Passer au contenu
Début du contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 042 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 14 décembre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

     Comme il est déjà un peu passé 15 h 30, je déclare la séance ouverte.
    Je veux tout d'abord souhaiter la bienvenue à l'invité de marque que nous avons aujourd'hui. C'est le secrétaire général de l'Organisation des États Américains, un important organisme multilatéral dont nous sommes les partenaires.
    M. Almagro va profiter de cette occasion pour nous livrer une déclaration liminaire. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois, la semaine dernière, au Mexique, et nous avons l'impression de nous connaître depuis des années.
    Monsieur Almagro, c'est un honneur et un plaisir de vous recevoir; soyez le bienvenu.
    Fidèles aux habitudes du Comité, nous allons laisser notre invité nous livrer sa déclaration liminaire, puis nous allons lui poser quelques questions.
    Je vais donc laisser la parole au secrétaire général et lui permettre de nous adresser quelques mots.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci de m'accueillir ici aujourd'hui.
    Dans les Amériques, nous avons bâti un hémisphère sur la base d'une vision commune de valeurs que nous partageons, soit une vision qui se fonde sur l'inclusion et le multiculturalisme.
    L'Organisation des États Américains est l'institution régionale la plus ancienne du monde. Ses origines remontent à 1989, et l'OEA a évolué au rythme des développements politiques, sociaux et économiques des pays dans la région.
    Ce qui rend unique l'OEA est ses exigences claires pour en devenir membre. Au moment de se joindre à l'OEA, chaque État membre convient de négocier et de ratifier une série de documents qui forment une sorte de plan et qui établissent les principes qui définissent qui nous sommes, ce en quoi nous croyons et la manière dont nous interagissons les uns avec les autres.
    La Charte de l'OEA, la Charte démocratique interaméricaine, la Convention américaine relative aux droits de l'homme et la Convention interaméricaine contre la corruption, par exemple, sont des accords qui incluent des obligations qui se fondent sur les principes choisis d'ouverture, de démocratie et de coopération. Ces accords ont à la fois créé les mesures incitatives pour adhérer à ces normes collectives et les mécanismes pour les faire respecter en vue d'assurer un niveau minimal de bien-être à nos citoyens.
    Il s'agit d'une tribune qui met la priorité sur le dialogue et les droits et le bien-être des citoyens. La promesse et la possibilité de l'hémisphère reposent sur les valeurs communes au sein de l'OEA. Des démocraties plus solides, une primauté du droit plus précise et un environnement commercial plus uniforme et plus fiable sont la clé du succès.
    J'ai été élu à ce poste en faisant campagne pour donner plus de droits à un plus grand nombre de personnes, et c'est maintenant l'élément central de notre engagement. L'hémisphère demeure l'un des plus inégaux, et ses citoyens en ont assez de l'exclusion. Nous sommes las du racisme, de la persécution, des préjugés et des différends stériles. Il nous incombe à tous de nous assurer que les citoyens de l'hémisphère peuvent réellement jouir de tous les droits reconnus dans les divers accords internationaux. Nous devons garantir plus de démocratie, de droits, de sécurité et de prospérité pour tous.
    Nous sommes à une étape intéressante de l'histoire moderne. Nous constatons une tendance dans certaines des économies les plus développées, comme nous l'avons très récemment vu aux États-Unis, et c'est un appétit croissant pour de nouvelles politiques populistes. Le Canada a l'occasion de jouer un rôle important dans cette conversation. À une époque où la tendance est de plus en plus à l'isolationnisme, le Canada a renforcé son engagement à l'égard du pluralisme, de l'ouverture et de l'inclusion. Je tiens à souligner que c'est un engagement bien accueilli par vos voisins latins.
    Les priorités du Canada s'arriment à celles de la majorité de l'hémisphère : la croissance inclusive, une intégration économique accrue, les énergies propres et la coopération multilatérale.
    Au sein de l'OEA, nous sommes heureux de compter dans nos rangs un certain nombre d'éminents Canadiens. Karina Gould, votre actuelle secrétaire parlementaire de la ministre du Développement international, a déjà travaillé à l'OEA, de même qu'Hélène Laverdière, la vice-présidente du Comité. Votre collègue, Peter Kent, qui siège au Comité, a également joué un rôle important, à titre de ministre d'État responsable des Amériques, lors de la session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'OEA qui s'était réunie pour analyser la situation au Honduras à la suite du coup d'État perpétré contre le président Zelaya en 2009.
    L'approche du Canada à l'égard de la région est unique. Vous avez toujours maintenu des relations ouvertes avec Cuba, même à l'époque où ce n'était pas populaire de le faire. Le Canada a été l'un des premiers États observateurs de l'Alliance du Pacifique. La récente décision d'éliminer les exigences de visas imposées aux visiteurs mexicains est vue comme une déclaration publique de l'ouverture du Canada à l'endroit de l'Amérique latine.
    Comme le Canada compte près de 1,5 million de citoyens qui ont des racines latino-américaines et caraïbes, il s'agit d'une occasion de renforcer nos relations interpersonnelles déjà dynamiques. C'est également une occasion d'établir de nouvelles relations avec des amis et des alliés de partout dans l'hémisphère.

  (1535)  

    Le Canada est un important pays donateur et contribue grandement à l'OEA et à ses activités. Le Canada mérite des remerciements pour ses précieuses contributions et son soutien financier. Cependant, je tiens à dire que le Canada joue un rôle beaucoup plus important. Le Canada est un partenaire au sein de l'OEA. Il a été un ardent promoteur de la modernisation de l'institution et a occupé un rôle de premier plan dans les discussions au sein du Conseil permanent. C'est un ardent défenseur des libertés universelles, de la démocratie et des droits de la personne. C'était au Sommet des Amériques en 2001 à Québec qu'a germé l'idée de la Charte démocratique interaméricaine, qui se veut une véritable constitution pour les Amériques.
    C'était un message fort. En réponse à cela, l'Amérique latine est encore plus favorable au Canada. Ce moment offre au Canada une véritable occasion d'engagement.
    L'un des plus importants rôles que joue l'OEA dans l'hémisphère est de faciliter les échanges en ce qui concerne la prévention, la gestion et le règlement des crises et des conflits. Je tiens à féliciter le Canada, parce qu'il a toujours été un chef de file et un partenaire stratégique pour l'OEA, ses États membres et les citoyens des Amériques dans toutes les grandes missions spéciales de l'OEA. Nous n'avons qu'à penser à la longue Mission d'appui au processus de paix en Colombie, à la mission spéciale en Haïti il y a une décennie et à la nouvelle Mission d'appui à la lutte contre la corruption et l'impunité au Honduras. Le message est clair. Dans un monde de plus en plus réticent à l'intrusion dans les affaires intérieures, le Canada a une voix forte et prend nettement position pour dire que la solidarité régionale ne peut pas se faire sur le dos de violations des droits de la personne, d'institutions démocratiques minées et de politiques d'exclusion.
    La bonne nouvelle est que l'Amérique latine qui existe actuellement est profondément différente de ce qu'elle était il y a quelques décennies. Dans l'ensemble, nous avons des institutions démocratiques plus solides, une meilleure primauté du droit, une meilleure protection sociale et des économies plus intégrées et ouvertes. Cependant, nous avons encore des problèmes importants qui nuisent à la croissance et à la stabilité dans la région. La crise au Venezuela continue d'avoir un effet dévastateur sur sa population. Tous les aspects de la vie au pays, soit les questions humanitaires, sociales, économiques et politiques, continuent de se détériorer. Le dialogue est devenu une tactique pour retarder la prise de mesures, et les parties concernées ont, par conséquent, perdu confiance dans le processus.
    Au Nicaragua, l'OEA a été en mesure d'établir un dialogue structuré avec le gouvernement dans l'espoir d'arriver à des résultats qui permettront de renforcer l'espace démocratique au pays et de donner une voix à un plus grand nombre de gens. Notre objectif est d'obtenir la confiance nécessaire pour avoir un dialogue fructueux.
    L'OEA est également fière d'avoir contribué à la réalisation d'une avancée historique avec la signature d'un accord de paix en Colombie. Malgré le recul subi à la suite du référendum, toutes les parties s'étaient engagées à arriver à des résultats durables. La paix et la réussite à cet égard sont précisément le résultat d'un dialogue constructif dont pourraient tirer profit les voisins de la Colombie. C'est justement un tel dialogue constructif qui sera nécessaire en Haïti pour résoudre l'impasse politique qui paralyse le pays, comme nous en avons été témoins.
    Les libertés fondamentales, les droits de la personne et la démocratie n'existent pas seulement lorsque c'est commode ou lorsqu'ils confortent nos souhaits; ils doivent exister en tout temps. Il faut vouloir préserver, autant que le vôtre, le droit de votre adversaire d'exprimer ses opinions. Les valeurs éthiques et morales que nous énonçons dans la Charte démocratique interaméricaine et dans la charte de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, par exemple, n'ont aucun sens si nous n'en faisons pas une réalité quotidienne pour les peuples des Amériques. Les valeurs doivent l'emporter sur les intérêts politiques. Lorsque nous perdons ces valeurs, la société y perd.
    Lorsque des abus se produisent, nous avons pour devoir d'y remédier. Les paroles ne suffisent pas; nous devons être prêts à agir, surtout lorsqu'il est difficile de le faire. Pour reprendre les célèbres paroles de Desmond Tutu, « Si vous êtes neutres en cas d'injustice, vous avez choisi le parti de l'oppresseur. » Il n'y a pas de petit pays lorsque vous défendez de grands principes. Tous les pays peuvent prouver leur engagement à l'égard de ces idéaux.
    Cette organisation, cette communauté d'États, est vitale pour ce qui est d'assurer un respect sans restriction des droits de la personne dans l'hémisphère et est un instrument essentiel pour sauvegarder la démocratie. En ma qualité de secrétaire général de l'OEA, j'ai pour devoir d'être le champion et le protecteur de ces valeurs qui sont au coeur de l'institution et au coeur même des Amériques.

  (1540)  

    À titre de secrétaire général, je dois représenter les gouvernements, mais je dois également représenter l'opposition. Je dois être la voix de ceux qui n'ont pas de voix et de ceux qui subissent la plus forte discrimination. Je dois être la voix des victimes de l'inégalité et de ceux qui souffrent du manque de protection de leurs droits, et je dois être le plus ardent défenseur de ces droits.
    José Antonio Marina a dit que les sociétés s'effondrent, parce que nous édifions des sociétés injustes. La démocratie n'a aucun sens si nous ne nous engageons pas à travailler pour la démocratisation chaque jour. Si nous ne donnons pas un accès égal aux droits, si nous faisons en sorte que les sociétés des Amériques demeurent parmi les sociétés les plus inégales au monde, nous n'aurons jamais une démocratie qui fonctionne correctement. C'est la raison pour laquelle j'ai assumé ce poste. C'est pour honorer l'engagement d'assurer que, dans le continent américain, nous puissions donner plus de droits à un plus grand nombre.
    Je répète ma raison d'être : plus de droits pour plus de personnes. L'inégalité dans la répartition du revenu, l'accès aux biens et aux services de base et la justice est un élément qui, sans répit, entrave directement le plein exercice des droits politiques, économiques, sociaux et culturels de nos citoyens. Les droits de la personne sont au coeur même de l'égalité. Réaffirmant que la promotion et la protection des droits de la personne s'avèrent une condition essentielle à l'existence d'une société démocratique et reconnaissant l'importance du développement et du renforcement continus du Système interaméricain des droits de l'homme pour la consolidation de la démocratie, il nous incombe à tous à titre de politiciens, de dirigeants, de diplomates, de membres de la société civile et de citoyens des Amériques de parvenir à plus d'égalité pour les peuples. Avec plus d'égalité, les citoyens seront de meilleurs citoyens. Une fois toute discrimination éliminée, les citoyens seront de meilleurs citoyens.
    Il y a un autre défi qui est central à la stabilité et à la croissance de la région, et c'est la corruption. La corruption mine la confiance dans le gouvernement, mais elle affecte aussi directement les citoyens au plan économique. La lutte contre la corruption est un élément essentiel de l'exercice du pouvoir démocratique inscrit dans l'OEA et elle est, par conséquent, une question prioritaire pour tous ses États membres. J'ai également mis l'accent dès le début de mon mandat à l'OEA sur cet aspect. Partout dans les Amériques, la corruption des politiciens a mobilisé les citoyens à prendre d'assaut les rues pour demander de la transparence et la fin de la corruption et de l'impunité.
    Au Honduras, des citoyens indignés ont manifesté contre la corruption qui ronge le gouvernement. Voilà la raison pour laquelle nous avons lancé l'ambitieuse initiative qu'est la Mission d'appui à la lutte contre la corruption et l'impunité au Honduras, ou la MACCIH. Le Mécanisme de suivi de la mise en oeuvre de la Convention interaméricaine contre la corruption, ou le MESICIC, est un autre exemple d'un outil important de l'OEA pour soutenir le renforcement des États membres et la reddition de compte et l'ouverture en leur sein. Le simple fait que pratiquement tous les États membres participent au processus sur une base volontaire est éloquent.
    Vendredi dernier, nous célébrions la Journée internationale de lutte contre la corruption. Le ministre canadien des Affaires étrangères, M. Stéphane Dion, a dit : « La corruption est un obstacle majeur au développement durable et elle est destructive sous toutes ses formes. » Je suis on ne peut plus d'accord avec cette affirmation. Nos principes moraux ne veulent rien dire si nous ne luttons pas chaque jour contre la corruption et si nous n'aplanissons pas les grandes inégalités auxquelles se heurtent nos citoyens lorsqu'ils veulent se prévaloir de leurs droits.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, les valeurs communes et l'engagement commun à l'égard de l'ouverture, de la démocratie et de la coopération définissent notre hémisphère. Qu'il soit question de la défense des droits de la personne, de la lutte contre la corruption ou des efforts de paix et de réconciliation, ce sont des enjeux pour lesquels nous partageons une vision commune dans les Amériques. C'est le rôle de l'Organisation des États Américains; il s'agit d'une tribune où a lieu un dialogue constructif en vue d'atteindre la vision des Amériques que nous partageons tous, que nous avons tous exprimée et à l'égard de laquelle nous sommes tous engagés.
    Merci.

  (1545)  

    Merci beaucoup, monsieur le secrétaire général. Nous vous sommes très reconnaissants de votre exposé.
    Passons directement aux séries de questions. Comme nous le faisons toujours, M. Kent sera le premier intervenant.
    Bienvenido, Su Excelencia.
    Il y a quelques années, l'OEA a consacré beaucoup de temps et d'énergie à l'élaboration d'un processus conditionnel pour redonner à Cuba le statut de membre à part entière de l'OEA. À l'époque, Cuba a rejeté l'offre. Avez-vous récemment eu des signes comme quoi le pays serait ouvert à redevenir membre à part entière?
    En 2009, une résolution a été adoptée pour lever l'exclusion de Cuba et donner à Cuba la possibilité d'entamer des négociations pour se joindre à l'OEA. Cuba ne s'en est pas prévalu et ne le fera pas avant un certain temps.
    Je crois que Cuba entretient de très bonnes relations avec tous les pays du continent, mais le problème est que l'OEA a eu de 1962 à maintenant des systèmes politiques complètement différents de ce qu'ont connu les Cubains. Cette situation rend très difficile l'adoption par les Cubains de toutes les conventions et de toutes les chartes de l'OEA. C'est un sujet très délicat pour le système politique cubain. Ces documents portent majoritairement sur la démocratie représentative et la question des droits de la personne et principalement les droits civils et politiques. Je crois donc que les Cubains ont besoin de temps. Nous sommes très ouverts à entamer des négociations avec eux dès qu'ils le voudront ou qu'ils le pourront. Cependant, compte tenu de la situation actuelle, je crois en toute objectivité qu'il serait très difficile pour les Cubains de faire le pont entre ce qui sépare leur système politique et les obligations qu'il faut s'engager à respecter au moment de se joindre à l'Organisation des États américains.

  (1550)  

    J'aimerais revenir sur les droits de la personne. Pouvez-vous faire le point sur les manières, selon vous, de régler les problèmes très pressants en matière de droits civils et de droits de la personne que connaissent actuellement le Venezuela et le Brésil?
    Ce que nous voyons au Venezuela, c'est la détérioration complète du système politique. Je n'ai jamais vu un pays se désintégrer aussi complètement que le Venezuela l'a fait au cours de la dernière année sur les plans économique, social et politique. Le Venezuela est le pays qui compte le deuxième plus grand nombre de prisonniers politiques sur le continent. Le Venezuela est un pays qui ne reconnaît pas la branche législative du gouvernement. Le pays ne reconnaît pas les droits électoraux des citoyens de destituer un président. Il ne reconnaît même pas qu'une crise humanitaire fait rage, que des gens meurent et que des Vénézuéliens et des nouveau-nés souffrent dans les hôpitaux de maladies chroniques. Des enfants meurent de diphtérie, qui est un problème tellement simple à régler avec une campagne de vaccination.
    Nous avons assisté au début d'un dialogue politique qui était mené au départ par le président Zapatero, puis le Vatican s'est joint aux trois anciens présidents pour jouer le rôle de médiateur entre le gouvernement et l'opposition.
    Nous constatons quelque chose de tout simplement extraordinaire depuis le début du dialogue; la situation s'est encore plus détériorée. Depuis mars ou avril, le nombre de prisonniers politiques a augmenté. Depuis que le Vatican participe au dialogue, il y a eu quatre tables de négociation. La première portait sur les questions institutionnelles, en particulier le rétablissement des pouvoirs de la branche législative du gouvernement. Or, la branche législative a depuis perdu deux autres pouvoirs : ceux de juger le président et d'élire les membres du Conseil national des élections.
    La deuxième table concernait la réparation des torts causés aux victimes et aux prisonniers politiques. Je crois que le gouvernement du Venezuela libérera au compte-goutte les prisonniers politiques lorsqu'il le décidera et continuera de le faire, parce que c'est très important sur le plan politique. C'est le Vatican qui s'occupe de cette table. Il est donc très important pour le Venezuela de faire en sorte que le Vatican poursuive le dialogue. Le problème est que depuis mars le nombre de prisonniers politiques est passé de 80 à environ 120. Cela donne au gouvernement un coussin de 40 prisonniers politiques à libérer durant cette période. Il n'en demeure pas moins que le gouvernement libère des prisonniers politiques quand il le décide et dans les conditions qu'il choisit. Nous sommes toujours très heureux d'apprendre la libération de certains prisonniers politiques, en particulier les libérations pour des raisons humanitaires graves comme dans le cas de Vladimir Araque.
    La troisième table visait à parler de l'économie du pays. Vous savez que le pays s'est détérioré, et cette détérioration se poursuivra au cours de la prochaine année. Tout s'écroule, et ce n'est pas terminé. Ma seule préoccupation est que le pays continue d'essayer de faire croire — d'une certaine manière, il a réussi à le faire croire à l'opposition — qu'il y a une guerre économique contre le Venezuela. La seule guerre économique contre le Venezuela est l'incompétence de son gouvernement. La plus forte pression qui est exercée sur le gouvernement est sa propre incompétence à diriger le pays.

  (1555)  

    La quatrième table a trait au chronogramme électoral. En fait, par rapport au chronogramme électoral, la première chose qui s'est produite à cette table de négociation a été le rejet du référendum pour destituer le président. Tout espoir de tenir ce référendum en 2016 est perdu, et cela s'est produit à la table de négociation. Qui plus est, des élections ont été annoncées dans l'État d'Amazonas, et l'opposition a donc perdu sa majorité des deux tiers à l'assemblée nationale. Le pouvoir de l'assemblée nationale a une fois de plus été réduit.
    Nous avons assisté à une incroyable détérioration durant ces mois. Nous devons continuer de dénoncer la situation, et je crois que nous devons continuer à exercer des pressions. Le pire qui pourrait arriver, c'est que le gouvernement croit qu'il peut faire ces choses en toute impunité. Je crois que nous devons maintenir la pression, continuer de dénoncer la situation et continuer d'essayer de proposer des solutions pour que l'ordre démocratique revienne le plus rapidement possible au Venezuela.
    Merci, monsieur Kent, monsieur le secrétaire général.
    Monsieur Sidhu, vous avez la parole.
    Monsieur le président, je partagerai mon temps de parole avec M. Levitt, mais je poserai la première question.
    J'ai appris que l'OEA connaît des difficultés budgétaires qui minent sa capacité de mener à bien son mandat. Il semble que les tensions politiques entre les membres nuisent à l'efficacité de l'organisation. Le Canada peut-il faire quelque chose pour régler ce problème? Selon vous, quel rôle le gouvernement canadien peut-il jouer à cet égard?
    Pendant les années où j'étais ministre des Affaires étrangères, la principale chose que je savais au sujet de l'OEA, au début, était que l'organisation était aux prises avec une crise financière. Elle a duré cinq ans, et lorsque j'ai été nommé secrétaire général, elle n'était toujours pas réglée.
    Il y a seulement deux façons de régler une crise financière : accroître le revenu et réduire les dépenses. Il est très difficile de demander aux pays du continent de hausser leurs contributions, si bien que nous avons réduit considérablement nos dépenses, soit d'environ 12 %. J'espère que l'an prochain, je n'entendrai pas dire que l'organisation est en proie à une crise financière. Cela dit, nous avons au moins un peu de marge pour régler la situation.
    En outre, certains pays ont versé leurs contributions en retard. L'un d'entre eux, le Brésil, effectue ses paiements. Il a fait un versement en 2015 et il finira de rembourser sa dette l'an prochain. C'est son plan. L'autre principal contributeur qui accuse, en quelque sort, un retard est le Venezuela. Je ne vois aucune possibilité pour lui de verser sa contribution à court terme.
    Le Canada apporte une contribution très importante. Premièrement, c'est lui qui a proposé que nous haussions le plafond de nos dépenses. Disons qu'il se situait à 72,5 millions de dollars; il a été haussé à 73,5 millions de dollars. Le Canada appuie bien des projets relatifs au développement, à la sécurité, à la démocratie et aux droits de la personne au sein de l'OEA. Avec son financement précis et de nouvelles ressources supplémentaires, il continue de nous soutenir pour que nous puissions poursuivre nos travaux. Je pense que si nous restons sur cette voie, l'organisation devrait bien s'en tirer au cours des prochaines années. Nous ne pouvons qu'être reconnaissants à l'égard du Canada pour son apport à l'organisation et au système interaméricain des droits de la personne.

  (1600)  

    La parole est maintenant à M. Levitt.
    Le Comité a eu l'occasion de se rendre au Guatemala et en Colombie en août. Ce voyage a été très instructif pour nous à une époque où on menait une bonne partie des négociations et des travaux post-conflit — surtout en Colombie.
    Nous savons que la situation n'a pas été de tout repos là-bas, mais je me demande si vous pouviez nous parler, entre autres, de l'impunité et de la Commission au Guatemala, et peut-être plus précisément de la Colombie et du rôle que joue l'OEA en période post-conflit pour ce qui est de travailler avec le gouvernement et les FARC alors qu'ils entament des pourparlers très délicats pour essayer de déterminer la voie à suivre. La situation est délicate sur le plan des finances, mais aussi de l'appareil d'État; ils ont vraiment un programme très ambitieux sur la façon de mettre en oeuvre les plans qu'ils ont dressés.
    Pouvez-vous nous éclairer sur ces points?
    Je pense que la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala a fait une contribution incroyable à la lutte contre l’impunité et la corruption dans ce pays. Elle a fait de grandes réalisations. Elle a interrogé même les personnes les plus haut placées et a rehaussé les possibilités d’enquête des procureurs et des juges. Les choses fonctionnent beaucoup mieux là-bas. Jusqu'à présent, on n’a pas l’impression que, dans le régime politique, un siège au Parlement ou à l’exécutif confère des avantages comme l’impunité. Cette époque est révolue. Je pense qu’ils s’en tirent beaucoup mieux, mais qu’ils ne sont pas au bout de leurs peines. La corruption n’est pas quelque chose qu’on peut éradiquer lorsqu’elle est si ancrée dans un régime politique.
    Pour ce qui est de la Colombie, il est vrai que nous élargissons la portée de nos travaux là-bas. Nous travaillons principalement avec les collectivités et la société civile. Nous travaillerons avec le gouvernement. Nous serons chargés des territoires que les FARC quitteront lorsqu’ils s’en iront vers le nouveau placement qui a été arrangé pour eux. Il s’agit d’une région qui présente de grands défis, car si vous avez été témoin d’autres expériences post-conflit, les régions qu’ils abandonnent sont souvent celles où le taux de criminalité augmente après une certaine période. Il est possible, bien entendu, que la criminalisation et les crimes que la population subit, comme l’extorsion, le chantage et les enlèvements, augmentent. Il sera difficile de signaler au gouvernement les conflits politiques, sociaux et territoriaux ainsi que les activités criminelles. Nous devons principalement insister pour que l'État, le gouvernement et les institutions viennent dans ces territoires aussitôt que possible. Il est clair que ces problèmes risquent plus de survenir si ces territoires ne sont pas fermement pris en charge dès le départ.
    Nous aurons pratiquement à accroître de 60 % nos activités là-bas. Ce sera très exigeant sur le plan des ressources humaines, matérielles, économiques et financières. Nous obtenons les ressources financières pour relever ces nouveaux défis. Nous nous attendons à être utiles. L’OEA est une organisation qui connaît mieux la situation sur le terrain. À part la Croix-Rouge et l’Église, nous somme l’organisation qui compte le plus de personnes sur le terrain mais, côté pratique, nous sommes dans les régions les plus difficiles et conflictuelles, et nous sommes reconnus par tous les acteurs du conflit comme un contributeur très important à ce processus de paix.

  (1605)  

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Laverdière.

[Français]

     Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Almagro Lemes, de votre discours très éloquent, notamment au sujet des droits de la personne.
    Si je peux me le permettre, avant de poser ma question, j'aimerais souligner la présence d'un autre Canadien qui est assis à votre droite. Il s'agit d'un vieil ami, soit M. Christopher Hernandez-Roy. J'aimerais aussi souligner qu'il y a 20 ans, quand j'étais à l'Organisation des États américains, l'OEA, on parlait aussi de crise financière. En fait, on en parlait très souvent.
     Vous avez fait valoir la nécessité de renforcer le système interaméricain quant à la promotion et à la défense des droits de la personne. Toutefois, comme on le sait, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a vécu elle aussi, dans une certaine mesure, une crise financière et politique. De notre côté, nous avons fait appel au gouvernement du Canada pour qu'il renforce son appui à la Commission interaméricaine des droits de l'homme.
    Pouvez-vous nous décrire la situation actuelle? Dans quelle mesure la Commission est-elle encore en difficulté, tant du côté financier qu'en ce qui a trait à certains pays?
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    Oui, les temps sont très durs pour la Commission interaméricaine des droits de l'homme et la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
    L’an dernier, à très court préavis, nous avons fait état de leur crise financière, surtout en raison de la diminution très dramatique des contributions volontaires de divers pays au sein ou non de la Commission. Cette crise a fait prendre conscience à tout le monde de l’importance du système et du besoin de faire en sorte qu’il soit possible de recevoir de meilleures contributions pour eux et en plus grand nombre.
    Le fait est que le régime a survécu à la crise cette année, mais qu’on n’a pas dégagé de solutions structurelles pour l’avenir. Dans ces circonstances, nous pourrions faire face aux mêmes types de problèmes l’an prochain; nous devons donc travailler maintenant dès le début de l’année à hausser le nombre de contributions des pays pour maintenir la majeure partie de la croissance.
    Les séances ont été maintenues. Comme le Panama a offert d’accueillir les séances de la Commission cette année, l’an prochain, ce sera au tour de l’Uruguay, alors cette partie est réglée.
    Pour la prochaine assemblée générale, nous devons trouver une solution structurelle, car le budget qu’elle reçoit à même le financement régulier de l’organisation est toujours au même niveau, qui est plus élevé que ce que quiconque pourrait demander étant donné que nous avons réduit d’au moins 12 à 15 % le financement du reste des commissaires ou des secrétaires de l’organisation. Nous l’avons gardé exactement au même taux.
    Nous devrons travailler d’arrache-pied pendant l’année pour continuer à recevoir des ressources. Nous nous attendons à être en mesure de trouver une solution à notre prochaine assemblée générale au Mexique.
    Certaines propositions n'ont pas été approuvées dans le cadre du dernier budget de l’assemblée générale, notamment celle d’acheminer les paiements en retard — par exemple, ceux du Brésil — à la commission. Je pense que nous pouvons le faire, du moins pour un pourcentage élevé — au moins 50 % — des paiements en retard que nous avons reçus cette année.
    Le Mexique a proposé de hausser les contributions des pays au système interaméricain des droits de la personne. Si nous nous attendons à couvrir pratiquement tous les projets, il faudra accroître les contributions totales des pays à l’OEA de 10 à 12 %. Ce pourrait être une solution structurelle qui donnerait à l’organisation et au système interaméricain des droits de la personne l’autonomie et l’indépendance dont ils ont vraiment besoin au plan financier pour faire leur travail.

  (1610)  

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le secrétaire général.
    J'ai une autre question et je remercie M. Kent, qui a posé les autres questions que je voulais poser. Cela me laisse donc encore plus de possibilités.
    Il y a la question de la Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites des armes à feu, munitions, explosifs et autres matériels connexes, ou CIFTA. Le Canada, qui a grandement contribué au développement de cette convention, l'a signée mais ne l'a toujours pas ratifiée, et ce, après près de 20 ans.
    Pensez-vous qu'il serait encore utile que Canada ratifie cette convention?

[Traduction]

    Plus nous avons de pays dans la convention, meilleur c’est pour la mise en oeuvre. C’est une question très sérieuse sur le continent. Le contrôle des armes présente des risques. Avec la fin du conflit en Colombie, par exemple, il est très important d’exercer un contrôle strict de ces armes. Bien entendu, toute mesure qu'on essaie de prendre contre les narcotrafiquants devra avoir été précédée d’actions relatives au contrôle des armes. C’est une des principales tâches que nous devons accomplir pour assurer la sécurité du continent.
    En signant la convention et en coopérant avec le reste des pays sur le continent dans ces dossiers, le Canada sera en mesure de contribuer considérablement à améliorer la situation continentale.

[Français]

    Merci, madame Laverdière.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Saini.
    Bonjour, Votre Excellence. Je vous accueille chaleureusement en cette froide journée ottavienne.
    Je pense que nous pouvons tous convenir de l’importance de l’OEA et du fait que le Canada estime qu’elle doive être forte pour assurer la stabilité géopolitique et l’avancement des droits de la personne. Il semble y avoir des groupes de pays au sein de l’OEA qui pourraient avoir d'autres plans — peut-être le Venezuela ou le Brésil. Si vous prenez la formation du groupe ALBA, ou de l’UNASUR dans le cas du Venezuela, c'est à ce dernier que le Venezuela a fait appel pour surveiller ses élections plutôt qu'à l'OEA. En ce qui concerne les droits de la personne, surtout dans les tribunaux, où les affaires s'accumulent, des pays comme l’Équateur, le Venezuela, la Bolivie et le Nicaragua semblent réduire leur financement.
    Je m’interroge sur les difficultés que vous éprouvez en tentant de maintenir l’unité de tous, de respecter l’objectif de veiller à ce que tout le monde paie sa juste part et d'assurer le maintien de la stabilité géopolitique pour que les groupes ne prennent pas différentes orientations.
    Premièrement, nous ne sommes en compétition avec aucune autre organisation régionale. Ce que l’OEA fait est unique. Aucune autre organisation régionale ou sous-régionale — ni l’UNASUR, ni la CELAC — ne dispose des outils juridiques de cette organisation, comme les conventions et les chartes. C’est notre plus grand atout.
    Si la plupart des pays du continent ont des responsabilités et des obligations en matière de droits de la personne, c’est qu’ils sont distincts du système américain. S’ils ont des responsabilités et obligations en matière de démocratie, c’est principalement en raison de la Charte démocratique interaméricaine. Elle est plus complète que le reste des articles démocratiques qui existent sur le continent, principalement parce qu’elle énonce très clairement les obligations des pays et les droits des personnes, et elle dispose aussi de mécanismes pour mettre en oeuvre des solutions aux crises politiques sur le continent.
    Le fait est que l’OEA importe principalement aux pays que vous avez mentionnés. Si vous dites, par exemple… Le ton est assez dur. Dernièrement, il ne l’est pas tant contre l’organisation en tant que telle, mais plutôt contre le secrétaire général, et c’est une amélioration.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Luis Leonardo Almagro Lemes: Mais imaginez-vous que l’ancien représentant permanent du Venezuela à l’OEA était aussi le vice-ministre pour l’hémisphère occidental et les Amériques. Cela montre l’importance que revêt l’organisation. Il s’agit d’un forum politique dans lequel les pays ont la possibilité de dialoguer avec les États-Unis et le Canada, et cela vaut pour presque tous les autres pays.
    C’est le seul forum sur le continent qui regroupe tout le monde, alors que s’ils veulent expliquer leurs problèmes au sein de l’UNASUR, ils ennuient tout le monde. Cependant, au sein de l’OEA, ce forum a un objectif: celui, bien sûr, de lutter contre l’impérialisme et tous les maux qui en découlent.
    Je n’ai pas à déployer d’efforts particuliers pour assurer l’unité. En fait, je ne m’attends pas à ce qu’ils soient d’accord avec mes prises de position. Lorsqu’ils abondent dans le même sens que moi, c’est bien. Le fait est que mes points de vue doivent faire en sorte que les pays fassent front commun et qu’ils prennent leurs responsabilités au titre de la Charte démocratique interaméricaine. Je dois être responsable de chaque convention sur les droits de la personne. Si mes positions sont conformes à la Charte et aux conventions, alors tout le monde devrait les appuyer. Personne ne peut les contester, car elles sont conformes et ont fait l’objet d’un consensus préalable avant une quelconque des circonstances ou des situations politiques actuelles.
    Je pense que l’organisation continuera de fonctionner. Nous devons honorer les instruments et les outils que nous avons. La pire chose qui puisse arriver à cet organisme serait que ces conventions et chartes restent simplement dans les archives ou la bibliothèque de l’organisation. Elles doivent être vivantes et faire en sorte que les pays soient responsables.
    En plus de cela, comme vous pouvez le constater, l’OEA a été très engagée dans les dernières discussions à la grandeur du continent. C’est l’autre chose que nous devons faire. La pire chose que l’organisation puisse faire est de se défiler devant un problème. Nous devons y faire face et proposer des solutions. Voilà ce que nous faisons ces jours-ci.
    Bien entendu, c’est une question de démocratie et de droits de la personne, qui sont toutes les deux des questions politiques très délicates. Personne n’aime que l’on critique son régime politique ou ses mesures de protection des droits de la personne.

  (1615)  

    Vous agacez bien des gens lorsque vous présentez des affaires semblables, mais c’est la seule façon que l’organisation peut fonctionner.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Miller. Nous entamons la deuxième série de questions.
    Marc.
    J'aimerais que vous parliez brièvement de vos préoccupations en ce qui concerne le trafic de drogues dans les États du triangle du Nord, son incidence au plan géopolitique, notamment au niveau social dans ces États, et la capacité de votre organisme de faire avancer le programme des droits de la personne.

  (1620)  

    Les enjeux sociaux, sécuritaires, économiques et politiques que nous avons dans le triangle du Nord sont assez uniques. De nombreuses institutions travaillent pour tenter d’y trouver des solutions et d’éradiquer les causes de la plupart des problèmes qui existent dans cette région.
    Certains d’entre eux ont, bien sûr, un lien avec le trafic de drogues et la violence, ce qui, naturellement, crée de l’insécurité et aussi de l’instabilité dans le régime politique, en plus de pousser les gens à immigrer.
    Nous avons été très satisfaits du soutien financier que les pays ont reçu pour améliorer leurs conditions socioéconomiques, mais ils devront continuer d’améliorer leurs démocraties et leurs régimes politiques. S’ils sont incapables de réformer leurs démocraties, d’éradiquer la corruption, de mettre fin au financement des campagnes politiques par les narcotrafiquants, et s’ils sont incapables d’éradiquer la violence commise par les membres du crime organisé qui sévissent dans la région, le régime politique ne sera pas en mesure de fournir les solutions démocratiques à ces problèmes.
    Notre organisation a mené une étude pour analyser la teneur des conditions. Voici, en gros, ce qui en est ressorti. Un de ces trois pays est le Canada. On parle des pays dont les systèmes démocratiques fonctionnent le mieux. Ensuite, il y a les pays qui sont plutôt bien et ceux qui le sont moins, et dans certains cas précis, le système démocratique s’effondre, comme en Haïti et au Venezuela.
    Cela vaut au moins pour la démocratie et le développement, et cela place les pays sur un pied d’égalité au chapitre du développement, de l’accès aux droits et à l’équité, et de la sécurité. Cela signifie que la démocratie est l’outil nécessaire pour… Si vous êtes incapables de bien faire fonctionner votre système démocratique, alors… Nombre de ces problèmes découlent des effets collatéraux — la sécurité et l’accès aux droits dans ce cas.
    D’un point de vue humanitaire, la situation est assez grave, et les mois qui viennent seront cruciaux pour continuer à mettre en oeuvre les projets et les plans pour le triangle du Nord, en fonction du soutien des institutions financières de manière à créer les conditions socioéconomiques propices, mais elles devront être maintenues dans un régime politique plus robuste. C’est la seule façon que cela puisse fonctionner.
    Nous allons mesurer cela facilement, en quelque sorte, c’est-à-dire que nous allons prendre le nombre d’immigrants qui vont du triangle du Nord au Mexique ou aux États-Unis. Les conditions sont vraiment sérieuses en raison de la traite des personnes et des violations des droits de la personne. La situation est beaucoup plus grave que ce que nous pouvons exprimer ici. Les mots ne suffisent pas pour en expliquer l'ampleur.

  (1625)  

    Par exemple, les femmes et les enfants sont les principales personnes touchées. Les femmes qui doivent entamer le processus de migration depuis le triangle du Nord jusqu’au Mexique et aux États-Unis prennent habituellement des pilules contraceptives et des injections lorsqu’elles partent, car elles savent qu’elles vont être violées au moins deux fois en chemin.
    Merci, monsieur Miller.
    Monsieur le secrétaire général, vous n’avez pas encore terminé. Il nous reste seulement quelques questions.
    J’allais m'enfuir.
    Des voix: Ah, ah!
    Nous allons un peu dépasser le temps prévu, car nous voulons terminer la deuxième série de questions.
    La parole est à M. Allison.
    J'aimerais remercier le secrétaire général et son équipe d'être venus. Je suppose que Mme Laverdière et moi-même étions les deux seules personnes présentes à l'OEA en 2013, alors c'est génial que le Comité soit... Peut-être que lorsque nous irons aux États-Unis, l'OEA sera un des endroits où nous pourrons nous arrêter, si nous en avons le temps. Notre visite a été une très bonne expérience pour nous renseigner un peu au sujet de vos activités. Manifestement, vous êtes une des organisations multilatérales auprès desquelles le Canada est engagé en ce qui concerne l'Amérique du Sud et l'Amérique centrale et vous nous offrez une occasion unique de faire une contribution.
    Une des choses que nous avons apprises est que vos employés, et vous-même en votre qualité de dirigeant, faites face à bien des difficultés simplement en raison des États concernés et de toutes les questions qui les touchent. Nous avons appris toutes les choses remarquables que vous faites, notamment le changement d'orientation de la mission et votre désir de mener une tonne de projets, mais avec des ressources financières limitées. Vous l'avez mentionné tout à l'heure. Je sais qu'Hélène en a fait autant.
    Je me demande si vous pourriez parler très brièvement de certaines des choses que vous espérez pouvoir accomplir compte tenu du fait que vous avez à gérer ces États qui sont tous différents, toutes les choses que vous essayez de faire à l'OEA, ainsi que les questions budgétaires. Pourriez-vous parler un peu de ce que vous, à titre de secrétaire général, espérez accomplir pendant votre mandat?
    Il faut surtout continuer d'aller de l'avant — comme Johnnie — et prendre des mesures plus pertinentes dans les principaux dossiers problématiques du continent. L'OEA ne peut pas se tenir coi. Nous devons exprimer très clairement notre point de vue.
    Nous avons maintenant restructuré l'organisation. Nous l'avons restructurée l'année dernière. Cette année, nous avons élaboré un plan stratégique afin de lui donner une orientation pour les jours à venir, en fonction de ses quatre piliers : la démocratie, les droits de la personne, la sécurité et le développement.
    Pour prendre les principales mesures de l'organisation en matière de droits de la personne, nous avons besoin de l'argent nécessaire. Nous avons besoin de l'argent parce qu'il est autrement très difficile de promouvoir et de mettre en oeuvre des projets et d'avoir des travailleurs sur place. Sur le plan de la démocratie, d'après ce que j'ai vu, le travail ne coûte pas aussi cher à l'exception des missions, par exemple pour observer des élections.
    Le fait est qu'il est très difficile de dire si nous serons en mesure d'accomplir notre travail pendant cette période de cinq ans. En ce qui a trait à la démocratie et aux droits de la personne, notre travail ne sera jamais terminé, peu importe à quel point nous progressons. C'est une tâche perpétuelle. Il y aura toujours des défis à relever. Je m'attends à ce que nous soyons capables de régler la plupart des crises qui menacent la démocratie sur le continent. Je pense qu'une occasion s'offrira à nous à Haïti, par exemple. Pour la première fois, le pays a un président légitimement élu à la suite d'une élection sans équivoque.
    L'autre pays où la situation démocratique présente un défi, le plus sérieux, est le Venezuela. Nous poursuivrons nos démarches. Personne n'a réussi à nous remplacer dans ce dossier. Tout le monde peut servir de médiateur au Venezuela. Tout le monde a proposé de le faire. Par contre, ce n'est pas tout le monde qui a dénoncé la situation dans le pays. J'ai très bien accueilli les déclarations du gouvernement du Canada à ce sujet, celles formulées ici, ainsi que celles prononcées au Congrès. Ces déclarations ont représenté un très important pas en avant par rapport à ce qui devait être fait au Venezuela.
    Il serait bien que les 34 pays du continent aient un jour un système démocratique fonctionnel, mais il y aura toujours quelque chose à régler. Cela dit, le cas de Cuba demandera bien entendu un peu plus de temps. Dans ce pays, nous ne serons pas en mesure d'avoir à court terme une démocratie représentative. C'est un fait. Cela prendra un certain temps, mais, un jour, le peuple cubain sera peut-être en mesure de choisir son avenir. Espérons-le.

  (1630)  

    Merci, monsieur Allison.
    C'est le deuxième tour, et le dernier intervenant sera M. Fragiskatos. Nous vous donnons la parole, Peter.
    Noël est arrivé tôt.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Peter Fragiskatos: Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci d'être ici. C'était un exposé fascinant, surtout parce que de nombreux membres du Comité ont eu l'occasion et le plaisir, je crois, d'aller voir le bon travail de la CICIG, la commission contre l'impunité qui travaille au Guatemala. Je suis très heureux que le gouvernement du Canada ait offert un financement considérable pour soutenir cette initiative. Nous avons été ravis d'entendre les gens de la Commission parler de leur travail et de ce qu'ils font pour essayer de rétablir la confiance au sein du corps politique au Guatemala.
    Une commission similaire a été mise sur pied au Honduras. Une fois de plus, le Canada finance l'initiative. J'en suis ravi, mais on a reproché une chose à la Commission. On lui a reproché de ne pas avoir le pouvoir de mener des enquêtes et d'entamer des poursuites judiciaires. Ce pouvoir existe au Guatemala, mais, au Honduras, on craint que cette lacune empêche la Commission de faire le genre de travail que nous avons vu dans le pays voisin, ce qui pourrait la contraindre à compter sur le système en place et les avocats qui en font partie. Le problème, c'est que le système ne fonctionne pas.
    Pouvez-vous me parler du manque de pouvoirs que l'on reproche à la Commission, monsieur?
    Oui. La MACCIH et la CICIG ont fait l'objet d'approches différentes.
    Tout d'abord, nous aurons l'impression d'avoir atteint nos objectifs que lorsque nous aurons été en mesure de renforcer suffisamment les institutions au Honduras. Elles pourront juger elles-mêmes de ces affaires à l'avenir. Disons qu'elles pourront être saisies d'un plus grand nombre de dossiers. Ce serait la solution idéale, car nous n'aurions pas à le faire nous-mêmes. Si nous menons toutes les enquêtes nous-mêmes, les institutions du Honduras ne progresseront jamais. Nous devons donc veiller à ce qu'elles créent les trois piliers de la sécurité au pays, c'est-à-dire la police — qui doit faire l'objet d'un examen...
    ... approfondi. Il faut ensuite donner aux procureurs le pouvoir d'entretenir ce que nous appelons une collaboration active avec les institutions, et il y a ensuite les juges. Nous voulons qu'ils soient compétents et indépendants, et qu'ils ne soient pas en danger, si l'on peut dire. Nous pensons qu'au moyen d'une collaboration active et de la tenue d'enquêtes, nous pourrons faire plus ou moins la même chose, pratiquement la même chose, car nous embauchons deux procureurs internationaux qui contribueront au déroulement des enquêtes au Honduras, mais cela ne sert à rien si nous ne travaillons pas avec eux. L'époque de l'impunité est révolue au Honduras depuis que nous sommes arrivés, et de bien meilleure façon.
    Dans une affaire comme celle de Bertha Caceres, dans laquelle on aurait joui auparavant d'une impunité pendant je ne sais combien de temps, nous avons déjà emprisonné des gens et nous ciblons ceux qui sont à l'origine du crime. C'est la même chose dans pratiquement tous les autres dossiers, y compris deux cas plus graves d'assassinat de défenseurs des droits de la personne ou de militants écologistes.
    Ce que je veux, c'est que les institutions du Honduras soient solides lorsque nous aurons fini notre travail. Je ne veux pas partir soudainement, mettre fin à nos efforts et laisser tout s'effondrer. Nous ne pouvons pas nous permettre de procéder ainsi. Nous nous penchons sur les dossiers les plus emblématiques. Nous y allons de front, et je pense que nous progressons assez rapidement.

  (1635)  

    Mais ce...
    Une autre chose est très pertinente. La CICIG a 12 ans. Je ne veux pas travailler 12 ans avant d'obtenir des résultats. Je dois en obtenir plus rapidement. Je ne veux pas attendre 12 ans et compter sur une seule personne dans ce genre de dossier, c'est-à-dire le procureur Ivan Velasquez. Je veux quelque chose de plus solide sur le plan institutionnel, et je veux que ce soit vivant si, un jour, je dois partir du Honduras.
    J'ai une dernière question.
    Y a-t-il des raisons de croire que les institutions du Honduras, notamment la magistrature, sont rendues à un point où la Commission et ses représentants peuvent collaborer avec elles pour obtenir le genre de résultats qui contribuent à la lutte contre l'impunité? L'argument que vous avez fait valoir est le même genre d'argument qui a été avancé pendant la période précédant la création de la CICIG, mais la réplique était qu'on ne peut pas enclencher un processus visant à régler le problème de l'impunité à moins de reconnaître que les institutions sont déficientes. Dans un contexte initial d'effondrement institutionnel, si vous créez une commission qui n'a pas le pouvoir de mener des enquêtes et d'enclencher des poursuites judiciaires, vous allez forcément échouer.
    Vous dites qu'il y a un certain espoir au Honduras — ou c'est du moins ce que laissent entendre vos observations. Je me demande si quelque chose en témoigne.
    On peut le voir dans notre travail. Nous ne sommes sur place que depuis six mois, mais nous avons déjà obtenu un prêt pour réglementer le financement des partis politiques. Nous avons affronté la Cour suprême du pays au sujet de la nomination des juges afin de lutter contre la corruption, ce qui a été fait conjointement par la Cour suprême et la MACCIH. Dernièrement, à propos de la nomination des membres de...
    Le contrôleur général.
    Oui. Un système public de lutte contre la corruption a été créé.
    Les mesures sont mises en oeuvre, et nous espérons que nous pourrons les faire fonctionner. Jusqu'à maintenant, nous avons apporté des améliorations considérables en matière d'impunité dans ce pays.
    Eh bien, il y a plein d'espoir, et je vous remercie beaucoup. Je vous suis reconnaissant de tout le travail que vous accomplissez.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Monsieur le secrétaire général, au nom du Comité, je tiens à vous souhaiter la bienvenue au Canada, et merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé. C'était pour nous une occasion unique de puiser dans certaines choses faites par l'Organisation des États Américains. Comme vous le savez, le Canada est un nouveau venu — il est devenu membre en 1990 —, et nous ne pouvons pas honnêtement dire que nous sommes expérimentés.
    Je tiens à vous remercier au nom du Comité. Nous espérons avoir de nombreuses occasions, non seulement ici, mais aussi à Washington, de discuter avec vous d'une organisation que le Canada tient en haute estime.
    Je vous remercie encore une fois de votre témoignage.

  (1640)  

    Merci beaucoup. Vous seriez extrêmement bien reçus à notre siège, à Washington. En fait, c'est un des plus beaux immeubles de Washington.
    Je vous ai vu la semaine dernière et cette semaine, et j'espère donc vous croiser la semaine suivante.
    Des voix: Ah, ah!
    Eh bien, ce ne sera peut-être pas la semaine prochaine...
    Des voix: Ah, ah!
    Le président: ... mais je peux vous garantir que nous irons vous visiter à Washington, monsieur le secrétaire général. Au nom de tous membres du Comité, je vous remercie.
    Chers collègues, nous allons maintenant faire une courte pause avant de poursuivre très brièvement à huis clos. Ce ne sera pas long.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU