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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 014 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 6 juin 2016

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bienvenue à tous. Je suis impatient d'entendre les déclarations d'aujourd'hui. Le groupe me semble intéressant. Je suis sûr que nous allons en apprendre beaucoup aujourd'hui.
    Mme Kurl m'a dit qu'elle a un avion à prendre, alors nous allons réaménager l'horaire un peu et lui demander de faire sa déclaration en premier. Comme cela, elle pourra partir tôt si c'est nécessaire.
    Nous vous écoutons donc, madame Kurl, du Angus Reid Institute.

[Français]

     Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Shachi Kurl et je suis directrice exécutive de l'Institut Angus Reid. Je suis très contente d'être parmi vous aujourd'hui pour discuter d'un sujet de grande importance pour les Canadiens.
    Notre institut, qui a été fondé en 2014, est un organisme de sondage non partisan et sans but lucratif. Afin de favoriser une meilleure compréhension des principaux enjeux de politique publique et des tendances de l'opinion publique dans tout le pays, nous mettons toutes nos données d'enquête à la disposition des Canadiens, et ce, sans frais.

[Traduction]

    Monsieur le président, puis-je vous interrompre? Je remarque que certains des témoins ont de la difficulté avec leur oreillette, pour l'interprétation. Il faudrait informer les témoins du canal.
    Voilà.
    Au nom de la transparence, et pour aider les décideurs, les parties prenantes et le public en général à mieux comprendre où se situent les Canadiens sur des questions particulières et importantes d'actualité, toutes nos données et notre information se trouvent sans frais sur notre site Web.
    Ce que nous avons voulu faire avec l'étude qui a été menée en juillet 2015 de concert avec la Mindset Foundation, et qui s'est fondée sur un échantillon de la population canadienne générale dans chacune des régions et sur les données démographiques du recensement, c'était de prendre le pouls des Canadiens et de nous donner une idée de la prévalence et de l'incidence des pressions que ces Canadiens subissent concernant les coûts et des autres obstacles relatifs à leurs médicaments d'ordonnance.
    Ce que nous avons constaté, pour commencer, c'est que près d'un Canadien sur quatre dit ne pas prendre ses médicaments d'ordonnance, sauter une dose ou la diviser, ou trouver d'autres façons de réduire les coûts et les obstacles qui l'empêchent de prendre les médicaments que ses médecins ou spécialistes lui ont recommandé de prendre. On peut tout de suite déduire que ce problème qui crée des pressions sur un segment de la population n'est pas sans importance.
    Quand il est question de ceux qui ont le plus de difficultés, on parle d'un peu moins d'un Canadien sur quatre, mais nous avons tendance à constater un peu plus de difficulté et de pression liées aux coûts chez les résidants de la Colombie-Britannique et du Canada atlantique. Il y a des variations dont certaines peuvent être attribuées au fait que la Colombie-Britannique, comme d'autres gouvernements provinciaux, n'offre que la couverture des médicaments onéreux. Dans le Canada atlantique, il y a d'autres restrictions relatives à la nature des régimes d'assurance-médicaments, par rapport à d'autres provinces comme le Québec et l'Ontario. Quand nous parlons de difficultés, nous parlons des personnes qui disent ne pas respecter leurs ordonnances en ne prenant pas la dose prescrite ou en retardant le renouvellement de leurs ordonnances à cause de ce qu'il en coûte de le faire.
    Les coûts et les obstacles vont de pair, et ils produisent des effets sur les Canadiens à deux égards. L'un est l'âge. Nous voyons des obstacles qui sont légèrement pires pour les jeunes Canadiens. Ce n'est pas tout à fait surprenant, étant donné que les jeunes Canadiens sont souvent ceux qui occupent les emplois les moins stables. Il se peut que leur emploi s'accompagne d'un régime d'assurance médicaments moins généreux ou même qu'ils n'aient pas du tout de régime. Pour eux, l'accès aux produits pharmaceutiques est un peu moins stable, et ils subissent peut-être plus de pression, bien que l'étude révèle que les Canadiens âgés de 35 à 54 ans disent aussi avoir des difficultés.
    Le revenu est aussi un facteur. Ceux qui ont de faibles revenus disent avoir plus de difficultés à payer le prix de leurs médicaments d'ordonnance, mais cela ne signifie pas que ceux qui ont des revenus plus élevés n'ont pas de difficultés aussi. La raison de cela, c'est qu'il y a des médicaments de marque ou des médicaments expérimentaux qui sont très coûteux. Même les Canadiens qui gagnent plus peuvent rencontrer des obstacles. En fait, 16 % disent qu'ils rencontrent ces obstacles parce que les prix de certains médicaments sont prohibitifs. Les personnes qui n'ont pas de protection doivent trouver elles-mêmes les moyens de régler cela.

  (1535)  

    Nous voulions nous donner une idée du nombre de Canadiens qui paient leurs médicaments par leurs propres moyens. Dans l'ensemble, vous voyez qu'environ 30 % disent qu'ils paient un montant ne dépassant pas 100 $ par année. Presque autant de répondants disent payer au moins 500 $. Pour un Canadien sur cinq, soit environ 20 %, le montant payé se situe entre 1 000 $ et 3 000 $.
    Ce qui est remarquable, c'est que parmi ceux qui dépensent au moins 500 $ de leur poche, il y a un tiers de Québécois. C'est peut-être attribuable aux franchises mensuelles et autres coûts liés au régime d'assurance-médicaments de la province. Par contraste, les Ontariens sont parmi ceux qui doivent le moins payer de leur poche. Seulement 14 % disent qu'ils ont payé au moins 500 $ pour l'année en médicaments.
    Quand nous pensons à l'accès aux médicaments et aux prescriptions, nous voulons aussi demander aux gens: « Êtes-vous inquiets de cela? Est-ce que cela vous inquiète et vous préoccupe de plus en plus? » Tous les trois mois, nous demandons aux Canadiens: « Quels sont les principaux problèmes que vous avez — votre famille, votre ménage, vous-même? »
    Bien entendu, les soins de santé se trouvent toujours au sommet de la liste, avec l'économie. Mais en ce qui concerne le sous-ensemble des soins de santé, ce que cela nous dit clairement, c'est que les médicaments d'ordonnance, l'assurance-médicaments et l'accès se situent au sommet du sous-ensemble des soins de santé.
    Au cours de la dernière année, 25 % des répondants nous ont dit qu'ils s'inquiètent de la façon dont eux-mêmes ou les membres de leur famille pourront payer leurs médicaments d'ordonnance. Nous leur avons demandé de penser à la situation dans 10 ans, quand ils auront 10 ans de plus. En réponse à cela, le degré d'inquiétude a bondi de près de la moitié, et 46 % des répondants ont dit qu'ils étaient très inquiets ou inquiets de la façon dont ils paieraient leurs médicaments d'ordonnance dans 10 ans.
    Après avoir examiné les expériences vécues par les Canadiens, personnellement et à l'échelle du ménage, concernant l'accès aux médicaments et la capacité de payer les médicaments d'ordonnance, nous sommes passés aux opinions plus générales sur le principe d'un programme d'assurance-médicaments. Je vais d'abord émettre des réserves. Nous sommes spécialisés dans la mesure de l'opinion publique et des points de vue des Canadiens sur des questions particulières. Nous ne sommes pas des spécialistes des politiques sur la santé. Quand nous posons cette question et que nous présentons ces données, nous reconnaissons qu'il y a des limites à l'interprétation de ces constatations, faute de renseignements précis sur l'apparence d'un éventuel régime d'assurance-médicaments.
    Je tiens à souligner que ce que je présente est valide pour la réaction initiale, mais que cela ne correspond pas nécessairement au dernier mot des Canadiens à cet égard.
    Nous présentons des énoncés de valeurs aux Canadiens. J'en présente trois qui permettent de connaître les points de vue généraux des Canadiens concernant l'assurance-médicaments et l'accès aux médicaments d'ordonnance. Il ne s'agit pas de tous les énoncés que nous présentons aux Canadiens. Si vous voulez plus d'information ou plus de détails, je serai ravi de vous en transmettre. Vous pouvez aussi trouver l'information en ligne sur le site angusreid.org. Nous vous avons fourni le lien.
    Ce que vous pouvez voir, c'est que l'opinion publique penche nettement — bien que ce ne soit pas la majorité — vers les énoncés de valeur qui indiquent, conceptuellement, que les Canadiens sont pour l'accès aux médicaments d'ordonnance. Ils sont d'accord pour pouvoir avoir accès aux médicaments qu'il leur faut pour leur santé.
    Pour ce qui est de l'évaluation de l'appui à un programme d'assurance-médicaments, nous avons demandé: « Est-ce que vous êtes personnellement pour ou contre l'ajout des médicaments d'ordonnance à la couverture universelle des soins de santé du programme d'assurance-maladie? » Pour mieux expliquer ce que nous voulions dire, nous avons ajouté: « ... pour que tous les Canadiens aient accès à des médicaments d'ordonnance sans avoir à les payer de leur propre poche? »

  (1540)  

    Encore là, vous voyez un très fort consensus au sujet de ce principe. Seulement 15 % des répondants s'opposent ou s'opposent fermement à un tel régime; près de la moitié disent qu'ils appuient fermement ce principe. Encore là, c'est conceptuel. Je dois le souligner de nouveau.
    Ce qui est remarquable et important, dans ces constatations, c'est que quand vous les combinez à d'autres constatations, quelque 70 % des Canadiens estiment qu'il faut améliorer la situation actuelle de l'assurance-médicaments. De plus, quand il est question de réforme, encore une fois, la grande majorité croit que la couverture relative aux médicaments dans leur pays serait meilleure s'il y avait un régime national s'appliquant à tous. Bien sûr, c'est un peu disparate d'une province à l'autre.
    Qui devrait payer? Il est toujours facile de trouver des Canadiens qui sont pour des régimes, des idées ou des politiques en particulier, mais quand il s'agit de régler les détails plus complexes à savoir qui va les administrer ou en payer les coûts, c'est là que le consensus s'étiole un peu. Concernant l'administration et ceux à qui elle incomberait, vous voyez qu'environ la moitié des répondants — une très légère majorité — croient que les provinces et le gouvernement fédéral devraient intervenir et travailler ensemble. En marge de cela, environ le quart des répondants disent que le gouvernement fédéral devrait diriger le programme, et un autre quart, que les provinces devraient s'en occuper.
    Comment financer cela? Je vous rappelle le contexte: 87 % des répondants disent oui à l'ajout des médicaments d'ordonnance au régime d'assurance-maladie. C'est le point de référence concernant le soutien; cependant, sur le plan des coûts et des options de financement, la seule option sur laquelle on s'entend et qui fait consensus, c'est le rétablissement d'un impôt fédéral sur le revenu des sociétés à 18 %, soit le niveau de 2010. Les Canadiens ne veulent pas particulièrement une augmentation de la TPS pour cela. Ils n'aiment pas non plus particulièrement l'idée de subir une augmentation de l'impôt sur le revenu et de payer 23 % sur les revenus dépassant 40 000 $. Au mieux, ils réagissent tièdement à l'idée d'exiger une prime d'assurance-médicaments de 180 $ par année de tous les Canadiens de plus de 18 ans.

  (1545)  

    Je suis désolé, mais je dois vous demander de conclure. Votre temps est écoulé.
    J'ai terminé.
    C'est parfait, dans ce cas. Merci beaucoup. Je ne voulais pas que vous pensiez que je vous interrompais au moment où vous disiez que le gouvernement était censé payer, mais en tout cas...
    Ce sont les sociétés qui doivent payer, d'après les répondants.
    Nous passons maintenant à M. Romanow, que nous sommes impatients d'entendre.
    Si j'ai bien compris, vous allez partager votre temps avec M. Marchildon.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président et membres du Comité. C'est un grand plaisir et un honneur d'être ici.

[Traduction]

    Je vous remercie de cette occasion que vous me donnez.
    Greg Marchildon est mon collègue. Il est le directeur exécutif de ma commission, et il est professeur et titulaire de la Chaire de recherche de l'Ontario en politiques de la santé et en conception de systèmes à l'Université de Toronto.
    Chacun de nous va parler pendant cinq minutes. Je vais parler des recommandations de la commission royale qui s'appliquent au mandat actuel de votre comité parlementaire ainsi que de la question de leadership à savoir si nous pouvons aller de l'avant. M. Marchildon va présenter deux options décrivant comment nous pourrions aller de l'avant en tant que pays, en particulier à la lumière des sondages d'opinion publique dont on vient de nous parler.
    Malheureusement, l'enjeu que nous avons cerné en 2002 — on croirait que c'était hier — demeure le même aujourd'hui. En fait, il y a depuis longtemps des commissions et des études qui recommandent un programme national d'assurance-médicaments. Cela remonte au rapport d'Emmett Hall, en 1963-1964, et cela va jusqu'au rapport de ma commission en 2002. Les bienfaits actuels et éventuels des médicaments d'ordonnance sont indéniables, mais ces bienfaits n'existent que si les médicaments d'ordonnance sont intégrés dans le système d'une façon qui garantit qu'ils sont convenablement prescrits et utilisés, et que les coûts sont gérables. Comme nous l'avons dit en 2002, les enjeux sont de portée nationale, et les problèmes sont semblables dans toutes les régions du pays.
    Par conséquent, nous soutenons que seule une approche pancanadienne nous permettra de répondre au triple défi de l'accès, du coût et de l'intégration qui a été souligné dans le rapport. Je suis heureux de dire qu'il y a eu au moins de modestes améliorations sur le plan de la couverture des médicaments onéreux dans quelques provinces, depuis 2002, mais l'accès demeure restreint et inégal. Les petits salariés et travailleurs autonomes à faible revenu canadiens n'ont toujours pas de couverture. Environ 50 % des Canadiens n'ont aucune assurance-médicaments publique, ce qui correspond à l'une des plus faibles couvertures des pays de l'OCDE. Les employés non syndiqués du secteur privé et les femmes ont une couverture liée à l'emploi nettement moindre que le secteur public, les employés syndiqués et les hommes. Il y a aussi de nettes différences entre les provinces pour les personnes à la retraite qui ont au moins 65 ans et pour les bénéficiaires de l'aide sociale.
    Sur le plan des coûts, nous avons très peu progressé, pour ne pas dire que nous n'avons pas progressé du tout. Seuls les États-Unis nous devancent concernant les prix élevés des médicaments génériques, et nous sommes près du sommet parmi les pays de l'OCDE où les prix des médicaments brevetés sont les plus élevés. C'est directement causé par la fragmentation entre la couverture privée et publique, par l'incapacité de tirer parti de l'industrie pharmaceutique et par les écarts dans la pratique en raison des programmes fédéraux, provinciaux et territoriaux disparates.
    Nous avons légèrement amélioré la coordination, depuis 2002, grâce au Programme commun d'évaluation des médicaments et à l'Alliance pharmaceutique pancanadienne.
    Je dirais, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, que nous devons aller beaucoup plus loin pour réaliser le genre d'intégration qu'il faut afin d'améliorer, pour les Canadiens moyens, l'accès aux services et la qualité des services, et ce, d'une manière durable financièrement.
    Cela me ramène aux mesures que j'ai suggérées dans le rapport et que nous devons prendre pour réellement progresser sur les plans de l'accès, des coûts et de l'intégration. Les voici: premièrement, établir un formulaire national unique; deuxièmement, créer une agence nationale du médicament puissante qui réglementerait les médicaments brevetés et les médicaments génériques, ferait des analyses cliniques et des analyses de rentabilité et jouerait le rôle de gardien du formulaire national des médicaments; troisièmement, lier la gestion des médicaments, les pratiques exemplaires et les lignes directrices aux soins de santé primaires; quatrièmement, examiner en profondeur la Loi sur les brevets afin de résoudre les problèmes qui persistent comme la perpétuation et la prolifération de succédanés.
    Je tiens à souligner l'importance que prendra le leadership fédéral pour réaliser les objectifs d'un programme d'assurance-médicaments et pour nous sortir de notre situation actuelle. Je dis cela en tant qu'ancien premier ministre. Je parle de leadership fédéral, de leadership national. Le public veut que le fédéral joue un rôle solide dans la prise des mesures de réforme qui s'imposent vraiment. Est-ce qu'Ottawa va agir comme l'a fait le premier ministre Pearson à la tête d'un gouvernement fédéral minoritaire, dans les années 1960, en surmontant l'opposition à la mise en oeuvre des objectifs de l'assurance-maladie? Cela n'est pas de la contrainte, mais il faudra énoncer une vision nationale comportant des objectifs clairs soutenus par des critères nationaux non négociables qu'il faudra accepter pour que tout gouvernement provincial ou territorial puisse profiter de l'investissement fédéral dans l'assurance-médicaments.
    Je vais maintenant inviter M. Marchildon à passer en revue les deux grandes options possibles pour la création d'un programme d'assurance-médicaments, et dans les deux cas, le gouvernement fédéral devra assumer un solide leadership.
    Greg.

  (1550)  

    Comme M. Romanow l'a souligné, je vais me concentrer sur deux options. Les deux peuvent faire l'affaire, mais elles s'accompagnent de compromis très différents, sur le plan des points forts, des avantages et des inconvénients.
    La première option est celle d'un programme traditionnel qui est financé en partie par le gouvernement fédéral en fonction de quelques critères nationaux, puis administré et financé pour le reste par les gouvernements provinciaux et territoriaux. C'est ainsi que l'assurance-maladie a vu le jour, d'abord sous la forme d'une couverture universelle pour l'hospitalisation dans les années 1950, puis sous la forme d'une couverture universelle des soins médicaux dans les années 1960.
    Bien que très peu de tenants du programme d'assurance-médicaments aient énoncé clairement la forme de gouvernance qu'il prendrait, je crois qu'il s'agit réellement de l'approche que la plupart présument, parce que c'est celle qu'ils connaissent le plus. Le sondage Angus Reid a fait ressortir cela: 50 % des Canadiens semblent être pour ce genre d'approche, et je soupçonne principalement que c'est parce qu'ils la connaissent très bien.
    Le premier avantage d'une telle approche, c'est que nous l'avons déjà utilisée et expérimentée. Elle comporte cependant de très sérieux inconvénients, y compris tout le temps qu'il faut pour la négociation, les nombreux droits de veto que demandent les gouvernements particuliers, la dilution de la responsabilité entre les paliers de gouvernement et la difficulté de surveiller le respect des normes nationales et de les imposer, comme nous en avons eu l'expérience avec l'assurance-maladie au cours des 40 à 50 dernières années.
    La seconde option est un programme d'assurance-médicaments financé et administré entièrement par le gouvernement fédéral. Bien que presque tous les domaines liés aux soins de santé relèvent de la compétence des provinces, les produits pharmaceutiques sont l'un des seuls éléments sur lesquels le gouvernement fédéral a fermement compétence. La couverture devrait être offerte à tous les Canadiens par le gouvernement fédéral, et cela remplacerait les régimes publics et privés qui existent par un régime universel unique.
    L'avantage de cette approche, c'est qu'elle établit un acheteur unique et un organisme de réglementation unique. C'est ce qui a le plus de potentiel de limiter les coûts, de garantir des lignes de responsabilité aussi claires que possible, d'établir et, surtout, de maintenir un formulaire national unique fondé sur la rentabilité et sur l'efficacité clinique, et d'éliminer les différences individuelles et régionales dans la couverture et dans l'accès aux traitements médicaux sur ordonnance.
    Les désavantages sont le manque d'expérience d'une telle approche, le risque financier que le gouvernement fédéral assume seul, et la possibilité que des gouvernements provinciaux rejettent l'approche malgré les avantages financiers clairs de l'allégement de leurs propres responsabilités budgétaires.
    Je crois cependant qu'on peut résoudre ce dernier inconvénient en permettant aux gouvernements provinciaux de se retirer du programme — bien sûr, ils n'ont pas à y adhérer — et de continuer avec leurs actuels programmes, mais sans compensation financière. Peu importe le programme, il devrait en être ainsi pour tout programme fédéral-provincial-territorial, comme je l'ai décrit dans la première option.
    Sur ce, nous remercions le Comité de nous donner cette occasion et nous sommes impatients de répondre à vos questions.

  (1555)  

    C'est parfait. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter les gens de Médicaments novateurs Canada.
    Messieurs Monteith et Skinner, allez-vous partager votre temps?
    Non, monsieur le président. Je vais faire la déclaration préliminaire.
    Merci beaucoup de nous avoir invités. Je suis Glenn Monteith, et je suis le vice-président, Innovation et viabilité des soins de santé, pour Médicaments novateurs Canada, l'association qui représente l'industrie pharmaceutique innovatrice du Canada.
    Je suis accompagné de Brett Skinner, directeur exécutif, Santé et politique économique chez Médicaments novateurs Canada.
    Médicaments novateurs Canada représente plus de 50 compagnies pharmaceutiques innovatrices. Nous comptons parmi nos membres aussi bien des entreprises en démarrage que des sociétés pharmaceutiques bien établies. Notre association plaide en faveur de politiques qui soutiennent une économie des sciences de la vie forte et vigoureuse au Canada et qui garantissent aux patients canadiens l’accès aux médicaments novateurs.
    Notre secteur est un partenaire important au sein du système des soins de santé du Canada. Nous interagissons tous les jours avec les régimes publics et privés d'assurance-médicaments. De plus, nous sommes à la table de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, l’APP, en tant que partenaire de confiance travaillant à la viabilité du système des soins de santé du Canada. La viabilité est fondamentale pour les Canadiens.
    Nous croyons au principe voulant que tous les Canadiens doivent avoir un accès juste, équitable et abordable aux médicaments dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin. Nous sommes donc heureux d'avoir l'occasion de nous exprimer sur le programme d'assurance-médicaments.
    Je vais commencer par quelques faits préliminaires sur le rôle que nos compagnies membres jouent au sein de l'actuel système des soins de santé du Canada. Les dépenses en médicaments brevetés ont diminué pour passer de 8,4 % à 6,4 % des dépenses totales de soins de santé au Canada entre 2004 et 2014. Selon les données les plus récentes du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, le CEPMB, en 2014, les prix des médicaments brevetés au Canada étaient inférieurs en moyenne de 13 % au prix international médian, et de 31 % aux prix internationaux aux taux de change du marché. On pourrait aussi dire qu’ils étaient inférieurs de 19 % aux prix médians et de 45 % aux prix moyens à parité des pouvoirs d'achat.
    En 2014, les dépenses en médicaments brevetés par habitant ajustées en fonction de l'inflation ont été inférieures à celles de 2003. Au cours de 25 des 27 années de réglementation du CEPMB, les hausses de prix ont été inférieures à l'indice des prix à la consommation. Cela signifie qu'avec le temps, les médicaments sont devenus de plus en plus abordables par rapport à l'inflation. Selon le rapport annuel du CEPMB, le Canada arrivait 3e sur 8 pays, en 2014, pour les prix moyens des médicaments brevetés aux taux de change du marché. Si l'on fait la même comparaison en utilisant la parité des pouvoirs d'achat, le Canada se classe au 4e rang.
    Plutôt que d’être un inducteur de coûts pour le système de soins de santé, les médicaments novateurs contribuent nettement à sa viabilité en prévenant des hospitalisations et en réduisant la durée des séjours à l'hôpital, en réduisant le nombre d'interventions chirurgicales invasives et en permettant d'éviter à des gens une vie entière maquée par une maladie chronique ou un handicap.
    Sans l'accès aux médicaments, les coûts des soins de santé seraient beaucoup plus élevés et les résultats sur la santé seraient moins bons. Les médicaments novateurs donnent également lieu à la réduction des coûts du système de soins de santé. Par exemple, ici en Ontario, nous savons qu’en 2012, les 1,2 milliard de dollars qui ont été consacrés à six classes de médicaments novateurs ont été compensés par 2,4 milliards de dollars en économies et en gains de productivité. Aujourd'hui au Canada, tous les médicaments administrés en milieu hospitalier sont financés par des fonds publics. En dehors du milieu hospitalier, la majorité des Canadiens ont une couverture financière pour les médicaments novateurs par l'entremise d'une gamme de régimes privés d'assurance-médicaments conçus pour la population active, ainsi que de régimes publics d'assurance-médicaments gérés par les provinces et les territoires et axés sur les populations vulnérables comme les personnes âgées et les bénéficiaires de l’aide sociale.
    Le système fonctionne bien pour la plupart des Canadiens. Si l'unique objectif de l'assurance-médicaments est d'économiser de l’argent, des gens sont d’avis que la seule façon d'y parvenir est de limiter sévèrement l'accès aux médicaments novateurs. Je ne crois pas que c'est ce que veulent les Canadiens. Cependant, nous croyons qu’il est possible de mettre au point un ou des programmes qui se concentreraient sur les problèmes suivants du système actuel.
    Le premier problème est celui des personnes qui ne sont pas assurées ou qui sont sous-assurées. Même si nous avons un système solide, certains Canadiens ne sont pas admissibles à l'assurance-médicaments, qu'elle soit publique ou privée, ou y sont admissibles, mais n’ont pas les moyens de faire exécuter leurs ordonnances.
    Le deuxième problème réside dans la qualité de la couverture des régimes d'assurance-médicaments. Il y a un problème avec le nombre de médicaments couverts par les régimes publics d'assurance-médicaments. Selon une étude que nous avons menée, au 31 décembre 2015, seulement 37 % des 121 nouveaux médicaments approuvés par Santé Canada de 2010 à 2014 étaient remboursés par les régimes publics à l’échelle de toutes les provinces, ce qui couvre au moins 80 % de la population admissible au régime public national d'assurance-médicaments. Le Canada se classe de ce fait au 18e rang des 20 pays analysés.

  (1600)  

    Troisièmement, il y a le temps nécessaire pour inscrire un médicament dans les régimes publics. Les Canadiens et les Canadiennes inscrits dans les régimes publics doivent attendre de façon anormalement longue avant d'avoir accès aux médicaments novateurs. Il faut compter, en moyenne, 449 jours avant d'inscrire un médicament novateur dans un régime public d'assurance-médicaments, même après son approbation par Santé Canada, plaçant le Canada au 15rang des 20 pays de notre étude comparative.
    Quatrièmement, les données d'une autre étude suggèrent que la couverture dans les régimes privés d'assurance-médicaments au Canada est bien meilleure que dans les régimes publics: des 464 nouveaux médicaments approuvés pour la vente par Santé Canada de 2004 à 2013, 89 % (soit 413) ont été couverts par au moins un régime privé d'assurance-médicaments comparativement à 50 % (ou 231) qui ont été couverts par au moins un régime public au 31 janvier 2015.
    Notre industrie a défini un ensemble de principes pour guider les discussions sur le développement d'un programme d'assurance-médicaments. Premièrement, notre priorité absolue est l'accès des patients aux médicaments nécessaires pour répondre aux différents besoins des patients. Deuxièmement, nous croyons que le maintien de la relation médecin-patient et le choix de traitement sont deux droits essentiels et fondamentaux. Troisièmement, nous devons combler les lacunes dans les soins et l'accès aux traitements pour les personnes non assurées ou celles qui ne peuvent se le permettre. Quatrièmement, nous croyons au financement public direct pour les personnes qui en ont le plus besoin. Cinquièmement, les avantages économiques et sociaux des médicaments et vaccins doivent être pris en compte. Sixièmement, le système de soins de santé canadien doit soutenir l'innovation et l'adoption de découvertes scientifiques et de technologies révolutionnaires pour améliorer les résultats de santé. Septièmement, tout programme doit fournir le meilleur niveau de soins à tous les Canadiens et Canadiennes et ne peut être une solution axée exclusivement sur la maîtrise des coûts. Les programmes axés sur la maîtrise des coûts veulent souvent dire un accès réduit aux médicaments — l'exact opposé de ce que nous espérons pour les Canadiens et Canadiennes.
    Je crois sincèrement que nous devrions bâtir et mettre en oeuvre des systèmes qui permettront un meilleur accès aux médicaments novateurs, et ce, en temps plus opportun, pour améliorer les résultats de santé et pour concrétiser l'avenir du système canadien des soins de la santé.
    Merci de votre attention, et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions et prendre note de vos commentaires.

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre notre témoin à l'écran. La Dre Monika Dutt, présidente des Médecins canadiens pour le régime public.
    Je vous ai vue prendre une photo de nous tout à l'heure
    J'allais m'en excuser. J'étais très contente de voir Roy Romanow, et j'ai oublié que j'étais à l'écran.
    Voilà. Il est très content de vous voir lui aussi.
    Je vous remercie beaucoup...
    Et moi qui pensais que vous preniez une photo de moi...
    Oh, j'en ai déjà pris une de vous un peu plus tôt.
    Merci beaucoup. Les Médecins canadiens pour le régime public vous sont reconnaissants de cette occasion de témoigner devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes sur l'élaboration d'un programme national d'assurance-médicaments. Le regroupement des Médecins canadiens pour le régime public a établi en 2006. Nous donnons une voix aux médecins du pays qui se consacrent à l'amélioration et à la protection de notre système de soins de santé à payeur unique. En tant que professionnels, nous croyons résolument à une politique en matière de soins de santé fondée sur des données probantes.
    Je sais que vous avez passé des jours et des heures à écouter toutes sortes de points de vue et de témoignages. J'essaie de faire une comparaison avec ma pratique quotidienne en tant que médecin de famille. Supposons qu'une famille vienne me consulter pour déterminer si elle doit faire vacciner son bébé. Elle a recueilli toutes sortes d'informations, des renseignements de diverses sources, mais comme vous pouvez probablement l'imaginer, toutes les sources n'ont pas la même valeur, et toutes les données ou tous les renseignements ne sont pas tous crédibles. En tant que médecin de famille, je dois tenir compte des meilleurs renseignements disponibles, et bien sûr, je leur recommanderais de faire immuniser leur bébé.
    De même, c'est sans réserve que je vous recommande de doter le Canada d'un programme national d'assurance-médicaments.
    Des dirigeants de partout au pays à divers ordres de gouvernement réclament un programme national d'assurance-médicaments à divers degrés. Lors d'une conférence de presse survenue pas plus tard qu'en janvier dernier, après une rencontre entre les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé, la Dre Jane Philpott a dit qu'il était philosophiquement important de réfléchir au concept de l'assurance-médicaments. Je crois que comme un sondage Angus Reid l'indique, les Canadiens de partout au pays conviennent également que c'est un enjeu important et que les Canadiens souhaitent la mise en place d'un tel programme.
    Au-delà des convergences philosophiques, de l'appui populaire et de résultats améliorés pour la santé, ce comité se demande également s'il est administrativement faisable et financièrement responsable de mettre en place un régime d'assurance-médicaments au Canada. Les Médecins canadiens pour le régime public sont heureux de fournir au Comité des preuves qu'un modèle à payeur unique administré par le secteur public serait le meilleur modèle d'assurance-médicaments possible pour gérer les coûts, réduire les dépenses administratives, optimiser les effets sur la santé et abaisser les coûts pour les contribuables.
    Actuellement, comme cela a été mentionné dans le témoignage précédent, il y a de nombreuses personnes au Canada, environ 60 % des Canadiens, qui bénéficient de la couverture d'un régime privé d'assurance-maladie qui comprend les médicaments d'ordonnance. Comme on l'a souligné, bien souvent, cette couverture n'est pas adéquate ou n'offre pas un assez bon rapport qualité-prix dans les régimes d'assurance privés. D'autres personnes n'ont absolument aucune assurance ou sont couvertes par divers régimes d'assurance-médicaments publics, dont les critères varient selon la province ou le territoire. En Ontario seulement, il y a six régimes publics différents qui offrent une couverture pour les frais de médicaments en fonction de divers critères, dont l'âge, le revenu, le statut socioéconomique et le type de blessure ou de maladie.
    Bien franchement, ce modèle est assez disparate et plus dispendieux qu'il ne le devrait. Il ne permet pas de répondre aux besoins des Canadiens et laisse bien souvent pour compte de nombreuses personnes parmi les plus à risque. Encore une fois, je le constate souvent dans le cadre de ma pratique de médecin de famille.
    Je peux vous raconter l'histoire d'un adolescent diabétique qui a besoin d'insuline et dont le père travaillait à Fort McMurray avant l'incendie. Il y travaillait par intermittence, si bien qu'il bénéficiait aussi d'une couverture d'assurance par intermittence. Sa mère travaille à temps plein, mais occupe un emploi à faible revenu sans avantages sociaux. Bien sûr, ils font tout ce qu'ils peuvent pour toujours veiller à ce que leur fils ait les médicaments dont il a besoin, mais il leur arrive d'avoir du mal à joindre les deux bouts et à ne pas réussir à payer pour répondre à tous leurs besoins. À ce moment-là, ils viennent voir leur médecin, ils viennent me voir pour me demander si je peux faire quelque chose, s'il y a une option moins chère, si j'ai des échantillons de médicaments. Ce n'est pas ainsi que je souhaite exercer la médecine. Ce n'est pas ainsi que cet adolescent devrait composer avec sa santé.
    Il y a aussi des situations plus simples. J'ai vu une femme dans la cinquantaine qui avait besoin d'antibiotiques pour une pneumonie. Elle ne voulait pas me dire qu'elle n'avait pas les moyens de payer ses médicaments. Elle est donc revenue dans un état encore pire, puis nous avons fini par parler avec le pharmacien, afin d'essayer de trouver une option différente, moins chère, et nous avons fini par lui prescrire un médicament qui n'était pas le médicament de première ligne indiqué. Dieu merci, elle s'est rétablie, mais encore là, ce n'est pas la façon dont elle aurait dû s'occuper de sa santé.
    La combinaison actuelle d'assurance-médicaments publique-privée ne fonctionne pas, et nos familles en ressentent les effets. Cela a un coût pour l'ensemble de la population.
    Par exemple, tous les urgentistes au Canada voient chaque semaine des patients dont l'état est attribuable au fait qu'ils n'avaient pas accès à des médicaments ou qu'ils ne les ont pas pris, ce qui occasionne un fardeau financier à notre système de santé. Sans surprise, nous constatons que ce sont le plus souvent des personnes à faible revenu qui n'arrivent pas à payer leurs médicaments.

  (1605)  

    Nous savons que la plus petite barrière financière, ne serait-ce que 10 $, par exemple, pour avoir accès aux médicaments, est un obstacle qui empêche ces personnes de prendre leurs médicaments. Non seulement le coût élevé des médicaments est-il un facteur, mais les frais d'exécution, les quotes-parts et les franchises doivent également être pris en compte. Ces coûts ont une incidence sur la prise ou non de médicaments ou leur prise sans interruption.
    Pour illustrer mon propos, j'aimerais faire état d'une étude qui a été réalisée aux États-Unis. Elle a été effectuée par un médecin qui a remarqué que les gens, après un infarctus du myocarde ou une crise cardiaque, ne prenaient pas les médicaments qu'ils devraient prendre pour prévenir les complications qui surviennent souvent après une crise cardiaque. Son équipe a divisé les gens en deux groupes.
    Ils avaient tous une certaine forme d'assurance-médicaments, mais la couverture d'un groupe a été bonifiée pour que la totalité des médicaments soit payée, alors que l'autre groupe ne bénéficiait que de son régime d'assurance-médicaments actuel. L'équipe a constaté qu'en bout de ligne, le nombre total d'événements vasculaires ou des événements négatifs observés chez les personnes bénéficiant d'une couverture complète était beaucoup moins élevé que dans l'autre groupe. Ces personnes avaient moins d'AVC et d'autres répercussions de santé que l'autre groupe. Ce n'est pas tout, elles étaient beaucoup plus susceptibles de prendre leurs médicaments, et il importe de souligner que le total des frais de santé encourus a diminué de 5 700 $US par personne en moyenne dans le groupe dont les médicaments étaient couverts à 100 %.
    Cette étude a été reproduite en Ontario, par le Dr Irfan Dhalla. Il a étudié les coûts et les avantages à offrir gratuitement des médicaments aux patients après un infarctus du myocarde ou une crise cardiaque. Les patients visés n'avaient pas d'assurance privée ou alors leur régime public d'assurance ne suffisait pas pour couvrir tous leurs frais de médicaments. L'équipe a constaté que le fait d'offrir des médicaments gratuits aux personnes pour prévenir une maladie après une crise cardiaque a amélioré les résultats de santé chez ces personnes et a occasionné des coûts moyens inférieurs à ceux observés dans le régime actuel.
    Dans les deux semaines qui ont suivi l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, en octobre dernier, un groupe de 331 professionnels et universitaires du domaine de la santé ont signé une lettre ouverte à l'intention du premier ministre Justin Trudeau, afin de l'exhorter à accorder une importance prioritaire à l'assurance-médicaments dans le programme de santé canadien. Il est souvent bien difficile d'obtenir un tel consensus. Cependant, dans ce cas-ci, les lettres comptaient des signataires de toutes les provinces, dont des médecins, des pharmaciens et des infirmières, ainsi que des professeurs de 34 universités du Canada, 10 récipiendaires de l'Ordre du Canada et 11 titulaires de chaires de recherche canadiennes. Ces experts, comme les Médecins canadiens pour le régime public, ont été convaincus par la force des données probantes en faveur de la mise en place d'un régime national d'assurance-médicaments.
    Comme je l'ai déjà mentionné, nous parlons ici encore de preuves, et nous sommons les députés de tenir compte de la qualité et des sources des recherches qui leur sont soumises dans le cadre de ces audiences. Par exemple, il y a un article scientifique qui remet en question l'exactitude de l'article publié dans le Journal de l'Association médicale canadienne, qui a reçu les éloges des Instituts de recherche en santé du Canada. L'article dans le JAMC illustre le coût remarquablement bas de la mise en place d'un programme national d'assurance-médicaments. En revanche, l'article qui le critique n'a pas été soumis à un journal fondé sur l'évaluation par les pairs, qui assure le respect des normes de recherche. De plus, plusieurs parties du rapport présentent des affirmations contradictoires sur les coûts. Nous avons joint notre analyse de cet article à notre mémoire, une analyse que nous avons communiquée un peu plus tôt cette année à la ministre, et nous invitons le Comité, comme nous avons invité la ministre à le faire, à recevoir tous les témoignages, mais à en évaluer attentivement la crédibilité.
    Plutôt que de mettre l'accent sur une organisation et une critique, il serait essentiel que le Comité envisage de mettre en place un programme national d'assurance-médicaments qui remettrait en question les perspectives et la domination actuelle des sociétés pharmaceutiques et des sociétés d'assurance. Si nous nous contentons d'un rafistolage des programmes publics sans remettre l'infrastructure en question, nous courons le risque de causer plus de tort que de bien à la santé de la population canadienne.
    Au lieu de cela, le gouvernement fédéral et ses représentants peuvent se joindre à l'élan de plus en plus fort qui prend forme au Canada. Au cours de la dernière semaine seulement, la Fédération canadienne des municipalités et la Chambre de commerce de la Colombie-Britannique ont adopté officiellement des politiques afin de réclamer la mise en place d'un régime d'assurance-médicaments. L'appui à une intervention rapide sur l'assurance-médicaments croît littéralement chaque jour.
    Les Médecins canadiens pour le régime public joignent leur voix à celle de ces groupes et des centaines d'autres qui réclament la mise en oeuvre rapide d'un programme national d'assurance-médicaments, parce que nous sommes les premiers à constater sur le terrain les conséquences des trous dans la couverture d'assurance-médicaments sur la santé de nos patients. Il nous en coûterait trop cher pour la santé et le Trésor public de ne pas mettre en place de programme d'assurance-médicaments. Nous sommons le gouvernement de travailler en collaboration avec les provinces et les territoires afin d'offrir aux Canadiens un programme national d'assurance-médicaments.
    Merci.

  (1610)  

    Merci beaucoup.
    Le Comité a entendu d'excellents témoignages, y compris aujourd'hui. Nous sommes extrêmement reconnaissants envers tous ceux et celles venus les présenter.
    Nous allons maintenant entamer le premier tour de la période de questions. Les députés ont chacun sept minutes pour les questions et les réponses.
    Nous commencerons par M. Oliver.
    Je vous remercie tous de vos exposés. Comme toujours, ils étaient très éclairés, présentant tous une perspective légèrement différente, si bien que nous en apprenons de tous les groupes qui comparaissent devant nous.
    Ma première question adresse à M. Romanow. Dans votre étude de 2002, je crois que vous aviez analysé l'idée de tout faire d'un coup, si l'on veut, comparativement à celle d'introduire graduellement et intentionnellement un programme d'assurance-médicaments. C'est l'objet de notre étude d'aujourd'hui.
    Certains groupes qui ont comparu devant nous, dont les membres d' Innovative Medicines, ont laissé entendre que le statu quo fonctionnait assez bien, mais qu'il fallait bonifier l'offre aux Canadiens non assurés. D'autres ont dit que pour gérer tout cela, pour réaliser des économies et avancer, nous devions faire un changement plus profond.
    Avez-vous une opinion là-dessus?

  (1615)  

    Mon point de vue serait le suivant: dans le rapport de 2002, nous réclamions l'introduction, si je peux le présenter ainsi, d'un plan national d'assurance-médicaments, compte tenu des difficultés financières que cela présente et de la capacité des gouvernements et de leurs divers organismes d'évaluer avec exactitude l'efficacité des médicaments visés.
     Il s'est écoulé 14 ans depuis — que le temps file quand on a du plaisir, monsieur le président —, et la situation a changé radicalement. Je suis maintenant d'avis, et je pense que c'est ce que je dirais si je devais réécrire ce rapport, qu'il faut maintenant adopter un régime complet pour couvrir tous les besoins de la population.
    Je vais vous citer un petit chiffre, et je pense qu'on vous l'a déjà soumis. Nous l'avons examiné. Je crois qu'il vous a été soumis le 18 avril 2016 par Marc-André Gagnon de l'Université Carleton. Les dépenses totales des médicaments d'ordonnance par habitant ont été de 1 010 $ aux États-Unis entre 2000 et 2012, contre 865 $ au Canada. Tout le reste suit. Nous sommes ici.
    Je pense que l'urgence est encore plus prononcée aujourd'hui qu'il y a 14 ans.
    J'ai une brève question à vous poser sur qui doit payer. Évidemment, à l'heure actuelle, les employeurs tant du secteur public que du secteur privé offrent une assurance-médicaments à leurs employés — la plupart d'entre eux — et environ 60 % des Canadiens sont couverts par des régimes d'assurance privée de leur employeur public ou privé.
    Qu'en pensez-vous? Il est clairement prouvé que les Canadiens économiseraient des milliards de dollars grâce à un modèle d'assurance-médicaments national, mais la mise en place de ce modèle par le gouvernement représente un coût pour les contribuables, parce que ce sont eux qui assument le plus grand fardeau au nom des Canadiens. Croyez-vous que la solution passe par l'impôt des entreprises? Recommanderiez-vous un changement pour réduire, peut-être, le coût des avantages sociaux pour les employeurs, mais en récupérer une partie pour payer la mise en place d'un régime public?
    Je vois une solution. Avec votre permission, M. Marchildon et moi en avons parlé. Ai-je votre permission pour lui donner la parole afin qu'il réponde à cette question précise?
    Absolument, oui.
    Vous avez raison de dire, bien sûr, qu'il y a différents régimes privés. Cela dit, il ne faut pas oublier non plus que le secteur public, pour diverses raisons historiques, a plus de régimes soi-disant privés que le secteur privé lui-même. Ainsi, dans le secteur public, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux, cela se trouve en fait à constituer une réaffectation d'un budget public.
    Pour ce qui est des régimes privés, comme nous le savons, leur proportion diminue comparativement à la proportion des travailleurs canadiens, simplement parce qu'ils semblent plus concentrés dans les grandes entreprises et les milieux de travail plus syndiqués. Nous savons que la syndicalisation est en déclin et qu'il y a de plus en plus d'entreprises qui abandonnent ou réduisent les avantages sociaux qu'elles offrent et leurs régimes privés en raison de leurs coûts.
    Bien sûr, il n'en demeure pas moins qu'il y aura des coûts associés à cela. Il n'y a pas de solution simple, sauf pour le gouvernement fédéral. Supposons qu'il s'agisse d'un plan financé principalement par le gouvernement fédéral, plutôt que d'un plan fédéral-provincial. C'est un peu plus facile pour le gouvernement fédéral, dans un certain sens. Ce régime pourrait nécessiter de très modestes mesures fiscales à court terme, mais il s'agirait là aussi en grande partie d'une réaffectation de la part du gouvernement fédéral, parce qu'à l'heure actuelle, le Transfert canadien en matière de santé est fixé à 25 %, ce qui est légèrement supérieur à toutes les dépenses en santé des provinces.
    Je ne veux pas entrer trop dans les détails ici, mais selon le pacte social précédent, il devait représenter 50 % de toutes les dépenses provinciales d'assurance-maladie. Il a été réduit à 25 % en raison du transfert en bloc, dans le cadre du FPE, dans les années 1970.

  (1620)  

    J'ai une autre question à vous poser.
    Je vais accélérer.
    Le résultat, c'est que ce transfert devait couvrir 25 % des dépenses en santé. C'est 25 % de toutes les dépenses provinciales en santé, donc si le gouvernement fédéral devait retirer l'assurance-médicaments de l'équation, il réaliserait des économies importantes. Le Transfert canadien en matière de santé, ou les sommes distribuées aux provinces et aux territoires, pourrait diminuer, et cet argent pourrait constituer en partie le financement de démarrage d'un programme national d'assurance-médicaments.
    S'il était possible pour vous de transmettre au Comité une analyse comparative faisant ressortir les avantages et les inconvénients de ces deux options, ce serait formidable.
    Ma dernière question s'adresse aux représentants de Médicaments novateurs Canada. Je veux d'abord vous remercier pour l'excellent travail de soutien à la recherche que vous accomplissez partout au pays en collaboration avec les Instituts de recherche en santé du Canada et d'autres groupes.
    D'après votre témoignage, les régimes publics actuels ne permettraient pas la mise en marché de médicaments novateurs et leur inscription sur les formulaires, mais il semblerait que la très vaste majorité des Canadiens, environ 91 %, soient en faveur d'un changement de la sorte.
    Croyez-vous possible un éventuel partenariat public-privé qui vous permettrait d'avoir voix au chapitre dans l'élaboration d'un formulaire grâce auquel les médicaments de vos clients seraient plus rapidement accessibles dans le cadre d'un régime national d'assurance-médicaments? Ne pensez-vous pas qu'il pourrait s'agir d'un gain pour vos clients, plutôt que d'une simple perte d'avantage pour les Canadiens?
    Je pense qu'il faudrait d'abord se demander quelles sont les chances qu'un régime public national soit plus avantageux, alors que les régimes publics existants au Canada ne permettent pas un accès adéquat comparativement à ce que l'on peut constater dans le secteur privé ou dans les régimes publics d'autres pays. C'est notre principale préoccupation.
    Pensez-vous pouvoir contribuer à améliorer la situation? Voyez-vous une façon de mobiliser en ce sens l'ACMTS ou les autres groupes concernés, de telle sorte que l'on ne se contente pas du statu quo en se croyant incapables de changer quoi que ce soit?
    Il est bien certain que notre secteur serait tout à fait disposé à participer aux discussions si jamais le gouvernement décidait d'aller de l'avant. Nous souhaitons surtout nous assurer de mettre fin au statu quo de manière à améliorer l'accès pour tous, plutôt qu'à le rendre plus difficile pour certains Canadiens.
    C'est tout le temps que vous aviez.
    Merci.
    Sept minutes, ça passe si rapidement.
    Madame Harder.
    Toutes mes questions s'adressent à Médicaments novateurs Canada. J'ai sept questions, ce qui donne une minute par question. Je vous demande donc d'en tenir compte dans vos réponses.
    Je vous pose ma première question, monsieur Monteith. Selon l'Association canadienne du médicament générique, le financement de la recherche par les entreprises que vous représentez n'a jamais été aussi faible. Cela n'empêche toutefois pas que les Canadiens doivent payer leurs médicaments à des coûts qui viennent au deuxième rang parmi les plus élevés au monde. Je me demandais si vous pouviez m'expliquer cette situation ou m'indiquer s'il y a quelque chose que j'ai mal compris.
    Précisons d'abord que cette affirmation au sujet du financement en recherche et développement repose sur une évaluation faite à partir d'une définition qui remonte à 1986. Les modes de développement de nouveaux médicaments ont énormément évolué depuis. Il y a 30 ans, les fonds étaient en grande partie consacrés aux infrastructures, à l'équipement et à la technologie. De nos jours le financement sert surtout aux essais cliniques. Ainsi, il y a toujours au moins 9 000 essais cliniques en cours au Canada. Si ces essais font partie d'un projet multinational ou ont été initiés à l'extérieur du pays, les sommes qui y sont consacrées ne sont pas comptabilisées dans les activités de recherche et développement menées au Canada. Les dépenses à ce titre sont donc fortement sous-estimées.
    Désolé, pouvez-vous me rappeler la seconde partie de votre question?
    Vous y avez déjà répondu.
    D'accord.
    Je voulais que vous m'indiquiez si je faisais fausse route, et c'est exactement ce que vous avez fait.
    Pour ce qui est des prix canadiens qui seraient les deuxièmes plus élevés au monde, le CEPMB a démontré que ce n'était pas le cas. En fait, dans la comparaison entre huit pays établie par le CEPMB, l'agence gouvernementale de surveillance à ce chapitre, nous nous situons troisièmes ou quatrièmes, selon les éléments qui sont pris en compte.
    Monsieur Monteith, j'aimerais que nous parliez des tendances que vous pouvez observer quant aux coûts associés à la mise en marché de nouveaux médicaments au Canada.
    Les avancées scientifiques ont beaucoup contribué à l'évolution de la situation, un aspect important, notamment compte tenu des coûts qui y sont associés. Entre autres, nous sommes maintenant mieux à même de comprendre le fonctionnement des maladies et des différents problèmes de santé. Il en ressort toutefois que nos essais cliniques doivent être beaucoup plus ciblés qu'auparavant. Cette étape de la mise au point d'un médicament est donc nettement plus coûteuse que par le passé.
    Selon la base de données de l'Université Tufts du Massachusetts, la plus importante sur les coûts de recherche et développement pour les produits pharmaceutiques, il en coûte en moyenne 2,6 milliards de dollars américains pour mettre en marché un médicament à l'échelle mondiale. Le gros de ces sommes va aux essais cliniques qui sont très coûteux et de plus en plus perfectionnés. Comme nous ciblons des éléments plus précis, nous devons procéder à des essais beaucoup plus pointus pour démontrer l'efficacité des médicaments.

  (1625)  

    J'ai une autre question à adresser à votre organisation qui représente les fournisseurs au sein de l'industrie. Pourriez-vous nous parler des différents obstacles qui peuvent actuellement entraver l'inscription d'un médicament sur un formulaire public, comparativement par exemple à un régime privé d'assurance.
    J'aimerais que vous nous indiquiez également le temps nécessaire pour franchir ces différents obstacles.
    Je crois que l'on peut dire qu'il faut en moyenne plus de temps qu'auparavant, et je vais vous expliquer rapidement pourquoi.
    Avant même de pouvoir instaurer, ou même demander, un remboursement dans le cadre d'un régime public — ou même privé — il faut en tout premier lieu s'adresser à Santé Canada pour obtenir une autorisation de mise sur le marché. Le régime canadien est assez efficace à ce chapitre. Nous pouvons compter sur des processus bien établis d'évaluation des technologies de la santé, tant à l'ACMTS qu'à l'INESSS au Québec. Il y a toutefois quelques facteurs à considérer. En moyenne, Santé Canada met plus de temps à approuver un médicament que l'Union européenne et les États-Unis, par exemple. Cela s'explique par quelques éléments auxquels nous pourrons revenir. Nous avons également constaté que nos membres vont, en moyenne, attendre un peu plus longtemps pour présenter leur demande. Ainsi, un patient américain ou européen pourrait avoir accès à un médicament vendu partout dans le monde beaucoup plus rapidement qu'un patient canadien, simplement en raison du moment où l'on choisit de présenter sa demande.
    Lorsque l'autorisation de mise sur le marché est obtenue, le médicament est soumis au processus d'évaluation par l'ACMTS ou l'INESSS, selon qu'on veut qu'il puisse être remboursé au Québec ou dans le reste du Canada. C'est un processus qui se passe plutôt bien. À une certaine époque, il y avait un goulot d'étranglement. Il s'agit de déterminer, au moyen d'une évaluation des technologies de la santé, les bienfaits cliniques du médicament comparativement à d'autres solutions pharmaceutiques et d'établir le rapport coût-efficacité. Une recommandation est ensuite formulée à l'intention des payeurs. Une table de négociation a été mise sur pied par l'entremise de l'Alliance canadienne pharmaceutique. Cette table dispose toutefois d'une capacité limitée et il faut qu'un nombre suffisant d'autorités de la santé acceptent d'y participer afin que le jeu des négociations en vaille la chandelle pour les deux parties.
    Il arrive que ces négociations se déroulent assez rapidement, mais d'autres peuvent traîner en longueur. Je vais laisser Brett vous en dire plus long à ce sujet, mais je crois que le processus complet — du dépôt de la demande à Santé Canada jusqu'au remboursement — s'étend maintenant en moyenne sur une période de quatre ans.
    Je n'ai pas ces données en main et je ne me souviens pas des chiffres exacts, mais entre le moment où l'avis de conformité est émis pour indiquer qu'un médicament est sûr et efficace et devrait pouvoir être vendu au Canada, autrement dit qu'il est homologué par Santé Canada, et son remboursement définitif dans le cadre du régime public, il faut compter en moyenne 449 jours.
    Certains régimes privés ont des processus bien établis, mais beaucoup d'autres n'en ont pas. Ainsi, dans plusieurs régimes syndicaux, si l'avis de conformité a été émis, autrement dit si le médicament peut être vendu, et qu'un prix a été fixé, son inscription peut se faire dans un délai d'environ 100 jours.
    D'accord.
    Vous n'avez presque plus de temps.
    Si le Canada adopte un régime à un seul acheteur, pensez-vous qu'il puisse être possible que des entreprises pharmaceutiques en viennent à choisir de ne pas offrir certains produits au Canada, ce qui réduirait d'autant le choix des patients? Comment les choses pourraient-elles se passer?
    Il faut notamment savoir ce qu'on entend par « assurance-médicaments ». Ce terme est beaucoup utilisé et il faudrait qu'il soit mieux défini. Le régime pourrait aussi bien être d'application très générale en prévoyant le remboursement de nombreux produits ou être beaucoup plus restrictif. Dans ce dernier cas, il est nettement plus difficile de rendre les médicaments accessibles et j'ai l'impression que le nombre de demandes d'homologation ne serait pas nécessairement très élevé. Il pourrait tout de même y avoir certaines demandes, mais il faudrait peut-être davantage de temps avant qu'une entreprise décide de le faire. Ainsi, les Canadiens pourraient devoir attendre très longtemps avant d'avoir accès à un médicament déjà disponible ailleurs dans le monde.

  (1630)  

    Monsieur Davies.
    Madame Kurl, si mon calcul est exact, environ 90 % des Canadiens sont fortement ou modérément favorables à un régime universel d'assurance-médicaments. Avec des résultats pareils, les politiciens seraient prêts à toutes sortes d'extravagances. Peut-on parler d'un appui massif des Canadiens envers un système universel d'assurance-médicaments?
    Monsieur Davies, ce n'est peut-être pas le moment pour les extravagances. Il s'agit effectivement d'un appui massif qui témoigne d'un fort degré d'adhésion. Cependant — et les mises en garde sont nombreuses — nous ne sommes pas encore parvenus à nous entendre quant aux budgets qui devraient être consacrés à un tel régime et aux médicaments qui devraient être couverts ou non.
    Je vais devoir vous interrompre.
    Si l'on s'en tient seulement au concept, j'en conclus que les Canadiens souhaitent la mise en place d'un tel régime.
    Je suis d'accord.
    Docteure Dutt, j'ai une question au sujet des gens qui ne remplissent pas leurs prescriptions et des coûts qui s'ensuivent. On nous a beaucoup parlé de ce phénomène. Il s'agit des coûts que doit éponger notre système de santé lorsque des gens n'ont pas les moyens d'acheter les médicaments qui leur sont prescrits. Pour des raisons bien évidentes, il est difficile d'obtenir des chiffres précis à ce sujet. Pouvez-vous nous indiquer quels sont ces coûts actuellement pour notre système de santé ou avez-vous tout au moins une idée de leur ampleur?
    Nous savons qu'environ 6,5 % des hospitalisations au Canada sont attribuables au fait que des gens ne remplissent pas leurs prescriptions ou ne prennent pas leurs médicaments. Dans le contexte de la surutilisation actuelle des hôpitaux, il serait très bénéfique de pouvoir réduire de 6,5 % les taux d'admission. Au Canada, les coûts associés au non-respect de la médication seraient de 7 à 9 milliards de dollars par année, selon les estimations. Aux États-Unis, ces coûts évitables pour le régime de santé seraient d'environ 100 à 300 milliards de dollars. Ces coûts ont été établis et seraient en grande partie attribuables au fait que certaines personnes ne peuvent pas prendre les médicaments qui leur sont prescrits.
    D'où vous viennent ces renseignements?
    Je peux vous transmettre ces informations. Vous trouverez tout cela dans le mémoire que nous vous avons soumis.
    Ce serait formidable.
    Certains ont fait valoir que l'adoption d'un régime public universel d'assurance-médicaments entraînera inévitablement une réduction de la couverture offerte et un accès plus difficile aux médicaments novateurs. Qu'en pensez-vous? Si nous instaurons un régime universel, est-ce que cela signifiera que les Canadiens ne pourront pas avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin?
    Je ne suis pas d'accord. Je pense que nous pouvons mettre en place un régime dans le cadre duquel les Canadiens auraient accès aux médicaments dont ils ont le plus besoin. Un processus pourrait être établi pour les cas exceptionnels. Il ne faut pas simplement considérer que l'accès à un plus grand nombre de médicaments va nécessairement être bénéfique pour la santé des Canadiens.
    Un régime d'assurance-médicaments doit absolument pouvoir s'appuyer sur une évaluation de l'efficacité et des coûts des médicaments en fonction de données probantes pour déterminer lesquels devraient être inscrits sur le formulaire, en plus de prévoir des options pour l'accès à certains médicaments novateurs. L'ajout d'un plus grand nombre de médicaments et leur inclusion plus rapide dans le régime ne se traduiront pas nécessairement par de meilleurs résultats en matière de santé.
    Monsieur Romanow, c'est avec plaisir que nous accueillons tous les témoins ici présents, mais je dois vous dire que c'est un privilège particulier de vous recevoir. Au nom de tous les membres du Comité, je vous remercie pour les services rendus à notre pays et pour tout ce que vous avez accompli.
    Je peux vous assurer que tout l'honneur est pour moi.
    Comme il en est ainsi, je vais vous poser une question difficile.
    D'accord. Je suis accompagné de M. Marchildon qui est là pour répondre aux questions difficiles; je m'occupe moi-même des faciles.
    C'est l'expérience qui ressort.
    Le Canada est une fédération qui doit composer avec des difficultés bien particulières. Comme vous avez vous-même pris part à nos discussions constitutionnelles, je pense que vous êtes très bien placé pour le savoir.
    Si un régime public universel d'assurance-médicaments devait être mis en place, quelles seraient selon vous les difficultés associées à son déploiement à la grandeur du Canada? Avez-vous des recommandations quant à la façon d'aborder les échanges entre les autorités fédérales et provinciales?

  (1635)  

    Il va de soi que je préconise des discussions au départ, car j'estime qu'en réunissant des hommes et des femmes rationnels pour considérer les faits, on peut en arriver à des compromis pour que la meilleure solution puisse aller de l'avant, car il n'y a pas toujours de réponses absolues. Nous vivons effectivement au sein d'une fédération. C'est un régime toujours assorti de certaines difficultés; on ne peut pas y échapper. Dans un contexte semblable, il n'est pas impossible que nous nous retrouvions dans une impasse à un moment ou à un autre. Si vous le permettez, j'aimerais prendre quelques instants pour vous donner un exemple. Il y a des cas où il faut faire appel à la volonté politique, dans le sens noble du terme.
    Il y a quelques années, j'ai eu le plaisir de prendre la parole à l'Université St. Francis Xavier dans le cadre de la série de conférences Allan J. MacEachen. Celui-ci était d'ailleurs assis à ma gauche. Le président, Sean Riley, m'a alors indiqué qu'Allan J. souhaitait dire quelques mots après mon allocution. Vous pouvez imaginer à quel point j'étais enthousiasmé. Il nous a parlé de la manière dont le leadership politique s'est exercé dans un contexte particulier. Après nous avoir indiqué que le cabinet fédéral était divisé notamment quant aux chiffres et aux résultats, et ce, pour toutes sortes de raisons, et n'avait pu en arriver à une conclusion quant à savoir si l'assurance-maladie devait inclure l'assurance-médicaments, tel que recommandé par Emmett Hall en 1964-1965, puis par moi-même en 2002. MacEachen a alors fait valoir — et je serai bref, monsieur le président, si vous permettez — qu'il ne serait pas naturel et plutôt inattendu que les provinces ne réagissent pas à ce sujet. Elles ont tiré parti des dissensions qui existaient au sein du cabinet pour confirmer leur opposition au régime d'assurance-maladie — vous pouvez ici remplacer « assurance-maladie » par « assurance-médicaments ». Huit premiers ministres provinciaux lui ont alors bien fait comprendre, entre autres doléances, que le gouvernement fédéral n'avait aucunement le droit d'accélérer ainsi l'adoption du régime d'assurance-maladie. C'est donc dans cette atmosphère d'opposition provinciale et de scission au sein du cabinet que M. Pearson a en fin de compte décidé — toujours selon MacEachen — qu'il irait de l'avant avec l'assurance-maladie. S'il ne s'était pas montré aussi déterminé, car c'est lui qui a dû prendre la décision, nous aurions pu faire totalement chou blanc.
    Si je vous raconte tout cela, c'est parce qu'il y aura un débat scientifique quant à la manière dont les coûts doivent être estimés ou évalués, notamment pour ce qui est de leur répartition, et relativement aux conséquences pour le régime et ses résultats. Nous avons d'ailleurs entendu aujourd'hui des commentaires en ce sens. Si nous avons un modèle dont nous pourrions nous inspirer, c'est bien celui que je viens de vous présenter. Il a fallu qu'un gouvernement fédéral en situation minoritaire exerce son leadership pour que l'assurance-maladie soit mise en place. Je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un ici présent qui affirmerait que ce fut une mauvaise décision. C'était peut-être le cas, mais je serais étonné. L'assurance-maladie soulevait de nombreux doutes. On pourrait dire la même chose de l'assurance-médicaments en fournissant même des chiffres probants à l'appui. Cependant, si on s'en tient au principe même et à la philosophie qui sous-tend de tels régimes, et comme l'assurance-médicaments découle tout naturellement de l'assurance-maladie, et que les coûts de nos médicaments dans le régime actuel sont les deuxièmes plus élevés en Amérique — tous les autres font mieux que nous, y compris en Europe — je pense que c'est un modèle dont nous devrions effectivement nous inspirer.
    Désolé d'avoir pris autant de temps mais, en ma qualité d'ancien adepte de l'art occulte du fédéralisme, je pense que c'est exactement ce que nous devrions faire à la lumière de ce qu'on peut constater à l'échelle internationale comme au niveau national.
    Merci.
    Monsieur Sidhu.
    Ma première question s'adresse à M. Romanow. C'est un honneur de vous accueillir, monsieur, après le travail remarquable que vous avez accompli au cours de votre vie politique.
    Depuis la publication de votre rapport intitulé L'avenir des soins de santé au Canada en 2002, quels changements majeurs ont été apportés sur le plan de l'accès aux médicaments et aux soins de santé dans les régions éloignées? À votre avis, que faudrait-il changer avant tout sur le plan de l'accès aux médicaments sur ordonnance?
    Si le Comité y consent, monsieur le président, M. Marchildon et moi avons convenu de nous partager la tâche, car je fais beaucoup confiance à mon principal administrateur.
    Il y a deux questions. La première concerne la couverture dans les régions rurales et éloignées, et je reviendrai à votre deuxième question et je vous demanderai des précisions, mais vraiment, la situation des régions rurales et éloignées n'a guère changé.
     Bien entendu, nous parlons principalement de la couverture, plutôt que de la prestation des services, et cela concerne les soins primaires, la façon dont les ordonnances sont fournies et la façon de faire le suivi. Nos études sur les soins primaires nous permettent de constater que nous faisons face à la même fragmentation — aux mêmes difficultés — qu'il y a 15 ans, à l'époque du rapport Romanow. Vraiment, rien n'a changé.
    Pourriez-vous préciser un peu votre seconde question?

  (1640)  

    Que faudrait-il changer en premier lieu sur le plan de l'accès aux médicaments sur ordonnance?
    La première chose, c'est que dans un système à payeurs multiples, un système fragmenté comprenant des payeurs publics et privés, les règles d'accès diffèrent beaucoup, en fonction des administrations, des personnes, selon la situation des gens. La personne vit-elle de l'aide sociale? Quel est son revenu, etc.? Cela dépend si elle a le type d'emploi qui continuera d'offrir un bon régime.
    Que peut-on faire sur le plan de l'accès? En général, en ce qui concerne ce portrait contrasté, on peut essayer de rendre l'accès plus équitable de sorte qu'il n'y ait pas de régions entières au pays, comme l'Atlantique, qui souffrent d'un manque d'accès parce qu'elles ont des programmes provinciaux très peu étoffés et, de surcroît, parce qu'il y a beaucoup moins de régimes privés. D'une certaine façon, toute une région du pays est désavantagée.
     Ce serait la première étape à suivre. Comment procéder?
    Il est très difficile de régler le problème de façon progressive pour ce type de système fragmenté. Voilà pourquoi de nombreux témoins vous ont parlé des avantages d'un programme d'assurance-médicaments au cours des dernières semaines: c'est le seul moyen qui permet de régler vraiment en profondeur la question de l'égalité d'accès.
     J'ai une autre question à ce sujet. Avez-vous remarqué des améliorations sur le plan de l'accès aux médicaments depuis la publication de votre rapport?
    Eh bien, je n'en ai pas vu beaucoup. Il y a des régimes individuels. Même avant la publication de mon rapport, il commençait à être question d'un régime provincial d'assurance-médicaments en Saskatchewan, mais les choses ont changé parce que la situation politique a changé. Je crois que les témoignages sont très clairs lorsqu'on examine certains des éléments d'information qui ont été présentés au Comité. Je veux préciser que la situation ne s'est pas améliorée du tout, et je crois qu'il y a urgence d'agir.
    Je vais terminer en disant que ce que les données de l'OCDE nous indiquent, c'est qu'on est déconnecté dans cette situation, tant du point de vue des coûts que des résultats en santé et de la couverture. J'ai vu très peu de témoignages qui contredisent le point de vue de l'OCDE et le contenu de notre rapport — qui, je pense, aurait besoin d'une mise à jour —, de sorte qu'à mon avis, comme M. Marchildon l'a souligné, c'est la première réforme essentielle à mettre en oeuvre. Cela nécessitera peut-être un leadership fédéral à la Pearson, qui a été un excellent premier ministre. Cela prendra peut-être la contribution de votre Comité, mais c'est ce dont nous avons besoin.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Shachi Kurl.
    Pensez-vous qu'il y a des difficultés qui se recoupent, que nous pouvons prévoir pour ce qui est des gens qui sont confrontés à divers obstacles à l'accès aux médicaments sur ordonnance?
    Avec la permission du président, puis-je vous demander de préciser un peu la question, s'il vous plaît?
    Pensez-vous qu'il y a des difficultés qui se recoupent, que nous pouvons prévoir si des gens sont confrontés à divers obstacles à l'accès aux médicaments sur ordonnance?
     Je peux vous dire que des choses se recoupent pour ce qui est de la couverture. La couverture est le facteur principal de préoccupations et de stress pour les Canadiens lorsqu'il s'agit des coûts de l'assurance-médicaments et, encore une fois, de leur revenu et des aspects complexes de leur santé.
    Par exemple, nous savons que bien que les aînés ont des besoins de soins plus complexes quant aux médicaments sur ordonnance, ce sont eux qui ont généralement le meilleur accès aux soins, dans certaines provinces en particulier. Il en est autrement pour les Canadiens plus jeunes à faible revenu, qui ont un peu plus de difficultés, mais qui, d'un autre côté, sont peut-être en meilleure santé à cette époque de leur vie parce qu'ils ne sont pas encore usés par la vie.
    Je crois que pour fournir leur point de vue sur cette question, les Canadiens voudront obtenir plus d'informations, de détails convenus sur ce à quoi le régime pourrait ressembler au bout du compte. Encore une fois, on peut procéder de façon exploratoire ou plus poussée. Puisqu'on ne leur donne pas d'informations supplémentaires, cela reste toujours, à ce moment-ci, davantage un énoncé de valeurs pour la plupart. Pour les gens qui souffrent le plus, il s'agit d'un appel à l'action, mais cela nécessite des recherches approfondies de notre part, avec l'aide de spécialistes en politique de santé qui peuvent fournir des renseignements convenus sur ce à quoi pourrait ressembler un tel régime.
    Je serais ravie d'y revenir et de faire état de l'information lorsque nous l'aurons obtenue et nous pourrons prendre des mesures à cet égard.

  (1645)  

    Excusez-moi, mais le temps est écoulé. C'est ce qui met fin au premier tour.
    Nous passons au second tour. Les interventions sont de cinq minutes.
    Monsieur Carrie, c'est à votre tour.
    J'aimerais poser une question à M. Monteith.
    Vous avez mentionné que nous devrions nous concentrer sur les non-assurés et les sous-assurés. On lance beaucoup de données. Aujourd'hui seulement, au Comité, je crois que M. Romanow a dit que 50 % des Canadiens ne sont pas couverts. Je crois que M. Oliver a dit que 60 % des Canadiens ont une certaine couverture. D'autres témoins ont dit que c'est 70 %.
    Quelle proportion de Canadiens fait partie de la catégorie des non-assurés et des sous-assurés, à votre avis?
    C'est une très bonne question.
    En effet.
    Selon une étude, qui a été réalisée en 1999, je crois, environ 20 % des Canadiens n'étaient pas assurés ou étaient sous-assurés, et les données n'ont vraiment pas été mises a jour — bien qu'elles soient devenues une fin en soi.
    Je vais prendre l'exemple de l'Alberta, une province que je connais très bien puisque j'y ai déjà occupé la fonction de gestionnaire du régime d'assurance-médicaments il y a des années. L'un des problèmes, c'est qu'en principe, un régime auquel tout Albertain peut participer existe. Il comprend une prime, et tous les Albertains peuvent y adhérer. Si l'on faisait un sondage, environ 25 % des Albertains diraient qu'ils n'ont pas d'assurance-médicaments — pourtant, ils ont accès à cette couverture. M. Webber le saurait, par exemple.
    Dirait-on qu'ils ne sont pas assurés? Ont-ils accès à un régime? C'est à cet égard que... En Ontario, où l'on retrouve le Programme de médicaments Trillium, il est possible qu'une personne ne soit pas couverte par un régime privé, mais qu'elle s'en tire bien. À un certain pourcentage du revenu — environ 4 %, qu'on absorbe pour ce qui est des coûts des médicaments —, on peut faire une demande et la province de l'Ontario les couvrira. Donc, les gens sont-ils non assurés ou insuffisamment assurés? Je pense que cela fait partie des difficultés liées aux définitions.
    La question connexe, à mon avis, c'est la suivante: quels médicaments sont couverts et lesquels ne le sont pas? Cela varie beaucoup d'une province à l'autre également. Il est possible que dans une province, on puisse faire la demande parce que le médicament est admissible dans certaines circonstances, mais que dans une autre province, ce ne soit pas le cas. C'est vraiment très difficile de...
    Au Canada, le nombre de personnes qui ont accès à une forme de couverture des médicaments onéreux est très élevé, en fait. Toutefois, cela ne veut pas dire — si l'on tient compte des données de sondage — qu'il est facile pour bon nombre de Canadiens d'avoir les moyens d'adhérer à une couverture des médicaments onéreux.
    Je dirais que, et Brett a fait des travaux là-dessus également, c'est certainement une proportion inférieure à 20 %, mais il est difficile de donner un chiffre exact.
    Oui, c'est le cas.
    Lorsqu'on pose certaines de ces questions, cela dépend en quelque sorte de la façon dont on pose la question, car d'autres variables peuvent intervenir. Je crois que Mme Kurl dirait qu'il est difficile de prendre en compte toutes ces variables.
    Il y a deux ou trois choses que vous avez dites et j'aimerais savoir si vous pouvez préciser vos propos. Vous avez dit qu'il fallait combler des lacunes, et vous avez ensuite parlé de financement public pour les personnes qui en ont besoin. Cela faisait partie de vos recommandations. Je crois que compte tenu des énoncés de valeur dont Mme Kurl a parlé, nous aimerions que les Canadiens soient couverts. Nous ne voulons pas que certains d'entre eux perdent leur maison parce qu'ils ne sont pas bien couverts.
    Quelles mesures proposez-vous pour combler les lacunes, et comment définissez-vous le financement public pour les personnes qui en ont besoin?

  (1650)  

     Il peut y avoir deux formes de lacunes. Il peut s'agir d'une lacune financière qu'il faut combler. Le Programme de médicaments Trillium est un exemple où l'on doit absorber un certain montant avant d'être couvert. L'autre lacune, pour revenir à ma réponse précédente, c'est de déterminer quels médicaments sont admissibles. Lorsque les provinces offrent une couverture, elles établissent un lien avec leur propre régime de prestations, de sorte que cela peut varier. Assurer une certaine uniformité contribuerait à résoudre ce type de problème.
    En ce qui concerne la lacune financière, il s'agit vraiment de comprendre... Par exemple, le Québec utilise un système de primes pour les membres des régimes publics, tandis que la Saskatchewan et la Colombie-Britannique utilisent un système de déduction par rapport au revenu. Il y aura toujours des gens qui auront des difficultés, pour une raison ou une autre — ou au cours d'une année en particulier, leur revenu peut avoir fluctué. Si l'on parle à la plupart des gens qui connaissent cette situation, il y a des façons de s'ajuster, en utilisant la carte santé à la pharmacie, etc., mais cela représente une gestion beaucoup plus active que celle du régime d'assurance-médicaments traditionnel tel qu'il est conçu présentement.
    Oui: c'est la façon dont on définit le besoin. Mme Kurl a présenté une diapositive qui indique que 16 % des gens dont le revenu est supérieur à 100 000 $ disent qu'ils ont de la difficulté à financer ces choses. Il semble qu'il est très difficile d'interpréter toutes ces variables.
    Madame Kurl, je sais que vous devez peut-être partir, mais si vous en avez le temps maintenant, vous pourriez parler de l'échantillon que vous avez choisi, des 1 556 adultes canadiens qui ont participé au Forum Angus Reid. Qui sont ces gens? Représentent-ils le Canadien moyen, ou s'agit-il d'un club spécial? Qui sont ces gens à qui vous parlez? Quelles sont leurs caractéristiques démographiques?
    Informer les gens sur les méandres des techniques de sondage, et particulièrement la méthodologie en ligne, peut prendre environ 40 minutes, mais je vais vous donner la version abrégée.
    Vous disposez de quatre secondes.
    Des voix: Oh, oh!
    C'est un peu plus long que cela.
    Ils font partie d'un groupe en ligne composé d'environ 130 000 à 140 000 Canadiens. Ce sont des gens qui choisissent de participer, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'on leur posera les mêmes questions ou qu'ils seront invités à participer à chaque sondage. La façon de choisir les gens comporte un caractère aléatoire.
    Nous sommes capables de faire en sorte que l'échantillon soit équilibré par rapport aux données du recensement. Pour les niveaux de revenu, l'âge, le sexe, la région, la langue maternelle, le niveau de scolarité et toutes les données démographiques principales du recensement, nous sommes en mesure d'équilibrer l'échantillon pour nous assurer que les gens avec lesquels nous discutons et ceux qui nous répondent représentent la population canadienne dans son ensemble. Si nous parlons à des personnes dont le revenu est inférieur à 50 000 $ ou supérieur à 100 000 $, ils reflètent les totaux réels dans la population.
    Leur avez-vous demandé s'ils savaient s'ils étaient couverts ou non? Nous avons entendu que bien des personnes interrogées diront qu'elles ont de la difficulté à obtenir une couverture, mais elles ne se rendent même pas compte qu'elles le sont. Comme le disait M. Monteith, avec le programme Trillium et ce genre de choses, ils ont accès à une protection.
    Tenez-vous compte de cette variable quand vous posez vos questions?
    L'une des premières questions que nous posons aux répondants est justement s'ils sont couverts et s'ils ont accès à un régime d'assurance-médicaments. Je le répète, nous pouvons affirmer que le niveau de couverture est un élément qui détermine fortement la capacité des gens à assumer le coût de leurs médicaments et à surmonter les obstacles. Évidemment, les gens qui ne bénéficient d'aucune couverture, ou qui ont une couverture minimale, sont ceux qui ont le plus tendance à déclarer qu'ils ont de la difficulté à assumer ces frais.
    Quant à établir si les gens sont couverts ou s'ils savent même qu'ils sont couverts, il serait certainement utile de mener une enquête plus approfondie sur le sujet. Nous pouvons seulement leur demander s'ils sont couverts, entièrement couverts, partiellement couverts ou pas couverts du tout.
    Pour ce qui est de déterminer si les gens savent qu'ils ont accès à un programme mais n'y ont pas recours, il y a un vide. À mon avis, s'il existe des couvertures que les gens n'utilisent pas, ce serait aux fournisseurs de s'intéresser à la question. Nous pouvons seulement parler de ce dont les gens pensent bénéficier.

  (1655)  

    Je suis couvert.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous êtes couvert.
    Madame Kurl, je sais que vous avez un avion à prendre et je vous remercie beaucoup de votre participation. Nous vous en sommes gré.
    Je vous remercie de m'avoir permis de m'exprimer devant le Comité.
    Bon vol.
    Nous passons maintenant au Dr Eyolfson.
    Très brièvement, j'aurais quelque chose à dire à la Dre Dutt.
    Je suis un urgentologue. J'ai pratiqué pendant 20 ans et quand vous dites que les urgentologues ont affaire à des patients qui n'ont pas les moyens de payer leurs médicaments, vous avez raison. Je l'ai constaté pendant 20 ans. Vous avez expliqué précisément l'ampleur du problème dans ce milieu.
    C'est d'ailleurs l'une des raisons qui m'ont incité à exercer mes fonctions.
    C'est exact.
    Ma première question a déjà été posée par Mme Harder. Je me demandais la même chose, mais je n'ai pas bien compris votre réponse. Auparavant, quand votre association s'appelait Les compagnies de recherche pharmaceutiques du Canada, vos membres s'étaient engagés à verser 10 % de leurs profits à la R-D, pourcentage qui n'est maintenant plus que de 4 %. Pouvez-vous expliquer cette diminution?
    Cet engagement concernant 10 % des profits, qui avait été pris en 1986 — il nous a d'ailleurs fallu retracer la lettre d'entente que nous avions alors signée avec le gouvernement fédéral à ce sujet...
    D'accord.
    ... a été précisément défini en tenant compte de conditions et de pratiques commerciales demeurant sensiblement les mêmes. Toutefois, au fil du temps, le développement des médicaments a changé radicalement. Le développement se fait maintenant dans une perspective beaucoup plus internationale et les essais cliniques sont dorénavant menés dans le monde entier.
    Le CEPMB enregistre toujours des dépenses en matière de R-D en partant des mêmes principes qu'en 1986, mais les outils d'investissements, les infrastructures et ainsi de suite qui étaient utilisés ont diminué au fil du temps. Par contre, les investissements dans les essais cliniques internationaux ont augmenté considérablement et, comme je l'ai indiqué précédemment, plus de 9 000 essais sont en cours en tout temps. Si ces essais découlent de recherches qui ont été faites au Canada à l'origine, même si des sites canadiens participent aux essais, aucune portion de l'argent dépensé par nos membres, littéralement des centaines de millions de dollars, n'est considérée comme dépenses de R-D effectuées au Canada.
    Je comprends.
    Ce pourcentage est donc d'une sous-représentation de la situation actuelle, compte tenu des changements qui se sont produits au fil des années dans le domaine du développement des médicaments.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais mon temps est limité. Vous dites donc que ces investissements sont réalisés, mais qu'on n'en tient pas compte.
    C'est exact et il s'agit de sommes considérables.
    C'est très bien.
    Monsieur Skinner, certains articles que vous avez écrits, en collaboration avec le Canadian Health Policy Institute dans certains cas, ont fait l'objet de nombreuses critiques, notamment de la part de témoins qui ont comparu devant nous, et contestent vivement l'étude de Morgan. Nous avons parlé du fait que cette recherche a été jugée par les pairs, examinée de façon très rigoureuse et évaluée, ce que la Dre Dutt a souligné elle aussi. Pouvez-vous décrire le processus d'évaluation par les pairs des données qui vous ont permis d'en arriver aux chiffres que vous avez présentés?
    Je suis ici pour répondre à des questions au nom de l'organisme Médicaments innovateurs Canada...
    D'accord.
    ... et non pour parler de mes recherches indépendantes, mais je répondrai quand même à la question avec plaisir.
    J'ai réalisé cette étude en collaboration avec trois collègues dans le cadre des travaux du groupe de réflexion Canadian Health Policy Institute, dont je suis le PDG et le fondateur. Les sources de toutes les données figurent explicitement dans l'étude, de même que toute la méthodologie qui a été employée. Nous avons un processus d'examen interne et externe, puis nous publions nos travaux et enfin nous les rendons publics, afin que d'autres chercheurs et des gens du milieu des politiques puissent les évaluer.
    D'accord.
    Nous avons adopté une perspective quelque peu différente de celle de l'étude de Morgan et coll., qui a été publiée dans le JAMC. Selon nos conclusions, l'adoption d'un programme universel d'assurance-médicaments national et monopolistique géré par le gouvernement ne se traduirait pas par des économies concrètes pour les contribuables. Nous avons déterminé que les coûts liés à l'absorption des dépenses actuelles du secteur privé associées aux coûts des produits pharmaceutiques seraient considérables, et que l'absorption de ces dépenses par un régime fédéral entraînerait une augmentation de 25 milliards de dollars du budget fédéral. Si elles sont absorbées seulement...
    D'accord, merci. Vous avez répondu à cette question, merci bien.
    La dernière question s'adresse à M. Monteith et porte sur les régimes publics par opposition aux régimes privés. Dans les régimes d'assurance publics, quelle proportion des patients se voient refuser une demande de couverture pour des conditions préexistantes? Le savez-vous?

  (1700)  

    À ma connaissance, il n'y a aucun refus.
    Merci.
    Monsieur Webber, vous avez la parole.
    J'aimerais poser quelques questions à notre témoin-vedette, M. Romanow.
    Je pensais que vous parliez de M. Marchildon.
    Non, c'est de vous que je parlais. Je suis ravi que vous soyez tous ici.
    C'est moi qui répond aux questions faciles, lui, il se charge des questions difficiles.
    Nous avons reçu Mme Abby Hoffman il y a quelques semaines et elle avait le statut de témoin-vedette. Je la place au premier rang, monsieur Romanow, mais vous la suivez de très près.
    Sans aucun doute. Elle est capable de courir, pas moi.
    Vous avez fait quelques observations. Vous avez dit notamment que le gouvernement fédéral doit exercer un leadership fort en matière d'assurance-médicaments et que les Canadiens souhaitent qu'il joue un rôle déterminant. C'est aussi ce que le sondage d'Angus Reid a clairement révélé.
    C'est une situation que vous avez connue quand vous étiez premier ministre provincial et vous savez que le système de soins de santé est compartimenté dans tout le pays. Tenter d'obtenir la participation des provinces et des territoires...
    Monsieur Marchildon, vous avez mentionné qu'il faudrait envisager de ne pas accorder de contribution financière aux provinces qui décideraient de ne pas participer à un régime national d'assurance-médicaments. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Cette question s'adresse à M. Marchildon.
    Quant à vous, monsieur Romanow, comment peut-on éliminer ce cloisonnement? Manifestement, nous n'y sommes pas parvenus au cours des 14 années qui se sont écoulées depuis la publication de votre rapport. Comment peut-on assurer la collaboration des provinces?
    Premièrement, j'ose espérer que c'est parce qu'aucun régime d'assurance-médicaments n'a été mis en place que les provinces et territoires n'ont rien fait au cours des 14 années qui ont suivi mon rapport.
    Deuxièmement, je tiens à souligner qu'il ne sera pas facile de mettre en oeuvre un tel régime. D'après mon expérience, il n'y a pas de solution facile dans un système fédéral comme le nôtre. Je crois vraiment qu'il s'agit d'une compétence partagée par les gouvernements fédéral et provinciaux. Idéalement, il faudrait tenir une ronde de négociations fondées sur la coopération et reconnaître certains faits en matière de politique publique. Ce genre de processus est favorisé par un consensus sur les valeurs communes des Canadiens, mais je vous ferai grâce d'un discours à ce sujet.
    Cependant, que se passera-t-il si on se retrouve dans une impasse?
    Si j'ai cité les propos de M. Pearson, c'est qu'à un moment ou à un autre, le leadership fédéral est nécessaire. La question est de savoir si ce leadership tiendra s'il n'est pas efficace. Je pense qu'aucune politique fédérale coercitive ne tiendra la route à moins d'atteindre les objectifs, d'une part, et d'aller dans le même sens que les valeurs des Canadiens, d'autre part.
    En Saskatchewan, l'assurance-maladie a été instaurée indépendamment par cette petite province en 1962. J'étais alors un jeune étudiant qui militait en faveur de ce programme, je manque donc un peu d'objectivité.
    À l'échelle nationale, pour que le projet soit accueilli comme il l'a été après la publication du rapport rédigé par la Commission Hall, dont les membres avaient été nommés par John Diefenbaker... Il s'agissait d'un groupe de personnes de tous les horizons politiques qui ont fondé leur examen sur des données scientifiques. Il y a eu de l'opposition; il y en a toujours. J'imagine qu'il y en aura également pour ce qui est de l'assurance-médicaments. Je pense qu'à ce stade-ci, le gouvernement est tenu, comme vous l'êtes — cela dit avec tout le respect que je porte à ce remarquable comité —, d'évaluer les faits, de se pencher sur les valeurs et de prendre des décisions quant à ce que vous recommanderez. Si vous recommandez la mise en place d'un régime national d'assurance-médicaments, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, la rationalisation, les économies qui en découleront et, surtout, les avantages qu'en tirera la population canadienne feront en sorte que tout le monde se ralliera au projet, comme ce fut le cas au départ pour l'assurance-maladie.
    Je pense que c'est inévitable.
    Avez-vous examiné ce qui se faisait dans d'autres pays dans le cadre de l'étude que vous avez réalisée en 2002?
    Oui, nous l'avons fait.
    Selon vous, dans le cadre de notre étude, quels pays pourraient nous donner une idée de la façon de s'y prendre pour mettre ce régime en avant?
    Tout d'abord, malheureusement, cette étude date de 14 ans. Depuis lors, il y a eu une véritable explosion en matière de produits pharmaceutiques. Je ne fais pas partie de la profession médicale, mais je pense qu'on peut dire sans risquer de se tromper que certains systèmes fonctionnent et d'autres, non. Il faut donc faire preuve de prudence. Depuis cette époque, je dirais que les chiffres — qui figurent dans l'un des documents que j'ai présentés comme modèle de mesures à suivre — indiquent effectivement que 13 ou 14 pays ont adopté un régime d'assurance-médicaments universel, ce qui signifie que cela a forcément fonctionné.
    Pourquoi est-ce que je dis cela? C'est parce que le régime a obtenu l'approbation du gouvernement et de la population, à la fois en ce qui concerne les coûts et la structure des valeurs.
    Étrangement, à mon avis, au cours de l'histoire, il y a deux cas marginaux, à savoir le Canada et les États-Unis. Il est difficile de savoir pourquoi. Les motifs semblent insuffisants, du moins à ce que j'ai pu constater. J'ai essayé de demeurer au courant des études, mais je ne le suis plus autant qu'auparavant. Il semble y avoir tout simplement une réticence en matière de leadership fédéral ou de coopération entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
    Selon moi, les faits dont on doit absolument tenir compte indiquent dans une vaste mesure — malgré quelques petites différences ici et là — qu'un régime unique d'assurance-médicaments complète notre système. J'estime que cela cadre avec nos valeurs et avec les données probantes qui existent. Il y a 14 ans, nous étions loin d'avoir les données dont nous disposons aujourd'hui.

  (1705)  

    Votre temps de parole est écoulé.
    Je n'ai pas tout à fait répondu à votre question et je m'en excuse.
    Le président vous a interrompu, alors vous ne pouviez pas le faire de toute façon.
    C'est une excellente question. Si vous deviez choisir un pays, ou même deux ou trois, qui aurait selon vous un système efficace offrant un processus et un régime d'assurance-médicaments viables, quels seraient-ils?
    J'utilise ici certaines données tirées des travaux de M. Marc-André Gagnon, de l'Université Carleton. Je pense que son graphique, qui correspond à ce que nous faisons de temps en temps, indique que les pays qui devraient nous servir de modèles sont le Royaume-Uni, l'Australie ainsi que la Nouvelle-Zélande, qui semble se pointer à l'horizon à la lumière des arguments que j'ai présentés dans ce mémoire.
    En toute honnêteté, ce n'est pas mon domaine. Il faudrait vraiment examiner la question de façon assez détaillée pour confirmer que ce que je dis concorde avec les faits et les résultats obtenus.
    Merci beaucoup.
    Puis-je faire rapidement un rappel au Règlement?
    Certainement.
    M. Romanow et la Dre Dutt ont tous deux fait allusion à des mémoires soumis au Comité. Par votre intermédiaire, je voudrais informer le greffier que nous n'avons pas reçu ces mémoires.
    Ils étaient disponibles en anglais seulement et ils ne peuvent pas être présentés s'ils ne sont pas dans les deux langues officielles.
    Est-ce que cela signifie que nous ne les recevrons pas? La Dre Dutt a présenté des arguments très importants. C'est la première fois qu'on nous donne une estimation des coûts que doit assumer le système parce que des patients ne prennent pas leurs médicaments.
    Les documents sont en cours de traduction et nous allons les obtenir.
    Y aurait-il un moyen d'accélérer le processus à l'avenir pour que nous puissions recevoir les documents avant les séances du Comité?
    J'apprends au fur et à mesure. Si les documents sont soumis dans une seule langue, il faut le consentement unanime des membres du Comité pour pouvoir les distribuer. À l'avenir, dans une telle situation, je demanderai le consentement unanime des membres dès le début, parce que j'aurais voulu avoir ces documents moi aussi.
    Les documents nous seront-ils transmis une fois la traduction terminée?
    Oui.
    Monsieur Kang, vous avez la parole.
    Ma question s'adresse à la Dre Dutt. Votre organisme regroupe des professionnels qui travaillent quotidiennement sur le terrain dans le système canadien de soins de santé. Ma première question concerne l'assurance-médicaments. Quels sont les mythes qui ont été brisés par votre organisme quant aux avantages offerts par les assurances privées relativement aux soins médicaux de première nécessité, comme les services hospitaliers et les services de médecins?
    Vous voulez dire les mythes spécifiques à l'assurance-médicaments ou relatifs à l'assurance-maladie en général?
    Je parle des mythes relatifs à l'assurance-médicaments.
    Au sujet de l’assurance-médicaments, un des mythes, et nous en avons parlé aujourd’hui, c’est que les régimes actuels sont efficaces.
    D’abord, il est clair que les régimes d’assurance privés ne répondent pas aux besoins des gens; leur couverture est insuffisante et ils n’offrent pas un bon rapport qualité-prix. Il y a ensuite le mythe selon lequel une multitude de régimes permet d’offrir une couverture à tous ceux qui en ont besoin. Il est clair que ces régimes ne couvrent pas ceux qui en ont le plus besoin et la couverture offerte n’est pas complète.
    La seule façon de corriger la situation, c’est d’adopter un régime complet qui couvre tout le monde. Un tel régime serait avantageux pour les Canadiens, car comme nous l’apprend le sondage Angus Reid, ce ne sont pas seulement les personnes à faible revenu qui ont besoin d’une assurance-médicaments. Donc, tout le monde pourrait en profiter. Tout comme le régime d’assurance-maladie, c’est un régime auquel tous les citoyens contribueraient de façon à pouvoir en profiter en cas de besoin.
    Le mythe selon lequel le régime actuel fonctionne est probablement le plus tenace. Ensuite, et nous en avons débattu et discuté aujourd’hui, vient le mythe selon lequel la mise en oeuvre d’un tel régime serait trop onéreuse. Il a plutôt été démontré qu’il serait trop onéreux de ne pas mettre en oeuvre un tel régime et que les économies de coûts seraient considérables.

  (1710)  

    J’allais justement vous poser une question sur le coût. À combien s’élèveraient ces économies de coût? Avez-vous des données à ce sujet?
    Une des principales études fondées sur des données probantes révisées par des pairs sur lesquelles nous nous appuyons est celle publiée par le JAMC, le Journal de l’Association médicale canadienne, et menée par Steven Morgan, un économiste de l’Université de la Colombie-Britannique, en collaboration avec plusieurs autres spécialistes de la politique de la santé.
    Selon cette étude, les régimes privés et publics réaliseraient des économies considérables. Malheureusement, je n’ai pas les chiffres exacts avec moi. Mais, de façon générale, en tenant compte du coût lié au régime lui-même, le gouvernement économiserait 1 milliard de dollars. Il ferait aussi des économies, tout comme les employeurs et sociétés privés.
    Il y aurait aussi un coût rattaché à ce programme. Malgré des économies de 7 milliards de dollars, il y aurait tout de même un coût de mise en oeuvre. Mais, selon le scénario le plus probable, les économies s’élèveraient à environ 1 milliard de dollars.
    Quelle serait la couverture offerte par un régime d’assurance-médicaments? C’est peut-être une question hypothétique, mais qu’est-ce qui serait couvert?
    Lorsqu’une personne prend une assurance avec la Croix Bleue, elle est couverte jusqu’à 70 % des coûts. Le reste, elle doit le payer de sa poche. Selon vous, quelle devrait être la couverture offerte dans le cadre d’un régime d’assurance-médicaments?
    Notre organisation appuie le plan Pharmacare 2020. Ce plan a été élaboré par quelques-unes des mêmes personnes qui ont mené l’étude publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne. On l’a dit plus tôt: la mise en œuvre d’un tel régime est un processus complexe. Mais, cela signifie simplement qu’il faut discuter dès aujourd’hui de la forme que prendra cette mise en œuvre.
    Le plan Pharmacare 2020 définit plusieurs principes dont il faut tenir compte dans l’élaboration d’un régime national d’assurance-médicaments. C’est un excellent point de départ. Il examine, entre autres, la couverture pour les médicaments d’ordonnance sans coût direct aux patients, ou à peu de frais, car nous savons que toute forme de coassurance constitue un obstacle à l’accès aux médicaments.
    Je ne passerai pas en revue tous les éléments de la liste, mais celle-ci propose des éléments de base à inclure dans un régime national d’assurance-médicaments, des éléments qui permettent d’amorcer la discussion sur la forme que prendrait un tel régime, car il faut tenir compte des compétences fédérales et provinciales.
    Ce qui me préoccupe avec l’assurance-médicaments, c’est que bon nombre de personnes qui prennent déjà des médicaments ne seront pas couvertes. Nous devons concevoir un régime où tout le monde sera couvert. C’est ce qui me préoccupe.
    Vous voulez savoir si tout le monde sera couvert?
    Oui. Disons qu’en Alberta, quelqu’un a une condition préexistante qui n’est pas couverte. Comment ferons-nous pour qu’il soit couvert par le régime d’assurance-médicaments?
    Je ne comprends pas très bien votre question.
    Disons que j’ai une condition préexistante. Dans le cadre d’un régime d’assurance-médicaments, serais-je couvert pour cette condition préexistante? Je pense au contrôle des coûts.

  (1715)  

    Il faudrait créer un formulaire national en fonction des médicaments dont les Canadiens ont le plus besoin. Il faudrait ensuite mettre en place un processus qui permettrait d’ajouter des médicaments ou de demander l’ajout de médicaments. Comme nous le savons, la principale lacune du régime actuel, c’est qu’il n’a pas été conçu pour traiter quelqu’un qui souffre d’un problème chronique. Lors de la création de l’assurance-maladie, les gens composaient davantage avec des conditions aiguës. C’est une autre raison pour laquelle l’assurance-médicaments est si importante: de plus en plus de gens doivent composer avec des problèmes chroniques qui nécessitent la prise de médicaments. Pourtant, nous ne disposons pas d’un régime de couverture relative aux médicaments pour répondre aux besoins changeants en matière de santé au pays.
    Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Selon le sondage Angus Reid, 26 % des Canadiens dans les provinces de l’Atlantique ont des problèmes d’accès à leurs médicaments. Vous êtes à Sydney, en Nouvelle-Écosse.
    C’est exact.
    Cela vous semble juste, que 26 % des gens n’ont pas les moyens de s’acheter les médicaments qu’on leur a prescrits?
    Oui, ça me paraît juste. Je n’ai pas les chiffres exacts avec moi, mais compte tenu du taux de pauvreté dans la province et de ce que nous a dit M. Romanow — ou c’était peut-être Greg Marchildon —, il est clair que les provinces de l’Atlantique ont plus de difficulté que les autres provinces à fournir un régime privé et un régime public. Ça me paraît juste comme constat. C’est ce que je remarque dans mon cabinet.
    Monsieur Davies, vous avez la parole.
    Monsieur Marchildon, comme l’a souligné M. Romanow, le Canada est le seul pays au monde à disposer d’un régime d’assurance-maladie qui ne comprend pas un régime d’assurance-médicaments.
    Selon certains témoins, nous devrions envisager une solution purement canadienne. Certains concepts avancés nous permettraient de faire des économies et de payer pour une couverture universelle. Parmi les options proposées, il y a: créer un formulaire unique, peut-être même national; mettre en place un processus efficace fondé sur des données probantes pour l’ajout de médicaments au formulaire; mettre en place un processus d’administration unique, simplifié et peut-être même public; acheter des médicaments en vrac; accorder à certains fabricants l’accès exclusif au marché canadien, comme le fait la Nouvelle-Zélande, pour une période définie, ce qui permettrait de réduire le coût des médicaments. Il a aussi été question des économies possibles associées à la non-adhésion.
    Vous proposez un tel modèle, un modèle purement canadien, soit l’adoption d’un régime administré par le gouvernement fédéral. J’aimerais vous laisser environ une minute pour justifier l’adoption d’un tel régime.
    J’ai proposé cette option, car en raison de notre passé, cette option n’est généralement pas considérée au pays. Je voulais explorer en détail les avantages et inconvénients de cette option et aborder les difficultés que nous avons éprouvées au cours des 30 ou 40 dernières années en matière de financement de base. Le financement de base a eu ses avantages et ses inconvénients et, à mon avis, cette option permet de régler efficacement les problèmes rencontrés.
    Il sera très difficile d’avoir un formulaire national s’il faut composer avec 13 régimes provinciaux et territoriaux à payeur unique. Même si l’on présume qu’ils sont tous à payeur unique, il sera très difficile de s'entendre sur un formulaire unique, national et pancanadien qui convient à tous en tous points. Cela ouvrirait donc la porte à des négociations et du lobbying, notamment. Les groupes d’intérêt pourraient tirer avantage de la situation. On pourrait perdre le contrôle. C’est la raison pour laquelle je crois que l’option fédérale est la meilleure façon de garder le contrôle. C’est important.
    J’ignore si vous nous avez remis quelque chose sur le sujet, mais, sinon, je vous invite à le faire. Il faut plus qu’une ou deux minutes pour expliquer les grandes…
    Je serai heureux de faire parvenir quelque chose au Comité sur les deux options que je propose, si vous le désirez.
    Maintenant, monsieur Romanow, certains témoins, et même des membres du Comité, affirment que le gouvernement est incapable de gérer efficacement un régime public simplifié, surtout si le secteur privé y joue un rôle. En tant qu’ancien premier ministre de la Saskatchewan, qu’en pensez-vous?

  (1720)  

    Cela peut vous paraître désinvolte comme réponse, mais en 1962, la Saskatchewan était aux prises avec une grève provinciale des médecins. À l’époque, on disait la même chose au sujet d’un régime public dont la prestation serait assurée par les médecins — c’était essentiellement le mécanisme proposé —, que ça ne fonctionnerait pas. Évidemment, tout a bien fonctionné.
    Quand ont dit que c’est impossible… Ou plutôt, ceux qui laissent entendre que le régime n’est pas parfait ont probablement raison. Les maladies, les traitements et les médicaments varient légèrement selon les circonstances. La prestation des soins de santé ne serait pas parfaite, et à ce sujet, je m’en remettrais aux médecins dans la salle.
    Cependant, ce que nous cherchons à faire, c’est de créer un régime de santé social et socio-économique qui offre les médicaments qui sont, selon les spécialistes, généralement efficaces pour le traitement des maladies les plus sérieuses. Ensuite, les médecins n’auraient qu’à prescrire à leurs patients les médicaments les plus efficaces offerts dans le cadre du régime. Il n’y aurait aucun obstacle monétaire.
    Est-ce que ce serait parfait et sans écarts? Probablement pas. Par contre, un tel régime éliminerait de la prestation des soins de santé un des principaux facteurs liés à l’augmentation des coûts de soins de santé: le coût des médicaments. Ainsi, peu importe qu’ils soient pauvres ou riches, peu importe leur sexe ou leurs origines, tous les Canadiens seraient admissibles aux meilleurs soins possible.
    Donc, un tel régime d’assurance-médicaments à payeur unique serait-il, en quelque sorte, un élargissement de notre régime d’assurance-maladie actuel, comme le proposent Emmett Hall et Douglas?
    Oui, sous réserve des résultats d’une analyse plus détaillée des données. Comme je l’ai dit, j’ai rédigé ce rapport il y a 14 ans. À un certain moment, il proposait une franchise de 1 100 $... J’oublie exactement à combien s'élevait la franchise. Greg, est-ce que c’était 1 100 $?
    Pour la couverture des catastrophes.
    Oui, c’est ça. Nous avions décidé d’y aller petit à petit. Nous allions offrir une couverture pour les blessures catastrophiques, mais avec une petite franchise: le patient serait responsable des premiers 1 400 $ ou 1 500 $, et le reste des soins serait couvert. Donc, pas une assurance-médicaments complète, mais je me suis dit que si nous pouvions mettre un pied dans la porte avec la couverture des soins pour blessures catastrophiques… Il y a 14 ans, c’est ce qui nous paraissait logique.
    Je crois qu’aujourd’hui, grâce à la science, nous sommes rendus à une étape où il est possible de définir le formulaire de médicaments, d’avoir un régime financé par les contribuables selon leur capacité de payer, comme les impôts, et de laisser le soin aux médecins et professionnels de la santé de déterminer, avec le patient, le traitement requis.
    Non, mais, de combien de sortes de Lipitor avons-nous besoin? Il peut y avoir des différences, et je m’en remettrais aux médecins ici présents à ce sujet, mais je crois que les statistiques sont très claires. Peut-être qu’une solution différente fonctionnerait en matière d’assurance-médicaments, mais je ne le crois pas.
    Merci.
    Cela met un terme à nos questions.
    Merci beaucoup aux témoins d’avoir accepté notre invitation.
    Vous serez heureux d’apprendre que le Comité a étudié 17 sujets possibles en début d’année et que les membres de tous les partis ont convenu de mener une étude sur l’assurance-médicaments et c’est tout à leur honneur. C’est certainement un sujet qui intéresse beaucoup de gens.
    Encore une fois, je tiens à vous remercier de votre participation. Nous avons appris beaucoup de choses.
    Merci, docteure Dutt, d’avoir participé par vidéoconférence et d’avoir pris notre photo.
    Vous pouvez me réinviter quand vous le voudrez.
    Merci.
    D’accord.
    Je tiens à féliciter le Comité. Vous tapez dans le mille avec cette étude.
    Merci.
    Je vous souhaite la meilleure des chances.
    Merci.
    La séance est levée.
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