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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 108 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 juin 2018

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Nous avons le quorum. Bienvenue à la 108e réunion du Comité permanent de la condition féminine. Nous sommes en séance publique.
    Permettez-moi de vous présenter nos quatre invitées. Nous accueillons Mme Jane Hilderman, directrice générale du Centre Samara pour la démocratie. Témoignant à titre personnel, nous avons Mme Louise Carbert, professeure agrégée de sciences politiques à l'Université Dalhousie; Mme Sylvia Bashevkin, professeure à la faculté de science politique de l'Université de Toronto; Mme Jeanette Ashe, titulaire de la chaire en science politique au Douglas College.
    Aujourd'hui, nos témoins disposeront de sept minutes chacune. Nous commençons par Jane.
    Allez-y, Jane, vous avez sept minutes.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, bon après-midi.

[Français]

     Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler des obstacles auxquels sont confrontées les femmes en politique.
    Je suis la directrice générale du Centre Samara pour la démocratie.

[Traduction]

     Samara est un organisme de bienfaisance apolitique qui s'emploie à renforcer la démocratie au Canada. Ses recherches et activités orientées vers l'action visent à rendre notre système parlementaire plus accessible, plus ouvert et plus inclusif.
     Samara croit qu'une Chambre des communes qui tient mieux compte de la diversité des Canadiens et de leurs expériences rendra le Parlement plus résilient et réceptif et incitera davantage les Canadiens à participer à tous les aspects de la vie publique. Or, de nombreux groupes, dont celui des femmes, demeurent sous-représentés au Parlement et dans la vie publique. Samara salue cet important débat sur les mesures nécessaires à la création des conditions favorables à l'entrée en politique d'une diversité de Canadiens, et en particulier des femmes.
    Cela étant, je souhaite utiliser le temps dont je dispose avec vous aujourd'hui pour illustrer les obstacles auxquels les femmes sont confrontées à l'aide des recherches menées par Samara au fil des ans. Mes propos seront axés sur trois grands thèmes: les dirigeants élus, la culture générale qui prévaut dans le milieu de travail politique et la citoyenneté politique au quotidien.
    Commençons par les dirigeants élus.
    Samara mène des entrevues de départ avec d'anciens députés, car nous croyons que le rôle qu'ils ont joué aux premières lignes de notre démocratie leur donne un point de vue privilégié pour fournir des conseils et des observations sur la vitalité de notre démocratie. Dans le cadre de notre plus récente série d'entrevues de départ, nous avons recueilli les observations de 54 députés de partout au pays et de tous les horizons politiques ayant siégé au cours de la 41e législature. Parmi les 54 personnes rencontrées, 23 étaient des femmes.
    Le premier rapport de la série, intitulé Laisser tomber le scénario: la législature doit redynamiser la démocratie représentative, a été publié aujourd'hui. D'autres rapports suivront, notamment un rapport approfondi sur le rôle des sexes. Aujourd'hui, je veux présenter des observations inédites des hommes et des femmes que nous avons interviewés.
    Ces entrevues ont permis de dégager divers thèmes centraux semblables à ceux d'autres études sur les femmes en politique.
    De manière générale, beaucoup de ces femmes ont indiqué qu'elles avaient l'impression que leur crédibilité et leur autorité, à titre de candidate puis à titre de députée, étaient plus souvent mises en doute que celles de leurs collègues masculins. Le sexisme qu'elles ont vécu était souvent subtil. Les femmes ont indiqué avoir le sentiment que leurs opinions n'avaient pas autant de poids que celles de leurs homologues masculins, que ce soit au sein du caucus ou même dans ce comité. Ce système de deux poids deux mesures avait même tendance à toucher davantage les jeunes députées.
    Dans ce contexte, les femmes ont dit se sentir obligées de travailler plus fort, de se préparer davantage et de parler deux fois plus fort pour être prises au sérieux et se faire entendre. Ces façons de faire n'ont toutefois pas permis de régler certains des problèmes les plus troublants auxquels les femmes sont confrontées au Parlement, notamment les toilettes inadéquates, la nécessité d'installer plus de tables à langer et le manque de places en garderie au Parlement.
    D'autres témoignages recueillis par Samara démontrent que l'expérience des femmes en politique est également quantitativement différente. Il y a un an, nous avons fait une enquête sur le chahut auprès des députés en fonction, c'est-à-dire vous, et 84 de vos collègues ont répondu. L'enquête a démontré que même si elles se trouvaient dans la même salle, 67 % des femmes députées ont indiqué avoir été victimes de chahut sexiste, comparativement à seulement 20 % chez les hommes.
    Samara collabore actuellement avec le caucus multipartite pour la démocratie pour la tenue d'une nouvelle enquête auprès des députés en fonction. Le sondage vise cette fois à connaître votre avis, en tant que parlementaires, sur diverses réformes proposées au fonctionnement du Parlement, notamment pour améliorer l'expérience des députés ayant de jeunes familles, comme la modification de l'horaire des séances du vendredi. Nous sommes ravis de vous informer que 60 députés ont rempli le sondage jusqu'à maintenant. Nous espérons que d'autres feront de même avant la fin de la session. C'est avec plaisir que nous viendrons présenter les résultats au Comité.
    Adoptons maintenant une perspective plus large et parlons de la culture du milieu de travail en ce qui concerne les femmes en politique.
    L'an dernier, comme nous le savons, le mouvement #MoiAussi a secoué tous les secteurs. La politique ne fait pas exception. Plus tôt cette année, Samara a mené un sondage auprès du personnel de la Colline en partenariat avec la Presse canadienne. C'était la première fois qu'un sondage portant sur le harcèlement, en particulier le harcèlement sexuel, était mené auprès du personnel de la Colline. Sur 266 répondants, 122 étaient des femmes. Les résultats avaient de quoi faire réfléchir: une personne sur quatre a indiqué avoir été victime de harcèlement sexuel dans le cadre de ses fonctions sur la Colline du Parlement.
    Ces résultats portent à croire que le milieu de travail de l'institution qui est au coeur de notre démocratie peut et doit devenir un milieu plus sûr. Ce problème est loin de se limiter aux gens qui travaillent dans le domaine de la politique, mais nous savons que les répercussions pour la démocratie peuvent être particulièrement graves, si certains groupes jugent qu'ils n'ont pas leur place en politique.

  (1535)  

    Ces groupes demeurent les moins représentés, pas seulement dans les charges élues, mais aussi parmi le personnel politique et les bénévoles de campagne, qui ont aussi une influence sur le processus décisionnel au pays.
    Pour terminer, parlons de la citoyenneté politique au quotidien.
    Depuis cinq ans, Samara organise un concours annuel pour reconnaître le travail de ceux que nous appelons les citoyens politiques au quotidien, des gens ordinaires qui oeuvrent au sein de leur collectivité pour essayer de changer les choses. Nous recevons des centaines de candidatures de partout au pays, et un jury nous aide à choisir 15 finalistes.
    La bonne nouvelle, c'est que depuis le lancement du projet, les femmes forment chaque année plus de la moitié des finalistes. Cela signifie que nos collectivités comptent beaucoup de femmes dans un rôle de mobilisatrices, d'organisatrices, de défenseures et d'éducatrices.
    Trop souvent, toutefois, lorsqu'on parle aux candidats de la reconnaissance de leur rôle de citoyen politique au quotidien, beaucoup considèrent que leurs actions ne sont pas très politiques. Donc, beaucoup de leaders de nos collectivités semblent faire abstraction du lien entre leur travail dans la communauté et la politique officielle. Il nous incombe de revaloriser la politisation et de mieux aider les femmes à faire le rapprochement entre leur participation à la vie démocratique de leur collectivité et la politique officielle.
    Samara se réjouit de la tenue de cette discussion sur les mesures à prendre pour surmonter ces obstacles et améliorer la représentation substantive des femmes en politique. Je suis très heureuse de constater que l'étude du Comité tient compte des diverses circonstances et étapes de la participation des femmes à la vie politique, notamment l'éducation citoyenne, le recrutement de candidates à une charge publique ou le changement au Parlement lui-même.

  (1540)  

[Français]

     Je vous remercie.
    Je répondrai à vos questions avec plaisir.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Louise Carbert, pour sept minutes.
    Merci. Nous savons que dans l'ensemble, la progression des femmes quant aux mises en candidature et à l'élection a été décevante, mais que sous cette stagnation globale, certains changements — parfois très importants — se sont produits et peuvent orienter les nouvelles stratégies dont je veux vous parler. Je tiens particulièrement à traiter de la transformation émergente qu'on observe dans les milieux ruraux et urbains.
    Au Canada, la sous-représentation des femmes parmi les élus des régions rurales est constatée à partir des années 1950. Dans une mise à jour des données que j'ai effectuée au début des années 2000, j'ai constaté le même effet à la Chambre des communes et dans les provinces de l'Atlantique: une circonscription métropolitaine était toujours deux fois plus susceptible d'élire une femme qu'une circonscription rurale. Cet effet était ressenti bien au-delà des régions strictement rurales, allant jusqu'aux petites municipalités et aux villes de petite et moyenne tailles, et franchissait même les limites régionales et partisanes.
    Comment expliquer ce phénomène? Quelle en est la cause? J'ai donc entrepris une recherche et rencontré 241 dirigeantes en régions rurales dans les provinces de l'Atlantique et de l'Ouest. Nous avons eu des discussions ouvertes sur divers thèmes liés au leadership, à la vie publique et à la décision de se présenter aux élections. Voici mes principales constatations: il y avait suffisamment de candidates potentielles qualifiées pour favoriser une hausse importante du nombre de femmes élues et il n'y avait aucun signe d'un obstacle lié au traditionalisme rural. J'ai cerné divers obstacles, que j'ai répartis en trois catégories: l'alarmante réticence des femmes à se porter candidates; la vive concurrence pour l'obtention d'un poste politique prestigieux; la peur du risque des instances des partis.
    Je souligne toutefois que la politique suscitait plus d'enthousiasme et de curiosité dans les quelques régions où l'économie locale prospérait. C'est un aspect important, car il était vraiment frappant de voir la fréquence à laquelle les discussions revenaient aux mécanismes par lesquels la fragilité de l'économie locale renforce ces obstacles. On a constaté que de nombreuses collectivités non métropolitaines dépendent d'une seule industrie d'extraction des ressources. En outre, la deuxième vague du mouvement féministe qui a favorisé l'élection d'un nombre accru de femmes à des charges publiques a coïncidé avec une baisse prolongée des cours des matières premières et une crise écologique. J'en suis arrivée à la conclusion — d'après les entrevues que j'ai menées au début des années 2000, à une époque où les régions rurales du Canada ne semblaient pas avoir beaucoup d'espoir — qu'une mauvaise synchronisation des marchés mondiaux a accentué le manque de femmes élues en milieu rural.
    Faisons maintenant un grand saut jusqu'à aujourd'hui. Il y a eu un revirement des marchés mondiaux et une remontée généralisée des cours des produits de base. L'indice des prix des produits de base de la Banque du Canada est fortement au-dessus de la tendance à partir de 2005, mais fortement sous la tendance au cours des années 1980 et 1990. Cela englobe tous les produits de base, pas seulement le pétrole. La remontée des cours des produits de base a eu un effet considérable partout au Canada. Cela ne concerne pas seulement le pétrole, et cela comprend le Québec. L'incidence de cette remontée a été particulièrement forte sur les régions rurales riches en ressources.
    Il est fascinant de voir qu'après avoir tiré de l'arrière pendant toutes ces décennies, les circonscriptions rurales du Canada ont soudainement commencé à élire plus de femmes. Le tableau que vous voyez ici, qui a été préparé par Miranda Sculthorp, montre les résultats des quatre dernières élections fédérales.
    Examinons cela d'un point de vue plus quantitatif. Ici, nous voyons les noms des 18 femmes qui ont été élues dans des circonscriptions rurales du Canada, selon les critères d'Élections Canada. Comme vous pouvez le voir, le pourcentage est de 24 %, près de la moyenne nationale de 26 %. Ce pourcentage n'est pas satisfaisant, évidemment, mais il s'agit d'un progrès remarquable par rapport au début des années 2000, alors que la proportion était environ 10 % en milieu rural contre 30 % en région métropolitaine.
    Cette transformation n'est pas propre à la Chambre des communes; on l'observe également dans certaines assemblées législatives provinciales.
    Voici les résultats des élections en Nouvelle-Écosse en 2017, alors que 9 des 31 sièges à l'extérieur d'Halifax ont été remportés par des femmes, tous partis politiques confondus, ce qui représente 29 % des sièges. C'est un changement considérable par rapport à 2003, alors qu'un seul des 34 sièges à l'extérieur d'Halifax avait été remporté par une femme.
    Allons maintenant à l'autre bout du pays, en Colombie-Britannique. Selon mes calculs, 37 % des sièges ont été remportés par des femmes, soit 12 femmes élues dans les 32 circonscriptions les plus rurales. Il s'agit encore une fois d'un gros changement par rapport au début des années 2000.
    D'autres élections provinciales récentes ont donné des résultats mixtes. Le Manitoba fait figure d'exception. La motivation du parti est devenue un facteur capital. La question est donc de savoir pourquoi les partis motivés parviennent-ils à changer la donne maintenant alors qu'ils n'y parvenaient pas auparavant? On constate que les libéraux ont fait un revirement d'envergure.

  (1545)  

    Je pense que les associations de circonscription sont beaucoup plus réceptives qu'à l'époque où Paul Martin était chef du parti. Vous vous souvenez certainement que Paul Martin et Jean Chrétien parlaient souvent de promouvoir la candidature des femmes. Le NPD a toujours été le parti le plus favorable aux femmes et a remporté plus de sièges en dehors des régions métropolitaines et formé des gouvernements provinciaux là où il n'avait pas connu de succès. On constate également une intégration graduelle de ce courant dans le programme d'un plus grand nombre de partis, comme le démontrent les exemples récents des conservateurs en Nouvelle-Écosse et des libéraux en Colombie-Britannique.
    Essentiellement, cela reflète l'amélioration de la qualité de la démocratie qui contribue à l'érosion des obstacles.
    Parmi les facteurs contributifs, soulignons l'atténuation de la détresse économique, l'accent plus marqué sur la transparence et la responsabilisation — un aspect important pour les femmes — et les effets concrets des organismes de la société civile. Je saisis l'occasion pour souligner que nous avons tenu en Nouvelle-Écosse notre activité « Héritières du suffrage ». Il convient de souligner l'intérêt remarquable du Parti conservateur de la Nouvelle-Écosse d'en faire partie et de participer.
    J'aimerais présenter des recommandations pour conclure. Les initiatives doivent tenir compte des changements récents dans les tendances et de l'amélioration des probabilités de succès électoraux à l'extérieur des grandes villes. Parallèlement, je pense que les circonscriptions urbaines ne sont pas à l'abri de reculs. J'ajouterais que toute initiative doit prendre en compte les forces générales essentielles à l'élection de femmes et que les gouvernements doivent renforcer la vitalité économique dans toutes les régions, car les poches de détresse nuisent à la qualité de la démocratie, au détriment des femmes.
    Il faut en outre continuer d'accroître la transparence et la responsabilisation du gouvernement.
    Enfin, il faut entretenir une culture multipartisane axée sur le recrutement d'un nombre accru de candidates.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup. C'était excellent.
    Nous passons maintenant à Mme Sylvia Bashevkin. Vous avez sept minutes.
    Je félicite le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes de l'intérêt qu'il porte aux obstacles auxquels se heurtent les femmes en politique, et je vous remercie de l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
    Grâce au soutien du CRSH, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, j'ai pu étudier pendant une assez longue période bon nombre des questions dont le Comité est saisi. Puisque mes conclusions sont du domaine public, je ne vais pas répéter ici ce que j'ai énoncé sur papier.
    Ce qui me préoccupe à l'heure actuelle, c'est notre indifférence à l'égard du nombre de femmes qui se présentent en politique. Ces obstacles entrent en ligne de compte bien avant que les processus de recrutement et de nomination officiels commencent. Plus particulièrement, je veux souligner les menaces à la sécurité personnelle auxquelles sont confrontées de nombreuses femmes dans la vie publique, ce qui décourage les participantes potentielles de se lancer en politique.
    Un grand nombre de Canadiens ont entendu parler de la violence contre les femmes et s'en inquiètent, y compris les défis particuliers auxquels se heurtent les femmes autochtones. Un grand nombre de personnes ont peut-être également lu les reportages au sujet de l'assassinat en 2003 dans un magasin à rayons à Stockholm de la ministre suédoise des Affaires étrangères, Anna Lindh, qui figurait parmi les personnes les plus connues qui militaient pour que la Suède se joigne à la zone euro de l'Union européenne. Un certain nombre de Canadiens se souviendront sans doute de la fusillade en 2011 sur le terrain de stationnement d'un supermarché à Tucson où la représentante au Congrès, Gabrielle Giffords, tenait une réunion avec ses électeurs. Plus récemment, les Canadiens se rappellent peut-être le meurtre en 2016 de la députée travailliste britannique Jo Cox, qui prônait le maintien de la Grande-Bretagne au sein de l'Union européenne, qui a été tuée à sa sortie d'une bibliothèque locale avant d'aller rencontrer ses électeurs.
    Nous discutons rarement des actes de violence contre les législatrices dans les systèmes politiques qui sont semblables à celui du Canada, même si ces incidents devraient nous hanter. Nous savons que les parlementaires de sexe masculin en Suède, aux États-Unis et au Royaume-Uni font également face à des menaces violentes, mais dans le passé, il y a eu beaucoup plus d'hommes que de femmes qui ont détenu une charge élective, si bien que la probabilité d'assassinat ou de tentative d'assassinat d'une politicienne, en présumant que ses attaques sont spontanées, serait beaucoup moins élevée pour une femme que pour un homme.
    Au moment des incidents que j'ai décrits, Anna Lindh, Gabrielle Giffords et Jo Cox étaient toutes des mères et des politiciennes progressistes avec une grande visibilité publique. Les enquêtes subséquentes ont fait état que chacune d'elles était expressément ciblée par un assassin de sexe masculin. Cette tendance concorde avec les données internationales recueillies par le National Democratic Institute, qui est une organisation sans but lucratif et non partisane établie à Washington, D.C. La mission du NDI consiste à renforcer les institutions politiques démocratiques. En mars 2016, le NDI a lancé une initiative dans les médias sociaux intitulée « NotTheCost, Stopping Violence Against Women in Politics ». Si nous consultons le site Web du NDI, nous pouvons lire ceci, et je cite:
Au cours des dernières décennies, l'égalité entre les sexes dans la vie politique et les organismes publics a augmenté considérablement, ce qui a donné lieu à une panoplie de conséquences positives pour les femmes, la démocratie et la société. Cependant, à mesure que plus de femmes deviennent des activistes, des dirigeantes élues, des fonctionnaires et des électrices, elles sont confrontées à des niveaux plus élevés de harcèlement, d'intimidation et d'abus psychologiques — en personne et, de plus en plus, en ligne. Ce contrecoup dissuade les femmes de se lancer en politique, nuit sérieusement à leur capacité de faire valoir librement et sécuritairement leurs droits à participer à la vie politique, et mine la démocratie.
    L'article sur le site Web se poursuit, et je cite:
La violence contre les femmes en politique s'inscrit dans la définition internationale de la violence contre les femmes. Elle englobe toutes les formes d'agressions, de coercition et d'intimidation contre les femmes, en tant qu'intervenantes politiques pour la simple raison qu'elles sont des femmes. Ces actes de violence visent à contrôler, à limiter ou à empêcher les femmes à participer pleinement à la vie politique. Cette violence est tant physique que psychologique, et on constate de plus en plus de cyberintimidation et d'autres formes de violence en ligne. Les femmes qui sont victimes de violence peuvent connaître leurs agresseurs, mais les auteurs de ces actes ne sont parfois pas connus — ils agissent de façon anonyme ou se trouvent dans un autre pays, dans le cas de la violence en ligne.
Bien que la violence politique cible tant les hommes que les femmes, la violence contre les femmes en politique cible les femmes justement parce qu'elles sont des femmes, prend des formes qui s'appliquent particulièrement aux femmes (p. ex., violence sexuelle et attaques sexistes) et décourage toutes les femmes de participer à des activités politiques, ce qui a une incidence particulièrement négative sur les jeunes femmes et sur les nouvelles venues en politique.
    Le site Web du National Democratic Institute encourage les lecteurs de signaler les incidents de violence contre les femmes dans la vie publique et de marquer ces incidents sur une carte du monde. J'ai regardé la carte hier et j'ai été étonné de constater que le territoire du Canada n'est marqué d'aucun incident. Je porte ce point à l'attention du Comité, car un sondage mené par deux universitaires canadiens a révélé que les femmes députées à la Chambre des communes évitent d'afficher sur Internet le nom ou des photos de leurs enfants pour des raisons de sécurité.
    De plus, je suis en train de publier un livre qui examine 11 femmes canadiennes qui ont dirigé nos gouvernements provinciaux et territoriaux. Les reportages qui ont été utilisés dans le cadre de cette recherche montrent que deux premières ministres contemporaines au Canada se sont heurtées à des niveaux sans précédent d'hostilité, et elles sont toutes les deux des dirigeantes de gouvernements progressistes. Des données de la Police provinciale de l'Ontario et du Service de police de Toronto, qui sont citées dans un article de 2017, révèlent que la première ministre de l'Ontario Kathleen Wynne a été la cible de menaces particulièrement acrimonieuses en raison de son orientation sexuelle. Un rapport de 2017 sur les comptes de médias sociaux de la première ministre Wynne présente en détail les messages grotesques et souvent très sexualisés qu'elle a reçus.

  (1550)  

    Si nous examinons un rapport de 2017, nous constatons que la première ministre de l'Alberta Rachel Notley a été la cible d'au moins 11 menaces de mort durant les trois premières années de son mandat en tant que dirigeante provinciale. Ce rapport de 386 pages explique en détail ce que le ministère de la Justice de l'Alberta qualifie de « résumés d'incidents » qui documentent, et je cite, « un gazouillis alarmant, un courriel vulgaire, une menace ou un appel ciblant un politicien albertain — et plus souvent la première ministre Rachel Notley » durant les deux premières années et demie de son mandat.
    Le ministère de la Justice de l'Alberta a également compilé un dossier longitudinal des menaces contre tous les premiers ministres de l'Alberta qui ont été au pouvoir entre 2003 et 2015. On a constaté que la première ministre Notley était de loin la première ministre qui a été la plus menacée au cours de cette période. En l'espace d'environ sept mois entre le moment où elle a été élue majoritairement et la fin de 2015, Rachel Notley a été la cible de 19 menaces en dehors des médias sociaux sur un total de 55 menaces dont ont fait l'objet les premiers ministres qui ont été au pouvoir au cours de cette période, et ce sont des menaces qui ont été enregistrées sur une période de 12 ans. Autrement dit, deux femmes premières ministres en Alberta qui étaient brièvement au pouvoir durant la période étudiée ont reçu environ 56 % des menaces.
    J'attire à l'attention du Comité ces données au sujet des femmes députées et des premières ministres provinciales pour faire la lumière sur la prémisse selon laquelle tout va pour le mieux pour la sécurité des femmes dans la vie publique canadienne. En dépit de la carte du Canada sur le site Web du National Democratic Institute, il y a eu de nombreux incidents troublants au pays. Je recommande aux membres du Comité d'examiner les travaux du NDI et de l'Union interparlementaire, qui a également publié en ligne les résultats des recherches sur la violence contre les femmes dans la vie publique et les recommandations pour régler le problème.
    Le rapport de l'Union interparlementaire conclut que comme avec le problème général de la violence contre les femmes, aucune mesure pour régler les problèmes qui touchent les femmes en politique ne peut être prise à moins que les parlementaires et les membres du public reconnaissent qu'il y a un problème sur lequel il faut se pencher. Les auteurs du rapport de l'Union interparlementaire ont dit « [...] lorsque le phénomène est visible et reconnu, on peut trouver ou mettre au point des solutions ».
    Dans la mesure où nous continuerons de vivre dans le déni de ce phénomène, les défis continueront d'être considérés comme étant des difficultés privées auxquelles sont confrontées les femmes publiques. Compte tenu du mandat de la Chambre des communes, notamment pour le plan d'action pancanadien dans les secteurs de la sécurité publique et de la criminalité, j'exhorte les membres du Comité à entamer à tout le moins une conversation nationale dirigée à propos de la sécurité des femmes en politique.
    Merci de votre attention.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Jeanette, vous avez sept minutes. Merci.
    Merci de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je suis spécialisée en recrutement politique, et je publie des articles et je conseille les partis sur la façon d'augmenter la représentation des femmes dans les assemblées législatives. Aujourd'hui, j'aimerais faire valoir trois arguments clés sur les obstacles auxquels se heurtent les femmes en politique.
    Premièrement, je vais parler du problème. Pour ce qui est de la représentation politique, le Canada ne s'en tire pas très bien par rapport à d'autres pays.
    Deuxièmement, je vais expliquer pourquoi le Canada n'a pas de bons résultats. Les processus de sélection des partis sont la principale cause de la sous-représentation des femmes. On croit à tort que la sous-représentation des femmes est causée par un problème d'offre plutôt qu'un problème de demande. C'est tout le contraire. Un nombre suffisant de femmes se présentent en politique, mais les responsables et les fonctionnaires du parti sélectionnent des hommes de manière disproportionnée.
    Troisièmement, je vais vous expliquer comment nous pouvons nous améliorer. Étant donné que le problème est plus attribuable à la demande, des solutions relatives à la demande seront plus efficaces. La meilleure façon dont le Parlement canadien pourrait changer la situation est en légiférant des quotas pour les partis politiques, c'est-à-dire que les partis seraient tenus de présenter de 40 à 50 % de femmes candidates. Si c'est impossible, le Parlement devrait offrir des incitatifs financiers aux partis pour qu'ils présentent plus de femmes candidates. À tout le moins, Élections Canada doit recueillir plus de renseignements sur les courses à l'investiture et communiquer ces données au Parlement pour accroître la transparence de ces processus et la reddition de comptes des partis politiques.
    Le premier point est que, par comparaison, le Canada n'a pas de bons résultats. Les femmes détiennent 27 % des sièges à la Chambre des communes. Cela nous place au 61e rang parmi 193 pays. Étant donné que les femmes représentent 50 % de la population, des processus de sélection équitables signifieraient qu'elles remporteraient 50 % des sièges. C'est 169 sièges, soit 78 de plus que les 91 qu'elles occupent à l'heure actuelle. Pourquoi en est-il ainsi?
    Le deuxième point est que les processus de sélection des partis sont le problème. Nous devons mieux comprendre l'offre et la demande. Pour être élues, les femmes doivent être sélectionnées comme candidates. En 2015, les femmes ont remporté 26 % des sièges et représentaient 30 % des candidats, ce qui est un sommet sans précédent. Cela signifie que 67 % des candidats étaient des hommes. Les pourcentages peuvent être trompeurs. Ils amènent de nombreuses personnes à croire que la sous-représentation des femmes est un problème d'offre, mais les chiffres donnent un autre son de cloche. Des 1 792 candidats, 535 étaient des femmes. Nous devons seulement élire 169 femmes pour respecter la parité entre les sexes, mais 535 femmes se sont portées candidates. C'est 366 femmes de plus.
    Je veux réitérer ceci: aux dernières élections, nous avions un surplus de 366 femmes candidates. Ce n'est donc pas un problème d'offre.
    Ces données ne reflètent qu'une étape du processus de sélection. Réfléchissons à la question plus en profondeur et examinons le moment où les gens se portent candidats.
    Même si Élections Canada ne recueille pas toutes les données dont nous avons besoin sur les courses à l'investiture, nous pouvons utiliser d'autres travaux universitaires pour évaluer ce qui se passe durant les processus de sélection des candidats. Même si nous savons que certains candidats sont élus par acclamation, nous savons aussi que les membres des partis locaux tiennent des votes pour sélectionner leurs candidats. Bon nombre d'entre vous dans cette salle ont passé par ce processus.
    Imaginons, parce que nous n'avons pas les données complètes, que 2 personnes se disputent chacune des 1 792 candidatures, pour un total de 3 584 personnes qui se présentent dans l'espoir d'être élues. C'est l'offre. Je répète que j'estime qu'environ 3 500 personnes ont présenté leur candidature aux dernières élections, mais que seulement 1 792 ont été sélectionnées. C'est le processus de sélection. C'est ce que le processus de filtrage et de tri fait. Si 30 % de ces candidats sont des femmes, c'est donc plus de 1 000 femmes. C'est 1 075 femmes qui se portent candidates alors que nous n'en avons besoin que de 169 pour atteindre la parité entre les sexes, si bien que nous avons suffisamment de femmes qui se portent candidates. Cela devrait contribuer à remettre en question l'idée selon laquelle l'offre est le problème.
    Bien entendu, ce qui fait défaut dans cette analyse est l'incidence que les partis ont sur les résultats du processus de sélection, à savoir quels candidats seront sélectionnés. Mes propres recherches montrent que dans certains cas au Canada, les hommes sont six fois plus susceptibles d'être sélectionnés comme candidats par les membres d'un parti que les femmes.

  (1555)  

    Je veux que l'on prenne conscience que les hommes sont six fois plus susceptibles que les femmes d'être sélectionnés comme candidats, et c'est quand tout est constant. Le problème n'est donc pas l'offre; c'est la demande. C'est selon la volonté des partis, au final, peu importe le système électoral que nous utilisons. Si les dirigeants des partis veulent plus de femmes candidates, ils feront en sorte que cela se concrétise.
    Puisque le problème de la sous-représentation des femmes est davantage lié à la demande, nous devons envisager plus en détail des solutions en fonction de la demande. Dans un monde idéal, le Canada imposerait des quotas pour les femmes, ce qui se fait déjà dans plus de 100 pays. Par exemple, certains pays prévoient des sièges réservés ou des quotas de candidats légaux dans leur constitution, tandis que d'autres adoptent simplement de nouvelles lois.
    Puisqu'il est peu probable que le Canada change sa constitution, modifier la loi électorale semblerait être la solution la plus acceptable. Par exemple, en vertu de la loi en Belgique, les partis qui ne fournissent pas de listes de candidats reflétant la parité des sexes n'ont pas le droit de participer aux élections. L'option la plus modérée est d'offrir des incitatifs financiers aux partis pour qu'ils aient plus de femmes candidates, comme c'est le cas en Irlande et en France.
    Cette mesure des plus modérées a été rejetée par ce Parlement en 2016 dans le cadre du projet de loi C-237, la Loi sur l'équité hommes-femmes. Je conseillerais fortement au Comité de revoir les mesures proposées dans le projet de loi C-237, mais si c'est impossible, alors il devrait à tout le moins conférer à Élections Canada le pouvoir d'obliger les partis politiques à fournir des données additionnelles sur les processus de sélection des candidats qui se présentent, de ceux qui gagnent et de ceux qui perdent, pour pouvoir faire une comparaison.
    Plus précisément, je recommande que le paragraphe 476.1(1) de la Loi électorale du Canada soit modifié pour rendre obligatoire la disposition relative aux données intersectionnelles de tous les candidats qui participent au processus de sélection, y compris les renseignements sur le genre, l'identité sexuelle, la race, l'origine autochtone, la capacité physique, l'orientation sexuelle, etc.
    À l'heure actuelle, vous modifiez la Loi électorale du Canada par l'entremise du projet de loi C-76, la Loi sur la modernisation des élections, et vous pouvez facilement apporter ces modifications pour que nous comprenions mieux comment les femmes sortent leur épingle du jeu dans les processus de sélection.
    Merci.

  (1600)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer nos séries d'interventions. Nous allons accorder sept minutes à chaque participant, en commençant par Pam Damoff.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je veux poser quelques questions sur le processus de nomination, car quelques-uns d'entre vous en ont parlé, mais nous n'avons pas vraiment de bonnes données sur le nombre de femmes qui présentent leur candidature. Nous savons combien de femmes briguent les suffrages.
    Je ne me rappelle pas le titre du livre, mais après les élections de 2011, quelqu'un a interviewé un certain nombre de candidats. À cette rencontre, il y avait plusieurs personnes et une ancienne députée. Elle a dit, « Il faut changer le processus de nomination ». C'est en partie une question financière. Je me demande si vous pourriez aborder ce point. Un grand nombre de femmes semblent ne pas présenter leur candidature en raison d'obstacles financiers.
    Des cartes d'adhésion sont vendues, et tous les partis font cela. Certains achètent leur adhésion et utilisent leur propre argent. Même si c'est illégal, c'est une réalité.
    En ce qui concerne les obstacles financiers, y compris ceux entourant le processus de nomination, y a-t-il quoi que ce soit que nous pouvons changer ou y a-t-il une mesure que nous pouvons prendre pour faire en sorte qu'un plus grand nombre de femmes soient sélectionnées par le parti?
    Je vais répondre, mais mes collègues auront peut-être quelque chose à ajouter.
    Vous avez raison. D'après nos discussions avec d'anciennes députées — et ce sont des personnes qui sont passées par le processus de nomination —, il y a ce qu'elles appellent la « boîte noire »: ce qui se passe en coulisse. Les partis font toutes sortes de manoeuvres pour aider certains candidats ou en décourager d'autres de se présenter. Ainsi, les règles du jeu ne sont pas équitables et l'environnement de l'information est incertain.
    Pour revenir sur ce qu'a dit Louise Carbert, la transparence et la reddition de comptes à titre de conditions en politique aident grandement les femmes de façon générale. Si elles savent que les mêmes règles s'appliquent à tout le monde et que les échéances sont les mêmes pour tous, alors leur expérience en sera améliorée.
    Qu'est-ce qu'il faut pour en arriver là? On a déjà proposé de donner à Élections Canada un rôle plus officiel dans la surveillance des processus de nomination. On pourrait ainsi s'attaquer au problème de manière plus détaillée.
    Si l'on ne peut pas aller aussi loin, alors on pourrait demander aux partis qu'ils fassent rapport de leur processus de nomination et des communications au sujet de la date limite pour les candidatures et autres, de sorte qu'on puisse savoir si les courses étaient équitables et si elles ont placé certains candidats en situation de désavantage. Il faut jeter la lumière sur ce processus de la boîte noire.

  (1605)  

    Mme Ashe a hâte de prendre la parole.
    Oui. J'ai réalisé une étude il y a quelques années au Royaume-Uni. J'ai eu accès aux données du recensement de trois élections générales, sur toutes les personnes qui ont souhaité devenir candidats du Parti travailliste britannique. J'ai aussi obtenu des données du Parti conservateur et du Parti libéral-démocrate. J'ai pu voir des données sur toutes les personnes qui se sont présentées, qu'elles aient été choisies ou non.
    J'ai fait quelques enquêtes. J'ai établi environ 44 variables que nous avions associées à une candidature idéale et nous les avons mises à l'essai. J'ai tenu compte de certains éléments comme l'ethnicité, la race, l'orientation sexuelle, le revenu, la profession, l'éducation et l'argent dépensé pour les processus de nomination... ce genre de choses.
    Seulement trois variables sur 44 avaient une incidence sur le choix des candidats. La première était le sexe: les membres des partis étaient beaucoup plus enclins à choisir un homme qu'à choisir une femme. Encore une fois, toutes les variables étaient constantes et étaient contrôlées. La deuxième était l'appartenance à la circonscription. La troisième était la participation préalable à un conseil local, ce qui constitue un autre mesure locale.
    Parmi les 44 variables qui auraient dû avoir une incidence sur le choix des candidats, seulement trois en avaient réellement une. Le sexe était la variable la plus importante, pour tous les types de sièges.
    Est-ce que quelqu'un veut ajouter quelque chose?
    D'accord. Madame Hilderman, j'ai assisté à l'événement organisé par Samara lorsque vous avez publié votre rapport sur le chahutage. Vous avez des données sur ce que j'ai vu à la Chambre: la réponse varie selon la personne à qui l'on pose la question.
    La semaine dernière, nous avons entendu un témoin qui a participé à une simulation du Parlement qui était si écrasante qu'elle ne voulait plus en faire partie. J'ai assisté à une simulation du genre à Queen's Park il y a de nombreuses années lorsque mon fils était à l'université, et c'était horrible.
    Comment peut-on changer la culture? Avez-vous constaté des changements depuis la publication de votre rapport l'année dernière?
    C'était la deuxième enquête de Samara auprès des députés. Nous les avons sondés au cours de la 41e législature et encore à la 42e. Je crois que les choses ont changé et que les députés sont plus sensibilisés au problème.
    Il semble y avoir un changement de culture en ce qui a trait à la perception du chahutage. Avant, on croyait que c'était la tradition en politique; maintenant, on reconnaît que c'est un outil qui peut faire taire les gens et qui peut même être une forme de harcèlement, ou du moins une technique utilisée pour faire taire les autres. Je crois que la perception a changé.
    En ce qui a trait à la fréquence ou à l'intensité du chahutage, je ne crois pas que les choses aient changé. Samara a tenté de proposer des idées, des expériences à faire... et nous avons insisté sur le mot « expérience », parce que nous ne savons pas vraiment ce qui va se passer. De nombreuses personnes ont fait valoir que la pratique du chahutage s'était accentuée depuis qu'on avait installé les caméras dans les années 1970 et je peux vous assurer qu'à l'époque, on n'aurait jamais pensé que les caméras auraient pu avoir cet effet. On pensait plutôt que la Chambre des communes serait plus ouverte et qu'on allait rehausser le niveau des débats. Lorsqu'il y a un changement, on ne sait pas toujours comment les choses vont tourner.
    Nous avons notamment proposé de changer l'angle des caméras, de sorte que les chahuteurs perdent leur anonymat. Nous avons proposé...
    Il ne me reste plus beaucoup de temps. Si au lieu de centrer la caméra sur le président, on montrait les députés, est-ce que cela aiderait?
    C'est une proposition qui devrait être mise à l'essai à notre avis, parce que l'anonymat fait en sorte que les gens qui font du chahutage ne sont pas réprimandés.
    Oui.
    Il ne me reste plus de temps?
    Non, ça va. Il vous reste encore une minute et demie. Nous avons eu un petit problème avec l'horloge, mais tout est rentré dans l'ordre. Je crois que nous sommes à six minutes, environ. Et vous?
    J'en suis à sept minutes.
    Nous avons un peu de retard. Voulez-vous prendre une minute de plus?
    D'accord.
    Madame Ashe, vous avez parlé des quotas. C'est une question qui polarise les gens. Bien sûr, le projet de loi d'initiative parlementaire a été rejeté. J'étais assez fière de le parrainer, mais...
    Vous avez fait des recherches partout dans le monde en ce qui a trait à l'incidence des quotas sur l'élection des candidats. Pourriez-vous nous en parler? Quelle est l'incidence des quotas au sein des partis, pour...

  (1610)  

    Notre système électoral est le même que celui du Royaume-Uni. Le Parti travailliste britannique utilise des listes restreintes de femmes uniquement. C'est une loi permissive, alors les partis ont le droit d'avoir recours à un tel quota. Jusqu'à 50 % des sièges convoités ou des sièges assurés d'un parti sont réservés aux femmes. On y a eu recours pour la première fois en 1997 et le nombre de femmes élues a augmenté de 100 %.
    C'est excellent.
    Pourriez-vous nous donner...
    Nous avons largement dépassé le temps prévu.
    Mme Pam Damoff: Merci.
    La présidente: Stephanie, vous disposez de sept minutes. Allez-y.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
    Je tiens tout d'abord à vous dire, Sylvia, que je vous appuie sans réserve dans votre travail sur la violence contre les femmes. Je suis l'ancienne présidente de la section locale d'Alberta Sud d'À voix égales. J'ai eu la chance de voir bon nombre de mes articles publiés au fil des années en raison des divers postes que j'ai occupés, mais celui dont je suis le plus fière, c'est un article du 17 décembre 2015 intitulé « Death threats risk silencing democracy », que j'ai corédigé avec mon homologue de l'époque, Lana Cuthbertson, et qui a été publié dans le Calgary Herald et l'Edmonton Journal. Je vous remercie beaucoup pour votre travail.
    Jane, je réponds toujours aux enquêtes de Samara. Dans votre rapport intitulé « C'est mon parti », vous dites que l'un des problèmes auxquels sont confrontés les députés en raison du système des partis, c'est la frustration quant à la façon d'évaluer leur travail. Je vous cite:
De nombreux députés ont exprimé leur déception parce que les critères des promotions, particulièrement à des postes au Cabinet, n’avaient pas été exposés. Même si la plupart des députés ont reconnu l’importance d’un équilibre en matière de sexes, de régions et d’origine ethnique dans les décisions relatives aux promotions, plusieurs d’entre eux ont estimé que trop de nominations n’étaient pas méritées.
    Pouvez-vous nous en dire plus là-dessus et au sujet des préoccupations relatives aux promotions non méritées de certains politiciens?
    Dans le cadre de nos entrevues de départ, nous tentons de faire entendre la voix des députés. Je vais donc vous dire ce que je retiens de ce qu'ils nous ont dit par le passé.
    De façon générale, dans nos enquêtes, le point important qui ressort, c'est que les possibilités d'avancement au Parlement sont très strictes. Il n'y a pas beaucoup de possibilités, à part tenter de faire partie du Cabinet. C'est comme cela qu'on gravit les échelons et qu'on exerce une plus grande influence sur la prise de décisions, alors tout le monde veut en faire partie, mais les places sont limitées. Je crois que bon nombre des députés croient qu'ils ont quelque chose à offrir, mais que la prise de décisions au sein des partis — et je crois que c'est la même chose dans tous les partis — se fait de façon opaque.
    Cela revient à mon point au sujet de la boîte noire des nominations. Les députés ne savent pas vraiment ce qui fait pencher la balance dans les décisions que prennent les leaders du parti.
    Je vous remercie, Jane, pour votre réponse très honnête.
    Louise, je suis très heureuse de vous revoir ici après avoir travaillé avec vous pour À voix égales. Je tiens à vous féliciter pour votre livre. La critique que j'ai lue faisait valoir votre style académique et parlait d'une incursion fascinante dans la vie d'une femme qui souhaite faire carrière en politique.
    Je vais citer quelques passages de la critique de Rosemary Speirs, la fondatrice d'À voix égales:
D'autres personnes, dont bon nombre de recruteurs, suggèrent que ce sont les femmes elles-mêmes qui choisissent de se retirer d'un jeu qu'elles jugent trop dur. Un ancien proche d'un parti, interrogé par Mme Carbert, a dit qu'ici, on dévorait les femmes vivantes.
    Elle dit aussi:
Nous savons d'après des données empiriques provenant de l'ensemble du pays que les incidents très médiatisés découragent les femmes de se présenter.
    Est-ce que certains incidents, où l'on a ostracisé les politiciennes, ont perpétué la peur des femmes de se porter candidates, à votre avis?
    L'ostracisme public? D'après les résultats de mes entrevues, non, je ne crois pas que cela soit en cause. Je crois que cela revient plutôt à ce que disait Mme Bashevkin; donc non.
    C'est votre réponse longue et votre réponse courte: non.
    Oui. Ce n'est pas une question d'ostracisme en soi, non.
    Est-ce que je peux intervenir?

  (1615)  

    Oui, allez-y.
    Selon la recherche sur les femmes réalisée à l'échelon provincial, où des femmes chefs de parti se sont souvent retirées du Cabinet, il semble, tout d'abord, y avoir un manque de reconnaissance des femmes dans de nombreux domaines, et pas seulement en politique. Les femmes ne savent pas toujours comment gravir les échelons. La recherche canadienne et la recherche comparative donnent à penser que les proches des partis utilisent souvent diverses mesures pour évaluer l'efficacité des femmes en politique par rapport à celle des hommes.
    On peut penser aux politiciennes à l'échelon provincial. Certaines ont réussi à faire élire un gouvernement majoritaire pour leur parti. Je pense à Catherine Callbeck, à l'Île-du-Prince-Édouard et à Kathy Dunderdale, à Terre-Neuve. Kathleen Wynne a fait élire un gouvernement majoritaire en Ontario; on a tendance à l'oublier. Les proches des partis sont beaucoup plus impatients avec ces femmes qu'ils ne le sont avec les hommes qui occupent les mêmes fonctions. Ainsi, à la suite d'une défaite, on dira qu'on ne pourra jamais plus avoir une autre femme à la tête d'un parti. En d'autres termes, les femmes sont coupables de leur soi-disant inefficacité, mais personne ne dira qu'on ne pourra plus jamais avoir un homme à la tête du parti lorsqu'il perd ses élections ou que le parti s'affaiblit.
    Je vous remercie de votre commentaire, Sylvia.
    Louise, vous m'excuserez. Je n'ai peut-être pas donné suffisamment d'exemples de votre livre au sujet de ces expériences négatives. Dans la région de l'Atlantique, les femmes ont évoqué le sort de la seule première ministre du Canada, Kim Campbell, qui est restée en poste moins de cinq mois et qui avait été choisie comme bouc émissaire, à leur avis. Elles ont cité le cas de l'ancienne ministre du Cabinet libéral, Jane Stewart, qui avait été démolie par les médias lors des scandales de Développement des ressources humaines Canada, alors qu'elle avait été blâmée pour ce qu'avait fait son prédécesseur — un homme —, et aussi celui de la députée Elsie Wayne, de Saint John, qui avait été critiquée par les médias nationaux pour ses chandails, imaginez-vous, qu'elle avait achetés au Nouveau-Brunswick.
    Une femme a dit que les gens du magasin qui lui avait vendu les vêtements étaient très agacés; ils trouvaient qu'elle avait un style très classique. Il n'y a rien à ajouter.
    Lorsque je pensais à l'ostracisme, je pensais à la communauté locale, aux pairs que côtoient ces femmes tous les jours.
    D'accord. Excusez-moi. Je n'ai pas été claire.
    Non, il n'y a pas de problème; cela fait longtemps que j'ai lu la critique de Rosemary Speirs.
    Je faisais référence à ce que j'appelais les « mises en garde », je crois. Les menaces et les obstacles sont bien réels, mais je crois aussi que les femmes se racontent des histoires entre elles sur les dangers de la politique, et qu'elles sont exagérées.
    L'un des problèmes ici, c'est que les politiciens ne parlent pas du travail valorisant qu'ils font. Ils sont plutôt largement critiqués dans les médias nationaux. Ainsi, les femmes se mettent à la place d'Elsie Wayne ou de Jane Stewart dans ces circonstances et se disent qu'elles ne pourraient jamais subir autant de pression. J'ai écrit que ce qu'on ne voyait pas, c'est que Jane Stewart s'était fait applaudir et traiter en héroïne par ses pairs.
    Les femmes ont des doutes et se racontent des histoires édifiantes.
    Il ne vous reste que 10 secondes.
    D'accord.
    ... donc, je vais devoir vous interrompre. Je suis désolée.
    Irene, vous avez la parole. Vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de tous les renseignements qu'elles nous transmettent. Tout est relié de façon brillante. Je sais que nous allons pouvoir rédiger un rapport exhaustif et utile en fonction de vos témoignages.
    Ma question est peut-être un peu politique. Dans quelle mesure un système de représentation proportionnelle favoriserait-il les femmes, le cas échéant? Est-ce qu'il aurait l'effet souhaité dont on parle?
    Je vais commencer, très brièvement. Le Comité sur la réforme électorale a largement étudié la question l'été dernier, et d'après les témoignages de mes collègues, j'ai l'impression que la représentation proportionnelle ne garantit pas nécessairement l'élection d'un plus grand nombre de femmes. C'est peut-être le cas dans certains pays, qui ont une longue tradition de démocratie sociale. En résumé, je dirais que c'est la démocratie sociale de ces systèmes électoraux qui favorise l'élection des femmes, plutôt que le système électoral en soi.
    Alors que le nombre de démocraties augmente dans le monde, on voit une plus grande variation dans les tendances relatives à l'élection des femmes selon ces systèmes électoraux.
    Je dirais que la représentation proportionnelle aiderait probablement à faire augmenter le nombre de femmes en politique au Canada, mais pour avoir suivi ce débat depuis de nombreuses décennies, je ne crois pas qu'il s'agirait d'une solution, pas plus que les quotas.
    Je crois que nous devons vraiment nous pencher sur la transparence du processus de nomination, car je ne crois pas que les Canadiens s'intéressent beaucoup aux genres de discussions sur la structure institutionnelle qui seraient nécessaires pour que la représentation proportionnelle ou les quotas soient adoptés.
    Je dirais qu'il est plus probable que des systèmes de représentation proportionnelle entraînent une augmentation de la participation des femmes, mais, habituellement, ces systèmes sont accompagnés de quotas sous une forme ou une autre et les deux fonctionnent ensemble. De plus, cela revient toujours à la volonté du parti. Dans certains pays où l'on utilise la représentation proportionnelle, la représentation des femmes demeure faible. Donc, c'est une question de volonté de la part des partis.

  (1620)  

    Je crois que nous avons déjà répondu à la question.
    Vous dites que la décision, visant à assurer que les femmes figurent sur ces listes et qu'elles ont une chance équitable, dépend de la volonté et du leadership du parti. Je crois que cela revient à la culture du leadership au sein des partis, ce que je trouve intéressant.
    Je sais que les systèmes de quotas ont mauvaise presse. J'ai proposé un projet de loi il y a quelques années qui aurait obligé les sociétés d'État à faire en sorte que la moitié des membres de leur conseil d'administration soit des femmes. Le projet de loi n'a pas fait long feu.
    Donc, ma question concerne les incitatifs financiers.
    Jeanette, vous en avez parlé plus tôt. Selon vous, quel genre d'incitatifs financiers serait le plus utile?
    À ce sujet, je présume que si les partis ne retiennent pas un certain pourcentage de candidates ou de candidates issues de groupes marginalisés politiquement, disons un seuil de 10 % avec une certaine marge de manoeuvre, ils pourraient ne pas recevoir de subvention. Cela pourrait s'appliquer à toutes les circonscriptions, si vous le voulez, ou aux circonscriptions où la victoire est presque assurée. Ce serait à vous de décider.
    Il s'agirait d'un incitatif financier, une façon d'encadrer la question d'une façon plus positive que les quotas.
    Il faudrait revenir à un système qui s'appuie sur le nombre de votes obtenu par les candidats?
    Oui, ce serait une option. Il existe différents modèles. Plusieurs pays ont recours à un incitatif financier. Les deux plus récents à avoir adopté un tel modèle sont l'Irlande et la France, l'Irlande étant la dernière. Les résultats ont été quelque peu concluants.
    Le projet de loi C-237 s'appuyait sur les exemples d'incitatifs de la France et de l'Irlande. J'imagine que vous pourriez en utiliser certains éléments.
    D'accord.
    Vous faites référence au projet de loi C-237, la Loi sur l'équité hommes-femmes chez les candidats, qui n'a pas reçu l'appui du Parlement. Quels éléments de ce projet de loi auraient soutenu l'élection de femmes? Quels éléments devrions-nous considérer dans le cadre d'une prochaine mesure législative sur le sujet présentée au Parlement? Quelle version du projet de loi C-237 devrions-nous présenter?
    Je crois qu'il faudrait se concentrer sur les incitatifs politiques pour les partis. Il suffit de reconnaître le rôle important que jouent les partis politiques dans les processus de recrutement et de sélection. Si les partis savent que s'ils ne retiennent pas un certain pourcentage de femmes ou de membres de groupes marginalisés politiquement, ils perdront un certain pourcentage de leur subvention... Cela pourrait être décidé et négocié au Parlement.
    Il faut revenir aux partis. Les partis doivent être responsables des résultats des processus de sélection, car ces processus témoignent vraiment d'une discrimination institutionnelle systémique, n'est-ce pas? En l'absence de toute discrimination institutionnelle dans le processus de sélection des partis, la distribution serait plus ou moins égale, en ce qui a trait au sexe, et autres qualités sous-représentées, mais ce n'est pas ce que nous voyons. Il faut vraiment se concentrer sur les processus de nomination.
    Il vous reste une minute.
    Vous avez parlé de la violence contre les femmes et de la violence physique contre les élues, ainsi que de la violence sur les médias sociaux dont j'ai moi-même fait les frais, comme bon nombre d'autres femmes. Le fait de nous attaquer à la réalité culturelle de la violence contre les femmes et de déployer un effort sincère pour assurer leur sécurité financière et sociale pourrait-il avoir un impact? Cela permettrait-il de chasser l'idée selon laquelle il est acceptable de s'attaquer à une femme, que ce soit physiquement ou de façon anonyme?

  (1625)  

    Vous avez environ 10 secondes pour répondre. Il ne restait plus de temps à l'intervention, mais je laisserai 10 secondes à quiconque souhaite répondre.
    Je ne suis pas convaincue qu'il soit facile de faire cesser les attaques contre les femmes sur les médias sociaux, mais je crois qu'il est beaucoup plus souhaitable de reconnaître que ces attaques ont lieu que de nier que cela fait partie de la culture politique canadienne.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Sean, vous avez la parole pour trois minutes.
    D'accord. Je tenterai d'être bref.
    Dans le cadre de vos témoignages, vous avez beaucoup souligné la nécessité d'améliorer la transparence du processus de nomination et la reddition de comptes par rapport à ce processus. J'aimerais savoir quelle forme cela pourrait prendre, outre la divulgation de données sur les caractéristiques immuables des candidats. Outre exiger que les parties fournissent des données à Élections Canada, par exemple, y a-t-il autre chose que nous pourrions faire?
    Je vous vois hocher la tête, madame Ashe.
    Oui. Les sommes dépensées lors des courses à la nomination seraient une information importante à avoir.
    Y a-t-il autre chose que nous pourrions faire pour améliorer la reddition de comptes et transparence? N'importe laquelle d'entre vous peut me répondre.
    La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis créée après l'élection fédérale de 1988 a analysé attentivement la façon d'ouvrir ce processus, y compris l'achat en vrac de cartes de membres des partis, le moment choisi pour tenir des réunions de nomination et la fermeture plus tôt des services de garde là où des femmes sont candidates. Il y a beaucoup de choses.
    Excellent.
    J'aurais une brève question à adresser à Mme Carbert au sujet du recrutement des femmes dans les communautés rurales.
    Merci beaucoup. Il s'agit d'un concept fascinant pour moi qui représente une région rurale et qui est également diplômé de l'Université Dalhousie.
    Concernant les nominations rurales, je remarque que dans ces régions, les partis comptent moins de membres que dans les grands centres urbains. Est-il possible de tirer parti de cette capacité qu'ont les femmes de recruter de nouveaux membres et de profiter du nombre de membres moins élevé? Est-ce une occasion pour les régions rurales du Canada de dépasser la moyenne nationale malgré la tendance historique vers l'inverse?
    C'est une suggestion positive intéressante. J'aime bien votre question, car elle me permet de souligner que les courses à la nomination sont très différentes à l'échelle du pays. On entend habituellement parler des courses bien financées qui suscitent un intérêt élevé de la part de la population dans les grands centres urbains, comme Toronto et Montréal. Pourtant, ces courses varient énormément à l'échelle du pays. Comme vous le dites, et vous avez raison, bon nombre de ces courses à la nomination sont décidées par 15 ou 20 électeurs. Il serait très facile de profiter de la situation, de réquisitionner, en quelque sorte, les votes et de faire élire une femme. Cela serait possible.
    Oui, cette possibilité existe. C'est très intéressant. Le problème, c'est que, parfois, dans le cadre de courses à la nomination dans les régions rurales, ce sont davantage l'élite locale et les établissements locaux qui décident quel candidat devrait l'emporter et c'est ce candidat qui reçoit les cotisations.
    Il me reste environ 30 secondes. Le gouvernement fédéral pourrait-il financer des organisations communautaires pour recruter des femmes dans les régions où elles pourraient remporter ces courses à la nomination? Est-ce, selon vous, une stratégie qui pourrait s'avérer efficace pour accroître le nombre de femmes qui figurent sur les bulletins de vote? Je pense, par exemple, à l'organisation À voix égales.
    La Fédération canadienne des municipalités a lancé une initiative qui ressemble beaucoup à cela.
    Il y a également des formations sur les campagnes électorales.
    Oui. Celles-ci peuvent être élargies. Je crois que cela pourrait avoir un impact concret.
    Excellent. Merci beaucoup.
    On m'informe à l'instant que cette organisation viendra témoigner. Donc, nous accueillerons encore d'excellents témoins.
    Je tiens à vous remercier sincèrement toutes les quatre — Jane, Jeanette, Sylvia et Louise — d'avoir accepté notre invitation et de nous avoir offert un tel aperçu.
    Nous allons suspendre la séance pour environ deux minutes et reprendrons pour accueillir notre prochain groupe de témoins.

    


    

  (1630)  

    Reprenons. Encore une fois, bienvenue à cette séance du Comité de la condition féminine. Nous amorçons notre deuxième heure de témoignages sur les obstacles auxquels se heurtent les femmes en politique. Je suis heureuse d'accueillir nos quatre prochains témoins.
    Nous accueillons, par vidéoconférence, Rosie Campbell, professeure, Politics, et Sarah Childs, professeure Politics and Gender, Birkbeck, University of London; Melanee Thomas, professeure adjointe, Département de sciences politiques, Université de Calgary, également par vidéoconférence; et, sur place, William Cross, professeur, Département de sciences politiques, Université Carleton.
    Je vérifie une chose. Rosie et Sarah, vous êtes ensemble. Nous allons laisser sept minutes à chaque témoin pour nous présenter leur exposé, mais nous voulons nous assurer d'avoir suffisamment de temps pour les questions des membres. Donc, si vous pouviez prendre moins de temps, ce serait fantastique.
    Nous allons donc commencer par Rosie et Sarah.
    Medames, vous avez la parole pour sept minutes.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais on m'informe à l'instant que vous témoignez séparément, et non ensemble. Donc, vous disposerez chacune de sept minutes.
    Ce ne sera pas nécessaire. Nous présentons...
    Fantastique. Merci beaucoup.
    Pouvons-nous y aller?
    Oui, allez-y.
    Merci.
    Tout d'abord, Rosie et moi vous remercions beaucoup de nous donner cette occasion de vous parler de nos recherches britanniques et de vous faire part de nos réflexions plus larges.
    Nous souhaitons soulever trois points très larges au sujet de la sous-représentation des femmes.
    Le premier point est ce que nous appelons la stratégie « quota-plus ». De toute évidence, il existe des interventions pour régler la question de l'offre et de la demande en ce qui a trait à la sous-représentation des femmes, mais les données mondiales montrent clairement que ce sont les quotas qui permettent d'accroître la représentation des femmes en politique. Bien que les quotas soient souvent démodés et très souvent contestés, il est de plus en plus évident qu'ils sont efficaces, surtout lorsqu'ils sont accompagnés d'incitatifs. Par conséquent, les partis considèrent qu'il serait avantageux pour eux de les adopter.
    Il y a une différence d'environ 10 points de pourcentage entre les pays qui utilisent un quota pour les sexes et ceux qui n'en utilisent pas. Parmi les pays où le Parlement est composé de plus de 30 % de femmes, plus de 80 % d'entre eux utilisent une forme de quotas. Je crois qu'il est toujours important de le souligner dans le cadre des discussions sur le sujet. Il est souvent trop facile d'accepter les critiques à l'égard des quotas, alors qu'il est de plus en plus évident qu'ils ont un impact sur le comportement des partis.
    Nous parlons d'une stratégie « quota-plus », car il est également important de maximiser le nombre de candidates potentielles, surtout pour diversifier le bassin de candidates. À notre avis, il est important de ne pas simplement accroître le nombre de femmes qui se portent candidates, mais également de nous assurer que ces femmes sont représentatives — surtout en ce qui a trait à la capacité des femmes issues de communautés ethniques ou qui ne sont pas aussi bien nanties financièrement de participer dans le milieu politique — de façon à ce que le Parlement soit également représentatif.
    Il est également très, très important de ne pas oublier l'aspect de la demande. Les partis résistent souvent aux changements et ne réagissent pas positivement aux interventions. Nous croyons fermement qu'il faut encourager les partis — j'oserais dire de parfois les pénaliser et de leur offrir des incitatifs — à accroître le nombre de femmes dans leurs rangs. Il est très facile pour les partis de faire de la rhétorique en appui à une augmentation du nombre de femmes, mais, de plus en plus, les gens évitent d'en parler publiquement ou ils sont plus susceptibles d'être d'accord avec l'idée sans vouloir affecter les ressources de leur parti à l'atteinte de cet objectif.
    Dans le cadre des témoignages précédents, il a été question du financement des candidats. Encore une fois, nous soutenons cette idée. Les partis doivent réfléchir à ce qu'ils font, à leur définition du candidat idéal et aux dispositions qu'ils doivent prendre, de façon à ce que la politique soit un domaine ordinaire auquel les femmes peuvent participer normalement. Je crois que ce serait un bon point de départ.
    C'est notre premier point, une stratégie quota-plus. Notre deuxième point va dans le même sens. Il concerne le concept du recrutement par les partis. Il est facile de demander aux femmes de s'afficher, mais, ce qui nous inquiète, c'est que cela donne parfois l'impression que l'on blâme les femmes pour ne pas avoir posé leur candidature. Cela signifie que les partis doivent voir la question du recrutement comme étant un processus actif. Ils doivent changer leur processus de recrutement et ne pas simplement présumer qu'en demandant aux femmes de s'afficher, elles le feront. Les partis doivent être plus attrayants pour attirer les femmes.
    Notre troisième point concerne les parlements et le fait qu'ils pourraient être plus sensibles à la spécificité des sexes. Je vais soulever deux points à cet égard et laisserai ensuite la parole à Rosie.
    D'abord, nous croyons fermement, à la fois pour des raisons symboliques et valables, que les parlements doivent avoir des dispositions officielles et transparentes pour permettre aux députés de prendre un congé de maternité et de paternité, et même un congé d'adoption. De telles dispositions montrent que le Parlement est un endroit accessible pour ceux qui ont une famille. Nous y croyons fermement. Au Royaume-Uni, nous avons remarqué, il y a quelques années, un écart au niveau de la maternité. Nous tentons de voir si cet écart a rétréci. Nous devons nous assurer que le Parlement est un endroit approprié pour les députés qui ont également des responsabilités de soignants.
    En m'appuyant sur le rapport que j'ai publié, intitulé The Good Parliament, je crois vraiment que les parlements doivent se soumettre à une vérification de leur sensibilité à la spécificité des sexes. L'Union interparlementaire dispose d'un cadre applicable à cet égard. Elle appuiera les parlements qui se soumettent à une telle vérification. Bien entendu, un parlement peut effectuer lui-même une telle vérification en faisant appel à ses propres greffiers et en obtenant des points de vue universitaires. Une telle vérification doit pouvoir définir où un parlement n'est pas suffisamment sensible à la spécificité des sexes et, j'ajouterais, aux diversités.

  (1635)  

    Bien souvent, les parlements n'ont pas réfléchi aux types de députés dont ils ont besoin, car, en très grande majorité, ils ont été établis par des hommes et les sièges ont été principalement occupés par des hommes.
    Donc, les congés de maternité et de paternité pour les députés, et une vérification adéquate. De plus, Rosie et moi appuyons totalement la possibilité du partage de postes pour les députés.
    Je n'ajouterai que quelques éléments à ce que Sarah vient de dire, particulièrement sur la méthode de recrutement des candidates, qui laisse entendre que les femmes jouent un rôle passif ou qu'elles ne s'intéressent pas à la politique, ce qui expliquerait qu'elles ne se portent pas candidates.
    Il semble de plus en plus, et de façon très convaincante, qu'il existe un modèle de rôle que les femmes politiques peuvent jouer pour intéresser davantage les jeunes femmes à la politique, les mobiliser davantage et peut-être, plus tard, les rendre plus susceptibles d'y jouer un rôle actif. Dans une étude expérimentale très fameuse, menée en Inde, on a choisi au hasard des femmes pour être chefs de villages, ce qui a eu un effet spectaculaire et fascinant sur les jeunes femmes de ces villages et sur les aspirations des parents à l'égard de leurs enfants.
    La recherche porte à croire que si les partis demandent activement des femmes, soit par des quotas ou la recherche active de leur candidature, les femmes s'en aperçoivent et se mobilisent davantage. De même, des femmes actives en politique sont plus susceptibles de faire naître une nouvelle génération de leurs semblables, ce qui permet d'instaurer un cercle vertueux, tandis que, au contraire, quand la politique semble une chasse gardée masculine, on obtient un cercle vicieux.
    Je crois aussi que l'introduction d'un système de quotas fait réellement beaucoup pour améliorer la réputation. Sarah et moi avons récemment fait partie d'un groupe d'experts pour la réforme électorale de l'Assemblée législative galloise. Cette assemblée a été dès le début à l'avant-garde de la représentation des femmes et, à l'époque, elle comptait l'une des plus fortes proportions de femmes dans le monde, 50 % à l'époque, mais elle est retombée aux environs de 45 %. Notre recommandation pour l'adoption de quotas nous semble avoir été assez bien accueillie, parce que le pays de Galles possède la réputation d'être visionnaire en matière de genre.
    Je vois bien que le Canada a aussi, dans le monde, la réputation d'être progressiste et visionnaire. Comme il est passé d'un des premiers rangs au 60e sur 190 pays, je pense qu'il doit vraiment intervenir pour défendre cette idée et affirmer sa détermination à atteindre la parité.
    Enfin, il y a l'observation de Sarah sur le partage des emplois chez les députés. D'après une recherche que nous avons faite en 2013 et que nous avons répétée l'année dernière, sur la situation parentale des députés à la Chambre des communes britannique, il existe une différence notable entre les hommes et les femmes députés, plus de femmes n'ayant pas d'enfants.
    L'une des raisons pour lesquelles nous recommandons vivement une politique de « quotas plus » est que les quotas sont un moyen important de dire aux femmes qu'elles sont les bienvenues en politique et qu'elles y sont désirées, pour créer le cercle vertueux que j'ai évoqué. De même, nous voulons que les politiciens forment un groupe diversifié. Pour ceux qui ont un rôle de prestation de soins et peut-être aussi pour les personnes handicapées qui se heurtent à des difficultés pour travailler à temps plein, nous croyons que, dans notre monde moderne, beaucoup d'employeurs offrent des régimes de travail flexibles, et il devrait y avoir moyen, pour les députés, collectivement, de le faire, alors que nous avons besoin qu'ils soient diversifiés. Voilà pourquoi nous préconisons, chaque fois que nous le pouvons, le partage d'emplois.

  (1640)  

    Excellent. Merci beaucoup.
    Entendons maintenant Mme Melanee Thomas, elle aussi par vidéoconférence. Elle est de l'Université de Calgary.
    Vous disposez de sept minutes, Melanee. Allez-y.
    Je ne tiens pas à répéter de nombreuses déclarations des témoins d'aujourd'hui et celles qu'auraient tendance à faire d'autres témoins. À la place, je tiens plutôt à parler de ce qui me semble le véritable fond du problème de tous ces obstacles, le sexisme. Je m'aperçois que personne ne s'en étonne, mais nous avons des résultats de travaux intéressants qui ont porté sur le sexisme explicite et implicite. Ces deux manifestations très différentes ont des effets différents. Je tiens donc à vous mettre au courant de nos constatations.
    La conclusion suprême que j'en tire est que notre éventuelle victoire contre le préjugé implicite que les femmes ont internalisé et qu'elles entretiennent contre elles-mêmes et leur action en politique ne servira pas beaucoup à augmenter la participation des femmes à la politique en général si on ne règle pas le problème beaucoup plus grand du sexisme explicite dans ce domaine.
    Dans ce contexte, le sexisme désigne deux réalités: une combinaison de préjugés, de stéréotypes et de discrimination doublée d'une absence de pouvoir. Au Canada, on trouve en moyenne 26 % de femmes chez les élus de tous les ordres de gouvernement. La politique locale n'est pas plus tendre pour elles. Cette combinaison de préjugés, etc. et cette absence de pouvoir sont particulièrement puissantes à plus d'un titre.
    Les tenants des opinions sexistes affirment que les hommes font naturellement de meilleurs chefs que les femmes, que les femmes sont trop émotives pour faire de la politique ou trop gentilles pour la foire d'empoigne de la politique. Ils s'appuient visiblement sur des stéréotypes et ne motivent que par le sexe l'exclusion des femmes des postes de direction en politique.
    Des travaux montrent qu'environ 20 % des Canadiens, un Canadien sur cinq, épouse ces opinions. Les hommes sont plus susceptibles d'y souscrire que les femmes; les vieux plus que les jeunes. Surtout, elles sont partagées à tous les niveaux d'instruction, ce qui fait que les études postsecondaires n'y changent rien. Les mêmes pourcentages de membres de chaque parti politique s'y rangent.
    Qu'on comprenne bien que, d'après nos données, 20 % de membres de chaque parti politique au Canada exprime des opinions sexistes, ce qui influe concrètement sur le recrutement de candidates.
    Les autres formes de sexisme explicite, on le voit, insistent davantage sur des stéréotypes sur les femmes, la maternité et le travail. Leurs adeptes — encore une fois, en majorité des hommes — nient la possibilité, pour les femmes, de travailler à l'extérieur du foyer, si elles ont des enfants, ou de créer des liens de qualité avec leurs enfants si elles travaillent.
    Le préjugé implicite est très différent. Il est inconscient. On ne l'entend pas. Nous constatons qu'il se manifeste par une hésitation quand on associe des femmes ou des noms féminins au pouvoir politique ou à des emplois politiques. Dans ce contexte, il est davantage inconscient. L'étonnant est que nous constatons ce préjugé contre les femmes en politique chez les femmes seulement. Pas chez les hommes. Seulement chez les femmes.
    D'après moi, c'est vraiment profond. J'en déduis que beaucoup de femmes ont internalisé le sexisme explicite qu'elles constatent dans le système politique et que, ensuite, ça diminue leur intérêt pour la politique, leur confiance dans leur capacité d'être un acteur politique et leurs ambitions politiques.
    Nous constatons notamment plus d'intérêt, plus de confiance et plus d'ambition chez les femmes qui n'ont pas internalisé ce préjugé, contrairement aux femmes ayant ce préjugé.
    Le sexisme explicite a cependant plus de conséquences concrètes. Le sexisme implicite rapetisse les élans individuels féminins, tandis que le sexisme explicite critique vraiment les femmes candidates. Dans une étude, nous avons demandé à des sujets d'évaluer quatre candidats hypothétiques, quatre profils aux qualifications identiques, dont nous avions simplement changé les noms, de Steven à Rebecca et de Robert à Amy. Ça n'a pas empêché les tenants d'opinions explicitement sexistes de juger les candidates sensiblement moins compétentes ou de les percevoir comme moins intelligentes, moins aimables, moins chaleureuses.
    Je déduis un certain nombre de choses sur les adeptes des opinions explicitement sexistes. Ils ne recruteront pas de candidates ou ils seront beaucoup moins susceptibles de le faire. Ils sont moins susceptibles d'agir comme mentors pour des femmes, ils n'appuieront pas la candidature de femmes au poste de chef de parti et ils peuvent même ne pas voter pour des femmes candidates. Pis encore, ils peuvent continuer de croire qu'une femme qui possède les mêmes qualifications qu'un homme convient moins à un emploi politique, précisément à cause de ces opinions explicitement sexistes.
    Je pense aussi que ce sexisme explicite seconde l'idée selon laquelle la sous-représentation des femmes n'est pas un problème politique important qui doive être réglé.

  (1645)  

    Certains diront qu'il n'est que normal et naturel que les hommes soient surreprésentés et les femmes sous-représentées en politique. Ce sont ces opinons explicitement sexistes qui, d'après moi, alimentent ce préjugé implicite internalisé dont nous constatons également l'existence chez les Canadiennes.
    Je constate que ça se manifeste dans les courses à l'investiture. Dans un article antérieur, que j'ai rédigé avec mon confrère Marc-André Bodet de l'Université Laval, nous avons étudié les courses à l'investiture survenues entre 2004 et 2011 et constaté que presque chaque parti politique avait nommé une supermajorité de femmes dans les circonscriptions impossibles à remporter par ce parti, mais une majorité d'hommes dans celles où il avait des chances de l'emporter, où la campagne était un enjeu ou celles où la victoire était assurée. Ce comportement s'appliquait aux circonscriptions sans députés, ce qui empêche de relier le problème à l'élu, et, pis encore, il touchait les femmes élues, ce qui signifie qu'elles se trouvaient en position plus précaire que leurs collègues masculins.
    Je pense que les partis et leur chef doivent reconnaître l'existence de ce comportement et la présence de sexistes avérés dans leurs rangs. Ça signifie, pour les partis et les organisateurs, qu'ils devraient commencer à fermer la porte aux candidatures spontanées ou aux recrues faciles pour des groupes surreprésentés et que les chefs doivent enjoindre à leurs organisateurs de trouver un nombre fixé de candidates. Ce nombre, pour obtenir la parité au Canada, est de 169. La barre n'est donc pas haute. Si ça ressemble à un quota, sachez que c'est aussi la prérogative du chef. Nous savons tous que les chefs de partis au Canada obtiennent ce qu'ils demandent à leur parti. Chacun d'eux a, à un certain moment, formulé telle demande et a été exaucé. Je n'appelle donc pas cela un quota. Reconnaissez que c'est la prérogative du chef et faites simplement ce qu'il demande.
    Dans la période des questions, je serai heureuse de parler de la forme que prend ce sexisme explicite en ligne, des menaces contre les femmes. Je suis d'accord avec mes collègues: les femmes ont besoin de modèles, et nous pourrions nous occuper de ce sexisme implicite si, simplement, plus de femmes étaient élues à une charge publique. Tous les faits montrent que les quotas attirent les femmes méritantes et éliminent les hommes médiocres. Les personnes soucieuses de mérite ne devraient pas tant s'inquiéter d'un quota. Il faut obtenir une représentation proche de la parité au Parlement pour que le modèle joue son rôle.
    Merci beaucoup.

  (1650)  

    Entendons maintenant M. Cross, qui dispose de sept minutes.
    N'ayant pas eu le privilège de rencontrer tous les membres de votre comité, je ferai moi-même les présentations. Je suis professeur de science politique à l'Université Carleton, où j'occupe la chaire Bell en démocratie parlementaire canadienne. Ma recherche se focalise sur les partis politiques, et depuis quelques décennies, j'écris sur des questions de démocratie interne des partis, y compris la sélection des chefs de parti, celle des candidats, les associations de circonscription, et des questions semblables.
    Dans le cadre de ma recherche, j'effectue des sondages auprès des membres des partis, des associations de circonscription et des candidats. Beaucoup d'entre vous ont répondu à certains de mes questionnaires; je vous en remercie et j'espère que vous continuerez de le faire.
    Ces dernières années, j'ai étudié la sous-représentation des femmes dans les partis politiques, et, dans mes remarques liminaires, je mettrai en relief certaines des constatations de ces études.
    Tout d'abord, en ce qui concerne les différentes attitudes à l'égard de la politique chez les candidats, nous constatons une différence notable dans les ambitions politiques naturelles selon le sexe. Voici quelques exemples, rapidement. On a demandé aux candidats des trois grands partis aux élections de 2015 de qualifier leur niveau d'intérêt politique avant leur première campagne électorale fédérale. Les deux tiers des hommes se sont décrits comme des « drogués de la politique », et 30 % de plus étaient susceptibles de le faire que les candidates. De même, 40 % de plus étaient susceptibles d'affirmer que leur candidature à l'élection fédérale était la suite logique de leur carrière politique et, en moyenne, d'avoir décidé à un âge beaucoup plus jeune que les candidates de se consacrer à la vie politique.
    Bref, les hommes étaient ce que j'ai caractérisé comme des « entrepreneurs politiques », tandis que le recrutement était beaucoup plus important pour les candidates, qui étaient sensiblement plus susceptibles de déclarer avoir été recrutées par des représentants de partis politiques à l'échelon local ou national.
    Les mises en candidature, par les partis, sont, d'après moi, l'étape critique du processus d'augmentation du nombre de femmes au Parlement. Encore une fois, d'après les données des élections de 2015, nous avons analysé le nombre de femmes qui avaient sollicité des nominations. En ce qui concerne la boîte noire dont il a été question, nous possédons des données sur les personnes qui ont sollicité en vain leur nomination. Elles révèlent très peu de retraits de la course parmi le pourcentage de femmes qui sollicitent la candidature, qui réussissent à être nommées candidates et qui sont finalement élues dans les trois partis.
    Par exemple, chez les néo-démocrates, 44 % de toutes les candidatures, en 2015, étaient des femmes, tout comme 43 % des candidats du parti. Le nombre, chez les libéraux était de 30 % et de 31 % respectivement et, chez les conservateurs, de 22 % et de 20 %. Ces pourcentages sont très semblables à ceux des députés élus et membres de chaque caucus.
    Bref, il semble peu manifeste, à partir de 2015 au moins, que les membres des partis hésitent à nommer des candidates quand ils ont l'occasion de le faire. En fait, dans une majorité sensible des associations de circonscription, quand une femme a sollicité la candidature, elle l'a obtenue. Le problème, dans mon esprit, est que trop peu de femmes participent aux courses à l'investiture.
    Voilà pourquoi, dans mes travaux récents, j'ai plutôt essayé de comprendre dans quelles conditions les femmes sont les plus susceptibles de solliciter la candidature. Bien sûr, nous savons que la candidature de députés élus est rarement contestée. Je me concentrerai donc sur le processus d'investiture et je vous communiquerai certains des résultats concernant les trois principaux partis.
    D'abord, il est indispensable qu'existe un comité local des candidatures. Les associations qui en possèdent un sont sensiblement plus susceptibles de trouver une éventuelle candidate. Tous les partis, à des degrés variables, se sont donné une politique qui encourage la formation de comités des candidatures ou qui l'exige, mais un nombre étonnant d'associations de circonscription des trois partis ont déclaré, après les élections de 2015, quand la circonscription n'avait pas de député, qu'elles ne possédaient pas de comité actif des candidatures.
    Ensuite, il importe que des femmes occupent des postes de pouvoir dans les associations de circonscription, ce qui est à la fois un signe d'ouverture à l'égard des candidates potentielles et des recruteurs potentiels de candidates. Cela signifie des femmes à la présidence des associations locales, mais aussi à la direction des associations de circonscription. Dans les deux tiers des cas où la présidence d'une association locale de circonscription est détenue par une femme, au moins une femme a participé à la course à l'investiture comme candidate aux élections de 2015. Quand, au moins la moitié des membres de la direction de l'association était des femmes, 62 % des associations ont vu une femme participer à cette course.
    Le problème est qu'environ les trois quarts des présidents d'associations de circonscription sont des hommes et qu'une minorité de membres de la direction sont des femmes. Ce n'est pas étonnant, puisque nos études ont constamment montré qu'environ 6 membres de parti sur 10 sont des hommes. Cette proportion n'a pas varié depuis notre première étude exhaustive, en 2000.

  (1655)  

    Quelques autres conclusions inattendues méritent peut-être aussi notre attention.
    Comme vous le savez, au cours des dernières élections, les partis ont nommé plus de candidats plus tôt dans le processus qu'à l'habitude, avant le début de la période électorale. En effet, les trois partis principaux ont nommé un nombre considérable de candidats en 2014, soit une année complète ou plus avant les élections générales. Chose intéressante, même si l'on tient compte de tous les autres facteurs que j'ai mentionnés, il reste un lien important entre le moment où l'on procède à la nomination et la probabilité qu'une femme tente de l'obtenir. Les associations de circonscription ayant procédé à leurs nominations en 2014 étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir une candidate à la nomination que celles qui ont suivi le processus de nomination plus près des élections.
    Je dois avouer que je ne sais pas exactement pourquoi il en est ainsi. Peut-être que de cette façon, les candidates ont plus de temps pour organiser leur vie personnelle en vue de la campagne. Nous aimerions poursuivre nos recherches à ce sujet.
    Il y a aussi un lien important avec la durée de la campagne d'investiture. Nous avons constaté que plus les campagnes sont longues, plus il est probable qu'il y ait une candidate. Peut-être que la campagne prolongée porte à croire qu'il n'y a pas de candidat favori et que la campagne est véritablement ouverte à toutes et à tous.
    Pour conclure, je dirais simplement que les partis représentent la solution au problème. Comme Sylvia Bashevkin, qui faisait partie du groupe de témoins précédent, je suis d'avis qu'à moins de changer le système électoral ou d'imposer des quotas — deux solutions qui ne seront probablement pas adoptées —, la clé est que les partis accroissent la participation des femmes à tous les niveaux de leurs activités, surtout dans les postes de direction des associations de circonscription, et qu'ils redoublent leurs efforts visant à encourager les femmes à chercher à obtenir l'investiture. Comme nous le savons toutes et tous, chacune des collectivités du Canada compte des femmes qualifiées et talentueuses qui pourraient apporter une contribution précieuse à leur parti et au Parlement.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    M. Serré va lancer la première série de questions.
    Vous avez sept minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie également les témoins de s'être préparés et de nous avoir présenté leurs témoignages aujourd'hui.
    Pour nous remettre dans le contexte, rappelons que nous ne sommes que 60 dans le monde. C'est vraiment une honte. Nous connaissons une crise et il faut vraiment trouver une façon de secouer le système. Certains témoins en ont parlé. En 2015, environ 214 nouveaux députés ont été élus. Comme l'ont mentionné M. Cross et d'autres témoins, sur le plan statistique, il est fort probable qu'une proportion élevée de ces personnes sera réélue. Le pourcentage de femmes lors de la prochaine élection, en 2019, ne dépassera pas 26 % ou 27 %. Il n'y aura guère de changement si nous ne prenons pas des mesures assez radicales. Je sais que les quotas ne sont pas très populaires, mais j'aimerais tout de même que nous abordions des éléments qui entrent en ligne de compte. Si nous nous n'établissons pas de quota, il faudra voir comment le personnel pourra être motivé.
    Que pouvons-nous faire à cet égard, monsieur Cross? Vous avez parlé des partis, et un autre témoin a aussi mentionné le leadership des partis.
    Que pouvons-nous faire pour que l'augmentation de la participation des femmes soit prévue dans la loi et pour nous assurer que tous les partis jouent un rôle plus actif en ce qui concerne la loi, Élections Canada et les recommandations qui nous seront faites à l'égard des nominations?

[Traduction]

    La question des quotas est complexe. Lorsque nous examinons la situation dans d'autres pays — le groupe de témoins précédent a parlé de l'Irlande —, nous ne devons pas oublier que leur régime est différent du nôtre. Ailleurs, on élit trois, quatre ou cinq députés par circonscription. C'est plus facile d'imposer des quotas quand le parti central dit au parti local de nommer au moins une ou deux femmes à chaque fois. Ici, nous nommons une personne par circonscription. Un est indivisible. Je pense que c'est le coeur du problème.
    Pensez à M. Chrétien, qui, en 1993, a commencé à nommer plusieurs candidats: le parti s'est fait poursuivre. La tradition démocratique liée aux partis à l'échelle locale est forte. Vous connaissez mieux que moi la tension qui peut être créée à l'intérieur de vos partis lorsque les chefs essaient d'influencer les événements.
    Si nous souhaitons augmenter la participation des femmes à l'échelle locale, il y a des mesures que nous pouvons prendre. Le Parlement pourrait offrir des incitatifs financiers aux associations de circonscription qui confient un plus grand nombre de postes de direction à des femmes ou aux associations locales dont les membres comptent autant d'hommes que de femmes. Beaucoup de tout cela est fait au niveau local, comme vous le savez, et mis à part le soutien administratif pour les rapports financiers et la comptabilité, nous ne fournissons aucun appui financier aux associations de circonscription. C'est là une des façons dont nous pourrions favoriser la participation des femmes à l'échelle locale. Je pense que cela se traduirait par une augmentation du nombre de femmes qui poseraient leur candidature.

  (1700)  

    J'aime ce que vous avez dit concernant les associations de circonscription parce qu'elles n'ont accès à absolument aucun appui financier pour soutenir un comité de recrutement cherchant à augmenter le nombre de femmes; elles dépendent entièrement de la volonté des membres de la collectivité.
    J'aimerais poser une question aux professeures de l'Université de Londres. Au Royaume-Uni, a-t-on pris des mesures incitatives ou financières pour soutenir les partis au niveau des associations de circonscription, à l'échelle locale?
    Nous avons le même problème que vous à l'échelle nationale. Il y a une grande différence d'un parti à l'autre. La proportion de femmes députées au sein du Parti travailliste est beaucoup plus élevée que chez les autres partis, et le Parti travailliste utilise des quotas. En Écosse et au pays de Galles, le pourcentage de femmes dans les institutions décentralisées est considérablement plus grand parce que certains partis imposent des quotas. Les quotas peuvent être considérés comme des mesures incitatives. Il peut s'agir de façons de modifier les dispositions financières visant les partis. Vous pourriez remplacer le terme « quota » par celui de « mesure incitative ». Si votre but est d'envoyer le message à tout le pays que le Canada accueille favorablement les femmes politiciennes, pourquoi commencer seulement à l'échelle locale? Pourquoi ne pas adopter des mesures incitatives à l'échelle nationale?
    Voulez-vous ajouter quelque chose, Sarah?
    À mon avis, la solution doit être adaptée à vos règles en matière de partis politiques et à ce que vos lois régissant les partis vous permettent réellement de faire.
    Nous connaissons des difficultés au Royaume-Uni parce que les partis politiques ne sont pas financés par l'État, mais dans les pays où ils le sont, ce financement peut très facilement être lié aux efforts déployés par les partis. Il devient alors possible d'offrir des incitatifs très directs dans certaines circonstances, là où la réglementation des partis politiques et la loi électorale le permettent. Nous parlons souvent de rhétorique, de promotion et de garanties, mais si vous voulez l'effet de choc, j'ai bien peur que le choix impopulaire des quotas soit la solution qui s'impose.
    Au Royaume-Uni, comme Rosie l'a mentionné, nous avions des lois facultatives, c'est-à-dire des lois qui permettent aux partis de prendre de telles mesures, mais qui ne les obligent pas à le faire. C'est ce qui a créé l'asymétrie entre nos partis. Je pense que l'idée de pareilles lois est de stimuler la concurrence entre les partis et de les pousser à augmenter le nombre de femmes qui les composent. Malheureusement, les progrès ne se réalisent que très lentement, surtout au sein de notre deuxième parti principal, et d'après moi, c'est parce que les partis sont très peu disposés à accepter la logique des quotas.
    Madame Thomas, vous avez parlé de l'investiture, mais j'aimerais aussi savoir ce que vous pensez. Vous avez mentionné Internet et les modèles. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces deux éléments? Il me reste environ une minute.
    Concernant les modèles, lorsque des femmes sont élues, le nombre de femmes qui s'intéressent à la politique augmente. C'est un fait. Nous en trouvons des preuves dans toutes les démocraties de l'OCDE. Des preuves très claires en provenance de la Suède montrent que, à partir des années 1970, quand un parti a commencé à imposer sérieusement un quota volontaire pour faire élire des femmes, les femmes se sont intéressées davantage à la politique dans les élections subséquentes.
    Un des arguments que je tiens à réfuter, c'est que les femmes ont simplement besoin de plus de ressources. C'est vrai que les femmes ont besoin de plus de ressources. Les Canadiennes ont besoin de services de garde d'enfants. Nous avons besoin d'éducation. Nous devons occuper des postes à statut élevé, etc. Or, en réalité, confier de tels postes à des femmes ne diminue pas l'écart quant à la participation et n'accroît pas l'intérêt des femmes pour la politique. Ce qui accroît l'intérêt des femmes pour la politique, c'est de voir plus de femmes politiciennes.
    Votre temps de parole est écoulé. Merci.
    Je donne maintenant la parole à Rachael. Vous avez sept minutes.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Cross.
    Vos recherches me fascinent. Pouvez-vous nous parler des raisons pour lesquelles les femmes ne posent pas leur candidature ou des obstacles qu'elles mentionnent? Quels sont les cinq obstacles principaux?
    De fait, je m'en remettrais aux professeures Childs et Campbell, qui ont fait plus de travail que moi précisément à ce sujet.
    Mme Childs a rédigé un rapport remarquable sur la création d'un Parlement prônant davantage l'égalité des sexes. D'après moi, cela fait partie de la solution: les femmes doivent se voir occuper un tel rôle et elles doivent s'en croire capables. Je suis également d'accord avec Mme Thomas: voir davantage de femmes au Parlement pousse les femmes à penser que c'est un endroit qui leur est aussi accessible. C'est pour cette raison que je trouve essentiel que des femmes fassent partie de la direction des associations de circonscription et qu'il y ait des présidentes d'association. Dans un de nos sondages, un des présidents nous a dit qu'une de ses tâches principales était de faire en sorte qu'il y ait des candidats à l'investiture. Les femmes ont davantage tendance à chercher à confier de pareils rôles à des femmes.
    Aussi, les données que nous avons recueillies me portent à croire que les femmes qui posent leur candidature ont moins tendance à vouloir prendre l'initiative. Elles veulent qu'on le leur demande. Elles veulent être recrutées, contrairement aux hommes, qui sont beaucoup plus enclins à y voir une progression naturelle de leur carrière.

  (1705)  

    D'accord.
    D'après vos recherches et vos observations, selon vous, devrait-il y avoir de la diversité parmi les femmes qui posent leur candidature ou devrait-il s'agir d'un seul type de femmes?
    Non, non, il y a des questions d'intersectionnalité. Nous considérons parfois le problème comme étant dichotomique — les hommes et les femmes —, mais il ne l'est absolument pas. Nous devons aller à la rencontre des communautés ethniques, des minorités visibles, ainsi que des communautés gaies et lesbiennes pour faire en sorte que notre Parlement représente les diverses facettes de la société canadienne.
    D'accord.
    Madame Thomas, j'aimerais vous poser la même question. Y a-t-il ou devrait-il y avoir de la place pour la diversité au sein du Parlement?
    Pourquoi pas?
    À mon sens, l'argument le plus convaincant a été avancé par Jane Mansbridge, qui a écrit un article aux États-Unis en 1999 intitulé: « Les Noirs doivent-ils être représentés par des Noirs et les femmes par des femmes? » Sa réponse était oui. Selon elle, tous les groupes traditionnellement sous-représentés — les groupes touchés par des obstacles juridiques empêchant leur participation — devraient avoir un nombre de représentants proportionnel à leur poids démographique au sein de la population précisément parce qu'il s'agit de groupes hétérogènes.
    Les femmes ne sont pas un monolithe. Elles constituent 52 % de la population. Évidemment, les femmes sont extrêmement diverses. Elles se situent sur l'ensemble du spectre des idéologies et des préférences en matière de politique, et elles se trouvent dans tous les groupes économiques. À mon avis, inclure cette grande variété d'expériences dans le débat parlementaire améliorerait la démocratie délibérative. D'après moi, c'est certainement là l'avantage réel d'avoir un Parlement formé d'un nombre égal d'hommes et de femmes.
    Y a-t-il des femmes qui n'ont tout simplement pas l'étoffe de politiciennes, qui ne conviendraient pas et qui ne devraient pas se donner la peine d'être candidates?
    Je pense qu'il y a des gens en général qui n'aspirent pas à une carrière politique. Selon nos estimations, en réalité, le nombre de personnes qui ont l'ambition d'avoir une carrière politique ou d'occuper une charge publique est très bas.
    Lors de notre dernier sondage, 5 % des hommes ont montré un certain intérêt à occuper une charge publique, comparativement à 1 % des femmes. Il y a encore un écart entre les sexes, mais si l'on prend l'exemple d'une circonscription comptant 60 000 électeurs, disons, 30 000 d'entre eux sont des femmes, et 1 % égale 300. Ainsi, dans cette seule collectivité, un parti entier pourrait facilement présenter une liste équilibrée de candidats et de candidates.
    Je soulignerais également qu'en vertu de l'article 3 de la Charte, tout Canadien et toute Canadienne a le droit de voter et de briguer une charge publique. C'est enchâssé dans la Constitution, et à cet égard, les tribunaux ne nous laisseront pas tomber.
    Merci.
    Rosie et Sarah, je vous pose la même question: devrait-on laisser de la place à une variété d'opinions et de croyances chez les femmes au Parlement, ou devrait-on les limiter?
    Je trouve la question très étrange, car la réponse serait que le Parlement doit représenter le pays qu'il sert. Le genre est une caractéristique fondamentale. Les femmes sont diverses, et cette diversité devrait se retrouver au Parlement.
    Cherchez-vous à savoir si les quotas créent des restrictions ou...
    Non, c'est très simple: à votre avis, le régime parlementaire devrait-il laisser de la place à la diversité?
    Oui, absolument. Évidemment, les électeurs doivent voter pour des candidats, mais nous voulons créer un milieu où les chances sont beaucoup plus égales et où il est possible de présenter une liste de candidats plus diversifiée.
    D'après moi, si la représentation à l'intérieur d'un Parlement est disproportionnée, on peut se demander quels obstacles empêchent différents types de personnes d'y entrer.
    Dans un sens, pour moi, l'absence de diversité montre qu'il existe un problème de sélection qui bloque l'accès de certains types de personnes au Parlement. Quant à moi, la surreprésentation écrasante — comme nous le savons tous, grâce aux travaux de Melanie Hughes de l'Université de Pittsburgh — des hommes de l'élite dans nos Parlements remet en question la qualité démocratique fondamentale de nos institutions. Je ne pense pas que nous devrions nous excuser de dénoncer ce fait.

  (1710)  

    Y a-t-il des raisons précises pour lesquelles il est important de protéger la diversité?
    Il vous reste environ 30 secondes.
    Nous connaissons toutes et tous les recherches sur la pensée de groupe. Malheureusement, si certaines personnes ne sont pas représentées au Parlement, les politiques ne sont pas de la même qualité.
    Prenez l'exemple de la violence familiale. Avant, dans la majorité des pays, c'était considéré comme une affaire privée. Si vous appeliez la police, elle ne s'en mêlait pas. Puis, quand les femmes sont entrées dans la politique, c'est devenu une question de politique publique. La situation est très semblable pour les services de garde d'enfants.
    C'est aussi vrai pour différents groupes. Les gens doivent être représentés au Parlement afin que de meilleures politiques soient mises en place pour leurs communautés.
    Merci.
    Je donne maintenant la parole à Mme Mathyssen. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci beaucoup pour votre participation.
    Ma première question concerne notre régime. Le régime parlementaire britannique est reflété ici au Canada. C'est un régime de confrontation. Nous nous affrontons des côtés opposés de la Chambre des communes, à une distance de deux épées et demie. Le langage que nous employons est très agressif et belliqueux. Est-ce que cela décourage les femmes de participer? Pensez-vous qu'elles se disent que c'est insensé et qu'elles ne veulent pas prendre part à un tel régime?
    Si je suis d'avis que l'élément de confrontation dans notre régime n'est pas une mauvaise chose, c'est entre autres parce qu'il permet de clarifier les points de vue des différents acteurs. Il faut prendre position sur des questions importantes, et c'est ce que cette structure permet de faire.
    Je peux comprendre que bien des gens, et pas seulement des femmes, sont un peu découragés par les débats acrimonieux. Dans le cadre de leurs recherches, Tali Mendelberg, de l'Université de Pittsburgh, de même que Chris Karpowitz, de l'Université Brigham Young, se penchent sur l'équilibre entre les sexes dans les groupes décisionnaires en politique et les règles de décision. Leurs recherches montrent que selon des règles de la majorité comme les nôtres, dès qu'on est dans un contexte majoritaire, des positions contraires sont exprimées, et dans ce cadre, augmenter le nombre de femmes importe beaucoup quant à la fréquence à laquelle elles prennent la parole, au type de positions politiques qui sont présentées, à la mesure dans laquelle les femmes sont perçues comme des leaders. La conclusion qui a été tirée de travaux très novateurs dans le cadre des recherches, c'est qu'il faut que les groupes décisionnaires comptent beaucoup de femmes, mais il faut des règles de la majorité.
    Ce que je trouve vraiment décourageant, c'est que lorsqu'on augmente le nombre de femmes dans des groupes axés sur le consensus, cela ne change rien sur le plan des interruptions, du temps d'intervention, etc.
    En ce cens, il est certain que l'élément de confrontation rebute des gens, mais nous ne modifions pas cet aspect de notre régime, et il y a des mesures que nous pouvons prendre à cet égard qui seront bonnes pour les femmes dans ce contexte également.
    Merci beaucoup.
    Madame Campbell, dans le cadre de votre recherche sur l'audit sur la représentation au Parlement britannique, je me demande si vous avez constaté que les électeurs sont influencés par le sexe des candidats.
    Très peu de recherches révèlent que le sexe des candidats est un facteur qui influence les électeurs; ce n'est pas le cas dans ma recherche sur le Royaume-Uni. Nous avons trouvé un exemple dans l'élection de 2010 qui indique que les femmes qui étaient plus féministes étaient plus nombreuses à voter pour une femme. On a fait des constatations semblables aux États-Unis en 1992, année qui est devenue l'année de l'élection des femmes, dans le contexte des audiences concernant Clarence Thomas; des femmes, particulièrement des féministes, ont voté pour des candidates.
    La plupart du temps, cela n'a aucune incidence. Il n'y a pas d'effet négatif, mais il n'y a pas non plus d'effet positif. La plupart des électeurs votent en fonction du parti plutôt que du sexe des candidats.
    Je me demande si vous avez remarqué quelque chose sur le plan du traitement que les médias réservent aux candidates.
    Le traitement que les médias réservent aux candidates n'est pas mon domaine d'expertise, mais si l'on observe le traitement que reçoivent les dirigeantes en particulier dans les médias, je peux penser à des exemples actuels. Les médias décrivent constamment notre première ministre actuelle et Julia Gillard comme étant peu naturelles et non sociables. Peut-être que d'autres témoins peuvent intervenir à ce sujet.

  (1715)  

    Pour six premiers ministres, trois femmes et trois hommes, nous voulions voir si le nombre d'articles écrits à leur sujet et le type de politiques qui y étaient présentées variaient, et ensuite, nous voulions voir le ton employé. Ce que nous avons constaté, entre autres, c'est qu'on publiait moins d'articles sur les femmes. Ce qui m'a le plus frappée, c'est qu'au cours de sa première année au poste de première ministre, en 2015, Rachel Notley, en Alberta, a fait l'objet de moins d'articles par jour que Jim Prentice durant les neuf mois où il était au pouvoir avant l'élection de 2015. Certains éléments permettent de croire que les médias n'accordent pas autant d'attention aux femmes chefs de gouvernement qu'aux hommes occupant les mêmes fonctions. Fait encourageant, nous constatons que les domaines de politique sur lesquels les médias les couvrent ne sont pas trop féminisés. Il s'agit de questions prioritaires de leur gouvernement.
    Des éléments permettent de croire que lorsque les médias parlent de l'apparence des femmes, ils sont plutôt critiques. Le ton est vraiment négatif. Cela ne représente qu'environ 3 % de la couverture. Nous avons constaté également qu'il avait été question de l'apparence des hommes dans environ 3 % des nouvelles également, mais le ton était neutre.
    Je crois qu'au Canada, les nouvelles ont beaucoup évolué. Ce sont davantage les médias sociaux et Internet, par exemple, qui posent problème.
    Merci.
    Madame Childs, vous avez rédigé un rapport vous aussi. Je me demande si des recommandations ont été mises en oeuvre depuis sa publication. Si c'est le cas, quels résultats avez-vous observés?
    Oui, un certain nombre de recommandations ont été mises en oeuvre; l'institution a d'abord elle-même reconnu la valeur du rapport par l'intermédiaire de l'un de ses organismes dirigeants, ce qui indique vraiment qu'en tant qu'institution, le Parlement est responsable d'intervenir pour accroître la diversité.
    Le comité sur les femmes et l'égalité, qui était une recommandation, est devenu permanent. Cela s'est donc concrétisé également.
    On envisage présentement d'adopter un congé de maternité et de paternité — un congé parental —, ce qui a été approuvé en principe par la Chambre. Un comité de procédure a conçu un plan, et il faudra qu'il soit présenté à nouveau à la Chambre pour pouvoir être mis en oeuvre.
    Des changements ont été apportés au processus d'identité, car on était préoccupé par le fait que certains députés étaient souvent interrogés quant à savoir où ils étaient dans le domaine parlementaire.
    Des efforts ont été menés pour améliorer la collecte de données sur la diversité des témoins qui comparaissent devant les comités. Souvent, lorsque nous parlons d'apporter des changements au Parlement, nous parlons du volet politique, mais si nous voulons que nos parlements représentent la population et présentent différents types de points de vue, de toute évidence, nous devons également nous assurer que les gens auxquels s'adresse le Parlement dans le cadre de ses enquêtes viennent de milieux divers. De nouveaux efforts sont déployés pour accroître la diversité des témoins qui comparaissent devant des comités parlementaires.
    Nous...
    Je suis désolée, mais le temps est écoulé.
    Merci beaucoup.
    Je pourrais vous fournir des précisions si vous le voulez.
    Allez-y, madame Nassif. Vous disposez de sept minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leurs présentations.
    Ma première question s'adresse à Mme Childs.
     J'ai jeté un coup d'oeil sur vos recherches et sur vos champs d'intérêt. Dans votre biographie, il est écrit que vous menez des recherches critiquant les notions avancées par les universitaires et les politiciens qui mentionnent que l'identité des représentants n'est pas importante.
    Si je comprends bien, vous pensez le contraire. Selon vous, c'est important, mais selon eux, ce ne l'est pas. Pouvez-vous résumer votre point de vue, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Je suis désolée, mais avec l'interprétation, il était plutôt difficile de comprendre la question.

[Français]

    Vous pensez que l'identité des représentants est importante. Or j'ai lu, dans votre biographie, que, selon les universitaires et les politiciens, l'identité des élus ou des représentants n'est pas importante.
    Qu'en pensez-vous? Expliquez-nous votre point de vue.

  (1720)  

[Traduction]

    Lorsqu'on demande publiquement à des politiciens s'ils pensent qu'il devrait y avoir plus grande diversité à la Chambre des communes, on remarque une acceptation croissante de cette affirmation. Si j'ai bien compris votre question, concernant ce que je mettais en doute, c'est que souvent, cela ne se traduit pas, au sein des partis politiques, par la prise de mesures qui seraient nécessaires pour accroître la participation des femmes.
    Il est très facile de déclarer que nous voulons qu'il y ait plus de femmes et d'offrir de la formation aux femmes, mais il s'agit vraiment de savoir si les partis politiques s'attaquent aux obstacles à la participation des femmes à la vie politique.
    Il est très important que les partis politiques en parlent et fassent des campagnes de recrutement, mais ils doivent changer leur parti. De façon très similaire à ce que disait Bill Cross dans sa déclaration préliminaire, les partis doivent changer la façon dont les femmes participent au sein des partis politiques, de sorte qu'elles soient prêtes à participer et qu'elles puissent le faire lorsqu'un processus de recrutement est enclenché.

[Français]

    Pensez-vous la même chose?

[Traduction]

    La question s'adressait-elle à moi? Oui.
    Je suis vraiment du même avis. Je crois que ce que disait Sarah, c'est qu'il est très facile de prôner l'accroissement de la diversité, et les partis disent souvent qu'il importe que plus de gens soient représentés, mais ils ne font rien à cet égard. Je crois que ce qu'elle disait, c'est que c'est souvent superficiel.

[Français]

     Ma prochaine question s'adresse encore à vous, madame Campbell.
    Je lisais sur vos champs d'intérêts en recherche. Vous avez mentionné que, selon l'opinion publique, certaines politiciennes de la nouvelle classe politique étaient déconnectées. De récentes preuves suggèrent que les politiciennes viennent majoritairement de la même classe sociale, soit la classe privilégiée, en dépit des efforts importants visant à augmenter la diversité des représentants élus.
    Êtes-vous en train de nous dire que même s'il y a des antécédents, c'est-à-dire que nous avons des élus ou des députés plus diversifiés, leur statut économique est un indicateur primaire qui détermine la perception du public à leur égard?
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette question?

[Traduction]

     Il est vraiment important de souligner que des arguments populistes se fondent souvent sur l'idée qu'il existe une élite déconnectée du peuple, et il est plus facile de faire valoir cet argument s'il y a une élite qui semble très différente de l'électeur moyen. Par exemple, au Royaume-Uni, du moins dans l'après-guerre, un plus grand nombre de gens de la classe ouvrière se lançaient en politique par les syndicats à l'époque que maintenant. De nos jours, il est très difficile, en Grande-Bretagne, d'être élu en tant que politicien si l'on n'a pas de diplôme universitaire et si l'on ne vient pas d'un milieu privilégié, ce qui crée un fossé.
    C'est vraiment important de combiner des mesures visant à améliorer la représentation des femmes et des minorités ethniques avec des mesures visant à réfléchir à la façon d'accroître l'accessibilité des parlements aux gens qui ne viennent pas de milieux privilégiés.

[Français]

    Iriez-vous jusqu'à dire que, dans la recherche de diversité des candidats, nous devrions fortement considérer ceux qui ont un statut économique moins privilégié, c'est-à-dire ceux de la classe ouvrière? Comme vous venez de le dire, autrefois, on élisait des ouvriers.
    Est-ce seulement une observation ou croyez-vous vraiment qu'il faille le faire?

[Traduction]

    Absolument. Je ne crois pas que ce soit un jeu à somme nulle. De toute évidence, la classe ouvrière compte beaucoup de femmes également, de sorte que nous devrions faire ces choses en même temps. Du moins, en Grande-Bretagne, il y a aussi le fait que beaucoup de gens entrent en politique en participant à des stages non rémunérés, par exemple. Certains chemins menant au milieu politique et les sommes et le temps investis pour être choisi font en sorte que le bassin est restreint. Souvent les gens abandonnent un emploi rémunéré seulement pour être choisis, sans parler de leur campagne.
    Tous ces facteurs font en sorte que des gens ne peuvent pas poser leur candidature. Nous devons réfléchir à des mesures qui rendraient l'aspect financier moins important et qui permettraient ainsi à d'autres personnes de participer.

  (1725)  

[Français]

    Madame Thomas, selon vous, quels changements faudrait-il apporter à nos institutions démocratiques afin que les candidatures des femmes soient plus satisfaisantes?

[Traduction]

    Je reprends toutes les affirmations de mes collègues au sujet des partis politiques. Je sais qu'il me reste peu de temps pour répondre à la question, mais une chose qui serait probablement très utile pour toutes les associations de circonscription qui avaient besoin d'un comité de recherche, mais qui n'en ont pas formé un, ce serait de mettre en place un processus de déclaration obligatoire d'information qui obligerait les gens qui font ce type de travail à dire ce qu'ils ont fait. L'information pourrait alors être rendue publique, car la population peut juger cela comme elle le souhaite.
    C'est quelque chose de vraiment efficace pour les conseils d'administration, par exemple, également. Au Parlement, si on nous dit simplement ce qui a été fait et pour quelles raisons, les gens pourront se faire une opinion à cet égard. La désirabilité sociale poussera des gens dans une direction qui fera accroître l'ouverture et la diversité.
    Compte tenu du temps qu'il nous reste, je crois que nous ne poserons plus de questions. Je dois dire certaines choses avant que nous terminions.
    Je remercie tous les témoins d'avoir comparu devant nous, par vidéoconférence et ici même aujourd'hui, afin de communiquer leurs connaissances. Vos témoignages seront très utiles pour la suite des choses.
    Chers collègues, notre prochaine séance aura lieu le jeudi 14 juin. Nous poursuivrons notre étude sur les obstacles auxquels se heurtent les femmes en politique. Mme Malcolmson présidera la première partie de la séance, et je présiderai la deuxième. Notre présidente ne sera pas présente jeudi.
    Je vous rappelle de réfléchir au sujet du courriel et de la lettre de la présidence du comité des femmes au Parlement de l'Assemblée nationale du Nigéria, de sorte que nous puissions prendre une décision au cours de la prochaine réunion durant les travaux du Comité.
    Voulez-vous que je nomme tous les témoins? Au cours de la prochaine réunion, nous accueillerons une ancienne députée, l'honorable Deborah Grey. Il y aura également deux représentantes de Groupe Femmes, Politique et Démocratie: Mmes Esther Lapointe et Thérèse Mailloux. Nous recevrons aussi une ancienne ministre de la Nouvelle-Écosse, l'honorable Joanne Bernard; une ancienne conseillère et mairesse de Marwayne, en Alberta, Mme Jenelle Saskiw; et la mairesse de Banff, Mme Karen Sorensen.
    La séance est levée.
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