être pas capable de se procurer les nécessités, mais on n'essaie pas de mesurer les besoins en soi.
    En ce qui concerne la MFR, et cela fait l'objet d'un débat important, comment définiriez-vous la pauvreté? Quel est votre point de référence pour l'analyse? Est-ce qu'il suffit de respecter un minimum, et à quoi se rapporte ce minimum? Est-ce qu'il faut simplement survivre physiquement ou faire partie de la société ou est-il question de ce qu'on possède en moins par rapport à ce qui est typique, normal et moyen?

  (1030)  

    Nous connaissons tous le débat philosophique opposant la relativité à l'absolu, mais ma question est liée à la MFR. Elle ne tient absolument pas compte de ce qu'il faut dépenser pour éviter la privation matérielle. Si le coût de la vie devait tripler, cela n'aurait, toutes choses étant égales par ailleurs, pas d'incidence sur la MFR, puisque celle-ci ne mesure pas le coût de la vie. Elle mesure exclusivement la relation entre les gens à faible revenu et les gens de la classe moyenne. Est-ce juste?
    Oui, mais il pourrait y avoir une deuxième série de faits concernant la multiplication par trois du coût de la vie; ça c'est certain.
    Le SFR, en revanche, en tient compte, de façon imparfaite, peut-être, mais il tient compte des sommes que doivent débourser les gens lorsqu'ils achètent les choses dont ils ont besoin.
    Je ferais cette remarque pour la MPC. Le SFR est une mesure hybride, je dirais, qui est figé dans le temps et qui est fondé sur les dépenses de consommation des Canadiens. Il a tout de même un sens relatif, et nous présumons qu'il révèle quelque chose au sujet du coût de la vie minimal.
    Est-ce que vous préconisez plutôt la mesure du panier de consommation?
    Pour ce qui est de la mesure du panier de consommation, je pense qu'on tente plus sérieusement d'obtenir une idée du coût de la vie dans des collectivités particulières. Donc oui, c'est ce que je dirais.
    Croyez-vous que la mesure du panier de consommation devrait avoir une définition plus souple? Pensez-vous que chaque année nous devrions nous pencher sur la question et dire qu'en fait, le panier est plus gros, ou que nous avons regardé autour de nous et que le panier exige maintenant d'avoir un téléphone intelligent, alors que l'année dernière un téléphone fixe était suffisant? Croyez-vous que le panier devrait constamment évoluer et croître?
    Soyez brève.
    C'est un problème qui touche tous les indicateurs. Il touche aussi les indicateurs économiques, l'inflation et les indicateurs de pauvreté. Vous parlez de vérifications régulières, mais je ne dirais pas qu'on devrait en faire chaque année. Nous pourrions en faire à chaque cinq ou dix ans.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Shanga. Allez-y.
    Je veux remercier les témoins de leurs conseils d'expert.
    Je vais effleurer les questions d'immigration. Je suis moi-même immigrant et je suis également avocat spécialisé en immigration. J'ai vu de nombreux problèmes liés à l'immigration dans ma collectivité. Les gens viennent ici, ils sont nouveaux au pays. Ils sont confrontés à de nombreuses questions concernant la recherche d'un nouvel emploi, l'évaluation de leurs titres de compétences, le retour aux études, la discrimination et beaucoup d'autres aspects. Ils font face à ces problèmes. Ces éléments contribuent à la pauvreté. J'espère que cela fera l'unanimité. Nous remarquons que, à ce chapitre, nous pouvons apporter des changements et des améliorations dans la collectivité. Nous pouvons améliorer leur statut social et leur donner une chance de s'adapter pour intégrer la société canadienne.
    Monsieur Cook, qu'avez-vous comme mesure à proposer pour améliorer leur situation?

  (1035)  

    Cet exemple montre que la pauvreté est bien plus qu'un enjeu économique. Si on examine la situation dans laquelle se trouvent de nombreux immigrants, particulièrement ceux qui sont arrivés au pays récemment, on constate que c'est une convergence de facteurs. C'est une question d'absence de reconnaissance des qualifications et d'absence de réseaux sociaux et de relations. C'est une question de racisme et de discrimination. Si nous ne faisons qu'accroître les revenus sans tenir compte de tous ces autres facteurs, nous aurons réglé un problème de revenu, mais nous n'aurons pas nécessairement abordé la question de la pauvreté, parce que certaines personne seront encore exclues et victimes de discrimination. Nous devons donc nous attaquer à tous les aspects.
    Bien sûr, nombre de ces mesures ne sont pas nouvelles. Nous savons qu'il faut agir au sujet de la reconnaissance des qualifications et des titres de compétences étrangers, et nous devons nous assurer que les gens qui sont admis au Canada en fonction de leurs titres de compétences ont réellement la possibilité de travailler dans leur domaine. Nous devons régler la question de la discrimination et, certainement, prendre des mesures permettant d'élargir et de renforcer la Loi sur l'équité en matière d'emploi à cet égard.
    Nous devons également nous assurer que tous les emplois sont de qualité, de manière à ce que même une personne qui vient ici et qui occupe un emploi de premier échelon pour acquérir de l'expérience puisse subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille et atteindre un niveau de vie adéquat. Je sais qu'un assez grand nombre de personnes qui viennent s'établir ici doivent mettre leurs connaissances à niveau ou suivre des cours d'anglais, mais ils ne sont pas en position de le faire parce qu'ils doivent travailler. Ils peuvent être formés, mais ils finissent par travailler dans des services de conciergerie ou occuper d'autres emplois de moindre qualité, et ils n'ont pas la possibilité d'obtenir la formation dont ils ont besoin. Si nous pouvons offrir cette possibilité à tout le monde et nous assurer que chaque emploi est de qualité, alors je pense que nous avons une chance de régler le problème.
    Y a-t-il des mesures particulières que vous aimeriez recommander? Selon vous, quel type de mesures doit-on prévoir à leur égard?
    Encore une fois, en ce qui concerne l'emploi, nous pouvons adopter des mesures qui permettraient d'accroître la qualité des emplois. Cela comprendrait certainement l'augmentation du salaire minimum fédéral, mais également l'examen des pouvoirs du gouvernement fédéral dans son rôle de fournisseur de services et d'employeur et la mise en oeuvre de politiques de salaire vital. Cela pourrait avoir une incidence considérable, tout comme une collaboration avec les provinces qui permettrait de s'assurer que les titres de compétences sont reconnus et qu'il existe une certaine cohérence entre les politiques en matière d'immigration qui permettent d'admettre des gens en fonction de leurs titres de compétences et de leur capacité réelle à travailler dans leur domaine.
    Monsieur Cook, j'ai une autre question pour vous. Vous avez 25 ans d'expérience et vous avez rencontré de nombreuses personnes. Vous dites que, lorsque vous rencontrez des gens dans la rue et que vous leur demandez pourquoi ils sont sans abri, pourquoi ils sont dans la rue, ils disent tous qu'ils ont des problèmes sociaux ou qu'ils ont des démêlés avec la loi.
    Quelles seraient vos suggestions à l'heure actuelle? Pouvez-vous dire au Comité quelles mesures il faut adopter pour sortir ces gens de la pauvreté et de la rue?
    Je pense que l'une des tâches fondamentales qu'il faut exécuter, et je loue le gouvernement de faire progresser les travaux à cet égard, est l'adoption d'une stratégie nationale sur le logement, puisque nous devons nous assurer qu'il y a suffisamment de logements abordables. Une fois cette tâche accomplie, vous placez des gens qui ne devraient pas être dans des refuges dans une situation de logement stable, puis vous avez la capacité de travailler avec ceux qui nécessitent un soutien plus important.
    L'autre stratégie — encore une fois, je loue le gouvernement de s'y attacher —, consiste à travailler sur un modèle accordant la priorité au logement. Nous savons que nous devons procurer aux gens des logements supervisés. Lorsque ces gens sont stables et logés, nous pouvons nous attaquer aux nombreux autres problèmes qu'ils ont, qu'il s'agisse de problèmes de santé mentale ou de problèmes de toxicomanie. Nous ne pouvons toutefois pas faire de même pour ceux qui vivent dans la rue. Ils ne sont pas en position de...
    Merci, monsieur Cook.
    Très brièvement, nous allons écouter Mme Sansoucy.

  (1040)  

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Cook, vous êtes en faveur du salaire minimum à 15 $ l'heure.
    On sait que le gouvernement fédéral a indiqué, le 7 octobre dernier, qu'il n'augmenterait pas le salaire minimum fédéral pour les employés régis par le Code canadien du travail et que plusieurs provinces ont fait le choix d'augmenter le salaire minimum, certaines jusqu'à 15 $ l'heure, et ce, de façon progressive étalée sur plusieurs années.
    J'ai déjà indiqué lors des réunions de ce comité qu'on ne pouvait pas étudier en silo la question des programmes de lutte contre la pauvreté. Je représente une circonscription où la présence des PME est importante, comme c'est d'ailleurs le cas partout au Canada. En effet, elles génèrent environ 85 % des emplois. On ne peut parler de salaire minimum à 15 $ l'heure sans considérer les programmes fiscaux pour les PME et les différents programmes de soutien qui leur sont destinés.
    Que répondez-vous à ceux qui prétendent qu'une hausse du salaire minimum pourrait avoir des répercussions négatives sur l'emploi?

[Traduction]

    Avant tout, en ce qui concerne l'incidence du salaire minimum sur l'emploi, j'aimerais souligner le fait que l'Alberta a récemment augmenté son salaire minimum. Selon le dernier rapport de Statistique Canada, l'Alberta était l'une des deux provinces où l'emploi était en hausse au cours du dernier mois. Si le salaire minimum avait une incidence négative sur l'emploi, on l'aurait certainement vu en Alberta au cours du dernier trimestre.
    J'ai travaillé à l'élaboration d'une politique de salaire vital pour la Ville de Calgary et j'ai fait des recherches approfondies au sujet de l'impact des salaires vitaux sur l'emploi dans diverses villes, parce qu'ils ont été mis en oeuvre dans plus de 100 villes aux États-Unis. Normalement, ils ne sont pas des facteurs de dissuasion à l'emploi. On observe que l'augmentation des salaires tend à accroître la productivité, à réduire le roulement du personnel et à générer des retombées économiques.
    Je dirais également que le coût associé aux emplois peu rémunérés est assez élevé, et c'est le reste de la société qui l'assume. Nous savons que les gens qui forment les groupes à faible revenu ont des besoins en santé plus élevés, que le coût de leurs études est plus élevé et bien d'autres choses.
    Dans les faits, l'emploi peu rémunéré constitue une subvention aux entreprises dont le coût est assumé par le secteur public.
    Je pense que lorsqu'il est question de salaires équitables, nous parlons vraiment de la façon dont la sécurité du revenu découle d'une collaboration entre le particulier, qui travaille, l'employeur, qui paie un salaire décent, et la collectivité et l'État, qui interviennent auprès des gens qui sont incapables de travailler. Si le salaire versé n'est pas adéquat, l'un des maillons de cette chaîne est brisé.
    Cela dit, je reconnais qu'il peut y avoir un fardeau qui pèse sur les petites et moyennes entreprises et qu'il peut y avoir des occasions d'utiliser le système fiscal pour pallier les difficultés de celles qui pourraient être touchées par une hausse rapide du salaire minimum.

[Français]

     Vous avez aussi très brièvement fait référence à un revenu minimum garanti. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Toutefois, selon vous, pourquoi cette mesure pourrait-elle réduire la pauvreté au Canada?

[Traduction]

    Je crois que c'est une mesure qui réduirait la pauvreté, car nous en avons déjà appliqué une, et elle fonctionne. Il s'agit du Supplément de revenu garanti. Nous savons qu'il a réellement permis de sortir des aînés de la pauvreté, et nous parlons maintenant de la possibilité d'étendre ce principe à la population entière.
    Cette mesure permet non seulement de simplifier et de rationaliser nos processus, mais elle permet également d'offrir l'aide dont les gens ont besoin en respectant leur dignité. De plus, elle ne suppose pas d'examen des ressources. On se fie simplement aux impôts... selon les suggestions les plus fréquentes, nous devrions le faire à l'aide du système fiscal: il faut simplement être admissible, c'est comme une question de droits, ce qui reflète réellement nos obligations en matière de droits.
    Je crains de devoir vous interrompre ici, je vois qu'il est 10 h 45. Toutes mes excuses.
    Je veux prendre l'occasion de remercier encore une fois tous nos témoins.
    Nous avons une autre rencontre ici à 11 heures, donc nous ne pouvons pas discuter trop longtemps.
    Comme toujours, je remercie mes collègues des deux côtés d'avoir posé d'aussi bonnes questions. Merci également à ceux qui ont rendu possible cette rencontre, les interprètes, toute l'équipe technique et bien sûr les gens qui sont à mes côtés, la greffière et l'analyste. Merci tout le monde.
    Passez une excellente journée.
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