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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 114 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 octobre 2018

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions aujourd’hui les défis en santé mentale auxquels sont confrontés les agriculteurs, éleveurs et producteurs canadiens.
    Au cours de la première heure, nous accueillons Mme Lisa Ashworth, administratrice, Région 6, du Conseil d’administration de l’Alliance agricole du Nouveau-Brunswick, ma province. C’était l’ancienne région de M. Harvey.
    Nous accueillons également Shawn Brook, président de Issues Ink, par vidéoconférence de Winnipeg, au Manitoba et Devyn Brook, gestionnaire de communauté de la Do More Agriculture Foundation.
    De plus, nous accueillons Eduardo Huesca des Centres de santé des travailleurs de l’Ontario, il est coordonnateur de la sensibilisation et des programmes communautaires, Programme des travailleurs agricoles saisonniers, Hamilton; et Michelle Tew, infirmière en santé du travail, de la Clinique de Hamilton.
    Bienvenue à tous. Nous allons commencer par des déclarations préliminaires de six minutes.
    Madame Ashworth, voulez-vous commencer? Merci.
    Bonjour à tous.
    Comme vous venez de l’entendre, je m’appelle Lisa Ashworth et je suis heureuse de m’adresser à vous aujourd’hui au nom de l’Alliance agricole du Nouveau-Brunswick. Notre organisation porte la voix des agriculteurs de notre province. Il se trouve que la santé mentale est un sujet dont nous avons beaucoup parlé dernièrement, en nous interrogeant sur ce que nous devons faire et comment y parvenir.
     Il est encourageant de voir que les producteurs commencent à reconnaître publiquement que bon nombre d’entre nous et de nos collègues ont des problèmes de santé mentale, mais cela met aussi en lumière le fait que les problèmes auxquels fait face le secteur agricole sont uniques et qu’il y a de nombreuses lacunes et défaillances dans les services offerts quand les producteurs demandent de l’aide.
    Lorsque j’ai reçu le courriel me demandant de faire cette présentation, il y a quelques jours, j’ai ri parce que j’avais l’impression que cela correspondait typiquement au stress que connait une famille agricole. Votre journée est bien remplie. Vous êtes en retard. Vous avez des échéances que vous ne respectez pas, puis vous vérifiez vos messages et on vous demande de faire une chose de plus. Vous dites: « Bien sûr, j’aimerais bien le faire », parce que c’est important et parce que quelqu’un doit le faire. Les agriculteurs et leurs familles sont des gens qui font avancer les choses. C’est notre culture, mais cette solide éthique professionnelle se paie souvent au prix fort. Nous commençons enfin, heureusement, à parler de ce prix.
    En faisant quelques recherches, j’ai noté avec intérêt que, quelle que soit la revue scientifique, les auteurs des articles reconnaissaient tous que les agriculteurs sont à risque élevé d’avoir ou de développer des problèmes de santé mentale en raison de la nature unique de leur travail.
     On trouve dans l’International Journal of Social Psychiatry un article de 2005 qui commence en déclarant que « les agriculteurs connaissent l’un des taux de suicide les plus élevés tous secteurs confondus et il y a des preuves que les agriculteurs sont plus à risque de développer des problèmes de santé mentale ».
    Plus loin de nous, le Scandinavian Journal of Work, Environment & Health a conclu un article en déclarant que « les agriculteurs étaient plus susceptibles d’avoir des taux de dépression plus élevés que les autres groupes professionnels, mais aussi que leurs frères et soeurs qui ne travaillaient pas comme agriculteurs ».
    Si toutes les recherches démontrent que notre profession nous prédispose à des problèmes de santé mentale, la première étape évidente consiste à nous demander « Pourquoi? » et c’est ce que nous faisons. Un article de 2013, portant sur les conditions de travail psychosociales, la santé mentale et le stress des producteurs laitiers, à l'échelle internationale a attiré mon attention. Il porte un titre marquant: « International Perspectives on Psychosocial Working Conditions, Mental Health, and Stress of Dairy Farm Operators ». Il contient des renseignements que vous avez déjà entendus de la part de témoins précédents. L'article dit:
Les exploitants de fermes laitières [...] sont confrontés à de nombreuses demandes et à de nombreux facteurs de stress dans leur travail quotidien [...] les fermes dépendent beaucoup des conditions extérieures, comme les conditions météorologiques, les fluctuations des marchés et la réglementation fixée par les autorités gouvernementales. Parmi les facteurs de stress externes possibles, mentionnons les épidémies, les questions fiscales et les attitudes négatives récentes de la société à l’égard de l’agriculture... Des exigences et des attentes professionnelles élevées, associées à un faible contrôle et à un manque de soutien social, peuvent mener à un milieu de travail psychosocial médiocre, à des niveaux de stress accrus, à une mauvaise santé mentale, à la dépression et, dans les pires cas, au suicide.
    Je ne veux pas faire perdre de temps au Comité en répétant ce que vous ont déjà dit les témoins précédents, mais il est important de noter qu'en lisant les délibérations, la plupart des choses que j’avais notées comme étant prioritaires dans mon intervention ont été biffées de la liste parce qu’elles avaient déjà été mentionnées.
    Cela met en évidence le fait que nous sommes un pays diversifié où les entreprises et la géographie sont très différentes, mais les problèmes liés à la santé mentale sont en fait très semblables. Nous avons des guerres commerciales. Nous avons des accords commerciaux. Nous avons des taux d’intérêt. Beaucoup de culpabilité liée au fait d’essayer de trouver un équilibre entre le travail et la famille. La plupart d’entre nous vivons sur notre lieu de travail. La liste des facteurs de stress est très longue et la question suivante est: « Qu’allons-nous faire pour que cela change? »
    Pour revenir au Nouveau-Brunswick, nous n’avons encore rien fait, mais nous essayons. Nous n’avons pas de programme de sécurité agricole ni de services de santé mentale organisés. Nous sommes une très petite province, alors les ressources sont toujours un défi. Nous avons décidé d’essayer de travailler ensemble. Dans l’Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse des accès à des services de conseils sont offerts aux membres des fédérations d’agriculture. Ces deux provinces ont également des ressources assignées aux programmes de sécurité agricole.
    Nous avons convenu d’une approche régionale en matière de sécurité agricole, de partage des connaissances et de programmes, dans la mesure du possible. Au Nouveau-Brunswick, l’Alliance croit fermement que les initiatives en matière de santé mentale relèveraient naturellement de la sécurité agricole.
    Comme d’autres témoins l’ont déjà mentionné au Comité, nous pensons que l’adoption d’une approche coordonnée par le gouvernement fédéral en matière de développement et de prestation des ressources en santé mentale est souhaitable. Cela élimine le dédoublement et le gaspillage de ressources précieuses et fait en sorte que les petites provinces et les régions éloignées aient ce dont elles ont besoin pour soutenir leurs producteurs et leurs familles.

  (0850)  

     Pour obtenir des bienfaits à l’échelle nationale, nous avons besoin de plus de gens formés en premiers soins en santé mentale et nous avons besoin d’un accès fiable à des réseaux à large bande. Les services de télésanté et de vidéoconférence pourraient être essentiels dans les régions éloignées, si le service Internet était fiable et à haute vitesse.
    Pour terminer, j’aimerais poser une question qui découle de l’expérience personnelle de notre famille en matière de services de santé mentale au cours des derniers mois. Pourquoi les soins primaires en santé mentale ne sont-ils pas couverts par l’assurance-maladie de la même façon que la santé physique? Des interventions rapides font non seulement économiser de l’argent au système d’assurance-maladie à long terme, mais elles sauvent aussi des vies.
    Je tiens à vous remercier d’avoir consacré du temps à cette question et j’ai hâte de connaître les mesures qui découleront de ces discussions.
    Merci, madame Ashworth.
    De Issues Ink, nous accueillons M. Shawn Brook et Mme Devyn Brook.
    Vous avez six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je tiens d’abord à dire que je ne suis pas un professionnel de la santé mentale. Je suis communicateur. La communication dans le secteur agricole me passionne et me tient à coeur.
    J’ai grandi dans une petite ferme dans le sud du Manitoba. J’ai pu voir les agriculteurs vivre des moments difficiles, s’entraider et trouver les solutions par eux-mêmes, parce que c’est ce qu’on nous a appris à faire. On nous a appris à nous débrouiller et si nous ne trouvions pas la solution par nous-mêmes, à y retourner et à enfin trouver la solution par nous-mêmes. C’est la culture qui nous a été inculquée et c’est cette culture qui nous a rendus forts.
    C’est aussi cette culture qui nous met dans une situation difficile lorsque la maladie mentale entre en jeu. Je pense que c’est la raison pour laquelle le volet communication en matière de santé mentale et de partage est si essentiel.
    Au nom du partage d’expériences, cela fait six ans que je participe au débat sur la santé mentale à différents titres.
    Ces trois dernières années il a moins été question de partager les histoires des autres que de partager les miennes.
    Voici presque trois ans, ma mère a mis fin à ses jours. Depuis, la santé mentale n'est plus uniquement l'objectif de mon travail, elle est désormais le cœur de tout ce que je fais.
    Nos histoires sont vraiment le ciment qui nous unit. Elles nous permettent d’avoir des conversations au-delà des différences et d’établir des relations et de la confiance. Nos histoires rayonnent pour qu’une autre âme en difficulté sache qu’elle n’est pas seule.
    Toute ma vie, j’ai été attiré là où le soutien était le plus nécessaire. À l’heure actuelle, c’est la santé mentale en agriculture qui nécessite le plus de soutien. Il faut rappeler aux gens de ce secteur qu'ils ne sont pas seuls.
    Plutôt que de vous citer des statistiques, mon objectif était de partager une histoire. J’ai animé cette année une discussion en groupe avec deux jeunes femmes incroyables, Kim Keller et Lesley Kelly, de la Do More Agriculture Foundation, lors d’une réunion de technologie agricole à Edmonton.
    Nous n’avions aucune idée du nombre de producteurs qui seraient intéressés par cette conversation. Nous n’avions aucune idée du taux de participation, mais l’organisateur voulait que ce débat ait lieu.
    On nous a placés dans une grande salle de conférence et nous l'avons vu se remplir, certains visages était familiers, mais beaucoup ne l'étaient pas. Tous étaient là pour avoir cet échange.
    J’avais prévu de commencer par trois questions. Chacune d’entre elles était un filet de plus en plus grand pour amener le public à voir l’impact de la maladie mentale.
    Ma première question était la suivante: qui connaît quelqu’un qui s’est suicidé? Pratiquement toute la salle s’est levée. J'en ai encore des frissons. J’étais sidéré, dévasté et le coeur brisé, mais j’étais devant des centaines de personnes et nous devions continuer. Heureusement, j’étais avec deux des femmes les plus fortes et les plus impressionnantes que j’aie jamais rencontrées. Ensemble, nous avons discuté de la santé mentale en agriculture.
    Après la séance, une fois nous avions quelque peu retrouvé nos esprits, je me dirigeais vers la réunion suivante et j’ai vu un homme âgé qui se dirigeait vers moi. Je me suis dit, bon sang, que va me dire ce monsieur?
    Il m’a tendu la main et m’a dit: « Merci. Merci pour cette séance et merci de m’avoir sauvé la vie. » J'ai bafouillé un commentaire du genre: « Pardonnez-moi? » et il a donné ce qui semblait être une explication mûrement réfléchie. Il a dit: « Après avoir entendu cet exposé, je vais trouver un professionnel à qui parler. J’ai des difficultés et je ne voulais pas l’admettre. Merci. »
    Cela m’a amené à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aider les gens à comprendre ce que c’est que de souffrir d’une maladie mentale, pour soutenir les gens qui souffrent et de travailler aussi fort que possible à mettre en place les ressources nécessaires pour changer les choses.

  (0855)  

     La Dre Andria Jones-Bitton, de l’Université de Guelph, a récemment mené une étude nationale sur la santé mentale des agriculteurs. L’enquête s’est déroulée de septembre 2015 à janvier 2016 et comprenait des agriculteurs de tout le Canada. Elle a constaté que 35 % des répondants répondent à la définition de dépression, 45 % répondent à la classification de stress élevé et 58 % répondent à la définition d’anxiété. Le plus préoccupant, cependant, c’est que 40 % des agriculteurs se sentaient mal à l’aise de demander de l’aide professionnelle par crainte de ce que les gens pourraient penser. Cela montre qu’il ne s’agit pas seulement d’une question individuelle, mais d’un débat culturel qui entoure l’industrie à l’heure actuelle et à laquelle nous pouvons participer.
    La demande pour que les choses aillent plus loin est à l’origine de Do More Agriculture Foundation, est un organisme pancanadien sans but lucratif qui fait la promotion du bien-être mental de tous les producteurs canadiens. Nous nous efforçons de créer une culture dans l'agriculture par laquelle tous les producteurs canadiens sont autonomes, soutenus et soucieux de leur bien-être mental. Do More Agriculture Foundation a trois grands objectifs: sensibiliser, renforcer la communauté et soutenir la recherche.
    À quoi cela ressemble-t-il en action? L’une de nos initiatives les plus stimulantes a abouti à un partenariat avec Financement agricole Canada appelé le fonds communautaire, qui vise à confier les premiers soins en santé mentale aux collectivités partout au Canada. Nous ne savions pas si les gens allaient présenter une demande pour le fonds communautaire et nous avons été sidérés par le fait que plus de 100 participants, ou plus de 100 communautés de l'ensemble du Canada ont fait une demande au fonds communautaire pour apporter les premiers soins en santé mentale à leurs communautés.
    Nous sommes très enthousiastes à l’idée que de telles choses se produisent et que nous puissions renforcer les capacités de notre industrie afin de ne pas dépendre uniquement de l’équipe d’intervention en cas de crise. Nous dépendons des collectivités individuelles pour venir en aide aux voisins, aux amis et aux familles de façon nouvelle et améliorée, mais aussi pour leur donner tous les outils nécessaires pour gérer et soutenir une personne aux prises avec des problèmes de santé mentale.
    Merci beaucoup, monsieur et madame Brook.
    Nous passons maintenant aux Centres de santé des travailleurs de l’Ontario. Monsieur Huesca et madame Tew, vous avez six minutes.
    Je m’appelle Eduardo Huesca et je travaille pour les Centres de santé des travailleurs de l’Ontario, le CSTO, un réseau de cliniques financées par le ministère du Travail de l’Ontario comme ressource gratuite pour les travailleurs de l’Ontario et leurs employeurs.
    Plus précisément, je suis le coordonnateur du programme des travailleurs agricoles saisonniers du CSTO, qui existe depuis 2006. Je suis accompagné de ma collègue Michelle Tew, infirmière en santé du travail qui travaille à notre programme depuis ses débuts.
    Notre programme fonctionne directement avec les travailleurs agricoles saisonniers de l’Ontario afin de mieux comprendre leurs expériences de travail, de cerner les principaux problèmes de santé au travail qui les touchent et de répondre par des initiatives, des recommandations, des ressources pédagogiques adaptées à la langue et à la culture qui sont utiles à ces travailleurs et à leurs employeurs pour appuyer la Santé et la sécurité au travail à la ferme.
    Grâce à notre travail, nous avons cerné les problèmes de santé mentale qui touchent les travailleurs agricoles saisonniers de l’Ontario. Nous constatons également que ces résultats se reflètent dans un nombre croissant de recherches effectuées par des universités de premier plan partout au Canada. Plus récemment, des données cliniques ont également commencé à émerger d’un nombre croissant de centres de santé communautaires de l’Ontario qui gèrent des cliniques de soins de santé primaires spécialisées pour les travailleurs saisonniers dans ces régions. Ces données identifient également la détresse mentale chez ces travailleurs.
    De plus, à l’instar des conclusions présentées sur le manque ou les limites du soutien en santé mentale actuellement offert aux agriculteurs, nous avons constaté, dans le cadre de notre travail, des difficultés à trouver des ressources en santé mentale pour aider les travailleurs agricoles saisonniers dans les régions rurales locales où ces travailleurs résident.
    Notre intention aujourd’hui n’est pas d’essayer d’éclipser ou d’occulter l’importance de comprendre la santé mentale des agriculteurs canadiens et d’y répondre. Grâce à notre travail, nous reconnaissons les défis extrêmement difficiles auxquels font face les agriculteurs et améliorons notre connaissance à cet égard. Nous reconnaissons leur résilience et leur force, et nous tenons à remercier les agriculteurs qui ont déjà témoigné devant le Comité et qui ont parlé de leur expérience de ces questions.
    Nous tenons également à féliciter les responsables d’initiatives importantes qui leur ont apporté un soutien essentiel. Nous avons travaillé fort pour gagner la confiance des agriculteurs de l’Ontario et nous considérons notre programme comme un soutien pour eux. Bon nombre des agriculteurs avec qui nous travaillons, qui nous invitent dans leurs fermes à présenter nos séances d’information aux travailleurs agricoles saisonniers qu’ils embauchent, ont été soulagés d'établir des liens avec nous après avoir éprouvé de grandes difficultés à trouver des ressources efficaces en matière de Santé et de sécurité au travail pour répondre aux besoins particuliers des travailleurs agricoles saisonniers et s’acquitter de leurs responsabilités législatives envers eux en qualité d’employeurs.
    Aujourd’hui, nous avons l’intention de nous faire l’écho du témoignage du Dr Patrick Smith, chef de la direction nationale de l’Association canadienne pour la santé mentale, qui nous rappelle de ne pas oublier l’expérience des travailleurs agricoles saisonniers dans le cadre de cet examen.
    Encore une fois, nous ne voulons absolument pas laisser entendre que les agriculteurs et les travailleurs agricoles saisonniers sont en concurrence pour être l'objet de nos préoccupations, nous voulons plutôt reconnaître l’occasion qui s’offre à nous de chercher à mieux comprendre les problèmes de santé mentale auxquels est confrontée l’industrie agricole et de relever le défi de trouver des solutions pour ce secteur qui ne laissent personne pour compte.
    La santé mentale des agriculteurs et celle des travailleurs agricoles saisonniers qu’ils embauchent sont liées. Nous avons eu des conversations fructueuses avec la Dre Andria Jones-Bitton et son équipe de l’Université de Guelph sur le fait que, tout comme les problèmes de santé mentale d’un agriculteur ont des effets directs sur sa famille, ils peuvent aussi avoir des répercussions sur les travailleurs qu’il gère. De même, un travailleur qui éprouve des problèmes de santé mentale peut affecter son employeur.
    Il y a deux ans, nous avons reçu un appel d’un membre de la collectivité de Carlisle, en Ontario, entre Hamilton et Guelph, qui soutenait une agricultrice très désemparée après qu’un des travailleurs agricoles saisonniers qu’elle employait ait été hospitalisé suite à un empoisonnement à l’alcool lié à une dépression progressive. La dépression du travailleur avait atteint ce niveau de crise après le décès soudain d’un membre de sa famille proche et la prise de conscience qu’il ne pourrait peut-être pas retourner dans sa famille au Mexique avant la fin de la saison sans risquer de perdre son emploi sur la ferme ontarienne. Après coup, ses collègues ont constaté qu’ils avaient vu des symptômes de détresse chez cette personne, mais l’agricultrice a admis qu’elle ne les avait pas remarqués. Elle a été réveillée en pleine nuit, a dû appeler les services d’urgence, communiquer avec le consulat mexicain et trouver un moyen de soutenir les autres travailleurs qui avaient été témoins de la situation. Elle a été très éprouvée par cette expérience.
    Une stratégie de soutien en santé mentale pour les agriculteurs qui offre, par exemple, de l’éducation sur les signes et symptômes de détresse mentale pourrait non seulement aider les agriculteurs à reconnaître et à comprendre les sentiments qu’ils peuvent ressentir ou reconnaître le comportement d’un mari, d’une épouse, d’un partenaire, d’un ami ou d’un voisin, mais aussi, si les travailleurs agricoles saisonniers sont inclus dans ce tableau comme étant potentiellement à risque, pourrait aider les agriculteurs à prévenir les crises de santé mentale chez les travailleurs qu’ils embauchent.
    Nous appuyons les recommandations qui ont été présentées jusqu’ici à ce comité par des experts dans ce domaine. Cependant, nous suggérons de tenir compte de l’expérience des travailleurs agricoles saisonniers pour les inclure dans ces recommandations afin de mieux comprendre ce tableau et d’élaborer des réponses et des solutions inclusives.
    Qu’il s’agisse de demander du financement pour la recherche dans ce domaine, y compris la recherche axée sur la santé mentale des agriculteurs ainsi que sur la santé mentale des travailleurs agricoles saisonniers ou peut-être la recherche innovante qui examine les recoupements entre les problèmes de santé mentale des deux groupes, cette inclusion et l’exploration possible des points communs et des différences pourraient permettre une meilleure compréhension entre ces groupes, créant un espace pour des recommandations qui pourraient s’appuyer mutuellement.

  (0900)  

     Dans le cas du travailleur sur le terrain qui rencontre l’agriculteur chez lui pour fortifier sa santé mentale, on peut imaginer qu'il amène avec lui un traducteur parlant l'espagnol ou le thaïlandais, par exemple, et qui connaisse bien les travailleurs agricoles migrants, pour ensuite envisager de l'envoyer auprès de travailleurs migrants susceptibles d'être intéressés.
    Que le travailleur sur le terrain rende visite à l’agriculteur et au travailleur agricole migrant le même jour ou à des occasions distinctes, selon ce qu'on jugera le plus efficace, nous espérons, dans ce cas, que ce double objectif de soutien découlera de la même initiative pour qu'il soit possible de tirer parti de la collaboration avec les deux groupes et de favoriser ainsi une plus grande empathie, voire de créer un espace pour les relations entre agriculteurs et travailleurs agricoles de plus en plus sensibles à l'importance de la santé mentale.
    Pour terminer, je dirais que les programmes permettant l’embauche de travailleurs migrants au Canada étaient, en eux-mêmes, une solution fédérale au stress vécu par les agriculteurs canadiens en raison des pénuries de main-d’oeuvre dans ce secteur. Par conséquent, d’une certaine façon, les travailleurs agricoles migrants font partie de cette conversation et de la solution aux problèmes de santé mentale des agriculteurs. Cela étant, nous espérons pouvoir envisager d'inclure ces travailleurs dans nos préoccupations concernant la santé mentale dans le secteur agricole et dans notre recherche de mesures efficaces grâce à la compréhension des enjeux. Il en résulterait une stratégie visant à soutenir un secteur agricole en bonne santé pour tous les intéressés.
    Merci.

  (0905)  

    Merci, monsieur Huesca.
    Nous allons maintenant commencer notre série de questions. Monsieur Berthold, vous avez six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Dans quelques instants, je vais laisser la parole à mon collègue M. Shipley, mais juste avant, monsieur le président, j'aimerais demander à nouveau à mes collègues s'ils veulent que nous invitions le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire à comparaître dans le cadre de cette étude. Comme vous le savez, le débat sur cette motion a été ajourné à deux reprises à ce sujet.
    J'aimerais beaucoup que nous reprenions ce débat, monsieur le président.

[Traduction]

    Est-ce que cette motion suscite un débat?

[Français]

    Je tiens à souligner que j'ai rencontré le ministre, et il a semblé très surpris de ne pas avoir été invité à cette rencontre. Je pense qu'il a beaucoup à dire sur ce sujet. Les membres du Comité sont-ils intéressés à débattre de cette motion?

[Traduction]

    Est-ce que quelqu'un souhaite ouvrir ce débat?
    Monsieur Poissant.

[Français]

    Le ministre va venir nous rencontrer. Il vient toujours nous parler du budget, et quand il le fera, ce sera le moment de lui poser vos questions.
    La question est de savoir si les membres du Comité veulent débattre de cette motion.
    On a demandé un vote par appel nominal.
    (La motion est rejetée par 5 voix contre 4.)

[Traduction]

    Revenons-en aux questions.
    Monsieur Berthold.

[Français]

    Je vous remercie. Je cède la parole à mon collègue M. Shipley.

[Traduction]

    Je vous remercie tous d’avoir pris le temps de participer à cette discussion.
    Madame Ashworth, concernant le financement, vous avez parlé de la part de responsabilité du gouvernement fédéral, de la province ou de la région, puis à l'échelle locale.
    Je crois, et c'est aussi le cas de beaucoup de gens à mon avis, que l’une des préoccupations exprimées dans nos recommandations est que nous ne voulons pas de processus trop bureaucratique. Comment le perfectionner pour que ces ressources aillent où il faut?
     J'ai peut-être mal entendu. Pourriez-vous me rappeler ce que vous avez dit sur cette pyramide où les ressources se rendraient aux niveaux inférieurs, là où les choses se passent réellement?
    Nous avons entendu d’excellents témoignages au sujet de Mme Brook et de sa mère. Il y a beaucoup de possibilités. Comment perfectionner cela?
    Je n’ai pas de réponse à cette question.
    Nous sommes en quête de recommandations et d'idées, et donc...
    Voilà le problème. C’est une question importante, parce que, quand on dit que tous les programmes partent du niveau fédéral et qu'on sait que c'est dans des régions très rurales qu'on a besoin de ces ressources, il y a de multiples étapes à franchir pour y arriver.
    Concernant le financement, FAC a intensifié ses efforts, mais du point de vue des premiers soins en santé mentale, les vendeurs d’aliments pour animaux et les vendeurs de machinerie, ces gens-là, devraient pouvoir reconnaître les signes de détresse, parce que ce sont eux qui vont régulièrement dans les fermes et qui peuvent trouver un exemple parfait parmi les travailleurs migrants. Ceux qui sont en interaction quotidienne ont tellement de choses en tête qu’ils peuvent passer à côté de ces signes, et ce sont ceux qui interagissent sur le terrain qui doivent être formés.
    Comme je l’ai dit, je n’ai pas de réponse facile à vous donner, mais il faut éviter d'annoncer des programmes gigantesques et de dépenser tout l’argent pour en faire la promotion. Nous avons besoin de ces ressources dans les collectivités.

  (0910)  

     J’aimerais qu'on en parle un peu, parce que nous avons appris, je crois, qu’il y a un certain nombre d’impacts. Je ne suis jamais vraiment sûr de la façon dont nous comprenons la différence. Vous pouvez parler à certains d’entre nous autour de cette table qui en ont fait l'expérience. Je suis convaincu qu’il y a une possibilité, d’abord, du côté de ceux qui sont sur place et qui en ont l'expérience: il faut les mettre à contribution. Je n'ai rien contre les universitaires, mais il est important qu'ils collaborent avec ceux qui ont une certaine expérience.
     Après avoir lu les témoignages précédents, je pense que nous en tenons compte. Quand une personne demande de l’aide et un professionnel lui répond qu’elle devrait simplement prendre un peu de distance, faire une pause, on perd ce lien. Il faut des gens qui comprennent que votre maison se trouve au milieu de votre ferme et que vous n’allez pas partir. C’est un aspect important à considérer.
    Devyn, je vois que vous voulez la parole. Pourriez-vous poursuivre, s’il vous plaît?
    Oui. La phase préliminaire semble être les premiers soins en santé mentale. Le programme de secourisme en santé mentale donne aux gens la confiance nécessaire pour poser ces questions et leur permet de demander si tout va bien et de se charger également de l’intervention. On craint beaucoup de dépasser la mesure en demandant à quelqu’un s'il va bien: est-ce que je suis indiscret à ce moment-là? Les premiers soins en santé mentale donnent cette confiance.
    Ensuite, il y a le soutien par les pairs, et c’est exactement ce dont vous parlez. Je pense que c’est l'étape suivante. Comment créer des systèmes de soutien par les pairs, pour qu'un producteur laitier puisse parler à un autre producteur laitier, alors que la question n'est pas vraiment « est-ce que je peux rester chez moi aujourd’hui? », mais plutôt le fait que « c’est le temps de la récolte, et il faut absolument que je sois à la ferme ». Il ne s'agit même pas de prendre un jour de maladie. Comment créer des systèmes tels qu'il serait possible d'appeler quelqu’un pour lui dire « j'ai tel problème » et que, à l'autre bout de la ligne, la réponse serait « Oui, je comprends. Voilà ce qui a bien marché pour moi »?
    Je pense à la grande diversité des régions de ce pays. Je serais toujours inquiet de voir un producteur de cultures commerciales qui parle à un pêcheur. C’est l'interaction entre pairs dont j’espère que vous parlez, Devyn.
    L’anxiété et le stress sont le lot quotidien des agriculteurs. Cependant, à un certain stade, est-ce que le pair-examinateur ou le pair, qui pourrait nous accompagner, nous serait utile, simplement parce qu'on sait qu’ils sont là quand cette escalade du stress et de l'anxiété ordinaires vers une zone anormale est terminée? Est-ce qu'on a fait quelque chose pour nous aider? Certaines des études remontent à 2013, mais nous sommes maintenant en 2018. Est-ce qu'il y a quelque chose de plus à jour qui nous aiderait?
    Je me demande combien de fois vous avez entendu le nom de Mme Andria Jones-Bitton jusqu’ici. Ce sont mes antécédents scientifiques, qui me permettent de passer de l'ancien au nouveau. Il me semble intéressant que des études nous disent qu’il y a un problème. Il y a effectivement un problème; eh bien, faisons quelque chose. Je pense que l'idée de garder l’Université de Guelph comme centre et d'encourager ce travail, où nous parlons effectivement aux gens en 2018 et le ferons en 2019...
    Merci, madame Ashworth.
    Merci, monsieur Shipley.

[Français]

     Je donne maintenant la parole à M. Poissant, qui dispose de six minutes.
    D'accord.
    Je remercie les témoins. C'est toujours intéressant d'entendre parler du bagage d'expérience derrière la détresse des agriculteurs.
    Ma première question s'adresse à M. Brook, mais elle peut aussi s'adresser à tous.
    Les agriculteurs en détresse psychologique réagissent-ils différemment selon leur âge? Un jeune agriculteur réagit-il plus facilement qu'une personne plus âgée?

[Traduction]

    Je ne peux vraiment pas prétendre être un expert en santé mentale, mais, d’après mon expérience, cela se passe partout. Selon les gens à qui nous parlons, la distinction dont il est plus souvent question est celle de savoir si on parle de régler des problèmes aigus ou de prendre des mesures préventives. Je pense que cette distinction est davantage une question de dialogue que de groupe d’âge. Je pense que le dialogue entre pairs s’inscrit dans cet échange préventif. Ensuite, il y a la situation aigüe, et c'est là qu'il faut investir du côté professionnel de la question de la santé mentale.
    Désolé. Je sais que cela ne répond pas vraiment à votre question, mais c’est ce que j’ai de mieux à vous offrir.

  (0915)  

     Je pense qu’il y a des différences importantes entre les âges, mais ce sont des facteurs de stress différents. Les agriculteurs âgés sont stressés par la transition. Est-ce que je devrais garder mon exploitation agricole jusqu’à ce que mes enfants décident de prendre le relais ou non? Les groupes de jeunes agriculteurs... Étant donné que nous nous posons ces questions, espérons que les jeunes agriculteurs seront mieux équipés pour faire face au stress. Ils ont des forums. Ils parlent beaucoup plus ouvertement du stress lié à ce domaine d'activité, mais, dans certains cas, nos agriculteurs âgés intériorisent de multiples facteurs de stress depuis des décennies. Ce sont aussi les gens à qui on a appris à souffrir en silence. Je pense qu’il y a des facteurs de stress très différents.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question. Nous sommes tous stressés, mais nous vivons différents types de stress.

[Français]

     Madame Ashworth, vous avez dit tantôt que le temps de la recherche était passé et qu'il fallait maintenant prendre des mesures. J'ai été content de vous l'entendre dire et vous n'êtes pas la première à faire ce commentaire. Des recherches démontrent qu'il y a des besoins et qu'on doit agir.
    Vous ne le savez peut-être pas, mais dans les écoles d'agriculture du Québec, on donne des conférences aux jeunes étudiants qui se dirigent dans ce domaine. Il s'agit souvent de témoignages de personnes qui ont vécu des difficultés, mais il y a aussi des personnes qui viennent dire à ces jeunes à quoi ils peuvent s'attendre au cours de leur vie.
    Est-ce quelque chose qu'on pourrait mettre en place dans l'ensemble des écoles d'agriculture?

[Traduction]

    Je n’ai jamais fait partie des Jeunes agriculteurs du Nouveau-Brunswick, mais je pense que la planification de la relève soulève beaucoup plus de questions. Nous savons que c’est une mesure à prendre: parler de la gestion des risques de l’entreprise et de ce genre de choses. Il semble y avoir une vague de jeunes qui veulent s'engager dans ce secteur et qui ne viennent pas de familles d’agriculteurs. C'est encourageant.
    Quelqu'un qui a grandi dans une ferme et qui se lance dans l’agriculture l'a déjà vécu au quotidien, et il connaît ces facteurs de stress. Pour ceux qui ne viennent pas d'un milieu rural et agricole, il me semble impératif de donner un cours, comme pour la santé et la sécurité au travail, les premiers soins et ce genre de choses. Pour qu'ils soient informés des problèmes auxquels ils vont être confrontés. Je ne pense pas que ce soit la norme.
    Je félicite le Québec d’avoir fait quelque chose dans ce sens.

[Français]

    Je vais céder le temps qu'il me reste à M. Harvey.

[Traduction]

    Partager, c’est prendre soin.
    Je connais très bien votre ferme, parce que vous êtes dans ma circonscription. C'est l’une des plus grandes fermes laitières de la province. Elle se trouve dans une zone très éloignée et isolée, et je sais que vous et Derek avez eu de la difficulté à trouver des ressources humaines. C’est un problème majeur depuis longtemps.
    Il a fait la traite les deux derniers matins.
    Oui.
    Pouvez-vous nous parler de l’anxiété et du stress supplémentaires causés par l’impossibilité de trouver une main-d’oeuvre qualifiée pour exploiter votre ferme comme vous le souhaiteriez?
    Cette question arrive à point nommé, étant donné la présence des autres témoins.
    Nous réfléchissons à l'emploi de travailleurs étrangers temporaires depuis des années. Mais ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons employer des gens de la région. Une entreprise agricole, c'est aussi un moyen de soutenir sa collectivité locale, mais nous n'arrivons pas à trouver des gens qui veulent bien venir travailler à 4 heures du matin. La plupart des gens ne veulent pas se salir, et tout cela.
    C’est probablement le facteur de stress le plus important. Mon mari est très compétent dans son domaine. Il sait comment faire le travail, mais, quand on dépend de gens dont on ne sait pas s'ils vont venir ou non, c’est un stress incroyable — et c’est toute la famille qui en souffre.
    Quand le téléphone sonne à 3 h 30 du matin, vous savez exactement ce qui se passe. Ce qu'on avait prévu de faire durant la journée est perdu. Comme nous sommes une exploitation assez grande, mon mari ne s'occupe pas, en principe, de la traite des vaches. Pour l'instant, il se débrouille, mais, quand quelqu’un ne se présente pas au travail, il s'en occupe. Le suivant en lice, mon fils, est parti faire ses études. Le plan de secours est maintenant absent pour au moins deux ans. Dès l’âge de 14 ans, notre fils a reçu ces appels à 3 h 30 du matin pour aller faire la traite. C’est ce qui se passe dans notre famille.
    C’est un stress qui ne disparaît jamais. C’est quelque chose dont on ne se rend plus compte après un certain temps, et ce n’est pas sain. Nous le savons bien.

  (0920)  

    Merci, madame Ashworth. Merci, monsieur Harvey.
    C’est à vous, monsieur MacGregor. Vous avez six minutes.
    Je vais commencer par Mme Brook, à Winnipeg.
    Vous avez parlé un peu du soutien par les pairs et des services que diverses organisations essaient de mettre à la disposition des agriculteurs. Vous avez également parlé d'un milieu où beaucoup de gens hésitent à demander de l’aide.
    Beaucoup de témoins nous ont parlé de mesures proactives. Je me demandais si vous pouviez nous parler davantage de vos expériences et de vos recommandations sur la façon dont nous pouvons être proactifs. Quelles sont les façons novatrices de rejoindre les agriculteurs qui sont occupés par la récolte et qui sont également réticents à demander le genre d’aide dont ils ont besoin?
     C’est une excellente question.
    Pour ce qui est des moyens novateurs, il y a certainement une progression vers la communauté en ligne. C’est quelque chose que nous avons vraiment travaillé à créer. Nous avons constaté que la création d'un espace de rencontre connaît beaucoup de succès. Qu’ils soient dans les champs ou ailleurs, peu importe, ils peuvent se connecter à du contenu, aux témoignages de gens qui ont vécu le même genre de choses. Que les gens aient ou non la confiance nécessaire pour téléphoner à quelqu’un et dire « écoutez, j’ai vraiment de la difficulté en ce moment », il est toujours possible de lire le témoignage de quelqu’un qui a vécu le même genre de situation ou qui a fait une certaine démarche et la partage, et c'est ainsi qu'on peut retrouver aussi un peu d’espoir.
    C’est là que nous pouvons continuer d’explorer les moyens d'apporter une aide plus efficace. Nous avons progressé vers la création de programmes de soutien par les pairs. Je pense que ce sera modeste au début. Je pense que la première chose à faire est d'ouvrir un dialogue. Mme Ashworth a dit que ce sont des jeunes qui s'engagent dans l'agriculture et qu'ils n'appartiennent pas à la culture du « tu baisses la tête et tu fais ton travail ».
    C’est aussi une occasion très intéressante pour le milieu agricole. Il y a une nouvelle vision et une possibilité novatrice, avec l'ouverture d'un dialogue qui n'existait peut-être pas, et cela peut faire partie de la culture dans laquelle nous parlons effectivement de ce qui se passe, dans laquelle nous parlons effectivement de la santé mentale et dans laquelle nous partageons nos expériences. C’est vraiment passionnant que l’agriculture devienne si inclusive. Les gens participent. Cela crée des échanges avec la population. Il y a du dialogue. Je pense que c’est une possibilité très intéressante.
    Merci. Je dois passer à un autre témoin. Mon temps est presque écoulé. Merci beaucoup.
    Monsieur Huesca, je vous remercie beaucoup d’avoir éclairé la question des travailleurs migrants. Dans le cadre de cette étude, et pour des raisons légitimes, nous nous intéressons aux agriculteurs, mais ces travailleurs jouent un rôle énorme dans le bon fonctionnement d’une ferme. Ils ont été éclipsés dans cette étude. Merci d’avoir mis cette question en lumière.
    Concernant les travailleurs migrants, de nombreux producteurs nous ont parlé de leurs difficultés à trouver de la main-d’oeuvre. Nous avons tendance à considérer les travailleurs migrants comme une simple statistique — il en vient tel nombre au Canada chaque année pour travailler, et les fermes ont besoin de tel nombre.
    Selon vous, que pourrait faire le gouvernement fédéral pour amorcer cette conversation sur la santé mentale lorsque les travailleurs migrants passent par le processus de demande? Avez-vous des recommandations?
    Voulez-vous dire lorsqu’ils sont en processus de demande?
    Oui.
    Dans le cadre du programme du gouvernement fédéral, il y a une évaluation de la santé mentale des travailleurs qui arrivent. Il y a deux volets. Il serait peut-être bon que les travailleurs aient une certaine idée de ce à quoi ils peuvent s’attendre, par exemple à un certain sentiment d’isolement lorsqu’ils viennent dans notre pays, le fait qu’ils ne parlent peut-être pas la langue du pays ou qu’ils arrivent dans des villes rurales qui ne sont peut-être pas aussi diversifiées sur le plan ethnique et culturel ou qui ne reflètent peut-être pas leur origine.
     Je pense aussi que, du côté du gouvernement fédéral, il devrait y avoir beaucoup d’éducation à l'intention des employeurs de travailleurs agricoles migrants pour les aider à mieux recevoir ces travailleurs. Dans beaucoup de ces villes rurales, on n’a peut-être pas l’expérience du travail avec une main-d’oeuvre d'origines diverses. Je travaille à Toronto. Dans les zones urbaines, on est en contact avec la diversité ethnique et culturelle. Dans certaines villes rurales, ce n’est pas la même chose. Je ne dis pas que c’est une bonne ou une mauvaise chose. C’est simplement la réalité. La situation est complexe quand on est un agriculteur qui a travaillé dans le cadre d'une certaine culture propre et qu’on fait venir un groupe de travailleurs, de sorte qu'il s'ajoute une dynamique du pouvoir ou des différences de communication. Sans une bonne introduction à certaines des choses qui pourraient se produire, les employeurs sont laissés à eux-mêmes pour régler beaucoup de problèmes.
    L’éducation est double. Il s’agit, d'une part, de préparer les travailleurs migrants aux difficultés auxquelles ils peuvent s’attendre — ils n’ont pas de famille ici et beaucoup d’entre eux sont isolés —, mais il faut aussi s'occuper des employeurs et leur donner une petite idée.
    J’aime beaucoup tous les discours sur le partage de témoignages et l’humanisation. Je pense que le souci de la santé mentale permet effectivement d'humaniser les relations, et c'est ce que font effectivement les témoignages. Si nous avions un programme de santé mentale permettant de partager ces témoignages, il faudrait veiller à ce qu'ils soient divers. Un agriculteur masculin parle de l’effet de la masculinité sur la stigmatisation de la santé mentale. Il y a peut-être une femme qui...

  (0925)  

     Merci, monsieur Huesca.
    Madame Nassif, vous avez la parole pour six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs présentations.
    En tant qu'ancienne infirmière, j'aimerais d'abord m'adresser à Mme Tew, qui est infirmière.
    Au Canada, 10 personnes se suicident par jour. On considère que le suicide est la neuvième cause de décès au pays. Parmi ces 4 000 personnes qui décèdent par année, plus de 90 % sont des agriculteurs.
    Vous êtes infirmière. Que feriez-vous si un agriculteur, dont la ferme est près de sa maison, venait demander de l'aide en cas de crise? Comment pourrait-on aider cet agriculteur en détresse à prendre congé alors qu'il habite près de son lieu de travail?
    Madame Tew, que faites-vous, sur le terrain, pour venir en aide aux agriculteurs en détresse?

[Traduction]

    Permettez-moi de me présenter. J’ai grandi dans une ferme familiale et j’ai travaillé dans une ferme familiale. Je comprends donc ce stress et ces exigences. J’ai aussi perdu un membre de ma famille très proche, qui s’est suicidé pour des raisons liées aux nombreux facteurs dont on a parlé au cours de la réunion. Je comprends donc très bien ce qu'il en est.
    Pour ce qui est du travail que nous faisons, nous n'appliquons pas un traitement clinique aux gens qui ont des problèmes de santé mentale. Ce n’est pas notre domaine d’expertise. Nous nous intéressons surtout aux questions liées à la santé au travail. Comme d’autres témoins l’ont déjà dit, il n’est pas facile pour un agriculteur de quitter son lieu de travail et sa maison. Je pense qu'on devrait se demander où une femme peut aller chercher de l’aide, parce qu’une grande partie de la discussion a porté sur le fait que la plupart des agriculteurs qui ont participé à la discussion étaient des hommes.
    Les hommes affichent généralement un taux de suicide plus élevé que les femmes. Les femmes sont souvent le mode de soutien et l’épine dorsale de la ferme familiale et elles assument souvent le plus gros du stress. Je ne sais pas exactement sur quoi elles peuvent s'appuyer au-delà de leur mode de soutien interne et du système officiel de soins de santé.

[Français]

    Madame Tew, depuis combien d'années travaillez-vous dans ce domaine? J'aimerais savoir si vous avez constaté un changement de culture chez les agriculteurs. Y a-t-il beaucoup plus d'agriculteurs qui demandent de l'aide ou des services en santé mentale ou la situation est-elle la même?

[Traduction]

    Comme je le disais, je ne travaille pas précisément dans le domaine de la santé mentale, mais je crois que vous voulez savoir s’il y a plus d’ouverture concernant les problèmes de santé mentale. Je ne peux pas dire que j’ai des statistiques à l’appui, mais je pense que les documents qui ont été présentés par les témoins et par les organisations qui ont des programmes indiquent qu’on parle plus des problèmes de santé mentale, notamment dans le modèle québécois. Je suis très impressionnée.
    L’une des témoins qui a parlé de ce programme a dit que plus nous nous rapprochons des agriculteurs, plus nous pouvons leur parler et plus ils nous demandent de l’aide. Je pense qu’il est vraiment important de créer cette possibilité de dialogue et de soutien.

  (0930)  

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à M. Huesca.
    Il y a une pénurie de main-d'oeuvre chez les agriculteurs et vous faites affaire avec des travailleurs migrants. Avez-vous des données sur les travailleurs migrants en matière de services de santé mentale? Ces travailleurs ont-ils accès aux mêmes services que les Canadiens? Parlez-nous des obstacles auxquels sont confrontés les travailleurs migrants à cet égard.

[Traduction]

     Nous avons collaboré avec des chercheurs qui ont commencé à vraiment faire valoir une grande partie de cette recherche. Je crois qu'ils sont souvent confrontés aux mêmes facteurs que les employeurs ou les agriculteurs, c’est-à-dire aux pressions exercées sur le secteur d'activité, qui se répercutent sur eux aussi. Si un employeur doit terminer la récolte et que des pressions sont exercées pour que toute la récolte soit faite, les travailleurs subiront les mêmes pressions. Il y a beaucoup de similitudes. C’est pourquoi il serait utile d’avoir un dialogue permettant de faire des liens et de circonscrire ces similitudes.
    Je pense aussi que les travailleurs agricoles migrants subissent d’autres facteurs de stress, du fait de leur statut d’immigrant et de leur isolement dans un autre pays. Nous en avons déjà parlé. À mon avis, il y a effectivement des différences et des similitudes. Je crois qu’il serait vraiment utile de permettre à différents groupes de comprendre ces différences et ces similitudes.
    Si un employeur comprend vraiment certaines des pressions que subissent les travailleurs agricoles migrants, il pourrait y avoir un peu d'espace dans la relation pour une certaine empathie réciproque. Le travailleur qui ne sait peut-être pas que l’employeur subit beaucoup de pressions peut dire: « Vous savez, c'est le propriétaire de la ferme, il a des moyens », parce que, dans son pays, le fait de posséder une ferme serait une expérience complètement différente. En comprenant un peu mieux les pressions auxquelles font face les employeurs, les agriculteurs, je pense que les travailleurs auraient aussi une nouvelle perspective.

[Français]

    Merci, madame Nassif.

[Traduction]

    Merci, monsieur Huesca.
    Monsieur Longfield, vous avez six minutes.
    Merci, et merci aux témoins.
    Je vais essayer d’utiliser mon temps aussi judicieusement que possible. J’ai visité une ferme biologique cet été. C’était la période de désherbage à ce moment-là. Les travailleurs migrants étaient arrivés. Il y avait une équipe d’environ 50 personnes. Les mauvaises herbes étaient plus hautes que les gens qui les fauchaient. Ils avaient des machettes, et ils faisaient la queue pour essayer de traverser le champ. Un mois plus tard, les carottes se portaient merveilleusement bien, les mauvaises herbes avaient disparu, mais, sous l'effet du stress, l’agriculteur avait dit: « Je n’ai jamais vu de mauvaises herbes comme celles-là avant. Notre ferme n’a jamais connu ça. »
    Quand on pense au stress que subissent les gens qui font le désherbage à la main et qui vivent dans un autre pays, on se demande comment on pourrait les aider. Que ce soit par l’entremise de l’employeur ou d’un chef d'équipe appartenant à la communauté des migrants, comment créer un lien?
    Je crois qu’il y a beaucoup de groupes actifs à cet égard. Évidemment, on pense toujours à l’employeur et au superviseur à la ferme. Mais il y a aussi beaucoup d’initiatives communautaires qui permettent aux travailleurs migrants de se détendre, d'avoir des relations sociales et de vivre d'autres choses que leur travail harassant.
    Les églises sont souvent un lieu propice. C'est pourquoi, quand nous avons commencé à élaborer notre programme pour essayer de créer des liens avec les travailleurs migrants, les églises ont joué un rôle très important. Nous communiquions avec elles et elles nous donnaient presque accès à la communauté. Les églises et les groupes communautaires donnaient vraiment aux travailleurs cet espace pour se détendre et réduire le stress. Il y a des bibliothèques qui ont organisé des appels par Skype, quelque chose d’assez élémentaire, pour que les gens puissent parler à leur famille.
    Je pense que c’est très important à la ferme, parce que c’est là qu’ils passent la plupart de leur temps. Je crois qu’il devient vraiment impératif d’avoir des superviseurs qui sont très bien formés et qui comprennent les enjeux de la santé mentale et du stress, pour qu’ils puissent vraiment aider les travailleurs qu’ils supervisent également.
    Formidable; merci.
    Je vais passer à Winnipeg.
    La Fondation Do More Ag a un site Web qui présente un nombre incroyable de services — c'est presque étourdissant. Il y a 13 services à l’échelle nationale, 6 programmes de formation, au moins un service par province et territoire. Supposons que je vive une crise de santé mentale et que je consulte ce site, où puis-je aller? Comment avoir accès au service qui me convient?
    J’imagine quelque chose comme ce que notre gouvernement a mis au point pour les petites entreprises, je veux parler d'Innovation.canada.ca, qui permet aux petites entreprises d'exposer leur problème, ce qu’elles essaient de faire et comment elles essaient de le faire, et le site Web les aide à s'orienter vers les services des délégués commerciaux, des services de financement ou des services d’innovation.
    Il semble que la Fondation Do More Ag a une très bonne base, mais je ne suis pas sûr que l’envoi d’un courriel au bas de la page soit la meilleure façon de communiquer avec des gens en crise. Les gens en crise ne réfléchissent peut-être pas aussi clairement que les autres, et ils sont vulnérables et dépassés. Est-ce que vous y avez songé? Est-ce que cela pourrait constituer une recommandation dans notre rapport, l'idée de créer une sorte de portail pour aider à orienter les gens vers les services dont ils ont besoin?

  (0935)  

     Absolument. Je pense qu'il y aurait vraiment lieu d'en discuter.
    De plus, je signale que, sur notre site Web, nous indiquons explicitement que nous ne sommes pas des professionnels de la santé mentale. Il est impératif de savoir que nous n'avons pas ces compétences. Nous sommes le lien avec ces ressources. Je suis tout à fait d’accord avec toute recommandation visant à rendre cela un peu plus accessible pour quelqu’un qui est en crise et qui arrive à la page d’accueil. Soyez sûr que j'irai sur ce site pour voir la plateforme que vous y avez créée.
    Je pense que c’est un excellent début. Comment rendre les portails un peu plus accessibles aux personnes en crise et peut-être faciliter leur choix parmi les très nombreuses ressources disponibles? Vous intervenez juste au moment où nous sommes en train de remanier toute la conception de notre site Web, et je vous invite donc à revenir le consulter dans quelques semaines et à nous dire ce que vous en pensez.
    Certainement.
    L’an dernier, nous avons organisé une table ronde sur la santé mentale à Ottawa, et nous espérons en organiser une autre ce printemps. Si je n’étudiais pas la question, je ne saurais pas ce qui existe, et j’essaie simplement de voir comment nous pouvons en faire la promotion. Disons que les agriculteurs consultent, par exemple, des pages sur les semences ou des pages d’information sur le marché. Comment leur transmettre l’information? Mais il faut de l’argent pour la publicité, et c’est peut-être quelque chose dont vous pourriez nous parler, si vous êtes en train de procéder à la refonte de votre site et que vous avez besoin de ressources.
    Notre comité étudie la question. Vous pourriez peut-être nous faire des recommandations à ce sujet.
    Certainement.
    Merci.
    Nous avons parlé des femmes et de la santé mentale, et je vous en remercie. Pour moi, le Nouveau-Brunswick est la capitale de la haute vitesse au Canada depuis que Frank McKenna s'est attelé à cette tâche. Vous avez parlé de l’importance de brancher le Canada. Vous pensiez à l'échelle locale ou à l'échelle nationale?
    Je vais vous donner un exemple très local. Nous sommes une localité éloignée, et nous avons une toute petite école secondaire. Nous n’avons donc pas de sujets à proposer. On s’attend à ce que nos enfants s'instruisent en ligne. Je croyais que notre Internet était médiocre jusqu’à ce qu’une mère me dise que son enfant avait accès à Internet par ligne commutée.
    M. Lloyd Longfield: Wow.
    Désolé, madame Ashworth, je vais devoir vous interrompre. Vous aurez peut-être une autre...
    Je comprends.
    Ce n’est pas bon.
    Monsieur Dreeshen, vous avez six minutes.
    Au sujet de l’étude sur les services haute vitesse, M. Longfield et moi-même avons passé beaucoup de temps à en discuter, et nous sommes bien conscients des préoccupations des Canadiens des régions rurales et éloignées.
    Nous approchons de la fin de cette étude. J’aimerais simplement remercier les femmes extraordinaires qui ont aidé à promouvoir le bien-être mental dans le secteur de l'agriculture, celles qui ont ouvert la porte juste un peu pour que nous puissions avoir une idée de ce que pourrait être un état d’esprit sain.
    Je remercie également mes collègues du Comité d’avoir accepté de faire cette étude. Je l'avais proposée à l’occasion de la Journée Bell Cause pour la cause, et c’est un honneur pour moi de voir où cela en est et de constater que nous avons réussi à ouvrir ce champ de discussion.
    La fin de semaine dernière, j’ai assisté au gala Ag for Life Harvest à Calgary. Ma femme devait m’accompagner, mais, pendant que j’étais au gala, elle terminait la récolte. Cela représente beaucoup de stress, mais il y a une chose dont on a parlé au cours de l'événement Ag for Life, c’est que leur dernier projet portait sur la sécurité agricole. Cette année, le thème sera l’éducation agricole. Comme le reste d’entre nous, je crois que les producteurs agricoles tiennent à ce que les Canadiens soient sensibilisés à la façon dont les aliments sont produits, aux résultats incroyables de la recherche et de l’innovation qui permettent aujourd'hui d'avoir l’approvisionnement alimentaire le plus sûr au monde. Évidemment que c'est ce qui compte aux yeux des agriculteurs. Et je crois que c'est quelque chose qui devrait être expliqué à nos concitoyens canadiens. Il faut faire la promotion de groupes comme Ag for Life et Do More Ag, et les gouvernements doivent veiller à promouvoir une stratégie « Ne pas nuire » pour nous aider à prévenir la diabolisation de notre secteur agricole.
    À cet égard, différents groupes de personnes nous ont parlé du commerce, des barrières non tarifaires et des questions soulevées pour protéger les intérêts d’autres personnes dans d’autres pays. Les enjeux sont du même ordre pour nous concernant les produits dans notre propre pays, quand nous diabolisons un groupe, quand nous dressons un groupe contre un autre pour qu’il fasse la promotion de ce qu’il fait.
    Concernant les autres mesures prises par les gouvernements — la taxe sur le carbone, qui représente des dizaines de milliers de dollars qui seront consacrés à l’agriculture —, il n’y a pas de marge supplémentaire pour ce genre de choses. Nous sommes dans concurrence internationale. C’est là que nous vendons nos produits. D’autres choses, depuis les changements apportés à l’étiquetage sur le dessus de l’emballage jusqu'au guide alimentaire, découlent toutes de réflexions qui semblent excellentes de l’extérieur, mais qui ne traduisent pas une juste compréhension de ce qui se passe sur le terrain.
    J’espère que les organisations — celles qui ont comparu ici et d’autres — seront encouragées à nous fournir plus d’information pour que, dans le cadre de cette étude, nous puissions obtenir certains des points de vue et des solutions à cet égard.
    J'aimerais poser une question à Devyn. Je vous ai suivie pendant longtemps. Je respecte le travail que vous et d’autres organisations avez accompli en pilotant ce dossier, et beaucoup d’autres groupes s'y sont joints. Que pouvons-nous faire, en matière de promotion éducative de l’agriculture, pour que l’on s’attaque aux générations de séparation entre les Canadiens des milieux urbains et ruraux et que nous puissions, comme Canadiens, travailler ensemble à trouver une solution pour cette merveilleuse ressource naturelle que nous avons?

  (0940)  

    En fait, j’ai travaillé avec des enfants, et j’ai donc conçu des programmes sur les moyens d’intégrer la santé mentale dans le dialogue en classe. Quand on pense à l’avenir de l’agriculture, il s’agit en grande partie, à mon avis, de préparer la prochaine génération riche d'un tout nouvel ensemble de compétences à être équipée, enthousiaste et engagée dans un tout nouveau dialogue.
    Les mouvements sociaux du passé ne visaient pas à lutter contre le monde ancien. Je crois que nous devons vraiment nous éloigner de cette idée dans le dialogue sur la santé mentale et que nous devrions plutôt créer une toute nouvelle possibilité à laquelle nous invitons les gens à participer. Je suis convaincue que ce sera créé par les jeunes générations montantes.
     Je comprends bien, parce que, comme je l’ai dit à beaucoup de gens, j’ai passé 34 ans à enseigner les mathématiques et les sciences pour alimenter ma dépendance à l'agriculture. C’était un élément essentiel. Ce que je constate aujourd'hui, c’est que nous devons éduquer les enseignants, parce qu’ils s’éloignent de plus en plus. Ils entendront tel avis d’un groupe anti-agriculture ou telle opinion dans les médias sociaux et se diront: « C’est formidable. Je veux en parler à mes enfants. »
    Ces groupes sont très bien organisés, car ils ont des projets en classe et tout le reste qu’ils sont censés examiner, mais ce n’est pas le cas de l’autre côté. J’espère que nous pourrons nous appuyer là-dessus, pour avoir quelque chose à présenter aux congrès des enseignants, afin qu’ils puissent avoir des programmes de type « Plug&Play ». Mais, quand vous le ferez, vous constaterez que les autres vont faire monter les enchères. L'essentiel est d'essayer de trouver des moyens d’entrer dans les universités et de nous occuper de la formation des enseignants.

  (0945)  

    Merci, monsieur Dreeshen.
    Malheureusement, c’est tout le temps dont nous disposons. Je tiens vraiment à remercier les témoins d’être venus aujourd’hui et de nous avoir parlé avec passion. Tout cela fera partie de notre rapport.
    Monsieur Dreeshen.
    Je veux simplement dire que nous devrions inviter plus de gens à formuler des recommandations.
    Nous allons nous en occuper. Nous allons maintenant passer aux travaux du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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