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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 052 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 avril 2015

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, bonjour.
    Bienvenue à la 52e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
    Avant de poursuivre notre étude, permettez-moi de vous présenter Gilbert Dionne qui est venu nous prêter main forte aujourd'hui. Il est assis au fond de la salle. Comme nous l'avons annoncé à notre réunion précédente, M. Dionne est ici pour aider les utilisateurs du système informatique SharePlus sur leur iPad. Ce choix est maintenant offert. Si vous avez besoin d'aide pendant la réunion ou à tout autre moment, faites-le moi savoir et j'en informerai M. Dionne. Il se rendra à votre fauteuil pour répondre à toutes vos questions.
    Comme je viens de le dire, nous reprenons notre étude du potentiel de la finance sociale au Canada. Aujourd'hui, nous entendrons deux groupes de témoins.
    Comme nous l'avons entendu dire à maintes reprises, le Royaume-Uni est devenu un chef de file mondial en matière d'innovation et de finance sociales. Durant la première heure, nous aurons le plaisir d'entendre par vidéoconférence un représentant du gouvernement britannique, Kieron Boyle.
    M. Boyle cumule une longue expérience professionnelle au sein du gouvernement britannique, mais il se joint à nous aujourd'hui à titre de chef de l'équipe d'investissement social et des finances au bureau du Cabinet du Royaume-Uni.
    Monsieur, soyez le bienvenu. Comme vous êtes notre seul témoin, je vais donc vous laisser une grande latitude et vous laisser prendre tout le temps que vous jugez raisonnable pour votre présentation. Nos témoins ont normalement droit à 10 minutes, mais libre à vous de dépasser ce temps de parole si vous le souhaitez. Le cas échéant, je vous donnerai un signal au bout d'une quinzaine de minutes et nous vous interromprons à ce moment.
    Est-ce que cela vous va?
    D'accord.
    Veuillez commencer votre présentation à la suite de quoi les membres du comité vous poseront des questions.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à ce débat aujourd'hui, je suis vraiment heureux d'en avoir l'occasion. Les gouvernements canadien et britannique collaborent de près à de nombreux enjeux, dont l'investissement social et la finance.
    Je m'appelle Kieron. Je suis fonctionnaire du Cabinet, autrement dit je travaille au cabinet de notre premier ministre.
    Vous m'excuserez d'être un peu vague, je ne sais trop quel temps de verbe employer, car nous sommes en ce moment en pleine période électorale au Royaume-Uni. Nous avons un gouvernement, mais pas de parlement. Je vais vous donner un aperçu de la politique générale appliquée au Royaume-Uni depuis une quinzaine d'années, plutôt que des mesures prises par un gouvernement ou un parti politique particulier.
    Cela étant dit, il y a certaines questions que j'aimerais aborder aujourd'hui. J'ai vraiment hâte de participer à ce débat. Ma présentation portera sur trois points.
    En premier lieu, il y a toute la documentation — la finance sociale a vraiment fait couler beaucoup d'encre dans le cadre de l'expérience britannique en la matière — je vais vous donner une idée des comptes rendus dressés par une diversité de partis politiques et de gouvernements en appui à ce programme.
    En deuxième lieu, je décrirai la perspective britannique. J'ai fait partie du groupe de travail sur l'investissement à impact social créé sous les auspices du G8, et nous avons constaté, dans tous les pays du G8, le rôle important de l'énoncé de politique. Je m'attarderai sur certains projets stratégiques mis en place au Royaume-Uni, qui ont joué un rôle important dans l'évolution de ce domaine, à mon avis.
    Je vais conclure par un aperçu des diverses initiatives lancées au sein du Royaume-Uni dans le but d'utiliser la finance sociale pour améliorer les fonctions publiques et les services offerts à la population au sein du Royaume-Uni.
    Mon défi sera de vous dire tout cela en moins de 10 minutes. Je vous prie de me faire signe si je dépasse le temps qui m'est alloué.
    Il est important, je pense, de parler des définitions. Les définitions font toute la différence ici. Dans l'ensemble du Royaume-Uni, il semble y avoir deux grandes définitions de ce qu'on entend par finance sociale. La première, ce sont les capitaux remboursables qui permettent aux organisations sociales de produire un impact plus fort. Cela, c'est surtout du point de vue de l'organisation bénéficiaire de l'investissement. Il existe une définition plus large que nous avons utilisée au sein du groupe de travail du G8 et qui englobe l'investissement social visant expressément à obtenir des rendements financiers et des résultats sociaux et à les mesurer.
    Je pense que les deux sont valables. Elles donnent une idée de la portée de cet enjeu. Tout dépend du point de vue que vous adoptez.
    J'ai parlé de l'importance des comptes rendus, aussi vais-je vous donner une idée de l'évolution de ce secteur au Royaume-Uni au cours des quinze dernières années. L'émergence de ce secteur repose sur un solide bilan et sur une forte volonté de soutenir l'économie sociale et les organisations à vocation sociale. C'est vraiment ce qui a donné naissance à la finance sociale. Elle a en quelque sorte débuté lorsque nous nous sommes penchés sur les défis politiques auxquels sont confrontés les gouvernements du Royaume-Uni, voire tous les pays industrialisés. Les problèmes sont complexes, en raison de notre démographie et des types de problèmes sociaux, ils coûtent cher et sont étroitement interreliés. Il reste à savoir si les services publics, notamment ceux fournis par l'État ou par un gros organisme gouvernemental, peuvent vraiment régler ces problèmes de manière efficace. Au Royaume-Uni, nous constatons un intérêt soutenu dans le rôle que les organisations du secteur social peuvent jouer pour aider le gouvernement à relever certains de ces défis.
    L'un des défis que nous avons observés, ici au Royaume-Uni, c'est qu'en demandant à bon nombre de ces organisations à vocation sociale ce dont elles ont le plus besoin, ou quels sont les plus gros obstacles auxquels elles sont confrontées, elles ont toujours répondu que c'était l'accès au financement. Ce n'est peut-être pas le plus gros obstacle, mais pour bon nombre d'organisations, c'est un obstacle de taille.
    Je vous raconte cette longue histoire pour que vous compreniez bien comment le secteur a évolué au Royaume-Uni. Il est parti de la nécessité de combler le manque d'argent des organisations à vocation sociale qui adoptent des modèles d'entreprise pour gérer les problèmes sociaux. Au cours de notre débat, nous constaterons probablement qu'à l'échelle mondiale, ce secteur est beaucoup étendu encore. Partout dans le monde, le secteur semble plus ouvert à l'égard des types d'entreprises capables d'avoir un impact social et au rôle que la finance peut jouer pour leur venir en aide. Mais chez nous, ce secteur est apparu à force d'utiliser la finance pour soutenir la société civile ou le secteur tertiaire.

  (1535)  

    J'ai parlé de l'importance d'avoir une politique. Au Royaume-Uni, nous nous efforçons depuis une quinzaine d'années de favoriser l'émergence de la finance sociale et de trouver des moyens de l'utiliser efficacement pour venir en aide aux organisations du secteur social. Je signale que tous les partis politiques se sont attelés à cette tâche. Le gros des efforts visant à soutenir l'investissement social a débuté sous l'égide du gouvernement travailliste de Tony Blair, puis Gordon Brown a accéléré la cadence. Notre dernier gouvernement de coalition, dirigé par le premier ministre David Cameron, a vraiment accompli beaucoup de travail, et je vais parler de certains projets mis en place. Bref, il y a un effort soutenu dans ce sens, ce qui a permis à des gens comme moi, des fonctionnaires et des décideurs grisonnants, de voir ce qui s'est fait dans le passé, d'examiner ce qui a fonctionné et n'a pas fonctionné, d'en tirer des leçons et, à partir de là, de façonner une politique publique.
    Sans expliquer en détail toutes les démarches entreprises, je dirais essentiellement que depuis six ou sept ans, nous avons mis un cadre en place pour réfléchir aux mesures que le gouvernement peut prendre pour stimuler la croissance du marché de l'investissement social. Ce cadre comporte trois éléments. Le premier concerne les moyens à prendre pour attirer des capitaux dans ce marché. Comment réunir des capitaux à vocation sociale? Le deuxième élément a été de créer une demande pour ces capitaux. Autrement dit, comment constituer un pipeline d'organisations qui cherchent des investisseurs pour accroître leur impact social? Le troisième volet consiste à établir un lien entre les deux. Comment instaurer un environnement favorable à l'investissement social?
    J'aimerais vous décrire brièvement certains projets importants entrepris au Royaume-Uni. Du côté de l'approvisionnement, une importante initiative a été la création d'une organisation appelée Big Society Capital. Nous pourrons y revenir plus en détail tout à l'heure. Big Society Capital est un fonds d'investissement social de gros, couramment appelé banque d'investissement social, quoiqu'il ne s'agit pas vraiment d'un fonds de gros. Il est capitalisé au moyen de comptes bancaires dormants établis pour étayer un grand nombre d'investissements dans le marché.
    Nous avons également mis l'accent sur diverses formes de subventions publiques, notamment sur l'allégement fiscal et le rôle que cette mesure peut jouer pour stimuler l'investissement social. L'an dernier, le gouvernement de coalition a lancé un programme d'allégement fiscal aux fins d'investissement social, que je pourrais décrire plus en détail. En gros, ce programme vise à attirer un plus grand nombre d'investisseurs privés dans des petites entreprises sociales à forte croissance.
    Nous étudions également — et peut-être pourrons-nous en reparler plus tard — comment la finance alternative peut stimuler le marché de l'investissement social. Nous avons fait beaucoup de recherche sur le rôle du financement participatif et du financement pair-à-pair pour réunir des capitaux et les investir dans un marché donné.
    Du côté de la demande, c'est un domaine plus crucial où le gouvernement peut jouer, selon moi, un rôle distinct. Nous déployons beaucoup d'efforts sur le renforcement des capacités, en particulier pour permettre à des organisations de recevoir de l'investissement. Nous avons récemment lancé deux projets pilotes dans le cadre d'un programme général pour aider des organisations à se préparer à l'investissement. Le premier visait les grandes organisations. Il s'agit de notre Investment and Contract Readiness Fund, ou notre fonds de préparation à l'investissement et aux contrats, un projet pilote de 15 millions de livres. En gros, il ciblait les organisations qui sont sur le marché depuis un certain temps, mais qui ont besoin d'une aide de base pour établir les modèles de gestion ou de planification financière ou les capacités administratives dont elles ont besoin pour inciter un investisseur à y placer son argent. Pour ce projet pilote, chaque livre investie par le gouvernement a permis de débloquer quelque 27 livres d'investissement privé. C'est le programme de soutien aux entreprises qui a connu le plus gros succès au Royaume-Uni — et j'ai vérifié.
    Nous avons également ciblé des entreprises sociales débutantes et, avec le soutien du Cabinet, un certain nombre de pépinières sociales, essentiellement des accélérateurs d'entreprises, qui rassemblaient de l'argent public et privé, provenant souvent de grandes sociétés. Nous avons investi cet argent dans des programmes accélérés destinés aux organisations débutantes qui souhaitaient avoir un impact social. Je peux aussi vous raconter comment le gouvernement britannique vient tout juste de créer une nouvelle fondation dans le but de renforcer cette capacité à long terme, une organisation-soeur de Big Society Capital.

  (1540)  

    D'autre part, sur le plan de la demande, nous avons beaucoup réfléchi à la façon d'ouvrir les marchés publics aux entreprises sociales. Je ne vais pas explorer en détail les obligations à impact social pour le moment, mais c'est là qu'elles se situent. Je vais en dire plus sur la loi du Royaume-Uni appelée Social Value Act. À mon avis, c'est un événement très important. La loi en question dit, en substance, aux commissaires des services du Royaume-Uni que lorsqu'ils passent une commande de service, ils doivent tenir compte de la valeur sociale de ce service et non pas uniquement de questions purement économiques ou des coûts à court terme, par exemple. Cela part du principe que dans de nombreux cas, quand les commissaires tiennent compte de la valeur globale, ils en obtiennent généralement plus pour leur argent que s'ils prennent seulement en considération le prix du service à court terme. À notre avis, c'est aussi important que les initiatives d'attraction dans le domaine des finances.
    Très brièvement, dans une optique plus large, je suis toujours incité à le dire. Il s'agit généralement des questions ennuyeuses, mais importantes. Il faut se pencher sur des questions très complexes comme l'obligation fiduciaire, les responsabilités des fiduciaires, qu'ils soient chargés d'une fondation ou d'un fonds de pension, voir sur quelle base ils sont autorisés à investir et de quels facteurs ils peuvent tenir compte à part le strict rendement financier. Il faut avouer que le système britannique présente certaines complexités et je sais, pour avoir parlé à des collègues canadiens, que certaines d'entre elles se retrouvent aussi au Canada.
    Juste pour vous donner un exemple de complexité, au Royaume-Uni, je pourrais sortir maintenant de la salle, être accosté dans la rue par un organisme de bienfaisance qui me demande de lui donner 10 £. Très bien, nous pourrions le faire tous les deux. Si on me demande d'investir 10 £ dans cet organisme, théoriquement, nous pourrions être arrêtés tous les deux. C'est parce que si j'investis 10 £, cela ouvre un différent domaine de la politique publique et de la réglementation. Il s'agit de la réglementation des investissements qui protège les parieurs comme moi contre certains niveaux de risque. Mais c'est un monde complexe. Si je suis prêt à donner mes 10 £ à un organisme de bienfaisance, contre quel risque suis-je protégé étant donné que 10 £ constituent un investissement entièrement risqué? Voilà donc le genre de problèmes que nous essayons de résoudre.
    Enfin, nous avons notamment remarqué, au Royaume-Uni, que tous les pays du monde se penchent sur ce genre de questions. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. C'est principalement la raison pour laquelle David Cameron a voulu inscrire l'investissement social à l'ordre du jour du G8 et établir, sous les auspices du G8, un groupe de travail sur l'investissement à impact social juste pour observer ce qui se passe dans chaque pays sur ce plan-là afin que nous puissions partager nos pratiques exemplaires et apprendre les uns des autres.
    J'ai dit que je terminerais en abordant un troisième sujet et mes 10 minutes sont très près d'expirer. En troisième lieu, le Royaume-Uni a surtout cherché à voir comment bâtir un marché de l'investissement social du point de vue de la politique publique. Nous tâchons de plus en plus de voir comment le gouvernement peut travailler avec les véritables entreprises sociales par l'entremise du marché de l'investissement social.
    Cela nous amène notamment aux obligations à impact social que j'appellerais plutôt les partenariats d'investissement social. En gros, quelles sont les possibilités, pour l'investissement social, de nous permettre d'envisager de fournir différemment les services au public, d'innover et parfois, d'attaquer les problèmes grâce à une intervention précoce au lieu d'être confrontés aux conséquences en aval? Nous pourrons peut-être en discuter le moment venu.
    Il est entendu qu'au Royaume-Uni, ce discours découle de notre appui au secteur social, mais nous avons maintenant, je pense, une perspective beaucoup plus large de la façon dont l'investissement social et l'économie sociale représentent une grande partie de l'ensemble de notre économie. Sur le plan politique, nous mettons l'accent sur l'attraction de capitaux d'investissement social, le renforcement de la demande de ces capitaux et les conditions habilitantes. Nous pensons que les gouvernements ont un défi de plus en plus urgent à relever: comment travailler avec ces marchés et à leurs côtés pour offrir de meilleurs services au public?

  (1545)  

    Merci beaucoup pour ces renseignements. J'ai essayé de vous suivre en prenant mes notes. Je pense avoir enregistré certains de vos principaux arguments, mais j'ai l'impression que vous avez acquis des connaissances très vastes et très approfondies au cours de cet exercice et en vous dirigeant dans cette voie.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres de notre comité qui sont réunis autour de la table. Aujourd'hui, le premier tour sera de sept minutes et nous allons commencer par Mme Sims.
    Merci pour cet excellent exposé.
    Cet après-midi, nous allons entendre le témoignage des coopératives de crédit du Canada. Elles ont adressé, par écrit, une recommandation aux membres du comité. Elles demandent une nouvelle structure juridique pour les entreprises sociales qui seront créées en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions actuellement en vigueur.
    Avez-vous ce genre de cadre juridique pour les initiatives de financement social et pouvez-vous nous en parler un peu plus si c'est le cas?
    Permettez-moi de poser une autre question pour que vous puissiez répondre aux deux ensemble. Vous pourriez peut-être parler aussi de tout changement commercial ou fiscal qui, selon vous, a servi utilement les initiatives de financement social.

  (1550)  

    Merci, madame Sims. Je suis justement en train d'étudier le sujet. C'est une question brillante, profonde et compliquée au Royaume-Uni.
    Il n'existe pas de forme juridique de l'entreprise sociale au Royaume-Uni. Les organismes du secteur social peuvent prendre des formes différentes. Il y en a toute une gamme. Il y a des structures caritatives — certains organismes de bienfaisance font du commerce, mais d'autres pas — puis il y a une série de structures telles que les sociétés appartenant aux membres, donc les coopératives ainsi que les sociétés industrielles et les mutuelles.
    Il y a 10 ans, une nouvelle structure juridique appelée entreprise d'intérêt communautaire a vu le jour. Cela répondait au fait que certains organismes qui voulaient avoir un impact social trouvaient que la forme caritative était trop restrictive — les organismes de bienfaisance ne sont pas autorisés à émettre des actions au Royaume-Uni.
    C'est une structure réglementée. Il y a un régulateur des entreprises d'intérêt communautaire qui s'assure que cette structure sert les intérêts communautaires, mais l'actif de la structure est bloqué. Ce modèle a été utilisé, par exemple, lorsqu'un bien public a été cédé à un organisme — par exemple une salle paroissiale ou une école — et on considère que cet actif est limité.
    Cela pose une question très intéressante au Royaume-Uni en ce moment. Nous commençons à constater que de nombreuses entreprises qui essaient d'avoir un impact social ne choisissent pas de prendre la forme d'un organisme de bienfaisance, d'une coopérative ou d'une entreprise d'intérêt communautaire. La raison en est que ce sont tous des organismes dont l'actif est limité. Elles sont toutes frappées de restrictions à l'égard du déblocage de leur actif.
    Certains entrepreneurs disent que cela leur impose un fardeau trop lourd. Ils estiment ne pas pouvoir accéder aux mêmes genres de marchés que ceux qui aident les entreprises commerciales à prendre de l'envergure et à croître. Nous commençons à voir une économie beaucoup plus mixte. Certains organismes croient important de pouvoir dire que certaines contraintes bloquent leur mission et que c'est dû au fait que leur actif est bloqué. Ils ont des contraintes, par exemple, en ce qui concerne leurs bénéfices et leurs dividendes.
    Certains disent qu'il est moins important pour eux de pouvoir parler de ces contraintes ou de les subir. Ils veulent quand même avoir un impact social. Par exemple, ils cherchent à inclure une mission sociale importante dans leurs statuts.
    Je pense que, du point de vue de nos décideurs politiques, toutes ces formules ont du pour et du contre et d'une certaine façon, la difficulté pour le décideur politique est de penser à les différencier clairement afin que les gens puissent passer d'une certaine formule à la sorte de structure qui conviendra pour l'impact qu'ils essaient d'avoir.
    Sur le plan fiscal, très brièvement, la majeure partie des avantages fiscaux dont le secteur social a bénéficié au Royaume-Uni ont visé à lui accorder le même genre d'allégements fiscaux qu'aux organisations purement commerciales. Par exemple, notre allégement fiscal pour l'investissement social est établi sur le même modèle qu'un programme de libération de l'actif qui s'applique aux petites entreprises commerciales ayant un fort potentiel de croissance. Comme c'est un programme de libération de l'actif, il ne fonctionne pas pour nos organismes de bienfaisance qui ne sont pas autorisés à émettre des actions. Par conséquent, nous avons établi pratiquement le même allégement fiscal, mais il fonctionne pour l'endettement.
    Si nous avons établi un modèle aussi similaire, c'est en partie le résultat du travail de conception que nous avons fait avec des conseillers financiers indépendants qui nous ont dit qu'il leur serait plus facile de parler de cet allégement fiscal s'il était très semblable aux autres mesures déjà en place. D'une certaine façon, la réaction attendue du public a guidé la façon dont le gouvernement de coalition a conçu l'allégement fiscal.
    Merci.
    Ce matin, Marjorie Cohen, professeure d'économie à l'Université Simon Fraser, a parlé à la radio de CBC avant de prononcer un discours-programme au petit déjeuner, ici, sur la Colline parlementaire, sous le titre « De l'austérité à la prospérité ». Je sais que l'Angleterre connaît bien le sujet pour avoir moi-même vécu là-bas pendant de nombreuses années, du temps des mesures d'austérité. J'étais là-bas pendant que Margaret Thatcher était au pouvoir. C'est pourquoi je suis partie et je suis venue au Canada.
    Mme Cohen a mentionné que le Canada arrive derrière les autres pays riches sur le plan de ce qu'il dépense pour les programmes sociaux. Elle a même dit que nous nous classons derrière les États-Unis dans cette catégorie.
    Voici ce qui me préoccupe. Va-t-on se servir de cette stratégie ou le gouvernement reconnaît-il qu'il a des responsabilités limitées pour atténuer et améliorer les problèmes sociaux lorsque nous essayons de nous orienter davantage vers ce genre de projets? Que pouvez-vous nous dire et comment cela s'est-il joué au Royaume-Uni?

  (1555)  

    Kieron, je dois vous dire que vous allez devoir le faire en 15 secondes environ. Je sais que ce sera difficile, alors je vais demander à Mme Sims si elle veut bien céder au suivant les 15 secondes restantes. Vous pourrez peut-être répondre à certaines questions lors des discussions ultérieures. Comme nous faisons le tour de la table, ce sera peut-être possible de cette façon.
    D'autre part, il y a toujours la possibilité qu'à la fin de notre séance d'aujourd'hui, vous nous fournissiez, si vous le désirez, des renseignements complémentaires suite à l'une ou l'autre des questions ou des discussions que nous tenons aujourd'hui.
    Nous allons procéder ainsi, car je dois attribuer le temps de parole de façon équitable.
    Nous passons maintenant à M. Eglinski, pour sept minutes.
    Ma question est très similaire.
    Ici, au Canada, les partisans du financement social, généralement ceux qui sont à gauche, craignent que cela ne donne trop d'influence au secteur privé et soit finalement un moyen, pour le gouvernement, de diminuer ses dépenses pour le programme de financement social. Suite à l'initiative de finance sociale, le gouvernement du Royaume-Uni a-t-il entièrement cédé la responsabilité des programmes sociaux aux secteurs privé et sans but lucratif?
    Une question très similaire se pose au Royaume-Uni et c'est un sujet tout à fait d'actualité, monsieur Eglinski.
    Je vais être prudent. Je suis un fonctionnaire et je ne peux donc pas parler des idéologies des différents partis politiques dans ce domaine, mais je peux peut-être décrire la façon dont le débat s'est déroulé au Royaume-Uni.
    Le débat a surtout porté sur la question de savoir s'il s'agit de remplacer le rôle de l'État ou si l'État se donne accès à différentes méthodes de travail dans le but d'avoir plus d'impact.
    Il est certain que les partisans de cette initiative parlent de la dernière hypothèse et non pas d'un gouvernement qui renonce à ses responsabilités, mais plutôt d'un gouvernement qui dit: « Notre responsabilité consiste souvent à établir les objectifs que nous voudrions voir atteints, mais nous aimerions qu'une riche diversité d'organismes y contribuent. »
    Ceux qui contestent cette suggestion ont d'abord dit: « Est-ce vrai? » Deuxièmement, ils ont mis en doute l'efficacité avec laquelle ces marchés fonctionnent, bien qu'au Royaume-Uni, tant à gauche qu'à droite, je pense qu'on est fortement d'accord pour confier des responsabilités au secteur social. Certains, à gauche, se sont demandé si ce genre de modèle d'externalisation profite vraiment au secteur social ou s'il n'est pas capté par des grandes entreprises commerciales souvent, disent-ils, au détriment des plus vulnérables.
    Tels sont certains des défis politiques que les gens comme moi examinent. Selon le discours sur la finance sociale, cela pourrait être un moyen de résoudre certains des risques de l'externalisation, mais on peut dire qu'au Royaume-Uni, le débat sur le sujet demeure très animé et très actif.
    Merci.
    Comme vous avez traversé la phase de mise en oeuvre, y a-t-il des conseils ou des recommandations que vous pourriez donner vu que le gouvernement canadien explore la possibilité d'instaurer des programmes semblables?
    Oui, et bien entendu, cela dépend des programmes. Je vais, je pense, faire deux recommandations, en particulier, monsieur Eglinski.
    La première est qu'au cours des 15 à 20 dernières années, au Royaume-Uni, nous avons de plus en plus commencé à examiner, du point de vue de la politique publique, comment le gouvernement peut établir des organismes spécialisés et experts pour jouer un rôle dans ce marché. Par conséquent, nous sommes passés, par exemple, d'un modèle où le gouvernement fournissait d'importants fonds d'investissement direct à un modèle où le gouvernement établit un grossiste en investissement social indépendant des pouvoirs publics. D'une certaine façon, c'était pour faire deux choses: pour le protéger de la difficulté d'opérer dans un environnement politique et deuxièmement, pour renforcer la capacité du système et renforcer le marché proprement dit au lieu que le gouvernement soit le principal intervenant.
    La deuxième question, que nous n'avons pas encore résolue au Royaume-Uni et à laquelle nous consacrons beaucoup d'attention, pose un défi constant pour la politique publique. Comment empêcher que ce soit une approche descendante? Comment faire vraiment participer les bénéficiaires du service ou les entreprises sociales, ou encore les organismes du secteur social à la conception des choses qui sont essentiellement dans leur intérêt? C'est un domaine crucial sur lequel nous nous penchons de plus en plus.

  (1600)  

    Avez-vous remarqué une augmentation de la participation des entreprises privées et des organismes sans but lucratif ainsi que de l'intérêt pour les questions sociales depuis que ces changements ont été apportés?
    Le tableau est assez complexe, je crois. Dans certains secteurs, la réponse est affirmative. À mon avis, ce qui s'est passé au Royaume-Uni sur le plan du financement social doit être considéré dans le contexte de 30 ans d'histoire d'une externalisation continue, du fait que l'État est de plus en plus à l'aise avec l'idée de confier des services à des organisations privées et du secteur tertiaire.
    Les six ou sept dernières années, pendant lesquelles il y a eu une accélération de l'intérêt pour le financement social, ont également été une période d'austérité budgétaire considérable au Royaume-Uni, de réduction de certaines des subventions accordées au secteur social. Par conséquent, quand nous examinons les données, elles sont assez variables. Il y a la mesure dans laquelle le financement social a amené davantage d'organismes du secteur social à fournir des services au public, mais dans un contexte plus large, il a été en partie victime des compressions budgétaires au Royaume-Uni.
    Très bien, merci.
    Avez-vous vu apporter d'importants changements à la réglementation pour mettre en oeuvre la finance sociale, à part le régulateur ou les avantages fiscaux dont vous avez parlé? Y a-t-il d'autres changements importants que vous avez dû apporter?
    La réponse est non, mais nous sommes en train d'examiner les domaines dans lesquels apporter notre appui. Nous avons constaté que souvent, même s'il n'est pas interdit de faire de l'investissement social, à moins que ce ne soit expressément autorisé, les gens ont l'impression que c'est interdit implicitement.
    Un certain nombre de partis politiques cherchent maintenant à voir comment établir une réglementation qui l'autorise plus expressément et permet de tenir compte de dimensions autres que le rendement financier, surtout pour les gestionnaires de fonds. Nous n'avons pas eu à nous pencher, par exemple, sur le rôle de la réglementation à l'égard de la capacité des organismes caritatifs de recevoir des investissements. Je sais que la question est examinée dans le contexte canadien.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Cuzner pour sept minutes, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais remercier M. Boyle du témoignage qu'il nous donne aujourd'hui.
    Pourriez-vous me faire part de votre impression générale? Les obligations à impact social sont-elles utilisées davantage pour accroître l'efficience et améliorer les programmes existants ou plutôt pour élaborer de nouveaux programmes ou de nouveaux services? Avez-vous une idée générale de la façon dont elles sont utilisées, d'une façon plutôt que de l'autre?
    C'est les deux, je crois. C'est un peu comme un couteau de l'Armée suisse. Cela peut être utilisé de multiples façons.
    Il y a 31 obligations à impact social au Royaume-Uni à l'heure actuelle dans cinq secteurs de politique différents dont la santé, la récidive, le chômage des jeunes, les enfants à risque et ensuite l'adoption. Nous voyons les commissions publiques les utiliser de diverses façons.
    Certaines les utilisent pour apporter des innovations dans le système, pour tester des idées dont elles pensent qu'elles peuvent fonctionner, mais sans certitude. Les commissions sont prêtes à y recourir dans le cadre d'une approche basée sur les résultats et à confier ensuite la prestation des services à un éventail plus large de fournisseurs. Elles se servent de l'investissement social pour leur permettre de le faire.
    Certaines voient là un moyen de financer les interventions initiales payées par les économies réalisées en cours de route et voient cela comme un instrument qui leur permet d'intervenir rapidement.
    J'ai l'impression qu'avec le temps nous verrons les deux tendances, mais elles iront dans des directions légèrement différentes. Nous commencerons sans doute à voir des émissions d'obligations à impact social beaucoup plus importantes axées sur des choses comme les gains d'efficience, mais il y aura toujours des obligations à impact social moins importantes destinées à l'innovation dans les services publics.

  (1605)  

    Pour essayer d'améliorer un programme, n'examinez-vous pas le programme en question afin d'en faire votre propre évaluation et dire: « Nous pouvons l'offrir de façon plus efficiente »? Pouvez-vous d'abord faire une évaluation avant de vous orienter vers une obligation à impact social?
    Est-ce également la norme? Est-ce ce que vous avez constaté?
    Oui, absolument.
    Les obligations à impact social sont un outil. C'est un instrument pour améliorer les services publics. Ce n'est pas le premier outil à utiliser, surtout en ce moment, car elles présentent encore une certaine complexité. Nous constatons que dans certains domaines, et surtout pour les cohortes particulièrement complexes — par exemple, les personnes souffrant de troubles mentaux ou présentant un certain nombre de problèmes de longue durée —, cet outil a été assez efficace.
    Maintenant, une des questions qui est souvent posée au Royaume-Uni est que si vous savez ce qui fonctionne, pourquoi utiliser une obligation à impact social? N'est-ce pas une façon coûteuse de s'attaquer aux problèmes sociaux? Les gens que je rencontre sont d'accord et disent: « Oui, si vous savez ce qui fonctionne, pourquoi utiliser une obligation à impact social? »
    Nous constatons que dans un grand nombre de domaines, nous ne savons pas vraiment ce qui fonctionne ou n'en avons qu'une idée partielle. Un projet pilote peut nous donner de bons résultats dans un secteur, mais nous ignorons s'il s'appliquera dans un autre secteur. Nous constatons aussi qu'une des grandes questions est qu'une bonne partie des avantages d'une obligation à impact social pourrait probablement être obtenue grâce à une meilleure gestion publique des contrats, alors pourquoi ne le fait-on pas?
    Vous livrez-vous à un processus d'évaluation assez approfondi avec les gestionnaires du gouvernement, sur la base de critères assez stricts à l'égard des résultats, des attentes. Y a-t-il un régime de primes ou…?
    Oui. C'est un processus précis et rigoureux selon lequel les gestionnaires publics examinent les résultats qu'ils cherchent à obtenir — les résultats qu'ils s'efforcent d'atteindre, la preuve de ces résultats et également le montant qu'ils sont prêts à payer pour ces résultats.
    L'effet est double. Premièrement, cela apporte une certaine rigueur même si l'obligation à impact social n'est pas le seul moyen de l'obtenir. Nous avons commencé à découvrir un deuxième effet, à savoir qu'au Royaume-Uni, l'insistance sur les résultats commence à devenir un leitmotiv.
    Je pourrais peut-être vous donner un exemple très concret. Au Royaume-Uni, nous avons récemment établi un fonds d'obligations à impact social de 30 millions de livres destiné à prévenir le chômage des jeunes. Cela a permis d'intervenir auprès des adolescents âgés de 14 à 17 ans pour améliorer des choses comme leur fréquentation scolaire et leurs notes, car nous savons qu'il y a une très forte corrélation entre ce genre de résultats chez les jeunes âgés de 14 à 17 ans et le risque qu'ils deviennent chômeurs à l'âge de 18 à 21 ans.
    Ce qu'a fait mon équipe, ce qu'ont fait les bureaucrates, a consisté à visiter les divers ministères de la fonction publique pour demander: « Dans quelle mesure bénéficiez-vous du fait que les jeunes de 18 ans ne deviennent pas chômeurs? » Ils ont tous cité des chiffres différents. Notre ministère chargé des prestations est celui qui en bénéficiait le plus en ne payant pas de prestations de chômage, mais par exemple, notre ministère de la Justice et notre ministère de la Santé y ont également vu des avantages. Ils ont tous déboursé le montant correspondant aux avantages qu'ils obtenaient.
    Si je cite cet exemple en détail, c'est seulement pour dire que l'accent mis sur les résultats pourrait être une façon de contourner le cloisonnement de certains flux de dépenses qui visent parfois à essayer d'aider les gens ayant des besoins complexes.

  (1610)  

    Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
    Nous passons maintenant à mon collègue, M. Armstrong.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens à remercier M. Boyle de se joindre à nous cet après-midi. C'est fascinant.
    La dimension dont je voudrais parler en premier est celle de l'offre. J'ai deux questions à ce sujet et je reviendrai ensuite à celle qu'a posée M. Cuzner au sujet du chômage et des jeunes et de vos observations à cet égard. Dans votre exposé, vous avez parlé de trois aspects de l'offre. Le premier concernait Big Society Capital. J'ai fait un peu de recherche à son propos et je pense que cette initiative a été une réussite. Je ne sais pas si vous êtes d'accord, mais ce l'est d'après ce que j'ai lu.
    Pouvez-vous décrire en quoi cela consiste, comment l'argent a été déposé dans ces fonds et comment vous y avez accès? Pourriez-vous nous en parler très brièvement?
    Ce fonds est indépendant du gouvernement. Il a été capitalisé avec 600 millions de livres dont 400 millions provenaient de comptes bancaires inactifs. La loi permettait que les comptes bancaires inactifs servent à soutenir un grossiste en investissement social. Un autre montant de 200 millions de livres a été fourni par nos principales banques. Le fonds a été constitué de façon à être indépendant du gouvernement et autosuffisant, autrement dit, pour qu'il investisse dans l'intention de récupérer son argent et de rentrer dans ses frais.
    Il fonctionne principalement en étant le principal investisseur dans des fonds d'investissement social et les fonds d'investissement social en question se spécialisent eux-mêmes dans certains domaines en accordant divers types de prêts à différents organismes.
    Il a été mis sur pied en 2012 et il est en fonction depuis deux ans. Il a maintenant soutenu plus d'une centaine d'organisations de première ligne. Lorsqu'il a été constitué, il y avait environ huit fonds au Royaume-Uni et il y en a maintenant plus de 30.
    Son rôle peut-être le plus crucial a été de débloquer environ le double du montant qu'il a lui-même investi par l'entremise des marchés privés.
    Par conséquent, ce fonds a pu donner aux organismes en question la capacité d'utiliser cet argent pour lever d'autres fonds auprès d'autres sources, à la fois privées et publiques, je suppose.
    En fait, c'est surtout privé. Il n'y a pas eu beaucoup d'investissements publics pour accompagner ceux de Big Society Capital.
    Je voudrais passer au fonds de 30 millions de livres dont vous avez parlé avec M. Cuzner à propos du chômage des jeunes, car la parole vous a été coupée.
    C'est centré sur les jeunes de 14 à 17 ans. C'est probablement axé sur les aptitudes de base au travail, l'assiduité scolaire, l'acquisition de certaines compétences en entrepreneuriat et certains apprentissages professionnels. Pouvez-vous nous donner quelques précisions quant à la façon dont les fonds sont utilisés?
    Oui. Ils sont utilisés de diverses façons dont aucune n'est prescrite par le gouvernement. Nous avons précisé les résultats que nous voudrions voir — et je peux vous les envoyer si cela intéresse le comité. Ce sont des choses comme la fréquentation scolaire, le comportement à l'école et les notes.
    Nous avons fait beaucoup de couplage de données pour pouvoir dire que si vous atteignez tels résultats, quelle est la probabilité que vous aurez un travail ou que vous serez chômeur à l'âge de 18 ans? C'est parce que nous savons combien nous économisons lorsque quelqu'un travaille à 18 ans au lieu d'être en chômage. Nous avons pu établir un prix pour ces résultats chez les jeunes de 14 à 17 ans. Nous avons ensuite communiqué ces résultats au marché et ce sont surtout les entreprises sociales et les organismes du secteur social qui nous ont dit pouvoir atteindre l'objectif. Ils le font même par des méthodes dont vous avez parlé.
    Pour que ce soit bien clair, suivez-vous les élèves en question jusqu'à l'âge de 17 ans? Je sais que le programme n'est pas en place depuis longtemps et qu'il ne dispose sans doute que d'une petite base de données. Néanmoins, allez-vous suivre les élèves qui participent à ces programmes pour voir s'ils ont réellement pour effet d'améliorer leur employabilité?

  (1615)  

    Oui, surtout pour les premières obligations à impact social qui ont été émises. Elles font l'objet d'une évaluation approfondie qui permettra de voir quels sont les résultats à long terme pour ces jeunes.
    Est-ce le gouvernement qui s'en charge ou certains de ces organismes?
    Dans le premier cas, le gouvernement finance la majeure partie de cette initiative, car nous voulons savoir si cette approche fonctionne.
    Dans le modèle dont vous avez parlé pour éviter le chômage des jeunes, l'organisme établit le programme, le gouvernement fournit l'argent par l'entremise du fonds de 30 millions de livres et à la fin, le gouvernement est chargé de l'évaluation et de l'intégrité du programme. C'est bien cela?
    Oui.
    Je voudrais en revenir à la question de l'offre. Vous avez mentionné certains allégements fiscaux dont vous vous êtes servis pour inciter le secteur privé à faire des investissements. Pouvez-vous parler de certains des changements que vous avez apportés au programme pour que les organisations soient plus portées à investir dans ces modèles?
    Oui. Comme je l'ai dit à votre collègue, Mme Sims, nous avons donné aux organismes qui ne sont pas autorisés à libérer leur actif, la capacité d'obtenir les mêmes allégements fiscaux que ceux qui peuvent le faire. À part cela et la publicité que nous avons diffusée au sujet de cet allégement fiscal, nous n'avons rien fait de plus. On estimait qu'il y avait une lacune. Les organismes du secteur social n'étaient pas sur un pied d'égalité pour avoir accès au même genre d'allégements fiscaux que les entités commerciales.
    Nous avons mis cette politique sur pied. Elle est entrée en vigueur l'année dernière. Un certain nombre de transactions ont déjà eu lieu. Certaines portaient également sur les obligations à impact social, car elles sont devenues admissibles à cet allégement fiscal.
    Je vous remercie.
    Lorsque vous parlez d'un allégement fiscal, quelle a été son importance? Pouvez-vous nous donner quelques exemples?
    Oui. C'est généreux. C'est un allégement de 30 p. 100 de l'impôt sur le revenu sur le même genre de montant admissible. Il y a aussi d'autres avantages, par exemple, les gains en capital et d'autres pertes en capital peuvent être reportés au moyen de cet allégement fiscal. C'est un des avantages fiscaux les plus généreux que nous ayons au Royaume-Uni.
    J'ai juste une question supplémentaire; c'est peut-être pour obtenir une précision.
    Ayant enseigné en Angleterre et sachant comment fonctionne là-bas le système éducatif, j'ai une question au sujet des 30 millions de livres que vous avez octroyés pour les obligations à impact social et pour étudier des éléments importants afin que les jeunes de 14 à 17 ans puissent trouver un emploi. Cet investissement est-il fait dans le système scolaire public? Ou est-ce de l'argent mis de côté pour embaucher du personnel supplémentaire, par exemple, des agents de probation ou des agents de l'absentéisme, pour ramener les enfants à l'école?
    C'est en dehors du système scolaire. Par conséquent, la somme consacrée aux obligations à impact social au Royaume-Uni a été de plus de 30 millions de livres. C'est plutôt un montant dépassant les 100 millions de livres...
    C'est en dehors du système scolaire.
    J'ajouterais qu'un certain nombre d'écoles ont également contribué financièrement au fonds; elles l'ont fait parce qu'elles souhaitent que ces résultats soient atteints pour les élèves qui passent par leurs établissements.
    Nous le souhaiterions tous.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme Groguhé.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Bonjour, monsieur Boyle.
    Vous avez parlé de risques que pose la finance sociale. Pourriez-vous nous donner des exemples de risques? À partir de là, de quelle façon peut-on éviter ces risques?

  (1620)  

[Traduction]

    Merci pour cette question.
    Je pourrais peut-être mentionner deux risques précis que nous constatons parfois dans notre travail, l'un pour l'investisseur individuel et l'autre pour le gouvernement s'il attribue des contrats de façon imprécise.
    Pour les investisseurs individuels, il y a toujours le risque qu'un investissement qui leur est présenté comme offrant à la fois un rendement social et un rendement financier n'apporte ni l'un ni l'autre. Je ne pense pas que ce soit un risque distinct ou particulier pour les investisseurs, mais cela inquiète beaucoup de gens qui travaillent dans ce domaine au Royaume-Uni et qui veulent qu'on s'assure de l'intégrité des possibilités d'investissement social offertes.
    Pour le gouvernement, à part ce dont nous avons parlé aujourd'hui à propos de la complexité de la dynamique politique, quant à savoir si cela rend l'État plus efficient ou remplace l'État, nous avons constaté des problèmes précis au sujet des contrats de paiement en fonction des résultats séparément des obligations à impact social.
    Un des risques des contrats de paiement en fonction des résultats que nous avons constaté est que le gouvernement est très précis sur le plan des prix et que souvent les personnes vulnérables sont peut-être laissées pour compte, surtout parce que les fournisseurs des services estiment qu'ils ne sont pas payés suffisamment pour venir en aide à ces personnes.
    L'importance que nous accordons aux obligations à impact social a notamment été vue comme une solution à ces problèmes. Autrement dit, si vous pouvez avoir un éventail plus large de fournisseurs de services, y compris de fournisseurs liés par leur mission, comme les organismes caritatifs, par exemple, ils risquent moins de laisser tomber les personnes les plus difficiles à aider. Dans un certain sens, c'est davantage une sorte de partenariat plutôt que… C'est presque comme un match de football où une des équipes gagne, soit le gouvernement, soit les fournisseurs de services.
    Ce sont là deux des risques particuliers dont nous entendons parler.

[Français]

    Il est clair qu'il y a de nombreux défis relatifs à la finance sociale. On en a cité certains, dont la mesure et l'évaluation qui posent d'énormes défis.
    J'aimerais vous entendre en ce qui concerne la place de la reddition des comptes et de la transparence dans la finance sociale.

[Traduction]

    Il y a deux points de vue.
    Le premier consiste à dire que cela pose des difficultés, juste pour ce qu'il est des résultats. Je dirais que l'investissement social au Royaume-Uni est beaucoup plus vaste que les partenariats fondés sur les résultats. Ces derniers représentent peut-être moins de 10 % du marché de l'investissement social. Nous en parlons beaucoup au gouvernement parce que c'est l'élément qui nous touche.
    Néanmoins, pour répondre à votre question plus large, quels sont les différents risques? À mon avis, une bonne partie des défis et des complexités auxquels la finance sociale est confrontée sont les mêmes que ceux qui se posent chaque fois que les gens s'efforcent de concrétiser leur intention d'avoir un impact social. C'est une des questions dont nous discutons beaucoup au Royaume-Uni: quels sont les défis particuliers que pose l'investissement social au-delà, par exemple, de la passation des contrats gouvernementaux ou de la difficulté de constater un impact social?

[Français]

    Vous avez parlé de rendre l'État plus efficace et de prendre la place de l'État en ce qui concerne la finance sociale. Pensez-vous que ce soit réaliste?

[Traduction]

    Je pense que c'est réaliste, mais l'État pourrait être beaucoup plus efficient qu'il ne l'est. Une des choses que l'investissement social a, selon moi, le potentiel et la capacité de faire, c'est d'élargir le sentiment de partenariat parmi ceux qui essayent de créer un impact social. Cela me semble être un objectif louable et je pense que c'est réalisable.
    L'investissement social fait seulement partie de la solution.
    Merci. Comme j'occupe le fauteuil, je dois respecter rigoureusement notre horaire. Il ne nous reste que quelques minutes, mais je vais céder la parole à M. Butt, pour deux minutes.

  (1625)  

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Boyle, merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
    Pouvez-vous nous donner certains des résultats obtenus, selon vous, grâce à des programmes comme le Youth Engagement Fund ou le Fair Chance Fund? Ont-ils donné de bons résultats? Leurs objectifs ont-ils été atteints? Quels avantages l'investissement privé dans ce genre de programmes a-t-il apportés?
    Merci pour cette question.
    Il est trop tôt pour le dire. La première obligation à impact social a été émise au Royaume-Uni — si nous parlons seulement de ces obligations — en 2012. Le Fair Chance Fund et le Youth Engagement Fund ont tous les deux été établis au cours des neuf derniers mois et ils ne font donc que démarrer.
    D'après tous les premiers signes, les obligations à impact social donnent de meilleurs résultats que ce qui se serait passé autrement. Nous ne savons pas encore si les résultats seraient les mêmes au cas où le modèle serait reproduit à plus grande échelle ou s'il s'agit d'une sorte d'effet de halo en raison de toute l'attention et de l'intérêt que cela suscite.
    D'une certaine façon, j'ai élargi ma pensée pour tenir compte de ce qui se passe au niveau de l'accès à l'investissement et à l'investissement privé. J'avoue que je tiendrais compte des centaines de millions de livres qui sont entrées dans le secteur social et qui n'y seraient peut-être pas allées et du témoignage des organismes du secteur social qui disent que l'accès à ce genre de capitaux, sans avoir à refuser des subventions gouvernementales ou à organiser des campagnes de financement très coûteuses, leur a permis de libérer du temps pour faire ce qu'ils font le mieux, c'est-à-dire s'attaquer aux problèmes sociaux.
    C'est tout le temps que nous avions pour aujourd'hui, mais je désire vous remercier, au nom du comité, pour votre exposé très intéressant qui suscite la réflexion et aussi pour la façon très directe dont vous avez répondu à nos questions.
    Je sais qu'il est 21 h 30 chez vous et que vous avez sans doute hâte d'aller prendre un verre ou un repas et de passer une soirée relaxante pendant que nous continuons notre travail. Quoi qu'il en soit, profitez du reste de votre soirée et merci infiniment.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant suspendre la séance jusqu'à ce que nos prochains témoins prennent place.

  (1625)  


  (1625)  

    Nous sommes prêts à reprendre la séance. Nous allons maintenant poursuivre notre étude pour explorer le potentiel de la finance sociale au Canada.
    Pour la dernière heure de notre séance d'aujourd'hui, nous recevons M. Andy Broderick, vice-président de l'investissement communautaire chez Resilient Capital et Vancity Credit Union. Nous entendrons également par vidéoconférence, à partir de Toronto, M. Adam Spence, fondateur et président-directeur général de SVX.
    Andy, pouvez-vous faire votre exposé en premier?

  (1630)  

    Je suis très content d'être de retour — ou d'être présent en personne. La dernière fois que j'ai comparu devant le comité, je crois que c'était à un moment de l'année où je n'aurais pas voulu être ici, mais un jour comme aujourd'hui, c'est très agréable. Merci de me recevoir.
    Je précise que je suis le vice-président de l'investissement communautaire à Vancity. Je vais vous parler un peu de Vancity. Nous sommes une institution financière d'une valeur de 19 milliards de dollars. Nous sommes une coopérative qui appartient à ses membres. Nous avons un modèle d'affaires qui est unique en son genre et dont je crois utile de parler un peu, car c'est de là que vient notre intérêt dans Resilient et le fait d'avoir un vice-président de l'investissement communautaire. Ce n'est pas toujours la chose la plus fréquente dans une grande ou assez grande institution financière.
    Vancity a vu le jour en raison d'une situation où les capitaux ne rejoignaient pas les marchés qui en avaient besoin. Nous avions des membres, des gens vivant à Vancouver, qui ne pouvaient pas obtenir de capitaux. Sans vous relater l'histoire de nos origines, ce qui commence à être lassant, même pour moi, c'est vraiment la fondation de la coopérative de crédit; cela n'a pas été perdu. L'optique commerciale de Vancity part du principe que la meilleure chose à faire est de trouver des marchés où les capitaux ne sont pas allés. Il ne s'agit pas d'éviter ces marchés, mais de les identifier et de s'y installer de façon réfléchie, gérée et évaluée.
    C'est mon rôle. Je suis chargé du développement des affaires sur le plan de l'investissement communautaire. Notre objectif très ambitieux et audacieux est d'avoir le maximum des 19 milliards de dollars de l'argent de nos membres investi dans des secteurs de l'économie qui manquent de capitaux, dans les collectivités où les capitaux sont limités, les endroits où l'investissement changera vraiment la façon dont vivent les citoyens de la Colombie-Britannique et dont vivent et survivent les gens dans les collectivités de nos membres.
    Resilient n'est qu'un exemple et je crois qu'il est intéressant. Cela mène aussi à certains enjeux nationaux entourant le développement du secteur. Que vous appeliez cela la finance sociale ou l'investissement communautaire, c'est un secteur de plus en plus important, je pense. Comme les gouvernements ont réévalué leurs rôles, ont essayé de mieux réfléchir à ce que ces rôles devraient être et ont dû subir des contraintes économiques sur le plan de l'investissement, il faut le reconnaître, je crois qu'il est de plus en plus important de voir comment renforcer les capacités dans les collectivités pour déplacer les capitaux de façon efficace. Resilient en est un petit exemple.
    Resilient fait partie d'un certain nombre de fonds répartis aux quatre coins du pays — ils ne sont pas très nombreux, sans doute huit ou dix — qui cherchent à fournir des capitaux à des entreprises sociales, des entreprises sans but lucratif qui cherchent à améliorer l'environnement. Elles peuvent être à but lucratif à la condition qu'elles aient une mission. C'est là où les capitaux publics ne sont pas allés, où ces entreprises ne peuvent généralement pas obtenir un financement des banques. C'est ce qu'on appelle parfois l'investissement à impact, la finance sociale ou l'investissement communautaire — vous entendez tous ces termes. Au Canada, cela représente un marché d'environ 500 millions de dollars, probablement un peu moins. Dans le monde économique occidental, le chiffre atteint environ 50 milliards de dollars et grossit énormément. J'étais à Chicago, l'année dernière et les possibilités sont vraiment sidérantes.
    Quoi qu'il en soit, avec Resilient, nous sommes partis de deux hypothèses. Nous voulions obtenir un rendement adapté au risque. Nous ne demandions pas aux investisseurs de faire un don de charité. Cela ne se basait pas sur un résultat caritatif. Les gens investissaient dans Vancity en achetant un dépôt à terme, un dépôt à terme de cinq à sept ans et le rendement sur ce dépôt à terme correspondait à ce que les marchés offraient pour un produit entièrement assuré.
    La question suivante est de savoir comment offrir des garanties au cas où…? Nos autorités de réglementation pourraient penser que nous accordons des prêts qui ne sont pas vraiment conventionnels et qui sont donc plus risqués. Autrement dit, nous prêtons aux entreprises sociales ou aux entreprises commerciales en démarrage qui ne peuvent généralement pas trouver de capitaux. Je pourrais débattre du risque, mais pour cette raison, nous avons établi une provision pour pertes sur créances. Il s'agissait d'un fonds d'environ 15 millions de dollars. Nous disposions d'environ 20 p. 100 de ce fonds sous forme d'espèces provenant des dons pour la garantie. La moitié des dons venait de Vancity et l'autre moitié de la Vancouver Foundation. En fait, c'était une stratégie d'élimination du risque.

  (1635)  

    Autrement dit, comme nous étions les premiers acteurs dans ce domaine, nous voulions montrer qu'il n'y aurait pas de perte importante, mais nous n'avons pas vraiment voulu imposer le fardeau à la compagnie d'assurance provinciale qui assure Vancity. Nous avons donc établi ce fonds pour pertes sur créances, ce filet de sécurité pour protéger la province de la Colombie-Britannique et protéger nos membres.
    Ces deux choses étant faites, nous sommes allés lever des fonds. Comme je l'ai dit, nous avons levé environ 15 millions de dollars. Permettez-moi de vous faire un bref résumé de ceux qui ont investi, car c'est important. Ce sont les premiers acteurs dans ce secteur.
    Nous avons 23 investisseurs. Nous n'avons pas essayé d'aller dans le secteur de la vente au détail. Nous ne visions pas la moyenne des membres. Nous avons vraiment cherché à améliorer la familiarité et le confort des institutions vis-à-vis ce genre d'investissement. Les participants ont été sept fondations, deux syndicats, deux universités, deux autres entreprises privées, trois organismes sans but lucratif et sept particuliers fortunés.
    Resilient avait pour objectif de fournir ce réservoir de capitaux pour aider certains de ces organismes à but non lucratif et entreprises basés dans la province à faire leur travail. D'autre part, il s'agissait de faire comprendre aux investisseurs comment cela pouvait se faire sans excès de risque. Autrement dit, vous pouviez obtenir un rendement correspondant au niveau de risques que vous preniez et vous pouviez voir vos capitaux activer des initiatives importantes dans la collectivité, les voir apporter des changements.
    Les bénéficiaires… Jusqu'ici, sur les 12,5 millions de dollars environ que nous voulons débloquer, nous avons versé à peu près 10 millions de dollars au cours des trois dernières années. Nous pourrions tout sortir. En fait, nous sommes un peu lents et prudents parce qu'à certains égards nous essayons de développer un portefeuille qui représente plus largement le secteur. C'est donc un ensemble de participations au capital, d'organismes sans but lucratif, d'entreprises en démarrage dans le secteur de l'énergie. C'est un ensemble de risques qui est également approprié.
    Nous prévoyons et nous espérons enregistrer une perte d'environ 5 à 10 p. 100, car nous voulons être à la limite de la zone de danger. C'est pourquoi nous avons établi le fonds pour pertes sur créances. Jusqu'ici, la perte a été de moins de 2 p. 100, mais nous avons procédé de façon très réfléchie et intentionnelle.
    Nous avons donc investi de l'argent dans 23 groupes dont un groupe à la réputation douteuse comme Corporate Knights, à Toronto — je plaisante, mais c'est un fonds national. Nous avons fait certaines choses en dehors de la Colombie-Britannique. Nous avons fait un petit investissement en actions dans Corporate Knights. Nous avons Salish Soils, une coentreprise des Premières Nations qui se trouve sur la côte Sunshine, en Colombie-Britannique ainsi que Tree Island Yogurt, un nouveau producteur de yoghourt organique dans la vallée Cowichan de l'île de Vancouver.
    Il y a une grande diversité. Cela comprend quelques organismes sans but lucratif, quelques organismes caritatifs. Nous avons aidé un groupe qui travaille à la préservation des terres, avec un crédit-relais, pour l'acquisition d'une importante superficie de terre. Il avait bien réussi à lever des fonds jusqu'ici, mais en général, la plupart des banques ne prêtent pas en se fiant à ce genre de garantie, à l'expérience historique.
    Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une approche réelle et intentionnelle pour faire comprendre que vous pouvez avoir un effet sur votre collectivité en faisant un investissement à plein tarif, sans trop de risques. Une entreprise peut trouver les capitaux dont elle a besoin pour se développer, car cela vise à fournir un capital de croissance à certains organismes. Ensuite, nous voulions vraiment faire comprendre aux investisseurs l'impact qu'ils avaient et nous avons donc prévu un site web auquel la communauté des investisseurs peut se connecter.
    Il vous reste une minute si vous voulez résumer.
    Je pourrais peut-être le faire en une seconde.
    Je dirais que cela fait partie d'une communauté de pratiques qui… J'ai écouté aux portes, mais vous parlez d'étudier ceci ou cela. Je crains parfois qu'il y ait trop de gens en train d'essayer de résoudre le même problème de façons différentes, ce qui a parfois pour effet de renforcer les capacités de façon trop diffuse et d'éparpiller les efforts.
    Je dirais qu'il est vraiment temps de commencer à voir comment renforcer la capacité du secteur en dirigeant l'investissement vers les groupes performants, ceux qui ont montré leur capacité à sortir l'argent. Évaluez leur capacité à sortir l'argent et à le gérer efficacement, comme vous le feriez pour un intermédiaire du secteur privé. Vous voulez vraiment développer des intermédiaires solides qui ont de bons antécédents. Ils n'existent pas encore. Ils commencent à exister, mais je pense que c'est d'une importance fondamentale.
    S'il nous reste quelques minutes, il y a certaines questions et d'autres groupes dont je peux parler.

  (1640)  

    Vous en aurez l'occasion, car il y aura beaucoup de questions.
    J'espère que cela vous a été utile.
    Nous passons maintenant à Adam Spence.
    Madame la présidente et membres du comité, je voudrais vous remercier de m'avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui. Je désire aussi vous remercier de prendre le temps d'étudier la finance sociale et les avantages qu'elle peut apporter à tous les Canadiens.
    J'espère que vous ne me voyez pas en haute définition.
    En ce qui concerne mon exposé, je vais vous parler un peu de mon travail, de notre perspective de la finance sociale et formuler quelques recommandations quant à la façon dont le gouvernement peut habiliter le marché. Je représente aujourd'hui à la fois le MaRS Centre for Impact Investing et Social Venture Connexion ou SVX.
    Le MaRS Centre for Impact Investing est un centre national qui cherche à bâtir le marché canadien de l'investissement à impact. Nous éduquons les intervenants grâce à des recherches et à des conférences. Nous élaborons conjointement les produits et les stratégies d'investissement à impact et nous soutenons les entreprises à la recherche d'investissements ainsi que les investisseurs en quête de possibilités d'investissement.
    SVX est logé au centre. Il peut être décrit comme une plateforme complète d'investissement à impact qui soutient les entreprises et les fonds à impact et les met en contact avec des investisseurs accrédités à la recherche d'investissements qui démontreront un impact social et environnemental positif ainsi qu'un potentiel de rendement financier. Voyez-le comme un intermédiaire et un agent de renforcement des capacités pour les entreprises sociales et les investisseurs.
    Au cours de l'année écoulée, nous avons soutenu 28 entreprises et fonds. Ils ont levé 3,5 millions de dollars par l'entremise de notre plateforme. Nous voyons cela comme une innovation intersectorielle menée sous la conduite de MaRS, en collaboration avec le TMX Group, Torys LLP, KPMG, le gouvernement de l'Ontario, le J.W. McConnell Family Foundation et d'autres. Nous sommes un courtier d'exercice restreint auprès de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et de l'Autorité des marchés financiers du Québec.
    C'est la première plateforme de ce genre en Amérique du Nord et nous travaillons actuellement avec des partenaires pour pouvoir l'étendre à d'autres provinces dont la Colombie-Britannique ainsi que les États-Unis et le Mexique. Nous avons commencé notre travail parce que nous estimions que nous étions confrontés à des problèmes pressants aux niveaux local, national et mondial allant de la pauvreté aux changements climatiques en passant par les problèmes de santé chroniques. Des entreprises communautaires de production d'énergie aux projets de logements abordables, un certain nombre d'entrepreneurs établissent des modèles commerciaux pour s'attaquer à ces problèmes et se tournent vers les investisseurs pour obtenir leur soutien. Néanmoins, les entrepreneurs et investisseurs à impact sont confrontés à de nombreux obstacles, notamment sur le plan de la capacité, du temps et du coût.
    Souvent, les entreprises à impact n'ont pas accès aux capitaux et leur réceptivité à l'investissement est insuffisante tandis que les investisseurs à impact n'ont pas les ressources nécessaires pour trouver et examiner les projets à impact afin d'y investir.
    Alors que faisons-nous?
    Nous faisons des recherches. Nous déterminons quels sont les projets, les fonds et les investisseurs qui répondent à nos critères. Nous éduquons. Nous apportons un soutien adapté aux entreprises et aux investisseurs grâce à une formation et des modèles sur des sujets comme l'investissement à impact, la présentation des arguments et la notion de diligence raisonnable. Un de nos programmes phares à Toronto s'appelle Impact8. C'est un accélérateur de réceptivité de l'investissement pour les entreprises.
    Nous examinons également les entreprises et les fonds. Les investisseurs se servent de nos critères d'accès pour étudier leur gestion, leur gouvernance, le financement qu'ils offrent et leur impact. Enfin, nous établissons des liens. Nous mettons en contact les émetteurs et les investisseurs que ce soit en ligne, en organisant des rencontres, des webinaires ou lors de réunions face à face.
    Komodo OpenLab est un exemple des entreprises avec lesquelles nous travaillons. C'est une firme de Toronto qui élabore des technologies inclusives à faible coût pour faciliter la vie quotidienne des personnes handicapées. Komodo permet aux Canadiens ayant des problèmes de mobilité ou de communication à se servir de leur téléphone cellulaire pour exécuter des tâches complexes ou simples allant de la gestion d'une entreprise à la commande d'une tasse de café. Une de ses difficultés était l'accès à des capitaux et nous l'avons donc aidée à se préparer à recevoir un investissement en la mettant en contact avec des investisseurs et en lui permettant de produire l'impact qu'elle désirait.
    Avec SVX, MaRS élabore aussi un fonds de démarrage avec l'aide de Virgin Unite et d'un certain nombre de fondations dont Mindset, en Colombie-Britannique.
    De plus, nous organisons aussi des délégations et des partenariats à l'échelle internationale en envoyant des entreprises à New York, San Francisco et ailleurs pour développer les investissements et les affaires, en coordination avec les consulats canadiens locaux. Nous avons également aidé à créer des partenariats entre d'autres gouvernements comme ceux de l'Ontario et de la Californie, entre le Governor's Office of Business and Economic Development de la Californie et le ministère du Développement économique, de l'Emploi et de l'Infrastructure de l'Ontario.
    Lorsque nous pensons à la finance sociale, notre définition s'aligne sur celle d'un grand nombre d'intervenants du secteur. Nous voyons cela comme des investissements faits dans les entreprises, les organismes et les fonds dans l'intention de générer un impact social ou environnemental mesurable ainsi qu'un rendement financier. En général, ces investissements exigent un capital patient et l'attente d'un rendement raisonnable, car les capitaux peuvent être fournis pour soutenir les solutions à nos problèmes les plus récents, notamment dans le domaine de l'agriculture durable, du logement abordable, de la santé et du bien-être, des technologies propres et de l'éducation. Par exemple, un prêt de 5 millions de dollars pour aider à financer un projet de logements abordables de 30 unités à Montréal serait un investissement à impact tout comme une participation au capital de 1 million de dollars dans le fonds pour une production alimentaire durable d'Investeco.
    La finance sociale ne remplace pas une bonne politique publique, de bons investissements publics ou une bonne philanthropie, mais c'est un complément nécessaire.

  (1645)  

    La finance sociale n'a rien de nouveau. Le Canada est un chef de file de ce marché depuis des décennies, depuis le mouvement Desjardins au début du XXe siècle et l'avènement d'institutions comme Vancity, jusqu'à celui de Mennonite Economic Development Associates, dans les années 1950 et 1960 et l'émergence de chefs de file comme BDC et TMX Group.
    Ce qui est nouveau, c'est l'élan. Cet élan se renforce au Canada et dans le monde entier sur le plan de l'engagement institutionnel et gouvernemental, du capital mobilisé et des talents jeunes et expérimentés motivés par ce mouvement émergent. Des difficultés limitent cet élan, notamment le risque perçu, les obstacles que posent la réglementation et les politiques et le nombre limité d'intermédiaires pour gérer les fonds et renforcer la capacité du marché. Nous avons aussi besoin de champions de tous les secteurs pour bâtir et promouvoir le développement du marché et finalement obtenir l'impact que nous recherchons.
    Le gouvernement peut vraiment jouer un rôle important dans le développement du marché, surtout pour débloquer de nouveaux capitaux. Conformément aux recommandations que le conseil consultatif national a adressées au groupe de travail sur l'investissement à impact social du G8, nous croyons que le gouvernement a pour rôle de créer une politique et un climat réglementaire habilitant, de fournir des capitaux catalyseurs afin de renforcer la capacité et de lever des capitaux privés et philanthropiques et d'offrir son leadership en matière de finance sociale.
    Permettez-moi de développer quelques-uns de ces exemples.
    À notre avis, le gouvernement peut débloquer une réserve importante de capital de fondation grâce à des politiques et des règlements habilitants. Les fondations canadiennes ont un actif de 45,5 milliards de dollars. Une allocation de 10 p. 100 débloquerait des milliards pour nous attaquer à nos problèmes les plus urgents.
    Même, si en général, les investissements à impact peuvent être envisagés dans le cadre d'un portefeuille équilibré, un certain nombre d'entre eux sont exclus pour les fondations. Nous nous réjouissons certainement de l'annonce récente autorisant les fondations à investir dans des partenariats limités. C'est une première étape positive pour réduire ces limitations. Nous croyons aussi que les fondations devraient être autorisées à faire des investissements en dessous du taux du marché, lorsque c'est approprié, pour promouvoir leurs objectifs philanthropiques, en veillant à ce qu'aucune partie de ces investissements ou des coûts de renonciation qui y sont associés ne puisse être considérée comme un cadeau à des preneurs non admissibles. Nous avons besoin de ce genre d'investissements en dessous du taux du marché.
    Les entreprises sociales qui démarrent ou les organismes sans but lucratif à la recherche de capitaux peuvent être incapables d'offrir un rendement ajusté en fonction du risque. Un grand nombre de ces arrangements de financement social exigent des capitaux pour lesquels les risques et les attentes de rendement seront différents d'un investisseur à l'autre. Par exemple, une fondation pourrait offrir une garantie à l'égard des premières pertes pour un fonds ou un projet d'infrastructure afin de lever des capitaux supplémentaires. En 2005, la Ville de New York et plusieurs fondations, y compris la Fondation Rockefeller, ont versé une contribution de 28,8 millions de dollars dans une réserve de capitaux destinée à absorber les pertes en cas de défaut de paiement touchant le New York City Acquisition Fund. Cette garantie à l'égard des premières pertes a permis d'attirer un certain nombre de banques, dont Bank of America, Wells Fargo et J.P. Morgan et de lever plus de 150 millions de dollars.
    En plus de cette politique habilitante, nous croyons ainsi que le gouvernement a pour rôle de fournir des capitaux catalyseurs. Le concept est simple: les investissements catalyseurs sont ceux qui déclenchent un flux de capitaux vers une entreprise, une catégorie d'actifs, un secteur ou un lieu géographique. Nous recommanderions que le gouvernement établisse un programme d'investissement de contrepartie fournissant les capitaux catalyseurs pour soutenir les fonds existants et nouveaux grâce à un co-investissement direct, des améliorations sur le plan du crédit ou des incitatifs. En outre, il peut être également nécessaire d'accorder des subventions pour soutenir le développement des intermédiaires qui débloqueront de nouveaux investissements.
    Cette approche a fait ses preuves pour inciter les investisseurs, débloquer les investissements institutionnels, réduire le risque des pools d'investissement et créer un effet de levier pour avoir accès à des nouveaux capitaux et en attirer. Cela a déjà été fait dans des secteurs prioritaires, y compris le Plan d'action sur le capital de risque du gouvernement fédéral et le Fonds d'investissement pour le développement économique communautaire de la Nouvelle-Écosse. Big Society Capital, au Royaume-Uni, est un excellent exemple au niveau international.
    En plus d'allouer de nouvelles ressources, le gouvernement fédéral pourrait aussi utiliser les capitaux disponibles actuellement dans les comptes en banque inactifs ou donner un mandat clair aux sociétés d'État compétentes ou aux ministères compétents pour soutenir ce genre d'investissement.
    Enfin, en plus de la politique habilitante et des capitaux catalyseurs, le gouvernement fédéral pourrait faire de la finance sociale une politique publique et une priorité politique. La finance sociale peut être intégrée dans l'ensemble des ministères et organismes gouvernementaux, du premier au dernier de la liste. Tout le monde souhaite de meilleurs résultats, que ce soit sur le plan de la santé, du logement et de l'éducation ou de l'investissement dans des entreprises locales qui ont aussi un impact économique, social et environnemental.
    Il existe de nombreux modèles pour cette approche, que ce soit le leadership du premier ministre et du Cabinet au Royaume-Uni ou un plan global comme la stratégie d'entreprise sociale du gouvernement de l'Ontario. Vous pouvez aussi rechercher des partenariats directs avec d'autres gouvernements nationaux sur les questions pratiques allant de la recherche au co-investissement dans l'infrastructure industrielle en passant par les bourses de croissance.
    Le principal message sur lequel je désire conclure est que la finance sociale peut être plus largement définie et prendre une place plus importante au Canada. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle crucial en éliminant les obstacles et en accélérant le développement du marché grâce à une politique efficace, des capitaux et un leadership politique.

  (1650)  

    Il existe de nombreux problèmes urgents. Nous pouvons à coup sûr les surmonter si nous orientons le gouvernement, les organismes communautaires, les entreprises et le capital vers un renforcement de leur impact.
    J'attends vos questions.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je souhaite remercier Mme Sims de m'avoir remplacé pendant mon absence pour affaires urgentes.
    Chers collègues, à la façon dont vont les choses, nous aurons la possibilité de faire un tour de questions pour chaque parti, puisqu'on nous a informés que la sonnerie se fera entendre vers 17 h 15 pour aller voter à la Chambre.
    Nous commençons la première série de questions avec Mme Groguhé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier les témoins de leurs exposés.
    Monsieur Broderick, lors de votre témoignage, vous avez dit que vous fournissiez des capitaux pour des emprunts et des placements en actions à des entreprises à vocation sociale.
    Selon vous, quelle est la définition de ce qu'est un  risque acceptable en finance sociale? Comment circonscrire cela?

[Traduction]

    Le risque peut être maîtrisé par une bonne gestion des fonds. En d'autres mots, le risque est défini par les conditions selon lesquelles les capitaux sont mis sur le marché. Adam a parlé de certaines fondations qui étaient prêtes à accepter un rendement inférieur au marché. Dans un sens, c'est une forme de quantification. Il faut faire correspondre le capital au risque qui lui est approprié.
    Je ne veux pas paraître évasif, mais la chose est très simple dans mon esprit.

[Français]

    Pourriez-vous nous donner un exemple concret où le risque était trop élevé et que, du coup, vous n'êtes pas allé de l'avant?

[Traduction]

    Tout à fait. Un certain nombre d'entreprises ou d'organismes en démarrage ne possèdent pas de plan d'affaires éprouvé. Ils ne se sont pas encore lancés dans aucune activité qui témoigne de leur plan, alors il n'est pas évident que leurs propositions soient valables et c'est pourquoi nous disons non.
    Je pense au cas précis d'une proposition visant l'aménagement d'une serre sur le toit d'un bâtiment urbain, et dont le plan de commercialisation et le plan d'achat n'étaient pas suffisamment clairs.

  (1655)  

[Français]

    Justement, si on s'inscrit dans cette perspective d'emprunt de capitaux, comment envisagez-vous la place de la reddition des comptes et de la transparence dans la finance sociale? Pouvez-vous être plus précis à ce sujet?

[Traduction]

    Oui. L'obligation de rendre des comptes devrait être la même que sur le marché privé. Autrement dit, si je perds de l'argent, je dois aussi perdre mon emploi. Le marché devrait se tenir à l'écart des gens qui prennent trop de risques et ne produisent pas de résultats.

[Français]

     Comment la transparence se passe-t-elle dans la finance sociale?

[Traduction]

    Oui. Là encore, je ne veux pas donner l'impression de faire l'éloge du marché privé, ce n'est pas mon milieu, mais ça fonctionne de la même façon qu'un marché privé qui donne de bons résultats.

[Français]

    Ça marche pareil.

[Traduction]

    Il y a transparence. Si les gens ne récupèrent pas leur investissement, ils disent: « Pourquoi as-tu engagé cette personne? Pourquoi cela s'est-il produit? Cette affaire est un échec total. » Il en découle donc des répercussions qui permettent de diriger les capitaux là où ils peuvent être plus efficaces.

[Français]

    D'accord, je vous remercie.
    Monsieur Spence, en ce qui concerne l'évaluation et la mesure, quels indicateurs vous paraissent utiles afin d'avoir une mesure probante de la finance sociale? Pouvez-vous nous donner certains exemples, s'il vous plaît?

[Traduction]

    C'est une très bonne question, merci de la poser.
    Pour évaluer l'impact, nous l'examinons sous trois aspects différents. Premièrement, pouvez-vous respecter une norme d'impact? Un certain nombre de normes s'appliquent aux tiers. L'une est l'évaluation de la désinscription, une norme élaborée par un organisme sans but lucratif aux États-Unis et qui est fondée sur les indicateurs de la GRI, la Global Reporting Initiative. Six cents experts ont travaillé à cette norme qui est aujourd'hui appliquée dans des milliers d'entreprises diverses. La norme d'Imagine Canada est également excellente.
    Deuxièmement, au-delà de la norme, il y a aussi la question des paramètres. Il est important d'avoir des paramètres mesurables, c'est-à-dire des points de données qui pourront démontrer l'existence du changement au sein des entreprises et des organismes avec lesquels vous travaillez. Certaines méthodes de classification ou de conversion, notamment les rapports d'impact et les normes du réseau mondial de l'investissement d'impact, peuvent être utilisées à cette fin. Il en existe de nombreux exemples tirés d'entreprises et d'organismes sans but lucratif au Canada.
    La troisième façon d'étudier l'impact est de regarder si le plan d'amélioration du rendement en place est conçu de manière à permettre de changer ou d'améliorer l'impact au fil du temps. Mon père a travaillé dans le domaine de l'assurance de la qualité dans l'industrie de l'acier pendant 25 ans. Il m'a appris, ou plutôt il m'a dit, que la meilleure façon de réussir à améliorer l'impact, c'est d'en parler, d'y réfléchir et de planifier une amélioration. Voilà comment il faudrait procéder quand on se demande comment faire pour mesurer ou comprendre l'impact: suivre une norme, établir des mesures vérifiables et mettre en place un plan d'amélioration.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à M. Boughen. Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les spécialistes qui sont avec nous cet après-midi.
    J'ai quelques questions auxquelles Andy ou Adam pourraient répondre. En fait, j'aimerais entendre vos réponses à tous les deux.
    Premièrement, il y a les obligations à impact social. Vous n'avez pas abordé le sujet, mais des témoins sont déjà venus nous en parler. Pouvez-vous nous dire s'il y a de la place pour de telles obligations dans votre entreprise? Si oui, quelle est cette place? Les OIS sont-elles bien accueillies par les investisseurs?
    Nous pourrions commencer par vous, Adam.
    D'accord. Merci pour votre question.
    MaRS est en voie de créer des obligations à impact social. Il s'agit, selon nous, d'un excellent mécanisme pour financer une intervention qui a eu un impact social positif sur un produit ou un domaine posant des défis particuliers, intervention qui doit pouvoir être mesurée. Pour ce faire, il faut disposer des capitaux adéquats. L'évaluation des risques et des avantages de cette intervention permettrait, par la suite, d'améliorer le résultat et de réduire les dépenses gouvernementales globales pour un problème précis. Ce pourrait être la lutte contre l'itinérance, une maladie, les problèmes de garderies ou la prévention de la récidive.
    De nombreuses interventions et de nombreux modèles d'obligations à impact social ont porté leurs fruits. Grosso modo, il y en a entre 50 et 60 en cours à travers le monde, en Australie, au Royaume-Uni et ailleurs. Ces modèles sont axés sur des domaines dans lesquels ils sont particulièrement susceptibles de fonctionner. Je pense qu'ils s'inscrivent également dans un mouvement plus vaste qui préconise le financement fondé sur les résultats et qui est axé à la fois sur la prévention et sur l'amélioration des résultats issus des fonds gouvernementaux.

  (1700)  

    Andy, quelle est votre expérience avec les obligations à impact social?
    Pour ma part, je suis un peu moins patient étant donné la situation dans laquelle se trouve le secteur du financement social. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de propositions intéressantes liées aux obligations à impact social qui, en fait, ne sont pas vraiment des obligations. Selon moi, le cadre de pensée qui consiste à les considérer comme des obligations porte à confusion. Même si elles permettent peut-être de jauger une intervention en particulier, j'ai du mal à comprendre comment elles pourraient s'appliquer à une autre intervention.
    La rémunération au rendement me semble une notion valable, mais à ce stade du développement de la finance sociale, et vu le rôle que le gouvernement peut jouer à cet égard, les obligations à impact social peuvent être un tant soit peu gênantes.
    Vancity en étudie une en ce moment, en partenariat avec MaRS et les autorités fédérales de la santé.
    Adam, dans votre exposé vous avez parlé de succès et de la façon d'approcher des groupes d'aide. Quelles difficultés rencontrez-vous lorsque vous essayez d'approcher des groupes pour solliciter leur engagement dans les projets? Quels types de projets pourriez-vous financer avec le fonds de 15 millions de dollars?
    Je vais répondre à cela. Pour vous donner quelques exemples concrets, la société Corporate Knights, un groupe qui travaille sur les questions de responsabilité des entreprises et aide à l'élaboration d'une culture plus dynamique au sein des entreprises désireuses de changer les choses, préparait son expansion à Toronto et avait besoin de capitaux pour financer cette expansion. Nous l'avons aidée.
    Il y a aussi la Salish Soils, une entreprise de fabrication de terreau de compost à partir des déchets d'une conserverie de poisson. Salish Soils est une coentreprise entre une nation autochtone et une société privée. Puis il y a eu la Société Elizabeth Fry. Elle avait besoin de nouvelles installations et elle n'a pu obtenir de financement ailleurs que chez nous. Ces exemples reflètent toute la gamme des situations, et une partie de notre objectif est de montrer combien d'éléments différents et bien connus d'une collectivité il est possible d'atteindre, même si ces éléments ne sont généralement pas considérés comme ayant des besoins de capital.
    Cela met fin à notre série de questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Cuzner, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos deux témoins.
    Des témoins entendus par le comité ont tiré l'alarme ou, du moins, ont émis des mises en garde concernant le financement social. Pour résumer, cela a été...
    Comment faire pour ériger une clôture et empêcher que l'accent mis sur le succès financier ne vienne éclipser les résultats sociaux, l'impact social que vous...? Ce qui ressort de ces témoignages, c'est que vous choisissez un domaine d'intérêt particulier et eux, ils s'en occupent à leur façon. Ensuite, les organismes qui ont pris l'affaire en main vont cueillir une partie des fruits les plus faciles à saisir, mais peut-être pas les questions complexes et plus compliquées qui font partie du problème global. Alors le gouvernement dit: « Non, on s'en charge, on gère le tout. » Comment peut-on se protéger contre cette idée si on veut que les recommandations intéressantes qui sont formulées mènent à quelque chose?
    C'est que les obligations à impact social donnent l'impression d'être une stratégie de pelletage des responsabilités...
    Oui.
    ... et qu'il se trouvera des acteurs du secteur privé qui récolteront les fruits des branches les plus basses.
    Oui.

  (1705)  

    Ça pourrait être les soins à domicile ou tout autre besoin qui a été... Je pense que tout dépend des partenaires avec qui vous travaillerez, de votre façon d'établir ces partenariats et de choisir vos intermédiaires.
    Pour vous donner un exemple concret: je travaille avec un groupe qui s'appelle le New Market Funds. Son directeur est quelqu'un qui a réussi à Bay Street et qui veut maintenant se lancer dans l'investissement d'impact. New Market Funds est une société de gestion financière. Son premier fonds est un fonds de logement abordable qui travaille en partenariat uniquement avec des promoteurs sans but lucratif. C'est une manière de fonctionner.
    En d'autres mots, il est clair que la valeur de l'investissement est sous le contrôle d'un acteur de la collectivité qui est engagé dans le secteur communautaire, qui a un conseil d'administration local et une obligation de mission à long terme consistant non seulement à rentabiliser les capitaux, mais aussi à obtenir des résultats dans la collectivité. Ce sont là, je pense, des façons d'asseoir la valeur de l'investissement et je suis tout à fait en faveur de cela. À mesure que les investissements progressent et que le gouvernement cherche des moyens de donner le bon exemple, on veut s'assurer que tout est mis en oeuvre de manière à ce que le partenariat — ou tout autre mécanisme en place — assoie, à long terme, la valeur de l'investissement dans la collectivité.
    Y a-t-il des commentaires?
    Oui, j'aimerais continuer dans la même veine. Comme l'a bien expliqué Andy, pour réussir à aborder ou à résoudre ces problèmes particuliers, il importe de pouvoir compter sur les bons intermédiaires et de créer les bons partenariats au sein de la collectivité. Il faut aussi disposer de données pertinentes et s'attaquer au bon problème, c'est-à-dire à un problème cerné par le gouvernement et les acteurs de la collectivité.
    Tout cela revient à dire que si nous nous concentrons uniquement sur les obligations à impact social, comme ce qui s'est fait à la prison de Peterborough, soyons conscients qu'il s'agit d'une finance sociale à saveur unique, autrement dit, ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Si nous envisageons la finance sociale dans un contexte axé sur la prévention et sur les résultats, il existe une multitude d'options et de solutions pour résoudre les problèmes existants. Selon moi, même si l'obligation à impact social représente un volet important de l'écosystème, il faut aussi envisager la finance sociale dans le contexte décrit par Andy, et y voir une forme de résistance résiliente aux compressions de fonds dont souffrent de nombreux domaines: logement, nourriture, santé et bien-être.
    L'éventail de possibilités est vaste. S'il existait un moyen d'intégrer la finance sociale ou de l'amener dans les différents ministères et autres secteurs de l'appareil gouvernemental, il serait vraiment possible de dénicher une occasion en or d'amener les différents joueurs à s'enthousiasmer et à s'intéresser vivement à la façon d'orienter leur argent et leurs affaires vers des buts meilleurs.
    Vous voudriez peut-être en dire un peu plus sur les capitaux à effet catalyseur, juste quelques précisions... Vous avez fait allusion au Fonds d'investissement pour le développement économique des collectivités de la Nouvelle-Écosse, le FIDEC. Dans quels domaines entrevoyez-vous du succès?
    Le cas de la Nouvelle-Écosse est certainement un exemple très éloquent d'incitatif à l'investissement, tant pour les particuliers que, éventuellement, pour les institutions qui sont en mesure de fournir des capitaux plus importants, susceptibles d'appuyer les entreprises locales, de créer de l'emploi au sein de la collectivité et de participer au développement économique et environnement local.
    Excusez-moi un instant. Pourriez-vous expliquer au comité quels sont les avantages fiscaux associés à ce fonds?
    Comme c'est le cas avec programmes visant à attirer plus de capital-risque dans un secteur ou un domaine particulier, le FIDEC est lui aussi fiscalement avantageux. Si vous investissez à titre personnel dans un FIDEC désigné en Nouvelle-Écosse, vous bénéficiez d'un allégement fiscal très avantageux.
    Au-delà de ces incitatifs, il y a aussi les autres fonds de capital, ou le capital catalyseur, c'est-à-dire des fonds capitalisés avec des ressources qui sont déjà à votre disposition. Au Canada, 532 millions de dollars dorment dans des comptes inactifs gérés par la Banque du Canada. Au Royaume-Uni, on a réussi à déplacer et à mobiliser ces capitaux dans une nouvelle institution, ou intermédiaire, appelée Big Society Capital, ce qui a permis de rediriger certains capitaux vers le marché de la finance sociale, de financer les intermédiaires et d'attirer de nouveaux investisseurs.
    Non seulement vous pouvez utiliser les incitatifs fiscaux pour intéresser des investisseurs particuliers et, par la suite, bénéficier de capitaux supplémentaires pour les institutions et les intermédiaires à l'échelle locale, mais vous pouvez également apporter des capitaux de haut niveau à partir de sources gouvernementales existantes. Ces capitaux peuvent avoir un effet catalyseur énorme et être utilisés concurremment avec les programmes Resilient Capital, New Market Funds, le Fonds de progrès communautaire ou d'autres programmes. Cette approche a fait ses preuves et, d'un point de vue gouvernemental, n'augmente pas de façon notable le montant des allocations actuelles.

  (1710)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Mayes, si vous avez des questions, vous avez trois à quatre minutes. À vous de décider.
    Non, je n'en ai pas.
    D'accord, vous pouvez céder votre temps si vous le voulez. Je remercie les témoins de s'être joints à nous pour la deuxième heure de la réunion d'aujourd'hui. Je suis désolé de n'avoir pu faire votre connaissance lors des présentations du début, mais je vous remercie chaleureusement de nous avoir donné de votre temps.
    Chers collègues, la séance est levée.
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