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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 057 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 mars 2015

[Énregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à la 57e  séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-51. Nous recevons un premier groupe de témoins, qui sera suivi d'un deuxième ce matin, puis nous nous réunirons de nouveau ce soir pour deux autres blocs de témoignages.
    Nous avons donc le plaisir d'accueillir nos deux premiers témoins d'aujourd'hui, qui auront chacun 10 minutes pour nous présenter leur exposé, après quoi il y a une période de questions.
    Nous souhaitons la bienvenue à Pamela Palmater, de la chaire de gouvernance autochtone du Département de politique et d'administration publique de la Ryerson University. Nous accueillons également Steve Irwin, inspecteur au Service de police de Toronto.
    Je vous remercie tous les deux d'être ici aujourd'hui et de prendre le temps de venir rencontrer le comité pour lui faire part de vos opinions sur ce projet de loi.
    Nous allons commencer par les exposés.
    Madame Palmater, vous avez la parole.
    Je tiens d'abord à souligner que nous nous trouvons sur le territoire ancestral de la nation algonquine, et je ne le souligne pas que par politesse. C'est la raison même pour laquelle vous siégez ici aujourd'hui. Sans toute la coopération, la générosité, la gentillesse et les alliances politiques du passé, le Canada ne serait pas ce qu'il est devenu. Si ce n'était des traités de paix qui ont été signés entre nos nations, qui sont protégés par la Constitution et qui font partie des fondements du Canada, aucun d'entre nous ne serait assis ici aujourd'hui. Je pense que cela touche le coeur du projet de loi C-51, et c'est pourquoi je m'y oppose.
    Le Canada impose le projet de loi C-51 aux peuples autochtones sans même avoir daigné assembler de l'information pour analyser ses incidences sur nos nations, il ne nous a pas consultés ni informés, ni n'a obtenu notre consentement. Il s'agit là d'une grave atteinte à notre relation de nation à nation.
    Je n'ai pas le temps d'aborder tous les aspects et problèmes techniques et juridiques inhérents à ce projet de loi, mais je joins ma voix à tous ceux qui ont déjà exprimé leurs inquiétudes et aux milliers d'avocats canadiens, d'experts de la sécurité, d'anciens premiers ministres et d'anciens juges de la Cour suprême du Canada qui exposeront ses failles. Je me préoccupe surtout de la façon dont ce projet de loi me touchera et touchera ma famille, les peuples autochtones de tout le Canada et nos partenaires de traités, d'autres Canadiens.
    Le Canada a depuis longtemps l'habitude de criminaliser tous les aspects de l'identité autochtone. Des primes offertes pour les scalps d'Indiens, en 1949, qui ont presque décimé ma nation mi'kmaq, jusqu'à la Loi sur les Indiens, qui a illégalisé notre culture et nous a privés de notre droit d'éduquer nos propres enfants et a même exclu les femmes autochtones de nos communautés. Tous les aspects de notre identité ont été criminalisés, dans l'histoire et encore aujourd'hui. Chaque fois, nous avons dû résister à ces lois, sans oublier qu'elles avaient été promulguées en toute légalité. Il était légal de scalper des Mi'kmaq; il était légal de nous confiner aux réserves; il était légal de nous priver de toute représentation juridique. Toutes ces choses ont été inscrites dans des lois du Canada. Nous devions être des criminels, en ce sens que nous devions contrevenir à la loi pour survivre et préserver notre sécurité et nos identités. Nous sommes encore confrontés au même problème avec le projet de loi C-51.
    Au fil des ans, ces lois se sont transformées en règlements provinciaux et municipaux qui régissent même nos moyens traditionnels de subsistance: la chasse, la pêche et la cueillette ont toutes été tellement criminalisées pour les Autochtones que nous en sommes réduits à arpenter la forêt simplement pour pouvoir nourrir nos familles. Chaque litige gagné devant la Cour suprême du Canada est le fruit d'une bataille avec les Autochtones, qui essaient de vivre leur vie et d'exercer leurs droits et leurs identités en dépit de toutes sortes d'accusations criminelles ou réglementaires.
    Chaque fois, on nous qualifie de criminels et on nous traite en criminels, et il suffit de regarder la population carcérale aujourd'hui pour comprendre que c'est toujours d'actualité, même que comme l'a dit Howard Sapers du Bureau de l'enquêteur correctionnel, c'est une véritable crise nationale et une honte. Pourquoi? Ce n'est pas parce que nous sommes des terroristes ni parce que nous sommes plus culturellement prédisposés à la criminalité, c'est le résultat direct des lois et des politiques discriminatoires du Canada. Il y a d'innombrables enquêtes judiciaires qui montrent que le racisme est une véritable infection au sein de notre appareil judiciaire canadien. L'enquête sur la poursuite non fondée intentée contre Donald Marshall, l'enquête sur la justice autochtone au Manitoba et l'enquête Ipperwash ont toutes permis de conclure que tous les aspects de notre système judiciaire, depuis les agents qui procèdent aux arrestations, en passant par les avocats, les juges et tout le système carcéral exercent ouvertement une discrimination systémique contre les Autochtones. C'est la réalité aujourd'hui.
    Le projet de loi C-51 propose de franchir l'ultime et dernier pas. Tout ce qu'il nous reste, aux peuples autochtones, ce sont nos pensées.

  (0850)  

    Nos pensées les plus privées seront désormais criminalisées. Il sera désormais possible de considérer une personne terroriste parce qu'elle conserve dans son ordinateur personnel de l'information présumée constituer de la propagande terroriste. Ma déclaration de souveraineté — et je vais le dire avant que le projet de loi C-51 ne soit adopté —, c'est que je fais partie de la nation souveraine mi'kmaq. Ce genre de déclaration dans mon ordinateur pourrait être considérée comme une déclaration terroriste et une menace à la sécurité nationale parce que ce serait une menace à la souveraineté du Canada. Bienvenue au nouveau visage du terrorisme.
    Je m'appelle Pam Palmater. Je suis avocate, professeure, maman et je milite pour la justice sociale. J'ai remporté diverses distinctions pour mon travail en justice sociale, pour l'égalité des femmes et les droits des enfants. De certains points de vue radicalisés, je suis également qualifiée de radicale, de mauvaise Indienne, d'écoterroriste, d'ennemie du peuple, de l'une des cinq principales Canadiennes à craindre, de militante dangereuse et d'extrémiste cinglée.
    La façon dont on me présente dans les médias ou dont les représentants du gouvernement me perçoivent m'importe peu, je suis plus forte que cela. Je crains surtout comment ce projet de loi me touche et je déplore toute la surveillance gouvernementale dirigée contre une militante pacifique pour la justice sociale, qui respecte les lois, qui ne s'est jamais fait arrêter ni n'a jamais été trouvée coupable d'un crime.
    En réponse à mes demandes d'accès à l'information, le SCRS m'explique qu'il a le droit de prévenir toute activité subversive et hostile contre l'État canadien et que c'est la raison pour laquelle il a un dossier sur moi. Il n'a pas la courtoisie de m'expliquer pourquoi je serais considérée subversive ou hostile. En fait, tout ce que je fais ne pourrait être plus public.
    Quand j'ai présenté une demande d'accès à l'information aux Affaires indiennes, on n'a pas voulu me confirmer qu'on me surveille. On m'a dit que le ministère faisait une analyse sur moi et mes activités parce que je suis une voix active. Cette analyse comprend 750 pages de documents, qui dressent un portrait de toutes mes allées et venues, montrent dans quelles provinces je suis allée, où j'ai prononcé des conférences et à quelles dates. Le ministère ne pouvait pas me fournir mon dossier de sécurité parce qu'il a été détruit.
    Quand je participe à des rassemblements, à des manifestations ou à des événements publics ou privés, il arrive souvent que je ne puisse pas faire d'appels avec mon cellulaire, envoyer des textos, accéder à mon compte sur les médias sociaux ou utiliser ma carte bancaire ou mes cartes de crédit. Je peux participer à un rassemblement ou à une manifestation d'Idle No More et texter mes enfants, mais je ne peux pas communiquer avec les chefs qui participent à la même manifestation. Cela me fait beaucoup craindre pour ma sécurité. Comment suis-je censée pouvoir assurer le bien-être et la sécurité des gens et de moi-même lors de rassemblements si je ne peux communiquer avec personne? Je n'ai pas à rappeler au comité les statistiques effarantes et les vulnérabilités auxquelles sont exposées les femmes autochtones au Canada.
    J'ai communiqué aussi avec la GRC. Jamais elle n'a répondu à ma demande d'accès à l'information. Divers agents de la GRC lors de divers événements m'ont confirmé qu'ils étaient là pour me surveiller. À de nombreuses manifestations, la GRC et la police provinciale m'ont informée que je devais manifester de façon pacifique. Les agents ne s'identifient pas toujours. Lors de conférences, la Première Nation hôte exige que tout agent de la GRC, de la police de l'Ontario ou de tout autre corps policier en civil s'identifie, il y en a souvent.
    Ce qui me dérange encore plus, c'est le nombre d'agents du gouvernement qui me suivent d'une conférence à l'autre et qui s'identifient souvent lorsqu'on leur demande de le faire. Ce qui est probablement le plus choquant, c'est que quand je me rends dans d'autres pays comme Samoa, le Pérou, l'Angleterre et la Suisse, les autorités locales m'informent du fait que des représentants canadiens sont là pour me surveiller. C'est très effrayant dans un pays où je n'ai commis aucun crime, mais où je suis là pour défendre pacifiquement mon peuple.
    Dans les provinces des Prairies, la GRC est très active. Ses agents appellent souvent à l'avance à l'Université des Premières Nations du Canada, où j'ai une tribune, et me demandent de leur dévoiler mes sujets ou encore où je compte aller manifester.
    Je ne suis pas la seule à avoir ce problème. Nous avons tous entendu parler de l'histoire de Cindy Blackstock, entre autres.

  (0855)  

    Je vais passer directement à mes recommandations, parce que je vois qu'il ne me reste plus de temps.
    Le projet de loi C-51 doit être retiré. Il n'est pas possible de le corriger. Il doit y avoir des consultations d'information publique en bonne et due forme, des consultations particulières pour les Autochtones et une étude parlementaire en bonne et due forme. Il n'est pas démocratique d'instruire Justice Canada d'apposer son sceau sur un projet de loi pour attester de sa conformité même s'il y a 95 % de chances qu'un tribunal l'invalide.
    Il faut créer un organisme d'examen indépendant qui serait chargé de faire rapport de la surveillance continue des Autochtones, de recueillir les plaintes, de mener les enquêtes pertinentes et de proposer des mesures de redressement.
    Enfin, nous avons désespérément besoin de désigner un défenseur spécial des Premières Nations pour surveiller toutes les procédures judiciaires, dans toutes les provinces et tous les territoires, et intervenir dès qu'il y a une demande secrète de mandat judiciaire. Cette personne devrait être considérée amicus, ce devrait être un ami de la cour indépendant, qui pourrait s'exprimer sur tous les droits constitutionnels et autochtones en jeu. C'est absolument essentiel, particulièrement si le projet de loi C-51 doit être adopté.
    Merci infiniment, madame Palmater.
    Nous allons maintenant accorder 10 minutes à l'inspecteur Irwin.
    Merci et bonjour. Je vous remercie beaucoup de me permettre de comparaître devant le comité au nom du chef William Blair et du Service de police de Toronto.
    Comme on l'a dit, je m'appelle Steve Irwin. Je suis inspecteur au Service de police de Toronto. Le mois prochain, je célébrerai mes 35 ans de service au Service de police de Toronto. Je suis actuellement en détachement au sein de l'Équipe intégrée de la sécurité nationale dirigée par la GRC, à Toronto, et je suis responsable des enquêtes en matière de sécurité nationale dans la région du Grand Toronto et tout le Sud-Ouest de l'Ontario.
    J'ai commencé ma carrière policière en tant que policier en uniforme à Toronto, où j'ai travaillé pour les sections des homicides, des agressions sexuelles, des crimes haineux et du renseignement. En 1995, j'ai été le sergent à créer l'unité antiterrorisme au sein du Service de police de Toronto, pour nous attaquer à ce que nous percevions comme une menace terroriste émanant de la première attaque portée contre le World Trade Center, à New York. Depuis 1995, je joue un rôle de premier plan au sein du Service de police de Toronto sur les questions liées au terrorisme.
    Pour vous parler un peu de la situation actuelle, les événements du 11 septembre nous ont appris qu'il n'y avait pas de règles ni de frontières pour le terrorisme. La réalité nous a frappés de plein fouet: tout est permis. Nous avons révisé le tir et avons créé des dispositions antiterroristes dans le Code criminel pour contrer cette menace grâce à l'application de la loi. Plus récemment, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait des failles dans nos lois pénales pour réagir à l'évolution de la menace terroriste qui se manifeste depuis le début du millénaire.
    De nouvelles infractions criminelles ont été créées, et des mesures préventives ont été rétablies par le projet de loi S-7, qui a bien sûr été adopté. Toutes ces dispositions nous aident à prévenir le terrorisme et à tenir responsables les personnes ayant l'intention de commettre des infractions terroristes.
    Je vais vous parler brièvement de certains aspects des propositions contenues dans le projet de loi C-51 du point de vue des services de police non fédéraux.
    Concernant les modifications au Code criminel, j'ai beaucoup utilisé les dispositions du Code criminel contre la propagande haineuse depuis que j'ai été affecté à l'Unité des crimes haineux du Service de police de Toronto, en 1993. J'ai réfléchi à l'application des dispositions sur la propagande haineuse dans divers contextes où des personnes militaient publiquement pour l'usage de la violence pour défendre des croyances religieuses, idéologiques ou politiques.
    Malheureusement, ces dispositions sont trop restrictives pour les personnes assez rusées ou assez bien conseillées pour éviter de divulguer toute intention criminelle. Compte tenu de la menace terroriste actuelle, nous avons absolument besoin de créer une nouvelle infraction pour la promotion du terrorisme. Beaucoup de semeurs de haine se cachent derrière des mots soigneusement choisis qui leurrent de plus en plus de personnes vulnérables, souvent jeunes, et les poussent à adopter une philosophie radicale qui glorifie la prise d'armes contre ceux et celles qui ont des croyances différentes.
    Il est crucial que les personnes ayant une intention criminelle subissent les conséquences de leurs agissements criminels. Il est tout aussi important de nous doter des outils nécessaires pour pouvoir arrêter ceux qui utilisent la propagande terroriste pour influencer ces mêmes personnes vulnérables et les convaincre d'adopter une philosophie radicale qui mène à des actes terroristes.
    Grâce à ces nouvelles infractions criminelles, nous pourrons prévenir la croissance des groupes terroristes. Le fait d'abaisser le seuil d'intervention pour viser non seulement ceux qui « commettront une infraction terroriste » mais aussi ceux qui « pourraient commettre une infraction terroriste » donnera aux responsables de l'application de la loi et aux tribunaux un outil de prévention important pour éviter aux personnes vulnérables mal conseillées d'adopter un comportement criminel grave et de s'exposer à la responsabilité qui s'ensuit.
    Les outils que prévoit le Code criminel aident les responsables de l'application de la loi, mais en vérité, selon mon expérience, ils ne suffisent pas pour réagir à tous les aspects de l'évolution actuelle des menaces à notre sécurité nationale, à la fois sous la forme du terrorisme et de l'espionnage.
    Je considère les modifications proposées au SCRS progressistes. Le SCRS intervient souvent avant les responsables de l'application de la loi et pourrait facilement perturber suffisamment des activités pour atténuer les menaces. Je ne laisse absolument pas entendre qu'il devrait toujours user de stratégies de perturbation, mais il serait sûrement très efficace qu'il ait le pouvoir d'en utiliser en toute indépendance des responsables de l'application de la loi, essentiellement pour mieux assurer la sécurité des Canadiens.
    Concernant la loi sur la sécurité de l'information au Canada, je crois que la possibilité d'inclure les services de police non fédéraux à la liste des organismes... L'information communiquée serait importante pour diverses raisons, notamment pour les principaux services de police municipaux, régionaux et provinciaux. Ils participent fréquemment à la collecte de renseignements aux premiers stades des enquêtes relatives à la sécurité nationale lorsqu'il n'est pas évident au premier abord qu'il s'agit de questions de sécurité nationale.
    De plus, les services de police municipaux, régionaux et provinciaux sont les services de police compétents à beaucoup d'endroits le long de nos frontières internationales et aux points d'entrée qui se trouvent dans les aéroports internationaux.

  (0900)  

    Bien souvent, il n'y a pas d'agents de la GRC qui travaillent à ces endroits, et s'il y en a, ils ne sont pas présents 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ce qui oblige le service de police responsable à mener des enquêtes liées à la sécurité nationale. Comme ces policiers n'ont pas accès à l'information disponible parce qu'ils ne font pas partie d'un corps de police fédéral, il pourrait y avoir des failles ayant des répercussions sur la sécurité du public.
    Enfin, les services de police régionaux du pays observent souvent des « activités portant atteinte à la sécurité du Canada », au sens de la définition contenue à l'article 2 du projet de loi, comme « entraver le fonctionnement d'infrastructures essentielles » et « se livrer au terrorisme », et ils pourraient se trouver aux prises avec « une activité qui a pour effet la prolifération d'armes nucléaires, chimiques, radiologiques ou biologiques » ou une « activité au Canada qui porte atteinte à la sécurité d'un autre État ».
    En toute déférence, la GRC en Ontario n'a pas les ressources qu'il lui faut pour toujours répondre rapidement aux incidents qui pourraient correspondre à cette définition de la loi. Je porte à votre attention le fait que les agents de la GRC assument exactement les mêmes fonctions que la police municipale ou provinciale dans beaucoup de collectivités, dans toutes les provinces, sauf en Ontario et au Québec. Seul le fait qu'ils fassent partie de la GRC leur donne accès à des renseignements auxquels les autres policiers du pays assumant les mêmes fonctions n'ont pas accès.
    Au sujet de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, il faudrait envisager d'accorder plus de pouvoirs, notamment pour utiliser des photographies ou des données biométriques lorsque c'est possible, pour intercepter les personnes interdites de vol, puisque leurs pseudonymes ne sont pas toujours connus. Je pense qu'il y a là une grave lacune.
    Il faudrait également envisager d'inclure une liste exhaustive des services de police non fédéraux à l'article 10, « Aide au ministre », à l'alinéa f), puisque beaucoup d'aéroports internationaux relèvent de services de police municipaux, régionaux ou provinciaux. Cela comprend des aéroports de Toronto, dont le Toronto Island Airport. L'aéroport municipal de Buttonville, dans la région de York, en est un autre exemple. Il y a aussi l'aéroport de Hamilton. Il y a un aéroport international à London, en Ontario. Tous ces aéroports relèvent d'abord de la police municipale ou provinciale.
    Pour conclure, les modifications proposées dans le projet de loi C-51 constituent un pas en avant pour éliminer les échappatoires qui exposent les Canadiens et le public à des actes criminels qui compromettraient notre sécurité nationale. Il faut admettre que l'équilibre entre la liberté dont nous jouissons au Canada et les mesures de sécurité requises pour assurer cette liberté ne viennent pas sans coût pour nos droits individuels et notre vie privée.
    D'après mon interprétation des changements législatifs proposés, les autorisations requises pour pouvoir exercer ces nouveaux pouvoirs prescrivent une surveillance et des vérifications obligatoires, des mesures qui se conjuguent aux mesures de protection déjà en place pour divers organismes gouvernementaux, et je crois que ces mesures suffiront pour nous protéger efficacement des abus et nous prémunir contre bon nombre des problèmes soulevés par les opposants au projet de loi C-51. Tout en reconnaissant qu'il n'existe pas de solution unique pour contrer les menaces actuelles à la sécurité nationale, je crois que le projet de loi C-51 nous procurera certainement de meilleurs outils pour éviter que ces menaces ne se concrétisent sous la forme d'actes de terrorisme ou d'espionnage.
    Je vous remercie de votre attention, et je suis prêt à répondre à vos questions.

  (0905)  

    Merci infiniment, inspecteur Irwin.
    Nous allons maintenant entreprendre des séries de questions de sept minutes.
    Commençons par M. Falk.
    Vous avez la parole, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins, Mme Palmater et l'inspecteur Irwin, de se joindre à nous ce matin. J'ai beaucoup apprécié vos témoignages.
    Ce comité a entendu une panoplie d'opinions sur cet enjeu et les problèmes potentiels. Je crois que les témoins ont tous, probablement sans exception, mentionné que la menace du terrorisme contre les Canadiens est bien réelle. Le projet de loi C-51 vise assurément à moderniser les outils à la disposition des organismes d'application de la loi qui doivent contrer cette menace bien réelle.
    Inspecteur, vous avez parlé de l'évolution de ces menaces. Nous avons évidemment déjà entendu dire que les armes utilisées par les terroristes djihadistes pour réaliser leur mission évoluent rapidement et se modernisent. J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de la nécessité, pour nous, d'être au courant des dernières avancées des techniques modernisées que les djihadistes emploient.
    Certainement.
    Il y a deux aspects à considérer. Tout d'abord, évidemment, il y a notre rôle au sein de la communauté internationale. Nous voulons être perçus comme une nation qui respecte ses engagements.
    Des événements se sont produits. Nous avons vu des Canadiens se rendre à l'étranger pour perpétrer des attaques terroristes contre des innocents. Je crois que notre réputation d'exportateur de marijuana et de terroristes n'est pas quelque chose dont nous devrions être fiers, en tant que Canadiens.
    À ce sujet — et encore une fois, d'un point de vue municipal, sachez que j'en sais beaucoup sur les enquêtes qui se sont déroulées —, il y a beaucoup d'armes disponibles au pays. Grâce à Internet, il est désormais facile de trouver de l'information et de s'en procurer. Le monde est sur nos ordinateurs et nos téléphones intelligents. On sait maintenant comment fabriquer ou utiliser des armes qu'on ne verrait pas normalement, y compris des véhicules à moteur et des armes improvisées.
    Ce qui est encore plus important, ce sont les gens qui conspirent, qui commencent à adopter ces techniques; ce sont des gens qui se sentent souvent aliénés et qui veulent renforcer leurs croyances.... Quand on parle des djihadistes, on pense à la radicalisation islamique et à ces gens qui sont prêts à utiliser la violence au nom de leur religion.
    Cette menace est omniprésente. Quand je repense au groupe des 18 de Toronto — qui est l'initiative d'un petit groupe de gens d'une même ville. C'est maintenant un phénomène mondial. Des gens de partout dans le monde inspirent ce comportement. Je dirais même qu'ils outillent d'autres personnes et leur enseignent comment déjouer nos systèmes, s'exprimer et ne pas enfreindre les lois en place au Canada et, enfin, attirer dans leurs rangs les jeunes et les personnes les plus vulnérables.
    Il y a quelques années, les cibles étaient principalement des hommes. Aujourd'hui, comme nous l'apprenons dans les médias, un nombre croissant de femmes se font entraîner et quittent le pays pour se rallier à des entités terroristes.
    Nous sommes également préoccupés par ce qu'ils apprennent là-bas. Chose certaine, ils ramènent ici ce qu'on leur a enseigné, comme nous l'avons vu récemment au Canada, et lorsqu'ils déterminent que le Canada est un ennemi commun, ils n'hésitent pas à utiliser leurs connaissances et leurs armes contre nous.

  (0910)  

    Merci.
    Hier soir, nous avons recueilli le témoignage de la soeur de l'adjudant Patrice Vincent.
    Elle a dit au comité que les gens travaillent en vase clos lorsqu'il s'agit de communiquer des renseignements, ce qui, selon elle, empêche les forces de l'ordre de prendre des mesures qui auraient pu sauver la vie de son frère.
    Elle a également indiqué à quel point les organisations reconnaissent que le cloisonnement ne favorise pas un environnement sain, ni la progression de l'organisation. J'ai une certaine expérience dans le domaine et j'ai travaillé au sein de plusieurs grandes entreprises, et le cloisonnement est sans aucun doute quelque chose que nous essayons d'éliminer.
    Le projet de loi autorise la communication d'information entre les divers organismes d'application de la loi dans cette optique de décloisonnement.
    Pourriez-vous nous dire en quoi cet amendement serait utile?
    En fait, je pense que c'est un aspect essentiel, même au sein du gouvernement fédéral. Ayant travaillé ces quatre dernières années avec la GRC, et ayant les mêmes pouvoirs qu'un agent de la GRC, je sais qu'il est difficile d'avoir accès au fonds de données des divers organismes gouvernementaux. Cet accès pourrait nous permettre de mener une enquête criminelle plus approfondie ou de conclure une enquête sur la sécurité nationale; d'autres entités pourraient détenir de l'information sur des individus ou groupes qui ont été identifiés ou contre lesquels on a porté des accusations.
    C'est intéressant — et je parle ici d'un point de vue municipal — au niveau fédéral. Il est essentiel que cette information puisse être communiquée. Toutefois, cela doit faire l'objet d'une reddition de comptes. À mon humble avis, il s'agit de nos droits. Je pense que nous devons en tenir compte lorsque nous regardons les mesures de protection qui sont en place à l'égard de la communication d'information.
    Toutefois, ces lacunes constituent un gros problème, et c'est frustrant, parfois, de devoir trouver, par des mécanismes légaux, le moyen de mettre la main sur des renseignements qui nous aideraient à mener nos enquêtes et à prévenir les actes de terrorisme.
    Merci beaucoup, messieurs Falk et Irwin.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Saganash pour sept minutes.
    Merci à nos témoins d'être ici ce matin.
    Je vais tout d'abord m'adresser à Mme Palmater. J'ai moi aussi travaillé dans ce domaine pendant plus de trente ans. Je me suis également heurté à de nombreuses difficultés. Toutes les manifestations et les contestations de la part des peuples autochtones au pays sont toujours liées à l'économie. De toute évidence, l'exploitation des ressources est un aspect important.
    Les dispositions du projet de loi sont d'une portée considérable et, par conséquent, elles constituent une menace directe aux droits prévus à l'article 35. Le chef national Bellegarde a recommandé que nous abandonnions ce projet de loi. Vous dites qu'il devrait être rejeté parce qu'il ne peut même pas être amélioré. Je suis d'accord avec vous.
    Durant les 150 années d'existence du Canada, les gouvernements se sont toujours conduits en adversaires des Autochtones. Nous le savons tous. Ce que nous considérions comme des questions relatives aux droits ont été traitées comme des questions d'ordre public par les gouvernementaux fédéral, provinciaux et municipaux qui se sont succédé.
    Ce projet de loi va-t-il aggraver la situation des Autochtones au pays, et pourquoi?

  (0915)  

    Je vous remercie de votre question. Il s'agit d'une question importante, car comme je l'ai dit, le projet de loi n'a pas seulement une incidence sur les peuples autochtones; il porte atteinte aux droits de tous les Canadiens, que ce soit les environnementalistes, les syndicats, les groupes de femmes ou les enfants.
    Nous devons examiner avec réalisme les dangers auxquels nous sommes exposés dans l'immédiat. Combien de Canadiens ont-ils perdu la vie à cause d'actes terroristes en sol canadien? Comparez ce nombre avec les milliers de femmes et de filles portées disparues ou assassinées. Comment le projet de loi C-51 les protège-t-il? Combien de maris violents ont-ils tué leur femme? Combien de tueurs en série sillonnent le pays? Pourtant, on continue d'accorder toute l'importance au projet de loi C-51.
    Le problème, c'est que le projet de loi ne porte pas vraiment sur le terrorisme. Si vous analysez ce projet de loi omnibus, comme vous venez de le mentionner, il ne vise pas vraiment à lutter contre le terrorisme, mais plutôt à maintenir les relations de pouvoirs et la structure économique au Canada. Cette nouvelle mesure législative sur la sécurité nationale cible les menaces à la souveraineté, à l'intégrité territoriale, aux relations diplomatiques, à la stabilité économique et aux infrastructures essentielles. Tout ce qui est énoncé dans le projet de loi fait partie de la vie quotidienne des Canadiens et des Premières Nations. Ce projet de loi, qui vise toute activité, toute personne et toute démarche qui menace la sécurité nationale, définie ici comme étant la stabilité financière et l'intégrité territoriale, fait de chacun de nous un suspect.
    Le projet de loi donnerait gain de cause aux terroristes en entravant davantage les libertés individuelles des Canadiens. Qu'est-ce que le terrorisme? En gros, c'est la négation de la vie, de la liberté et de la sécurité des personnes. Si le Canada va de l'avant avec ce projet de loi et supprime ces droits, les terroristes auront alors gagné la partie.
    Or, nous avons tellement lutté pour obtenir des traités, une Charte des droits et libertés et des lois internationales qui protègent les droits de la personne que nous ne voulons pas perdre tout cela au profit de certains intérêts économiques.
    Étant donné que votre demande d'accès à l'information a révélé que vous avez fait l'objet d'opérations de surveillance alors que vous participiez à des actions citoyennes parfaitement légales, est-il raisonnable de penser que si ce projet de loi était adopté, vous pourriez être considérée comme une terroriste?
     Le projet de loi C-51, rédigé tel quel, s'appliquerait à toutes les activités du mouvement Idle No More. Imaginez cela. Le grand chef Matthew Coon Come du Grand Conseil des Cris a affirmé que si les activités qu'ils ont menées à une certaine époque s'étaient déroulées aujourd'hui, l'accord de la baie James n'aurait jamais été négocié. Tous ces gens seraient en prison aujourd'hui. Le mouvement Idle No More, qui a toujours été un rassemblement pacifique de Premières Nations et de Canadiens chantant, dansant et jouant du tambour, serait surveillé de près — si ce n'est pas déjà le cas, comme l'ont rapporté les médias — et il y aurait peut-être davantage de détentions arbitraires.
    Tout cela est très inquiétant pour le pays. Il ne faut pas oublier que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones nous protège et reconnaît notre droit d'agir de manière autonome et d'occuper nos terres. Aux termes du manuel du ministère de la Défense nationale, le fait d'occuper nos terres et de défendre notre autonomie et nos droits politiques est considéré comme de l'insurrection, au même titre que le djihadisme. Une disposition selon laquelle toute activité, dissidence, protestation, forme d'art licite — peu importe de quoi il s'agit — ne serait pas visée par ce projet de loi n'offre aucune garantie, parce que la minute où nous faisons une danse traditionnelle dans la rue sans permis, cela devient rapidement illégal.
    Il ne faut pas perdre de vue — et j'en ai déjà parlé — que toutes les lois que le Canada a adoptées n'ont pas empêché mon peuple de se faire assassiner, violer, torturer, stériliser et scalper. Il s'agissait pourtant de lois valides. La seule façon de nous protéger était d'opposer une résistance illégale.
    Selon nous, le réel danger pour les Premières Nations et les Canadiens est la destruction de l'environnement et la contamination de notre eau. Nous avons le droit de défendre notre vie, notre liberté et la protection de nos futures générations. En vertu de ce projet de loi, tout cela sera considéré comme une menace à la sécurité nationale ou du terrorisme.

  (0920)  

    Merci beaucoup.
    Votre temps est écoulé, monsieur Saganash.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Ablonczy pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui et de nous faire part de leur point de vue sur cet important projet de loi.
    Je pense qu'il est important de considérer ce que le projet de loi dit à propos des activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada. Nous voulons que notre pays continue d'être un endroit paisible, libre et où tous les droits en matière de vie privée sont protégés.
    Les activités qui compromettent la sécurité du Canada sont énoncées au paragraphe 2 du projet de loi. Il y en a neuf, et je vais vous les lire car je vais ensuite poser une question à ce sujet.
    Tout d'abord:
a) entraver la capacité du gouvernement fédéral — ou de son administration — en matière de renseignement, de défense, d’activités à la frontière, de sécurité publique, d’administration de la justice, de relations diplomatiques ou consulaires ou de stabilité économique ou financière du Canada;
     La deuxième activité consiste à:
b) entraîner un changement de gouvernement au Canada ou influer indûment sur un tel gouvernement par l’emploi de la force ou de moyens illégaux;
     La troisième activité est:
c) espionner, saboter ou se livrer à une activité secrète influencée par l’étranger;
    La quatrième est le terrorisme, et la cinquième consiste à:
e) se livrer à une activité qui a pour effet la prolifération d’armes nucléaires, chimiques, radiologiques ou biologiques;
    Ensuite:
f) entraver le fonctionnement d’infrastructures essentielles;
    La suivante consiste à:
g) entraver le fonctionnement de l’infrastructure mondiale d’information, au sens de l’article 273.61 de la Loi sur la défense nationale;
    La huitième est:
h) causer des dommages graves à une personne ou à ses biens en raison de ses liens avec le Canada;
    La neuvième:
i) se livrer à une activité au Canada qui porte atteinte à la sécurité d’un autre État;
    Et pour terminer:
Il est entendu que sont exclues les activités licites de défense d’une cause, de protestation, de manifestation d’un désaccord ou d’expression artistique.
    Maintenant, nous voulons faire les choses correctement parce que nous sommes en face d'un réel danger. Nous savons que les terroristes djihadistes ont déclaré la guerre au Canada. Ils ont nommément ciblé le Canada en exhortant ses adeptes à attaquer les « infidèles » canadiens « par tous les moyens », et en jurant de ne pas nous laisser nous sentir en sécurité, même dans notre propre maison.
    Je suis persuadée que tout le monde ici, peu importe ce qu'on pense du projet de loi, ne voudrait pas que ces menaces soient mises à exécution.
    Je vais tout d'abord m'adresser à vous, inspecteur Irwin. Selon vous, les neuf activités énoncées dans ce projet de loi englobent-elles les activités des militants, comme Mme Palmater, qui pourrait désormais être ciblée par les opérations de nos forces de l'ordre en vertu du paragraphe 2 du projet de loi?
    Je suis consciente que c'est une question difficile.
    Je ne peux m'empêcher de penser à toutes les manifestations d'envergure auxquelles j'ai assisté à Toronto, et aussi ici à Ottawa, et ailleurs dans la province depuis 1993.
    Selon moi, les protestations sont nécessaires au bon fonctionnement de notre système. Nous avons besoin d'un système de freins et de contrepoids. Je repense à mes débuts, lorsque je devais intervenir dans les cas de propagande haineuse, et à l'importance d'obtenir le consentement du procureur général en ce qui concerne la liberté d'expression; c'est la même chose pour les infractions de terrorisme.
    Ce n'est pas aux forces de l'ordre, qui penchent plus vers la droite, de décider, mais plutôt au gouvernement, et au procureur général. Dans bon nombre de ces articles, il est question du ministre de la Sécurité publique. Il faudra autoriser et justifier les interventions.
    J'ose espérer qu'il y a d'autres infractions criminelles dans le Code criminel — nous avons assisté à des manifestations plutôt animées contre le G8 puis contre le G20 à Toronto, en 2010 —, et il y a des articles du Code criminel qui ont été examinés qui pourraient également correspondre à ces définitions.
    D'après mon expérience — et cela fait maintenant 22 ans que je m'occupe des renseignements, des renseignements criminels et de la sécurité nationale —, je vous dirais que nous faisons preuve d'une plus grande ouverture et d'une plus grande tolérance maintenant à l'égard des personnes qui ont des opinions différentes et qui manifestent dans les rues. Ce n'est pas criminalisé et ce n'est pas ce que ciblent les services de sécurité.
    Je crois que le gouvernement et les autorités devront faire preuve de discernement. Dans le cas des Premières Nations, je dois vous dire que lorsque je me suis préparé pour venir ici, je me suis concentré sur la menace djihadiste internationale. N'empêche que je comprends l'effet que cela peut avoir sur les groupes nationaux, et certainement sur les peuples autochtones.

  (0925)  

    D'accord. Merci beaucoup.
    J'aimerais que Mme Palmater puisse mettre à profit ses compétences juridiques et ses solides connaissances en activisme en nous expliquant en quoi les activités énoncées à l'article 2 pourraient avoir une incidence sur ses propres activités.
    Madame Palmater, le temps est écoulé, mais je vais tout de même vous donner l'occasion de répondre brièvement.
    Je vous remercie de me poser la question car, comme vous le savez sans doute, j'ai été avocate pour Justice Canada, j'ai travaillé sur des projets de loi et j'ai suivi une formation en interprétation des lois et en rédaction de règlements. C'est pourquoi je suis étonnée que le projet de loi se soit rendu jusqu'ici. Les avocats de Justice Canada que je connais l'auraient déclaré inconstitutionnel.
    Le problème, c'est que la liste que vous venez de lire n'est qu'une liste. Ce sont des exemples de ce qui constituerait des menaces à la sécurité nationale. Il n'y a aucune limite à la définition de l'atteinte à la sécurité nationale. Cela peut être « toute activité ».
    En vertu de ce projet de loi, qui prend les décisions? Évidemment, c'est le Canada et les agents d'application de la loi. Ce qui se passe, c'est qu'il y a un nombre infini d'infractions qui sont créées. On n'en connaît pas la limite. En tant que citoyens, nous avons le droit de connaître les infractions dont nous pourrions être inculpés. Nous savons que nous ne pouvons pas voler, par exemple, alors nous ne commettons pas de vol, autrement, nous nous exposons à des conséquences.
    Aux termes de ce projet de loi, la liste est infinie. On se retrouve avec un problème de droit et cela ne résisterait certainement pas à une contestation constitutionnelle ou en vertu de la Charte. D'ailleurs, je pense que les anciens juges de la Cour Suprême ont été très clairs à ce sujet.
    Merci.
    Je suis désolé, madame Palmater, mais vous avez dépassé de beaucoup le temps qui était alloué.
    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à monsieur Easter.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos deux témoins, non seulement pour leur témoignage d'aujourd'hui, mais aussi pour leur travail, l'un dans le domaine de l'application de la loi et l'autre dans le domaine des activités militantes légales. Ce sont deux domaines d'activités importants en démocratie.
    Tout d'abord, madame Palmater, vous avez parlé de la nécessité d'avoir un avocat spécial des Premières Nations. Je présume que cela se rapporte à l'article du projet de loi en vertu duquel le SCRS peut obtenir un mandat auprès d'un juge pour prendre certaines mesures.
    D'après ce que vous dites, je déduis que si le projet de loi est adopté, il faudra y apporter un amendement permettant d'avoir des avocats spéciaux, dans ce cas-ci pour les Premières Nations, qui seront en mesure de présenter l'autre côté de la médaille au juge à qui le SCRS a demandé une autorisation.
    Est-ce exact? Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

  (0930)  

    Je tiens à préciser qu'aucune modification ne pourrait sauver le projet de loi.
    Je comprends.
    Mes recommandations portaient sur la façon de s'attaquer au problème actuel. Nous sommes en pleine crise, car les agents de police et le gouvernement ciblent les Premières Nations de façon générale. Si le projet de loi était adopté et qu'on y ajoutait une disposition sur la création d'un avocat spécial des Premières Nations qui assisterait à tous les processus de base, rien n'empêcherait qui que ce soit de continuer à cibler le peuple. C'est comme essayer d'indemniser les femmes autochtones assassinées après leur meurtre. C'est trop peu trop tard. Je ne crois donc pas qu'une telle disposition contrecarrerait efficacement toutes les violations des droits qu'on retrouve actuellement dans le projet de loi C-51.
    Pour en revenir à votre demande, un des problèmes de la version actuelle du projet de loi se rapporte au moment où le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, s'adresse à un juge. Le ministre de la Justice a dit qu'il s'agissait de surveillance judiciaire, mais ce n'est pas le cas. Il s'agit des pouvoirs traditionnels ayant permis au SCRS de faire certaines choses. Il y a des gens qui ont l'impression qu'il faut établir un équilibre devant le juge qui rendra la décision. Voilà où je veux en venir. Y aurait-il un meilleur équilibre si un avocat spécial des Premières Nations intervenait dans les affaires où le SCRS s'adresse à un juge pour solliciter un mandat lui permettant de faire certaines choses?
    Je pense que l'équilibre serait meilleur qu'il ne l'est actuellement dans le libellé du projet de loi, mais n'oublions pas qu'il met également le fonctionnement de notre système de justice et de notre Constitution sens dessus dessous. En fait, les juges ont pour rôle de faire respecter la Constitution et les droits garantis par la Charte, et non pas de trouver des façons de les contourner. Ainsi, leur demander d'aller à l'encontre de tout ce qu'ils ont appris ou de notre façon de nous gouverner... Même un avocat spécial des Premières Nations ne pourra pas véritablement s'attaquer au coeur du problème.
    Je comprends ce que vous dites. Merci.
    Inspecteur Irwin, vous avez dit que le projet de loi présente une lacune, plus particulièrement en ce qui a trait aux aéroports. Si vous me le permettez, je vais vous poser deux questions. Pourriez-vous décrire un peu mieux les lacunes que vous constatez du côté des autorités policières ou locales qui s'occupent des aéroports? Je pense que vous avez parlé de ceux de l'île de Toronto et d'Hamilton, mais il y en a beaucoup au pays.
    En deuxième lieu, vous avez parlé du problème de propagande haineuse, et je sais que vous avez de l'expérience à ce chapitre. Ceux qui s'opposent au projet de loi craignent que la propagande haineuse permette essentiellement aux autorités de saisir pratiquement tout ordinateur au pays. Comment peut-on établir un équilibre? Le projet de loi y parvient-il, puisqu'il faut aussi éviter que la propagande ne radicalise certains individus et n'occasionne d'autres problèmes au pays et à l'étranger? Comment réussir tout en protégeant l'utilisation des données de la population?
    Je vais répondre à la première question le plus brièvement possible.
    Prenons l'exemple de l'aéroport international Pearson. Disons qu'il y a un vol de nuit après les heures normales d'ouverture — le service régional de police de Peel est l'autorité compétente — et qu'un membre de la famille avise qu'un individu se déplace pour aller rejoindre une organisation terroriste en Syrie; la situation nécessite une intervention immédiate. Toutefois, puisque la personne n'a pas utilisé son nom pour voyager, différents organismes gouvernementaux pourraient avoir d'autres renseignements. Le service régional de police de Peel n'y a pas accès, ce qui pourrait entraver la procédure. Avec tout le respect que je lui dois, ce service de police à l'aéroport ne connaît peut-être pas très bien les questions de sécurité nationale et les lois afférentes.
    Voilà donc le genre de lacune que nous constatons. L'aéroport Pearson est un excellent exemple où le service de police d'urgence relève de la municipalité ou de la région plutôt que du gouvernement fédéral.
    Pour ce qui est de votre deuxième question, c'est intéressant, car on a craint pour la liberté d'expression pendant des années lorsqu'on parlait de propagande haineuse. Des gens ont fait des déclarations publiques à la limite de la propagande haineuse, mais relativement peu d'accusations ont été portées en raison de la protection que confère le consentement du procureur général. Il en va de même pour la promotion d'actes terroristes. Je pense notamment au livre de propagande haineuse Les Carnets de Turner, dont la possession n'est pas illégale. Il est toutefois interdit de le vendre ou le distribuer. Il y a de nombreuses années, une grande librairie a voulu faire venir le livre en réponse à la demande, et je me suis retrouvé dans une réunion avec des représentants de l'industrie du livre, du gouvernement et des douanes. Je vois que la loi existe. Il y a des mesures de protection en place, mais elles sont importantes puisque des dirigeants djihadistes, dont certains sont morts, ont des vidéos pour transmettre leurs enseignements. Souvent, les individus radicaux nouvellement convertis suivent ces vidéos, qui les incitent à passer du simple radicalisme à un comportement criminel, extrémiste et terroriste.
    Il est donc important que nous tentions de faire quelque chose. Il y a également des chefs spirituels dans les communautés — et je ne parle pas nécessairement des musulmans — qui ont défendu ou soutenu des gestes terroristes commis ailleurs, et en ont vanté les mérites, mais ils n'ont pas de comptes à rendre. Nous ne pouvons pas les arrêter, ce qui a assurément eu une incidence sur la sécurité nationale de la population canadienne.

  (0935)  

    Merci beaucoup, monsieur Irwin.
    Monsieur Garrison, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Une des préoccupations du NPD à propos du projet de loi, c'est qu'il pourrait non seulement menacer les droits, mais aussi ne pas être efficace.
    Comme les médias l'ont signalé, Edward Snowden s'est adressé au Upper Canada College par caméra Web à partir de la Russie, et il a dit une chose fort intéressante: lorsqu'on recueille tout, on ne comprend rien.
    Inspecteur Irwin, vous avez brièvement abordé la question des ressources dans votre exposé. J'imagine que la préoccupation soulevée par Snowden, que je partage d'ailleurs, est que si nous créons un filet trop large, nous compromettrons les efforts ciblés dont nous avons besoin pour nous attaquer à ce qui menace véritablement le Canada. Voici donc ma question: que pensez-vous du fait d'élargir la portée du filet, compte tenu des ressources limitées dont nous disposons?
    Lorsque je suis arrivé à l'unité du renseignement de la police de Toronto en 1993, toute information nous arrivait sur une feuille de papier, après quoi nous avons eu des télécopieurs, puis des courriels et un accès au Web. J'ai trois BlackBerry sur moi. La quantité de renseignements est écrasante.
    Je ne nie pas que, s'il est trop vaste, le filet perdra de la valeur. Je me pose toutefois des questions sur l'importance de l'information en raison des petites menaces — j'en sais pas mal sur le plan technologique, et j'ai bien des jeunes qui s'y connaissent.
    À l'époque où tout n'était pas en ligne, j'ai travaillé quatre ans et demi dans l'unité responsable des agressions sexuelles à Toronto, à pourchasser un violeur inconnu de Scarborough. Il nous est donc important de tenir compte de ce genre de lacunes et des critiques qui en découlent.
    Le juge Campbell a rédigé un rapport sur l'absence d'échange d'information. C'est intéressant, compte tenu des tonnes de renseignements qui sont disponibles. Je pense notamment à l'affaire de meurtre d'une jeune fille de Toronto à laquelle j'ai travaillé, qu'il a fallu 10 ans pour résoudre, et à l'arrivée des données génétiques en ligne. La quantité de renseignements peut être écrasante, et nous devrions déterminer judicieusement la quantité que nous recueillons. Ce que nous en faisons est tout aussi important.
    Je pense que certains fils de discussions pouvant aider à élucider ou à prévenir un crime doivent analysés et utilisés afin de protéger le public. Je trouve que c'est important, mais j'hésite toujours à tout recueillir. Nous pouvons très rapidement être submergés d'information.

  (0940)  

    Merci.
    Je sais que vous travaillez depuis très longtemps dans le secteur du terrorisme, et j'aimerais vous poser une question sur les efforts de lutte contre la radicalisation déployés par le service de police de Toronto ou dans le Grand Toronto, et sur les activités dont vous avez connaissance. Trouvez-vous que les mesures prises sont pertinentes ou que nous devrions davantage mettre l'accent sur la lutte contre la radicalisation?
    C'est intéressant, car j'ai bel et bien comparé la menace terroriste à la radicalisation criminelle, ou à l'extrémisme criminel. À mes yeux, la situation n'est pas différente du problème de Toronto lié aux gangs. Il y a de nombreuses années, nous refusions d'admettre l'existence du problème, mais il y en a manifestement un.
    La radicalisation vers l'extrémisme et le terrorisme n'est pas sans rappeler ceux qui entrent dans les gangs de rues ou d'autres groupes criminels organisés. À Toronto, nous avons étendu nos activités de manière à englober la radicalisation. Bien des jeunes sont simplement entraînés sur cette voie. Je dis respectueusement aux personnes âgées qu'à leur époque, certains voulaient peut-être aller en Californie pour rejoindre les rangs du mouvement Hare Krishna, ce qui n'était pas criminel et ne posait aucun problème. Mais qu'est-ce qui attire les jeunes? Qu'est-ce qui les entraîne dans le terrorisme et l'extrémisme criminel à des fins terroristes?
    Le service de police de Toronto a donc étendu ses activités. Je sais également que le gouvernement canadien et Sécurité publique Canada ont parcouru le pays pour lutter contre l'extrémisme violent. Au départ, ils ont mis en place un programme pilote en partenariat avec Toronto pour accroître le rôle de la ville. Je sais que le problème est d'actualité au pays. Il y a de nombreux... C'est un phénomène international aussi. J'ai reçu le courriel d'un confrère australien qui viendra à Ottawa en mai, et qui souhaite ensuite aller à Toronto justement pour observer la situation. Nous sommes tous aux prises avec le problème. C'est difficile et, sauf votre respect, les forces policières ne sont pas les seules qui peuvent s'y attaquer, et ne sont pas nécessairement les mieux placées non plus. Une bonne partie du problème précède tout acte criminel, et nous avons besoin de groupes communautaires et de professionnels qui sont mieux placés que nous pour aider.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Avez-vous un rappel au Règlement, monsieur?
    Oui. Dans le cadre de nos délibérations, il y a souvent, comme c'est le cas ce matin, trois questions posées par ceux qui appuient le projet de loi, à savoir les conservateurs et les libéraux, et moins de questions de ceux qui s'y opposent. Je me demandais donc si le comité était prêt à laisser Mme May poser une question.
    Veuillez m'excuser, madame May, mais vous n'avez pas la parole. Monsieur Garrison, ce n'est possible que si un député de l'opposition ou du gouvernement souhaite renoncer à son temps de parole pour lui donner, avec l'accord du comité. Il n'y a pas d'autre façon de procéder.
    Un député souhaite-t-il donner son temps de parole à Mme May?
    Des voix: Non.
    Le président: Ai-je l'approbation du comité?
    Ce ne sera donc pas possible.
    Merci.
    Puis-je demander un recomptage? On aurait dit que seulement trois...
    Veuillez m'excuser, madame May, mais vous n'avez pas la parole.
    Nous allons maintenant écouter M. Payne. Vous avez environ une minute et demie, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais laisser mon temps à Mme James.
    Madame Palmater, je trouve très inquiétant de vous entendre dire que le projet de loi couvre littéralement tout. Je ne suis pas certaine que vous ayez bien compris: le projet de loi compte en fait cinq parties tout à fait distinctes. Ce dont vous parlez se trouve en fait dans le projet de loi sur l'échange de renseignements. Les dispositions dont nous sommes saisis ont simplement pour objectif de permettre à un organe du gouvernement de faire parvenir des renseignements à un organisme responsable de la sécurité nationale lorsque l'information se rapporte à la sécurité nationale et à la sécurité des Canadiens. Cela n'a donc rien à voir avec les modifications à la SCRS apportées dans la partie 5 du projet de loi, ni avec les modifications apportées au Code criminel dans un autre article du projet de loi. C'est tout à fait distinct.
    Des mesures de protection sont prévues, et j'aimerais remercier l'inspecteur de l'avoir souligné. Vous l'avez bien dit. Le projet de loi prévoit des mesures de protection adéquates, et vous êtes en faveur des volets sur l'échange de renseignements. J'aimerais toutefois vous poser une question à propos des mandats.
    Pourquoi les forces de police et d'application de la loi doivent-elles obtenir des mandats?
    Les lois sur la protection des renseignements personnels empêchent l'échange de renseignements. Nous devons donc nous tourner vers les tribunaux ou d'autres organismes judiciaires pour obtenir une autorisation judiciaire.
    Nous nous sommes retrouvés dans des situations intéressantes récemment. Si nous pensons ne pas être en présence d'une infraction criminelle, mais que l'information qui permettrait de mettre un terme à l'enquête est en détention, nous ne pouvons pas demander d'autorisation judiciaire pour y avoir accès et mettre fin à nos activités.

  (0945)  

    Merci beaucoup. Votre temps est maintenant écoulé.
    Nous remercions les témoins d'avoir assisté à la première heure de la séance.
    Nous allons suspendre nos travaux deux minutes pendant que les témoins suivants s'installent.

  (0945)  


  (0945)  

    Chers collègues, nous allons maintenant reprendre.
    Pour la deuxième heure, nous recevons trois témoins auxquels nous souhaitons la bienvenue. De gauche à droite, nous accueillons le grand chef Stewart Phillip, président de la Union of British Columbia Indian Chiefs. Bienvenue, monsieur. Nous accueillons également Robert Morrison et Wesley Wark, professeur invité de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, qui comparaissent à titre personnel.
    Je vous remercie tous d'être avec nous aujourd'hui. Comme à l'habitude, vous aurez tout au plus 10 minutes pour votre déclaration liminaire. Il y aura ensuite une période de questions suivant l'ordre établi par le comité, auxquelles les témoins pourront répondre.
    Nous allons commencer par le chef Phillip.
    La parole est à vous, monsieur.
    Wai xast skelhalt ipsi nuxsil. Echa es quist Ascasiwt.
    Dans notre langue nsyilxcen, cela veut simplement dire: Bonjour chers amis et parents. Mon nom traditionnel est Ascasiwt.
    Je veux commencer par reconnaître le fait que nous nous trouvons sur un territoire algonquin non cédé.
    Je tiens à remercier le comité de me donner la possibilité de témoigner ce matin.
    Je félicite Pam Palmater pour sa présentation remarquable ce matin et je veux que le comité sache que j'appuie à peu près tous les points qu'elle a fait valoir.
    Je n'ai pas de document d'information détaillé. Je ne suis pas avocat. Je vais commencer par lire un communiqué que notre organisation — la Union of British Columbia Indian Chiefs — a publié. Je formulerai peut-être quelques commentaires sur le projet de loi en tant que tel, mais je vais attendre la période des questions pour clarifier nos préoccupations.
    Sur ce, le communiqué que je vais vous lire est daté du 20 février 2015 et il énonce ce qui suit:
Le projet de loi C-51, Loi antiterroriste, portera atteinte aux titres et aux droits autochtones
(Territoire salish du littoral/Vancouver (Colombie-Britannique) — le 20 février 2015) Cette semaine, le gouvernement Harper a déposé le projet de loi C-51, Loi antiterroriste de 2015. Ce projet de loi élargira radicalement et dangereusement les pouvoirs des organismes de sécurité nationaux et portera grandement atteinte aux droit de tous les citoyens sans rehausser leur sûreté ou leur sécurité.
Le grand chef Stewart Phillip, président de la Union of BC Indian Chiefs, a fait la déclaration suivante: « La Union of BC Indian Chiefs croit que la portée considérable du projet de loi C-51 empiète directement sur la capacité de tous les peuples autochtones d'exercer, de faire valoir et de défendre leurs titres et droits autochtones sur leurs territoires respectifs protégés par la Constitution et reconnus par la loi ».
« Il est absolument consternant que des peuples autochtones qui protègent leurs territoires puissent être confrontés aux nombreux pouvoirs insidieux, provocateurs et répressifs que confère ce projet de loi C-51 de vaste portée. Le gouvernement Harper a modifié de façon dramatique les pratiques gouvernementales internes, les structures d'élaboration de politiques et les processus décisionnels pour appuyer un programme explicite de développement des ressources naturelles. Nous l'avons vu sabrer dans la loi environnementale, censurer l'analyse scientifique et assurer une surveillance exhaustive de l'opposition autochtone et environnementale », a affirmé le grand chef Phillip.
Ce dernier a terminé en disant: « J'ai été arrêté au mont Burnaby pour avoir commis un acte de désobéissance civile, car je crois que des méga-projets comme les pipelines de Kinder Morgan et d'Enbridge ne respectent pas les lois autochtones et le pouvoir inhérent des peuples autochtones de protéger leurs territoires, leurs terres et leurs cours d'eau contre le potentiel très réel et les risques accrus de déversements d'hydrocarbures ainsi que le trafic des navires-citernes le long de notre littoral. Je crois qu'au sens des dispositions draconiennes du projet de loi C-51, je serais perçu comme un terroriste. Quoi qu'il en soit, je continuerai à faire le nécessaire pour défendre ces terres qui appartiennent de droit à nos petits-enfants ».

  (0950)  

    Cette déclaration publique rend bien l'essentiel de nos vives préoccupations à l'égard du projet de loi C-51, et je sais que nous sommes en bonne compagnie étant donné qu'au moins quatre anciens premiers ministres, un certain nombre d'anciens juges de la Cour suprême, des centaines d'universitaires et de sommités, l'Association du Barreau canadien et d'autres groupes de partout au pays — de défense des droits de la personne, des droits civils et des libertés civiles — se sont tous opposés publiquement à ce projet de loi. On critique la hâte avec laquelle il a été rédigé par pur opportunisme politique et les nombreuses failles et lacunes fondamentales qu'il contient.
    De concert avec d'autres chefs autochtones comme le Chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, nous demandons aussi au gouvernement Harper d'abandonner le projet de loi C-51 et d'envisager un processus qui soit plus inclusif et qui prenne le temps nécessaire de bien tenir compte des droits constitutionnels, des droits de la personne et des droits civils de tous les Canadiens lorsqu'il rédigera un projet de loi de cette nature.
    Nous croyons que le projet de loi C-51 concerne moins les terroristes djihadistes qui se cachent sous le lit ou dans le placard de chaque chambre à coucher canadienne que l'augmentation du rendement des sables bitumineux et la facilitation des projets d'oléoduc et des méga-projets du gouvernement Harper. Il aura pour effet de miner grandement les droits constitutionnels et les droits de la personne des peuples autochtones, droits énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui a été adoptée par la grande majorité des pays membres des Nations unies. Il va à l'encontre de nos droits constitutionnels et certainement des droits que nous confère la plus haute autorité judiciaire au pays, nommément la Cour suprême du Canada.
    Récemment, la décision Tsilhqot'in, décision rendue par le chef Roger William, a statué très clairement que les peuples autochtones ont la responsabilité inhérente à l'égard des générations futures de veiller à ce que l'environnement et les ressources de nos territoires restent intacts pour elles. Il est clair que le gouvernement du Canada a une autre vision du développement énergétique au pays avec les projets de pipelines du nord au sud et d'est en ouest.
    Ces points englobent, en gros, les préoccupations que nous avons. Je suis tout à fait d'accord avec Pam Palmater et son énumération des lois oppressives et répressives qui, au cours des derniers siècles, ont tenté de rompre nos liens culturels et spirituels avec nos terres, nos territoires, notre culture et notre langue.
    Je crois que le Code criminel et les mécanismes de sécurité nationale actuels contiennent suffisamment de dispositions adéquates pour atteindre les mêmes objectifs que ceux qui sont énoncés dans le projet de loi C-51. Comme le chef national, j'ai aussi apporté le rapport le plus récent. Il s'agit d'un rapport de 44 pages de l'équipe des renseignements relatifs aux infrastructures essentielles du Service de sécurité de la GRC qui est, je crois, est une vaste association d'organismes responsables de la sécurité nationale.

  (0955)  

    Cela montre à quel point le gouvernement est efficace pour bafouer les droits des Autochtones dans ce pays.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous allons maintenant entendre les remarques liminaires de M. Morrison.
     Merci, monsieur le président, et merci aussi aux membres du comité.
    Je suis venu ici pour témoigner non seulement à titre personnel, mais aussi en raison du rôle que je tenais au gouvernement avant de prendre ma retraite. En 2012, après qu'on eut déterminé qu’il n’y avait pas vraiment de coordination globale de la collaboration des services de renseignement au gouvernement fédéral, j’ai été détaché au Secrétariat du Conseil du Trésor par la GRC pour assumer les fonctions de directeur général de l'Environnement de l’échange de renseignements.
    À ce titre, j’ai été chargé de mettre en place un programme d’échange de renseignements à la grandeur du Canada. Le programme, que nous appelions EER Canada, visait la collaboration d’organismes comme l’ARC, CIC, le MDN, la GRC, le SCRS et d’autres. Au bout de huit mois, en raison des priorités du Secrétariat du Conseil du Trésor dans le cadre de l’Initiative Services partagés Canada, le financement a été retiré, mais je pourrais vous donner un exemple d’un projet auquel j’ai travaillé à cette époque.
    C'était un projet pilote dans le cadre duquel j’ai collaboré avec deux différents organismes sur un segment de 400 kilomètres de la frontière canado-américaine. Nous voulions échanger entre les deux organismes des dossiers de renseignement en milieu contrôlé, c’est-à-dire que les deux groupes se trouvaient dans deux pièces différentes. Nous voulions voir si les deux parties savaient à quelles enquêtes elles travaillaient chacune de leur côté, car elles avaient dit le savoir, ou s’il y avait des liens manquants entre les deux organismes.
    Il s’agissait d’un milieu contrôlé très petit, et nous avons constaté que les deux organismes travaillaient à plus de 40 dossiers sans que l’autre en ait connaissance, des dossiers sur le crime organisé, l’affiliation à des gangs, ainsi que l’importation de drogues et d’armes à feu. Cette expérience a montré que, bien que nous pensions échanger nos renseignements, nous ne le faisions pas très efficacement.
    Le projet de loi antiterroristeC-51 permettra de créer un environnement de l'échange de renseignements au Canada. Ce programme rehaussera la sécurité des Canadiens en appuyant le renseignement et l'échange d'information au sein du gouvernement et en prêtant assistance aux organismes provinciaux, territoriaux et municipaux.
    L’échange d’information dans le respect de la Charte canadienne des droits et libertés et de la vie privée permettra aux partenaires du renseignement d’appuyer les initiatives nationales et internationales de renseignement en fournissant les bonnes informations aux bonnes personnes au bon moment.
    Le projet de loi permettra un échange de renseignements efficace et responsable en favorisant les efforts de collaboration en matière de renseignement; il sera donc exact, rapide, fiable et proactif. Je parle ici du signalement des activités suspectes. Par exemple, une société nous avertit qu’elle a repéré un trou dans la clôture qui entoure sa raffinerie de pétrole. La municipalité voisine signale qu’il y a eu une introduction par effraction la veille dans une installation de nettoyage à sec et que 40 uniformes d’employés de cette raffinerie ont été volés. Une autre municipalité du coin rapporte le vol d'une quantité importante d’engrais. Nous commençons à faire le lien entre ces incidents et les ajoutons aux renseignements d’un organisme qui a été informé que M. A parlait de causer des dommages à une raffinerie de pétrole. Si l’on prend ces incidents en isolement, ils ne nous disent pas grand-chose, mais lorsque l’on commence à les étudier ensemble, ils sont assez révélateurs.
    Le projet de loi permettra un échange de renseignements efficace et responsable en favorisant les efforts de collaboration en matière de renseignement. Je parle ici d’exactitude, de faire en sorte que les bases de données soient exactes. Il améliorera la prise de décisions à l’échelle nationale grâce à un échange sécurisé et digne de confiance entre partenaires, de façon proactive, exacte, rapide et fiable.
    Il protégera la vie privée des Canadiens en élaborant une stratégie d’échange et de protection des renseignements. Lorsque je parle de protection, je parle de responsabilité, de disposer d’un groupe d’experts indépendants et non partisans qui assureront la surveillance de l’échange d’information.
    Le week-end dernier, je suis resté coincé dans un tout petit aéroport pendant huit heures à cause du mauvais temps. Dans le petit café de l'endroit, je me suis assis à côté d'un homme qui avait branché son ordinateur dans l'une des deux seules prises de courant qu'il y avait au mur et j'ai pris l'autre. J’ai commencé à lui parler. C’était un enseignant à la retraite originaire d’une très petite collectivité. Il a mentionné le projet de loi C-51 et affirmé qu’il n’était pas d’accord pour dire que les organismes allaient partager chaque parcelle d’information avec chaque personne au Canada.

  (1000)  

    Je lui ai dit que j'allais comparaître devant vous aujourd'hui et que ce n'est pas tout à fait vrai, que des gens ont examiné les mesures législatives et les ont épluchées, mais que la Loi sur la communication d'information inclut un mécanisme de reddition de comptes et qu'on veut s'assurer que l'information est communiquée de façon responsable
    La création d'un programme EER permettra d'accomplir ce qui suit: appuyer le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile pour assurer une bonne coordination de la communication des renseignements dans les services de sécurité et de renseignement; établir un groupe consultatif interorganisationnel supérieur de l'EER pour engendrer une gouvernance liée aux normes et aux initiatives d'échange de renseignements; créer un comité pangouvernemental de l'EER pour une gestion responsable du respect de la vie privée afin de garantir que l'échange d'information est conforme aux dispositions législatives; promouvoir une culture de communication d'information auprès de tous les partenaires par la formation et des initiatives de soutien; appuyer la participation canadienne au plan d'action Par-delà la frontière et à d'autres initiatives de communication de l'information; élaborer une stratégie nationale de communication et de protection de l'information; encourager tous les organismes à utiliser des normes relatives aux données; soutenir et encourager la participation des provinces, des territoires et des municipalités; montrer les réussites en faisant participer des organismes à des projets visant à cibler des lacunes au chapitre de l'information et du renseignement; et désigner des chefs de file dans les volets suivants: processus opérationnel, activités, normes, architecture, sécurité, contrôle d'accès, protection de la vie privée et responsabilisation.
    Le projet de loi C-51 garantira la communication de renseignements exacts en temps opportun effectuée de façon fiable, tout en protégeant la vie privée de nos citoyens.
    Merci.

  (1005)  

    Merci, monsieur Morrison.
    Monsieur Wark, la parole est à vous. Bon retour parmi nous.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie. C'est risqué de demander à un universitaire de ne parler que pendant 10 minutes. Je vais lire le document que j'ai préparé.
    Je vous remercie de me permettre de donner au comité mon point de vue sur la question importante du projet de loi C-51. C'est la deuxième fois que je témoigne devant un comité de la Chambre des communes au sujet d'un projet de loi antiterroriste omnibus. La première fois, c'était il y a près de 14 ans, et il était question de la première loi antiterroriste, soit le projet de loi C-36.
    Les temps ont changé. Nous sommes à l'ère post-Al-Qaïda, mais le problème avec lequel notre société était aux prises en 2001 demeure le même en 2015: comment contrer les menaces à la sécurité en maintenant un équilibre essentiel entre les pouvoirs que l'on donne aux organismes de sécurité et du renseignement et la protection des droits démocratiques, dont le droit à la vie privée. La stratégie en matière de sécurité nationale de 2004 a judicieusement été intitulée pour refléter cette difficulté de protéger une société ouverte.
    Permettez-moi de dire tout d'abord que trois aspects entravent notre analyse du projet de loi. Premièrement, le gouvernement n'a pas fait de mise à jour de sa stratégie de lutte contre le terrorisme depuis août 2014, soit avant les récents actes terroristes, dont ceux qui ont eu lieu au Canada, en octobre 2014; à Sydney, en Australie, en décembre 2014; et à Paris, en janvier 2015.
    Deuxièmement, aucun rapport d'enquête sur les événements tragiques d'octobre 2014 n'a été publié. Un tel rapport nous aiderait à connaître les lacunes sur le plan légal, opérationnel ou analytique, qui ont peut-être fait en sorte qu'il a été impossible d'empêcher les actes de se produire.
    Troisièmement, on ne nous a pas expliqué en profondeur les raisons pour lesquelles les parties individuelles du projet de loi sont nécessaires, ni dans le libellé du projet de loi en tant que tel, ni dans les brefs survols préparés par le ministère de la Justice, ni dans les déclarations du gouvernement, qui a parlé, avec des expressions passe-partout, d'une menace terroriste en constante évolution et de la nécessité d'avoir de nouveaux moyens pour la contrer.
    On peut estimer qu'il y a trois dimensions à la menace terroriste continue: la menace que représentent les groupes terroristes djihadistes qui prennent part à des campagnes d'insurrection à l'étranger pour s'emparer d'un territoire et établir des capacités similaires à celles d'un État; la campagne de djihadistes individuels visant à commettre des actes de violence à l'échelle nationale; et les liens tissulaires entre ces menaces, c'est-à-dire le problème du combattant étranger et le problème plus vaste de l'incitation sur le Web. Le projet de loi C-51 traite de deux de ces trois éléments, et ce, de façon tactique plutôt que stratégique.
    Je diviserais le projet de loi en trois ensembles. Premièrement, les éléments qui peuvent véritablement améliorer nos capacités de sécurité de façon raisonnable et proportionnée. Deuxièmement, les éléments qui n'améliorent pas nos capacités de sécurité ou qui ne permettent pas de conserver l'équilibre essentiel entre les mesures de sécurité et la protection des droits. Troisièmement, les éléments qui devraient être mis en suspens, qui demandent un examen plus approfondi et qui ne devraient pas être adoptés à toute vapeur avant l'ajournement d'été.
    Dans le premier ensemble, soit parmi les éléments adéquats pour renforcer la sécurité, je placerais la Loi sur la communication d'information, la partie 1 du projet de loi; les changements proposés à la liste d'interdiction de vol, la partie 2 du projet de loi; et certaines composantes de la partie 3 du projet de loi concernant des modifications au Code criminel portant sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, la détention préventive et le démantèlement de sites Web qui diffusent la propagande terroriste.
    Bien sûr, il serait grandement profitable d'apporter des amendements aux parties 1, 2 et 3 du projet de loi, particulièrement pour les rendre plus claires, augmenter leur efficacité, réduire leur portée et renforcer l'équilibre entre les mesures de sécurité et la protection des droits. Dans le mémoire que j'ai soumis au comité, j'ai respectueusement proposé des changements essentiels qui pourraient être apportés au projet de loi.
    La disposition qui devrait être abandonnée, à mon avis, porte sur la criminalisation de la promotion et de la préconisation du terrorisme. Une telle sanction criminelle est peut-être satisfaisante sur le plan émotif, mais sous sa forme actuelle, on s'éloigne de la perpétration d'un acte terroriste et on parle en fait d'un crime lié aux propos. De plus, je dirais que le fardeau opérationnel sur nos organismes de sécurité nationale qui sont chargés d'enquêter sur de tels crimes ne reflète pas le résultat probable. Nous devons comprendre que les capacités en matière de sécurité et de renseignement sont limitées et doivent être déployées prudemment pour atteindre les résultats maximums.
    Les dispositions que je mettrais en suspens pour les examiner davantage incluent les parties 4 et 5 du projet de loi. Nous devons avoir un véritable débat sur les certificats de sécurité, ce sur quoi porte la partie 5. Monsieur le président, le reste de mon exposé portera sur la partie 4.

  (1010)  

    La partie 4 du projet de loi C-51 donne au SCRS l'autorité légitime de mener des activités de perturbation ou d'atténuation des menaces. Je crois que bien des Canadiens ne savent pas que le SCRS mène déjà une forme d'activités de perturbation qui sont liées à son mandat de collecte de renseignements, et que de telles activités ont été examinées par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité il y a quelques années.
    Selon l'étude du CSARS, qui a été résumée dans son rapport annuel de 2009-2010, le directeur du SCRS avait dit, devant le Parlement en mai 2010, que les opérations de perturbation devraient être menées principalement par la GRC. On ignore si le directeur actuel est d'accord ou non avec son prédécesseur et pour quelles raisons. Le CSARS a fait deux recommandations: créer des mesures de contrôles de politique internes adéquates pour les activités de perturbation et établir des directives ministérielles. On ignore si ces recommandations ont été acceptées et mises en oeuvre, mais je crois qu'il serait important que le comité s'en assure concernant cette question.
    En outre, je recommanderais vivement que les pouvoirs de perturbation du SCRS soient axés sur les activités à l'étranger visant des Canadiens et qu'il y ait des mesures de contrôle adéquates. Les activités de perturbations menées au Canada devraient être réservées à la GRC, comme c'est le cas actuellement, et comme ce doit être le cas, à mon sens. La GRC a développé des capacités à cet égard grâce à ses équipes intégrées de la sécurité nationale, ses services de police de première ligne et des programmes d'approche communautaire.
    Monsieur le président, en terminant, j'aimerais dire que personne d'entre nous ne devrait être surpris de constater que les premières ébauches de mesures législatives aussi complexes ne sont pas parfaites. Il est essentiel que l'étude parlementaire du projet de loi vise non seulement à l'améliorer et à s'assurer qu'il y a un équilibre entre les mesures de sécurité et la protection des droits, mais aussi à garantir qu'il reflète le plus solide consensus social possible au Canada. Si ces objectifs ne sont pas assez difficiles, il est également important de dire très clairement ce qu'il manque dans le projet de loi, et ce sur quoi il faudra revenir si des amendements ne sont pas apportés.
    Parmi les éléments manquants, il y a le besoin de renforcer les mesures de reddition de comptes dans le renseignement et la sécurité; une transparence gouvernementale obligatoire accrue concernant la sécurité nationale; et l'éléphant dans la pièce, c'est-à-dire la mission visant à contrer le terrorisme et les capacités du Centre de la sécurité des télécommunications, pour laquelle des mesures habilitantes ont été adoptées dans le cadre de la Loi antiterroriste de 2001, qui devrait être ajustée rapidement, à mon avis. De plus, il est important de comprendre que le projet de loi C-51 ne répond pas à un besoin pressant, c'est-à-dire celui d'améliorer la capacité du Canada d'évaluer les menaces. Il n'est pas bon de communiquer de nombreux renseignements, d'avoir le pouvoir de recueillir de nouveaux types d'information, si l'on ne peut pas s'y retrouver dans le cadre d'une solide capacité d'évaluation des menaces. Enfin, bien entendu, il y a la question des ressources supplémentaires nécessaires qu'il faudra pour ces nouveaux pouvoirs, au sujet desquelles le gouvernement n'a pas dit un mot jusqu'à maintenant.
    Merci.

  (1015)  

    Monsieur Wark, je vous remercie beaucoup.
    Je remercie tous nos témoins de leur exposé.
    Nous allons passer à notre première série de questions. Nous commençons par des interventions de sept minutes.
    La parole est à vous, monsieur Payne.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus comparaître et de nous fournir leur point de vue sur ce projet de loi très important.
    Quelques témoins ont comparu devant nous hier. Je veux mentionner quelques-unes de leurs observations.
    Salim Mansur, qui est un professeur, a dit qu'il n'y a pas de liberté sans sécurité. Il a dit également que nous sommes en guerre et que cette guerre a énormément changé.
    M. Davies, un autre professeur, est venu comparaître également. Il a fait des observations très importantes. Il a dit que le terrorisme est réel et que les frontières n'ont plus aucune importance. Il a parlé de la présence des loups solitaires sur Internet et a dit que d'autres changements se produisent et que les stratégies des terroristes changent très rapidement. Selon lui, le projet de loi règle une partie de ces problèmes.
    Enfin, je veux seulement faire une observation sur ce que la soeur de Patrice Vincent a dit: le fait que les organismes agissent en silo pose problème également.
    Ce sont les questions dont je veux parler, monsieur Morrison. Je crois comprendre que vous avez beaucoup d'expérience. Je me demande si vous pouvez parler de votre expérience dans la communication d'information et la protection des Canadiens.
    J'ai pris ma retraite de la GRC après 35 années de service, principalement dans le renseignement. J'ai également été agent de liaison, diplomate, à Islamabad, au Pakistan. Lorsque j'étais là-bas, j'étais responsable de 17 pays, dont l'Afghanistan et d'autres pays dont le suffixe est « -stan », les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, l'Iran et l'Irak. J'étais dans cette région pour travailler avec les organismes de renseignement et communiquer de l'information. C'était en 2002.
    J'ai été conférencier invité lors d'une réunion sur l'application de la loi au Moyen-Orient concernant l'échange de renseignements. En 2003, avant les Olympiques, le gouvernement grec m'a invité; il s'agissait des activités de renseignement à l'échelle internationale. En tant que directeur général de l'échange de renseignements, j'ai beaucoup collaboré avec les États-Unis et EUPOL et étudié différentes façons sécuritaires dont nous pouvions communiquer de l'information, tout en garantissant la protection de la vie privée des Canadiens, bien sûr.
    J'ai acquis de l'expérience à l'échelle internationale, et cela ne fait que deux ans que je suis à la retraite.
    On dirait que vous n'avez pas encore pris votre retraite.
    Monsieur Morrison, l'une des principales préoccupations concernant le projet de loi concerne la communication d'information: on dit que la portée de la définition des activités portant atteinte à la sécurité du Canada est trop vaste et que la terminologie employée est trop vague, ce qui pourrait conduire à une communication excessive d'information. Je sais que vous avez fait des observations à ce sujet dans votre déclaration préliminaire, mais certains témoins et groupes du pays parlent toujours de théories du complot à cet égard.
    Pourriez-vous apporter des précisions au comité concernant l'objectif des mesures législatives et la façon dont elles devraient être utilisées parallèlement à d'autres mécanismes de surveillance, selon vous?
    Lorsque j'ai créé l'EER, j'ai fait appel à des membres du personnel du Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée pour obtenir de l'aide. D'après la nouvelle Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada qui est proposée, je sais qu'on sous-entend qu'il y aura des mécanismes rigoureux de surveillance. C'est précis en ce sens qu'ils seront appliqués par, je crois, des spécialistes indépendants non partisans, comme le CSARS, pour la vérification de tous les renseignements qui sont communiqués. De plus, en vertu de la loi, le Bureau du vérificateur général examinera les dossiers pour s'assurer que le tout concorde avec les préoccupations sur la protection de la vie privée.
    Je pense que les gens n'ont peut-être pris que des fragments du projet de loi et ne l'ont pas examiné en entier.
    J'estime que c'est une nécessité. Au cours du dernier mois, ou des deux derniers mois, je ne sais pas combien de gens m'ont posé les mêmes questions. Voulez-vous dire que nous ne communiquons pas l'information avec tout le monde? Nous ne le faisons pas? Je ne comprends pas.

  (1020)  

    Merci.
    Il y a eu récemment un article qui portait sur un pêcheur opposé aux navires pétroliers, des cinéastes mettant en évidence des gestes de désobéissance civile et des journalistes défendant un Québec indépendant. Dans l'article, on pose la question suivante: qu'ont en commun ces groupes? On affirme que chacun d'eux aurait été accusé de terrorisme dans le cadre du projet de loi C-51, des mesures draconiennes des conservateurs — c'est ce qui a été rapporté — qui criminaliseraient tout geste considéré comme une menace à la sécurité économique et financière du Canada ou à ses relations diplomatiques.
    Je crois que ce sont l'opposition et les médias qui répandent ce type d'information. Croyez-vous que c'est vrai? Pensez-vous que le SCRS et la GRC auraient le temps ou la volonté de demander à des organismes gouvernementaux de leur fournir de l'information sur des protestataires ou qu'ils agiraient même s'il n'y avait aucun motif raisonnable d'enquêter?
    Absolument pas. J'ai entendu certains témoignages. J'ai écouté les témoignages au cours des dernières semaines. J'ai trouvé amusant que l'homme que j'ai rencontré à l'aéroport, dont j'ai parlé tout à l'heure, me dise qu'il protestait contre des compagnies forestières, etc. — c'est un petit secteur. Je venais de lui dire que l'objectif du projet de loi était précis, qu'il visait le terrorisme et non les protestations dont il parlait.
    Je suis d'accord avec vous. Le projet de loi semble très clair en ce qui concerne la communication d'information et la nécessité qu'elle se rapporte à la sécurité nationale, et je crois que c'est ce dont vous parlez.
    Pourriez-vous nous donner votre point de vue sur l'importance d'établir un cadre qui encourage la communication d'information liée à la sécurité nationale, par opposition au travail qui se fait souvent en cloisonnement?
    La réticence que les gens ont à communiquer l'information ne date pas d'hier. C'est une autre bataille, celle d'inciter les gens à communiquer de l'information lorsqu'ils doivent le faire, et ce, en temps opportun.
    Je crois que vous parlez ici d'une culture que nous devons changer afin de pouvoir lutter contre le terrorisme. Nous constatons que des petits éléments d'information sont vraiment pertinents, mais que nous ne les communiquons pas au moment voulu. Il est important de concevoir une stratégie visant à former non pas les individus, mais les organismes, et qui comprend un élément de surveillance de sorte que les différents organismes rendent des comptes et communiquent l'information au moment opportun et ne la communiquent pas lorsqu'ils ne devraient pas le faire.
    Merci, monsieur Payne. Votre temps est écoulé, monsieur.
    Merci, monsieur Morrison. Vous pourrez continuer à un autre moment.
    C'est maintenant au tour de Mme Ashton.
    La parole est à vous.
    Merci beaucoup. Je remercie également les témoins.
    Grand chef Phillip, je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd'hui. C'est un honneur pour notre comité de vous recevoir. Je vous remercie de vous être déplacé de la côte Ouest pour venir témoigner.
    Grand chef Philip, comme vous l'avez dit dans votre exposé, vous jouez un rôle de premier plan dans la lutte menée par les Premières Nations pour défendre leur territoire et leurs droits inhérents. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, nous pouvons nous rendre compte à quel point nous nous perdons dans les détails liés aux conséquences internationales plutôt que de nous pencher sur les répercussions négatives que le projet de loi aura sur notre pays — en particulier sur les dirigeants autochtones, les membres de collectivités autochtones et d'autres personnes qui s'opposent au programme du gouvernement. Croyez-vous que le projet de loi C-51 vise à vous faire peur et à faire peur aux autres chefs autochtones, et même à criminaliser le type de positions que vous prenez au nom de votre peuple?
    Je vous remercie de la question. En un mot, oui. En deux mots, absolument, oui.
    Je crois que selon nous, il ne fait aucun doute que l'objectif réel du projet de loi C-51 est d'imposer des contraintes aux peuples autochtones et de les intimider pour les empêcher de défendre et de protéger leurs droits internationaux durement acquis qui figurent dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, à l'article 35 de la Constitution de notre pays, et dans les décisions de la Cour suprême du Canada.
    Le projet de loi criminalisera pratiquement tout ce qui nous a amenés à ce point-ci de notre histoire, pour ce qui est de notre capacité de faire valoir nos droits et de nous assurer que nos intérêts sont pleinement protégés. Je sais que d'autres témoins vous ont dit que si ces mesures législatives avaient été présentées il y a 40 ans, de larges volets de notre histoire auraient été perdus.
    Je m'occupe de ces questions depuis plus de 40 ans. J'ai été chef de notre collectivité pendant 14 ans, et les 10 années précédentes, je faisais partie de notre conseil. J'en suis à ma 16e année à la présidence de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, et je suis le président de notre conseil tribal. J'ai 65 ans, j'ai 14 magnifiques petits-enfants, et compte tenu de l'orientation que choisit notre pays, je suis vivement inquiet de ce que leur réserve l'avenir.

  (1025)  

    Merci.
    Un peu plus tôt, Mme Pam Palmater nous a livré un témoignage éloquent sur la surveillance dont elle a été la cible. Nous savons également que des activistes autochtones ont été ciblés. Nous connaissons également le cas de Cindy Blackstock, une travailleuse sociale qui a fait valoir une cause au Tribunal canadien des droits de la personne au sujet du sous-financement de l'aide sociale à l'enfance pour les enfants des Premières Nations au pays. Nous savons que des ministères l'ont surveillée. Il y a une longue liste de récents exemples de gens qui ont fait l'objet de surveillance, dont celui qui a été dévoilé en 2013 et qui a montré que l'Office national de l'énergie collaborait avec le SCRS et la GRC pour la surveillance de groupes d'activistes avant les audiences sur le projet d'oléoduc Northern Gateway.
    Grand chef Philip, en tant que Canadiens, devrions-nous être très inquiets des répercussions qu'aurait le projet de loi pour ce qui est d'accroître la surveillance des Premières Nations qui a déjà lieu?
    Là encore, je pense que la réponse courte est oui. Mon travail consiste à défendre des causes politiques, et le projet de loi C-51 parle de criminaliser l'expression publique des activités de défense politique en tant que telles. Il va de soi que les dirigeants autochtones auront des réserves à l'égard du projet de loi, compte tenu des répercussions sur nos droits à la liberté d'expression, à la liberté de réunion et à la liberté d'exprimer publiquement notre vision du monde en ce qui concerne l'environnement et nos territoires traditionnels.
    Nous sommes extrêmement préoccupés et, je le répète, nous sommes tout à fait convaincus que le projet de loi ne vise pas nécessairement à lutter contre le terrorisme djihadiste au pays, mais plutôt à faciliter et à promouvoir l'objectif de tripler la production des sables bitumineux.
    Merci.
    Pensez-vous que cette mesure législative est déconnectée de la réalité du Canada, surtout après l'affaire de la nation Tsilhqot’in; en effet, les tribunaux ont reconnu les titres inhérents, et nous savons ce que cela signifiera pour les Premières Nations partout au pays qui se battent pour que cette position soit reconnue.
    J'ai entendu certains activistes dire que le projet de loi ne fera que cibler la reconnaissance des titres inhérents des Premières Nations par les tribunaux et l'activisme autochtone qui en découlera. Trouvez-vous que le gouvernement est déconnecté des décisions judiciaires et de l'orientation que les Premières Nations prendront à partir de maintenant?
    Oui, tout à fait.
    En Colombie-Britannique, la décision de la Cour suprême dans l'affaire de la nation Tsilhqot’in répudie à jamais la notion de terra nullius, la doctrine de la découverte, et elle précise très clairement que nos titres, droits et intérêts autochtones ont une vaste portée territoriale, contrairement aux vieux arguments présentés par le Canada et la Colombie-Britannique qui préconisent de petites zones.
    Notre intérêt juridictionnel couvre un vaste territoire, d'où le risque de confrontation avec les grands projets de mise en valeur des ressources, qui sont le coeur et l'âme du gouvernement Harper. Le projet de loi C-51 parle de menaces à la stabilité financière et économique du pays, ce qui tombe sous le coup de cette notion très abstraite et très vaste qu'est le terrorisme. Comme je l'ai dit, cela nous préoccupe énormément.

  (1030)  

    Merci, madame Ashton, votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant entendre M. Norlock, qui dispose de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et, par votre entremise, je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Monsieur Morrison, je crois que les Canadiens voudraient sûrement savoir comment, à l'interne, la GRC et le SCRS... Vous avez dit être un agent du renseignement, mais certains diront que vous êtes un espion; je pense qu'il y a une différence entre les deux, et vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi vous estimez être l'un ou l'autre ou encore, les deux.
    Toutefois, comment les Canadiens peuvent-ils être relativement sûrs que vous respecterez les limites des dispositions législatives applicables à votre travail? Comment l'organisme de surveillance, le CSARS, s'inscrit-il dans le cadre de ce régime pour faire en sorte que vous ne dépassiez pas les limites de vos pouvoirs en vertu des mesures législatives?
    En ce qui concerne le CSARS, par exemple, c'est-à-dire le comité de surveillance indépendant du SCRS et de la GRC, cet organisme est doté d'un comité d'examen qui se spécialise dans les activités du SCRS. Ainsi, lorsque le comité vérifie les dossiers, les enquêtes et les activités d'échange d'information du SCRS, il comprend ce qu'il devrait faire et ce qu'il devrait éviter de faire. Au lieu d'avoir un comité d'examen composé d'universitaires ou d'experts dans d'autres domaines, on choisit des experts en la matière. Ces gens comprennent ce qui est légal et ce qui est raisonnable et, en cas de doute, ils peuvent mener une vérification. Ils peuvent vérifier à la fois la GRC et le SCRS.
    Beaucoup de spécialistes sont venus vous parler de l'échange d'information. Je propose exactement le même type de surveillance: le comité d'examen devrait être doté de tels experts pour veiller à ce que, conformément à la Loi sur la communication d'information, l'organisme reste dans les mêmes limites que celles du CSARS ou de la GRC, selon les exigences de reddition de comptes.
    Ma question portait en partie sur les activités menées quotidiennement ou fréquemment. Je sais que les policiers suivent des cours et que leurs superviseurs, parmi d'autres, leur parlent des récentes décisions judiciaires qui touchent leurs pratiques de travail et les informent des exigences auxquelles ils doivent se conformer au jour le jour. Les agents du SCRS ou de la GRC rendraient tous compte à un supérieur, qui s'assurerait qu'ils adhèrent quotidiennement à la loi applicable. Pouvez-vous nous dire comment cela fonctionne, c'est-à-dire comment vous vous y prendriez pour faire en sorte que les membres de la GRC et du SCRS respectent les limites des mesures législatives qui les régissent?
    Certainement. Les agents régionaux, c'est-à-dire ceux qui recueillent des renseignements sur le terrain, auraient d'abord à rendre compte à leur superviseur immédiat. Selon leur travail, ils feraient rapport quotidiennement au superviseur au sujet des mesures qu'ils prendraient. Ce superviseur relèverait d'un autre niveau de supervision. Cela peut monter jusqu'au commandant en chef chargé de l'enquête ou du projet en cours.
    Des rapports quotidiens seraient alors envoyés. L'agent en chef ou la personne responsable examinerait les comptes rendus des différents enquêteurs qui ont travaillé ce jour-là pour s'assurer qu'ils ont suivi les processus applicables, que ce soit l'échange d'information ou la prise d'une mesure d'application de la loi concernant une demande judiciaire. Bref, ils feraient rapport tous les jours à leur superviseur.
    De plus, chaque organisation aurait son processus de vérification interne. C'est ce qu'on appelle l'assurance de la qualité. Cette tâche ne serait pas nécessairement effectuée tous les jours, mais elle serait examinée pour veiller à ce que les superviseurs soient bien au courant de toute modification apportée aux lois ou aux processus pour qu'ils puissent transmettre cette information aux enquêteurs.
    Merci beaucoup.
    Dans votre déclaration préliminaire de 10 minutes, vous avez dit que dans un cas particulier, vous aviez examiné un segment de 400 kilomètres le long de la frontière et que vous aviez repéré quelque 40 dossiers d'échange d'information. Je me demande si vous pourriez nous donner des exemples, parce que cela nous aiderait à comprendre plus clairement comment le projet de loi permettrait de surmonter ces obstacles. Si cette mesure législative était adoptée, comment permettrait-elle au juste à ces organismes de s'assurer que chacun comprend ce que l'autre fait, et comment pourrait-elle contribuer à une meilleure application des lois et des règlements en vigueur?

  (1035)  

    Eh bien, je vous ai donné l'exemple d'un membre d'un gang qui était impliqué dans le crime organisé. Cette personne traversait souvent la frontière, et les agents frontaliers n'en avaient aucune idée. La Loi sur la communication d'information permettra aux organismes d'échanger de l'information de façon proactive pour qu'ils puissent être en mesure d'identifier la personne. Ainsi, la prochaine fois qu'ils auront affaire à cet individu, ils disposeront de l'information nécessaire grâce à la communication avec l'autre organisme.
    Merci beaucoup.
    Dans le cadre de votre expérience de travail au SCRS et à la GRC, avez-vous observé ou ressenti qu'il y avait des préjudices systémiques au sein de votre organisation envers des groupes particuliers? Ou ai-je raison de dire que cela ne se produirait qu'en cas de criminalité dans n'importe quel groupe de Canadiens?
    J'ai une vaste expérience de plus de 35 ans, au cours desquels j'ai travaillé avec différents organismes d'application de la loi à l'échelle internationale, et je dirais que je n'ai jamais vu cela. D'ailleurs, j'encouragerais les dirigeants autochtones à faire partie de la gouvernance lorsque nous commencerons à déterminer ce qui sera échangé en vertu de la Loi sur la communication d'information.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Norlock.
    Monsieur Easter, c'est à votre tour. Vous avez sept minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les trois témoins d'être des nôtres.
    Monsieur Morrison, vous avez dit avoir travaillé pour le gouvernement fédéral — je n'ai pas compris en quelle année, mais je pense que c'était en 2012 ou jusqu'en 2012 — dans le dossier de la Loi sur la communication d'information. Je suis d'accord avec vous pour dire que toute information doit être exacte, rapide et fiable, surtout dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.
    Vous avez dit que le financement a été retiré. Pouvez-vous nous dire de quel programme il s'agit et quand cela s'est produit?
    J'avais été détaché auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor, et le financement a été retiré, car le Conseil du Trésor venait de lancer l'initiative Services partagés Canada. C'était une plus grande priorité à l'époque.
    Une des questions qui, selon moi, nous inquiètent de plus en plus, à l'instar de beaucoup de gens — et je ne m'attendais pas à en parler au comité —, c'est le ressourcement. C'est là un autre aspect important. Le ministre de la Sécurité publique a fait savoir que la mise en oeuvre du projet de loi n'exigerait aucune nouvelle ressource financière. Or, s'il n'y a pas de nouvelles ressources, je doute qu'on puisse faire le travail.
    Nous savons maintenant que la GRC fait face à des compressions, à telle enseigne que son personnel des enquêtes criminelles doit être transféré aux enquêtes antiterroristes. Je dis cela simplement pour souligner que le financement est une question importante si nous tenons à faire ce qui s'impose au chapitre de la surveillance des activités terroristes.
    Monsieur Wark, j'ai également passé en revue le long mémoire que vous nous avez remis. Je salue votre travail, et je vous suis reconnaissant d'avoir formulé là-dedans un certain nombre de recommandations. Dans votre document plus long, vous dites — et vous l'avez aussi mentionné dans votre exposé — que le CST est une évidence dont personne ne veut parler.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Il est vrai que le projet de loi ne fait pas mention du CST, comme vous le dites dans votre mémoire, mais dans quelle mesure est-il important que tous les éléments liés à la sécurité publique et nationale soient examinés, au grand complet, à des fins de reddition de comptes et de surveillance?
    Il ne suffit pas de s'occuper seulement du CSARS quand il s'agit d'un projet de loi de cette ampleur. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

  (1040)  

    Merci, monsieur Easter.
    Lorsque j'ai dit que le CST est une évidence dont personne n'ose parler, je voulais dire que le CST est un des principaux organismes canadiens de renseignement de sécurité. Comme vous le savez, le CST a un mandat à trois volets: la collecte de renseignements extérieurs; la mission liée à la cybersécurité; et, enfin, l'aide aux organismes chargés de l'application de la loi et de la sécurité au Canada.
    Selon moi, si le projet de loi C-51 est adopté, avec ou sans amendement, le CST sera très touché par les diverses nouvelles dispositions prévues dans le projet de loi C-51 en ce qui concerne le troisième volet de son mandat, dans le cadre duquel il doit compter sur l'autorité légitime d'autres organismes pour recueillir des renseignements électroniques, au pays ou à l'étranger. Dans un sens, le CST sera ainsi amené à fonctionner sous le voile du secret, chose qui n'est pas préconisée, car cela empêchera les Canadiens de comprendre l'importance de son rôle.
    Par ailleurs, j'ajouterais brièvement — comme je l'ai mentionné dans le mémoire et les notes d'allocution —, que la loi habilitante du CST a été adoptée en 2001 dans le cadre de la Loi antiterroriste. Je m'étais prononcé sur cette loi habilitante à l'époque, et j'avais soulevé quelques questions à cet égard. N'oublions pas que la loi habilitante a été adoptée à titre expérimental, et je pense qu'elle a résisté à l'usure du temps, car les commissaires successifs du CST se sont plaints à maintes reprises des lacunes liées à certains aspects du pouvoir juridique dans le cadre duquel fonctionne le CST, particulièrement en ce qui concerne les autorisations ministérielles.
    Je crois que le projet de loi C-51 nous offrait l'occasion de mettre à jour et de modifier la loi régissant le CST, mais curieusement, le gouvernement n'a pas su saisir cette occasion. Voilà pourquoi les Canadiens ne sont pas conscients du rôle crucial que joue le CST dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.
     Merci.
    Je dirais que le projet de loi C-51 nous offre quand même cette possibilité, si les simples députés du côté ministériel — il n'y a pas de membres de l'exécutif ici — défendent leur position personnelle au sein du comité et permettent des amendements, parce que c'est quelque chose qui peut arriver. Il y a lieu d'améliorer les projets de loi. Ce n'est qu'au cours des dernières législatures que des projets de loi ont été adoptés sans amendement, sans tenir compte de l'avis des témoins, si bien qu'on se retrouve avec une version identique à celle renvoyée au comité. C'est inacceptable dans une démocratie comme le Canada.
    En tout cas, pour en revenir au CST, j'ai ici le rapport du comité du renseignement et de la sécurité du Parlement britannique. C'est justement l'une des possibilités qui avaient été examinées pour une surveillance adéquate de tous les services de renseignement britanniques. Dans le rapport, le président affirme que « le comité décide lui-même de son programme et de ses travaux » et « recueille des faits auprès de ministres, des dirigeants des organismes de renseignement » et de sécurité, etc.
    Ce modèle serait-il utile, à tout le moins, pour garantir avec certitude que tous nos organismes de sécurité font l'objet d'une surveillance parlementaire adéquate et pour donner aux Canadiens l'assurance que, d'une part, les organismes de sécurité font leur travail en utilisant les pouvoirs prévus par la loi et, d'autre part, qu'ils ne vont pas trop loin, c'est-à-dire qu'ils n'invoquent pas la loi pour des choses qui pourraient avoir des répercussions sur les libertés civiles et la liberté d'expression?
    Brièvement, je vous prie.
    Très brièvement, je suis un grand partisan du modèle britannique, c'est-à-dire du comité du renseignement et de la sécurité du Parlement britannique, qui existe maintenant depuis quelques années. D'ailleurs, ses pouvoirs ont été récemment étendus.
     Si nous devions adapter un tel modèle aux besoins canadiens, non seulement cela comblerait une grande lacune dans le régime actuel de reddition de comptes, à savoir l'incapacité du Parlement d'examiner à fond les activités de sécurité et de renseignement au pays, mais cela fournirait aussi une analyse stratégique de toute la gamme d'activités de renseignement et de sécurité nationale, ce qui fait également défaut dans notre régime de reddition de comptes, comme le juge O'Connor l'a indiqué dans le deuxième volume de son rapport d'enquête sur l'affaire Arar.

  (1045)  

    Merci beaucoup.
    Merci, chers collègues.
    Au nom du comité, je tiens à remercier infiniment les témoins d'avoir pris le temps et d'avoir fait l'effort de venir ici aujourd'hui.
    J'aimerais faire une dernière observation. Nous allons nous retrouver ce soir, bien entendu. L'heure de la réunion risque de changer en raison des exigences de vote, mais quoi qu'il en soit, nous allons nous rencontrer pendant deux heures, immédiatement après les votes.
    La séance est levée.
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