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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 081 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 mars 2018

[Enregistrement électronique]

  (1215)  

[Traduction]

    Nous allons commencer la séance.
    Chers collègues, on vient tout juste de m'informer — je n'ai reçu aucun préavis — que notre président ne peut être présent à cette partie de la réunion. J'espère qu'il va bien. J'espère que ce n'est pas un problème de santé. Est-ce que ses collègues savent s'il s'agit d'un problème de santé?
    Oui. Je pense qu'il va bien.
    Je vais assumer la présidence en son absence.
    Nous allons souhaiter la bienvenue à nos témoins. Merci d'être avec nous. Vous êtes nos derniers témoins, les 45e et 46e  de notre étude sur les obstacles à la transition et les résultats mesurables d'une transition réussie.
    Nous accueillons donc aujourd'hui la sergente (à la retraite) Alannah Gilmore, membre du groupe consultatif sur les familles à Anciens Combattants Canada, et le lieutenant-général (à la retraite) Stuart Beare, président du conseil d'administration de Soldiers Helping Soldiers.
    Nous allons commencer par vos déclarations de cinq minutes, s'il vous plaît, puis nous passerons aux questions.
    Bienvenue.
    Merci, mesdames et messieurs, de votre invitation à participer à vos délibérations.
    J'aimerais vous remercier du travail que vous faites pour attirer l'attention sur tous les aspects de la transition. Par votre entremise, j'aimerais remercier ceux qui ont témoigné avant nous, y compris Alannah, et qui ont vécu une transition, qui soutiennent ceux qui sont en transition, et qui aident ceux qui ont de la difficulté à effectuer la transition. Il y a de nombreuses façons de servir, bien entendu, et servir ceux qui servent est une façon de le faire. Par votre entremise, je les remercie tous.
    Je suis ici à titre de représentant d'une des nombreuses organisations qui sont si nécessaires et qui répondent aux besoins des anciens combattants sans abri, dans ce cas, Soldiers Helping Soldiers. C'est une organisation entièrement composée de bénévoles qui a été créée à Ottawa en 2012. Sa mission consiste à identifier les anciens combattants sans abri, à reconnaître leur statut, à créer des liens avec eux, et à les mettre en contact avec des fournisseurs de services qui peuvent les aider, afin de réduire les risques et d'atténuer les effets liés à l'itinérance, et de les aider à s'en sortir.
    C'est un travail d'équipe, dans un écosystème diversifié — avec lequel nous travaillons pour améliorer concrètement le sort des anciens combattants. Après cinq années à Ottawa, nous en sommes venus à la conclusion que le modèle est assez utile pour en faire une organisation à but non lucratif — constituée en octobre l'an dernier — et l'étendre à d'autres centres urbains au pays. L'organisation est à but non lucratif, mais pas de bienfaisance. SHS veut s'implanter dans d'autres centres urbains pour accroître le nombre de bénévoles et de fournisseurs de services communautaires qui peuvent améliorer le sort des anciens combattants sans abri, où qu'ils se trouvent.
    Je ne suis pas ici pour vous parler de SHS. J'aimerais simplement vous fournir quelques idées et renseignements pour éclairer vos délibérations sur les façons d'aider ceux qui sont sans abri et d'améliorer leur sort.
    Premièrement, il faut savoir que leur nombre est plus élevé que ce à quoi on pouvait s'attendre. Il est important de continuer à travailler avec les collectivités pour connaître le nombre de sans-abri, et parmi eux, ceux qui sont d'anciens combattants. Les villes et les municipalités mènent les efforts en ce sens, et il faut les appuyer pour identifier ceux qui sont d'anciens combattants.
    Deuxièmement, les anciens combattants doivent se considérer comme tels. Il est étonnant de constater à quel point ils sont nombreux à dire: « Je ne suis pas un ancien combattant, car je n'ai pas été déployé. Je n'ai pas servi. J'étais seulement réserviste. J'ai fait partie des Rangers canadiens ». La définition dans la politique est claire, mais la définition, la compréhension que les gens en ont est différente. Nous ne leur demandons pas: « Êtes-vous un ancien combattant? », mais « Avez-vous porté l'uniforme? » Si la réponse est oui, alors ils font partie de la famille.
    Troisièmement, il faut un village, comme on dit. Lorsque la prévention échoue, les efforts qu'il faut déployer pour atténuer et contrer les facteurs qui ont mené à l'itinérance et l'ont aggravée sont nombreux. Il faut donc de nombreux intervenants, des gens et des organisations, et permettez-moi de vous donner une longue liste: refuges, centres de toxicomanie, cliniques de réduction des méfaits, soins en santé mentale, fournisseurs de services financiers, fournisseurs d'identité, Logement d'abord, banques alimentaires, services de réadaptation physique, formation professionnelle et gestion de cas. Une organisation ne peut pas arriver seule à aider quelqu'un à sortir de l'itinérance; il faut vraiment tout un village.
    Il faut aussi toute une collectivité, et il faut offrir des plateformes aux membres de la collectivité pour se réunir, et savoir qui fait quoi et qui aide qui et pour permettre aux uns de bonifier les efforts des autres, et c'est assurément ce vers quoi les collectivités, les organisations citoyennes, les organisations de bénévoles et les gouvernements doivent tendre. On peut voir l'utilité et l'effet puissant que peut avoir la collaboration plutôt que la compétition dans ce cas, y compris dans vos propres circonscriptions, par exemple.
    Et enfin, mon dernier point. On peut améliorer le sort des anciens combattants en détresse qui se retrouvent sans abri. On peut faire plus, et je dois vous dire qu'il est gratifiant de voir des gens s'impliquer pour changer la vie d'autres gens, en particulier nos sans-abri. Cela change leur vie à eux aussi. Plus on voit ce qui se passe, plus on veut aider. Plus on veut aider, plus on veut mobiliser les autres — en particulier des bénévoles —, et plus on collabore, plus on peut réaliser de choses ensemble.
    Monsieur le président, j'ai terminé ma déclaration liminaire.
     Merci d'avoir respecté le temps alloué.
    Nous passons maintenant à Mme Gilmore. Allez-y, s'il vous plaît.

  (1220)  

    Je vais vous permettre de gagner du temps, c'est certain.
    Je suis la sergente (à la retraite) Alannah Gilmore. J'ai pris ma retraite en 2015 après avoir servi pendant 23 ans dans l'armée, y compris quand j'ai joint les réserves comme moustique à l'école secondaire. Avant cela, j'étais aussi à la charge de mon père, qui a pris sa retraite après 34 ans, alors l'armée est ma famille depuis ma naissance.
    Je suis aussi une ancienne combattante de l'Afghanistan. J'y étais pendant la mission en 2006-2007, aussi appelée opération Méduse. Vous êtes sans doute nombreux au courant de cela. Après cette mission, mon conjoint, Jody Mitic, qui a été parmi les victimes d'une explosion, est devenu un ardent défenseur des gens ayant subi des blessures très graves. On a dû lui amputer les deux jambes sous le genou. Depuis, il défend haut et fort les anciens combattants blessés ou malades.
    De toute évidence, nos vies et nos carrières ont été complètement chamboulées à notre retour d'Afghanistan. En raison de la gravité de ses blessures, sa capacité de demeurer au sein de l'armée était limitée. Puis, bien sûr, pour ce qui est de mes blessures, je souffre du trouble de stress post-traumatique, et je souffre aussi probablement du trouble de stress post-traumatique du conjoint, et à ce, il faut ajouter les luttes, les tourments et le stress qui accompagnent les tracasseries administratives qu'il faut affronter constamment pour tenter d'obtenir des services pour notre famille.
     Jody a été libéré en 2014, alors nous avons vécu le processus de transition avec lui; puis en 2015, j'ai suivi son exemple et j'ai pris ma retraite. La transition a été très difficile, alors je pense pouvoir vous en parler très honnêtement, et vous parler peut-être aussi de quelques bons enseignements que j'en ai tirés. Il est difficile pour quelqu'un d'avouer qu'il éprouve de la difficulté à faire la transition, et pour un soldat, c'est encore plus difficile, sachant qu'on ne rebondit pas simplement. Je pense que tout ce qu'on peut faire pour aider nos membres et atténuer leurs problèmes serait très utile.
    Je travaille actuellement avec le groupe consultatif, alors j'ai trouvé une façon qui m'aide à rester active et en contact avec l'armée ou les anciens combattants. Je fais différentes choses avec Anciens Combattants au sein du groupe consultatif, en aidant les familles, et aussi avec la section TSO de la Légion. J'ai aussi fait partie du groupe de la gouvernance des CRFM. J'ai réussi très bien à donner mon opinion et mon point de vue au sein de divers groupes de l'armée et d'anciens combattants.
     Je suis très heureuse d'être ici. Je me réjouis de faire partie des gens avec qui vous voulez discuter. J’espère que mon témoignage, et celui des gens qui m’ont précédée, pourra être utile. Nous pourrons, je l’espère, améliorer les choses pour ceux qui viendront après nous.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, avant de passer à la période de questions, et compte tenu des contraintes de temps aujourd’hui et de ce qui s’est passé avec notre réunion, nous devons nous occuper de trois éléments essentiels des affaires du Comité. Ainsi, je vais mettre fin à la période de questions 15 minutes avant l'heure, ce qui nous laissera le temps pour une série de questions de cinq minutes. J'espère que c'est acceptable pour tout le monde. Nous allons avoir une série de questions.
    Monsieur Kitchen, vous allez ouvrir le bal. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Général et sergente, merci sincèrement d'être avec nous encore aujourd'hui. C'est bon de vous voir et de vous écouter.
    Sergente, je vais commencer par vous, si je peux me permettre. Vous avez, tout comme moi, grandi dans une famille de militaires. Un des éléments dont le Comité a beaucoup discuté au cours des années est la famille et ce qui l'entoure. Tout comme vous, j'ai suivi mon père tout au long de sa carrière, d'un endroit à l'autre, jusqu'à ce que j'aille à l'université et commence à voler de mes propres ailes. Pour mon frère, ma soeur et moi, cela fait partie de notre apprentissage, de nous et de tout ce que nous faisons.
    Un des défis que j'ai pu constater et dont j'ai entendu parler, comme chacun de nous je crois, c'est la différence entre ce que vous et nos soldats savez de la situation, et ce que ACC en sait. ACC n'a pas la même perception des choses que vous. Je me demande si vous avez vécu ce genre de situation, et que lors de vos transactions avec les représentants d'ACC, vous pouvez vous rendre compte qu'ils ne comprennent pas ce dont vous parlez comme soldat et ce que vous ressentez. Je pense que cela fait partie du problème que nous observons quand nos soldats discutent avec ACC.

  (1225)  

    Je sais que les choses ont changé au cours des dernières années. Je vois en fait des améliorations, ce qui est merveilleux. Il semble qu'on soit en train de se débarrasser de cette vieille mentalité voulant qu'on soit coupable et qu'il faille prouver qu'on a vraiment été blessé. Je suis très reconnaissante, car on ne devrait jamais aller dans cette direction, jamais.
    Je pense qu'il faut améliorer les communications entre ACC et le MDN, et avoir confiance que nos médecins et nos infirmières savent ce qu'ils font; que lorsqu'ils posent un diagnostic assez grave pour entraîner la libération d'un soldat, c'est parce qu'il existe une bonne raison pour cela. Ils l'ont comme patient depuis plus longtemps qu'ACC l'a comme client. Je pense qu'il faut renforcer la crédibilité du corps médical dans l'armée. J'ai travaillé comme infirmière dans l'armée pendant 23 ans, alors je peux en témoigner. Je pense qu'il faut faire confiance au MDN, au diagnostic, aux renseignements additionnels des spécialistes, et se fier que toute la paperasse a été remplie.
    Vous savez, on discutait plus tôt du fait qu'il devrait y avoir une liste de vérification, pas seulement pour ACC, mais aussi pour le membre, afin qu'il sache de quelle information ACC a besoin. Sans cela, on leur envoie les documents en pensant qu'on approche un peu plus du but et qu'on va obtenir ce qui nous est dû pour notre incapacité, pour se rendre compte des mois plus tard — et vous savez à quel point cela prend du temps pour obtenir une réponse maintenant — que notre demande est refusée ou qu'il manque de l'information.
    Eh bien, on a alors une personne qui vient juste de quitter l'armée, qui est laissée pour compte et qui ne reçoit pas de soins médicaux, et il se peut qu'il s'agisse d'une incapacité très grave. Je pense qu'il faut que les documents médicaux fassent la transition eux aussi. Il faut sans doute que le personnel médical du MDN et d'ACC se parlent et que le premier avise le deuxième qu'il lui envoie un patient.
    Je ne comprends pas pourquoi les deux ne se parlent pas davantage. Je pense que ce serait très utile qu'ils le fassent.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Oui, merci. Je comprends la situation.
    Il vous reste environ une minute et demie.
    Et je présume que j'aurai probablement mon tour à nouveau.
    Non, il n'y aura pas d'autre tour.
    Ah non? D'accord.
    Général, vous avez parlé de la question de l'itinérance. Je vous félicite de ce que vous faites et des mesures que vous prenez. Je présume que vous avez trouvé beaucoup de sans-abri à Ottawa et dans les grands centres. Où se trouvent nos anciens combattants sans abri au pays?
    D’un point de vue empirique, scientifique ou théorique, vous retrouverez d'anciens combattants itinérants dans tous les centres urbains où l’itinérance existe. Pour en revenir à la question du nombre d’itinérants, il n’y a pas une seule source de mesure de l’importance de l’itinérance qui fait autorité en la matière, mis à part sa reconnaissance du fait que le problème existe. Il s’agit d’une population qui fluctue énormément. Il n’y a pas de description unique de l’itinérance. Elle touche des gens de tous âges, de toutes les identités sexuelles et de tous les horizons.
    De tous les grades?
    De tous les grades.
    Monsieur Bratina, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre service. Je viens de Hamilton, et le drapeau de Hamilton qui flottait dans le camp Nathan Smith de Kandahar se trouve maintenant dans mon bureau. C’est un rappel constant de notre mission là-bas.
    C’est là le coeur de la question de la transition. Permettez-moi donc de vous poser la question suivante, lieutenant-général Beare. Lorsqu’un individu quitte les forces armées, il ne devient probablement pas un itinérant immédiatement. Il se décourage plutôt à un moment ou à un autre. Je pense que ce sont là les tenants et les aboutissants de l’enjeu de la transition. À quel moment devient-il frustré, ou que lui arrive-t-il pour qu’il aboutisse dans la rue un mois, deux mois, six mois ou quelle que soit la période après sa libération? Avez-vous été en mesure d’obtenir ce genre de renseignements auprès des gens auxquels vous avez parlé?
    Les anciens combattants qui se retrouvent sans abris comprennent des gens qui ont porté l’uniforme pendant seulement six mois. Leur expérience militaire ne représente pas leur principale expérience de vie mais, comme ils ont endossé l’uniforme pendant six mois, ils sont considérés comme des anciens combattants. Vous pouvez imaginer n’importe quel citoyen qui aboutit dans la rue et penser à tous les facteurs qui ont entraîné ce résultat. Ces facteurs sont communs à tous les citoyens.
    Ceux qui ont servi pendant longtemps — pendant deux décennies ou plus, par exemple — aboutissent dans la rue beaucoup plus tard que leurs homologues civils; je pense qu’en moyenne, ils ont presque 10 ans de plus qu’eux. Il est à noter que cette statistique n’a rien de scientifique. Veuillez donc la traiter comme un détail anecdotique. Pour ceux dont le service est plus long, le délai est en partie imputable au fait que, jusqu’au moment de leur retraite, ces individus bénéficiaient d’une base militaire solidaire qui les appuyait dans la vie. Après cela, ils ont quitté les forces armées pour une raison ou une autre — qu’elle soit attribuable ou non à leur service militaire — et se sont retrouvés sans abri. Mais, habituellement, ils sont plus âgés.
    À certains égards, le service militaire pourrait être un facteur qui aggrave un problème de santé mentale, une toxicomanie ou une autre blessure subie pendant le service. À d’autres égards, le service militaire pourrait avoir atténué ou retardé le cheminement vers l’itinérance. Il n’y a pas une seule réponse à cette question ou une seule solution. Mais je dirais que le fait que ces anciens combattants ont servi et que nous pouvons les mettre en contact avec d’autres militaires leur donne l’occasion de rétablir des relations ou d’en créer de nouvelles pour les aider à sortir de la rue.

  (1230)  

    Je pense que nous cherchons en ce moment à tenter de prévenir le décalage en premier lieu, ce qui pourrait nous amener à formuler quelques bonnes recommandations.
    Je vais partager mon temps de parole avec ma collègue, Mme Lambropoulos.
    Je te remercie, Bob, de partager ton temps avec moi.
    Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd’hui.
    Monsieur Beare, il n’y a pas une population très importante de sans-abri dans ma circonscription. Cependant, je vis à Montréal où l’on retrouve un assez grand nombre d’itinérants. Je sais qu’une grande partie de ces itinérants sont aussi des anciens combattants. Je me demandais comment vous vous y preniez pour aborder quelqu’un ou former un groupe qui pourrait les aider. Acceptent-ils votre aide si vous leur en offrez, et comment réagissent-ils habituellement lorsque vous vous adressez à eux?
    Premièrement, si vous recherchez précisément d'anciens combattants itinérants, vous devez savoir qui se porte déjà à leur rencontre. La société civile dispose d’un nombre incroyable d’organisations et de bénévoles. Ici, à Ottawa, par exemple, il y a Les bergers de l’Espoir, La mission d’Ottawa et l’Armée du Salut. Il faut que vous travailliez avec les organisations qui ont déjà établi une relation avec les sans-abri.
    Si vous tentez, en particulier, d’identifier les militaires parmi eux — c’est-à-dire ceux qui ont porté l’uniforme —, vous devez gagner la confiance des gens qui leur offrent déjà des services. Ne détruisez pas les relations qui existent déjà entre les itinérants et ceux qui les soutiennent ou tentent de les aider. Ajoutez de la valeur. Il s'agit là d'une étape.
    Deuxièmement, vous devez travailler avec ces gens à l’identification des anciens combattants et à l’établissement de rapports avec eux.
    Je vais vous relater l’expérience de l’Initiative d’entraide entre militaires (IEM) à Ottawa. Les activités de patrouille sont exercées ici par, entre autres, un bénévole de l’IEM, qui se trouve à être en uniforme, un agent du service de police d’Ottawa, qui est aussi un agent de police canadien, un intervenant d’Anciens Combattants Canada et un officier d’entraide de la Légion. En travaillant ensemble, vous obtenez la reconnaissance nécessaire, vous pouvez établir les liens requis et vous pouvez accélérer cette interconnexion en organisant une réunion de suivi avec un intervenant ou un officier d’entraide de la Légion en vue de les aider à démêler les formalités administratives et de leur permettre ainsi de présenter une demande à ACC. Il n’y a pas de façon unique de procéder, mais c'étaient là quelques façons de le faire.
    Selon moi, la clé du succès, ce sont des collectivités qui établissent à l’avance des liens entre leurs organisations. Montréal en est un bon exemple. La ville a créé une initiative appelée le Forum de la campagne du Respect, et elle invite à y participer les organisations bénévoles et les organismes de bienfaisance de la société civile qui s’occupent de l’itinérance et des problèmes de santé mentale. Tous les six mois, des membres de ces organisations se réunissent en tant que citoyens et collaborent afin de déterminer qui fait quoi, qui offrent quels services et quels problèmes ou difficultés ils rencontrent. L’écosystème qui contribue à lutter contre l’itinérance est en voie de devenir plus interconnecté. Les organisations qui ciblent précisément les anciens combattants font partie de cet écosystème.
    Il y a un mois et demi, nous avons assisté à l’une de ces rencontres à Montréal. Elle réunissait des représentants de l’Initiative d’entraide entre militaires, de Vets Canada, d’Anciens Combattants Canada, de refuges, de cliniques de santé mentale et des officiers d’entraide de la Légion. Cette interconnexion mérite assurément d’être encouragée dans chaque centre urbain.
    Si nous pouvions y intégrer une dynamique relative aux anciens combattants et cibler précisément la façon dont nous identifions les anciens combattants et établissons des liens avec eux, la valeur que nous ajouterions à l’écosystème serait très importante.

  (1235)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Johns, vous disposez de cinq minutes.
    Lieutenant-général Beare, sergent Gilmore, je vous remercie de votre service et d’être venus témoigner aujourd’hui.
    Je vais peut-être commencer par interroger Lgén Beare à propos de la crise du logement. Nous en parlions plus tôt. Nous avons observé à l’échelle nationale une énorme hausse des coûts du logement, en particulier dans la région du Grand Toronto, dans les basses terres de Vancouver et sa région avoisinante. Nous remarquons vraiment une crise du logement partout au pays. Selon vos observations, l’accroissement rapide du nombre d’anciens combattants itinérants est-il aussi la manifestation de la crise du logement?
    Je ne peux parler que de ce qui se passe à Ottawa, parce que nous n’exerçons pas encore nos activités dans tous les autres centres urbains. Mon interprétation de la situation, qui est complètement anecdotique, c’est que, pour sortir de la rue, ceux qui sont sans abris doivent avoir accès à l’éventail complet d’options, dont les refuges ainsi que les programmes et les stratégies Logement d’abord qui peuvent fournir l’expérience de récupération requise pour arracher quelqu’un de la rue. Je n’ai pas les compétences nécessaires pour parler de logements abordables et de problèmes de ce genre, mais je précise que le nombre d’organismes de bienfaisance et d’organisations sans but lucratif qui exercent leurs activités dans ce secteur est absolument impressionnant. Ici, à Ottawa, la multi-faith housing initiative, qui aide les familles à faible revenu ou sans revenus, y compris celles qui sont sans abri, entreprend en ce moment la création à Ottawa d’une maison pour les anciens combattants. Cette maison fera partie des plateformes qui permettront à quelqu’un de passer d’un refuge à une habitation qui lui fournira non seulement un toit, mais aussi une nouvelle expérience qui pourrait lui faire amorcer une vie au-delà de l’itinérance.
    Mais je ne peux pas parler des logements abordables d’une façon compétente.
    Qu’en est-il des lacunes? Vous devez remarquer des lacunes que le gouvernement pourrait combler. Y a-t-il quoi que ce soit que vous pouvez mentionner ici aujourd’hui?
     Comme nous travaillons avec ceux qui assurent la prestation de ces services, ce sont eux qui détiennent cette information, et non nous. Par conséquent, je ne suis vraiment pas en mesure de parler de ces questions.
    Sergente Gilmore, nous avons discuté plus tôt des gens qui ont servi, qui quittent les forces armées en ce moment et qui ne sont pas prêts à bénéficier des services dont nous parlons. Vous pourriez peut-être nous entretenir de la façon dont le gouvernement pourrait apporter un meilleur soutien aux gens quand ils ne sont pas prêts à passer au niveau suivant.
    J’ai remarqué que l’une de vos questions avait trait à la question de savoir si nous nous empressons trop de transformer la vie de quelqu’un alors qu’il n’est pas prêt à le faire. Je le répète, il faut être en mesure de reconnaître si une personne vit une crise et si elle est prête à passer à une vie qui diffère considérablement de celle qu’elle connaît déjà. Souvent — et je l’ai observé de mes propres yeux, y compris dans mon cas —, on vous presse de quitter les forces armées, et on vous presse de passer à autre chose. La personne que vous étiez lorsque vous avez servi sous l’autorité des militaires diffère de celle que vous êtes lorsque vous quittez les forces armées. Vous n’êtes plus la même personne. Ces personnes vivent cette crise d’identité comme une crise majeure, et c’est simplement parce que l’on vous pousse à déterminer vos passe-temps ainsi que le genre d’intérêts que vous aurez de l’autre côté. On vous dit: « Vite, vite. Dépêchez-vous. Il vaudrait mieux que vous choisissiez un domaine de spécialisation ». Puis on vous informe que: « Non, désolé, pas ce domaine, car nous n’assumerons pas les coûts de cette formation ». C’est comme si, tout à coup, on vous orientait dans une nouvelle direction dans laquelle vous n’êtes pas nécessairement prêt à vous engager. Tout ce qu’ils font cause beaucoup de stress à cette personne. Cela aura probablement une incidence sur la rapidité de votre guérison, et beaucoup d’argent sera gaspillé quand les gens commenceront à abandonner leurs programmes.
    Je pense que nous devrions nous concentrer un peu moins sur le fardeau financier que, d'après nous, certains soldats blessés pourraient faire peser sur nous, et un peu plus sur la meilleure chose que nous pourrions faire pour ces individus. Il se peut qu’ils ne soient pas en mesure de retourner au travail. Il se peut qu’ils accomplissent des tâches comme les miennes, telles que du militantisme ou du bénévolat, ou qu’ils soient en mesure de faire toutes ces autres choses. J’estime que nous devrions peut-être nous concentrer sur la façon d’en faire les meilleurs membres de la société possible, dans n’importe quel domaine qu’ils ont la capacité de gérer et où ils sont prêts à le faire.
    Fort bien, je vous remercie de vos commentaires. Je sais qu’aux États-Unis, ils se sont engagés à embaucher d’anciens combattants à titre d’intervenants de première ligne — et ils ont obtenu une proportion de 30 %. Nous sommes loin d’avoir atteint ce pourcentage, et nous n’avons pas établi d’objectifs clairs qui expliquent comment nous atteindrons ce pourcentage. C’est peut-être un aspect sur lequel vous aimeriez que nous mettions l’accent.
    J’adorerais voir le MDN et ACC mettre en pratique ce qu’ils prêchent. Nous parlons de priorité d’embauche. Nous devrions passer de l’uniforme à une tenue civile appropriée et assumer cet emploi. Il se peut que nous ne puissions plus être déployés, mais c’est notre connaissance de ce métier et de ce poste qui compte. Je suis désolée, mais aucun civil ne peut assumer ce poste d’emblée sans suivre une formation de base et ne peut savoir ce que c’est que d’être un soldat. Je serais toujours en mesure de porter mes médailles, mais je les porterais sur le veston d'un tailleur. Je montrerais que je sers encore. Je ne crois pas que nous mettions en pratique ce que nous prêchons. Nous avons réussi, d’une manière ou d’une autre, à banaliser les qualifications d’un soldat. Dans le monde civil, nous ne sommes simplement pas assez intelligents et, pourtant, dans le monde militaire, nous sommes des maîtres dans tous les domaines. Je portais tellement de chapeaux, et j’avais acquis un tel éventail d’expériences. On ne voit pas cela de l’autre côté. En fait, l’interpréteur que Monster.ca, ou quel que soit le nom que porte ce site Web, offrait il y a quelque temps… C’est justement l’idée: prendre nos compétences et les interpréter afin que quelqu’un saisisse à quel point nous sommes géniaux.

  (1240)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Eyolfson.
    Je vous remercie de votre présence.
    Lieutenant-général Beare, vous avez parlé de l’itinérance. Je suis un urgentiste en voie de guérison. J’ai fait ce travail pendant 17 ans, avant de me lancer en politique. Mon travail se déroulait dans le centre-ville de Winnipeg.
    Bon nombre de nos patients étaient des sans-abri, et c’est à cet endroit que la plupart d’entre eux recevaient leurs soins médicaux. Nous étions les médecins de famille d’un grand nombre d’itinérants. En fait, nous n’étions pas officiellement leur médecin de famille, mais les soins que nous leur prodiguions étaient les seuls dont ils bénéficiaient. Nous étions conscients de tous les problèmes qui entraînent l’itinérance, les troubles mentaux étant à l’origine de 60 % des cas.
    Nous interagissions fréquemment avec les organismes. Il y avait l’Armée du Salut, et un autre organisme de Winnipeg qui s’appelait le Main Street Project. Nous affirmions que, sans ces organismes, il aurait fallu que notre service soit doté de lits à trois étages.
    Selon mon expérience, il y a une dimension qui n’était jamais abordée parce que nous n’avions pas vraiment été formés pour le faire et qu’il n’y avait aucune infrastructure ou base de connaissances pour nous orienter dans cette direction en tant que médecin. Nous n’avions reçu aucune formation visant à reconnaître si l’un ou l’autre de ces itinérants était un ancien combattant ou s'il participait à des activités militaires. Je le répète, comme ils obtenaient tous leurs soins à cet endroit, cela aurait été mentionné quelque part dans leur dossier hospitalier.
    Vous êtes-vous portés à la rencontre du système médical afin qu’une formation soit donnée dans les écoles de médecine, ou afin de mettre cet enjeu sur l’écran radar des services d’urgence? Tous les itinérants aboutissent là, tôt ou tard. Les services d’urgence sont souvent un bon point de départ. Nous les utilisons pour admettre des gens dans toutes sortes de programmes, qu’il s’agisse de soigner des toxicomanies ou de prodiguer des soins psychiatriques. Si nous pouvions aviser immédiatement Anciens Combattants Canada et tous les groupes qui peuvent aider les anciens combattants, cela serait peut-être utile.
    Je pense aux vastes ressources non exploitées. Avez-vous envisagé de prendre ou pris de quelconques mesures pour intégrer le système de soins médicaux primaires dans ce processus?
    Nous remarquons que l’identification des itinérants est un défi, un point c’est tout.
    Oui.
    Un autre défi consiste à déterminer qu’un itinérant est un ancien combattant. Les notions d’identité, d’adresse et de service militaire échappent parfois à certains de ces individus, et ils ne sont pas en mesure de répondre à ces questions.
    Ce à quoi je veux en venir, c’est que nous savons que certains d’entre eux sont d’anciens combattants.
    Devrions-nous fournir des ressources aux services d’urgence de sorte que, lorsqu’un ancien combattant est identifié dans un service d’urgence...?
    Nous n’avions jamais pensé qu’il y avait quelque chose…
    Pour en revenir aux services communautaires…
    Oui.
    La procédure d'admission à l'urgence ou ailleurs consiste entre autres à poser des questions et à établir un rapport avec la personne; il faut bénéficier d'une relation avant même de l'avoir trouvée. Il faut faire appel à ceux qui fournissent des services aux itinérants, notamment au chapitre de la santé, et les inclure dans l'écosystème afin d'établir le modèle des questions qu'il faut poser. C'est comme dans le domaine de l'application de la loi: si une personne est arrêtée ou comparaît en cour, on l'interroge.
    Un gestionnaire de cas d'Anciens Combattants Canada peut agir à titre de personne-ressource. Il pourrait aussi s'agir d'une personne faisant partie du groupe qui s'occupe des anciens combattants en crise, de services de santé spécialisés ou d'un service communautaire.
    Au bout du compte, toutefois, si la communauté ne sait pas qui appeler, l'ancien combattant sera malheureusement relâché.
    Exactement.
    Une fois encore, avant que je ne me lance en politique, j'ignorais ces problèmes et je ne savais pas qu'il existait des endroits spéciaux où on pouvait apporter de l'aide pour...
    Sachez tout d'abord qu'il est difficile d'identifier un citoyen s'il n'a pas d'adresse. C'est un défi de déterminer avec certitude le statut d'ancien combattant.
    Dans le cadre des services que nous offrons, nous trouvons le dossier d'état de service des gens pour les aider à établir leur identité militaire, tout en collaborant avec la Banque de Montréal pour leur donner une adresse afin qu'ils puissent ouvrir un compte.
    Ce sont là des questions fondamentalement simples au sein de la société civile, que l'on peut résoudre de manière ascendante, au sein de la communauté. Si on pouvait élaborer une politique pour identifier le citoyen et le statut d'ancien combattant de manière accélérée, cela serait formidable. Il serait bon de pouvoir prouver plus rapidement que j'ai servi dans l'armée.

  (1245)  

    Merci.
    Je vais céder le temps qu'il me reste à M. Samson.
    Vous disposez de 30 secondes.
    Très rapidement, alors, entrons dans le vif du sujet, Alannah.
    Que peut-on faire pour améliorer la culture entourant le TSPT et les problèmes de santé mentale pour les membres des Forces armées canadiennes et les anciens combattants? Comment pouvons-nous les inciter à signaler leurs problèmes et leur TSPT?
    Je pense qu'il faut avant tout faire en sorte qu'ils ne soient pas menacés d'être renvoyés de l'armée, immédiatement. Ce serait le premier point à régler.
    Il faut aussi discuter davantage de la question. Des cours de premiers soins en santé mentale sont maintenant offerts. Les membres en service et leur famille devraient les suivre. Je sais qu'on commence à parler de plus en plus du problème, et je pense que c'est une très bonne idée, car les gens et les membres doivent être en mesure d'identifier le problème. Bien souvent, les gens vivent dans le déni, se disant qu'ils gèrent la situation de manière très irrationnelle et ont un comportement inhabituel. C'est quand les situations se multiplient et que le comportement commence à changer qu'on commence à admettre qu'il se passe quelque chose. On ne s'en aperçoit pas toujours immédiatement. On pense seulement que c'est une mauvaise journée, qu'on a mangé quelque chose qui ne nous convient pas ou qu'on manque de sommeil. Une meilleure communication peut éradiquer l'idée préconçue qui attribue le problème à la faiblesse.
    Au bout du compte, plus on forme les gens et plus on planifie les missions futures... De toute évidence, la manière dont on se comporte en mission peut être légèrement différente de celle dont on agit à son retour au Canada. Il est extrêmement difficile de revenir de certains endroits où on va, comme des pays du tiers monde. On se rend compte qu'on manque de patience ou d'empathie quand on est de retour au pays, ce qui fait qu'il est très difficile pour les gens de rentrer au bercail.
    Je considère qu'on peut en faire beaucoup pour tenter d'améliorer la situation, mais il faut d'abord éliminer le risque que les membres soient renvoyés de l'armée.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de comparaître. Au nom du Comité, je vous demande de nous pardonner de devoir écourter la séance d'aujourd'hui. Je dirais, sans vouloir faire un usage abusif du mot, que notre écosystème est manifestement en constante évolution.
    Merci d'avoir témoigné. Nous allons prendre une très brève pause. Nous ne nous arrêterons peut-être qu'une minute avant de discuter de travaux très importants du Comité.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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