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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 090 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 mars 2018

[Enregistrement électronique]

  (1640)  

[Traduction]

    Étant donné que nous avons malheureusement moins de temps que prévu, je serai stricte avec le temps. Je tiens à m'assurer que la réunion se termine à 17 h 30 pile pour que nous puissions aller voter.

[Français]

     Nous avons le plaisir de recevoir Mme Patricia Fortier, une ancienne diplomate canadienne qui a été notamment sous-ministre adjointe au Secteur des services consulaires, de la sécurité et de la gestion des urgences, et M. Daniel Livermore, qui a été directeur général de la Sécurité et du renseignement au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, de 2002 à 2006, après avoir consacré une longue et illustre carrière à la planification des politiques.
    Monsieur et madame, je vous cède la parole afin que vous nous livriez une brève présentation.

[Traduction]

    J'ai soumis un mémoire écrit au Comité il y a quelques semaines, et ce document a possiblement été distribué à tout le monde. Je vais donc tout simplement répéter très brièvement les trois points que j'ai essayé de faire valoir.
    Premièrement, nous devons rejeter le mantra selon lequel le Canada ne négocie pas avec les ravisseurs, parce que ce n'est ni utile ni exact. Il faut remplacer ce slogan par un engagement clair à l'égard de la sécurité des Canadiens à l'étranger. Ce serait un meilleur point de départ pour offrir de meilleurs services consulaires.
    Deuxièmement, une loi n'est peut-être pas l'approche la plus prometteuse pour obtenir de bons services consulaires. Une mesure législative d'une très grande portée qui encadre le problème, c'est bien. C'est probablement une bonne idée, et cela contribuerait à résoudre l'ambiguïté législative dans laquelle se trouvent les services consulaires.
    Le véritable problème est la façon de confier à Affaires mondiales Canada le mandat de s'occuper de toutes les affaires consulaires, y compris ceux qui ont des aspects interministériels.
    Dans le cas des enlèvements, comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, la GRC ne devrait pas être l'organisme responsable et elle devrait potentiellement n'avoir aucun rôle à jouer dans les cas d'enlèvement à l'étranger pour la simple et bonne raison qu'elle est clairement en situation de conflit d'intérêts, compte tenu de son mandat d'application de la loi.
    Troisièmement, je vous exhorte à donner plus de latitude aux représentants diplomatiques en vue de leur permettre d'avoir toute une gamme de contacts à l'étranger, avec des restrictions minimales, en particulier avec des organisations qui, à première vue, pourraient être liées à des problèmes à l'étranger: des insurrections aux enlèvements. Lorsque des problèmes surviennent, les contacts font partie de la solution. En n'établissant pas de tels contacts, nous refusons délibérément d'utiliser un outil sans que cela nous procure un quelconque avantage.
    Comme j'ai déjà fait valoir ces points dans mon mémoire écrit, j'aimerais insister sur d'autres aspects. C'est incroyable de voir le nombre d'affaires consulaires difficiles qui découlent de la question de la double nationalité. Ce concept doit être expliqué beaucoup plus efficacement aux Canadiens et en particulier aux Canadiens qui ont une autre nationalité et qui visitent régulièrement l'autre pays dont ils sont des ressortissants en utilisant parfois le passeport délivré par l'autre pays.
    Il faut souligner que le gouvernement canadien a évidemment une responsabilité à l'égard de tous les Canadiens à l'étranger, y compris ceux qui ont une double nationalité. La simple réalité de la politique internationale signifie que le gouvernement, c'est-à-dire le gouvernement canadien, sera peut-être limité dans sa capacité pratique d'intervenir dans certaines situations où la double nationalité n'est pas acceptée par d'autres États ou qu'elle l'est seulement dans une certaine mesure.
    Les avertissements dans les documents consulaires d'Affaires mondiales ne sont pas suffisants. Nous devrions améliorer nos communications et faire beaucoup plus de sensibilisation, notamment dans les journaux ethniques.
    J'ai aussi de sérieuses réserves au sujet de l'approche axée sur les droits en ce qui concerne les services consulaires. C'est peut-être un point de départ valide de faire valoir qu'une personne a droit à des services consulaires, et je ne doute pas que ce soit vrai, mais cette approche ne mène pratiquement à rien quand les autres pays où se trouvent des Canadiens en difficulté ne coopèrent pas ou n'interprètent pas le droit international de la même manière.
    Je propose plutôt d'établir plus clairement la politique pour préciser ce que les ambassades canadiennes peuvent offrir en matière de services consulaires et définir concrètement les droits et les responsabilités du Canada et de la personne touchée et ce que sont probablement ceux du pays hôte.
    Les discussions sur les questions consulaires porteront alors sur les normes de service ou la manière d'offrir à tous les Canadiens une approche à l'égard des services consulaires qui répond aux attentes. Il y a actuellement un manque de précision dans l'ensemble concernant bon nombre de ces enjeux. Nous devrions tout d'abord choisir une nouvelle devise d'entreprise pour Affaires mondiales qui serait plus ou moins « Au service du Canada ici et à l'étranger ». Nous soulignerions ainsi que les Canadiens s'attendent à recevoir de bons services consulaires.
    Figure au sommet des problèmes à régler la nécessité d'avoir un service extérieur avec de l'expérience dans les problèmes consulaires. Une très grande partie des Canadiens qui ont des problèmes à l'étranger seront servis au départ aux ambassades canadiennes par des employés recrutés sur place. Ce sont principalement des ressortissants du pays hôte qui sont embauchés par le gouvernement canadien pour travailler dans les ambassades canadiennes. Les ERP, comme nous les appelons dans le jargon d'Affaires mondiales, sont l'épine dorsale des affaires consulaires. Nous pouvons nous vanter d'avoir certains des meilleurs agents consulaires recrutés sur place dans le monde.
    La réduction des effectifs a laissé sa marque; la formation n'est pas ce qu'elle devrait être, et certaines ambassades ne donnent pas aux employés recrutés sur place la latitude, le respect et le soutien qu'ils méritent. J'espère que le Comité mettra l'accent sur le rôle central que jouent les employés recrutés sur place dans le bon fonctionnement des affaires consulaires à l'étranger.
    Qu'en est-il des Canadiens au service du Canada à l'étranger? À une certaine époque, la tradition voulait que pratiquement tous les agents du service extérieur, lors de leurs premières affectations, se partagent les fonctions consulaires. Cette tradition a été perdue avec la configuration actuelle d'Affaires mondiales, étant donné que les affaires consulaires font maintenant partie d'une filière spécialisée de l'administration consulaire du ministère. Cette spécialisation est justifiée. Cela permet de renforcer les capacités, l'expertise et le leadership, mais cette situation a également tendance à limiter la latitude et l'expérience au sein d'Affaires mondiales. Je souhaite que le ministère examine la façon dont les missions canadiennes à l'étranger soutiennent la fonction consulaire pour qu'un plus grand nombre d'agents du service extérieur se partagent les fonctions consulaires et comprennent le travail et son importance.
    Nous en verrions des retombées à long terme lorsque ces agents du service extérieur reviendraient à Ottawa et qu'ils graviraient graduellement les échelons pour occuper des postes comportant des responsabilités de plus en plus nombreuses.
    Un sujet connexe à cet enjeu est évidemment la question plus vaste du Service extérieur canadien, qui traverse actuellement une crise. J'ai écrit quelques billets à ce sujet, mais cela vaut la peine que je répète que le Canada est en train de perdre son service extérieur. Si nous continuons avec cette tendance suicidaire, un recrutement minimal, quelques promotions, du recrutement latéral qui bloque les promotions, etc., et que nous ne mettons aucunement l'accent sur l'expérience, les langues ou le droit international, le Service extérieur canadien est voué à disparaître d'ici une décennie.
    Nous nous retrouverons alors avec quelques personnes au gouvernement du Canada qui comprennent le système international et la manière de le faire fonctionner pour le Canada. Cette situation a des répercussions évidentes sur les affaires consulaires, mais cela s'applique aussi à l'ensemble des autres activités à l'étranger; nous n'avons qu'à penser aux revendications juridiques du Canada dans l'Arctique et aux solutions face aux difficultés sur le plan de la sécurité en Europe de l'Est.
    Le Comité peut aussi souhaiter examiner cet enjeu, compte tenu du rôle central que joue un service extérieur essentiel dans la prestation du type de services à l'étranger dont les Canadiens ont besoin et auxquels les Canadiens s'attendent lorsque surviennent des problèmes relevant des affaires consulaires.
    Merci beaucoup.

  (1645)  

    Madame Fortier, allez-y.
    Je tiens à vous remercier énormément de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui. C'est un sujet qui me passionne. J'ai eu 10 affectations à l'étranger, et les affaires consulaires étaient chaque fois un défi, c'est le moins que l'on puisse dire.
    Cela inclut une affectation à Washington D.C., après les attentats du 11 septembre 2001, où j'étais à la tête de la Section politique, et nous avons dû composer avec les dossiers de MM. Arar et Khadr. J'ai ensuite été nommée ambassadrice en République dominicaine, au Pérou et en Bolivie, où il y avait aussi beaucoup de cas relavant des affaires consulaires. À titre de directrice générale des Opérations consulaires de 2009 à 2011, nous avons dû composer avec les tremblements de terre à Haïti et au Japon et le Printemps arabe. Comme la présidente l'a souligné, j'ai terminé ma carrière au poste de sous-ministre adjointe des Services consulaires, de la Sécurité et des Affaires juridiques, et nous avons connu à cette époque la prolifération des attentats terroristes, la guerre civile au Soudan du Sud et la tentative de coup d'État en Turquie.
    Je me suis occupée de nombreux dossiers complexes et de premier plan, dont certains en compagnie d'un collègue qui se trouve ici aujourd'hui. Certains de ces dossiers sont réglés, tandis que d'autres sont encore en cours. J'ai une admiration sans bornes pour les gens extraordinaires qui font ce travail.
    J'ai écrit un court article dans le Hill Times qui décrit les agents consulaires comme des négociateurs, des confidents, des casse-cous et des familles de substitution. Je crois que tous les gens autour de cette table se retrouvent peut-être dans cette description, étant donné que vous êtes aussi, à titre de législateurs, amenés à faire du travail consulaire. Je sais qu'au moins l'un d'entre vous en a même fait au ministère des Affaires étrangères. Ce sujet nous passionne tous. Donc, comment pouvons-nous améliorer la situation?
    J'ai lu ce que d'autres témoins ont dit. Je vais très brièvement vous dire ce que j'en pense, puis je formulerai certaines suggestions.
    En ce qui concerne la question d'une loi, les situations consulaires sont aussi diversifiées que les gens concernés. Les agents consulaires canadiens comparent leurs services à d'autres. Les services consulaires qu'offre le Canada à ses clients sont constamment parmi les meilleurs au monde, même lorsque nous les comparons aux services offerts par des pays qui ont une loi en la matière, notamment les États-Unis et l'Allemagne.
    Il ne faut pas oublier que les lois et les règlements vont de pair. Nous courons le risque de transformer des agents consulaires créatifs en bureaucrates qui remplissent des formulaires.
    Par exemple, en vertu d'une loi, une partie du temps qui est actuellement consacré à la gestion de cas et au soutien devrait plutôt être consacré à la préparation, aux témoignages et à l'évaluation des séances avec le nouveau tribunal administratif qui serait ainsi créé. Comme nous l'avons vu, la Charte fonctionne. Les Canadiens, y compris les agents consulaires et les politiciens, ont tiré des leçons de la période qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001.
    Par ailleurs, avec une loi, cela laisse entendre des normes de service. Lorsque j'ai accordé des entrevues partout au Canada sur les ondes de la radio de CBC Radio dans la foulée des ouragans qui ont frappé les Caraïbes et la Floride, j'ai été très surprise par l'idée que les citoyens canadiens avaient le droit d'être évacués immédiatement à bord d'un avion du gouvernement. Le gouvernement canadien devrait collaborer, comme il le fait déjà, avec un réseau de partenaires internationaux et de partenaires du secteur privé pour faire ce qui est le plus efficace et le plus sécuritaire.
    Dans ce cas précis, la majorité des Canadiens ont utilisé les mêmes transporteurs aériens qui les avaient amenés sur place pour revenir au pays. C'est logique. Les transporteurs aériens savaient où ces Canadiens se trouvaient; ils étaient au courant des conditions de sécurité, et c'était leur responsabilité. Selon ce que j'en comprends, les transporteurs aériens ont collaboré étroitement avec Affaires mondiales et tout particulièrement avec le Centre de surveillance et d'intervention d'urgence et ce que nous appelons l'équipe permanente de déploiement rapide, qui est assez incroyable et qui a permis de faciliter le déplacement de citoyens dont les documents avaient été emportés par le vent.
    La proposition d'un ombudsman est curieuse. Les citoyens ne semblent pas demander la création d'un poste d'ombudsman, et cette proposition ne tient pas compte de la protection des renseignements personnels, des exigences en temps réel et de la manière dont fonctionne réellement le gouvernement canadien.

  (1650)  

    La protection des renseignements personnels est un problème grave. C'est le Canadien qui reçoit des services consulaires à l'étranger qui décide des renseignements qui seront communiqués. Lorsque nous aidons un citoyen canadien, cela peut désavantager le gouvernement ou un parlementaire, et ce, en particulier dans les médias. Cela peut entraîner des conversations inconfortables avec les proches, les amis et parfois les avocats d'un client. C'est le prix à payer. Le choix revient au citoyen.
    Que pouvons-nous faire pour améliorer la donne? Comme mon collègue Dan l'a mentionné, nous pouvons faire de la sensibilisation ou des campagnes d'information. C'est la manière la plus facile de prévenir des situations terribles, voire fâcheuses. Le risque fait partie de l'attrait des voyages, mais nos citoyens doivent mieux comprendre le risque et les limites. Nous devons sans cesse moderniser nos outils de gestion des affaires consulaires et des urgences pour sensibiliser la population et diffuser cette information. Pour ce faire, il est crucial de faire preuve de souplesse. Nous nous tournons vers les médias sociaux, ce qui est maintenant à l'étude, et tout autre moyen à notre disposition pour communiquer avec des citoyens à l'étranger.
    Nous avons besoin de discussions internationales plus approfondies. À l'ère de la mondialisation, nous avons besoin d'interventions internationales. Nous avons le Forum consulaire mondial, mais il doit vraiment être renforcé. Le groupe des Cinq yeux a trouvé son rythme, mais nous pouvons toujours en faire plus. Les discussions consulaires bilatérales doivent être ouvertes, privées et flexibles; elles doivent permettre une certaine souplesse.
    L'un de nos collègues, Bill Crosbie, a été sous-ministre adjoint des Services consulaires durant une longue période. Il a en fait créé ces organismes internationaux. Il a proposé l'idée intéressante d'un code consulaire international pour créer des normes internationales — pas sous la forme d'un traité contraignant, étant donné qu'il n'y a actuellement pas beaucoup d'intérêt à ce sujet dans le monde — qui pourraient avoir des répercussions dans les divers pays dans le monde. Les enjeux majeurs aux fins de discussions internationales incluent les nationalités multiples, les enfants, la gestion de crise et l'intersection entre les droits de la personne et les affaires consulaires.
    Comme mon collègue l'a mentionné, les Canadiens qui ont plus d'une nationalité sont particulièrement à risque. Il y a des pressions concurrentes. Le nationalisme ethnique prend de l'ampleur avec la mondialisation. Pour ce qui est des enfants, cela exige un engagement à long terme. Tout dossier sera lent et difficile, parce que cela concerne l'éducation des enfants, la culture, les lois nationales et une famille dysfonctionnelle. La Convention de La Haye est un pas dans la bonne direction, mais il faut l'appliquer de manière constante. Il y a aussi le Processus de Malte, qui permet de regrouper des experts musulmans et occidentaux du droit de la famille. En ce qui a trait aux résidents permanents, étant donné que c'est déjà très difficile de défendre les droits des citoyens qui ont deux ou trois nationalités dans un autre pays dont ils sont des ressortissants, le niveau de difficulté grimpe en flèche lorsqu'il est question de non-citoyens. C'est passablement une question de droits de la personne et de ressources.
    Mes deux derniers points ont trait au travail et aux ressources. Nous devrions reconnaître le travail consulaire à sa juste valeur. La situation s'améliore, mais nous devrions reconnaître et récompenser les gens qui accomplissent ce travail difficile. La bonne nouvelle est qu'il y a un effectif d'agents de gestion et des affaires consulaires; c'est un groupe de professionnels hautement qualifiés qui sont maintenant des agents permutants du service extérieur. Comme Dan l'a souligné, il y a aussi des spécialistes non permutants à Ottawa et d'incroyables agents consulaires recrutés sur place. Toutefois, il y a une pénurie constante de ces spécialistes.
    Cela m'amène à vous parler des ressources.

  (1655)  

    Il faut un financement stable et adéquat pour engager de bonnes personnes, maintenir la formation, établir et faire croître des partenariats et gérer les nouveaux enjeux comme la santé mentale ou la liaison avec les provinces tout en continuant d'affecter des agents dans les pays où des Canadiens se rendent.
    Merci beaucoup de votre écoute.
    Merci beaucoup. Loin de moi l'idée de me montrer stricte, mais nous devons vraiment terminer la réunion à 17 h 30 pour aller voter.
    Monsieur O'Toole, allez-y.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis heureux de vous voir occuper le fauteuil.
    Merci beaucoup de votre présence au Comité aujourd'hui et des services que vous avez rendus au Canada au cours de vos carrières.
    Monsieur Livermore, je vais commencer par vous, parce que vous avez mentionné à plusieurs reprises dans votre exposé ici aujourd'hui le concept de la deuxième nationalité ou de la double nationalité. Il y a un million de citoyens canadiens qui ont une double citoyenneté, et je constate que cela entraîne dans certains cas des problèmes consulaires particulièrement importants.
    Nous avons le cas de Mohamed Fahmy qui est un exemple d'un journaliste qui a une double citoyenneté. Quelle est la meilleure approche dans de tels cas? La renonciation ou l'élimination de la deuxième nationalité, le cas échéant, permet-elle un soutien consulaire plus rapide?
    C'est un type d'affaire extrêmement compliqué pour lequel je ne crois pas qu'il existe de solutions magiques. De plus, nombre de pays ne permettent pas la renonciation.
    Lorsque j'ai travaillé au Chili, par exemple, un des problèmes que nous avions avec les Chiliens qui avaient quitté leur pays — principalement après le coup de 1970 — et qui voulaient ensuite revenir au bercail est qu'ils n'étaient pas autorisés à renoncer à leur citoyenneté chilienne. Ils étaient Chiliens pour la vie, alors il n'y avait pas de solution rapide.
    J'aurais espoir que la question soit beaucoup plus médiatisée — et je m'y attendrais — pour que les Canadiens désireux de voyager qui ont une deuxième ou une troisième nationalité puissent prendre des décisions plus éclairées sur les risques qu'ils courent s'ils décident de retourner dans le pays de leur autre nationalité. Je pense, par exemple, au service militaire obligatoire qui...
    Oui, je sais, j'ai soulevé cette question à la Chambre. Je suis désolé de vous interrompre, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Selon moi, la sensibilisation et la publicité sont de bonnes choses, car nous avons maintenant un premier ministre qui dit qu'un Canadien est un Canadien. Ce n'est pas vrai. Certains Canadiens ont des droits et des responsabilités supplémentaires, et la moitié du monde ne permet pas du tout la double citoyenneté.
    Y a-t-il eu des cas où la renonciation a permis à quelqu'un de sortir de prison ou ce type de choses? Est-ce qu'elle a été une solution?
    Bien sûr. Beaucoup de choses fonctionnent en pratique, même en cas de double nationalité. Je me souviens, par exemple, encore une fois d'un dossier que j'ai traité au Chili, celui d'une personne à la double nationalité qui avait été emprisonnée. Techniquement, nous n'avions aucun accès à cette prison, mais parce que nous étions en bons termes avec le gouvernement chilien et avec les autorités carcérales — ce qui semble étrange, mais il vous faut entretenir de bonnes relations —nous avons été en mesure d'aller voir cette personne et de la faire libérer en quelques jours, mais c'est grâce aux bonnes relations.
    Absolument. Ma question s'adresse à vous: au cours de votre carrière aux Affaires mondiales, au MAECI, et les nombreux noms que le ministère a portés au fil des ans, a-t-on déjà parlé d'éliminer la double citoyenneté? Pas que je milite en faveur de pareille élimination, mais peut-être que c'est ce que les libéraux font avec leur suggestion qu'un Canadien est un Canadien. A-t-on déjà étudié la question?
    Allez-y.

  (1700)  

    Dan me donne les questions épineuses.
    Je pense que la question a traversé l'esprit des gens, mais que dans ce monde, ce n'est tout simplement pas pratique. Il arrive que le concept de la double et de la triple citoyenneté puisse à la fois profiter et nuire aux gens.
    Il est clair que dans un des cas récents en Iran, le fait que la personne concernée ait eu la triple citoyenneté a permis la triangulation. Je pense que la plupart des agents consulaires et des personnes qui font affaire avec eux comprennent que c'est ainsi que sont les choses. Elles ne deviendront pas plus faciles.
    C'est juste. J'ajouterais que les deux plus grands pays au monde, soit l'Inde et la Chine, ne permettent pas la double citoyenneté, si bien que lorsqu'une personne est naturalisée au Canada, elle perd son statut indien. Cette question a-t-elle mené à la discussion et a-t-elle compliqué des affaires à ces endroits?
    Je pense que la question est très complexe en Inde. Selon mon expérience, même lorsque quelqu'un est le fils, la fille ou la petite-fille du citoyen, il peut être vu comme un citoyen indien — jusqu'à la quatrième génération. Ces choses ne sont pas facilement...
    Il me reste vraiment peu de temps. Dans le cadre des efforts de sensibilisation, de la publicité que vous avez mentionnée, il faudrait parler plus franchement des difficultés et des risques liés à la double nationalité. Des déclarations comme « un Canadien est un Canadien » n'aident probablement pas ces efforts.
    L'autre commentaire que j'aimerais formuler concerne des déclarations sans équivoque comme « les Canadiens ne négocieront jamais avec des terroristes ». N'est-il pas plus prudent de simplement ne pas parler d'affaires consulaires graves à haut risque plutôt que de faire des déclarations publiques générales?
    C'est ce que je pense, oui.
    Et vous aussi?
    Oui.
    Merci beaucoup.
    En fait, je vais céder mon temps de parole à M. Wrzesnewskyj.
    J'aimerais revenir à un commentaire que vous avez fait, monsieur Livermore, concernant l'exclusion de la GRC des négociations, surtout dans les cas difficiles d'enlèvement, par exemple, en raison d'un conflit d'intérêts inhérent.
    Faisiez-vous allusion au fait que, à titre d'agents d'application de la loi, leur principal objectif — ce pour quoi ils sont formés — est d'appréhender la personne qui enfreint la loi plutôt que d'assurer la sécurité des victimes et de négocier en leur nom? Est-ce ce à quoi vous vouliez en venir?
    Oui, en gros, c'est cela. Ils ont un mandat d'application de la loi. En théorie, ils négocient avec quelqu'un qui devrait être arrêté ou contre qui ils devraient porter des accusations d'actes criminels. À mon sens, c'est un conflit d'intérêts inhérent, qui semble être primordial. Je ferais valoir que la sécurité et la sûreté des Canadiens est le principal objectif de cet exercice.
    Cela a du sens, absolument. Les agents d'application de la loi ne sont peut-être pas les meilleures personnes pour négocier avec des criminels. Il existe des tensions inhérentes dans cette situation.
    J'aimerais m'adresser à Mme Fortier. Nous avons des diplomates qui sont incroyablement habiles. Pensez-vous qu'il serait avantageux d'éventuellement créer une unité de négociation spécialisée dans ce type de cas particulier? Nous savons que c'est arrivé par le passé et que cela arrivera encore. La vie des Canadiens est en jeu. Une unité dans la section consulaire du gouvernement se spécialiserait dans ces types de cas.

  (1705)  

    Les choses ont changé au cours des dernières années alors que ces cas d'enlèvement ont commencé à attirer l'attention. À mon époque, on divisait les cas d'enlèvement entre les sections commerciale et politique, même si nous restions en contact l'une avec l'autre.
    Je crois savoir qu'il existe une unité qui se concentre sur ces affaires. Elle travaille étroitement avec le côté consulaire. Pour ce qui est d'avoir une équipe chargée de négocier dans les cas de prise d'otages, j'estime que les compétences en négociation, en particulier assorties d'une expérience consulaire, sont précieuses. Les gens qui ont fait du travail consulaire ou qui ont travaillé du côté de la sécurité et qui comprennent aussi les affaires consulaires sont bien qualifiées pour le faire.
    Je recommanderais aussi que toute situation de prise d'otages soit rapidement portée à l'attention des échelons supérieurs, y compris de l'échelon politique. Chaque fois, on rassemble indubitablement les ressources pour mieux répondre...
    En cas de catastrophes naturelles — de tremblements de terre, de tsunamis — nous avons une unité d'intervention rapide vers laquelle nous tourner.
    En effet.
    Seriez-vous favorables à une unité d'intervention rapide dans les types de situations où les vies des Canadiens sont à risque — qu'elles impliquent des groupes terroristes ou des seigneurs de guerre — vers laquelle on pourrait immédiatement se tourner et à laquelle on pourrait confier cette tâche?
    Je crois savoir que pareille unité existe déjà. Elle travaille en étroite collaboration avec la fonction consulaire, mais n'en fait pas partie. C'est parce qu'elle chevauche plus d'un secteur. Le renseignement utilisé dans toute situation difficile devra être traité avec soin. Je pense qu'il est clair qu'on a besoin d'une personne-ressource et d'un responsable. Je crois comprendre qu'Affaires mondiales compte déjà pareille personne-ressource et responsable.
    L'autre point, celui de savoir si vous devriez créer une équipe de personnes qui ne s'occupe que de ce dossier, est, selon moi, plus compliqué; il concerne évidemment les ressources et la question que M. Livermore a soulevée. Il faut avoir de l'expérience — à Ottawa et à l'étranger — pour gérer ces affaires en tout genre qui sont complexes.
    J'ai un dernier point à aborder parce qu'on a répété à quelques reprises qu'un Canadien est un Canadien. Le contexte dans lequel l'expression a été employée était assez différent. On faisait valoir que chaque Canadien, qu'il soit né au Canada ou à l'étranger, jouit des mêmes droits. Cela n'avait rien à voir avec ce dont il est ici question. C'était une déformation regrettable des faits pendant une réunion de comité très sérieuse.

[Français]

     Les interventions vont devoir être très brèves. Il va falloir, semble-t-il, terminer la séance dans six minutes, en fin de compte.
    Monsieur Livermore, vous avez dit ceci:

[Traduction]

    « les contacts font partie de la solution. »

[Français]

    Madame Fortier, vous avez dit que de l'expérience à l'étranger était également nécessaire.
    Plusieurs témoins ont affirmé que, dans un pays donné, les cas difficiles exigeaient souvent une bonne compréhension de la situation sur le terrain. Je m'excuse d'exprimer mon parti pris, mais je crois que ce sont souvent les gens d'Affaires mondiales Canada ou même de certaines grandes ONG qui connaissent le mieux la réalité et les meilleurs réseaux sur le terrain.
     Nous avons toutefois entendu parler de cas où la Gendarmerie royale du Canada contrôlait essentiellement les opérations et où, semblerait-il, il n'y avait pas beaucoup de participation de la part d'Affaires mondiales Canada, du moins en apparence.
    J'aimerais que vous me parliez un peu de ces situations et de la coordination intergouvernementale dans les cas d'enlèvements, en particulier.

  (1710)  

[Traduction]

    Puis-je parler d'un aspect particulier de cette question, soit les contacts à l'étranger? C'est peut-être un argument controversé en ce sens qu'il arrive très souvent que les ambassades canadiennes aient des contacts avec des individus qui participent activement à des insurrections dans d'autres pays, et ce n'est pas une situation inhabituelle. Nous aurions, par exemple, des contacts avec les FARC en Colombie. Nous en aurions avec le Hezbollah, avec Hamas, que certains pourraient considérer comme des organisations terroristes ou qui pourraient être inscrites par le gouvernement canadien à des listes d'organisations terroristes.
    Vous pourriez vous demander à quoi bon avoir certains de ces contacts. Cela nous permet de communiquer avec eux lorsqu'un incident fâcheux survient. Quand quelque chose du genre se produit et que vous soupçonnez qu'ils y ont participé, vous ne pouvez pas sortir le contact de nulle part. Vous devez en avoir un d'établi.
    À mon sens, les Affaires étrangères sont allées un peu trop loin, elles ont essayé d'être un peu trop pures par le passé — et peut-être encore aujourd'hui — en disant qu'elles n'auraient pas de contacts avec certaines organisations. Je pense qu'à l'échelon des chefs de mission, il pourrait convenir de dire qu'il n'y a pas de contacts officiels. Cependant, la réalité est qu'aucun pays sérieux dans le monde ne se passe de ces contacts — ni les États-Unis, ni la Grande-Bretagne, ni la France. Ils en ont tous.
    Brièvement, il convient d'ajouter que, dans bien des pays, les négociateurs canadiens n'auront pas affaire à la personne qui détient les Canadiens, mais bien à un médiateur, à quelqu'un qui connaît la situation, sur le terrain, et dont les services sont alors mis à contribution.
    Il est important que les ambassades canadiennes comprennent ce qu'il faut faire, qui sont les médiateurs, qui sont les personnes qui ont de bons offices, de façon à ce que tout le monde comprenne la marche à suivre en cas d'incident fâcheux.
    Je pense que les arguments que Dan a soulevés sont bons. Nous devrions aussi reconnaître que nous travaillons étroitement avec la GRC dans bien des dossiers. Il est clair que j'ai apprécié leur travail lorsqu'il a fallu rapatrier des Canadiens morts à l'étranger, en particulier pendant le tremblement de terre en Haïti. Ils ont été incroyables.
    Lorsque vous entrez dans la sphère internationale, vous avez besoin d'expérience, et la présidente l'a fait valoir. Un ambassadeur est responsable des questions canadiennes qui surviennent dans son pays d'affectation.
    Il faut militer en faveur d'une meilleure communication — une bonne communication avec le côté consulaire —pour qu'on comprenne en quoi consiste l'aspect consulaire. Si certaines questions se rapportent clairement à la sécurité, leur connotation n'est pas la même, si bien qu'il faudrait communiquer sans trop révéler de renseignements. En fait, la question ici est de travailler ensemble de façon à respecter les capacités et les compétences de chacun.
    Je suis vraiment ravie d'entendre dire que le commissaire adjoint de la GRC a récemment affirmé qu'on n'intenterait pas de poursuites contre les Canadiens qui paient une rançon par un intermédiaire. C'est une bonne démarche.
    Bien entendu, la question des rançons présente un risque moral. D'une part, on ne veut pas donner de ressources à quelqu'un qui les utilisera à des fins néfastes. D'autre part, on veut vraiment retrouver un citoyen canadien sain et sauf.
    Merci beaucoup à vous deux. Sur le plan personnel, ce fut un plaisir de vous voir. Merci aussi pour vos témoignages d'aujourd'hui. Ils nous aideront assurément à produire de bons résultats et à formuler de bonnes recommandations pour le gouvernement.
    La séance est levée.
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