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ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 27 juillet 2016

[Enregistrement électronique]

  (0935)  

[Français]

    Nous recevons trois témoins ce matin: le professeur Henry Milner, de l'Université de Montréal; M. Alex Himelfarb, ancien greffier du Conseil privé; ainsi que M. André Blais, professeur à l'Université de Montréal.
    Si vous me le permettez, j'aimerais dire quelques mots à propos de chaque témoin.

[Traduction]

    M. Milner est un chercheur attaché à l'Université de Montréal, où il est titulaire de la chaire de recherche en études électorales, et il est corédacteur en chef de l'Inroads Journal. Il a aussi été professeur de sciences politiques au Collège Vanier à Montréal, à l'Université Laval à Québec et à l'Université Umeå en Suède. Il a également écrit de nombreux articles sur la participation des citoyens à la démocratie et sur le nationalisme québécois. Il est l'auteur des ouvrages Civic Literacy: How Informed Citizens Make Democracy Work et The Internet Generation: Engaged Citizens or Political Dropouts.
    M. Himelfarb, comme vous le savez, a débuté sa carrière dans la fonction publique canadienne en 1981, quand il est entré au ministère du Solliciteur général du Canada. En 1999, il est devenu sous-ministre du ministère du Patrimoine canadien. En 2002, il a été nommé greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet. En juin 2006, il a été nommé ambassadeur en Italie et haut-commissaire à la République de Malte, et représentant permanent à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, au Programme alimentaire mondial et au Fonds international de développement agricole à Rome.

[Français]

    Le professeur Blais est à l'Université de Montréal. Il a été de passage sur la Colline du Parlement en février ou en mars pour faire une présentation sur les divers systèmes électoraux.

[Traduction]

    Il est à la tête du projet Making Electoral Democracy Work, et président du comité directeur de l'Étude comparative des systèmes électoraux. Il est aussi membre de la Société royale du Canada et chercheur attaché au Centre pour l'étude de la citoyenneté démocratique,

[Français]

le Centre interuniversitaire de recherche en économie quantitative

[Traduction]

et au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations. Il est aussi président sortant de l'Association canadienne de science politique.

[Français]

    Messieurs, sans plus tarder, je vous cède la parole.
    Nous commençons par vous, monsieur Milner.
    Je vais faire ma présentation en anglais, mais je serai heureux de répondre à vos questions en français.

[Traduction]

    Je suis très heureux d'être ici. J'ai travaillé à ce dossier d'une façon ou d'une autre la majeure partie de ma vie d'adulte, étudiant tant les efforts canadiens visant à changer le système que la façon dont le système fonctionne dans divers pays européens, en Australie et en Nouvelle-Zélande. J'ai été observateur d'élections dans plusieurs de ces pays, surtout en Allemagne et en Suède, et j'aimerais vous présenter ce que j'ai retiré de mon expérience.
    J'ai rédigé effectivement un mémoire. Comme je ne dispose que de 10 minutes, je ne peux que vous donner les faits saillants, mais je répondrai avec plaisir à des questions plus détaillées par la suite.
    J'ai eu le privilège de témoigner devant des comités de cette Chambre, du Sénat et de la Chambre des lords en Grande-Bretagne sur le sujet des élections à date fixe et d'autres sujets se rapportant aux élections. J'apprécie que vous ayez pris le temps pendant ce bel été de débattre de ce que certains pourraient considérer être un sujet plutôt ennuyeux — du moins c'est ce qu'on m'a dit. J'essaierai de le rendre le plus intéressant possible.
    Je suis d'avis, en général — et ce n'est pas nouveau —, qu'adopter la représentation proportionnelle serait une amélioration pour un pays comme le Canada et la plupart des pays, mais pas forcément tous. Il nous faudrait toutefois être très attentifs à la forme de représentation proportionnelle que nous adopterions, et tirer parti de l'expérience des autres pays. En me fondant là-dessus, j'en suis arrivé à préférer ce que nous appelons la RPM, la représentation proportionnelle mixte ou le scrutin compensatoire, sous réserve d'éléments techniques qui seraient les plus appropriés pour le Canada et dont j'espère pouvoir parler durant la période des questions et réponses. C'est une formule qui a été débattue et envisagée par plusieurs provinces. La Commission du droit est à son origine.
    Nous avons maintenant accumulé une grande expérience fondée sur la façon dont cela fonctionne dans différents pays. Je préfère parler davantage de l'expérience concrète plutôt que des avantages théoriques ou de désavantages — quoique j'aie manifestement de fortes convictions.
    Je favorise la représentation proportionnelle pour deux raisons fondamentales. Tout d'abord, elle est proportionnelle, et donc le résultat, tenant compte de l'opinion des gens, est plus équitable. Deuxièmement, du point de vue des particuliers, comparativement à notre système actuel, elle offre une plus grande motivation à participer. Le vote de chaque personne compte autant que celui de toutes les autres personnes. À l'heure actuelle, à peu près la moitié de nos circonscriptions canadiennes sont remportées par le même parti. Très souvent, les sondages montrent qu'un parti est très en avance, et donc, les gens dans ces circonscriptions ont de bonnes raisons de croire que leur vote comptera. Nous disposons de données à long terme là-dessus. C'est bien plus complexe que cela, mais essentiellement, les taux de participation sont susceptibles d'être plus élevés avec la représentation proportionnelle. Ce sont là les deux raisons fondamentales, simples et logiques pour lesquelles ce mode est préférable.
    Le mode de représentation proportionnelle n'offre qu'un seul effet négatif éventuel, soit la possibilité d'un bien plus grand nombre de gouvernements minoritaires ou de coalitions, mais comme je l'affirme dans mon mémoire, dans un système où on s'attend à de tels gouvernements, plutôt que de les voir comme une chose exceptionnelle, ceux-ci sont de fait plus positifs. Dans mon mémoire, je tente de démontrer que la représentation proportionnelle, et plus précisément la RPM, répond le mieux à tous les cinq critères qui ont constitué une partie du mandat de la présente commission.
    À la fin, j'expliquerai comment la RPM fonctionne en 30 secondes, s'il y a encore quelqu'un qui ne le comprend pas, parce qu'elle est apparemment si compliquée. Cependant, l'aspect fondamental et concret de la RPM qu'on ne peut ignorer est le fait que les Canadiens peuvent dire qu'ils ont acquis le droit d'avoir une personne les représenter au Parlement, et toutes les autres formes de représentation proportionnelle ne permettent pas cela.
    Je ne dis pas que c'est nécessaire, en principe. Il y a plusieurs merveilleux modes de représentation proportionnelle qui fonctionnent bien en Europe, mais dans un pays où les gens sont habitués à avoir une seule personne qui les représente, et où cette forme de représentation est maintenant perçue comme un droit acquis, je serais réticent de le retirer. J'aurais été disposé à le faire s'il n'existait aucun autre système qui nous offrirait des résultats plus proportionnels sans éliminer cette relation particulière. Cependant, la RPM le fait. C'est le seul mode qui, comme le mode existant, garantit à chaque personne qu'elle aura une personne la représentant à la Chambre des communes.

  (0940)  

    Je ne sais pas combien de temps il me reste, donc je vais simplement...
    Vous avez encore environ cinq minutes.
    Bon; très bonne nouvelle.
    Je vais donc revenir sur certains des autres aspects que j'ai maintenant le temps de mentionner; cependant, j'aimerais simplement vous dire que si je m'adressais à quelqu'un qui ne connaissait aucun autre système électoral que le nôtre — selon lequel s'il votait pour quelqu'un et que cette personne obtenait plus de voix que n'importe qui d'autre dans la circonscription dans laquelle il vit, cette personne serait élue —, il pourrait penser que cela signifie que le résultat global est proportionnel pour le parti qu'il appuie; or, il n'en est rien. Très souvent, c'est loin de cela. Cette séance est télévisée, je crois; j'imagine que plusieurs des personnes qui m'écoutent pensent cela.
    Parlons des autres options. La plus simple est la représentation proportionnelle, comme vous le savez, selon laquelle on prend le pays dans son ensemble et chaque parti présente une liste. Si 40 % des votes vont à un parti, ce parti gagne 40 % des sièges. C'est ce qui se fait aux Pays-Bas. La plupart des pays qui utilisent la représentation proportionnelle ont recours à des listes, mais celles-ci sont fondées sur des régions.
    Quant à la RPM, voici comment elle fonctionne. Comme je l'ai déjà dit, l'aspect crucial de la RPM est qu'il y a encore une personne au Parlement qui vous représente. Je vais vous donner un exemple précis; je crois que c'est le meilleur moyen de vous le décrire.
    Prenons Ottawa, et supposons que la région du Grand Ottawa est représentée par 10 sièges au Parlement. Lors de l'élection, chaque électeur du Grand Ottawa a deux votes: un pour son représentant local, et un pour le parti de son choix. Pour ces 10 sièges, la circonscription est divisée en 6 districts — Ottawa-Ouest, Ottawa-Centre, Ottawa-Sud, Ottawa-Est, Vanier, et ainsi de suite.
    Il y a six circonscriptions, qui seraient plus grandes que les circonscriptions actuelles — peut-être comptant environ une fois et demie plus d'électeurs. Ces six sièges seraient attribués à la personne qui les a gagnés. Disons que le candidat libéral a gagné quatre de ces sièges, le candidat conservateur un et le candidat NPD un. Nous savons maintenant comment ces six sièges sont répartis.
    Cependant, il y a 4 autres sièges, et ces 4 autres proviennent des listes présentées par chaque parti. Le pourcentage global était 40 % pour les libéraux, 30 % pour les conservateurs, 20 % pour le NPD et 10 % pour les verts. Les libéraux ont remporté 4 sièges: 40 % de 10 égale 4 sièges, donc les libéraux ont le bon nombre de sièges. Les conservateurs ont 30 %, et ont remporté 1 siège; 30 % de 10 est égal à 3, donc 2 sièges de la liste vont aux conservateurs. Le NPD a 20 %, et il n'a remporté que 1 siège, donc il reçoit 1 siège de la liste. Les verts, qui n'ont aucun siège, mais ont 10 %, reçoivent eux aussi 1 siège de la liste.
    Le résultat global est proportionnel. Mon exemple est clair, net et précis, avec des chiffres ronds. Ce n'est jamais aussi propre que cela, mais le principe fondamental demeure le même: chaque parti a le nombre de représentants proportionnel à l'appui qu'il a eu dans cette circonscription, et tout le monde a son propre député. Tout le monde a une personne à qui s'adresser, et peut se dire: « J'ai voté pour cette personne. Si j'ai un problème qui a besoin d'être réglé par un représentant local, il y a une personne précise qui ne peut me refuser son aide. »
    Par ailleurs, supposons que certains partisans du Parti vert local aimeraient avoir quelqu'un qui les représente, mais que personne de leur parti n'a été élu. Selon cette méthode, ils ont quelqu'un, et au lieu d'avoir à s'adresser à leur député local, qui pourrait être un libéral ou un conservateur, ou encore un NPD, ils peuvent s'adresser au membre du Parti vert dans la région du Grand Ottawa pour leurs problèmes.
    Voilà comment ce système fonctionne, et il comporte de nombreux aspects dont je serai heureux de vous parler. Nous pouvons bénéficier de l'expérience de la Nouvelle-Zélande, de l'Écosse, de l'Allemagne et d'autres pays. Nous pouvons tirer des leçons de cette expérience et appliquer ce système au Canada, ce que je recommande que nous fassions.
    Merci.

  (0945)  

[Français]

     Merci, professeur Milner.
    Nous poursuivons maintenant avec M. Himelfarb, pour 10 minutes.

[Traduction]

    Je remercie le Comité de m'avoir offert la possibilité de comparaître au sujet de cette question importante.
    Bien que je ne possède pas les titres de compétences de mes collègues à ma gauche et à ma droite, voilà bien longtemps que j'encourage une réforme électorale en tant qu'élément clé d'un renouveau démocratique. Je reconnais que la conception est importante, quel que soit le système qu'on adopte, mais je propose de parler davantage dans ma déclaration préliminaire des avantages en général de l'adoption d'un mode de représentation plus proportionnelle.
    Bien qu'aucun système électoral ne soit parfait, je crois que les données comparatives prouvent clairement qu'une représentation plus proportionnelle augmente la participation démocratique ainsi que la connaissance de nos institutions politiques et la confiance à leur endroit. Puisque la plupart des démocraties ont adopté une forme quelconque de représentation proportionnelle, les preuves ne manquent pas, quoique certaines d'entre elles soient ambiguës, comme celles portant sur la participation électorale.
    Le choix entre un système où le gagnant rafle le tout, comme le nôtre, et la représentation proportionnelle est souvent interprété comme choix entre la responsabilisation locale et une meilleure représentation. De fait, toutefois, nous devrons choisir un système qui offre ces deux caractéristiques. Les commissions au Canada qui ont examiné la réforme électorale — et elles ont été nombreuses — ont toutes recommandé une plus grande proportionnalité et ont toutes proposé des systèmes qui maintiennent en même temps la représentation locale.
    Dans une fédération comme le Canada, il est inconcevable que notre système électoral ne comprenne pas la représentation locale. À mon avis, cela signifie une version du vote unique transférable ou de la représentation proportionnelle mixte. En effet, n'importe laquelle de ces approches non seulement garantit que les résultats des élections font état plus précisément de la façon dont les gens ont voté, mais aussi, sans doute, renforcent la représentation locale. Selon l'un ou l'autre de ces systèmes, chaque citoyen a plus d'un représentant et est bien plus susceptible de trouver un représentant qui partage ses valeurs et ses intérêts. Et comme chaque vote compte dans le résultat, on ne peut tenir pour acquise aucune circonscription sous le prétexte qu'elle est sûre, ni l'ignorer en supposant qu'elle est hors d'atteinte. Comme chaque vote compte, dans le même ordre d'idée, chaque circonscription compte. Les circonscriptions girouettes perdraient leur importance indue; plus de votes stratégiques quand les électeurs se sentent obligés de choisir le moindre mal parce que leur candidat préféré ne pourrait jamais gagner avec notre système actuel; plus d'électeurs qui restent à la maison parce qu'ils pensent que leur vote ne jouera absolument pas dans le résultat.
    Avec l'un ou l'autre de ces systèmes, on ne risquera plus de voir des régions entières absentes du gouvernement, comme c'est arrivé à plusieurs reprises avec notre système actuel. Cela signifie une meilleure représentation, un meilleur gouvernement plus à l'écoute des régions, ainsi qu'une cohésion et une unité nationales plus fortes.
    Oui, la majorité d'un seul parti serait plus difficile, quoique non impossible. Mais les majorités auraient une plus grande légitimité parce qu'elles représenteraient réellement une majorité d'électeurs, de partout au pays. Les caucus seraient plus forts parce que plus diversifiés. La coopération parlementaire deviendrait la norme. Qui sait, cela pourrait même signifier des relations politiques moins polarisées et moins accusatoires. Et les gouvernements de coalition peuvent, comme cela a été prouvé, constituer un gouvernement stable sans les virages de politique que notre système actuel cause trop souvent.
    Les faits montrent que la préoccupation concernant la prolifération de petits partis au Parlement est exagérée. Et selon la configuration, il peut être très difficile pour les partis marginaux d'entrer. En tout cas, une représentation plus proportionnelle offre, entre autres, l'avantage important de capturer une plus grande diversité de points de vue. De plus, dans notre contexte actuel en particulier, la RP fait qu'il est quasiment impossible pour un parti que la majorité considère être extrême de prendre un contrôle majoritaire du gouvernement.
    Je sais aussi que certaines personnes s'inquiètent des versions de la RP selon lesquelles certains membres du Parlement seraient élus par le parti plutôt que par les électeurs — autrement dit, choisis dans une liste dressée par le parti. Cela n'est pas nécessaire. En effet, bien que je ne recommande pas un système par rapport à un autre, il est important, à mon avis, que selon le système choisi, ce soit les électeurs plutôt que les partis seuls qui déterminent le classement des candidats. Dans le lexique, je crois que cela signifie une préférence envers les listes ouvertes, s'il y a des listes. Bien sûr, la façon dont les candidats sont choisis au départ est un problème dans notre système actuel. Ce sont des questions qui ne relèvent pas du système électoral que nous adoptons. À quel point la façon de choisir des candidats est-elle ouverte? À quel degré est-elle contrôlée localement ou centralement?

  (0950)  

    De toute évidence, le choix d'un système électoral ne réglera pas tous les problèmes que nous pourrions avoir. Le système électoral est le début d'une réforme démocratique, mais certainement pas son aboutissement. Toutefois, une représentation plus proportionnelle serait un grand pas vers une démocratie plus forte, plus engagée et plus digne de confiance. Dans une démocratie de représentation, la représentativité devrait compter, surtout dans un pays aussi diversifié que le Canada.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Himelfarb.
    Nous passons à M. Blais.
     Merci. Comme je sais que je dispose de peu de temps, j'essaierai d'être rapide et précis.
    Dans votre délibération à savoir s'il faut réformer le système électoral existant, vous devrez vous poser deux questions: premièrement, quelles seraient les conséquences éventuelles d'un nouveau système et, deuxièmement, ces conséquences seraient-elles bonnes ou mauvaises pour le pays?
    En ma qualité de scientifique, je peux parler de la première question, et c'est ce que je vais faire au cours des prochaines minutes. J'ai une opinion personnelle au sujet des conséquences, lesquelles seraient bonnes et lesquelles mauvaises, mais je crois bien que ma principale contribution ici serait de vous dire ce que la recherche empirique nous révèle au sujet des conséquences des systèmes électoraux.
    Je vais vous parler de quatre études empiriques que j'ai menées avec d'autres collègues, chacune traitant des conséquences éventuelles des systèmes électoraux. Il ne m'est pas facile de vous présenter quatre de mes études, qui sont très complexes, férues d'informations, en 10 minutes. Cela signifie deux minutes par étude. Je serai donc bref.
    Dans les études au sujet des conséquences de la représentation proportionnelle, nous avons procédé à une comparaison entre ce que nous avons observé dans des endroits qui utilisent un système de représentation non proportionnelle, quelquefois appelé système à la majorité absolue. Les différences que nous observons peuvent découler de facteurs ne relevant pas du système électoral, et dans ces études, nous avons tenté de prendre en compte ces autres facteurs et de les neutraliser. Cependant, on ne peut jamais être sûr d'avoir pris en compte tous les facteurs significatifs, et donc, on ne peut jamais être absolument certain des conclusions. Il faut tenir compte de cela.
    En outre, ces études ne nous permettent pas de préciser les conséquences précises de formes spécifiques de RP. Cependant, je persiste à dire que la décision la plus importante que vous avez à prendre est d'adopter ou non une forme quelconque de représentation proportionnelle. Il est donc important d'examiner ce que nous disent les données comparatives à l'échelle internationale et j'espère que ces études vous seront utiles.
    Les résultats de recherche que je présente portent sur les deux premiers principes de réforme électorale établis par le Comité: premièrement, l'efficacité et la légitimité et, deuxièmement, la participation.
    La première étude cherche à établir si le taux de participation électorale tend à être plus élevé avec un système de représentation proportionnelle. Une étude publiée avec Agnieszka Dobrzynska dans le European Journal of Political Research traite du taux de participation à des élections en chambre basse, 324 élections dans 91 pays, en tout.
    Le taux de participation électorale est une variable dépendante, une variable qu'on peut expliquer. On prend en compte environ une douzaine de facteurs qui pourraient influencer le taux de participation: le PBI par habitant, l'analphabétisme, la taille de la population, et ainsi de suite. En ce qui concerne le système électoral, on compare les élections en représentation proportionnelle aux élections en représentation non proportionnelle, et nous prenons aussi en compte le degré de disproportionnalité du système électoral, l'écart entre le nombre de votes et le nombre de sièges pour les partis.
    On estime l'impact individuel de chaque facteur, neutralisant tous les autres. Nous avons constaté, toutes choses étant égales par ailleurs, que le taux de participation électorale selon le système de représentation proportionnelle est supérieur de trois points de pourcentage. Selon cette étude, on peut supposer que l'adoption de la représentation proportionnelle pourrait augmenter légèrement le taux de participation.
    Dans la deuxième étude, il s'agissait de déterminer s'il y a moins de votes stratégiques avec la RP. Cette étude, qui a été menée par Thomas Gschwend de l'Université de Mannheim, traite de la désertion stratégique, qui est définie comme étant le fait de ne pas voter pour le parti ou le chef de parti qu'on préfère.
    Les données ont été tirées de l'Étude comparative des systèmes électoraux, une série de sondages électoraux universitaires menés dans 25 démocraties. Dans toutes ces études, on demandait à chaque répondant à quel point il aimait ou n'aimait pas chacun des partis et des chefs de parti, et pour quel parti il avait voté. Selon ces études, nous avons déterminé combien de répondants ont voté pour un parti ou un chef de parti qui n'était pas leur favori. La moyenne pour ces 25 élections s'élevait à 22 %.
    Quand on compare la proportion de défections stratégiques lors d'élections à représentation proportionnelle et cette proportion d'élections à représentation non proportionnelle — 22 % comparativement à 21 % —, l'écart est négligeable. La corrélation entre la défection et le degré de disproportionnalité est nulle. L'analyse multivariable a confirmé ce résultat: il n'y a aucun lien entre la représentation proportionnelle et la défection stratégique.
    Dans cette étude, nous avons conclu qu'il est peu probable que l'adoption de la RP réduise le nombre de votes stratégiques.
    La troisième étude visait à déterminer si les citoyens avaient une évaluation plus positive de la démocratie sous le régime de la RP. Il s'agit d'une étude avec Peter Loewen — qui était étudiant à Montréal et est maintenant membre de l'Université de Toronto — publiée dans un ouvrage chez Oxford University Press. Là encore, les données sont tirées de l'étude comparative des systèmes électoraux, une série d'études et de sondages menés par des universitaires lors de 20 élections dans le monde.

  (0955)  

    Là encore, la variable dépendante à expliquer est, essentiellement, l'attitude concernant la démocratie. Il y a trois types d'attitudes. Premièrement la satisfaction à l'égard de la démocratie: à quel point la personne est-elle satisfaite de la façon dont la démocratie fonctionne dans son pays? La deuxième est la perception d'équité: dans quelle mesure les élections ont-elles été menées de façon équitable ou inéquitable? La troisième est la perception à l'égard de la sensibilité, avec une série de trois questions: à quel point les députés connaissent-ils les gens ordinaires dans le pays; à quel point les partis se préoccupent-ils des gens ordinaires, et quelle différence l'identité de la personne au pouvoir fait-elle?
    Les variables indépendantes, les facteurs explicatifs, sont le degré de disproportionnalité, le degré de démocratie et le développement humain.
    En conclusion, cette étude révèle que les systèmes électoraux plus proportionnels sont clairement perçus comme étant plus équitables; ils sont perçus comme étant un tout petit peu plus réactifs, et les gens ne sont pas plus satisfaits, dans l'ensemble, sous le régime de la RP. Selon cette étude, si la RP est adoptée, les élections seront probablement perçues comme étant plus équitables, mais il est peu probable que les gens soient plus satisfaits dans l'ensemble.
    La quatrième étude visait à déterminer si le système de RP produit des gouvernements qui représentent mieux les orientations idéologiques des citoyens. Cette étude a été menée par Marc André Bodet, qui était étudiant à l'U de M à l'époque, et qui est maintenant à l'Université Laval.
    La variable à expliquer est ce que nous appelons la « concordance idéologique », qui représente essentiellement l'absence de distance entre les citoyens et le gouvernement sur une échelle idéologique gauche-droite. Les répondants devaient dire où ils se plaçaient sur une échelle de zéro à 10, où zéro est l'extrême gauche et 10 l'extrême droite. Ils pouvaient se situer n'importe où dans cette échelle, puis situer chacun des partis dans cette même échelle. Nous disposions donc d'un placement idéologique pour chacun des répondants, ainsi que de la perception moyenne à l'endroit de chacun des partis, précisant où ces partis se trouvent dans l'échelle gauche-droite.
    On examine la distance entre chaque citoyen et le gouvernement. Bien sûr, si on recherche la représentation, on espère que la distance est la moins grande possible. La distance est ce que nous tentons d'expliquer. Les facteurs explicatifs sont le degré de disproportionnalité, plus s'il s'agit d'une nouvelle ou d'une ancienne démocratie.
    Selon cette étude, on conclut qu'il n'y a pas plus ou moins de concordance globale sous le régime de la RP. La RP ne produit pas une correspondance plus élevée ni plus faible entre l'orientation idéologique de l'électeur et du gouvernement. La RP ne réduit pas la distance moyenne entre les citoyens et le gouvernement, mais elle produit un Parlement qui représente mieux la diversité des orientations idéologiques. Un certain nombre d'autres études ont produit des résultats semblables.
    J'ai tiré cinq conclusions de ces quatre études. Premièrement, l'adoption de la RP pourrait augmenter légèrement le taux de participation électorale; deuxièmement, elle améliorerait certainement la correspondance entre la répartition des orientations idéologiques dans l'électorat et à la Chambre des communes; troisièmement, elle améliorerait presque certainement la façon dont les électeurs évaluent l'équité des élections; quatrièmement, il est presque certain qu'elle ne réduirait pas le nombre de votes stratégiques, et cinquièmement, il est très peu probable qu'elle fasse que les Canadiens soient plus satisfaits dans l'ensemble.
    Merci.

  (1000)  

[Français]

     Je vous remercie, professeur Blais, de nous avoir présenté les résultats de ces quatre études.
    Je tiens à souligner aux membres du Comité que le professeur Blais tiendra une soirée de discussion sur les systèmes électoraux à l'Université McGill le 20 octobre prochain.
    Est-ce bien cela?
    C'est à 19 h 30, et tout le monde est fortement encouragé à y participer.
    C'est très bien. Merci.
    Avant de passer aux questions, j'aimerais mentionner aux membres du Comité qu'à 13 heures, nous aurons l'occasion d'essayer à huis clos une ébauche du sondage électronique. Je précise, pour ceux qui seraient intéressés à participer à cet essai, que nous allons nous réunir ici et que le secrétariat des comités va nous fournir son appui.
    À titre d'information pour les témoins, la période des questions se répartit en deux tours de table au cours desquels chaque député a l'occasion de poser des questions. La période de temps allouée est limitée à cinq minutes et elle couvre les questions ainsi que les réponses.
    Nous allons débuter par M. DeCourcey, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les trois témoins, dont j'ai bien apprécié les présentations.
    Professeur Blais, étant donné que je les ai manquées, pourriez-vous répéter les quatre ou cinq conclusions que comportent vos études?

[Traduction]

    Les conclusions à la toute fin?
    Pouvez-vous répéter les conclusions que vous venez de citer?
    Oui, avec plaisir.
    L'adoption de la RP augmenterait, premièrement, très légèrement le taux de participation électorale et, deuxièmement, améliorerait presque certainement la correspondance entre la répartition des orientations idéologiques dans l'électorat et à la Chambre des communes. Troisièmement, elle améliorerait certainement la façon dont les électeurs évaluent l'équité des élections. Quatrièmement, elle ne réduirait presque certainement pas le nombre de votes stratégiques, et cinquièmement, il est très peu probable qu'elle fasse que les Canadiens soient plus satisfaits dans l'ensemble.

  (1005)  

    Merci beaucoup. L'ambiguïté au niveau de la participation électorale est un thème que nous entendons depuis les deux ou trois derniers jours, et je sais, monsieur Himelfarb, que vous avez aussi mentionné que c'est un lien ambigu, pour le moins qu'on puisse dire.
    Vous avez mentionné que vous ne proposez pas de choisir un système de préférence à un autre. Puis-je pousser un peu plus et vous demander où vous voyez la meilleure possibilité d'aller vers un système différent, si nous devions le faire au Canada, et pourquoi, et quelles seraient les complexités et les difficultés qui l'accompagneraient?
    Vous essayez de m'exposer, n'est-ce pas?
    Merci, monsieur le président.
    On nous a dit d'aller au fond des choses à ce comité, et c'est ce que je suis en train de faire.
    En résumé, je dirais que n'importe quelle formule de proportionnalité accrue que votre comité choisirait serait meilleure que notre système actuel. Je suis certainement ouvert à soit la RPM, soit le vote unique transférable, si c'est ce sur quoi votre comité est arrivé à un consensus, parce que je considère qu'il serait triste de laisser passer cette occasion d'aller vers un système de représentation plus proportionnelle.
    Cela étant dit, il y a des limites constitutionnelles à la façon dont nous pouvons faire cela. Le système devrait être fondé sur les régions. Il devrait faire état de la proportion de représentants élus que notre Constitution exige. Il y a donc certaines restrictions constitutionnelles intégrées. Je crois aussi que si nous voulons réellement améliorer la démocratie, nous devrions éviter les listes entièrement dressées par les partis. Les électeurs devraient être plus importants que les partis, et donc, il serait préférable d'avoir des listes ouvertes ou aucune liste, mais je suis convaincu que le passage à une représentation plus proportionnelle est la clé — et oui, bien sûr, la configuration compte.
    Absolument, et nous avons entendu un excellent témoignage hier soir du commissaire aux élections de la Nouvelle-Zélande.
    D'après cette expérience — et, monsieur Milner, vous avez mentionné l'expérience de la Nouvelle-Zélande —, comment ce système pourrait-il éventuellement fonctionner au Canada, compte tenu de nos diversités de population et géographiques, et notre système fédéral? Je me reporte à la répartition des sièges dans le Canada atlantique dans le cadre d'un système de RPM. Venant du Nouveau-Brunswick, je m'inquiète de la façon dont ceux-ci pourraient être répartis, et de quoi aurait l'air l'Île-du-Prince-Édouard avec quatre sièges consacrés par la Constitution.
    Pouvez-vous m'expliquer quelles complexités cette expérience pourrait créer au Canada?
    C'est une longue question, mais je me concentrerai sur l'aspect central qui, je pense, porte sur le genre de région sur lequel le système serait fondé.
    En Allemagne, ils sont partis du principe fondamental que chaque province, chaque terre, serait une région. Par conséquent, s'il y avait 75 sièges dans le Bundestag pour une terre particulière, il y aurait 75 représentants de cette région au Bundestag, et la moitié viendrait des circonscriptions et l'autre moitié d'une liste portant sur la terre dans son ensemble.
    Les Néo-Zélandais ont essentiellement accepté ce principe et l'ont appliqué à l'ensemble du pays qui est plus petit que la plupart des provinces allemandes. Les Écossais ont décidé qu'il devrait y avoir des régions, bien que l'Écosse ne soit pas très grande. Il y a donc je ne sais pas combien de régions, mais chacune compte 16 membres, 9 élus dans la circonscription et 7 à partir de listes.
    Je pense, par conséquent, qu'il y a eu une certaine progression. Au Canada, étant donné que notre pays est bien plus grand et que la densité de population peut varier considérablement, nous devrions suivre l'idée de l'Écosse. Nous devrions fonder le système sur les régions, mais il n'y a aucune raison pour laquelle toutes les régions devraient avoir le même nombre de sièges.
    Nous passons maintenant à M. Reid.
    Nous avons un problème pratique. Nous disposons de cinq minutes, et je ressens la même frustration que vous avez ressentie, monsieur Milner, quand vous avez appris qu'il ne vous restait plus que trois minutes pour conclure.
    J'adresse donc ma question unique à vous précisément, partant du principe qu'il vaut mieux avoir une réponse entière d'une seule personne que de tenter de répartir les choses entre vous tous.
    Monsieur Milner, dans votre exposé, vous avez parlé spécifiquement d'un des cinq critères établis pour le rapport du comité. Il s'agit précisément pour nous de trouver des systèmes qui « favorisent une civilité et une collaboration accrue entre les partis ». Je cite ce que vous dites dans votre exposé, et c'est aussi ce qui fait partie de notre mandat.
    Je souligne que le premier ministre a déclaré, inexactement je crois, que la représentation proportionnelle — et je crois ici qu'il faisait allusion à la RPM, étant donné que personne ne propose réellement la proportionnalité totale pour le Canada — cause des divisions et l'affrontement. Il a déclaré que « Le problème avec la représentation proportionnelle est que chaque modèle fondé sur la représentation proportionnelle accroît la partisanerie, au lieu de la réduire ». Il a ajouté « Trop de gens ne comprennent pas la polarisation et les micros questions qui découlent de la représentation proportionnelle. »
    Tout ce que vous dites laisse entendre que vous n'êtes pas d'accord. Pouvez-vous nous dire si vous pensez qu'il a raison, ou qu'il a tort, et qu'est-ce qui fait que la RP, et particulièrement la RPM, règle ou évite le problème qu'il soulève?

  (1010)  

    Eh bien, deux aspects sont en cause, et je ne sais pas sur lequel des deux portaient les remarques du premier ministre.
    Un de ces aspects est le désaccord au sujet de questions, ou même ce que nous pourrions appeler polarisation. Je soupçonne que, lorsqu'on a des systèmes de représentation proportionnelle qui font entrer plus de points de vue au Parlement plutôt que d'exclure des candidats parce qu'ils n'obtiennent pas suffisamment de votes dans une circonscription particulière pour être élus, il y aura forcément davantage de différends.
    C'est le deuxième aspect qui m'intéresse, celui où les différends finissent dans les débats puis, en fin de compte, aboutissent en un compromis ou en une loi quelconque.
    Dans les pays ayant adopté un système de représentation proportionnelle que j'étudie depuis de nombreuses années, il n'y a pas, ou il y a bien moins d'attitudes d'affrontement qu'il n'y a, par exemple, à la Chambre des communes britannique ou à la Chambre des communes canadienne. Donc oui, il est possible que les différends soient plus nombreux, mais le système dit, en quelque sorte, aux députés: « Bon, vous avez exprimé votre désaccord, mais puisqu'il n'y a pas de gouvernement majoritaire qui puisse imposer sa volonté quand il le veut, vous allez devoir arriver à un compromis et trouver un moyen de surmonter vos différends. »
    J'ignore ce que pense M. Trudeau de cela, mais pour moi, l'expérience est très claire.
    Bon.
    Comme vous avez pris moins de temps à me répondre que je ne le pensais, je vais poser une question à M. Blais. Vous avez étudié un certain nombre de systèmes différents. Quel est votre avis?
    Pour exactement la même question...?
    Pour la même question, oui.
    Au sujet de la polarisation d'abord, je suppose?
    Oui, polarisation, affrontement; c'est exact.
    Je ne suis pas sûr que les données soient aussi claires sur exactement quelles seraient les conséquences. Une des conséquences serait l'existence d'un plus vaste éventail de points de vue, et certains d'entre eux seraient probablement plus extrêmes qu'ils ne le sont présentement, donc il y aurait davantage de diversité, mais aussi peut-être un peu plus de polarisation au début à la Chambre des communes.
    Ensuite, comme l'a mentionné M. Milner, il faudrait probablement former un gouvernement de coalition et il devrait y avoir des compromis entre ces positions. Certains pensent que cela crée un esprit de compromis chez les politiciens. Je n'en suis pas sûr.
    Je crois certainement que les gens reconnaissent la nécessité du compromis, mais chacun des partis d'un gouvernement de coalition aurait quand même ses propres intérêts et apprendrait, bien sûr, à négocier. Je ne suis pas convaincu que l'esprit de compromis serait plus marqué, mais il y aurait certainement de plus grands efforts de compromis.
    Il vous reste 15 secondes.
    Je vais attendre et poser des questions à M. Himelfarb à un autre moment.
    Bien.
    Allez-y, monsieur Cullen.
    Monsieur Milner, nous avons entendu certains témoins débattre de la question selon laquelle les votes comptent ou non. Je crois que certains de nos témoins qui sont opposés à la réforme électorale ont déclaré que chaque vote est compté, mais je dirais que ce n'est pas chaque vote qui compte.
    Cette observation est-elle exacte dans le cas du scrutin majoritaire uninominal à un tour?

  (1015)  

    Eh bien, je ne comprends pas très bien où vous voulez en venir.
    Il s'agit de l'impact. Tous les votes sont-ils traités également? Tous les votes lors d'un scrutin majoritaire uninominal à un tour, comme nous avons ici au Canada, ont-ils le même poids pour ce qui est du résultat?
    Là encore, cela dépend de ce que vous voulez dire par cela. Je crois que ce que j'ai dit est assez clair. Plus la représentation est proportionnelle, plus les votes sont égaux sur le plan de leur capacité d'élire quelqu'un. Donc, moins la représentation est proportionnelle, moins les votes sont égaux sur le plan de la capacité d'élire quelqu'un.
    Bien. Par conséquent, cette question d'égalité de vote... Je m'adresse à vous et à M. Himelfarb. Un autre témoin a parlé de ce qui arrive avec la régionalisation. Nous avons eu la régionalisation dans le pays récemment, et tout au long de notre histoire. Nous avons eu des exemples, comme celui du Parti réformiste qui était hautement régionalisé dans l'Ouest, et celui du Bloc québécois qui était régionalisé au Québec. Il a été dit que la représentation proportionnelle réduirait cette régionalisation, ce qui est important dans un pays comme le Canada. Avec notre taille et notre diversité, au gouvernement et dans l'opposition, il y aurait une représentation de toutes les régions, autant que possible. Est-ce une chose que nous pouvons espérer et à laquelle nous pouvons nous attendre avec la représentation proportionnelle?
    J'aimerais qu'André aussi réponde à cela.
    C'est une chose qui a été mentionnée dans des témoignages antérieurs ici, et c'est la première fois que je l'entends. Je ne sais pas d'où elle vient. Ce n'est certainement jamais arrivé en Nouvelle-Zélande ni en Écosse. Je ne comprends pas pourquoi. Il semblerait en effet que selon notre expérience au Canada avec le système actuel, si un parti est fort dans une région, le système exagère cela, alors qu'avec la représentation proportionnelle, chaque parti aurait exactement ce à quoi il a droit dans chaque région.
    Prenons un exemple contraire — et j'aimerais entendre l'opinion de M. Blais et de M. Himelfarb à ce sujet.
    Il y a eu, si je me souviens bien, un gouvernement conservateur récent qui a été essentiellement inexistant dans une région de Montréal. Pour contourner le problème, M. Harper a nommé quelqu'un de Montréal au Sénat puis au Cabinet pour avoir une certaine représentation de Montréal. Dans le cadre de la représentation proportionnelle, une mesure de contournement aussi peu démocratique serait-elle même nécessaire? Les conservateurs ne seraient-ils pas susceptibles d'élire quelqu'un de régions comme Montréal ou Toronto, de grandes villes, qui devraient être représentées au gouvernement?
    Comme je l'ai dit, je n'ai jamais compris d'où venait cet argument.
    Très bien.
    Monsieur Blais, vouliez-vous faire un commentaire sur ce point?
    Monsieur Himelfarb aussi?
    Sans doute. Le système actuel sous-représente les très petits partis régionaux et surreprésente les grands partis régionaux. C'est la raison pour laquelle le Bloc a été parfois surreprésenté et parfois sous-représenté. Le système actuel n'est pas biaisé, je dirais, d'une façon générale, pour ou contre les partis régionaux. La RP ne modifierait pas cela.
    Ce qui changerait, c'est, comme vous l'avez mentionné, que les libéraux, par exemple, réussiraient beaucoup plus facilement à faire élire quelques députés en Alberta avec la RP. La différence entre la représentation des différentes régions au sein des partis serait plus faible.
    Il faut toujours écarter le point de vue des partis pour adopter celui des électeurs, celui de l'électeur conservateur du centre-ville de Toronto, de l'électeur de l'île de Vancouver, et sur le nouveau démocrate sur la côte Est. Il est important que leurs opinions, leurs valeurs, soient représentées à la fois au gouvernement et dans l'opposition, ce que permet la proportionnalité.
    Monsieur Himelfarb.
    Je vais adopter un point de vue pratique. Concrètement, par exemple, lorsque le gouvernement libéral majoritaire a adopté la politique nationale sur l'énergie, il n'y avait, au sein du gouvernement, aucune voix qui représentait l'Alberta — zéro.
    Il n'y avait aucun porte-parole de l'Alberta lorsque la question de l'énergie qui entourait celle du pétrole et du gaz a été débattue, examinée et ensuite, adoptée?
    Quel que soit le système proportionnel que vous pouvez imaginer, cela ne se serait pas passé ainsi. Quelle que soit votre opinion sur cette politique, on peut très bien penser qu'elle aurait été différente, si d'autres régions avaient vraiment pu se faire entendre.
    Exact.
    Ce n'est pas la seule région qui ait été mise de côté ou réduite à quelques représentants et qui aurait été renforcée avec un système proportionnel. Je ne parle pas des partis régionaux contre les partis nationaux; je parle de porte-parole qui pourraient vraiment représenter les régions.
    Très bien.
    Nous allons maintenant passer à M. Thériault.

[Français]

    Monsieur Thériault, c'est à vous.
     On parle souvent de 1993. On peut aussi dire que c'est une surreprésentation qui tirait sa légitimité du fait que les 54 députés avaient été élus par un suffrage moyen de 55 %. Seulement trois n'avaient pas obtenu la majorité absolue. Est-ce une sorte de régionalisme, ou cela s'explique-t-il autrement sur le plan politique? Je pense que cela s'explique autrement sur le plan politique.
    Dans les documents d'information distribués par les recherchistes, j'ai lu un court passage d'un texte de M. Himelfarb publié le 12 mai 2016. On y lit ceci:
Peu importe le système retenu, il doit être conçu pour le Canada. Il doit notamment respecter et refléter notre structure fédérale, ainsi que notre diversité régionale, sociale et culturelle.
    Il faudrait peut-être y ajouter la diversité politique, dans le sens du commentaire que je viens de faire.
    Qu'est-ce que cela veut dire pour vous? De quel Canada parlez-vous? Est-ce du Canada de 1982 qui a oblitéré la nation québécoise? Parlez-vous davantage du Canada dont la réalité serait traduite par le fait que des premiers ministres, fédéralistes ou souverainistes, n'ont pas signé le rapatriement de la Constitution de 1982?

  (1020)  

    C'est à moi que vous posez la question?
    C'est à M. Himelfarb.

[Traduction]

    Je parle du Canada constitutionnel, du Canada qui exige une certaine représentation de toutes les provinces ou de toutes les régions. Je reconnais également que le Canada est un pays qui s'est donné un but commun. Nous avons un gouvernement fédéral qui représente la diversité ainsi que le fait français, et mon Canada englobe tout ceci.

[Français]

    Monsieur Milner, lors de la Commission spéciale sur la Loi électorale du Québec, vous avez déposé un mémoire qui indiquait que le modèle proposé était faussé, en ce que la taille des régions ne permettait pas l'émergence de petits partis. Il ne suffit pas de dire qu'on est en faveur d'une représentation proportionnelle pour que la vertu de ce système émerge d'un coup de baguette magique.
    En fait, le diable est dans les détails. Avez-vous procédé à une simulation de ce à quoi cela pourrait ressembler dans de grandes régions? Vous avez parlé de l'Île-du-Prince-Édouard tout à l'heure. Or, le Québec compte 75 circonscriptions. Rappelez-vous l'écueil que nous avions rencontré au Québec. Nous passions de 125 députés à 75. Il faut tenir compte de l'étroitesse du rapport qu'entretiennent les électeurs avec les députés québécois, surtout dans les régions.
    Qu'est-ce que cela voudrait dire pour une superficie géopolitique aussi grande que le Québec?
    Je ne veux pas parler du Québec, puisque nous sommes réunis aujourd'hui pour parler du Canada. Toutefois, les mêmes questions se posent et il est vrai que la taille des régions devient très importante.
    Il faut regarder la situation du Québec pendant les 15 ou 20 ans où le Bloc québécois a été très fort ou assez fort sur la scène fédérale. À mon avis, les régions du Québec auraient été mieux servies par un autre système, même celles où le Bloc avait gagné tous les sièges avec la moitié des votes, ou même celles où les libéraux avaient gagné tous les sièges avec 60 % des votes. Les régions auraient été mieux servies si elles n'avaient pas été représentées uniquement par un parti. Quand les bloquistes siégeaient à la Chambre des communes, ils prenaient des positions plus partisanes que régionales. Du moins, l'aspect partisan était plus clair que l'aspect régional.
    Selon moi, les régions auraient été mieux représentées à la Chambre des Communes si la députation d'une région très nationaliste, au lieu d'avoir sept députés bloquistes, avait eu cinq députés bloquistes, un député conservateur et un député libéral, et, selon le même schéma, si les régions très fédéralistes du Québec, au lieu d'avoir seulement des députés libéraux, avaient eu quelques députés des autres formations politiques. En ce qui concerne le Québec, cela aurait été meilleur.
    Je préfère donc un système qui diminue l'aspect partisan à l'échelle régionale. Je ne souhaite pas que ce soit à l'échelle provinciale. Dans les grandes provinces, les régions sont à plus petite échelle. Cela joue un rôle important. La situation du Québec étant différente, le résultat sera propre à cette province.

  (1025)  

     Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Thériault.
    C'est maintenant au tour de Mme May.

[Traduction]

    J'aimerais poser à M. Blais quelques questions au sujet du vote stratégique. Je vais probablement m'adresser ensuite à M. Himelfarb, parce qu'il a également soulevé cet aspect dans son exposé.
    Je n'ai pas le même point de vue sur cette question, parce que j'ai parlé à beaucoup de mes amis des Partis verts du monde entier, et je ne mets pas du tout en doute votre recherche: « Un instant », m'ont dit mes amis de la Nouvelle-Zélande. « Il ne s'agit pas de renoncer complètement au vote stratégique. Nous avons des gens qui sont en train de calculer ce qui se passerait si je votais de cette façon sur cette liste, si je votais de cette façon localement, alors ensuite... »
    Avec un système proportionnel, est-ce que les distorsions qu'entraîne le vote stratégique seraient plus faibles que les gros à-coups que donne notre système, comme, par exemple, un bloc du Parti libéral sans aucun autre représentant pour toute la région de l'Atlantique du Canada au cours des dernières élections, avec le vote stratégique? Comme je l'ai dit, lorsque j'aborde cette question avec mes amis dans d'autres pays, je leur dis bien sûr, les gens votent de façon stratégique, mais l'effet de ce vote est tout à fait différent.
    Vous avez tout à fait raison. L'impact est différent et vous pourriez soutenir que les distorsions sont plus faibles dans le sens qu'avec notre système, le vote stratégique se fait toujours aux dépens des petits partis et à l'avantage des grands partis. Avec la RP ou la RPM, par exemple, cela va parfois dans le sens contraire. Par exemple, en Allemagne, si vous appuyez les socio-démocrates, et que vous voyez qu'un allié potentiel, les verts, risquent de ne pas atteindre le seuil de 5 %, il y a des électeurs qui quittent leur parti pour aller dans le petit parti être sûrs que les verts obtiennent 5 % des votes pour qu'il y ait une coalition. Vous avez tout à fait raison.
    Le principal aspect est que la RP favorise au moins autant le vote stratégique, voire davantage. Mais les conséquences du biais défavorisant les petits partis ne sont pas les mêmes.
    C'est peut-être une question de santé. Je pense que, lorsqu'il faut se boucher le nez pendant qu'on vote, cela n'est pas bon pour la santé. Il y a peut-être des gens qui votent stratégiquement avec la RP et qui se sentent à l'aise avec ce qu'ils font, et qui ne tombent pas malades. Ce cas est peut-être trop hypothétique.
    Monsieur Himelfarb, voulez-vous intervenir sur ce point?
    J'allais le faire lorsque vous êtes intervenu. Cela est certain: les électeurs votent de façon tactique. Les électeurs prennent des décisions tactiques. Lorsqu'ils disposent de plus d'un vote, de plus d'un parti ou d'un parti et d'un candidat, toutes possibilités qu'autorise le système, ils vont prendre des décisions tactiques.
    Lorsque j'ai parlé de la diminution du vote stratégique dans mes commentaires préliminaires, je l'ai fait dans un sens très précis, à savoir que l'électeur n'a pas le sentiment d'être obligé de voter pour la moins mauvaise des options, ce qui veut dire que cela lui permet de prendre des décisions tactiques sans avoir à se boucher le nez.
    Monsieur Milner, vous hochez la tête. Vouliez-vous ajouter quelque chose?
    Non, je suis d'accord. Le genre d'étude qu'effectue André est tellement vaste, regroupe des contextes tellement différents pour les mettre dans le même panier que, par définition, elle manque cet aspect. Si nous réfléchissons à l'effet que cela pourrait avoir au Canada, nous pouvons tenir davantage compte du contexte et dire, eh bien, voilà ce qui va probablement se passer dans le contexte canadien.
    Si je puis ajouter cela, si vous appuyez le Parti pirate en Allemagne, vous savez que votre parti n'obtiendra pas 5 % et vous serez également amené à voter de façon stratégique. Cela existe dans tous les systèmes. Dans tous les systèmes, il y aura des petits partis qui ne seront pas représentés, quel que soit le système.
    Monsieur Milner, je vais m'adresser à vous, parce que vous êtes vraiment très favorable à la représentation proportionnelle mixte, et je comprends votre raisonnement. Je ne favorise ni l'un, ni l'autre des systèmes.
    Nous avons entendu beaucoup de commentaires sur l'option du vote unique transférable, et l'argument est que cela permet d'avoir un représentant local, un groupe de représentants locaux, ce qui peut même parfois déboucher sur une saine concurrence entre les représentants pour qu'ils offrent un meilleur service à leurs électeurs. Ou les gens pourraient dire « C'est mon député; c'est celui pour lequel j'ai voté », plutôt que « C'est celui de ma ville. » Avez-vous examiné cet aspect du vote unique transférable?
    Je pense que, dans un certain sens, c'est une question théorique. Je croyais que nous voulions recommencer à zéro; si le Canada venait d'être inventé et que nous devions adopter un système électoral sans avoir aucune expérience des élections, si tout le monde acceptait de partir d'une tabula rasa, alors ce genre d'argument pourrait l'emporter et le système serait peut-être meilleur, cela ne me préoccupe aucunement. En fait, on pourrait même proposer un genre de système de listes régionales.
    Je pense simplement que les gens sont habitués à voter pour une personne, et non pas pour cinq personnes qui s'affrontent, mais pour une seule personne qui va les représenter, et ils se sentent plus à l'aise dans ce contexte. Je crois qu'ils seraient réticents à renoncer à ce système. C'est un facteur qui a joué dans les discussions qui ont lieu en Ontario, par exemple. Je n'ai pas bien suivi le débat en Colombie-Britannique. Je sais que votre province avait une opinion différente de celles qui avaient examiné cette question.

  (1030)  

    C'est ce qui est arrivé en C.-B.
    Des voix: Oh, oh!
    Oui, je crois que vous avez raison. C'est le vent qui vient de la Californie, peut-être.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Sahota. Allez-y.
    Merci à tous d'être venus aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à M. Himelfarb.
    Vous avez affirmé dans une colonne éditoriale du 10 mai 2016 que le scrutin préférentiel pouvait être ajouté soit au système actuel soit à un système proportionnel, mais qu'à lui seul, cet aspect ne résoudrait aucun problème.
    Pourriez-vous expliquer au Comité comment le scrutin préférentiel peut fonctionner dans un système proportionnel?
    Bien sûr. Dans les deux modèles dont nous avons parlé, il est possible d'autoriser les électeurs à classer les partis ou les candidats par ordre de préférence. Avec le vote unique transférable, il est habituel de classer les partis ou les candidats, de sorte que la possibilité de faire un classement est souvent associée à la RP.
    Si vous ajoutez cet élément au scrutin uninominal ou au système où le gagnant rafle tous les sièges, cela aggrave encore les distorsions du système. Si vous cherchez à améliorer la représentativité et la capacité de refléter la diversité des opinions au Canada, il faut admettre que l'utilisation du scrutin préférentiel, lorsqu'il vient s'ajouter au scrutin uninominal, n'a pas cet effet.
    Le scrutin préférentiel est une sorte de sous-ensemble. Il y a en fait deux grands choix à faire: l'approche selon laquelle le gagnant rafle tout et l'approche proportionnelle; on peut avoir des scrutins préférentiels dans ces deux systèmes. La décision fondamentale est de savoir quel est l'objectif recherché. Voulez-vous favoriser les majorités composées d'un seul parti ou cherchez-vous à améliorer la représentativité?
    Très bien.
    Hier, je n'ai pas eu la possibilité de poser cette question, mais je vais maintenant vous la poser à tous. Il y a eu la Commission Jenkins au R.-U. Je me demande si vous la connaissez ainsi que sa recommandation d'un système 80 % plus, et je voulais savoir ce que vous en pensiez et comment cela pourrait fonctionner au Canada.
    C'est une question au sujet de l'option du vote alternatif...
    Oui.
    ... qui est peut-être l'option que préfèrent certaines personnes à Ottawa.
    Nous n'en avons pas vraiment parlé; cette option a plutôt été mise de côté. J'aimerais en explorer les avantages et les inconvénients pour que nous l'introduisions dans notre discussion.
    En fait, il y a deux questions: le vote alternatif et le scrutin uninominal et ensuite, le vote alternatif et la RP. Il s'agit de savoir si cela est proportionnel... Ce n'est pas un système proportionnel, de sorte que je ne vais traiter que la première question, à savoir le vote alternatif et le scrutin uninominal.
    Dans une circonscription où il n'y a qu'un député à élire, les deux sont très semblables. Les différences ne sont pas grandes. La seule différence est, bien sûr, que vous pouvez classer vos préférences et que le candidat pour être élu doit recevoir la majorité des votes en premier, deuxième ou troisième rang. La grande différence est que le parti ou le candidat qui a le deuxième choix d'un grand nombre d'électeurs obtient un appui plus large et risque davantage de gagner.
    On a fait quelques simulations. Pour l'essentiel, ce système n'est pas très différent du scrutin uninominal, mais le parti qui est le second choix de nombreux électeurs obtiendrait davantage de sièges. Ce serait la principale différence. C'est à vous de décider quel est le parti qui sera le second choix dans un contexte donné et vous pourrez alors savoir quel est le parti qui risque d'être favorisé par ce système à un moment donné.
    C'est la principale différence. Il est plus légitime, dans le sens qu'un candidat ne peut être élu que s'il obtient 50 % des voix. À mon avis, cela renforce sa légitimité. Ce n'est pas encore un résultat proportionnel, notamment, sous de nombreux aspects, mais c'est à mon avis plus acceptable.
    Savez-vous ce qui est arrivé au R.-U.? Nous parlons souvent du fait que de nombreux pays occidentaux pensent adopter la représentation proportionnelle, mais le R.-U. — le système de Westminster dont notre modèle est inspiré — n'a pas encore décidé de le faire.
    Qu'est-il arrivé à cette commission et aux recommandations qui ont été faites? Pourquoi ont-elles été adoptées ou ne l'ont-elles pas été?
    Vous parlez de la Grande-Bretagne, n'est-ce pas?
    Mme Ruby Sahota: Oui.
    M. Henry Milner: Eh bien, je dirais, d'abord, que la Grande-Bretagne est un pays où il a été proposé un système hybride. Ce n'était pas un système proportionnel, mais il était plus proportionnel que le système existant.
    L'autre problème était le fait que les deux principaux partis s'y opposaient. Les libéraux-démocrates étaient obligés de défendre ce nouveau système. Il y a eu un genre d'accord pour apaiser les libéraux-démocrates, mais pour l'essentiel, les grands partis y étaient opposés. Il n'y a pas eu de véritable débat, parce qu'il était tout à fait déséquilibré. Au départ, ce n'était même pas un système très clair, parce qu'il reposait sur un compromis. La participation était très faible. Personne n'a été surpris du résultat.
    Les endroits où les choses se sont mal passées sont intéressants parce que je crois que nous pouvons en tirer des leçons. Nous pouvons apprendre à débattre de cette question, à présenter une proposition qui réponde le mieux possible à nos besoins et ne reflète pas tout simplement un compromis entre les partis; et nous pouvons amener les Canadiens à participer à ce processus. Je pense que nous sommes dans la bonne voie.

  (1035)  

    Merci.
    Allez-y, monsieur Kenney.
    Je vais donner la parole à M. Deltell.

[Français]

     Monsieur Deltell, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie également mon collègue M. Kenney.
    Messieurs, soyez les bienvenus dans votre Parlement canadien.
    Ce qui est bien, avec cette activité que nous menons cette semaine, c'est que nous pouvons voir la pluralité des points de vue. Chacun exprime son point de vue. Nous constatons que les points de vue de la brochette prestigieuse de témoins qui sont ici ce matin convergent tous, ce qui est fort intéressant. Cela démontre également que le débat démocratique a lieu.
    Vous avez tous parlé avec générosité du système proportionnel, qui permettrait d'éviter certaines divergences qu'il peut parfois y avoir dans certaines régions, et on peut comprendre cela.
    Maintenant, j'aimerais vous entendre parler du rôle que joue le député auprès de ses concitoyens.
    Je suis en politique active depuis huit ans et j'ai été élu directement à quatre reprises dans une circonscription. J'en remercie d'ailleurs les gens de Chauveau au provincial et ceux de Louis-Saint-Laurent au fédéral. D'expérience, je peux vous dire qu'il se développe un lien, je ne dirais quand même pas d'affection, mais un lien de confiance entre les citoyens et le député.
    Je ne veux pas parler au nom de tout le monde, mais je suis persuadé que tout le monde sera d'accord avec moi. Nous sommes les députés de tous les citoyens, même de ceux qui n'ont pas voté pour nous. Nous le sommes même davantage pour ces derniers, afin que la prochaine fois, ils soient plus sensibles à notre proposition.
    Je me souviendrai toujours du premier citoyen que j'ai rencontré en décembre 2008, sur la rue Racine, dans mon bureau de circonscription. M. Gros-Louis, pour ne pas le nommer, m'a dit qu'il n'avait pas voté pour moi. Cela commençait bien ma carrière. Je lui ai répondu qu'il n'était pas le seul, mais que nous allions travailler ensemble, et c'est ce que nous avons fait.
    C'est là la beauté de la représentation directe que nous avons dans le système actuel. Je ne dis pas que c'est parfait, loin de là. Aucun système n'est parfait. Quoi qu'il en soit, le député qui se fait élire directement dans une circonscription est le député de tous les citoyens. Dans nos activités de fin de semaine ou de soirée, nous rencontrons les gens dans leurs activités sociales et caritatives, et nous les soutenons. Peu importe le parti, nous sommes proches des gens de notre circonscription.
    En 2012, quand la carte électorale provinciale a changé, j'ai perdu deux villes dans ma circonscription, soit Shannon et Valcartier, qui, soit dit en passant, n'avaient pas voté pour moi. J'ai eu énormément de peine, non pas parce que je perdais des gens qui n'avaient pas voté pour moi, mais davantage parce que, forcément, après quatre ans, on développe des liens avec ces gens. Cela sert à la réflexion politique, même si nous sommes tenus par la ligne de parti et que nous avons été élus avec un programme que nous défendons.
    J'aimerais connaître votre opinion sur le point suivant. Vous pouvez répondre tous les trois.
    Dans un système proportionnel, alors que la liste est vaste, comment le député élu peut-il avoir ce même genre de proximité avec les citoyens? J'inverse plutôt la question: comment le citoyen peut-il avoir le même type de proximité avec son élu quand ce dernier est noyé dans un ensemble, plutôt que d'avoir eu un vote direct dans une circonscription avec un candidat?
    Pour répondre à cela, il faut examiner les diverses expériences à cet égard.
    Dans le système compensatoire que je préconise, il y a quelque chose de très intéressant: entre 60 % et deux tiers des candidats viendraient directement des circonscriptions, tout comme vous. Ce qui est intéressant dans ce système, c'est que ces candidats auraient davantage de légitimité pour représenter toute la population de leur circonscription que dans le système actuel. Pourquoi? Selon le régime actuel, les gens qui votent pour vous, à titre d'exemple, doivent être des conservateurs, sinon ils donnent leur vote à un parti auquel ils n'adhèrent pas. Donc, les gens qui votent pour vous, et non pas ceux qui travaillent avec vous, sont des conservateurs.
    Dans le système compensatoire, tous les électeurs pourraient voter pour vous s'ils pensaient que vous seriez le meilleur député, parce que cela n'aurait pas d'effet sur le résultat de la région, puisque ce dernier serait proportionnel. Dans un tel cas, vous pourriez venir à Ottawa et dire que vous n'êtes pas simplement le représentant des conservateurs de votre région, mais que vous avez l'appui de beaucoup de gens qui, bien qu'ils aient choisi un autre parti lors du deuxième vote, ont voté pour vous comme député. Cela serait parfaitement légitime, parce que le système fonctionnerait ainsi.

  (1040)  

    Donc, dans votre système, deux tiers des députés seraient élus directement et l'autre tiers, de façon compensatoire. C'est ce qu'on appelle vraiment des députés de deuxième classe.
    Non. J'ai parlé de députés de première classe.
     Nous pourrons peut-être aborder ce sujet au prochain tour de M. Deltell.
    D'accord.
    Après, nous pourrons parler du tiers des députés qui viennent des listes.
    C'est parfait.
    C'est maintenant au tour de M. Aldag.

[Traduction]

    Merci pour l'excellente information que vous nous avez fournie aujourd'hui.
    Aucun d'entre vous n'a abordé deux sujets qui font partie de notre mandat, l'un étant le vote obligatoire. Si vous avez des idées là-dessus, nous pourrions peut-être commencer par entendre vos commentaires à ce sujet.
    Je ne pense pas que ce serait la fin de la civilisation, mais d'une façon générale, je ne suis pas en faveur du vote obligatoire. Je préfère un système qui incite les gens à voter plutôt qu'un mécanisme qui les oblige à le faire. L'idée de faire voter des personnes qui ne veulent pas voter pourrait avoir des conséquences imprévues. Certaines études ont constaté qu'il y avait, pour une raison ou pour une autre, un « effet mouton », qui poussent les gens à se contenter de cocher le premier sur la liste. La place que vous occupez sur un bulletin de vote est un aspect important. Je préférerais rendre le vote intéressant plutôt qu'obligatoire.
    Ma recherche actuelle porte sur les connaissances politiques, mais mon dernier ouvrage traitait de ce que j'appelle l'éducation civique. L'Australie, un pays où le vote est obligatoire, a montré qu'il y avait une certaine relation entre cette règle et le niveau d'information des électeurs. Autrement dit, étant donné que vous êtes obligés de voter, vous voulez vous informer.
    Jusqu'ici la recherche n'a pas permis, à ma connaissance, de confirmer cette conclusion. Je ne suis toutefois pas vraiment favorable à augmenter le nombre des gens qui votent, si on ne les aide pas à être mieux informés des enjeux politiques. Si la participation chutait considérablement et que nous risquions d'avoir une participation inférieure à 50 %, j'envisagerais de prendre des mesures radicales, comme le vote obligatoire. Heureusement, je crois que nous disposons d'autres solutions pour le moment.
    J'ai également tendance à ne pas être favorable au vote obligatoire, mais je suis plus ambivalent. Le vote obligatoire m'intrigue. Je suis en train de faire une étude avec un collègue au Brésil, pays où de 16 à 18 ans le vote est facultatif, il est obligatoire de 18 à 70 ans, et ensuite, facultatif après 70 ans. Je trouve cette idée fort intéressante.
    Je pense qu'il existe de bonnes raisons de dire aux gens qu'ils ont le devoir de voter. Il y a un excellent ouvrage, Full Participation par Sarah Birch, qui traite des avantages du vote obligatoire. Je fais toujours partie de ceux qui pensent que nous devrions tout simplement essayer de rendre le vote aussi intéressant que possible. J'aimerais qu'Élections Canada lance des campagnes pour essayer de convaincre les gens de voter mais je suis encore un libéral.
    Il y a un autre aspect sur lequel j'aimerais avoir vos commentaires, c'est celui du vote en ligne.
    Ce n'est pas un domaine que j'ai examiné, de sorte que je ne peux pas parler de la recherche. Je ne me sens pas très à l'aise avec ce genre de vote, peut-être parce que je suis un vieux grincheux, mais je crois qu'il se passe trop de choses en ligne et pas suffisamment dans les collectivités où vivent les gens. Tant que nous réussirons à trouver des façons d'amener les gens à voter avec leurs voisins, c'est la solution que je préférerais. Je n'ai pas été convaincu que le vote en ligne était meilleur.
    Pour rester avec les vieux grincheux, j'aime beaucoup l'idée de faire des élections une expérience collective. Je crois que c'est extrêmement utile. Par contre, je préférerais le vote électronique — si cela facilitait l'accès et la participation des électeurs — au vote obligatoire. Si cela pouvait amener davantage de jeunes Canadiens à voter, je trouverais ce moyen assez intéressant, malgré mon attitude de vieux grincheux.

  (1045)  

    J'ai de jeunes enfants — pas très jeunes, mais pas très âgés non plus. Ce sont des étudiants qui passent la plus grande partie de leur vie en ligne. Pour eux, voter en ligne serait naturel. Je suis tout à fait ouvert à cette idée. Il faudrait bien sûr, comme M. Mayrand l'a mentionné, veiller à éviter que le système soit piraté. Si nous décidons d'aller dans cette direction, il faudrait le faire de façon très prudente.
    Pensez-vous que ce système pourrait améliorer la participation des jeunes et que cela constitue une variable démographique particulière? Il y a peut-être d'autres groupes qui ne sont pas représentés — ceux qui ne peuvent quitter leur maison, les pauvres, les handicapés physiques ou mentaux. Est-il possible que les avantages l'emportent sur les inconvénients dans certains cas?
    Oui, mais nous allons devoir attendre un autre tour de questions pour obtenir la réponse. Nous allons donner maintenant donner la parole à M. Blaikie.
    Si nous décidions d'adopter un genre de représentation proportionnelle mixte, par exemple, il me semble qu'une des questions vraiment importantes que cela poserait serait la composition des listes et la façon de dresser des listes ouvertes. Il pourrait s'agir d'un modèle très fermé où la direction des partis déciderait des noms à inscrire sur la liste ou alors d'un modèle où les électeurs peuvent intervenir parce qu'ils pourraient en quelque sorte voter pour certains candidats figurant sur la liste.
    Je me demande, monsieur Milner et monsieur Himelfarb, si vous pouvez nous en dire davantage sur ce qui serait, d'après vous, un bon modèle pour l'établissement de listes au Canada.
    C'est un aspect au sujet duquel je n'ai pas encore adopté de position claire. Je sais que les gens qui sont favorables à la représentation proportionnelle mixte ont tendance à être en faveur des listes ouvertes. Je peux comprendre pourquoi. Le problème est le suivant. Pourquoi l'électeur devrait être obligé de faire ce que veut le parti? Pourquoi ne pourrait-il pas faire ce qu'il veut faire?
    D'un autre côté, nous devrions également savoir que les partis choisissent les candidats qu'ils placent sur la liste en tenant compte de certaines priorités — par exemple, les groupes sous-représentés, les femmes, et les autres — et ce ne sont pas des aspects futiles. De plus, nous ne devrions pas non plus — et je le dis avec prudence — penser que les électeurs souhaitent vraiment avoir autant de choix. Dans certains cas, cela risque de les décourager.
    La plupart des électeurs font face à des choix limités. Ils savent quel est le parti qu'ils préfèrent et ils peuvent probablement voter pour le candidat local de ce parti ou ils peuvent avoir une raison d'appuyer un autre candidat local. Mais penser qu'ils sont capables de choisir des noms figurant sur une liste de personnes qui ne sont pas toutes de la localité, viennent parfois de la région, mais d'une région qui pourrait être plus étendue, et s'attendre à ce qu'ils fassent des choix n'est pas, je crois, vraiment souhaitable.
    Je ne suis pas contre ce que nous appelons les listes fermées. C'est ce qui se fait dans les pays qui utilisent la représentation proportionnelle mixte. N'oubliez pas que le nombre maximum de personnes qui figureraient sur la liste seraient à l'heure actuelle de cinq ou six, parce que je ne pense pas que nous souhaitions avoir des districts régionaux qui regroupent plus de 12 ou 13 sièges. De sorte que le nombre des noms qui figureront sur la liste ne sera jamais beaucoup plus que cinq ou six, et il ne faut pas l'oublier. C'est l'aspect secondaire du système.
    Les gens qui se sont rendus dans ces pays, comme l'Allemagne, affirment que le principal objectif est d'élire un député local. C'est le but recherché. Habituellement, les personnes qui sont élues à partir de la liste vont essayer de se faire élire dans un district local, s'il y a des sièges vacants. C'est ce qu'il faudrait viser. C'est pourquoi je n'exigerais pas que les électeurs puissent choisir des noms inscrits sur une liste régionale, mais c'est là une discussion relativement secondaire où il y a de bons arguments des deux côtés.
    Allez-y, monsieur Himelfarb.
    Je suis très favorable aux listes ouvertes, de façon à ce que les électeurs aient la possibilité de fixer des priorités au lieu que ce soit les partis qui le fassent. Si l'un de nos objectifs est de renforcer la confiance et la légitimité du système, il me semble qu'il serait très important de dire aux Canadiens que ce sont les électeurs qui sont importants et non pas les partis.
    Je mentionne en passant que, sur la question de savoir si un parti peut imposer un candidat dans une de ces circonscriptions ou si c'est la circonscription qui le choisit, il faut savoir que tous les systèmes électoraux exigent que soient prises ce genre de décisions. Ce sont des décisions importantes, mais elles sont secondaires par rapport à cette question. Ce qui n'est pas secondaire, c'est de savoir si les électeurs peuvent, en votant, fixer la priorité des noms d'une liste, si elle existe, et cela me paraît extrêmement important.
    C'est également important parce que les candidats sauront ainsi que, s'ils n'établissent pas de liens avec les électeurs, s'ils ne font pas l'effort de gagner les coeurs et les esprits des électeurs, ils en paieront le prix. Cela revient à une question qui a été posée il y a un instant, à savoir qu'un des avantages de la RP est que les candidats qui ont réussi à établir une relation de confiance et qui se montrent capables de représenter tous les membres de leurs circonscriptions ont un avantage. Même au sein des partis, les candidats sont en concurrence dans un système de RP; cette saine concurrence récompense ceux qui s'intéressent le plus à leurs électeurs.

  (1050)  

    Vous avez dit qu'avec un système où les listes sont ouvertes, dans le sens que les électeurs peuvent choisir les candidats d'un certain parti pour lesquels ils souhaitent voter, la loi ne devrait pas prévoir la façon dont les candidats sont inscrits sur cette liste ou pensez-vous qu'il serait bon que la loi impose un mécanisme pour que chaque parti...
    Une brève réponse à cette question.
    J'aurais tendance à dire que les partis devraient s'occuper de cet aspect, mais je ne baserais pas une proposition là-dessus.

[Français]

     Monsieur Kenney, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    J'ai une question sur les décisions que les Canadiens ont prises au sujet de la réforme électorale. Comme vous le savez, quatre provinces ont proposé des changements au système électoral. Dans trois d'entre elles, soit la Colombie-Britannique, l'Ontario et l'Île-du-Prince-Édouard, les électeurs ont rejeté carrément ces changements.
    Comme on l'a dit hier, en 1959 et en 1968, les gouvernements irlandais ont proposé des changements électoraux qui auraient profité aux partis au pouvoir, mais ces changements ont été rejetés par les électeurs lors de référendums.
    Hier, des experts de la Nouvelle-Zélande ont dit que deux référendums avaient été tenus avant d'adopter leur système actuel. Il y en a eu un troisième pour donner aux électeurs l'occasion de reconsidérer leur décision.
    Hier aussi, un témoin a dit que tout cela constituait une convention constitutionnelle, selon le test de Jennings. Peter Russell a dit qu'on ne devait pas parler de convention constitutionnelle et de telles idées abstraites, parce qu'il y avait une obligation, du point de vue de la légitimité démocratique, de donner aux électeurs la chance de juger leur système électoral. Cela n'appartient pas aux politiciens, mais aux électeurs.
    Ma question s'adresse aux trois témoins.
    Quelle est votre opinion sur la perspective du professeur Russell et sur cette convention qui existe au Canada?

[Traduction]

    Personne ne veut répondre à cela.

[Français]

    La question me surprend, évidemment. Je ne me m'attendais pas à une question de cet ordre.
    Sérieusement, je dirais que c'est une question normative. Comme chercheur, je n'ai pas de réponse à cette question. La question est de savoir s'il appartient aux citoyens, au bout du compte, de décider du mode de scrutin. Comme chercheur, je n'ai pas de réponse à cette question normative, mais comme citoyen, j'ai une opinion. Effectivement, cela appartient aux citoyens. Ils devraient se prononcer en dernière analyse sur la réforme du mode de scrutin. Cela dit, je suis avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe au Nouveau-Brunswick, où il y a un référendum préférentiel qui présente cinq options.
    C'est à l'Île-du-Prince-Édouard.

  (1055)  

    Excusez-moi, c'est à l'Île-du-Prince-Édouard.
    C'est une façon de faire que j'inviterais le Comité à examiner. Au lieu de retenir une option, il pourrait en retenir cinq et proposer un référendum préférentiel. Comme citoyen, et non comme chercheur, c'est une démarche que j'appuierais.

[Traduction]

    Je ne suis pas surpris par la question, mais je ne sais pas encore comment je vais y répondre. Monsieur le président, on m'a posé la même question au cours d'une conférence et j'ai répondu qu'il y aurait un référendum si nécessaire mais pas nécessairement un référendum et l'assistance n'a pas vraiment aimé ma réponse, mais c'est à peu près ma position. Il est évident que ce n'est pas un hasard si nous voulons tous que la décision qui sera prise soit légitime et crédible pour la population. Je pense que la composition et l'ouverture du comité s'harmonisent très bien avec ces deux objectifs. Le fait que les citoyens puissent participer et contribuer à cette discussion favorisera également ces deux objectifs. On saura si tout cela sera suffisant d'après le consensus auquel en arrivera le comité. Je pense que c'est important et qu'avec le temps, il est possible de changer d'avis.
    Cela dit, je comprends le réflexe démocratique qui consiste à consulter les électeurs. Lorsqu'il s'agit de demander aux électeurs de choisir entre un système qu'ils connaissent bien et un système dont ils ne savent pratiquement rien et qu'ils ne comprennent pas, je me demande quelle serait la valeur d'une telle consultation. En Nouvelle-Zélande, par exemple, il y a eu un référendum, mais les autorités avaient lancé auparavant une vaste campagne d'information et d'éducation de la population. Mais ils ont pris l'opération très au sérieux parce qu'en l'absence d'une telle campagne, je ne sais pas ce que vous obtiendriez. Je sais que certains ont suggéré de tenir un référendum après que les gens aient utilisé au moins une fois le nouveau système. Je dois dire que je trouve cela intéressant parce que les électeurs pourraient ainsi voter entre des systèmes qu'ils connaissent un peu. Je comprends l'idée.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à Mme Romanado.

[Français]

     Je remercie les trois témoins de leur présence et de leurs présentations.

[Traduction]

    Nous avons dit quelques mots au sujet du vote des jeunes; c'est un aspect qui m'est très cher, au sujet duquel j'ai posé des questions à d'autres témoins. Les jeunes ont participé en grand nombre à la dernière élection fédérale, un élément qui nous ravit et que nous voulons voir se poursuivre. Nous voulons amener les jeunes à participer non seulement aux élections, mais également à envisager une carrière dans la fonction publique. J'aimerais donc avoir l'avis de tous les trois sur la façon dont nous pourrions préserver ce que nous avons accompli jusqu'ici ou faire des progrès pour ce qui est de la participation des jeunes au processus politique, mais également sur la façon de les rendre plus actifs. Vous avez mentionné quelques aspects — le vote en ligne peut-être pour les jeunes, ainsi que le vote obligatoire —, mais j'aimerais avoir votre point de vue sur ce que j'ai demandé. J'aurais ensuite une deuxième question qui concerne un autre groupe d'intéressés.
    Un autre aspect de ma recherche est le droit de vote à 16 ans, un sujet sur lequel les spécialistes de la science politique ont effectué une bonne analyse parce qu'il y a des pays, ou des régions à l'intérieur de pays ou des municipalités, où le droit de vote a été ramené à 16 ans. Nous avons constaté que, dans l'ensemble, les jeunes qui commencent à voter à 16 ans ont, de façon générale, tendance à voter plus fréquemment que s'ils commencent à voter à 18 ans, pour la seule raison qu'ils vivent le plus souvent dans leur famille, avec le reste de leur famille et que leurs parents vont probablement voter; ils se joignent à eux ou font partie d'une communauté de personnes qui participent aux élections d'une façon ou d'une autre. Lorsqu'ils atteignent l'âge de 18 ans — ou au moment de leur première élection, ils pourraient avoir 19 ou 20 ans —, ils vont probablement avoir quitté le foyer familial. Ils peuvent se trouver dans une autre ville et auront certainement d'autres choses à penser — des relations et le reste — et ils ont en fait moins tendance à voter. Cela ressort très clairement de tous les cas que nous avons examinés.
    Il faut alors se demander dans quelle mesure cela crée une habitude que les jeunes conserveront toute leur vie. Les spécialistes ne sont pas d'accord sur l'effet du droit de vote à cet âge.
    L'autre question est la suivante: s'ils votent à 16 ans, ont-ils tendance à être moins bien informés que s'ils commençaient à voter à 18 ans? Est-il exact qu'ils ne votent pas? Essentiellement, le fait est qu'ils ne sont pas nécessairement mieux informés, mais qu'ils ne sont pas non plus moins bien informés.
    Pour répondre à votre question directement, je dirais que mon sentiment naturel serait que nous devrions réfléchir sérieusement à cette possibilité et la combiner avec des efforts dans le domaine de l'instruction civique et politique aux âges de 14, 15 et 16 ans en particulier. Malheureusement — je ne devrais pas dire malheureusement, puisque c'est dans la nature de notre régime fédéral —, l'éducation est un domaine provincial et j'aimerais que les provinces prennent l'initiative dans un domaine comme celui-ci, et combinent des campagnes d'éducation civique avec le droit de vote à 16 ans, pour ensuite passer au palier fédéral. Ce sont les aspects sur lesquels j'insisterais pour répondre à votre question.

  (1100)  

    Merci.
    Monsieur Himelfarb.
    J'aime moi aussi l'idée d'abaisser l'âge du vote pour favoriser la participation des jeunes. Et je suis ouvert, comme je l'ai dit, malgré le fait que je sois un vieux grincheux, au vote en ligne, si cela faisait une différence sensible non seulement pour les jeunes, mais pour d'autres groupes que nous devrions cibler.
    Ce sont donc là, d'après moi, les deux aspects.
    Je serais curieux de savoir — et je ne sais pas s'il y a des données là-dessus — si André Blais a des données sur l'idée que la RP augmente vraiment la participation des jeunes électeurs, parce que je crois que ces derniers sont plus favorables à la proportionnalité. Mais en fin de compte, cela nous rappelle que la réforme électorale ne peut à elle seule renforcer la démocratie et que cette réforme doit s'accompagner de toute une série d'autres mesures, notamment le ciblage, l'éducation et l'instruction civique, ainsi que bien entendu, les grands principes à la base de nos orientations politiques.
    Monsieur Blais.
    Je n'aime pas beaucoup l'admettre, mais je suis d'accord sur tout ce qu'ont dit mes collègues. Cela ne m'arrive pas très souvent normalement, mais c'est malheureusement le cas cette fois-ci.
    Très bien.
    Me reste-t-il encore un peu de temps?
    À peu près 35 secondes.
    Est-ce qu'un système de RP augmenterait la participation des femmes aux affaires publiques?
    Les statistiques le démontrent effectivement. Il est certain qu'il y a davantage de femmes qui sont élues avec les systèmes de RP plutôt qu'avec les autres systèmes. C'est indubitable. Vous pourriez demander comment cela s'explique-t-il? Est-ce parce que ce sont des pays plus ouverts à la participation des femmes qui choisissent les systèmes proportionnels de sorte que la cause n'est pas vraiment le système électoral, mais la culture politique? Quoi qu'il en soit, la corrélation est très forte.
    Nous allons commencer notre deuxième tour de questions en donnant la parole à M. DeCourcey.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Professeur Blais, j'aimerais que vous parliez de façon plus approfondie des conclusions et des résultats de vos études.

[Traduction]

    Selon une de vos conclusions — et je vous demande de me corriger si cela est nécessaire, parce que j'ai pris des notes aussi vite que je pouvais —, la RP peut renforcer le sentiment d'équité ou la perception que le système est équitable, mais qu'il est peu probable que ce système améliore la satisfaction des électeurs. Qu'étiez-vous en train de mesurer lorsque vous avez tiré ces conclusions, qui semblent assez incompatibles? Était-ce le résultat des élections et la composition du Parlement par rapport au fonctionnement du gouvernement? J'aimerais que vous apportiez quelques précisions au sujet de ces deux conclusions.
    Les questions qui ont été posées au cours de ce sondage étaient les questions suivantes, presque mot à mot.
    La question au sujet de la satisfaction éprouvée à l'égard de la démocratie était celle-ci: êtes-vous satisfait ou non de la façon dont la démocratie fonctionne dans votre pays? Et voici quelles étaient les réponses possibles: très satisfait, assez satisfait, assez insatisfait ou très insatisfait.
    La question au sujet de l'équité — et ce sondage était postérieur à l'élection: l'élection a-t-elle été menée de façon équitable ou inéquitable? Je crois que les réponses possibles étaient les suivantes: très inéquitable; relativement inéquitable; relativement équitable ou très équitable.
    Il existe une corrélation entre ces deux questions, mais elle est imparfaite et nous avons également observé des différences uniquement en ce qui concerne la perception du caractère équitable de la RP et des autres systèmes — uniquement pour ce qui est de la perception du caractère équitable et non pas à l'égard de la satisfaction générale au sujet de la démocratie.
    Il existe une corrélation, mais elle n'est pas très forte. La seule différence qui apparaît nettement est celle qui existe entre la perception du caractère équitable de l'opération. Sur le plan de la satisfaction, il ne semble pas exister de différence significative.
    Si nous devions tirer des conclusions à partir de vos conclusions, quelle est la leçon que nous devrions, d'après vous, retenir pour ce qui est de l'expérience canadienne?
    Ces résultats ne sont pas absolument certains. Ce sont les meilleures données dont nous disposons, mais elles ne sont pas... Il faut approfondir ce travail. Mais il n'est pas surprenant, je crois, que, lorsque l'on pose des questions précises au sujet des perceptions en matière d'équité, alors il est clair que la RP obtient de meilleurs résultats. Mais si vous posez une question au sujet de l'évaluation générale du fonctionnement de la démocratie, alors cela ne fait pas de différence. La RP touche des perceptions précises en matière d'équité, mais si vous pensez aux évaluations générales du fonctionnement de la démocratie, ce n'est pas suffisant. Il faut prendre en compte de nombreux autres aspects et en fin de compte, cela n'a pas un effet significatif, apparemment.

  (1105)  

[Français]

    Les professeurs Milner et Himelfarb nous ont parlé de leur système préféré et nous ont fait part de plusieurs études et recherches.
    En tant que chercheur ou citoyen canadien, quel serait votre système préféré?

[Traduction]

    Je vais m'abstenir de répondre directement à la question, mais je pourrais éventuellement le faire parce qu'elle nous a souvent été posée. Nous verrons. Je vais donner un cours sur la réforme électorale à l'automne pour 35 étudiants et nous allons examiner toutes les études qui ont été faites dans ce domaine. Pendant les cinq dernières semaines, les étudiants vont débattre, discuter et proposer la réforme qui convient le mieux au Canada. J'aurais tendance à appuyer la proposition qu'ils feront, et c'est donc mon point de vue pour le moment.
    J'aimerais poser une dernière question à chacun des témoins. Compte tenu des valeurs concurrentes dont nous devons tenir compte en tant que représentants élus pour préparer le rapport qui sera présenté au gouvernement au sujet des autres systèmes électoraux, quelle est la première priorité ou la principale valeur que nous devrions préférer?
    Je vais demander à chacun de vous trois de répondre brièvement.
    Je pense que c'est l'équité. Je pense que ce n'est pas un accident si le rapport d'André démontre clairement que, si l'on demande aux gens quel est le système électoral le plus juste, ce sont les systèmes proportionnels qui l'emportent. Ce n'est pas un accident. Est-ce qu'un tel système renforce nécessairement la satisfaction à l'égard du fonctionnement de la démocratie? Non, pas nécessairement, parce que vous accordez plus d'importance à d'autres choses et qu'il y en a que vous critiquez davantage, ce que vous n'auriez peut-être pas fait avec notre système, parce que c'est le gouvernement qui dirige. Ces aspects-là sont pour moi moins importants que le rôle crucial que joue le sentiment que le système fonctionne de façon équitable.
    Je devrais ajouter en passant qu'André a déjà fait des déclarations officielles, de sorte que, si vous voulez savoir quelle est la position qu'André avait adoptée auparavant, vous pouvez examiner les débats auxquels il a participé au Québec, mais nous allons lui redonner une virginité sur cette question pour le moment.
    Je vois que tout le monde est en train d'utiliser Google pour savoir quelle était sa position, mais nous allons devoir donner la parole à M. Reid.
    Pour parler des choses que les gens ont déjà écrites, monsieur Milner, j'ai un article que vous avez rédigé en 2004 et j'aimerais passer en revue certains aspects que vous examiniez dans cet article au sujet de certains éléments d'un système proportionnel plurinominal qui n'ont pas encore été abordés devant le Comité, que ce soit au cours de cette séance ou des séances précédentes.
    J'aimerais aborder deux sujets que vous avez soulevés. Je vais commencer par le premier et nous verrons ensuite s'il reste suffisamment de temps pour le second.
    Vous avez décrit une situation en Écosse dans laquelle le SNP était fortement représenté dans les circonscriptions uninominales parce qu'il n'avait pratiquement pas de membres sur la liste. D'autres partis avaient inscrit de nombreux membres sur la liste, mais très peu d'entre eux ont été élus.
    Cela semble avoir fait problème à l'époque, suffisamment pour que vous le mentionniez. Est-ce toujours un problème? A-t-il été résolu? Est-ce un aspect qui est inhérent au système ou s'agissait-il simplement d'un accident qui a accompagné la première élection utilisant la RPM en Écosse?
    Comme vous le savez probablement, le SNP a réussi à prendre le pouvoir par la suite. Il est évident que, pour y parvenir, il a dû emporter un bon nombre de circonscriptions individuelles. C'était, je crois, une façon de faire au départ une percée dans ce système. Selon votre opinion au sujet de l'indépendance de l'Écosse, vous pouvez dire que c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais au-delà de cet aspect, je crois que le système a fonctionné comme il devait.
    Il me paraît bon qu'un parti qui représentait une tendance importante et qui avait été sous-représenté par le système en place ait pris le pouvoir parce que le nouveau système représente les partis de façon plus proportionnelle. Ils sont alors en mesure de présenter leurs idées, et de refléter la place qu'ils occupent au sein de la population. Il y a eu évidemment d'autres événements qui sont survenus à l'époque, mais cela explique toutefois en partie pourquoi ce parti a réussi à obtenir de meilleurs résultats dans les élections postérieures.

  (1110)  

    Vous avez parlé du fait qu'il y aurait « deux catégories de députés »: ceux qui sont choisis à partir de la liste et ceux qui sont choisis par les électeurs. Cela semblait être un problème à l'époque et je me demande si cela l'est toujours.
    À court terme, on pourrait dire que, si un parti obtenait principalement un type de siège et qu'un autre parti obtenait principalement un autre type de siège, cela pourrait faire problème s'il s'agissait de grands partis, mais avec le temps, ce genre de problème se résout tout seul. Ce sont les tout petits partis, comme les verts en Allemagne, par exemple, qui utilisent les sièges réservés aux listes pour conserver une présence proportionnelle au Parlement. Lorsqu'il s'agit de grands partis, la situation est temporaire.
    J'écrivais en 2004. Je pense que, si je retournais en Écosse aujourd'hui, je ne dirais pas qu'il y a là un problème.
    Bon, cela répond à ma question. Ce ne serait donc qu'un aléa de l'élection et non d'une conséquence naturelle de notre régime électoral.
    Je voudrais en outre vous poser une question au sujet de ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande. Plusieurs députés, élus sous la bannière du parti de Winston Peters, New Zealand First, ont, après l'élection, rejoint d'autres partis. M. Peters, qui détenait la balance du pouvoir, a fait adopter un projet de loi interdisant le changement de parti, la défection, le changement d'allégeance. Le projet de loi a eu cependant des résultats aussi inattendus que désastreux, car il a entraîné la destruction d'un des autres partis qui, en raison des nouvelles règles, s'est vu empêcher de se scinder en deux factions.
    Comment la situation a-t-elle fini par se régler? Qu'en est-il actuellement en Nouvelle-Zélande? D'autres pays ont-ils choisi d'interdire les changements d'allégeance, ou une telle mesure est-elle tout simplement exclue dans un régime de représentation proportionnelle mixte?
    J'essaie de me rappeler ce qu'il en est. André pourra peut-être vous en dire davantage.
    Je sais que la question ne s'est pas vraiment posée en Nouvelle-Zélande lors des récentes élections, et qu'ils sont donc parvenus à régler le problème. C'était une situation singulière, car New Zealand First est un type très particulier de parti, qu'on ne peut guère comparer aux autres formations politiques. Il s'agit, en effet, d'un parti personnel. C'était le parti de Winston Peters, un personnage singulier qui a depuis disparu de la scène politique. Cela explique en partie la situation, mais c'est un fait que le pays s'est trouvé face à un phénomène sans précédent.
    Je ne peux pas vous dire exactement comment on y est parvenu, mais le problème semble effectivement avoir été réglé.
    Il ne vous reste que 10 secondes, et nous allons donc, si vous le voulez bien, passer la parole à M. Cullen.
    Ces délibérations ne sont que la première étape de ce que le Comité espère pouvoir accomplir. Nous allons, à l'étape suivante, entreprendre auprès de la population canadienne une large consultation.
    Selon certains de nos témoins, le Comité, enfin le Parlement, devrait alors soumettre aux Canadiens des propositions concrètes sur lesquelles la population aurait à se prononcer, au lieu de simplement solliciter l'avis des citoyens sur un projet général de réforme électorale faisant état des diverses solutions possibles.
    D'après vous, le Comité devrait-il, afin de mieux susciter l'intérêt du public, formuler dès maintenant des propositions sur lesquelles les Canadiens pourraient alors se prononcer, ou conviendrait-il, plutôt, de maintenir une certaine hauteur de vue et d'exposer l'ensemble des solutions qui se présentent?
    Monsieur Blais.
    Je suis nettement favorable à l'idée de présenter des propositions plus concrètes.
    D'après moi, le Comité ferait oeuvre utile en dégageant, disons, cinq propositions concrètes. Cela ne mettrait aucunement fin au débat, car d'autres possibilités pourraient très bien apparaître par la suite, mais il faudrait, d'après moi, partir de propositions concrètes.
    Qu'en pensent nos autres témoins?
    Monsieur Himelfarb.
    J'estime, moi aussi, qu'il conviendrait de restreindre le nombre d'options en éliminant certaines solutions éventuelles qui, comme les listes nationales, ne pourraient pas donner au Canada, de bons résultats. Nous ne devrions envisager que les solutions susceptibles d'être adoptées ici.
    Cela ne va pas être facile, mais il faudrait, idéalement, dégager un certain nombre de principes. Je ne parle pas simplement de principes qui émaneraient du gouvernement, mais de principes sur lesquels on parviendrait plus largement à s'entendre. Les diverses solutions possibles seraient alors évaluées au regard de ces principes. On pourrait ainsi décider dans quelle mesure les diverses propositions correspondent aux principes qui paraissent les plus importants aux yeux de la population.
    Je voudrais revenir à une question adressée, je crois, à M. Milner concernant la participation des femmes et la différence de culture politique.
    Nous avons parlé, hier soir, de la Commission électorale d'Australie. En Australie, le mode d'élection à la chambre basse n'est pas le même que pour la chambre haute. Dans le premier cas, il s'agit d'un scrutin préférentiel où le candidat ayant obtenu le plus de voix l'emporte. Avec ce mode de scrutin, moins de 25 % des élus sont des femmes. L'élection à l'autre chambre, à la proportionnelle, aboutit à l'élection de 40 % de femmes. Cela se produit pourtant dans une même culture politique, dans un même pays.

  (1115)  

    C'est vrai, et j'aurais dû le préciser. Il me semble exact de dire que le passage à la proportionnelle a entraîné une augmentation du nombre de femmes élues.
    J'aurais dû me pencher sur les chiffres qui permettent de décrire la situation en Nouvelle-Zélande, pays qui, beaucoup plus petit que le Canada, lui est, dans une certaine mesure, néanmoins comparable. La Nouvelle-Zélande envisageait de passer d'un régime de circonscriptions uninominales à un régime proportionnel. André possède peut-être à cet égard des chiffres plus complets, mais je crois pouvoir dire que cela a entraîné une augmentation du nombre de femmes élues. Cette augmentation n'a peut-être pas été aussi forte ou aussi rapide qu'on ne...
    C'est possible.
    Mais la proportion de femmes élues a augmenté sensiblement.
    À cet égard, la situation ici ne peut que s'améliorer car je crois pouvoir dire que le Canada occupe, au classement mondial, la 62e place.
    Dans les autres pays ayant opté pour le scrutin uninominal à un tour — la France, le Royaume-Uni, les États-Unis — même si, aux États-Unis, les résultats ne sont pas tellement concluants — le pourcentage de femmes élues varie entre 50 et 60 %. Les 20 ou 25 pays du monde où cette proportion est la plus élevée ont, à une ou deux exceptions près, opté pour la proportionnelle.
    Selon un de nos témoins, il ne s'agit là que d'une simple coïncidence et il n'existerait donc, entre la proportion de femmes élues et le scrutin proportionnel, aucun lien de causalité. Cet argument me paraît particulièrement faible compte tenu des études qui ont été menées sur la question.
    Les pays qui ont opté pour le scrutin de liste obtiennent en cela de meilleurs résultats.
    Avec un régime de représentation proportionnelle mixte, où la liste ne comprend que de 35 à 40 % de femmes, les résultats ne sont à cet égard pas aussi bons qu'en Suède, par exemple, où le scrutin de liste régionale avec compensation à l'échelle nationale aboutit à l'élection d'environ 45 % de femmes.
    Tout dépend de la valeur que vous attachez à la proportionnalité et à la représentation.
    Cela dépend bien sûr de la valeur que vous attribuez à la proportionnalité, mais il ne fait aucun doute que le scrutin proportionnel fait augmenter le nombre de femmes élues.
    Je voudrais maintenant évoquer ce que cela donne au niveau des électeurs, car il faut également réfléchir à l'influence que les différents modes de scrutin peuvent avoir sur les politiques mises en oeuvre pour un pays. Nous n'avons jamais eu au Canada d'élection à la proportionnelle, mais nous devons à des gouvernements minoritaires certaines de nos plus grandes réalisations en matière de politiques nationales. Les deux semblent liés d'une certaine manière. Monsieur Himelfarb, vous estimez, avec plusieurs autres de nos témoins, que nous nous orientons vers un régime de représentation proportionnelle. Or, le scrutin proportionnel, comme les gouvernements minoritaires et les gouvernements de coalition, suppose un partage du pouvoir.
    Ne devrait-on pas le souligner lorsqu'on songe aux résultats souhaités par les électeurs, et à la forme de gouvernement résultant du scrutin proportionnel? Nous devons, en effet, à des gouvernements minoritaires certaines des choses auxquelles nous sommes le plus attachés, telles que l'assurance-maladie, le drapeau canadien, le bilinguisme.
    Est-ce, monsieur Himelfarb, un rapprochement que l'on peut effectivement faire, ou est-ce un peu abusif?
    Il est intéressant de noter que l'étude comparative des résultats des réformes électorales montre que ce mode de scrutin conduit à des politiques plus progressistes, c'est-à-dire davantage conformes à l'intérêt de tous, puisqu'il faut s'entendre avec les autres partis afin que l'intérêt général l'emporte. Ajoutons que de telles politiques s'inscrivent davantage dans la durée.
    Permettez-moi de rappeler aussi que, malgré les inquiétudes que certains éprouvent à cet égard, la situation financière des pays qui ont opté pour la proportionnelle paraît également plus solide.
    Solide...
    Oui, la situation financière.
    Je vous remercie.
    Ce type de régime offre de nombreux avantages.
    Bon.
    La parole est maintenant à M. Thériault.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Milner, j'ai parlé tout à l'heure de la réalité géopolitique du Québec, car je la connais très bien. J'ai dit que le diable était dans les détails et qu'il ne suffisait pas d'admettre qu'on a besoin d'un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire pour qu'on ait réglé la question.
    Le questionnement sur le processus me semble fondamental. Je suis heureux que, contrairement à certains témoins que nous avons reçus, M. Blais soit d'avis qu'un référendum est nécessaire.
    Au début de nos travaux, nous avons assimilé les tenants d'un référendum à des gens voulant mettre des bâtons dans les roues au changement, mais je crois que c'était une erreur de faire cela.
    Le processus est important. Au Québec, il y a eu un avant-projet de loi, une proposition très concrète. Nous avons fait le tour de la provinces et cela a permis de voir les écueils concrets dans toutes les régions du Québec. Cela n'a pas donné lieu à une transformation, parce que le gouvernement de l'époque n'était pas intéressé à ce que la population tranche le débat.
    Certains témoins nous disent que les gens ne connaissent pas cette question, que cela ne les intéresse pas. Ce faisant, ils considèrent que, comme nous sommes les représentants d'une démocratie représentative, nous avons toute la légitimité pour aller de l'avant. Le pouvoir exécutif nous dit que c'était la dernière élection avec le mode de scrutin tel qu'on le connaît. La ministre nous dit qu'il faut que cela change, mais qu'il n'est pas question de tenir un référendum. Bref, le processus qui permettrait de faire les choses correctement est un peu mal parti.
    Nous n'avons que peu de semaines pour consulter l'ensemble de la population sur un territoire aussi vaste que le Canada. Si on arrivait plutôt à une proposition d'avant-projet de loi, qui ferait ensuite l'objet d'une consultation et qui serait soumise à un référendum pendant la prochaine élection, ne serait-ce pas une démarche beaucoup moins téméraire et plus réaliste? Cela éviterait-il que le processus dans lequel nous sommes n'aboutisse à un échec?

  (1120)  

    J'ai réussi à éviter cette question la dernière fois qu'elle a été posée. Malheureusement, il semble que je ne pourrai pas l'éviter cette fois-ci.
    Certains pays ont changé leur mode de scrutin, et ce, sans référendum. La France, par exemple, l'a fait deux fois. À mon avis, ce n'est pas tant ce que je pense qui est en cause, mais plutôt de savoir si la population s'attend à cela.
    Si l'on proposait un système compensatoire préservant le principe fondamental selon lequel les électeurs d'une région ont leur propre député, personnellement, je trouverais cela acceptable. Si la population disait qu'un tel changement nécessite vraiment une légitimité populaire, laquelle ne peut être gagnée sans un référendum, j'adhérerais à cela aussi. Je ne dirais pas d'emblée que, par définition, un référendum est nécessaire. Si l'on proposait quelque chose de cohérent et préservant le principe fondamental de représentants individuels, je trouverais légitime qu'on procède sans référendum.
    Évidemment, je suis très heureux d'exprimer mon désaccord avec mon partenaire de tennis.
    Pour ma part, je suis convaincu de la nécessité d'un référendum. Cependant, s'il y avait un référendum, j'aimerais que tous les partis s'engagent à accepter le résultat. S'il y avait un changement, si les conservateurs gagnaient la prochaine élection, il faudrait que tous les partis acceptent le changement.
     Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste 15 secondes.
    D'accord.
    Merci beaucoup, messieurs.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme May.

[Traduction]

    Permettez-moi de passer à un sujet que nous n'avons pas encore eu l'occasion d'aborder. M. Milner l'a évoqué dans son témoignage. Il s'agit d'un des aspects de la représentation proportionnelle mixte, évoquée devant le Comité par M. Tanguay il y a quelques jours. D'après lui, l'Assemblée des citoyens sur la réforme électorale reproche deux choses au système de représentation proportionnelle mixte. Nous avons déjà beaucoup parlé de la première, c'est-à-dire du fait que les listes sont contrôlées par les partis politiques.
    Mais la deuxième concerne l'augmentation du nombre de sièges à la Chambre afin d'accueillir les députés issus du redécoupage des circonscriptions suite à l'adoption du scrutin proportionnel. Vous n'évoquez la question qu'une seule fois dans votre mémoire. Selon vous, si nous n'augmentons pas, en effet, le nombre de députés, la taille des circonscriptions uninominales va augmenter en moyenne d'environ 40 %.
    Est-ce à dire que, d'après vous, il n'y aurait pas lieu d'augmenter le nombre de députés fédéraux suite à l'adoption d'un système de représentation proportionnelle mixte? Serait-il, d'après vous, acceptable d'augmenter le nombre de députés fédéraux?
    Je ne vois à cela aucune objection, mais je pense que cela ne plairait pas beaucoup aux Canadiens. Si le changement de régime électoral exige un accroissement de la classe politique, les gens auront beau jeu de tourner le projet en ridicule. Or, une telle évolution me paraît trop importante pour que l'on s'expose aux railleries. D'après moi, il serait préférable de proposer un mécanisme qui porterait peut-être à ajouter quelques sièges à la Chambre, mais sans augmentation sensible. N'oubliez pas que le nombre de députés augmente déjà en fonction de la population. Je ne pense pas qu'il convienne d'augmenter sensiblement le nombre de sièges.

  (1125)  

    Je comprends fort bien votre point de vue. J'ai voté contre le projet de loi qui proposait la création de 30 nouveaux sièges de député. La question n'avait pas été soumise à un référendum, mais j'imagine que, si elle l'avait été, la population se serait prononcée contre. De nombreux citoyens pourraient très bien s'opposer fortement à toute augmentation budgétaire.
    Puis-je vous demander, très rapidement, monsieur Blais, quand vos étudiants vont-ils se prononcer sur la question? Ne nous tenez pas en suspens. Il nous faut rendre notre rapport le 1er décembre.
    Ce sera juste après cela.
    Après?
    Oui, aux environs du 5 décembre.
    Ne pourriez-vous pas leur demander d'allez un peu plus vite? Il nous faut rédiger notre rapport.
    Permettez-moi, monsieur Blais, de vous poser une question affichée sur Twitter par une certaine Laurel Russwurm. Elle nous avait, avant cela, demandé ce qu'on pensait de l'idée d'abaisser à 16 ans la majorité électorale. Elle nous pose maintenant une nouvelle question. Elle souhaite vous demander, monsieur Blais, si l'on ne pourrait pas organiser un référendum après une ou deux élections. Il s'agirait, comme le disait M. Himelfarb, de mettre d'abord le nouveau système à l'essai.
    Il s'agit là d'un jugement normatif que je porte à titre de simple citoyen. D'après moi, il serait préférable de ne pas organiser de référendum sur la question, mais il y aurait lieu, avant de modifier notre régime électoral, de demander aux Canadiens, dans le cadre d'un référendum, de se prononcer sur le principe même de l'adoption d'un nouveau mode de scrutin. Ce serait mon deuxième choix.
    Pour nous en tenir au même sujet, mais à un autre niveau d'abstraction, je voudrais poser à M. Himelfarb une question concernant la lettre d'opinion de Mel Cappe, son successeur au poste de greffier du Conseil privé, et de Janice Gross Stein. Avez-vous eu connaissance de cet article publié dans le Globe and Mail?
    Selon ces deux auteurs, ce serait, pour une démocratie représentative telle que la nôtre, faire un très grand bond que de passer à une forme plus directe de démocratie, où de nombreuses questions peuvent être soumises à la population par référendum. Avez-vous réfléchi à cet aspect de la question? L'article ne porte d'ailleurs pas essentiellement sur cet aspect du problème, mais sur le Brexit.
    J'ai, effectivement, lu cet article et je l'ai même publié sur Twitter. Ce point de vue a du bon. Dans une démocratie représentative, la population s'attend à ce que les parlementaires représentent les électeurs en faisant pour cela tous les efforts nécessaires. Mais il ne s'agit pas en l'occurrence d'une question constitutionnelle et un référendum ne s'impose donc pas. Il s'agit, essentiellement, d'un jugement politique et normatif.
    L'article en question avait la vertu de faire ressortir comment, dans un régime qui peut sembler plus démocratique, mais qui en fait ne l'est pas, des questions pourtant complexes se laissent facilement détourner. Vu la masse de fausses informations qui circulent, il est extrêmement problématique de demander aux gens s'ils souhaitent quitter ou s'ils souhaitent rester. Cela exigerait que l'on investisse beaucoup dans une pédagogie publique.
    Je n'ai rien à redire à leur conclusion voulant que la démocratie directe ne veuille pas nécessairement dire plus de démocratie. Les référendums ont leur place, mais il est probablement faux d'en faire l'indice d'une démocratie plus avancée.
    Je vous remercie.
    Madame Sahota.
    Je voudrais rester sur ce même sujet.
    Vous avez dit, monsieur, que l'on décide ou non qu'un référendum s'impose, l'essentiel est ce qui précède l'appel à la population. Ce que nous faisons ici fait naturellement partie de ce qu'on pourrait appeler ce travail préparatoire.
    À l'étape suivante, le Comité va procéder, auprès de la population canadienne, à une large consultation. Or, l'équité est une des valeurs auxquelles nous sommes attachés. Le Comité a notamment pour mandat de favoriser la participation de personnes qui, depuis un certain temps, se désintéressent du processus politique. Il s'agit donc de rendre ce processus plus accessible et plus inclusif.
    Comment faudrait-il s'y prendre, d'après vous, pour renforcer l'action du Comité et aller au contact de ces personnes qui se sont détachées de la politique? Ma question s'adresse à ceux d'entre vous qui souhaiteraient y répondre.
    Quelle que soit la solution adoptée, l'important est d'assurer la plus grande participation possible des électeurs. Ainsi que mon collègue le disait tout à l'heure, la population agit par le truchement de ses représentants. J'appartiens moi-même à une minorité, et en plus je suis femme, et je crains que ce genre de chose reste à l'état d'épiphénomène. J'ai entendu hier aux actualités, après avoir regardé à la télévision la convention du Parti démocrate des États-Unis, qu'environ 80 pays ont déjà choisi une femme comme chef d'état ou de gouvernement, mais que moins de cinq d'entre eux ont élu à une deuxième reprise une femme à la tête du pays.
    Comment donc modifier le système afin que l'amélioration de la représentation ne soit pas quelque chose de simplement passager, mais devienne une valeur consacrée? Le Comité entend renforcer la participation de la population. Mais comment procéder?

  (1130)  

    Votre question comporte plusieurs volets, et dépasse le seul problème de la réforme électorale. Il s'agit, effectivement, de renforcer la représentation des communautés qui se tiennent à l'écart du processus politique, et de trouver le moyen de les en rapprocher. La réforme électorale fait partie des efforts en ce sens, mais le problème est beaucoup plus large que cela.
    Il va falloir, pour atteindre ceux qui se tiennent le plus à l'écart du processus politique, engager une stratégie à la fois conséquente et réfléchie. Il y aurait en cela plusieurs manières de procéder. Il me paraît intéressant qu'un des membres du Comité me pose une question qui lui a été twittée. C'est un formidable moyen de communication. On devrait sans doute y recourir davantage. Votre comité pourrait, par les médias sociaux, établir un plus large contact avec les divers secteurs de la population. À votre place, à l'étape suivante de vos travaux, j'emploierais ces médias pour multiplier les contacts avec la population en passant par l'intermédiaire d'organisations locales. Je suis favorablement impressionné, et aussi rassuré par le temps que le gouvernement et les partis d'opposition consacrent à la question. Je suis rassuré aussi par la volonté d'éviter les faux pas. Je comprends fort bien que les avis soient partagés sur la question, mais j'ai trouvé réconfortant que l'on ne soit pas sourd aux arguments de l'autre bord.
    Il sera bon de voir l'énergie avec laquelle le Comité ira au contact de la population. Son ouverture d'esprit et la transparence de son action sont deux autres sources d'assurance.
    Nous avons, au cours des dernières décennies, vu disparaître des institutions auprès desquelles la population savait pouvoir se procurer des informations non partisanes. Il est intéressant de noter que lorsqu'elle a envisagé la réforme de son régime électoral, la Nouvelle-Zélande a créé, pour l'éducation du public, une institution à laquelle le public savait pouvoir faire confiance, certain que l'information qui lui serait fournie serait parfaitement impartiale. Étant donné la méfiance qu'inspirent actuellement nos institutions démocratiques, il serait utile de pouvoir disposer de telles institutions.
    C'est une excellente idée. Hier, un de nos témoins a dit que ce genre d'initiative pédagogique devrait être prise par les partis politiques et par les médias, non par le gouvernement. J'en ai été choquée. Je suis de votre avis et j'estime, effectivement, que nous devrions aller au contact de la population et lancer auprès d'elle des initiatives pédagogiques. Vos idées me paraissent tout à fait intéressantes.
    Y a-t-il quelqu'un d'autre qui souhaiterait prendre la parole sur ce sujet?
    Monsieur Milner, je sais que vous vous intéressez à ce domaine.
    On s'y est pris de plusieurs manières. Ainsi, la Colombie-Britannique avait mis sur pied une grande commission de citoyens. Le Québec, lui, avait opté pour une commission mixte comprenant à la fois des représentants politiques et des citoyens. Plusieurs solutions sont possibles. Comme on l'a dit tout à l'heure, l'essentiel est de diffuser par tous les moyens possibles une information objective, non partisane, accessible, et de solliciter activement l'avis de la population. Or, les technologies de pointe rendent tout cela possible. On n'obtiendra cependant jamais des résultats parfaits et on n'aura jamais une population pleinement informée. Beaucoup de gens ont des préoccupations très éloignées de la réforme électorale. Mais, dans la mesure où l'on met efficacement en oeuvre les moyens nécessaires, le Comité fera d'après moi oeuvre utile.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant la parole à M. Kenney.
    Toujours sur le même sujet, c'est-à-dire la légitimité, je voudrais que nos témoins nous disent si, pour clarifier, auprès de la population, ces questions complexes, il serait préférable, afin d'assurer le caractère non politique, non partisan de la consultation, de réunir des assemblées de citoyens. Si je pose la question, c'est qu'au Canada, et notamment en Ontario et en Colombie-Britannique, on convoque, normalement, des assemblées de citoyens afin d'écarter du processus tous ceux qui ont, dans le régime électoral, un intérêt évident. Le Comité recevrait-il l'appui de nos témoins s'il recommandait la convocation d'une assemblée de citoyens à qui il appartiendrait d'étudier les diverses solutions qui s'offrent à nous en matière de réforme électorale?
    Pourrais-je répondre sur ce point?
    C'est une question qui m'intéresse particulièrement. J'ai en effet étudié de près les assemblées de citoyens qui ont été instituées en Colombie-Britannique, en Ontario et aux Pays-Bas. Il y a même un ouvrage, When Citizens Decide, consacré à la question. J'ai été très impressionné par la qualité des échanges, des débats au sein de ces trois instances — aux Pays-Bas, en Colombie-Britannique et en Ontario. À peu de chose près, c'est une très bonne solution. Mais le problème est qu'aucun représentant politique n'y a participé. Les citoyens ont débattu des diverses questions qui se posent, mais les partis politiques n'ont joué en cela aucun rôle et les idées qui ont été retenues ne tenaient par conséquent aucun compte des contraintes pratiques qui s'imposent au personnel politique.
    Je recommanderais pour ma part une solution plus proche de celle qui a été retenue en Irlande. Les Irlandais ont, en effet, institué une assemblée des citoyens à laquelle la population a été appelée à participer par tirage au sort, mais qui comprenait tout de même un petit nombre de parlementaires. L'idée me paraît intéressante.

  (1135)  

    Vous avez dit qu'en Irlande, les Teachtaí Dála, c'est-à-dire les députés, participent à cette assemblée de citoyens. Les députés au Dáil prennent bien, dites-vous, part à cette assemblée en Irlande?
    Vous avez eu l'occasion, hier, d'en interviewer deux, mais il y en avait un troisième, David Farrell, qui a, en fait, présidé cette commission. Si j'ai bonne mémoire, la commission était composée aux trois quarts de citoyens ordinaires, et pour un quart de parlementaires membres des divers partis. Des assemblées constitutionnelles ont ainsi été appelées à se pencher sur six ou sept grands sujets, et elles ont, sur chacun d'entre eux, formulé des propositions.
    Ici, certains membres du gouvernement, dont le premier ministre, se disent favorables au scrutin préférentiel. Or, selon certains, un tel régime aggrave ou accroît le problème du faux consensus. Cela est particulièrement vrai des partis centristes. D'après les sondages effectués lors des élections de 2015, et compte tenu de l'attribution des deuxièmes choix telle qu'elle aurait eu lieu selon le mode de scrutin préférentiel, l'actuel parti au pouvoir aurait obtenu un pourcentage des sièges encore plus grand, mais disproportionné.
    Nos intervenants pourraient-ils nous dire si le système de vote préférentiel pose effectivement un problème de fausse majorité?
    Je n'ai pour ma part jamais compris l'avantage qu'est censé représenter le vote préférentiel. Nous en connaissons en revanche les inconvénients, car avec ce mode de scrutin, les petits partis ont encore plus de mal à faire élire des représentants que sous le régime actuel. Cela donne donc un paysage politique moins diversifié. L'adoption de ce type de scrutin par certains pays visait en général soit à exclure des partis soi-disant extrémistes, soit à permettre à deux partis, assez proches l'un de l'autre, mais ne parvenant pas cependant à s'entendre, à exclure un troisième parti. Ainsi, en Australie, le National Party et le Liberal Party se sont entendus pour exclure le Parti travailliste. Autrement dit, j'estime que le principal avantage du scrutin préférentiel... On peut théoriquement dire que l'élu local issu d'un tel scrutin déplaît moins aux électeurs qu'il ne le ferait sous le régime actuellement en vigueur ici, où 40 % des électeurs peuvent s'être prononcés en sa faveur, alors que les autres 60 % le détestent. Mais une telle situation est tout à fait inhabituelle et je ne pense vraiment pas que l'on puisse choisir un régime électoral en se fondant sur de telles considérations. C'est essentiellement une dérobade et je ne vois pas très bien pourquoi on a même évoqué une telle solution. Si nous avions ici des partis extrémistes qui menaçaient de grossir et de saper les fondements... J'entends par partis extrémistes, des partis qui ne croient pas à la démocratie.
    Je vous remercie.
    Monsieur Aldag.
    Je voudrais vous faire part de certaines observations que j'ai relevées sur Twitter. La première est de Sebastian Muermann, selon qui « Il conviendrait de procéder par élimination et de voir quelles sont les solutions qui ne donneraient au Canada AUCUN bon résultat ». C'est une bonne manière de procéder et cela nous permettrait d'avancer. Certains nous ont effectivement dit qu'il conviendrait, non de présenter aux Canadiens tout un éventail de solutions possibles, mais de leur proposer un nombre plus restreint de possibilités. Un autre blogueur, Ken S., dit de certaines des solutions envisagées qu'il s'agit essentiellement de faux-fuyants et que certaines ne devraient même pas être évoquées.
    Je ne suis pour ma part pas porté à exclure d'emblée certaines solutions. Je me situe pour l'instant à un autre niveau d'abstraction. Je suis tombé sur quelque chose que M. Milner a écrit dans un article publié vers la fin du mois de janvier. Selon lui, si nous voulons avancer, nous allons devoir nous entendre sur un certain nombre de principes. M. DeCourcey a abordé la question des valeurs auxquelles nous sommes attachés, dont l'équité. En réponse à M. Cullen, M. Himelfarb a, lui aussi, insisté sur l'importance qu'il y a à nous entendre sur un certain nombre de principes.
    Pourriez-vous nous préciser de quels principes il s'agirait? Qui pourrait nous aider à les dégager, car il va bien falloir que les Canadiens adhèrent aux principes sur lesquels nous entendons nous baser. C'est en fonction de cela que nous déciderons des modes de scrutin qu'il convient d'écarter d'emblée et de ceux que nous pouvons envisager d'adopter.
    Je voudrais maintenant que chacun de nos intervenants nous précise les principes qu'il conviendrait, selon lui, de retenir, et aussi comment susciter la participation des Canadiens? On a dit aujourd'hui qu'il nous faut trouver un système qui soit conçu ici et qui réponde aux besoins propres du Canada. Or, d'après moi, les principes que nous allons dégager sont un élément essentiel de cette démarche.
    Je demande donc à chacun d'entre vous de nous préciser quels pourraient être ces principes. Qui d'autre pourrait contribuer à les définir? Je vous saurais gré de nous donner votre avis sur ce point.

  (1140)  

    D'après moi, les discussions abstraites conviennent davantage aux séminaires pour étudiants de troisième cycle. Pour que le débat soit utile, même sur le plan des principes, il faut, d'après moi, faire des propositions concrètes et inviter les participants à donner leur avis sur les diverses solutions envisageables, les principes retenus servant à orienter le débat. D'après moi, en demandant aux intervenants de définir eux-mêmes les principes, on place le débat sur un plan trop abstrait, car la plupart des gens n'ont pas l'habitude de ce genre de démarche. S'ils s'y font, c'est simplement parce qu'elle leur est imposée par la situation. Ce n'est pas conforme à leur mode de réflexion habituel.
    J'estime que les principes sont, en effet, d'une grande importance, mais la démarche que je viens d'indiquer me paraît être le meilleur moyen de les définir. Nous devrions, selon moi, expliquer le système actuellement en vigueur, et présenter les divers autres types de scrutins envisageables et qui, après discussion, rendent le mieux compte de notre point de vue et de celui des personnes venues nous exposer le leur. Ce n'est qu'alors que nous devrions porter ces propositions devant les électeurs et solliciter leur avis. Nous demanderons à ceux qui ont exprimé une préférence pour l'une ou l'autre des solutions proposées, de nous expliquer pourquoi, compte tenu des principes qui sous-tendent la discussion, telle ou telle solution leur paraît préférable. On remonte donc aux principes en partant de propositions concrètes, et non l'inverse.
    Je suis d'accord, même s'il est, d'après moi, très important de s'entendre sur les principes. Il importe de relier ces principes aux propositions concrètes qui sont faites, car l'essentiel est en fait la tension qui existe entre les divers principes. Prenons l'exemple de deux principes auxquels nous sommes tous, je pense, attachés. Le premier, l'obligation de rendre des comptes aux électeurs, et l'autre la représentativité. Nous sommes une démocratie représentative. La question est donc de savoir si vous êtes attachés à ces deux principes et à leur nécessaire équilibre. Quel est, d'après vous, le système qui les intègre le mieux? On s'aperçoit vite que certains principes sont en tension avec d'autres, et il s'agit alors de voir quels sont les systèmes qui parviennent le mieux à les équilibrer.
    J'estime pour ma part qu'il ne convient pas de partir des principes pour ne passer qu'après cela aux propositions concrètes. J'ai formulé, à l'intention de mes étudiants, une vingtaine de questions concernant les incidences des différents régimes électoraux. J'invite ceux que cela pourrait intéresser à assister à mon cours du jeudi matin. Vous n'avez qu'à m'envoyer un courriel. Je vous transmettrai alors une invitation et vous aurez l'occasion de voir comment mes étudiants envisagent la question.
    Il convient, en effet, d'étudier l'impact que telle ou telle solution pourrait avoir sur le nombre de partis, sur la durée du gouvernement au pouvoir, sur les liens entre les députés et les citoyens, sur la représentation des femmes, enfin sur tout un éventail de questions très précises. Ce n'est qu'après cela qu'il y a lieu de se pencher sur la question des valeurs. Mais débattons d'abord des conséquences concrètes des divers modes de scrutin.
     Je vous rappelle par ailleurs que vous êtes tous invités à participer au forum public prévu pour le 20 octobre. Il réunira quatre politicologues, chacun prônant un système particulier et faisant valoir les avantages qui s'y rattachent.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant la parole à M. Blaikie.

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'aimerais revenir sur la question du processus. Selon moi, cela comporte deux aspects. D'une part, il y a la façon dont nous devrions prendre une décision à la fin du processus, c'est-à-dire en nous basant sur une proposition concrète. M. Kenney en a parlé. D'autre part, M. Cullen a abordé brièvement la question visant à savoir comment nous pourrions en arriver à une proposition concrète et légitime.
    Le consensus, je crois, était qu'il serait préférable de présenter des idées et des questions concrètes aux Canadiens lors des consultations publiques du Comité au pays.
    Notre comité est assez particulier quant à sa composition. En ce sens, croyez-vous qu'à la fin de tout ce processus, nous devrions présenter le système qui, à notre avis, devrait être adopté par le gouvernement et décrire les qualités de ce système?

  (1145)  

    Si vous êtes en mesure de le faire, ce serait en effet la meilleure solution, même si quelques personnes risquent de ne pas être satisfaites. À mon avis, ce serait en effet souhaitable de proposer quelque chose de concret, s'il est possible de le faire. Cela ferait progresser les choses. Tous les détails ne pourraient pas être réglés, mais les grands principes et certains éléments fondamentaux pourraient être présentés. J'imagine que certains décideurs voudront maintenir le système tel qu'il est présentement. La discussion va progresser et les Canadiens pourront vraiment y participer.
    J'imagine que pour vous, les journalistes, cela vous aidera à rédiger vos articles ou à présenter à la télévision les enjeux de la question qui sera posée. Ce serait profitable aux Canadiens. Je pense qu'il est important d'aider ceux qui vont débattre de la question en leur fournissant autant que possible des éléments très clairs et concrets. Je vous encourage en ce sens.
    Le site Web du directeur des élections de l'Île-du-Prince-Édouard est un exemple intéressant. Il présente cinq options et une description brève, intéressante et concise de chacune de ces cinq propositions qui sont à l'étude. Disons que ce serait un point de départ.

[Traduction]

    Je suis du même avis que mes deux collègues. Dans l'idéal, on parviendrait à instaurer un processus qui soit à la fois transparent, crédible et capable de susciter une large participation. Il n'y aurait alors aucun besoin d'organiser un référendum. D'après moi, un tel processus permettrait de s'entendre sur un projet de réforme. Je ne méconnais pas les difficultés d'un tel exercice, mais il permettrait au moins d'aboutir à un certain consensus, car il va, me semble-t-il, être difficile de faire l'unanimité.
    [Note de la rédaction: inaudible] ... possible au Comité de s'entendre au moins sur le mécanisme permettant d'aboutir à un projet de réforme.
    Du simple point de vue de la manière de procéder, pensez-vous qu'il soit légitime que les propositions de réforme émanent du cabinet: « Étant donné que vous n'êtes pas parvenus à vous entendre sur un projet, voici ce que propose le Cabinet »?
    À supposer que ce soit effectivement les deux termes de l'alternative, leur reconnaît-on une légitimité essentiellement égale?
    Si le Comité ne parvient pas à dégager un consensus, sa crédibilité sera mise en cause. C'est pourquoi, avant de décider, il conviendrait d'abord de s'entendre sur le mécanisme permettant de définir un projet afin, justement, d'assurer la crédibilité de notre démarche.
    Dans ce cas-là, pourquoi ne pas adopter, avec les modifications qui s'imposent, l'approche proposée par l'Île-du-Prince-Édouard, qui consiste en cinq options, la tenue d'un plébiscite et un scrutin préférentiel. Les citoyens sont alors appelés à trancher dans le cadre d'un référendum?
    Permettez, cela revient à ce que je disais tout à l'heure: c'est-à-dire ne pas nécessairement procéder par référendum, mais organiser un référendum si cela paraît nécessaire.
    Je ne suis pas sur ce point, du même avis qu'André. La population de l'Île-du-Prince-Édouard est moins nombreuse que celle d'Ottawa. Si la ville d'Ottawa envisageait de modifier son mode de scrutin, elle pourrait, effectivement, soumettre au vote de sa population les diverses solutions envisageables. Mais même là, je ne pense pas qu'une majorité des habitants de la ville s'intéresseraient de près aux options qui leur seraient présentées.
    Mais s'agissant du régime électoral du pays tout entier, l'idée de demander aux Canadiens de choisir entre quatre ou cinq régimes qui sont, certes, différents, mais dont les différences revêtent un caractère essentiellement technique... Je ne pense pas que vous parviendrez en cela à retenir l'intérêt du public. Une telle approche ne me paraît pas la bonne.
    Je vous remercie.
    Monsieur Deltell.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur la question que M. Blais nous a posée plus tôt, de façon un peu oblique. J'y répondrai avec plaisir.
    Cependant, j'aimerais tout d'abord revenir sur la discussion que j'ai entamée plus tôt avec M. Milner.
    Monsieur Milner, nous disions donc qu'avec un vote proportionnel, certains députés seraient inévitablement élus directement par la population, alors que d'autres seraient élus différemment, mais siégeraient dans la même Chambre. Il en résulterait un système à deux niveaux. On peut parler ici de deux étages ou même de deux vitesses.
    Comment peut-on considérer légitime que, dans la même Chambre, il y ait deux classes de députés?

  (1150)  

    Notre ancien collègue Louis Massicotte, qui est maintenant à l'Université Laval, a travaillé avec la commission au Québec. Il connaît très bien le système de l'Allemagne, puisqu'il y a effectué plusieurs visites. Il a tenu des consultations avec les députés allemands et a constaté que ce système fonctionnait très bien.
    Les responsabilités sont divisées. Les électeurs peuvent recourir à leur propre député de circonscription ou à l'un des partis qu'ils favorisent et qui se trouvent sur la liste. Les candidats préfèrent se faire élire dans une circonscription, mais s'ils n'y sont pas élus, ils se font élire et inclure dans la liste. Ils essaient alors de se faire connaître en travaillant pour les gens, de sorte que, s'il y a une ouverture dans l'une des circonscriptions la fois suivante, ils peuvent se présenter.
    M. Massicotte n'a relevé aucune contradiction, aucun problème dans le fait qu'il y ait deux types de députés.
    Je vous remercie, monsieur Milner.
    Le professeur Massicotte s'est basé sur l'Allemagne, où ce même système existe depuis environ 70 ans. Les Allemands ont donc, depuis environ 70 ans, cette tradition qui est démocratique. On s'entend pour dire qu'auparavant, c'était tout sauf démocratique. Or ce n'est pas vraiment le cas au Canada.
    Nous aurons l'occasion d'y revenir.
    Une adaptation est nécessaire dans le cas de n'importe quel changement, mais il n'y a aucune raison de croire que nous ne pourrions pas nous adapter.
    Je le sais, mais malgré tout le respect que je vous dois, je souligne que ni M. Massicotte ni vous n'avez été élus députés dans une circonscription, n'avez travaillé directement et quotidiennement avec les gens de votre circonscription ou n'avez fait office de courroie de transmission entre l'autorité municipale et le gouvernement fédéral. Un député dûment élu dans une circonscription qui assure un lien direct avec ses concitoyens, ses institutions et l'autorité fédérale jouit d'une autorité beaucoup plus importante qu'un député élu dans une région à partir d'une liste quelconque. Mon expérience parle d'elle-même.
    Lorsqu'une ville est désormais considérée comme une région, il est possible d'être député d'une circonscription qui fait partie de cette ville, mais pas de toute la ville. À mon avis, si vous faites partie d'une équipe qui représente les élus, la ville sera beaucoup mieux représentée.
    Bien sûr, il y a toujours des compromis à faire. Par contre, selon moi, il n'y a aucune raison de croire que le système compensatoire serait moins favorable à la représentation.
    On pourrait poursuivre cette discussion...
    Non, vous avez exprimé votre point de vue et je vous ai laissé le temps de le faire. Le praticien que je suis a présenté son point de vue aussi. J'ai une certaine autorité morale à cet égard du fait que j'ai été dûment élu quatre fois par la population. Je sais donc ce que signifie travailler auprès des gens, directement.
    Il arrive souvent que des gens provenant d'autres circonscriptions viennent me voir ou que je dirige des gens vers d'autres collègues parce qu'ils partagent certaines affinités. Nous, les 338 députés de la Chambre des communes, sommes fondamentalement les représentants de nos circonscriptions et, d'abord et avant tout, des citoyens de ces circonscriptions.
    Monsieur Blais, vous avez dit plus tôt souhaiter que tous les partis soutiennent le référendum et qu'ils arrivent à être d'accord si le référendum amène un changement. Vous avez nommément parlé de mon parti, c'est-à-dire le Parti conservateur.
    Monsieur Blais, je peux vous assurer et assurer tous les Canadiens qui nous écoutent d'une chose. Si, d'aventure, il y a un référendum, ce que nous souhaitons ardemment, et que les résultats de ce dernier sont favorables à un changement, nous allons l'accepter. Nous ne sommes pas des démocrates à géométrie variable. On ne peut pas être en faveur d'une décision et faire un référendum ou, comme certains, dire qu'il ne vaut pas la peine de faire un référendum, parce que cela ne passera pas. C'est ce que j'appelle de la démocratie à géométrie variable.
    Quand on est démocrate, on consulte la population et on croit en sa bonne volonté. Qui sommes-nous pour dire qu'il ne vaut pas la peine de faire un référendum parce que la population ne sera pas de notre côté? C'est une attitude un peu trop hautaine.
    J'aimerais profiter des quelques instants qu'il nous reste, monsieur Blais, pour vous demander de nous parler du vote préférentiel.
    Nous n'avons pas vraiment le temps de nous engager dans un sujet aussi...
    Êtes-vous pour ou contre?
     Cela dépend à quoi on le compare. Je crois que, par rapport au système actuel, le vote préférentiel serait préférable du point de vue de l'électeur, car celui-ci pourrait exprimer plusieurs préférences et non pas une seule. Cela ferait aussi en sorte que les candidats élus aient l'appui de la majorité des gens. J'y vois deux avantages.

  (1155)  

    D'accord, merci.
    Madame Romanado, vous avez la parole.

[Traduction]

    On m'accuse parfois d'être un peu trop direct, et je tiens donc par avance à m'en excuser.
    Nous recueillons depuis plusieurs semaines déjà des témoignages sur la question et nous sommes, je crois, tous d'accord pour dire qu'il n'y a pas de mode de scrutin idéal. Nous l'avons entendu dire à de multiples reprises.
    On nous a confié un mandat qui nous engage sur des principes très précis, dont l'efficacité, la légitimité, la participation, la facilité d'accès, l'inclusion, l'intégrité et la représentation locale. Ce sont là les principes qui doivent orienter l'action du Comité. Il nous est demandé de définir les arrangements qui intègrent ces principes directeurs et de proposer un autre mode de scrutin. Or, selon moi, le vote préférentiel ne satisfait pas à cet ensemble de conditions. Ce mode de scrutin n'est envisageable que dans un monde idéal.
    On a appris aujourd'hui qu'un système de représentation proportionnelle augmenterait peut-être de 3 % le taux de participation électorale. C'est dire que l'adoption d'un tel système ne permettrait pas d'accroître sensiblement la satisfaction des électeurs. On nous a présenté les avantages et les inconvénients des divers modes de scrutin et, aujourd'hui, on a fait valoir les avantages de la représentation proportionnelle.
    Permettez-moi maintenant de prendre le contre-pied et de vous demander quels pourraient être, au regard des principes directeurs rappelés tout à l'heure, les inconvénients de la représentation proportionnelle. Il serait utile d'envisager la question sous cet angle.
    Nous tentons de voir quels sont les régimes électoraux qui ne donneraient pas de bons résultats au Canada et je souhaiterais entendre à la fois le pour et le contre.
    Je vous remercie.
    Je suis, avec Alex, de ceux qui pensent que le système que nous proposons est préférable aux autres. Aucun régime électoral n'est entièrement satisfaisant, mais le système que nous prônons me paraît mieux adapté à la situation. Compte tenu des réalités canadiennes, un tel régime donnerait, selon moi, des résultats très intéressants.
    Je m'explique. Prenons les choses telles qu'elles sont. Voyons un peu si des régimes parlementaires autres que le Canada ont adopté le scrutin uninominal majoritaire à un tour. Il n'y en a presque pas. La Grande-Bretagne, dont nous tirons nos institutions, l'Irlande du Nord, l'Écosse, le pays de Galles et Londres ont tous opté pour la représentation proportionnelle.
    De tous les pays, le Canada est celui qui a fait le moins d'efforts pour mettre à jour son régime électoral.
    Monsieur Milner, je vais hélas devoir vous interrompre, car nous sommes à court de temps.
    Je sais que le scrutin uninominal majoritaire à un tour présente des inconvénients. Mais quels seraient, pour le Canada, les inconvénients de la représentation proportionnelle?
    Permettez-moi de terminer.
    Nous nous sommes penchés sur le cas de divers autres pays. Dans certains, le pouvoir tend à rester aux mains de coalitions regroupant les mêmes partis. Certains voient d'un très bon oeil ces grandes coalitions. C'est le cas en Finlande où les divers partis ont tendance à collaborer. C'est aussi souvent le cas en Allemagne. Mais certains jugent cela regrettable, car un tel système ne laisse pas s'exprimer une vigoureuse opposition politique.
    Il y a bien des aspects de la représentation proportionnelle que nous pourrions étudier afin de voir ceux qui ne sont guère envisageables. J'estime, pour ma part, que nous pourrions probablement concevoir un mode de scrutin permettant d'éviter ces inconvénients.
    Permettez-moi d'ajouter une dernière chose puisque je suis à court de temps. Selon une consultation menée auprès de quelque 169 experts électoraux appartenant à divers pays, environ 75 à 80 % d'entre eux sont favorables à la proportionnelle, plus de la moitié de ceux-ci optant pour un système de représentation proportionnelle mixte. J'insiste bien sur le fait que c'est l'avis des experts.
    Vous pouvez nous accuser de parti pris, mais ce fait me paraît important. Les pays ont dans l'ensemble opté pour la représentation proportionnelle. Ce mode de scrutin a par ailleurs la faveur de la majorité des experts, qui optent en outre pour un régime de représentation proportionnelle mixte.
    Monsieur Himelfarb, il nous reste quelques instants.
    C'est d'après moi un argument qui se défend.
    Je dois dire que je suis de l'avis d'Henry sur ce point. La représentation proportionnelle est un bien meilleur système et il serait regrettable de ne pas l'adopter ici.
    Cela dit, il n'est pas faux que, quel que soit le régime retenu, il va falloir faire des compromis. Tout dépend de la manière dont le mode de scrutin est agencé. Il va falloir, notamment, régler la question de la taille des circonscriptions électorales, surtout dans les régions où la population est dispersée. Nous allons devoir innover et concevoir un régime électoral qui tienne compte de la diversité de notre pays, y compris des différences entre zones urbaines et zones rurales.
    Je rappelle que Jean-Pierre Kingsley a beaucoup réfléchi aux diverses solutions envisageables. Je sais aussi que Représentation équitable au Canada se penche actuellement sur les modes de scrutin qui permettraient d'améliorer la proportionnalité tout en respectant les différences entres zones urbaines et zones rurales.

  (1200)  

    Je vous remercie.
    Nous avons terminé à midi pile et je tiens à vous remercier, chers collègues et chers témoins, de votre collaboration.
    La séance n'est cependant pas encore terminée. Il est clair que vous en avez été les vedettes.
    Avant de lever la séance et de laisser la place aux photographes, je tiens à rappeler aux membres du Comité, à ceux que cela intéresse — et je crois savoir que vous pourrez presque tous venir — que nous devons nous retrouver ici à 13 heures pour...
    N'oubliez pas vos iPads.
    Oui, apportez vos iPads si vous le pouvez. Nous allons mettre à l'essai le questionnaire électronique.
    Oui, monsieur Reid.
    Monsieur le président, il s'agit d'une sorte de rappel au Règlement.
    Je voudrais simplement savoir si...
    Une sorte de rappel?
    Un président compréhensif y verrait, effectivement, un rappel au Règlement. Or, je sais combien vous êtes compréhensif.
    En cours de séance, j'ai cité une étude de M. Milner, et M. Blais a, lui, cité plusieurs autres études. Pourrions-nous leur demander...
    Bien sûr.
    ... d'en remettre une copie à nos analystes afin de les ajouter à la documentation.
    Tout à fait. Nous vous saurions gré de nous en remettre un exemplaire.
    Je vais donc, sans plus tarder, clore la séance. Nous nous retrouverons ici à 13 heures.
    Je vous remercie.
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