Passer au contenu
Début du contenu

FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 025 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1545)  

[Traduction]

    Bonjour à vous tous. Étant donné que nous avons un peu de retard et que nous avons le quorum, nous allons commencer sans plus tarder.
    Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui M. Jeffery Adams, surintendant principal et directeur général de Cybercrimes, au sein de l'Association canadienne des chefs de police. Nous allons également entendre Mme Kendra Milne, directrice de la réforme du droit, du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes de la côte Ouest, qui se joindra à nous par vidéoconférence.
    Je suis certaine que nous aurons une discussion animée.
    Vous disposez de 10 minutes chacun pour faire votre exposé, après quoi nous enchaînerons avec une période de questions.
    Monsieur Jeffery Adam, c'est vous qui ouvrez le bal.
    Madame la présidente et membres distingués du Comité, je suis heureux d'avoir accepté votre invitation, et je témoigne aujourd'hui en tant que membre du Comité des cybercrimes de l'Association canadienne des chefs de police, au nom du président, M. Mario Harel, et des membres de l'ACCP.
    L'ACCP a pour mandat d'assurer la sécurité de tous les Canadiens grâce à une direction policière innovatrice. Ce mandat est réalisé par les activités et les projets spéciaux de divers comités et par une liaison soutenue avec divers ordres de gouvernement et ministères exerçant des responsabilités législatives et exécutives en matière de droit et d'application de la loi.
    Mon rôle au sein de l'ACCP est de coprésider le Comité des cybercrimes. J'encadre le travail effectué par trois sous-comités dans les domaines de l'informatique judiciaire, de l'accès légal et de la surveillance électronique, ainsi que le tout nouveau cyberconseil. C'est d'ailleurs en lien avec ce cyberconseil que je comparais ici aujourd'hui, en particulier sur la question de la cybercriminalité.
    La croissance des médias sociaux et l'évolution de l'environnement numérique ont changé la façon dont les gens interagissent et les gens avec qui ils interagissent. Ce changement est survenu très rapidement, si bien que les Canadiens sont toujours en train d'essayer de comprendre ce nouvel environnement. Cet environnement numérique ne présente aucun des signaux sensoriels auxquels les gens sont habitués de porter attention. On n'y trouve pas les indices de menace qu'on peut habituellement voir, entendre, sentir ou ressentir lorsqu'on entre dans un quartier dangereux, par exemple.
    Les gens consultent leurs réseaux sociaux dans le confort de leur foyer et se sentent en sécurité et à l'abri des atteintes physiques. Ils ne perçoivent peut-être pas les sites Web, les sites de marketing ou les courriels comme étant dangereux, étant donné l'environnement physique où ils se trouvent et l'absence des signaux de menace habituels.
    Il en va de même pour les contrevenants, qui peuvent perpétrer des crimes n'importe où dans le monde, et ce, dans l'intimité de leur foyer. Par conséquent, pour un contrevenant, quels sont les risques?
    Le modèle de services de police créé par Sir Robert Peel en 1829 est beaucoup moins pertinent dans le monde numérique d'aujourd'hui. Le triangle traditionnel du délinquant, de la police et de la victime qui sont tous dans le même emplacement géographique ne s'applique plus, et pourtant, ni la police ni la population n'ont discuté des conséquences de ce changement pour la sécurité publique et l'application de la loi.
    Les Canadiens doivent également discuter des différences entre la protection de la vie privée et l'anonymat. Le premier est encouragé et constitue un droit d'être à l'abri d'une ingérence abusive; le deuxième, dans une application absolue, entraîne l'anarchie, l'impunité et l'absence de reddition de comptes.
    La cybercriminalité a évolué, alimentée par plusieurs éléments, tels que le faible risque d'arrestation; la préservation de l'anonymat grâce à la technologie; les faibles coûts et le pouvoir accru de la technologie; la commercialisation de la cybercriminalité, qui est un modèle d'affaires qui bénéficie d'un soutien 24 heures sur 24, de services de dépannage, de services de ventes et d'outils de personnalisation; et les entreprises et les citoyens qui ne se soucient pas de la sécurité. La combinaison de ces facteurs fait en sorte que les Canadiens sont de plus en plus vulnérables aux cyberattaques et susceptibles d'être victimes d'actes criminels.
    L'assemblée générale annuelle de l'ACCP tenue en 2016 était axée sur la cybercriminalité et avait pour thème: « Crimes réels, victimes réelles ». Elle a jeté les bases d'une stratégie canadienne d'application de la loi pour lutter contre la cybercriminalité, qui est actuellement en cours d'élaboration.
    La stratégie repose sur cinq étapes clés: premièrement, intégrer des capacités de cyberenquête au sein des organismes d'application de la loi; deuxièmement, contrecarrer la victimisation en sensibilisant le grand public; troisièmement, accroître la collaboration entre les organismes d'application de la loi, l'industrie, les autres organismes gouvernementaux et les organisations non gouvernementales; quatrièmement, renforcer les compétences et le soutien spécialisé aux enquêtes et amener les premiers intervenants à recueillir les preuves le plus possible; et cinquièmement, demander des ressources, des outils et des mesures législatives qui tiennent compte des changements technologiques.
    Je vous remercie et je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Excellent.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Milne. Vous disposez également de 10 minutes.
    Je m'appelle Kendra Milne, et je suis directrice de la réforme du droit pour le FAEJ de la côte Ouest. Comme vous l'avez dit, je me trouve à Vancouver. J'aimerais, d'entrée de jeu, reconnaître que je suis sur le territoire traditionnel non cédé des Salishs de la côte, et particulièrement des Premières Nations Squamish, Musqueam et Tsleil-Waututh.
    Le FAEJ de la côte Ouest est un organisme sans but lucratif, établi à Vancouver, qui se consacre à la promotion de l'égalité des femmes et à l'élimination des tendances historiques discriminatoires à l'endroit des femmes par des actions en justice, une réforme du droit et l'éducation juridique du grand public. Une partie de nos récents travaux est particulièrement pertinente dans le contexte de l'étude du Comité.
    Tout d'abord, en 2014, nous avons publié un rapport intitulé « #CyberMisogyny: Using and Strengthening Canadian legal responses to gendered hate and harassment online ». Ce rapport renfermait des recommandations visant à modifier les lois provinciales et fédérales en vue de mieux lutter contre le harcèlement en ligne, l'exploitation des jeunes, la cyberintimidation et les propos haineux. À partir de ce projet, nous avons également conçu un atelier intitulé TrendShift, destiné aux élèves de la 8e à la 12e année, afin d'amener les jeunes à réfléchir à la forme que pouvaient prendre la violence et la discrimination dans les cyberespaces.
    Avant de passer aux modifications législatives que nous recommandons aujourd'hui, j'aimerais tout d'abord dire que la violence en ligne s'inscrit dans le vaste spectre de la violence. Par exemple, nous entendons souvent des cas d'abus de la part de conjoints ou de partenaires. Après une séparation ou une rupture, lorsqu'une personne ne peut plus se servir de sa proximité pour commettre des actes de violence physique, elle va se tourner vers le cyberespace pour continuer le même type d'abus. Cette personne peut partager des renseignements ou des images intimes, répandre des faussetés ou même utiliser les courriels ou les messages textes, qui peuvent s'avérer nécessaires dans le cadre d'une garde partagée, pour menacer et harceler la victime. Il est important de mentionner que ce type de comportement n'est qu'une continuation de la violence physique. Il vise le même objectif: exercer un pouvoir et un contrôle sur la victime.
    En ce qui concerne la réforme du droit fédéral visant à protéger les femmes et les jeunes filles en ligne, la justice est différente pour chaque femme. Certaines veulent exercer un recours juridique et d'autres non. Par conséquent, les femmes qui veulent intenter des poursuites devraient pouvoir le faire tout en étant protégées adéquatement. Cela dit, j'aurais deux suggestions principales à faire en matière de réforme du droit. D'une part, il faudrait offrir aux femmes un nouveau recours juridique et, d'autre part, renforcer le recours actuel afin de mieux gérer les comportements en ligne.
    La première chose dont j'aimerais vous parler est la Loi canadienne sur les droits de la personne. En 2013, le gouvernement a abrogé l'article 13 de la Loi, qui prévoyait que toute communication, y compris les télécommunications et les communications en ligne, susceptible d'exposer une personne à la haine constituait un acte discriminatoire, si elle était fondée sur un motif de distinction illicite. Ce n'est pas une coïncidence si les femmes, les personnes racialisées, les personnes handicapées et les membres de la communauté LGBTQ sont plus souvent victimes de violence en ligne et de harcèlement. Ce comportement découle souvent du sexisme, du racisme, d'une discrimination fondée sur la capacité physique, de l'homophobie, de la transphobie et d'autres attitudes discriminatoires, qui sont les mêmes attitudes qui ont fait en sorte de protéger ces personnes dans la législation sur les droits de la personne au départ. L'Internet et les cyberespaces sont récents et, malheureusement, ils sont très efficaces pour maintenir ces tendances discriminatoires historiques et systémiques.
    Le régime des droits de la personne offre aux femmes un important recours en dehors du système de justice pénale, parce que le but n'est pas tant de pénaliser le contrevenant, mais plutôt de préserver l'intégrité de la victime. En outre, le processus est entre les mains de la victime et ne dépend pas de la police ni de la Couronne qui devra approuver les accusations et les poursuites. La législation sur les droits de la personne occupe une place très importante au sein de notre système judiciaire. Elle est quasi constitutionnelle et joue un grand rôle dans les obligations du Canada en vertu de la Charte et des dispositions internationales sur les droits de la personne qui exigent qu'il prenne des mesures pour mettre fin à la discrimination. En éliminant cette protection de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le gouvernement a envoyé un message très clair, c'est-à-dire que la liberté d'expression, et carrément le discours haineux, l'emportait automatiquement sur la sécurité et la dignité des personnes ayant besoin de protection, dont les femmes. À notre avis, le gouvernement fédéral devrait revenir sur son message et faire du discours haineux un domaine de discrimination en vertu de la loi afin de donner aux femmes un outil leur permettant de demander justice lorsqu'elles sont victimes de violence en ligne.
    Le deuxième amendement dont je vais vous parler permettrait de renforcer les dispositions du Code criminel relatives au harcèlement criminel. Il fournirait une orientation interprétative sur la façon de traiter les cas de harcèlement en ligne. La disposition sur le harcèlement dans le Code criminel, l'article 264, ne mentionne pas à quel moment le harcèlement amène la victime à craindre « raisonnablement » pour sa sécurité. C'est très important, parce que la perception de menace peut varier d'une personne à l'autre, selon son sexe, son origine ethnique, son appartenance à un groupe autochtone ou son handicap. Plus précisément, les expériences de violence des femmes et les risques auxquels elles s'exposent tous les jours doivent être pris en considération lorsqu'on définit ce qui constitue une crainte raisonnable.

  (1550)  

    La violence en ligne fait des ravages sur le plan émotif et psychologique. Comme M. Adam l'a indiqué, la violence en ligne est courante lorsque les parties sont éloignées l'une de l'autre. En fait, il y a souvent une grande distance physique qui sépare le contrevenant et la victime.
    Au moment d'interpréter le Code criminel, il est très important que les diverses parties, y compris l'appareil judiciaire et la police, comprennent qu'il s'agit de comportements qui amènent une personne à craindre pour sa sécurité et son intégrité psychologiques. Certaines décisions interprètent la disposition de cette façon, mais malheureusement, ce n'est pas appliqué de façon uniforme.
    Par exemple, il y a le cas de Patrick Fox, un homme de Colombie-Britannique, qui a affirmé « vouloir détruire son ex-femme » qui vivait aux États-Unis. Il a créé un site Web, en utilisant son nom complet, où il y présentait du contenu vulgaire, des images dégradantes d'elle et même les détails de sa vie sexuelle. Il a déclaré publiquement qu'il continuerait à la harceler tant et aussi longtemps qu'elle serait vivante ou jusqu'à ce qu'elle soit démunie et sans-abri. L'homme a été arrêté au début de 2016 pour ce comportement, mais la Couronne a refusé au départ de porter des accusations contre lui. En parlant des actes de M. Fox, un représentant de la Couronne a dit: « Nous ne pourrions pas conclure que ce comportement amène la plaignante à craindre pour sa sécurité personnelle ». Le fait que les deux personnes vivaient dans deux pays différents a contribué à cette décision.
    M. Fox a finalement été accusé cinq mois plus tard grâce à des preuves supplémentaires, mais les commentaires de la Couronne au sujet de la proximité physique sont troublants et démontrent une compréhension dépassée de ce qui constitue une crainte raisonnable pour la sécurité. Dans ce cas-ci, il était évident que le harcèlement en ligne causait des torts psychologiques.
    Pour remédier à des situations comme celle-ci, nous proposons de modifier l'article 264 du Code criminel afin d'orienter les personnes chargées de l'appliquer, y compris la police, la Couronne et les juges. Un tel amendement pourrait inclure une liste non exhaustive de ce qui constituerait une crainte raisonnable pour la sécurité, et il pourrait employer une définition qui tient compte des expériences de violence des femmes. Il pourrait également préciser qu'une crainte raisonnable pour la sécurité psychologique correspondra à certains critères, pour veiller à ce que, dans tout le système de justice, on comprenne que les impacts psychologiques du harcèlement en ligne — les impacts les plus courants — sont pris en considération.
    Ce sont deux amendements qui permettraient de renforcer les recours juridiques offerts aux femmes et aux jeunes filles qui ont subi de la violence en ligne.
    Merci.

  (1555)  

    Excellent. Merci beaucoup.

[Français]

     Nous allons maintenant commencer la période de questions.
    Monsieur  Serré, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci beaucoup à vous deux pour vos exposés et le temps que vous nous consacrez aujourd'hui. Vos points de vue sont très appréciés.
    Ma première question s'adresse à Mme Milne. Vous avez parlé de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Pourriez-vous nous en parler davantage et passer en revue les changements que vous souhaiteriez voir réintroduits?
    Bien sûr.
    Évidemment, le harcèlement en ligne peut prendre la forme de ce qu'on appelle des propos haineux, lorsque des menaces sexuelles évidentes sont proférées à l'endroit des femmes, ou lorsque des groupes de femmes sont ciblés par des menaces flagrantes. À notre avis, il s'agit de propos haineux sexistes.
    Bien entendu, le Code criminel renferme des dispositions sur les propos haineux. Toutefois, selon nous, il est extrêmement important que le gouvernement précise que ce type de comportement a une incidence sur les droits des femmes et sur d'autres protections relatives aux droits de la personne. Plus précisément, il est important que les victimes aient accès à un régime juridique axé sur leurs besoins et la nécessité de préserver leur intégrité, plutôt que sur le coupable, ce qui est visiblement une critique courante du système de justice pénale. De plus, on doit fournir aux femmes les moyens d'agir... de sorte qu'elles ne dépendent pas des autorités pour obtenir justice.
    Par exemple, les femmes autochtones peuvent avoir toutes sortes de raisons pour ne pas vouloir s'adresser à la police ou à l'État afin que justice leur soit rendue. Ce que je propose offrirait une autre option aux femmes et permettrait de reconnaître le type de torts subis et le fait que ces torts, lorsqu'ils sont de nature sexiste, peuvent réellement porter atteinte à la dignité humaine et aux droits de la personne.
    Merci.
    Monsieur Adam, en 2014-2015, le Comité sur les modifications législatives de l'Association canadienne des chefs de police s'est penché sur la Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, qui a été adoptée en 2014. Selon vous, existe-t-il encore des lacunes dans la Loi destinée à protéger les jeunes femmes et les filles contre la cyberviolence? Si oui, quelles sont vos suggestions pour y remédier?
    Je vais répondre de façon générale afin d'englober le plus d'aspects possible. Lorsque nous enquêtons sur des crimes commis dans le cyberespace, nous nous heurtons à cinq principaux obstacles.
    Le premier est l'absence d'une loi qui nous permet d'obtenir en temps opportun des renseignements de base sur les abonnés. Nous devons au moins être en mesure de recueillir de l'information à partir de ce qui était autrefois l'annuaire téléphonique pour orienter notre enquête.
    Le deuxième est le recours au chiffrement. Les contrevenants se cachent derrière des systèmes d'encodage indéchiffrables, ce qui nous empêche d'obtenir des preuves.
    Le troisième est le manque de normes en matière de conservation des données pour les fournisseurs de services de télécommunications, ce qui s'applique directement au présent cas et à toute autre infraction criminelle pour laquelle on ne peut pas demander à ces fournisseurs de nous donner, même en vertu de nos pouvoirs, l'information dont nous avons besoin pour résoudre le crime.
    Le quatrième, qui est le plus pertinent dans le cadre de cette discussion, est la nature extraterritoriale ou l'absence de frontières géopolitiques de l'Internet. En vertu des lois actuelles, il faut environ 18 mois pour obtenir des preuves d'un pays étranger signataire d'un traité d’entraide juridique. Cela ne convient pas du tout.

  (1600)  

    Monsieur Adam, est-ce que cette question relève du droit international? Y a-t-il quelque chose qu'on pourrait faire...?
     Il s'agit d'un traité d'entraide juridique bilatéral. Il faudrait revoir le traité.
    Madame Milne, vous avez formulé quelques recommandations, et j'aimerais qu'elles figurent au compte rendu.
    Vous avez fait allusion à la protection de la vie privée sur les médias sociaux, par exemple Facebook et Twitter. Selon vous, qu'est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour améliorer ces deux médias sociaux?
    C'est un peu difficile. Nous avons préparé un rapport de 90 pages qui a été déposé avec toutes nos recommandations, mais je peux vous donner une idée de certaines d'entre elles. L'une des choses que nous avons recommandées, c'est que par l'intermédiaire du CRTC ou d'une agence semblable de protection des consommateurs en ligne, le gouvernement fédéral joue un rôle plus ferme dans la réglementation de ces types de plateformes de médias sociaux qui sont exploités au Canada et, en particulier, les réglemente avec l'objectif de normaliser le protocole relatif à la réaction, quand une personne fait une plainte au sujet du comportement de quelqu'un d'autre en ligne. En ce moment, ce que nous disent les femmes, c'est que les réponses se donnent à l'aveuglette et qu'elles sont très sporadiques. Il nous faut donc des normes de base que les exploitants au Canada doivent respecter. En particulier, je pense que cela se ferait vraisemblablement mieux avec les gros exploitants. Je pense que ce serait plus difficile avec les petits exploitants qui émergent. Je crois qu'au bout du compte, il est très pertinent que le gouvernement fédéral, compte tenu de sa compétence, s'occupe de réglementer ces types de fournisseurs de services.
    Avant de passer à M. Adam, je vais vous demander s'il est possible de transmettre ce rapport au Comité.
    Oui, absolument. Je peux l'envoyer.
    Merci.
    Monsieur Adam, avez-vous des suggestions venant de votre association? Avez-vous des recommandations?
    L'ACCP s'est penchée sur la question extraterritoriale. Les grands fournisseurs de médias sociaux ne se trouvent généralement pas au Canada, alors nous avons envisagé la question sous l'angle du chiffrement. S'il est possible de le faire, comment réglementerions-nous le chiffrement au Canada? Cependant, dans les cas où les applications et les fournisseurs de services se trouvent à l'extérieur du Canada, il est rapidement devenu évident qu'il serait extrêmement difficile de réglementer le chiffrement afin de l'interdire. Je crois qu'il y a un parallèle à faire avec les fournisseurs de réseaux sociaux quand ils se trouvent à l'extérieur du Canada et de notre portée, si je puis dire. Je ne sais pas vraiment si des règlements pris au Canada auraient beaucoup d'effet.
    Très bien. Votre temps est écoulé.
    C'est maintenant au tour de ma collègue, Mme Vecchio.
    Je vous remercie beaucoup d'être venus.
    Je vais commencer par vous, monsieur Adam. De nombreuses personnes et organisations qui sont venues nous parler nous ont dit qu'elles estiment la formation inadéquate, en première ligne. La police qui intervient et les premiers répondants ont de la difficulté à traiter avec les victimes de cybercriminalité.
    Les victimes de cybercriminalité signalent qu'elles ont obtenu des réponses et des conseils différents. Sur ce plan, estimez-vous la réponse uniforme? Estimez-vous plutôt que chaque station ou chaque administration a des façons différentes de traiter la cyberviolence?

  (1605)  

    D'après mon expérience, notamment au sein du comité sur la cybercriminalité, je dirais que oui — c'est uniforme.
    La stratégie et la raison derrière l'organisation de l'assemblée générale sur le cybercrime étaient en partie d'informer les chefs et leurs adjoints de cette lacune. Le thème était axé sur les vraies victimes de vrais crimes. La réponse à un incident que j'appellerai un cybercrime, faute de meilleur terme, doit faire l'objet d'un même degré d'attention que celui qui est accordé à une entrée par effraction dans une maison, par exemple.
    Habituellement, on aurait eu une entrée par effraction, ou un vol de vêtements accrochés à la corde à linge. Un membre de la GRC ou quelqu'un d'autre serait venu, quelqu'un aurait peut-être prélevé des empreintes digitales, pris des photos, ce genre de choses. De nos jours, malheureusement, à bien des endroits, faute de bien savoir ce qu'on peut faire et ce qu'on ne peut pas faire, il se dit des choses comme: « Merci, mais je ne sais pas trop quoi faire de cela. Est-ce vraiment un crime? » ou « N'allez pas sur Internet. »
    Nous travaillons très fort à établir le premier pilier de notre stratégie, soit l'intégration des capacités de cyberenquête, de manière à acheminer jusqu'aux premiers répondants ce qui représenterait au moins une connaissance de base des effets de la cybercriminalité.
    Cela fait plus que répondre à ma question. Quels genres d'outils offrez-vous pour le soutien à l'exécution de la loi? Est-ce qu'il y a des outils ou des ressources pour lesquels le gouvernement fédéral devrait aussi vous aider?
    La section de la haute technologie du Collège canadien de police a des cours en ligne à l'intention des membres des forces policières. Il y a d'autres formations. Nous travaillons avec nos partenaires de l'étranger à obtenir pour les policiers canadiens l'accès gratuit à leurs programmes de formation sur la cybercriminalité. Toutes ces choses sont là, et nous les mettons à la disposition des gens sur le terrain pour qu'ils s'en servent, qu'ils comprennent et qu'ils agissent en conséquence.
    Je ne crois pas que le gouvernement fédéral puisse faire quoi que ce soit que nous ne faisons pas sur ce plan en ce moment. C'est essentiellement une question de volume.
    Merci beaucoup. Je vais maintenant m'adresser à Kendra.
    Quel est le plus important facteur juridique qui vous empêche de traduire les cybercriminels en justice? Quel est-il d'après vous? Je sais que vous reconnaissez que nous nous penchons sur les droits de la personne, sur les propos haineux et diverses autres choses de ce genre. Je sais qu'il est difficile de préciser cela, mais où faut-il commencer?
    Je pense que ma réponse serait dans une grande mesure la même que pour les obstacles du système de justice pénale qui empêchent les femmes d'obtenir justice en cas d'agression sexuelle ou d'autres formes de violence. J'apprécie les observations de M. Adams et les questions sur les façons d'améliorer la formation des intervenants de première ligne. Il faut que la formation dépasse les aspects techniques et ce qui est techniquement illégal dans cela, ainsi que les pouvoirs d'enquête technique, parce que je pense qu'on ne comprend réellement pas les types d'effets de la violence en ligne sur les personnes. Faute de proximité physique et de risque de violence physique ou de preuve matérielle de la destruction de biens, il est possible de banaliser ces crimes et de les voir comme étant moins graves et non prioritaires.
    Nous ferions les mêmes recommandations dans nombre de situations: comprendre la dynamique de la violence fondée sur le sexe. Dès que vous comprenez la dynamique de pouvoir et de contrôle qui sous-tend réellement la violence, vous pouvez voir bien plus clairement comment la violence en ligne perpétue cela et cause de très graves préjudices aux victimes.
    En ce moment, du policier jusqu'au juge, on semble avoir de la difficulté à en comprendre la gravité et les effets réels. Cela semble moins prioritaire.
    Je vais laisser les quelques minutes qui me restent à Mme Harder. Je lui cède mon temps.
    Merci beaucoup.
    Kendra, j'apprécie vraiment ce que vous avez soulevé concernant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Vous avez dit que des dispositions avaient été abrogées et qu'il serait avantageux de les rétablir.
    L'autre chose qu'on a faite en 2013, c'est de proposer une loi concernant la lutte contre la cyberintimidation qui est entrée en vigueur en 2015. C'était le projet de loi C-13. La loi a été annulée par les tribunaux parce qu'elle portait atteinte à la vie privée des Canadiens, semble-t-il.
    Si nous envisagions de rétablir des dispositions comme celles de la Loi sur les droits de la personne qui ont été abrogées en 2013, ou si nous envisagions la possibilité de proposer des dispositions législatives concernant la lutte contre la cyberintimidation, comment trouver l'équilibre entre la protection de la vie privée des personnes et la liberté de parole que les gens ont en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, et la protection des victimes? Comment pouvons-nous équilibrer cela, en tant que législateurs?

  (1610)  

    Je ne crois pas qu'il y ait une réponse facile. Je pense qu'en cas de conflit entre des droits de la personne, qu'il s'agisse de la protection de la vie privée ou de la liberté de parole par rapport au droit à la sécurité, ou du droit à l'égalité par rapport au droit à ne pas subir de discrimination, c'est vraiment difficile. Je peux dire, par exemple, que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne n'étaient pas nouvelles; elles existaient depuis un bon moment. La Colombie-Britannique a des dispositions très semblables, dans sa loi sur les droits de la personne, mais cette province n'a pas compétence en matière de communications et de télécommunications fédérales, alors cela ne s'applique pas.
    La clé, c'est que nous pouvons tirer des leçons de certaines des tentatives législatives, en particulier en Nouvelle-Écosse, où la loi a été adoptée très rapidement, mais dont la portée était vraisemblablement excessive. Il est essentiel de vraiment réfléchir à cela et de consulter sur les façons d'équilibrer ces éléments.
    Quand il s'agit du processus lié aux droits de la personne, je pense qu'il comporte en soi la capacité d'équilibrer ces droits. Dans ce processus, le plaignant établit la preuve de la discrimination, et le défendeur a la possibilité d'en faire la justification. Cette justification peut comporter des choses comme ses droits prévus par la Charte et qui sont en jeu, la liberté religieuse ou des choses de ce genre. Il comporte donc en soi un processus d'équilibrage.
    Ce qui est impossible, c'est qu'on décide par voie législative qu'un droit l'emporte sur l'autre sans tenir compte de la situation individuelle. Pour commencer, cela érode les mesures de protection des femmes, mais en plus, cela envoie un affreux message à propos de la façon dont on accorde la priorité à ce qui est souvent un discours haineux, par rapport aux droits fondamentaux.
    Je suis désolée, mais le temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Moore. Bienvenue. Vous avez sept minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente
    Monsieur Adam, j'aimerais vous poser quelques questions.
    Il y a de nombreux événements qui se produisent régulièrement en ligne et que les femmes ne rapportent jamais. Par exemple, quand elles s'inscrivent dans un site de rencontres, elles peuvent recevoir des photos qu'elles n'ont absolument pas sollicitées de la part personnes dénudées et se faire aborder de toutes sortes de façons. Elles peuvent aussi se faire demander d'envoyer des photos en étant nues. C'est un peu harcelant. Or ces choses ne sont jamais rapportées. La plupart des personnes savent qu'il serait complètement fou d'essayer de les rapporter parce qu'elles sont malheureusement souvent exposés à ces aspects à plusieurs reprises au cours de l'année. Elles se contentent donc de bloquer ces envois et d'effacer le tout.
    À votre avis, le fait que ces comportements ne soient jamais punis et que rien ne se passe ne contribue-t-il pas un peu à l'escalade de la violence au chapitre des comportements?
    En fait, les premiers comportements qui tendent vers la violence ou qui sont violents ne sont presque jamais punis. Ainsi, on ne stoppe pas l'escalade de la violence. En somme, l'intensité des gestes augmente graduellement sans qu'il y ait de conséquences. À un moment donné, il y en a peut-être, mais ce serait rendu très loin dans l'escalade avant que ce soit rapporté, qu'on ait enquêté et qu'il y ait eu des conséquences.

[Traduction]

    Il y a plusieurs éléments, dans cela. Premièrement, il ne s'agit pas que de cybercriminalité, mais il est aussi question du type d'événement qui, je crois, est systématiquement sous-déclaré. Je ne peux parler de la raison de cela qu'en fonction de ma propre expérience, et c'est que la victime se sent souvent de nouveau victimisée à cause du processus de justice pénale. Faire un signalement et se retrouver dans le système de justice pénale est très intimidant. Bien entendu, ce n'est pas ce dont la personne a besoin à ce moment.
    Le Code criminel du Canada comporte assez de dispositions pour nous permettre de traiter de ce type d'événements une fois que nous sommes mis au courant. La clé, c'est d'en être informé. Pour la question du cybercrime — purement le cybercrime —, il n'y a pas de point central de signalement. Nous n'avons aucune façon en ce moment de savoir si un événement, comme des menaces ou du harcèlement, s'est produit en ligne ou hors ligne. Nous devons apporter ces changements dans le système de Statistique Canada et dans nos propres systèmes de gestion des dossiers pour pouvoir avoir une idée de ce qui se produit et qui est signalé. On envisage de demander le soutien du gouvernement pour un dispositif centralisé d'harmonisation — un centre national de coordination pour la cybercriminalité — qui permettrait les signalements à un seul endroit, en ligne ou en personne, ce qui nous donnerait au moins une idée de ce qui se passe.

  (1615)  

[Français]

     Pareil geste peut facilement être posé une fois par semaine, particulièrement par des jeunes filles. Les plaintes surviennent à une certaine fréquence, mais vous dites qu'elle seraient sous-déclarées.
    Si, du jour au lendemain, un service de police avait à gérer un plainte par semaine provenant de toutes les femmes de moins de 40 ans, il me semble évident qu'il n'en aurait pas les capacités. Il serait complètement débordé et n'arriverait même pas à prendre toutes les dépositions, ne serait-ce qu'au sujet des envois de courriels et ainsi de suite.
    Y aurait-il moyen de faire en sorte que le système soit beaucoup plus efficace pour assurer un traitement rapide des cas?

[Traduction]

    Vous avez tout à fait raison de dire que nous serions débordés et que nous n'avons pas la capacité requise. Je reviens à la façon dont le cyberespace a évolué. Ce qui manque, ce sont de bonnes pratiques d'hygiène en matière de sécurité numérique de la part de tout le monde. Je parle de prévention.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, si une personne est à l'aise à la maison, qu'elle ne reçoit pas de signaux de menaces et qu'elle n'est pas consciente du danger qu'elle court et des personnes à qui elle a affaire, cette personne pourrait être victimisée et l'est peut-être déjà. Où trouve-t-on d'excellents systèmes et produits d'éducation pour dire à nos citoyens comment se protéger et éviter les problèmes quand ils n'ont pas d'intrants sensoriels leur indiquant qu'ils ont des problèmes? Ce n'est pas aussi solide qu'il le faudrait.
    Comme je l'ai dit à propos de la stratégie, l'un de nos éléments est la dissuasion. Nous offrons aux écoles un programme de sensibilisation aux dangers de la drogue. Si nous remplaçons « de la drogue » par « du numérique », nous devrions pouvoir transmettre le même genre d'idée aux jeunes. Commencez tôt, éloignez-les des contextes propices aux sextos, et rappelez-leur sans cesse qu'Internet n'est pas un lieu où tout tombe dans l'oubli. Vous y êtes en permanence. Les gens ne comprennent pas, quand ils sont dans leur cuisine, pantoufles aux pieds et café à la main, que ce qu'ils disent en ligne ne disparaîtra jamais. C'est là. Il est très difficile, sinon impossible, de tout retirer.
    C'est l'éducation et la prévention qu'il faut mettre de l'avant, car si les gens commencent à percevoir une tendance à la violence, ils peuvent rapidement y mettre un frein.

[Français]

    Y aurait-il aussi des outils à utiliser auprès des jeunes hommes qui pourraient vouloir pousser leurs remarques un peu trop loin? Y aurait-il des outils d'intervention pour leur permettre de s'ajuster rapidement et de comprendre vraiment jusqu'où ils peuvent aller dans un message en ligne ou de leur indiquer quelle est la limite à ne pas franchir?

[Traduction]

    Le processus d'éducation serait le même que pour réduire la victimisation et l'exploitation des jeunes. Il s'agirait de mieux informer tout le monde des règles de courtoisie, de comportement, etc. sur Internet, puis il est à espérer que l'expérimentation pourrait cesser au moins partiellement quand les enfants se mettent à s'essayer sur Internet.

[Français]

    Madame Moore, je regrette, mais le temps dont vous disposiez est écoulé.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. Fraser, pour sept minutes.
    Merci beaucoup.
    J'ai trouvé vos deux exposés fascinants.
    Je vais commencer par vous, madame Milne. J'ai trouvé ce que vous avez dit très intéressant au sujet de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de la nécessité d'une justice axée sur la victime, ce qui semble manquer au système pénal actuel, bien honnêtement. J'aimerais savoir si vous pensez qu'un changement de paradigme fondé sur la Loi canadienne sur les droits de la personne encouragerait davantage de femmes à faire des plaintes en cas de cyberviolence sexuelle.

  (1620)  

    Je pense que oui, absolument. Je ne sais pas s'il faut s'éloigner du droit pénal pour s'axer sur les droits de la personne. Je pense que les deux avenues doivent être là pour les femmes. Beaucoup de recherches semblent indiquer que parfois, les femmes ont des raisons très valables de ne pas s'adresser à la police, que ce soit parce que ce processus a pour effet de les victimiser de nouveau, ou parce qu'il ne se concentre pas sur elles, ou encore qu'il ne comporte pas les mesures d'aide aux victimes qu'il faudrait. Les raisons sont diverses. Je pense qu'il est essentiel d'offrir aux femmes diverses options qui leur permettent d'exercer un plus grand contrôle.
    Je ne peux parler que de ce qui se vit en Colombie-Britannique, mais c'est un problème fondamental, ici, car il n'y a pas d'aide juridique pour le système des droits de la personne. Le système fédéral est un peu différent, parce qu'il y a la Commission des droits de la personne, mais s'il y a une réorientation visant à étendre les mesures de protection des droits de la personne dans ce domaine, il est clair que le système doit être véritablement accessible aux femmes. Cela exige qu'elles aient de l'aide juridique pour accéder au système.
    C'est excellent. Je présume que vous nous recommandez de permettre l'accès à l'aide juridique aux personnes qui font des demandes fondées sur les droits de la personne pour des problèmes comme la cyberviolence.
    Tout à fait. Je crois que c'est essentiel pour toutes formes de violence faite aux femmes, y compris le harcèlement au travail et toutes sortes de choses.
    Excellent. Je trouve que la norme de preuve hors de tout doute raisonnable, en droit pénal, est décourageante pour une personne qui doit prouver que quelque chose s'est produit en ligne, surtout si les forces policières accusent un retard technologique. Cependant, dans un monde parfait où nous pourrions concevoir le système à partir de zéro dans un contexte tourné vers les droits de la personne et le droit civil, trouvez-vous que nous devrions nous en tenir à la prépondérance des probabilités, dans le contexte de droit civil, ou plutôt recourir à un seuil différent?
    Non. Je pense que la prépondérance des probabilités pour la preuve prima facie de discrimination fonctionne bien dans le système des droits de la personne.
    Quant aux motifs de discrimination interreliés, vous avez mentionné en guise d'exemple que les femmes autochtones, pour diverses raisons, sont peut-être moins portées à faire des plaintes au criminel. J'ai tendance à croire qu'il en va de même pour toute démarche axée sur le gouvernement. Il y a toujours des segments de la population qui n'ont pas confiance au gouvernement, peu importe pour quelles raisons valables.
    Est-ce qu'il existe un système communautaire ou un processus de réparation qui vous vient à l'esprit ou que vous nous recommanderiez d'adopter pour encourager les gens de milieux très variés à faire des plaintes?
    Je pense que le scénario le plus favorable pour toutes réponses à la violence faite aux femmes englobe la gamme complète des solutions. En ce qui concerne la violence en ligne, cela englobe le système pénal et le système des droits de la personne. Idéalement, il y aurait aussi une forme de réglementation des fournisseurs de services qui permettrait au besoin, dans la plateforme média utilisée, de faire retirer une photographie ou de veiller à ce qu'une personne bloquée le soit efficacement, s'il ne s'agit que de cela.
    Je crois qu'il faut des organisations communautaires de femmes qui peuvent aider et conseiller les femmes qui choisissent de ne pas recourir aux systèmes de l'État ou du fournisseur de services afin qu'elles puissent laisser derrière elles ce qui leur est arrivé.
    Des témoins qui ont comparu pour cette étude ont préconisé une justice réparatrice, qui permettrait la réinsertion des contrevenants. Ils ont aussi mis espoir dans leur intégration durable dans la société. En même temps, ça aiderait les victimes à tourner la page.
    Pourrions-nous nous en remettre à des modèles existants qui ont réussi à promouvoir un tel système?
    Je n'en connais aucun, surtout parce qu'ils tendent à ne pas toujours être les meilleurs contre la violence, en raison des rapports de force en jeu. Il pourrait cependant y en avoir contre le harcèlement en ligne, qui est moins une extension de la violence conjugale et de la violence dans les relations et plus une tentative, par un étranger, d'empêcher une femme de s'exprimer, ce genre de chose. Ils pourraient certainement mieux convenir à ce genre de situation, mais je n'en ai aucun, en particulier, à vous proposer.
    Merci beaucoup.
    Je m'adresse maintenant à l'Association canadienne des chefs de police pour discuter un moment d'outils.
    Vous avez parlé des traités d'entraide juridique et des délais de 18 mois auxquels ils peuvent donner lieu. Ça me sidère. J'ai une certaine expérience de ces traités et des lettres rogatoires, et, dans des affaires avec le secteur privé, nous avons pu agir en quelques semaines.
    Pourquoi ces délais si démesurés?
    Par exemple, si nous devions exécuter un mandat de perquisition dans une entreprise des États-Unis ou d'un autre pays signataire d'un tel traité, nous devrions soumettre le dossier à l'approbation d'un juge canadien qui déciderait que, à première vue, il existe des motifs suffisants et raisonnables de croire qu'un acte a effectivement été commis. Ensuite, nous communiquerions le mandat à notre groupe des systèmes internationaux, qui entrerait en contact avec le ministère de la Justice ou l'autre pays, lequel essaierait d'adapter la documentation aux besoins de la juridiction où le mandat pourra être exécuté, ce qui est délicat en raison du grand nombre de dispositions auxquelles il faut satisfaire.
    Ensuite, le mandat serait confié à la police, au FBI ou à l'organisation avec laquelle on transige. Il serait ensuite présenté à un autre juge, après quoi il serait exécuté. Selon la nature de la demande, 30, 40 ou même 50 jours pourraient être nécessaires pour l'obtenir, en fonction, encore...
    Entre le moment où nous mettons le processus en branle et celui où nous obtenons les données, 18 mois peuvent s'être écoulés. Ce n'est malheureusement pas rare.

  (1625)  

    Je crois qu'il me reste un peu moins d'une minute. Vous avez mentionné la collaboration avec la société civile.
    Ma question s'adresse aux deux témoins.
    Qu'est-ce qui rend les partenariats entre la police et la société civile plus efficaces pour l'appui donné à la victime après un incident de cyberviolence?
    J'en ai pour 30 secondes. La police est le moyen de choix du gouvernement pour assurer la sécurité publique. C'est sa mission. Nous nous occupons aussi de la victimisation et des services aux victimes, etc., mais ce n'est pas notre premier rôle dans la société.
    En partenariat avec des organisations privées, nous renforçons l'action sur les deux plans en nous occupant de la sécurité publique et de la victime.
    J'ajouterais simplement l'appui aux services aux victimes, particulièrement les services ciblant les femmes et peut-être les services spécialisés pour les femmes autochtones qui ont des besoins différents de ceux des femmes non autochtones. Il faut veiller à vraiment cibler les réponses. Ça passe souvent par la société civile et un partenariat avec des organisations qui connaissent déjà bien ces communautés.
    Excellent. C'est tout le temps que vous aviez.
    Je pense que nous avons le temps pour une autre intervention de cinq minutes.
    Madame Harder.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Adam, c'est pour vous.
    Vous avez exposé quatre recommandations pour nous, les législateurs, des modifications qui pourraient faciliter votre travail de police. Je me demande si vous pouvez nous décrire un peu plus en détail ce que nous devons faire à partir de maintenant. Nous, les législateurs, nous voulons certainement que des mesures soient prises plutôt que de seulement rédiger un rapport théorique.
    Si vous pouviez nous donner plus de détails et nous faire comprendre en simplifiant un peu, parce qu'il ne nous reste peut-être que quatre minutes, des modifications qu'on pourrait faire et qui aideraient la police, au Canada, à accomplir un travail plus efficace, ça nous aiderait beaucoup.
    Le plus facile, d'abord, est de rédiger une loi satisfaisante qui nous permettrait d'obtenir rapidement des renseignements de base sur les abonnés quand les attentes raisonnables en matière de respect de la vie privée sont limitées ou nulles. C'était l'arrêt R. c. Spencer.
    Ensuite, il y a la résolution adoptée par l'Association canadienne des chefs de police qui obligerait à produire un mot de passe plus ou moins complexe pour déverrouiller le dispositif ou les données détenues par un accusé. Il serait délivré en vertu d'une autorisation judiciaire. Ce n'est pas un outil de police. C'est le juge qui ordonnerait le déverrouillage du dispositif pour accéder aux données, aux éléments de preuve.
    Pour la conservation des données, nous avons besoin d'un règlement qui exige de nos fournisseurs de services de télécommunications de conserver, pendant peut-être deux ans, les principales métadonnées qui nous permettraient de retracer une transmission en vertu d'un pouvoir légitime.
    Enfin, la simplification du processus des traités d'entraide juridique, qui conserverait au mandat délivré légalement par un juge, dans un pays mandaté — le Groupe des cinq, par exemple —, la même validité dans un autre, s'il est avalisé par la juridiction dans laquelle il serait exécuté.
    Merci beaucoup.
    Je comprends que c'est très simple, mais, au moins, ça nous aide.
    Pourriez-vous recommander un autre témoin que nous pourrions convoquer pour discuter plus en profondeur des sujets soulevés aujourd'hui?

  (1630)  

    Je pourrais proposer une large palette de témoins.
    Je ne suis pas certain de vos orientations, parce que je suis en quelque sorte représentatif à ce point. Ce serait très semblable.
    Vous nous avez énuméré quatre modifications, qui, à mon avis, sont excellentes, qu'il nous faut examiner de manière approfondie.
    Si ce n'était pas trop vous demander — ça nous serait certainement utile — pourriez-vous nous dresser la liste d'un certain nombre de spécialistes qui, d'après vous, pourraient nous parler de vos recommandations d'aujourd'hui?
    Je ferai tout mon possible pour le faire.
    Ce serait super.
    Merci beaucoup.
    Est-ce que j'ai encore une minute?
    Vous n'êtes pas obligée de l'employer.
    Je conclurai en vous remerciant, chacun de vous. Franchement, vous nous avez communiqué des renseignements très utiles. Vous étiez préparés, à nous aider, et nous, en notre qualité de législateurs, nous l'apprécions certainement.
    Nous avons cette question très à coeur, elle nous passionne, prendre position pour les Canadiennes et veiller à les protéger contre la violence. Vous contribuez à nous donner les moyens de modifier la loi pour que ça devienne réalité.
    Merci.
    Excellent. Très bien dit. Nous apprécions certainement votre expertise.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant deux minutes, le temps de nous préparer à accueillir le prochain témoin.
    Merci de votre participation. La séance reprend dans deux minutes. La séance est suspendue.

  (1630)  


  (1630)  

    Reprenons.
    Nous sommes excités d'accueillir, depuis Washington, par vidéoconférence, Mme Soraya Chemaly, qui représente le Women's Media Center, où elle est la directrice du Speech Project.
    Soyez la bienvenue. Nous avons hâte d'entendre votre déclaration préliminaire. Vous disposez de dix minutes.

  (1635)  

    Bonjour. Je me nomme Soraya Chemaly et je suis la directrice du Speech Project du Women's Media Center. Notre travail vise à réduire les comportements abusifs en ligne et à augmenter la liberté d'expression. À cette fin, nous collaborons avec des entreprises du secteur des technologies, des avocats de la société civile et le législateur qui, ensemble, essaient de mettre fin à la violence fondée sur le sexe et à la violence intersectionnelle. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous sur ce sujet important.
    Je sais que, récemment, le West Coast LEAF a comparu devant vous. Il accomplit un travail très utile de sensibilisation à l'ampleur du harcèlement en ligne, expression vraiment anodine pour décrire toute une gamme complexe de comportements malicieux. Pour revenir à ce que Kendra a dit, nous croyons que le harcèlement en ligne est vraiment inséparable de la violence « hors ligne », à tel point que la taxinomie que nous avons créée et que je suis heureuse de communiquer aux intéressés se fonde sur le modèle de violence domestique de Duluth, qui accorde une grande place à la force et au contrôle.
    Je crois être la dernière à témoigner sur le sujet. Je voudrais m'arrêter, en allant dans les détails, aux coûts de ce harcèlement, qui sont souvent minimisés. C'est ce qui empêche d'élaborer des solutions juridiques, sociales et techniques efficaces.
    D'abord, je ne saurais trop insister sur le fait que ce harcèlement entrave beaucoup la liberté d'expression des filles et des femmes et leur participation à la vie de la société et à la vie politique. C'est une forme de résistance directe, qu'il faut reconnaître comme telle, à la participation paritaire des filles et des femmes dans la sphère publique.
    Le discours artistique, créateur et politique des femmes est constamment contesté par des individus et des groupes, mais, et c'est important, il l'est aussi par les institutions, par des méthodes dont je parlerai. Il est en quelque sorte exclu des plateformes par les modérateurs.
    D'après des études mondiales, une fille et femme sur cinq estime que l'Internet est un lieu qui ne lui convient pas. Quand les autres femmes, les autres filles et les garçons sont témoins de ce harcèlement ou de cette surveillance, de ce dénigrement, de cette humiliation et de cette chosification publiques des femmes, ils apprennent que l'espace public n'est pas vraiment fait pour les filles et les femmes.
    Partout et à tous les niveaux de la politique électorale, les femmes, peu importe leur nuance politique, doivent affronter en ligne une hostilité omniprésente, y compris, dans certains pays, des formes de sextorsion par des membres de leurs propres partis aidés de moyens électroniques et, presque uniformément, la pornification. Les femmes témoins de ce harcèlement s'éloignent de la participation politique.
    De même, les femmes journalistes sont parmi les cibles les plus fréquentes du harcèlement. J'ai abordé ce travail en écrivaine. Presque immédiatement après m'être engagée dans les médias sociaux, je me suis heurtée à un harcèlement très explicite et très violent. J'en ai été secouée.
    La sécurité et la prévention de la violence doivent être les sujets centraux de notre discussion, mais en ne nous concentrant que sur elles, nous risquons de revenir aux solutions et aux méthodes paternalistes qui tendent à faire fi de la liberté d'expression des femmes.
    Dans le cas des personnalités très connues, susceptibles de faire le plus parler d'elles dans les médias, l'anonymat est souvent cité comme le principal responsable. C'est cependant faux et c'est peut-être, en fait, une illusion dangereuse. Ce n'est pas un facteur dans la majorité des cas de violence contre les femmes, comme c'est le cas de la violence « hors ligne ». Les femmes sont harcelées en ligne, comme les filles, par des connaissances, leurs camarades de classe, leurs partenaires amoureux, des voisins, d'ex-partenaires amoureux, leurs employeurs et, dans certaines collectivités, les autorités familiales, religieuses et politiques. Dans de nombreux cas, l'anonymat est essentiel et il fournit à la vie privée et à la personne la protection qui, sinon, empêcherait leur participation.
    Avec un bon recul, le harcèlement qu'affrontent les femmes en ligne est prévisible. C'est simplement la manifestation la plus récente de la vieille hostilité à l'égard des femmes qui pénètrent les espaces traditionnellement dominés par les hommes. C'est en effet le corollaire numérique, aujourd'hui, du harcèlement dans la rue.
    Bien franchement, il est redondant de parler de « domination par l'homme », quand il s'agit de presque tout le secteur public. En ligne ou « hors ligne », par exemple, les femmes dans les domaines des finances, de la politique, des sports, des sciences exactes et de la technologie sont victimes de taux élevés de harcèlement sexuel et de résistance à leur participation paritaire. C'est particulièrement consécutif, cependant, dans le secteur de la haute technologie, non seulement au harcèlement des femmes dans ces espaces, mais aussi à la conception et à la fabrication des produits et au mode d'élaboration des politiques qui s'ensuit. Par exemple, on emploie en ligne des tactiques qui n'enfreignent aucune loi et qui ne le devraient pas, mais elles enfreignent les conditions de service et les lignes directrices à l'usage des utilisateurs de plateformes particulièrement influentes.

  (1640)  

    Beaucoup de plateformes privées qui comptent maintenant plus de « citoyens » que certains pays réglementent le discours et décident en permanence, tous les jours, de ce qui est inoffensif, violent, menaçant, moral et nocif. J'inclus donc dans la définition de « harcèlement » l'absence de diversité de l'industrie, ses politiques de modération et sa défausse de ses responsabilités sur des algorithmes.
    Ensuite, le harcèlement augmente efficacement l'hypervigilance nécessaire des femmes et leur tolérance sociale pour la violence fondée sur le sexe, de même que l'incapacité de la loi de reconnaître comme légitimes les atteintes émotives et psychologiques. Les femmes se soucient de leur sécurité physique et de la sécurité de leur famille immédiate. Mais elles signalent aussi une détresse psychologique, une anxiété, une dépression, une colère profondes, parfois débilitantes, et un stress post-traumatique. Les femmes, pour assurer leur sécurité, doivent supporter des coûts financiers beaucoup plus élevés. Elles paient des assurances, des thérapeutes, des gestionnaires de leur réputation, des coûts de déplacement plus élevés et d'autres dépenses connexes.
    Ensuite encore, les comportements abusifs et les menaces limitent les occasions qui s'offrent aux femmes sur le plan social, éducatif, professionnel et économique. Les menaces dirigées vers la capacité des femmes de gagner leur vie sont particulièrement évidentes quand le comportement abusif est une forme de la violence que manifestent le partenaire intime et des connaissances, comme la traque ou les incidents de pornographie rancunière. Ce harcèlement entrave aussi la capacité des filles et des femmes, dans les marchés émergents et les nouveaux secteurs de l'économie de profiter des possibilités économiques qui, nous le savons, existent.
    On me demande souvent pourquoi je ne parle que des femmes, puisque n'est-il pas vrai que tout le monde subit du harcèlement. C'est vrai, tout le monde est harcelé ou peut l'être. Mais le harcèlement que subissent les filles et les femmes en ligne est presque toujours intersectionnel, ce qui signifie qu'il est beaucoup plus susceptible de se produire. Au sexe s'ajoutent la race, la religion, la classe sociale, l'ethnie, les handicaps et l'identité sexuelle, ce qui rend plus probable le ciblage des femmes. De la même manière, les femmes musulmanes subissent le gros des comportements abusifs intersectionnels. Beaucoup de réponses proposées au problème du harcèlement et de la haine font fi de cette réalité, de sorte que, en fin de compte, nous ne trouvons pas de solutions applicables aux femmes.
     Les filles et les femmes constituent aussi la majorité des cibles des formes les plus graves d'agression en ligne: humiliation publique collective, attaques collectives, vidéos de viols, extorsion et publication de renseignements personnels, sexualisation non consensuelle, traque et surveillance augmentée par des moyens électroniques. Les harceleurs tirent leur pouvoir du fait historique que les femmes continuent de vivre au milieu de toutes sortes de normes sexistes et patriarcales, qui prévoient, par exemple, qu'elles seront jugées pour leur comportement sexuel et qu'elles seront humiliées et pénalisées à cause de cela dans leur communauté.
    Enfin, il existe un lien direct entre l'absence de diversité dans le secteur de la technologie et l'exacerbation des comportements abusifs qui ont marginalisé l'expérience des gens. Des facteurs démographiques influent sur la conception, et la conception de ces systèmes sociotechniques favorise souvent les préjudices plutôt que la compréhension, dès le début, de la façon de les prévoir et de les réduire. C'est un problème grave dans les entreprises de technologies, dans le système de justice pénale et dans l'ensemble de la société que les hommes qui détiennent le pouvoir de changer les choses — et qui restent encore un groupe remarquablement homogène — ne saisissent pas les différences entre le harcèlement qu'ils sont susceptibles de subir et le harcèlement intersectionnel que subissent la plupart des femmes. Les hommes sont plus susceptibles de se faire insulter et d'être harcelés dans des incidents exceptionnels, visant à les embarrasser, tandis que le harcèlement que subissent les femmes vise leur sexe, il est soutenu, sexualisé et le plus souvent relié à une forme de menaces de violence « hors ligne ». De plus, le harcèlement de nombreux hommes et femmes provient souvent du fait qu'ils ou elles défient des normes rigides en matière de sexe et de sexualité, et il est donc, dans un certain sens, profondément misogyne. Voilà pourquoi les jeunes LGBTA subissent jusqu'à trois fois plus que les autres jeunes l'intimidation en ligne.
    L'Internet transforme les filles et les femmes. Cependant, les qualités mêmes qui en font un espace révolutionnaire permettent aussi des variations puissantes sur de vieux thèmes: la violence contre les femmes et le contrôle culturel des filles et des femmes, parce que nous sommes des filles et des femmes. Ce médium présente une échelle et une amplification sans précédents de discrimination sexuelle et de misogynie. Les comportements abusifs en ligne ne coûtent presque rien aux coupables en temps, en argent ou en efforts. Ils sont réseautés, ils prolifèrent facilement à des niveaux exponentiels et ils produisent un registre permanent qui est facilement accessible et manipulé avec des intentions malicieuses. Les normes et les lois que, habituellement, nous invoquerions pour nous en inspirer sont tristement inadéquates.

  (1645)  

    Les juristes Danielle Citron et Mary Anne Franks font valoir que la violence en ligne est d'abord et avant tout une question de droits civils, non seulement pour les femmes, mais aussi pour tous les groupes traditionnellement marginalisés et victimes de discrimination. Dans son livre Hate Crimes in Cyberspace, Mme Citron écrit que les lois sur les droits civils permettraient d'éliminer et de punir les préjudices, ce que les solutions traditionnelles n'arrivent pas à faire: le déni du droit égal d'une personne de saisir les occasions que la vie lui offre en raison de son appartenance à un groupe traditionnellement subordonné.
    Notre objectif est d'accroître la compréhension à l'égard de la nature, de la portée et des coûts du harcèlement en ligne, de la misogynie et de la violence afin de contribuer aux cadres qui veilleront à ce que la liberté d'expression soit un droit qui s'applique de façon égale à toutes les personnes qui veulent et qui devraient prendre part à la vie publique. À cette fin, nous travaillons à concevoir la recherche, à créer des réponses juridiques, à défendre la diversité dans les technologies et à développer des systèmes de soutien dans les réseaux sociaux pour les personnes ciblées en ligne.
    Je vous remercie de consacrer temps et efforts à ce problème.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons passer à la période de questions.
    Monsieur Fraser, vous disposez de sept minutes.
    En fait, je voulais échanger avec Mme Damoff.
    Oui, monsieur Fraser, vous avez raison. Vous me l'avez dit. Je suis désolé.
    Madame Damoff, vous avez la parole.
    J'aimerais partager mon temps de parole avec Mme Nassif.
    À votre avis, dans un monde idéal, si on trouvait la façon la plus efficace de lutter contre la cyberviolence, comment le gouvernement pourrait-il travailler avec les entreprises de médias sociaux, les organismes médiatiques, les organismes d'application de la loi et le système juridique? Je sais que c'est une question très vaste, mais si vous partiez de zéro...
    Vous m'interromprez si je ne vais pas dans la bonne direction.
    À court, moyen et long terme, nous devons passer du micro au macro; donc, je crois qu'il faudrait se concentrer sur certains domaines très précis. Tout doit se faire en même temps. C'est un problème social de taille qui nécessite une intervention sociale, donc en ce qui a trait au gouvernement, je ne crois pas qu'il y ait une réponse simple. Les enjeux sont très complexes puisque le harcèlement a lieu sur de multiples plateformes et qu'il n'y a pas de façon centralisée d'aborder le problème. Par exemple, à titre de solution pratique, le gouvernement pourrait obliger les entreprises à financer un organisme de collecte centralisé qui pourrait les aider à évaluer la portée et les préjudices de certains cas.
    À l'heure actuelle, si le harcèlement se fait sur de multiples plateformes — ce qui signifie qu'il a une portée transnationale —, la personne ciblée n'a nulle part où aller. Les gouvernements n'ont aucune compétence. Il n'y a aucune forme de redressement possible. Elle consacrera beaucoup de temps, d'argent et d'efforts à passer d'une plateforme à l'autre ou à demander de l'aide. Nous avons constaté que les entreprises à elles seules ne pouvaient pas intervenir de façon adéquate parce qu'elles ne voient qu'une petite partie du harcèlement et se concentrent sur la façon de régler un problème en particulier. Ce n'est qu'une petite partie du problème.
    Pensez-vous à un organisme? Il y a un organisme qui réglemente la profession d'avocat. Songez-vous à quelque chose du genre pour les entreprises?
    En fait, le modèle auquel je pense est utilisé pour les enfants disparus et exploités; c'est un modèle international. Tout le monde le respecte. Les gens comprennent que toute image montrant l'exploitation et la maltraitance d'un enfant doit être rapportée à l'échelle internationale sur toutes ces plateformes. Nous n'avons pas nécessairement besoin d'un tel mécanisme, mais c'est un exemple de collaboration au sein de l'industrie pour aborder un problème très précis. Je crois que le modèle existe, mais que la volonté n'est pas au rendez-vous.
    Je vais vous laisser continuer, Eva.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
     Je veux remercier Mme Chemaly de sa présentation.
    On nous a dit que l'offre et la facilité d'accès à la technologie, de même que la prédisposition de tous les jeunes au milieu numérique — et pas seulement ceux que nous considérons comme étant à risques —, entraînent une plus grande probabilité pour les enfants de devenir la proie de l'exploitation sexuelle et de la cyberviolence.
    La semaine dernière, des représentants de la Gendarmerie royale du Canada nous ont affirmé qu'il y a eu, et ce, seulement en 2016, 19 000 cas rapportés de plaintes au chapitre de la cyberviolence. On nous a dit également que l'éducation en matière de connaissances numériques, de consentement, de sexualité et de relations saines est très importante dans ce contexte.
    Pouvez-vous commenter à ce sujet et nous parler des programmes qui, selon vous, sont utiles dans ce contexte et que nous pourrions éventuellement vouloir adopter?

  (1650)  

[Traduction]

    Je crois que le meilleur investissement à long terme pour régler ce problème, c'est dans l'éducation de la petite enfance. À cette fin, nous devons songer à enseigner la justice sociale en classe, à la façon dont nous abordons l'empathie et à la façon dont nous parlons aux enfants des rapports entre les sexes. Un des problèmes auxquels nous sommes confrontés, c'est que la façon dont la féminité et la masculinité se manifestent chez les enfants tend à dépouiller les garçons d'empathie. Dans la masculinité, on renonce à certaines qualités que l'on considère comme étant féminines.
    Donc, l'empathie, surtout l'empathie envers le sexe opposé, est souvent discréditée chez les garçons, mais nous devons dès les toutes premières étapes être conscients de ce que nous enseignons aux enfants sur leur forme de pouvoir et leur autonomie. Cela doit mener à la question du consentement. Comment parle-t-on de consentement? Comment parle-t-on de relations sexuelles, de relations saines? Toutes ces questions doivent être abordées avant l'âge de 9 ou 10 ans, parce que les interactions des jeunes en ligne sont déconcertantes pour les adultes, mais font partie de leur vie. Nous devons pouvoir leur offrir des leçons adaptées à leur âge au sujet de la littératie des médias, de la citoyenneté numérique et de la compassion, parce que ces technologies ont créé des interactions sociales sans précédent et nous n'outillons pas les enfants pour les gérer de manière appropriée.

[Français]

     Que considérez-vous comme étant le plus utile à cet égard? Est-ce l'éducation ou la sensibilisation?
     Ici, au Canada, l'éducation relève de la compétence provinciale. Vous avez mentionné qu'il est important de commencer très tôt, soit dès l'âge de neuf ans, à éduquer nos garçons. Jugez-vous plus important de demander aux provinces d'inscrire ce sujet aux activités d'enseignement ou plutôt d'axer nos efforts sur la sensibilisation?

[Traduction]

    Je crois qu'il faut les deux. Un des problèmes, c'est que les gens, surtout les adultes et les parents, ne réalisent pas à quel point les habitudes, les traditions et les normes traditionnelles qui s'opèrent d'une certaine façon hors ligne sont déformées en ligne. Elles se transforment de façon complètement imprévue.
    Par exemple, j'écris beaucoup au sujet de la violence sexualisée et de la façon dont la structure qui facilite la violence sexualisée se manifeste de façon très frappante en ligne. Nous savons, par exemple, que beaucoup de parents s'inquiètent du sextage. Ils craignent que leurs enfants partagent des photos intimes et dans les médias, on parle de cela comme si le sexe et la technologie étaient mauvais et dangereux, mais en réalité, on ne parle pas vraiment aux enfants de ces questions de manière responsable.
    Lorsqu'elles parlent de sextage, de nombreuses personnes ne font pas la distinction entre le sextage consensuel et non consensuel; on se retrouve donc dans une situation où les filles, à qui on a dit qu'elles étaient l'égal des garçons, s'engagent dans ces pratiques, et la plupart des adolescentes échangent des sextos avec leur copain. Elles pensent qu'elles auront droit au même respect et à des idées réciproques au sujet du consentement, mais ce n'est pas le cas. Les garçons sont deux fois — et dans certains cas cinq fois — plus susceptibles de partager des photos sans le consentement de la personne qui les a envoyées; il y a donc un écart énorme entre le sextage non consensuel et les attentes relatives à l'autonomie, à la protection de la vie privée, etc.
    Je suis désolée, mais nous n'avons plus de temps.
    La parole est maintenant à Mme Vecchio. Vous avez sept minutes, madame.

  (1655)  

    Merci beaucoup.
    C'est très intéressant de vous entendre, surtout lorsque vous parlez de politique et des raisons pour lesquelles les femmes ne plongent pas.
    La raison pour laquelle je dis cela, c'est qu'en venant ici en autobus, j'ai reçu un message Twitter. Il s'adressait à Rona Ambrose, à Rachel Harder, qui est assise à côté de moi et à Karen Vecchio, moi-même. C'était une réponse à une publication de Diviya Lives Here au sujet d'un programme qui a permis à cette jeune fille de 10e année de visiter le Parlement hier. Dans son message, cet homme brillant disait « N'êtes-vous pas tannés des filles au gouvernement? Moi je le suis. »
    Ma première réaction aurait été de lui écrire « Hé! J'étudie les gens comme toi », parce que c'est ma façon de gérer ce genre de situation, mais je comprends que d'autres personnes peuvent être offensées par ce message. En politique, je crois qu'on apprend à se faire une bonne carapace.
    Quelles seraient les meilleures façons d'éduquer les filles sur la façon de détecter la misogynie dans les médias et de réagir? Mon approche à moi, c'est l'humour; j'enverrais promener la personne et je la bloquerais. J'ai bloqué cet homme et j'ai dû le débloquer pour pouvoir vous lire son message.
    Qu'est-ce que vous diriez aux filles?
    Il y a plusieurs choses. J'aimerais éduquer les garçons à ce sujet. L'écart est énorme. Lorsqu'on leur a posé la question dans un récent sondage, 50 % des hommes américains ont répondu que le sexisme n'existait plus. C'est parmi les jeunes que l'écart est le plus important. C'est un problème, parce qu'ils sont plus susceptibles d'utiliser ces médias et que les jeunes femmes sont les plus susceptibles d'être ciblées.
    En ligne, on doit procéder de la même façon que dans la rue, lorsqu'on juge de ce qui est sécuritaire ou non. Dans un cas comme celui que vous avez évoqué, vous aviez probablement l'impression que vous pouviez répondre à cet homme sans qu'une armée de personnes vous attaque. C'est une réponse légitime.
    Une autre réponse que je trouve utile, c'est de se tourner vers un réseau de soutien, de sorte qu'on ne retrouve pas dans la ligne de tir. C'est très important, surtout pour les personnalités publiques qui occupent cet espace. Je sais que je ne pourrais pas m'en sortir sans un réseau de soutien. Parfois, je réalise que si je m'engage dans une certaine voie, ma semaine sera gâchée. Je peux me tourner vers des mandataires et des alliés et leur dire: « Voici ce qui se passe. J'ai besoin de votre aide. » Cela m'aide beaucoup.
    Je crois qu'on parle ici de la forme la moins grave de violence. J'ai récemment lu un article sur les femmes en politique, et j'ai été profondément troublée de constater à quel point les politiciennes devenaient des sujets de pornographie en grands nombres. Si elles ont des filles, elles deviennent elles aussi des cibles. C'est un problème grave que nous n'abordons pas en tant que société.
    C'est là le problème. Étant donné mon niveau de maturité, je gère les situations différemment. Je m'inquiète pour ces jeunes femmes qui sont confrontées à ce genre de situation et qui n'ont pas mon expérience.
    Pour poursuivre sur ce thème, je vois des personnes très différentes dans la pièce. Nous voulons plus de femmes dans les conseils d'administration, plus de femmes en politique et plus de femmes occuper des postes de niveau supérieur au gouvernement et dans les entreprises.
    C'est bien que Mme Moore soit ici également, et je pense au domaine militaire. Nous voulons y voir des femmes. Qu'est-ce qu'on peut faire pour veiller à ce que les femmes puissent profiter de ces occasions et à ce qu'elles puissent surmonter les obstacles comme la discrimination en ligne ou la cyberintimidation?
    Je crois que c'est très important. Je donne de nombreuses conférences dans les écoles secondaires et les collèges. C'est très important de définir les attentes. Mon travail consiste à encourager les filles et les femmes à s'engager dans les médias ou en politique, ou dans n'importe quelle autre tribune; nous voulons atteindre une représentation pluraliste et dynamique. Pour ce faire, nous devons préparer les gens à faire face à certaines situations. Il est donc important de leur faire connaître les réseaux de soutien qui existent. C'est essentiel et si ces réseaux n'existent pas encore, on peut les créer.
    Par exemple, je sais qu'il existe en ligne de nombreux bons endroits pour... Je m'intéresse surtout aux filles et aux adolescentes, parce qu'elles sont à l'aube de devenir femmes et elles observent attentivement ce qui se passe pour des personnes comme vous. Elles prennent des décisions. Elles s'engagent aussi dans leurs écoles, et c'est pourquoi ce travail est si important à mon avis.
    On résiste encore beaucoup à la discussion ouverte sur le sexisme et la transversalité. Il faut aborder le problème de front dans les écoles, parce que les filles n'ont pas le langage ou le cadre nécessaire pour le faire. On ne leur enseigne pas vraiment le féminisme en classe. Elles sont rapidement confrontées à l'inégalité, ce qui est dissonant sur le plan cognitif pour elles, parce qu'on leur a dit qu'elles pouvaient tout faire, qu'elles pouvaient aller là où elles voulaient, qu'elles pouvaient être ce qu'elles voulaient. On leur a vendu du rêve. Il faut s'asseoir avec elles et leur dire: « Voici la situation. Ce n'est pas une mentalité de victime. On vous apprend à faire face au vrai monde. » Je parle même de la parole dominante dans les assemblées délibérantes. Nous savons que c'est bien réel, alors parlons de ce que cela signifie et de ce que les filles peuvent faire.

  (1700)  

    C'est peut-être différent parce que vous êtes aux États-Unis, mais quels sont les moyens légaux qu'on peut prendre si on est témoin de sexisme dans les médias? Qu'est-ce qui est fait aux États-Unis? Qu'est-ce qu'on fait au Canada? Qu'est-ce qu'on peut faire?
    Il n'y a pratiquement rien qu'on puisse faire au sujet du sexisme dans les médias. Un des problèmes structuraux auxquels nous sommes confrontés, c'est que les médias sont dominés par les hommes blancs qui font partie de l'élite. Ils sont peut-être bien charmants sur le plan personnel, mais en les regroupant, ils créent des normes plutôt distillées qui ne servent pas une société pluraliste. Par exemple, même lorsqu'on parle d'agression sexuelle, il y a encore un débat sur l'utilisation du mot « viol » ou du mot « sexe ». On aurait dû régler cette question il y a 35 ou 40 ans.
    Lorsque je pense au sexisme dans les médias, je le vois de façon verticale. Je pense à tous les intervenants, qu'il s'agisse de la personne qui écrit le message Twitter ou le titre d'un article, de celle qui choisit les sujets à aborder ou de celle responsable des décisions rédactionnelles. À toutes ces étapes, on peut établir des stratégies, mais une seule stratégie ne suffit pas. À ce que je sache, il n'y a pas de loi pour cela.
    Votre temps est écoulé.

[Français]

    Madame Moore, nous sommes vraiment prêts à entendre votre question.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mes questions portent sur les outils d'éducation à l'intention des adolescents.
    Il n'est pas toujours évident de trouver la bonne façon de leur parler. Les gouvernements essaient de créer des outils d'éducation, mais quand ils deviennent disponibles, il arrive à l'occasion que les adolescents les ridiculisent un peu. Il y a eu de très bons outils d'éducation, mais il y a eu aussi des campagnes d'éducation qui ont été un flop.
    Pouvez-vous me donner des exemples précis d'outils moins efficaces et d'outils qui fonctionnent bien? J'aimerais aussi entendre vos commentaires sur la tendance selon laquelle les adolescents développent leurs propres outils. Par exemple, on peut lancer une campagne ou faire un concours où on demande aux gens d'envoyer leurs outils ou les éléments de leur campagne d'éducation. On peut sélectionner des finalistes et les gens peuvent par la suite aller voter pour l'outil en question.
    Est-ce le genre de campagne qui fonctionne bien pour éventuellement éduquer les jeunes? J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

[Traduction]

    Je pense que certaines campagnes fonctionnent. Ce que je constate chez les jeunes, c'est qu'ils sont véritablement intéressés et curieux. Ils veulent être informés. Ils parlent de concepts très complexes et n'aiment pas qu'on leur parle avec condescendance. Ils n'aiment pas que les choses soient simplifiées à outrance. Ils sont immergés dans ces systèmes, qui sont en quelque sorte un prolongement de leur cerveau, une sorte de prothèse pour les adolescents. Donc, à mon avis, lorsque les adultes interviennent et font preuve de condescendance ou sont en état de panique, ce n'est pas très utile.
    Je crois que la façon de faire la plus efficace est de demander aux jeunes de faire preuve d'honnêteté, tout en faisant preuve d'honnêteté et de respect en retour. Par exemple, qu'ils le veuillent ou non, les jeunes sont exposés à la pornographie, mais personne n'aborde ce sujet avec eux. C'est un aspect extrêmement important, car le problème c'est que l'exposition à ces images modifie la façon de penser des gens.
    Il y a une chose que je trouve intéressante. Je me suis concentrée sur la pornographie parce que c'est un aspect omniprésent dans beaucoup de discussions sur le consentement, la représentation et l'exploitation sexuelle. En quelque sorte, la pornographie se trouve au carrefour de ces différents aspects. Je vais aller plus loin, parce que nous n'avons pas abordé cet aspect. L'omniprésence de la pornographie sur Internet est maintenant intégrée dans la façon dont les algorithmes analysent le langage, et c'est important, car cela contribue, comme nous le savons, à la banalisation de termes dégradants pour les jeunes, en particulier les adolescentes.
    Donc, les insultes les plus sexistes qu'on puisse imaginer, que les adolescents utilisent au quotidien, ne sont même pas considérées comme du harcèlement, dans la plupart des cas. Il s'agit toutefois du genre de choses dont les jeunes doivent parler, et il leur arrive de créer des médias très efficaces. Je crois qu'on trouve sur YouTube beaucoup de jeunes qui y parviennent assez bien, mais il faut parfois que les adultes discutent ouvertement de sujets très difficiles, ce qui est parfois le principal obstacle, selon moi. J'ai maintes fois constaté que ce sont les adultes et non les enfants qui sont les plus réticents à en parler.

[Français]

    La discussion avec des adultes sera-t-elle plus facile s'il s'agit d'un proche comme un parent ou plutôt s'il s'agit d'un adulte qui est moins proche de la famille, comme par exemple un professeur, une infirmière ou un professionnel? Est-ce que les jeunes ont une préférence à cet égard?

[Traduction]

    Nous aurons besoin de diverses options. D'une part, il y a des enfants qui vivent dans un ménage où ils ont la possibilité de parler à un parent ou à leurs deux parents, ou encore à leurs grands-parents, à des voisins. D'autre part, certains enfants sont réellement isolés. Je pense en particulier aux jeunes de la communauté LGBTQ, qui sont parfois dans des ménages où on les pénalise activement en raison de leur orientation sexuelle. Il faut vraiment leur offrir des options structurelles et des endroits où aller. À mon avis, il n'existe pas de solution universelle. Je pense simplement que l'aspect le plus important, c'est de sensibiliser les jeunes, en particulier ceux qui sont vulnérables, pour qu'ils comprennent qu'ils ont un endroit où aller.
    Cela répond-il à votre question?

  (1705)  

[Français]

    Oui.
    Devrait-il y avoir des outils pour les adultes, par exemple les parents, afin de les aider à comprendre les phénomènes qui entourent les jeunes? Les adultes sont-ils conscients que les jeunes sont très exposés à beaucoup de choses? Les adultes peuvent même ne pas savoir que de telles choses existent.

[Traduction]

    Oui. Je pense que les parents ont une méconnaissance stupéfiante de la situation. C'est ce que démontrent les études. Aux États-Unis, une organisation appelée Common Sense Media a fait beaucoup d'études sur le sujet. On a constaté que les parents sous-estiment continuellement les activités de leurs enfants sur les médias sociaux et leur exposition à du contenu auquel ils ne leur permettraient jamais d'avoir accès.
    C'est un problème. Il y avait un écart remarquable entre ce qui se passe réellement dans la vie des enfants et la perception que les parents en ont, ce qui est peut-être lié à des enjeux plus profonds. Toutefois, en ce qui concerne les médias sociaux eux-mêmes, on constate en général que les parents ne les utilisent pas et qu'ils n'ont pas nécessairement une compréhension de l'utilisation qu'en font leurs enfants.
    Donc, ce que je dis aux adolescents et même aux enfants plus jeunes, c'est qu'on a tendance à considérer le mentorat comme étant un encadrement offert aux jeunes par des gens plus âgés et plus expérimentés, et que je pense qu'il faut inverser ce processus. Je pense vraiment que les jeunes enfants — même des jeunes de 10, 11 et 12 ans — devraient être des mentors pour les adultes, en les invitant par exemple à voir ce qu'ils font, car c'est seulement lorsqu'on parvient à avoir de telles discussions que cela devient une façon beaucoup plus courante et intime d'aborder les choses. Ainsi, on n'en parle pas uniquement lorsque cela devient un problème.

[Français]

     Madame Moore, il vous reste 30 secondes.
    D'accord.
    Je voudrais en savoir davantage concernant les cas de violence qu'on retrouve sur Internet. Quand la victime a réussi, si on peut dire, à couper les ponts avec quelqu'un, est-ce fréquent que cela s'étende à des membres de la famille, comme la fille, la soeur ou d'autres personnes qui sont connues de l'ex-conjoint, par exemple?

[Traduction]

    Vous parlez de situations où l'on cible cette violence?

[Français]

    Oui.
    Si l'ex-conjoint ne peut plus avoir de comportements violents envers son ex-conjointe, il pourrait en avoir envers la soeur de celle-ci, ses enfants ou sa mère. Il pourrait, par exemple, décider de les harceler.

[Traduction]

    Vous voulez en connaître la fréquence?
    Oui.
    Il n'y a aucune donnée sur la fréquence.
    Je suis désolée. Nous devons passer à ma collègue, Mme Ludwig, pour cinq minutes et demie.
    Merci beaucoup de cet exposé absolument fascinant. J'ai environ 5 000 questions à vous poser; je vais commencer par des questions d'ordre général.
    Je vais commencer par la question principale, qui porte sur votre site Web. Vous y publiez des statistiques incroyables, comme le fait que 88 % des jeux vidéo sont conçus par des hommes. J'aimerais me concentrer sur cet aspect avant de passer aux questions soulevées par mes collègues concernant les jeunes enfants.
    Nous faisons souvent la navette en avion entre Ottawa et nos circonscriptions. Dans les avions, les aéroports et même les restaurants, nous voyons de jeunes enfants, dont certains ne sont âgés que d'un an et demi, qui utilisent un iPad ou jouent à des jeux vidéo. Cela signifie qu'avant même de savoir comment exprimer leurs sentiments et leurs réactions, les enfants ont des interactions sociales par l'intermédiaire de jeux vidéo ou de tout autre jeu auquel ils jouent en ligne.
    Marshall McLuhan a prononcé une phrase célèbre: « Le médium, c'est le message. » En vous fondant sur l'expression de Marshall McLuhan, quel lien pourriez-vous établir pour nous par rapport au sujet que vous avez abordé aujourd'hui?

  (1710)  

    J'aimerais aller plus loin. Sur le plan de la représentation, ce qu'on voit actuellement dans les jeux est essentiellement identique à ce qu'on voit à la télévision ou dans les livres. Nous savons que ces inégalités fondées sur le sexe et la race existent déjà. Dans la majorité des livres pour enfants, les protagonistes sont de jeunes garçons de race blanche. On voit la même chose dans les émissions de télévision et dans les jeux.
    À titre d'exemple, une étude sur la télévision — avec laquelle on peut logiquement établir un parallèle par rapport à cet enjeu — a démontré que lorsque les enfants regardent une émission de télévision ou toute autre programmation sur écran, tous les enfants à l'exception des jeunes garçons de race blanche ont une moins bonne estime de soi, tandis que les jeunes garçons de race blanche se sentent habilités après avoir regardé l'émission en question.
    Je pense que c'est important, parce qu'il importe peu qu'un enfant lise un livre, qu'on lui fasse la lecture d'un livre, qu'il regarde un film de Disney ou qu'il joue à un jeu, pour parler franchement. Voilà pourquoi la représentation revêt une si grande importance, à mon avis.
    À défaut d'une représentation, toutefois, le deuxième aspect le plus important est d'offrir aux enfants des cours d'initiation aux médias. Il faut leur enseigner à faire des choix sains en matière de médias ou les amener à réfléchir à la perception qu'ils ont d'eux-mêmes et de leur relation au monde.
    Bien que les jeux ont un rôle très important pour aiguiller les jeunes vers les domaines STIM, du point de vue des messages qu'on leur envoie d'eux-mêmes, je pense qu'on a simplement affaire à une nouvelle version d'un ancien problème.
    Merci.
    À cet égard, vous avez aussi parlé de féminisme. Nous avons même entendu notre ministre de la Condition féminine affirmer qu'il arrive parfois qu'on s'attarde à la notion de comportement féministe et non seulement aux relations hommes femmes. On semble pointer du doigt des comportements jugés plus féminins. On entend souvent dans nos médias des commentaires déplacés au sujet des cheveux, de l'apparence ou de l'habillement du premier ministre; on ne s'attarde pas toujours à ce qu'il dit. C'est tout aussi dévalorisant pour un homme que pour une femme.
    Mme Soraya Chemaly: En effet.
    Mme Karen Ludwig: Vous avez aussi parlé du pouvoir et du contrôle. Il s'agit d'un aspect important dans toutes les études sur le sujet que j'ai consultées. Avez-vous étudié le profil démographique des auteurs de ces actes?
    Oui, j'ai étudié le profil démographique des auteurs de ces actes. Je vais me concentrer sur les actes criminels et sur les choses qui sont déjà considérées comme des actes criminels. Cela varie d'un endroit à l'autre, partout dans le monde, mais on reconnaît de plus en plus les effets de la sexualisation non consensuelle dans la pornographie. Des lois ont été adoptées à cet égard. Plus de 90 % des personnes ciblées sont des femmes, et la grande majorité des auteurs de ces crimes sont des hommes. Il en va de même pour le harcèlement criminel; aux États-Unis, une femme sur six fera l'objet de harcèlement criminel; près de 75 % des auteurs sont des hommes.
    Lorsqu'on analyse toutes ces catégories — nous pouvons déjà le faire pour les tactiques qui sont reconnues comme des actes criminels —, je dirais qu'on observe continuellement des tendances sexospécifiques par rapport à ces actes criminels. Cela ne signifie pas que les femmes ne commettent pas de tels actes, parce que c'est le cas, évidemment, mais les auteurs sont généralement des hommes et, dans certains cas, ils forment la grande majorité.
    Vous n'avez peut-être pas une réponse courte à donner à cette question. Dans un des blogues de votre site Web, on parle des femmes et des filles yézidies, et on évoque la possibilité de modifier le vocabulaire, de s'écarter de formulations comme « esclave sexuelle » et « viol » pour qu'elles se sentent plus habilitées. Selon vous, quelles seraient les autres options?
    Pour les jeunes filles victimes de trafic?
    Oui.
    Eh bien, ce n'est pas une question facile ni une question à laquelle on peut répondre rapidement. Il faudrait que j'y réfléchisse, en fait. Je n'ai pas de réponse courte. Je pense qu'il est important d'écouter ces jeunes filles.
    Si vous trouvez la réponse à cette question, vous pourriez la transmettre à la greffière. Nous aimerions savoir ce que vous en pensez.
    Très bien.
    Nous passons à Mme Harder, pour cinq minutes.

  (1715)  

    Merci beaucoup.
    Ma question porte sur un de vos commentaires au sujet de la pornographie. J'ai trouvé votre remarque très intrigante. Vous avez dit que la pornographie est un « aspect omniprésent », ce qui sous-entend essentiellement qu'on ne l'aborde pas nécessairement de la bonne façon et qu'il faudrait simplement s'y attaquer de front. C'est donc ce que je vais faire sans tarder: pouvez-vous me parler un peu de la corrélation entre l'accès à la pornographie et l'augmentation de la cyberviolence qu'on observe actuellement?
    Il y a plusieurs choses à dire à cet égard.
    L'une d'entre elles, c'est qu'au cours des deux dernières années, je me suis plongée, pour le mieux ou pour le pire, dans l'étude des effets de la pornographie, en particulier chez les enfants et les adolescents. À ma connaissance — et je pense qu'on peut l'affirmer avec certitude, étant donné que j'ai probablement lu plus de 300 études au cours de la dernière année —, il n'y a rien de concluant à ce sujet.
    Cependant, l'aspect que je trouve le plus intéressant, c'est que les effets de la chosification sexuelle des femmes sont généralement les mêmes, qu'on parle de la pornographie ou d'une femme qui est considérée comme un objet sexuel dans l'autobus, alors qu'elle se rend à son travail. C'est ce qui me préoccupe le plus par rapport à la liberté d'expression et à la participation communautaire. L'effet, c'est que les femmes représentées dans la pornographie sont considérées comme étant dotées d'un sens moral et éthique plus faible, moins compétentes, moins intelligentes et généralement plus basiques; elles sont déshumanisées.
    Les gens ne réagissent pas de la même façon lorsque les hommes sont représentés comme des objets sexuels. Il n'y a aucune équivalence; il convient de rejeter les parallèles que font certaines personnes en disant: « Oh! Dans mon autobus, il y a aussi des hommes qui sont considérés comme des objets sexuels. » Nous savons que ce n'est pas le même effet. Pour moi, l'enjeu est que si nous sommes réellement préoccupés par le statut des femmes dans la société, il faut réfléchir à l'objectification sexuelle de manière globale. Quant à savoir si cela se fait de façon violente, c'est une autre question.
    Le problème, c'est que dans bien des cas, la pornographie entraîne une érotisation de la domination masculine, de façon très violente. L'enjeu est lié à la façon dont nous parlons des relations interpersonnelles et de la sexualité avec les garçons et les filles, parce que la pornographie est là pour rester, à mon avis.
    Que disons-nous aux garçons qui consomment ce contenu? Nous savons qu'ils sont beaucoup plus nombreux que les filles à en consommer, car elle est spécifiquement conçue pour eux. Nous savons également, grâce à d'autres études, que les filles sont tout aussi disposées à regarder de la pornographie lorsqu'elle est conçue pour leur plaire. Comment les parents abordent-ils ce sujet? Cela aura une incidence sur la décision d'un jeune d'envoyer ou non une photo de sa blonde à un ami.
    Un jour, devant 50 personnes, un jeune étudiant de 19 ans m'a demandé sans sourciller: « Qu'est-ce que ça change si j'envoie à un ami une photo de mon grille-pain ou une photo de ma blonde? » Il était vraiment sérieux, en plus. Essentiellement, ce qu'il voulait dire pourrait se résumer ainsi: « J'ai la photo, c'est elle qui me l'a donnée. Donc, elle m'appartient. » Je pense qu'il est important de souligner que la violence observée à cet âge découle du niveau de déshumanisation et de l'objectification que nous tolérons dans cette société.
    Pourriez-vous nous en dire plus sur l'« érotisation de la domination masculine », dont vous avez parlé? Je trouve cette formulation très intéressante. J'aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet.
    J'aimerais en outre avoir vos observations sur un autre aspect. En tant que législateurs, nous discutons de l'adoption de mesures législatives visant à protéger les femmes contre la violence, et nous sommes tous très déterminés à le faire, mais je me demandais aussi s'il serait utile d'avoir une loi sur l'accès à la pornographie.
    Il y a deux aspects à cela.
    Lorsque je parle de l'érotisation de la violence masculine, je pense en particulier à la façon dont on utilise la pornographie pour réduire au silence les femmes qui adhèrent aux points de vue féministes et aux politiques progressistes. C'est ce qu'on voit très souvent dans la pornographie, n'est-ce pas? On voit des images de femmes être brutalisées et être victimes d'un viol collectif violent; c'est du divertissement et c'est érotique. Voilà ce qui se passe.
    Je m'intéresse davantage aux raisons pour lesquelles certains retouchent par ordinateur des photos de femmes qui s'expriment publiquement. Ils en font des scènes pornographiques où des hommes se livrent à de tels actes avec elles, puis ils les envoient à ces femmes. Il s'agit manifestement d'une déclaration de pouvoir.

  (1720)  

    Je suis désolée, c'est tout le temps que nous avons pour cette question.
    Nous passons maintenant à la dernière intervention de cinq minutes. Il est difficile de vous interrompre, car vous livrez un témoignage extraordinaire.
    Nous passons à Mme Vandenbeld, pour cinq minutes.
    En fait, si vous voulez terminer votre réponse, je pense que la plupart d'entre nous seraient heureux de l'entendre.
    Beaucoup de gens nous demandent quoi faire et comment régler ce problème. Que vous soyez politicien, écrivain, scientifique ou économiste, si un homme veut vous faire taire, bien souvent il enverra de la pornographie explicite et violente. Nous devons prêter attention à cela.
    La pornographie n’est jamais vraiment créée pour des enfants. Elle est censée être créée pour des adultes. Je trouve très problématique que l’on veuille réglementer les régimes alimentaires et l’alimentation des enfants, mais que l’on ne discute pas ouvertement de ce problème en particulier et des conséquences de jeter les gens dans cette boîte de Pétri.
    À mon avis, c’est presque différent de l’utilisation explicite de la pornographie comme arme politique. Aux États-Unis, si vous cherchez sur Google des images à caractère pornographique de Condoleezza Rice, de Sarah Palin, de Hillary Clinton ou de Michelle Obama, vous obtiendrez des pages et des pages d’images. Si vous faites la même recherche pour leurs partenaires masculins, leurs contemporaines ou pairs, vous obtiendrez des pages et des pages de leurs réflexions sur la pornographie. C’est fondamentalement différent. Lorsque l’on a autant de gens qui produisent de telles images, que celles-ci sont multipliées dans la culture, et que l’on ne croit pas qu’il s’agit d’un geste politique posé par un suprématiste mâle, c’est que l’on ne veut tout simplement pas le croire. C’est là, juste devant nous. On peut voir ce qui se passe. C’est un problème, mais pas un problème que l’on peut légiférer, à mon avis. Pour résoudre ce problème, il faut éduquer les enfants afin qu’ils comprennent ce que sont l’égalité, la justice sociale, l’autonomie des femmes et l’humanité.
    Beaucoup de ces images sont distribuées sur les médias sociaux. J’aimerais donc revenir sur ce que vous avez dit dès le début de votre intervention au sujet de la réglementation de ces plateformes privées. Vous avez soulevé quelques points. Vous avez d’abord parlé de la diversité de l’industrie, mais vous avez aussi parlé de la défausse, par l'industrie, de ses responsabilités sur des algorithmes. Je ne suis pas certaine de bien comprendre ce que vous voulez dire par là. Pourriez-vous nous donner des précisions?
    Les algorithmes font partie de notre vie de manières dont nous ne nous doutons pas vraiment ou dont nous ne nous rendons pas compte. Beaucoup de gens les considèrent comme étant neutres. Les algorithmes sont des machines. Ils apprennent. Ils n’ont aucune opinion, mais ils reproduisent et accentuent les préjugés des gens et ceux qui existent dans les systèmes. Les gouvernements doivent créer des commissions pour enquêter sur les paramètres éthiques entourant la création et l’utilisation d’algorithmes.
    Je vais vous donner un exemple bien précis. Dans le cadre d’une étude où des hommes et des femmes étaient appelés à chercher des emplois en ligne, les résultats ont démontré que les hommes étaient six fois plus susceptibles que les femmes de se faire offrir un emploi avec un salaire de 200 000 $ et plus. Je trouve cela intéressant, car je suis issue du milieu des journaux traditionnels. Les publicités distinctes pour les deux sexes ont été interdites aux États-Unis entre 1968 et 1972. Pourtant, c’est exactement ce qui se fait sous nos yeux: il y a un marché de l’emploi distinct pour les deux sexes, car ces algorithmes fonctionnent selon les préférences des gens. C’est peut-être simplement parce que plus d’hommes soumettent leur candidature pour ces emplois, ce qui explique qu’ils se font offrir plus d’emplois du genre, mais pour le moment, personne ne prête attention au fait que les femmes ne se voient offrir aucun de ces postes. Ça, c’est une chose, et nous pouvons observer la même tendance, mais en fonction de la race.
    Il y a tellement de dimensions aux algorithmes et à la question de la responsabilisation que l’on pourrait en parler pendant des semaines. J’aimerais, toutefois, souligner une chose. La section Jigsaw, de Google, travaille à un outil appelé « wiki detox ». Cet outil évalue si le langage utilisé sur Wikipédia constitue une attaque, s’il est agressif ou s’il est neutre. Il s’agit d’un outil d’apprentissage. La compagnie a demandé à des gens d’évaluer du texte et l’algorithme a appris de ces évaluations et peut maintenant attribuer un pointage au langage utilisé. Ainsi, si quelqu’un utilise des propos très racistes, l’algorithme peut conclure: « Il s’agit d’une attaque, cela ne fait aucun doute. Nous ne devrions pas utiliser ces commentaires dans le journal X. » J’ai entré des insultes à caractère raciste et toutes ont été jugées par l’algorithme comme étant neutres, pas des attaques. Une phrase comme « Pardonnez-moi, mais vous êtes un con » est jugée comme une attaque, mais « Vous devriez être violée », c’est neutre.
    Nous devons comprendre comment ces outils sont alimentés, comment se fait l’évaluation, qui fait l’évaluation et comment ces outils sont mis en oeuvre. Pour l’heure, il n’existe aucun mécanisme en ce sens. La pornographie joue un rôle dans tout cela, car c’est du langage. On la retrouve sur Twitter.

  (1725)  

    Merveilleux. Je suis désolée, mais le reste devra rester en suspens jusqu’à notre prochaine séance.
    Je le sais. Je suis désolée.
    Merci beaucoup pour cet excellent témoignage. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir accepté notre invitation.
    Merci beaucoup.
    Il nous reste une chose à régler. Le comité a produit un rapport et le lien vers celui-ci vous a été envoyé. J’ignore si vous avez tous eu la chance d’y jeter un coup d’œil, mais nous sommes censés l’adopter.
    J’ai besoin que quelqu’un propose une motion en ce sens. Le rapport vous a été distribué. Tout ce qu’il nous faut, c’est une motion pour l’adopter, à moins que vous ayez des questions.
    Vous ne l’avez pas lu?
    Doit-on vraiment l’adopter aujourd’hui?
    Mesdames et monsieur les témoins, vous n’êtes pas tenus de rester pour les travaux du comité. Merci beaucoup.
    D’accord. Je ne voulais pas vous raccrocher au nez. Merci beaucoup de m’avoir invitée.
    Il n’y a pas de quoi. Prenez soin de vous.
    Allez-y, madame Damoff.
    Je la propose.
    Une motion visant l’adoption du rapport a été proposée. Y a-t-il des commentaires?
    Monsieur Fraser, vous avez une question à poser?
    Simplement pour préciser, la motion vise l’adoption du rapport qui vient tout juste de nous être distribué? Il ne s’agit pas d’un rapport officiel sur une étude?
    Le rapport a-t-il été déposé à la Chambre? Non?
    D’accord. C’est le rapport du sous-comité.
    D’accord.
    Je suis désolée. J’ai vu l’acronyme SFEW, mais j’ai cru qu’il s’agissait d’un autre rapport.
    Le rapport que vous avez devant vous est celui du sous-comité qui s’est réuni lundi. C’est une bonne précision à apporter. Merci, monsieur Fraser.
    Y a-t-il des commentaires concernant la motion visant l’adoption du rapport?
    Allez-y, madame Harder.
    C’est la première fois que je vois ce rapport. Suis-je la seule?
    C’est normal. Le sous-comité doit faire rapport de ses travaux au comité. Il s’agit ici du rapport du sous-comité. Le comité permanent doit l’adopter. C’est la procédure normale.
    D’accord. J’aurais un commentaire à formuler.
    Concernant le premier point, nous faisons simplement ajouter deux autres témoins à la liste établie.
    Concernant le deuxième point, on peut lire: « […] après avoir entendu tous les témoins prévus pour l’étude de la violence entre les jeunes femmes et filles, une réunion soit prévue afin de […]. » Pourrait-on dire: « […] jusqu’à deux réunions peuvent être prévues [...] »?
    Je dis cela, car la rédaction du rapport précédent a pris un certain temps. Si nous y arrivons en une seule séance, tant mieux, mais pourrait-on en prévoir deux, au cas où il nous faudrait plus de temps?
    Il s'agit de la séance sur les instructions de rédaction. Cela ne concerne pas le nombre de séances que nous pouvons consacrer au rapport.
    D'accord. Je pense que je comprends. Je me trompe peut-être, mais il me semble qu'il avait fallu un peu plus de temps la dernière fois.
    Une fois que l'analyste a reçu les instructions, elle part, elle rédige le rapport, puis elle revient. Ensuite, nous prenons parfois quelques séances pour étudier le rapport, le réviser et le modifier.
    D'accord. Dans ce cas, je donne la parole à quelqu'un d'autre.
    Je sais que certains d'entre vous n'étaient pas là et que certains sont députés depuis moins d'un an.
    Habituellement, si nous sommes prêts, il faut 30 minutes. Il s'agit surtout d'indiquer à l'analyste quel devrait être le sujet principal du rapport. Préparez vos idées, cernez les points qui, selon vous, sont très importants et devraient être inclus dans le rapport. Ensuite, l'analyste nous quitte, et elle a besoin de temps pour rédiger le rapport. Puisque l'étude est vaste, nous ne recevrons pas le rapport avant au moins un mois.
    Heureusement, peut-être que l'analyste aura du temps à Noël ou en février.

  (1730)  

    Monsieur Fraser.
    J'ai deux brefs commentaires. Je pense que je comprends ce que Mme Harder veut dire. Une fois que nous aurons reçu le projet de rapport, il nous faudra certainement plus qu'une séance pour tout examiner. C'est ce que prévoit le point quatre. Je présume que c'est à cela que servirait l'autre séance?
    C'est exact.
    Mon autre commentaire, c'est que nous avons parlé d'inviter les représentants de Facebook à comparaître. Avant d'examiner la possibilité d'employer des mesures pour les forcer à se présenter devant le Comité, je ne serais pas contre l'idée d'ajouter au point un de lancer une autre invitation aux représentants de Facebook. Ils savent probablement que nous détenons le pouvoir suprême, mais allons-y doucement pour commencer.
    D'accord. Je tiens à préciser que les représentants de Facebook n'ont pas refusé d'apporter leur contribution au Comité. Ils préparent un mémoire très détaillé. Ce qui leur pose problème, c'est que les gens qui s'occupent des algorithmes, ceux qui s'occupent de la sécurité publique et d'autres ne se trouvent pas tous dans le même pays. Ils travaillent aussi à l'éducation et à la sensibilisation. Il y a de nombreux éléments différents. Ils nous préparent un mémoire. Si nous avons des questions additionnelles, ils nous ont dit qu'ils pourraient nous répondre.
    Je comprends votre commentaire. Voulez-vous proposer une modification?
    Aucun représentant de Facebook ne comparaîtra devant le Comité, n'est-ce pas?
    Ils vont envoyer un mémoire pour le 19 octobre.
    Accepteront-ils d'autres questions écrites?
    Oui, absolument.
    Je pense que ce serait bien que quelqu'un se présente en personne. Est-ce que nous savons qui nous pourrions inviter précisément?
    La personne centrale est un agent des relations publiques, mais je crains que le résultat soit le même qu'avec un témoin que nous avons reçu récemment qui ne pouvait que répondre: « Non, je n'ai pas vraiment de données à ce sujet. Non, je ne sais rien là-dessus. Non, je... » Vous comprenez?
    Madame Damoff.
    Siégeons-nous à huis clos?
    Non.
    Devrions-nous siéger à huis clos?
    Si le Comité le veut.
    Mme Karen Vecchio: À ce sujet, oui.
    La présidente: D'accord.
    Je tiens à souligner que les lumières s'allumeront bientôt pour les votes, et nous devrons lever la séance sans terminer l'examen de la motion.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU