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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 047 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 12 mars 2015

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus.
    Avant de reprendre notre étude et l'audition de nos témoins – deux d'entre eux ne sont pas encore arrivés, mais je veux néanmoins débuter la séance à l'heure – j'ai de l'information sur quelques sujets à communiquer au comité.
    D'entrée de jeu, je vous informe que notre proposition de déplacement a été présentée plus tôt cette semaine au comité de liaison, qui l'a rejetée. Voilà pour la mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c'est que le comité de liaison nous a demandé de lui présenter une nouvelle version, moins coûteuse, que nous avions déjà préparée, si vous vous souvenez bien. Notre greffière avait ébauché un projet de déplacement de l'ensemble du comité, projet que le comité a entériné et que j'ai présenté en son nom. Mais il y avait aussi une proposition moins ambitieuse qui prévoyait le déplacement d'une partie seulement des membres du comité et un budget moindre. Selon la rétroaction que j'ai reçue du comité de liaison, je serais bien avisé de lui revenir avec une proposition plus modeste, qui aurait de bonnes chances d'être mieux accueillie.
    Il appartient donc au comité de décider quelle voie il voudrait que je suive à cet égard. Nous devons nous occuper de cette question, ainsi que de trois autres.
    D'abord, vous avez peut-être entendu dire que les comités devront faire la transition à un mode de fonctionnement sans papier. Nous aurons une trentaine de jours pour nous conformer à cette exigence. Nous devons donc en discuter et nous y préparer collectivement.
    Ensuite, quatre motions de membres du comité ont été portées à ma connaissance qui ont trait aux affaires du comité. Enfin, nous devrons nous pencher de nouveau sur le projet de la flamme perpétuelle. Nous serons appelés à discuter de ce sujet et à décider de notre orientation.
    Je mentionne ces questions au début de notre séance d'aujourd'hui simplement à titre d'information, pour que vous sachiez qu'elles seront portées à l'ordre du jour de notre prochaine séance, celle du 24 mars. J'ai demandé à notre personnel de soutien de structurer cette séance de façon à nous laisser, après la table ronde des témoins, amplement de temps, peut-être jusqu'à une heure, pour nous occuper des affaires du comité.
    Y a-t-il parmi vous, chers collègues, quelqu'un qui voudrait que nous fassions les choses autrement? Comme je ne vois personne, nous nous procéderons comme je viens de le dire.
    Bon après-midi, mesdames et messieurs, et de nouveau bienvenue à la 47e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Nous poursuivrons aujourd'hui notre étude intitulée « exploration du potentiel de la finance sociale au Canada ».
    Nous avons aujourd'hui une autre table ronde partagée de témoins. Au cours de la première heure, nous entendrons le président national du Syndicat canadien de la fonction publique. Non, je viens d'apprendre qu'il n'a pas pu se libérer. Il ne sera donc pas des nôtres, mais nous accueillons madame Margot Young, recherchiste en chef du même syndicat. Je ne suis pas sûr du nom du deuxième témoin, mais je le saurai sous peu.
    Comparaît également devant nous monsieur Andrew McNeill, qui est le représentant national du Syndicat national des employés et employées généraux du secteur public. Pour revenir au Syndicat canadien de la fonction publique, c'est madame Rampure qui remplace aujourd'hui le président. Merci beaucoup.
    J'informe les témoins que chaque organisme dispose de 10 minutes pour livrer son témoignage.
    Monsieur McNeill, je vous demanderai de partir le bal, et nous passerons ensuite aux questions.
    Je vous remercie chaleureusement de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole devant le comité aujourd'hui.
    Le Syndicat national des employés et employées généraux du secteur public est un regroupement de 11 syndicats de toutes les provinces sauf le Québec. Le SNEGSP représente 340 000 personnes dans neuf provinces. Nos membres proviennent du secteur public, du secteur sans but lucratif et du secteur privé et leur travail consiste notamment à assurer la prestation de services publics de tous genres aux citoyens de leur province.
    Nous reconnaissons que la finance sociale a un rôle très important à jouer pour ce qui est de l'apport de fonds à investir dans les entreprises sociales et de prêts pour le développement économique communautaire. En fait, le mouvement syndical a participé à la finance sociale dans le passé. Nous sommes également d'avis que la finance sociale peut être un outil beaucoup plus efficace de création d'emplois que bon nombre des méthodes traditionnelles.
    Ce qui préoccupe le SNEGSP est le recours à la finance sociale pour financer des services publics. Bien que l'intention soit louable, nous craignons qu'elle devienne, dans la pratique, un autre moyen de privatiser les services publics.
    L'une des idées erronées qui court au sujet de la finance sociale fait, c'est qu'elle est vue comme des fonds gratuits, et trop souvent, quand nous entendons discuter de finance sociale pour les services publics, elle est présentée comme étant une nouvelle source de recettes. Ce qu'on passe sous silence, c'est que les gens, même s'ils sont disposés à investir dans la finance sociale et à recevoir un taux de rendement plus faible afin d'atteindre des objectifs sociaux, s'attendent néanmoins à un certain rendement et que les outils de la finance sociale, tels que les obligations à impact social, mis en œuvre pour financer les services publics ajouteront au coût de la prestation des services publics.
    Le moyen de financement social dont ont parle le plus pour les services publics étant les obligations à impact social, il vaut la peine de se pencher sur la façon dont elles influeront vraisemblablement sur les coûts, la qualité et l'obligation redditionnelle.
    En premier lieu, il faut signaler que les obligations à impact social sont un moyen coûteux d'emprunter. Par exemple, on s'attend à ce que le taux de rendement annuel de la première émission d'obligations à impact social, à Peterborough, en Angleterre, qui vise à réduire le récidivisme, oscillera entre 7,5 % et 13 %. D'après une enquête menée par le MaRS Centre for Impact Investing et Deloitte Canada, les attentes des investisseurs éventuels dans les obligations à impact social ici au Canada sont du même ordre. Par contraste, le gouvernement fédéral a payé en moyenne 2,37 % ses emprunts en 2013-2014, soit à peu près le tiers du rendement minimal que les investisseurs de Peterborough devraient obtenir.
    Les obligations à impact social entraîneront également la création de nouvelles strates d'administration. Tout d'abord, il y a les intermédiaires chargés de trouver des investisseurs et un organisme ou une entreprise pour assurer la prestation du service et sa supervision. Les ententes de mise en œuvre des projets financés au moyen d'obligations à impact social représentent une deuxième strate d'administration.
    L'examen par le ministère britannique de la Justice de la première émission d'obligations à impact social souligne la longueur du processus de montage de l'émission et sa complexité analytique. Il a fallu 18 mois pour préparer l'émission d'obligations à impact social de Peterborough. Au Massachusetts, la première émission d'obligations à impact social a exigé 17 mois de négociations. Il semble donc y avoir là une constante.
    La dernière strate administrative est celle nécessaire pour évaluer le rendement des projets en regard des critères convenus.
    Étant donné que beaucoup des modalités des ententes d'obligation à impact social ne sont pas divulguées, il est difficile d'obtenir des chiffres précis sur les coûts. Ils ne sont tout simplement pas publiés. Cependant, le Department of Legislative Services du Maryland a réalisé, il y a quelques années, une étude sur le coût des obligations à impact social. Cette étude postulait la mise en œuvre au Maryland d'un projet de la même taille que celui de Peterborough, en Angleterre, et concluait à une augmentation de 22 % des coûts en raison de l'ajout des strates administratives qu'il faudrait mettre en place. Autrement dit, le recours aux obligations à impact social pour un service déterminé ajouterait 22 % à son coût.
    L'étude du Maryland a aussi déterminé que, bien que les obligations à impact social soient censées se traduire par des économies du fait qu'elles financent des programmes de prévention de problèmes sociaux, les économies sont de beaucoup inférieures aux coûts. L'auteur de l'étude a comparé économies et coûts et a conclu que, même dans le plus optimiste des scénarios, avec les coûts au plus bas et les résultats les meilleurs possibles, les coûts dépasseraient les économies.

  (1535)  

    Alors même que les obligations à impact social sont vendues comme moyen de réduire la demande de fonds publics, on constate une tendance de plus en plus forte à les subventionner, ce qui paraît contradictoire. Parmi les formes de subvention proposées, il y a les crédits d'impôt aux investisseurs dans la finance sociale et le financement des organismes intermédiaires chargés de réaliser les projets financés à partir des obligations à impact social.
    Le fait de subventionner le recours au financement social pour les services publics signifie que, outre le coût direct du service, le public aura à payer une deuxième fois pour, au fond, subventionner les investisseurs et les organismes chargés de réaliser les projets financés à même les obligations à impact social. Aux États-Unis, nous avons même vu des cas où il a été demandé à des organismes de bienfaisance de subventionner de tels projets.
    Goldman Sachs, comme cela a été largement publié, a investi dans des obligations à impact social de la ville de New York et du Utah. Dans les deux cas, des organismes de bienfaisance se sont portés garants de ses investissements by. En d'autres termes, si Goldman Sachs ne faisait pas de bénéfices, cette entreprise se ferait rembourser par des organismes de bienfaisance à même l'argent des dons qu'ils ont recueillis, qui représentent, bien entendu, un allégement fiscal. En 2013, Goldman Sachs a déclaré des gains nets de 8 milliards de dollars. Que des organismes de bienfaisance garantissent un taux de rendement à une entreprise gagnant 8 milliards de dollars par an, voilà qui semble quelque peu bizarre.
    L'érosion de la reddition de comptes est un autre sujet de préoccupation. Les contrats de services financés au moyen d'obligations à impact social sont rarement rendus publics. De fait, il n'y en a pas eu un seul, à ma connaissance. Le public ne peut pas connaître le détail des services fournis, ni des coûts. Ainsi, le public n'a aucun moyen de savoir s'il reçoit ou non les services qu'il paie.
    Certains se préoccupent du fait que le public finira par payer, peu importe les résultats du projet financé au moyen d'obligations à impact social. En principe, aux termes des obligations à impact social, le gouvernement est censé payer les services seulement si le projet atteint les buts convenus et parvient à atténuer les problèmes ou à diminuer les coûts supportés par le gouvernement. Plusieurs raisons portent à penser que cela est d'un optimisme excessif.
    La première de ces raisons tient au fait que, même si le projet produit effectivement les résultats convenus, il est très vraisemblable que les économies seront inférieures aux coûts. Même si les obligations à impact social n'atteignent pas ce niveau de réussite, il est quand même probable que le gouvernement finira par avoir à payer. Les investisseurs n'accepteront d'investir dans des projets que si les chances sont bonnes de faire fructifier leur argent. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour le comprendre. Si la barre est placée trop haut, personne ne sera intéressé à investir; si elle est trop basse, le gouvernement aura alors à payer pour des projets dont les réalisations sont très minces.
    L'atténuation du risque signifie également que les investisseurs seront peu disposés à financer les innovations dans la prestation des services. Selon le modèle des obligations à impact social, si les résultats convenus ne sont pas atteints les investisseurs perdent leur investissement initial. Dans ce cas également, il sera difficile de trouver quelqu'un qui soit disposé à placer de l'argent dans un projet s'il pense qu'il risque de perdre cet investissement.
    La négociation du contrat offre également la possibilité de s'assurer que le projet sera tenu pour une réussite, quel qu'en soit le résultat. Dans le projet de Peterborough, par exemple, les participants choisissaient eux-mêmes d'y participer, ce qui constitue de toute évidence un avantage pour un projet ayant pour objet de réduire le récidivisme.
    Une dernière préoccupation tient à ce que c'est la rentabilité, et non le besoin, qui détermine qui recevra de l'aide. La priorité des projets financés au moyen d'obligations à impact social sera de produire un bénéfice. Si le service ne paraît pas rentable, les investisseurs ne seront pas disposés à le financer. Le danger qui se pose alors est que les services publics nouveaux ou élargis, s'ils dépendent du bon vouloir des investisseurs, auront pour effet d'exclure certaines des personnes les plus vulnérables de notre société.

  (1540)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à nos deuxièmes témoins.
    La parole est à vous, madame Young. Vous avez 10 minutes.
    Bonjour. Je m'appelle Margot Young et je parle aujourd'hui au nom du SCFP, le Syndicat canadien de la fonction publique, qui compte plus de 630 000 membres dans le secteur public élargi. Nous nous intéressons à cette question depuis le tout début, et c'est pourquoi nous sommes heureux d'avoir l'occasion de partager avec vous ce que nous avons appris jusqu'à présent.
    D'après les statistiques que nous avons compilées – et nous avons travaillé de près avec le SNEGSP si bien que vous que vous constaterez sans doute des similitudes – la finance sociale c'est en quelque sorte l'application du modèle du capital-risque dans le domaine de la prestation de services sociaux, de santé et d'éducation. À la différence des obligations, ce modèle comporte un risque considérable quant aux résultats. En effet, si le projet de donne pas les résultats convenus, les investisseurs risquent de perdre leur investissement initial. Comme Andrew l'a signalé, dans bien des cas, ces investisseurs sont les organismes de bienfaisance qui s'en sont portés garants.
    Le rôle du gouvernement se réduit dans les faits à payer une fois remplies les conditions du contrat. En fait, ce modèle externalise non seulement la prestation des services, mais aussi les éléments clés que sont l'élaboration des politiques et les activités de mise en œuvre et d'évaluation. Même la détermination de l'objectif à atteindre est externalisée. Par exemple, dans un projet au Utah, le financement des services de garde d'enfants est lié au rendement scolaire futur des enfants et à la diminution future du taux d'incarcération. C'est ainsi qu'on a décidé de mesurer la réussite. Mais on voit bien que si on externalise la définition même de ce qu'est la réussite…
    Il existe une abondante documentation sur l'importance de la participation des femmes au marché du travail, qui montre que ce qui est bon pour le marché du travail est bon pour l'économie et constitue également une mesure utile de lutte contre la pauvreté pour les services de garde d'enfants. Mais cet aspect des choses est perdu si l'on ne fait que mesurer la réduction du coût de l'éducation et du taux d'incarcération.
    Les grands établissements financiers privés, comme Goldman Sachs, montrent un vif intérêt pour le financement social. Dans une certaine optique, on peut dire, je pense, que Goldman Sachs et les cabinets de consultants sont heureux d'avoir enfin trouvé une formule pour tirer des bénéfices des services publics.
    L'efficacité et les gains escomptés des initiatives de financement social paraissent factices. Dès le départ, les entreprises sont mises sur pied en vue d'écrémer la clientèle de façon à choisir les personnes qui présentent le moins de difficulté et à laisser celles qui ont besoin de plus qu'une aide minimale de la part du gouvernement. En d'autres termes, elles trient sur le volet leurs clients, ceux qui sont les plus susceptibles de réussir. En bout de ligne, c'est le gouvernement qui finit par payer pour les uns comme pour les autres, parce qu'il verse une prime à l'entreprise pour obtenir tels ou tels résultats avec le groupe de personnes choisies, mais c'est à lui qu'incombe, en définitive, la charge d'assurer les services pour les cas plus lourds. Aussi, nous ferions valoir que, si vous avez un système de services publics dans lequel la prestation des services est assurée par le gouvernement, conservez-le, ne serait-ce que parce qu'il fonctionne.
    Nous jugeons également très sévèrement les entreprises qui en font la promotion. Le fait que la financialisation des services sociaux publics aggrave la situation sur le terrain a pour résultat de permettre à certaines personnes de s'enrichir à la faveur de programmes publics destinés à venir en aide aux personnes les plus défavorisées de la société.
    À notre sens, le pire aspect de l'initiative de la finance sociale est ce qu'on appelle l'obligation à impact social. Celle-ci a été créée en 2008, durant la récession, comme moyen permettant aux gouvernements de reporter à quelque moment futur le paiement de services sociaux nécessaires. Il s'agit d'une espèce de mariage cynique entre l'opportunisme financier des investisseurs et la volonté des gouvernements de rayer des comptes publics de l'exercice en cours des coûts pourtant engagés pendant cet exercice.
    Les obligations à impact social misent sur des fonds du secteur privé pour investir dans des services sociaux avec la promesse d'un remboursement par le gouvernement quatre ou cinq ans plus tard, assorti de rendements alléchants. Ces rendements peuvent atteindre jusqu'à 12 % par an. C'est le cas de l'obligation Newpin, en Australie.
     Dans cette logique tordue, on cherche à ancrer des idées périmées et discréditées selon lesquelles le secteur privé a quelque chose à offrir qui lui permet de trouver des moyens plus efficaces pour assurer la prestation des services nécessaires. Nous ferions valoir au contraire que l'innovation ne fait aucunement défaut dans le secteur public et que la formule utilisée par les tenants de cette logique pour mesurer le degré d'atteinte des résultats a, en réalité, pour effet d'inhiber l'innovation parce qu'ils appliquent des méthodes basées sur des études de ce qui s'est déjà passé affirmant que si telle chose se produit, telle autre s'ensuivra. Ils intègrent cette trame causale comme moyen de mesure.

  (1545)  

    Ces stratagèmes, qui ne sont d'ailleurs pas tellement novateurs, aboutissent à la financialisation des services sans but lucratif existants. Une étude ontarienne de la rémunération au rendement, menée en 2007, a comparé une administration municipale et le service d'une entreprise privée, appelée JobsNow, les deux ayant une clientèle avec les mêmes niveaux de besoins, et a conclu que l'entreprise privée avait, en bout de ligne, obtenu exactement les mêmes résultats que les services municipaux, mais à un coût supérieur. C'est ça le modèle de la rémunération au rendement, et il coûte plus cher.
    Nous pensons qu'il s'agit d'une tentative d'appliquer ce modèle censément novateur, mais il faut bien constater qu'il n'y a pas de moyen vraiment attrayant pour assurer la prestation de ces services tellement nécessaires. Il existe peut-être d'autres moyens d'innover et de trouver des idées, par exemple en discutant de ces nouveaux moyens avec les participants, les responsables de la prestation de ces services et les décideurs, mais il est douteux que l'application du modèle du capital-risque soit le meilleur moyen.
    Il existe des moyens d'inclure la prestation des services publics, mais ce n'est pas celui-là. Les promoteurs des obligations à impact social font couramment valoir l'argument que seul le secteur privé est novateur, mais sans jamais documenter cette assertion. Ils fondent leurs arguments sur leur croyance que le processus décisionnel axé sur les forces du marché est intrinsèquement supérieur aux autres approches. En affirmant la vérité de ces idées comme étant l'évidence même, et en l'absence de toute preuve à l'appui, leur prédilection pour les OIS devient un acte de foi inspiré d'un parti pris idéologique.
    Notre position est simple : la finance sociale se traduira par une diminution des ressources disponibles pour les services sociaux et les services aux particuliers, une fragmentation accrue du milieu social et une réduction de la qualité des services au public.
    Merci de votre attention.

  (1550)  

    Je vous remercie de votre témoignage.
    Nous passons maintenant à la première ronde de questions, et j'invite madame Groguhé à ouvrir la discussion.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins et les remercier d'être parmi nous aujourd'hui. Leurs propos sont très intéressants bien qu'ils soient à contre-courant par rapport à ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant.
    Il semble que les témoins sont d'accord pour dire que la finance sociale n'est pas une panacée en soi et qu'elle n'est pas la solution à tous les besoins et à tous les défis sociaux.
    Ma première question s'adresse à M. McNeill.
     Les autres témoins qui ont comparu devant nous ont déclaré que le but de la finance sociale n'était pas de se substituer au financement public. Pouvez-vous nous expliquer la raison pour laquelle vous considérez que la finance sociale est une privatisation des programmes sociaux et des services publics?

[Traduction]

    Lorsque les obligations à impact social ont été proposées, c'était dans des domaines ayant subi d'importantes réductions du financement public. Il y a compressions dans les services publics et les obligations à impact social sont ensuite proposées pour y suppléer. Nous voyons le financement privé remplacer les services assurés par les pouvoirs publics.
    La première émission d'obligations à impact social en Saskatoon était destinée à assurer un soutien aux mères chefs de famille. Des services très similaires étaient offerts par le Saskatoon Family Support Centre, qui avait été obligé de fermer ses portes en raison d'une réduction de son financement.
    Le gouvernement fédéral parle de recourir au financement social pour la formation professionnelle. Cela survient à la suite de réductions des transferts aux provinces au titre de la formation professionnelle.
    Au Royaume-Uni, les compressions touchant les familles vulnérables ont été suivies de propositions de recourir aux obligations à impact social.
    Ceux qui disent que les obligations à impact social ne peuvent remplacer le financement public ont tout à fait raison sur un point, à savoir les montants investis dans les services. Les obligations à impact social ne représentent qu'une fraction de l'apport du financement public.

[Français]

    D'accord, très bien.
     Par ailleurs, d'après vous, la présupposition selon laquelle seul le secteur privé pourrait innover serait fausse. Vous dites aussi que la finance sociale réduit la capacité d'innovation.
     Pourriez-vous me dire pourquoi?

[Traduction]

    Cela tient essentiellement au fait que ceux qui investissent dans la finance sociale n'ont pas besoin de dégager des bénéfices. Ils ont seulement des cibles à atteindre pour se faire rembourser leur investissement. Gardant cela présent à l'esprit, on comprend que, même s'ils sont disposés à accepter un taux de rendement plus bas, ils doivent quand même faire un certain bénéfice. Les investisseurs sociaux vont choisir les projets qui leur offrent de bonnes chances de faire un bénéfice. Cela a été le cas jusqu'à présent. Aucun des projets financés au moyen d'obligations à impact social proposés jusqu'à ce jour ne comportait quelque élément radicalement nouveau, quelque chose qui n'avait pas déjà été tenté ailleurs.
    L'autre supposition erronée est que le gouvernement ne cherche à régler les problèmes qu'à force de dépenser, expression qu'on entend parfois sous d'autres formes. En réalité, le gouvernement est en train d'opérer des coupes claires. Si on fait l'historique des transferts sociaux depuis 25 ans, on constate une réduction draconienne du financement fédéral des services sociaux.
    Pour ne donner qu'un petit exemple, les compressions opérées en 1996 ont réduit de 4 milliards de dollars le financement accordé aux services sociaux au Canada. Certaines de nos difficultés actuelles ne résultent pas d'avoir trop dépensé pour régler les problèmes; elles sont le résultat de ces coupes claires.

  (1555)  

[Français]

     Il est clair que, dans le cadre des sujets et des enjeux que l'on a abordés au sein du comité, il a beaucoup été question de reddition de comptes et de transparence. Vous évoquez le fait que l'utilisation de la finance sociale pour financer les programmes sociaux et les services publics peut engendrer des problèmes de transparence et de reddition de comptes.
    Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

[Traduction]

    Certainement. D'après ce qu'ont connu nos membres au moment de l'introduction d'autres stratagèmes de privatisation, ils ne peuvent pas savoir quel niveau de service l'entrepreneur privé est censé assurer si le contrat n'a pas été rendu public. Nous ne savons pas non plus combien nous payons. De ce fait, nous ne savons pas ce qu'il en est de la rentabilité.
    Il y a quelques années, la Ontario Health Coalition et un certain nombre de syndicats représentant des travailleurs du secteur de la santé publique, y compris la section ontarienne du SEFPO et d'autres, ont dû intenter un procès au gouvernement de l'Ontario devant le refus de celui-ci de divulguer de l'information sur le partenariat public-privé du William Osler Health Centre. Ce que ce procès a permis de découvrir et qui était auparavant secret, c'est que le recours à un partenariat public-privé, à un PPP, avait coûté 300 millions de dollars de plus que cela aurait été le cas sous le régime d'un marché public. En d'autres mots, ce montant nous serait resté inconnu si nous n'avions pas intenté le procès. Malheureusement, nous avons dû verser 100 000 $ en dépens pour obtenir cette information, ce qui explique pourquoi nous n'avons pas procédé ainsi plus souvent et pourquoi le simple citoyen ne peut l'obtenir.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Avant de poursuivre avec monsieur Armstrong, je veux rappeler aux membres du comité que nous discutons ici de la finance sociale, question qui est tout à fait différente des PPP et d'autres sujets. Tâchons de ne pas nous écarter du sujet lorsque nous posons des questions.
    Monsieur Armstrong.

[Français]

    J'aimerais intervenir, monsieur le président...

[Traduction]

    Est-ce que vous invoquez le règlement?
    Oui.
    Allez-y.

[Français]

    Monsieur le président, je me permets de reprendre les propos que vous avez mentionnés.
     Les propos qui ont été tenus concernent la finance privée. Le fait qu'on aborde la question et qu'on mette en parallèle les partenariats publics-privés me semble complètement cohérent avec le sujet que l'on aborde aujourd'hui. Cela nous permet de mieux comprendre et d'éclaircir la chose en ce qui concerne la finance publique et là où on va chercher des capitaux privés. Je pense que le parallèle peut donc être fait. En l'occurrence, cela me permet de mieux comprendre. S'il y a une différence, on pourra mieux l'aborder.

[Traduction]

    J'accorde beaucoup de latitude dans les questions, et c'est pourquoi je ne vous ai pas interrompue quand vous avez posé la vôtre. Je ne fais que rappeler aux membres que les questions ont touché jusqu'à présent deux sujets différents et que je voudrais qu'on s'en tienne à la finance sociale, puisque c'est celle-ci et non les autres types de financement des services publics qui est l'objet de notre étude. J'interromprai les membres lorsque j'estime qu'ils s'éloignent trop du sujet.
    Monsieur Armstrong.
    Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins qui sont présents aujourd'hui.
    Monsieur McNeill, vous avez parlé de l'impact de l'investissement du secteur privé sur le financement social et des torts qu'il cause de quelque façon du côté du secteur public. Vous avez mentionné les fonds consacrés au perfectionnement des compétences que les provinces utilisent pour financer la formation professionnelle. Je sais que certains projets de la finance sociale ont envisagé d'investir dans la formation professionnelle, avec le soutien du secteur privé. Vous avez dit que le gouvernement fédéral avait réduit le financement accordé aux provinces. Pourtant, depuis 2006, notre gouvernement a investi de plus en plus, en particulier dans la formation professionnelle et surtout au cours des quelques dernières années.
    Je me demande à quoi vous faisiez allusion dans vos commentaires.
    J'ai été très précis, à savoir que votre gouvernement avait choisi de réorienter les fonds, comme d'ailleurs les gouvernements peuvent choisir de le faire. Cela voulait dire qu'une partie de l'argent avait été retirée du financement auparavant accordé aux gouvernements provinciaux.
    Pourriez-vous être plus précis sur ce point, parce que ce que vous dites ne correspond pas à ce que j'ai compris des budgets des dernières années. Pourriez-vous nous dire exactement quels fonds fédéraux auparavant transférés aux provinces ont été réorientés?

  (1600)  

    Je n'ai apporté les renseignements précis que vous demandez parce que j'ai cru que tout le monde comprendrait. Cependant, je pense que notre discussion tient à une question d'interprétation. Je serai heureux de vous communiquer l'information voulue par l'entremise de la greffière. Cependant, je pense me rappeler qu'il y avait eu un différend entre les provinces et le gouvernement fédéral au sujet du financement de la formation professionnelle qui avait été réorienté.
    Je pense que vous faites allusion aux négociations de l'an dernier entourant le financement de l'entente sur le marché du travail, soit un fonds d'environ 500 millions de dollars à verser aux provinces au titre de la formation professionnelle. Ce montant a été convenu par les provinces et le gouvernement fédéral et le fonds cible toujours la formation professionnelle. En fait, il s'appelle désormais la Subvention canadienne pour l’emploi, qui comprend non seulement l'argent versé par le gouvernement fédéral aux provinces, mais également les investissements du secteur privé. Le tout est consacré à la formation professionnelle. Le fonds auquel vous faites allusion existe toujours. Les provinces continuent de l'administrer en totalité et il sert actuellement aussi à attirer des investissements du secteur privé. Il s'agit en réalité d'un fonds croissant.
    Monsieur le président, si vous refrénez le NPD dans ses écarts, il faudrait revenir –
    Je suis d'accord avec vous. J'étais sur le point d'intervenir et je le fais maintenant.
    Permettez-moi de rappeler à tous les membres du comité que notre étude ne porte pas sur les compressions budgétaires, le perfectionnement des compétences, la formation professionnelle ou quelque autre sujet. Elle porte sur la finance sociale et du rôle qu'elle peut jouer dans ce pays. Veuillez ne pas vous écarter de ce sujet.
    Je vous prie de m'excuser, monsieur le président. Je poursuis.
    Madame Young, dans la présentation du SCFP à EDSC en réponse à son appel national d’idées sur la finance sociale, votre syndicat a exprimé des préoccupations quant à la viabilité économique, à l’équité et aux risques associés au modèle de financement social.
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le SCFP estime que le recours à des capitaux privés pour atteindre un bien commun essentiellement plus large pourrait être non viable ou non équitable?
    Au fond, notre préoccupation tient au fait que le gouvernement continue de payer en bout de ligne parce que la formule fixe le rendement de la prétendue obligation à son échéance. C'est toujours le gouvernement qui paie, mais dans bien des cas – Andrew en a mentionné un – il finit en réalité par payer plus cher. Il paie davantage pour obtenir le service, alors que sa prestation par le secteur public ou un organisme communautaire sans but lucratif serait moins coûteuse et plus efficace.
    Ce modèle crée également un risque sur le plan de... Prenons le cas de l'obligation du Utah à titre d'exemple. On avait décidé de cibler telle région et tel segment de la population. Mais si un service est réellement nécessaire, il pourrait arriver que le secteur géographique ou le segment de la population ne corresponde pas exactement à celui qui avait été ciblé. Ainsi, la politique sociale se trouverait en quelque sorte basée sur le marché.
    Les gouvernements se retirent du champ des politiques pour s'occuper de définir ce qui constitue ou ne constitue pas une réussite, et les bénéfices réalisés ne sont pas plafonnés. Ce sont ces trois points qui soulèvent nos préoccupations.
    Merci beaucoup.
    Nous sommes à la fin de la période de cinq minutes.
    Monsieur Cuzner.
    M'accordez-vous une minute hors sujet d'abord? Non?
    Des voix : Oh, oh!
    Monsieur Cuzner, procédez comme bon vous semble.
    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Je pense qu'il serait réellement utile pour notre étude sur les obligations à impact social que vous fassiez connaître au comité les projets qui n'ont pas bien fonctionné ou qui ont un aspect négatif afin de les partager avec les recherchistes.
    Vous avez fait un autre renvoi à l'étude du Maryland. Nos recherchistes ont-ils ce renvoi?
    Pas en ce moment, je crois.
    Pourrions-nous en obtenir une copie également? Ça pourrait être utile.
    Le point qui me préoccupe toujours, c'est que quelques témoins ont fait valoir que la finance sociale ne peut se substituer au soutien public, aux fonds publics ou à l'investissement public. Je pense qu'elle a un rôle à jouer, mais ça me préoccupe. S'il s'agit d'une tentative d'assurer un service mais au prix d'une baisse des salaires et de la qualité, je pense alors que chaque commettant devrait s'en préoccuper.
    À titre d'exemple simplement, prenons l'étude qui comparait la prestation de services par JobsNow et par une administration municipale et qui a conclu que le coût de la prestation par JobsNow était plus élevé. Cela a coûté davantage, n'est-ce pas?

  (1605)  

    Cela a coûté davantage parce que l'entreprise fait un bénéfice, mais dans la pratique –
    Qu'en est-il des salaires?
    Les salaires que les gens touchaient –
    Étaient-ils similaires?
    Non, beaucoup plus bas.
    Pourriez-vous nous donner une indication?
    JobsNow est présente également en Colombie-Britannique. Il s'agit d'une sorte de système privatisé de prestation de services d'emploi, si bien que je suis un peu réticente à lancer des chiffres. Je pourrais vérifier les chiffres et vous les communiquer. Ce pourrait être autant que moitié moins que –
    Voilà qui serait utile.
    Ces salaires sont modestes. On ne voit pas de salaires élevés comme ceux que touchent les employés des organismes sans but lucratif ou les fonctionnaires municipaux. Lorsqu'il s'agit de rémunération au rendement, qui est le régime qui s'impose avec les obligations à impact social, les personnes qui travaillent sont payées en fonction de leur rendement et leurs salaires sont –
    Pourriez-vous nous communiquer ces renseignements également?
    Oui, certainement.
    Ce que j'ai constaté au fil des ans, c'est qu'ordinairement, lorsqu'une prise de position suscite des divergences, ses opposants peuvent en déceler tous les désavantages et ses partisans, tous les avantages. J'ai posé la même question aux partisans du financement social, à ceux qui y croient. Je leur ai demandé s'ils avaient connaissance d'un projet d'investissement social qui avait mal tourné et qui avait eu des effets réellement régressifs. À vous je demande si vous avez vu dans vos études des cas où le financement social était sensé, où il a été bénéfique, où l'investissement dans des obligations à impact social s'est traduit par un avantage net.
    Oui, certainement. La finance sociale a un rôle important à jouer dans le développement économique communautaire. Je vous en citerai un modeste exemple, que j'ai connu dans mon propre quartier.
    Un café-restaurant local avait décidé de prendre de l'expansion en ajoutant de l'équipement de torréfaction. Pour payer cet agrandissement, il a eu recours à un moyen qui pourrait s'assimiler au financement social et être décrit comme tel. Soit dit en passant, si quelqu'un est intéressé au résultat, sachez qu'il s'agit de Bridgehead.
    Les obligations à impact social sont une forme de financement social gavée aux stéroïdes, et c'est contre cela que nous vous mettons en garde.
    À un niveau plus modeste, nous avons une infographie que nous pourrions vous montrer, le tout en sous forme de continuum. Il existe beaucoup de réussites locales étonnantes qui ont été rendues possibles grâce au financement social. C'est son volet des obligations à impact social qui nous préoccupe le plus.
    Nous avons appris que vous projetez d'aller en Angleterre pour étudier la finance sociale.
    Nous allons en effet discuter de cette question. Êtes-vous libre cette semaine-là? Demandez les obligations à impact social et je m'occuperai des arrangements –
    Des voix : Oh, oh!
    Non, mais j'ai le nom de trois spécialistes de la question en Angleterre que j'aimerais vous communiquer si vous y allez. Nous correspondons avec des spécialistes en Angleterre à ce sujet, et je serais heureuse de vous donner leur nom.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Je crois que c'est maintenant au tour de monsieur Mayes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins présents ici aujourd'hui.
    Je veux simplement ajouter un petit mot à ce que Rodger a dit quant à la vision négative qui caractérise l'ensemble de votre témoignage, alors qu'à la séance de la semaine dernière nous avons entendu beaucoup de positif. L'un des témoins qui a comparu plus tôt cette semaine nous a parlé de son expérience de partenariat avec un groupe, partenariat dont le mandat prescrivait, entre autres, l'embauche de personnes handicapées, dans une proportion de 20 %, je crois. Si elle répondait à cette exigence, l'entreprise bénéficierait d'un taux d'intérêt réduit sur ses emprunts de capital. Il y a aussi, bien sûr, un rendement social.
    Les obligations à impact social constituent une question particulière, mais la finance sociale, dans une optique plus large, consiste à voir si, entre le secteur privé et éventuellement le secteur public, nous pouvons avoir un rendement représentant la valeur sociale de l'investissement. Un bon exemple est le logement abordable, où le gouvernement pourrait peut-être fournir les fonds, sans intérêt, à un promoteur immobilier et où la municipalité renoncerait aux redevances d'aménagement ou autres frais dans le but de fournir des logements à plus bas coût aux gens qui n'ont pas actuellement les moyens de payer les loyers du marché.
    Je suppose que ma question vous paraîtra comme une espèce de défi. Qu'est-ce que syndicat a fait pour aider à régler les problèmes sociaux dans le cadre de son action sur le marché du travail? Avez-vous aidé à financer l'embauche de personnes handicapées? Avez-vous contribué à des projets présentant une valeur dans l'ensemble du marché du travail et à d'autres activités du genre? Voilà ce –

  (1610)  

    Je crois devoir intervenir. Je pense que vous êtes ici hors sujet. Je doute que les représentants syndicaux soient venus ici pour répondre à des questions à propos de leur syndicat ou de ses pratiques.
    Si votre question porte sur la finance sociale, je la permettrai. Mais vous ne leur avez pas demandé, monsieur Mayes, si leur syndicat participe ou non à la finance sociale, et je vous fais donc une mise en garde. Je tiens à ce que nous ne nous écartions pas du sujet. Je ne veux pas que notre séance tourne à une discussion qui déborde le cadre de notre étude.
    Merci, monsieur le président. D'accord, je prends acte de votre mise en garde.
    Le point que je cherche à soulever porte sur le rendement des investissements. Monsieur McNeill, vous avez dit que chaque fois que quelqu'un investit, il s'attend à un rendement. Mais ce rendement ne doit pas nécessairement être financier. Le rendement peut consister dans le fait que l'investissement s'avère avantageux pour l'ensemble... parce que ce n'est pas chaque investisseur qui recherche un rendement financier. Il y a beaucoup de gens... et nous avons reçu ici à Ottawa un visiteur, monsieur Gates, qui a contribué plus de 65 milliards de dollars à diverses œuvres partout au monde.
    Je pense qu'il importe d'inscrire la finance sociale dans son contexte. Nous la considérons comme un moyen par lequel les gens peuvent avoir le sentiment de contribuer, le sentiment qu'ils aident leurs concitoyens de quelque façon. Ce sont ces réussites dont nous avons entendu parler. Je ne pense pas que qui que ce soit ait l'intention de chercher à compromettre le rendement des investissements ou d'alourdir le coût de la prestation des services supporté par le gouvernement du Canada ou un autre ordre de gouvernement.
    J'en viens à ma question. Considérant la finance sociale dans son ensemble, abstraction faite des obligations, pourriez-vous me donner des exemples où il existe un encouragement à y adhérer d'une manière qui renforcerait la possibilité d'obtenir un rendement social?
    Comme cela a été dit plus tôt, il existe beaucoup de possibilités dans le domaine du développement économique communautaire. Quant aux incitations pour amener les gens à investir dans une entreprise qui embauche des personnes handicapées, un exemple du Manitoba me vient à l'esprit. Dans ce cas, il s'agit d'une entreprise spécialisée dans l'installation de systèmes de chauffage géothermique dans les réserves dans le but d'aider les résidents à réduire leurs frais de chauffage, mais qui leur offre également une formation professionnelle.
    Toutes ces choses sont tout à fait sensées.
    Merci beaucoup. La période de cinq minutes est écoulée.
    Madame Groguhé, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
     Ma question s'adresse à Mme Young.
    Vous avez parlé du risque de rendement rattaché au modèle des obligations d'impact. Vous avez aussi mentionné que le gouvernement devra payer les coûts de la prestation de services, de sa mise en oeuvre ainsi que de son évaluation.
    Pourriez-vous nous expliquer de quelles façons cela peut être anticipé par rapport à ce montage? Quelles seront les conséquences à cet égard?

[Traduction]

    Je vous donnerais un exemple concret de services d'emploi à l'intention des assistés sociaux. Il s'agit d'une situation répandue. Ce qui se produit, c'est que les entreprises, telles que JobsNow et d'autres, ont tendance à n'accepter que les gens qui sont en chômage depuis moins qu'une certaine période. Elles ne prennent pas pour clients les chômeurs de longue date. En Colombie-Britannique, par exemple, je crois qu'elles ne prenaient pas en charge les personnes qui touchaient des prestations d'aide sociale depuis plus de six mois. Or, les assistés sociaux de longue date ont quand même besoin de services pour demeurer actifs dans leur communauté et pour réintégrer le marché du travail. Quelqu'un doit assurer ces services. Mais comme les entreprises privées jugent qu'ils ne sont pas rentables, elles s'abstiennent de les offrir.
    Si vous avez toujours l'objectif en vue, si vous voulez maintenir des services d'emploi pour aider les gens à rester dans leur communauté et à trouver un gagne-pain, vous devrez les assurer vous-même. C'est presque un dédoublement de la tâche. Les entreprises privées prennent les cas faciles, ce qu'elles appellent l'écrémage, et laissent les cas lourds au secteur public. Ce sont ces cas qui sont les plus coûteux, qui rendent la tâche difficile au secteur public, qui hérite forcément de la charge d'assurer les services aux cas les plus lourds.

  (1615)  

[Français]

     D'accord, merci.
     Vous nous laissez tout de même entrevoir les limites de ce modèle. Toutefois, selon vous, sur quels types de problèmes sociaux devait-on concentrer l'utilisation de la finance sociale?

[Traduction]

    La question est intéressante.
    Peut-être le développement économique des petites collectivités, comme le disait Andrew. Quand je songe au financement social, j’ai tendance à m’interroger sur les garde-fous qui permettraient d’éviter que nos plus grandes craintes se concrétisent. J’aimerais mieux qu’on s’assure de limiter les profits, de garantir une certaine transparence, de veiller à ce que le gouvernement participe effectivement à l’élaboration de la politique et des mesures à prendre plutôt que de confier cette responsabilité à des cabinets de comptable comme Deloitte, et de prévoir des mécanismes de contrôle permettant de vérifier si cela est effectivement vrai ou non.
    Lorsque le gouvernement de l’Ontario s’est doté de ce mécanisme de comparaison des services d’emploi, j’ai pensé qu’ils ne croyaient pas vraiment ce que nous disions. Quand les résultats ont été connus, des années plus tard, à la suite d’une étude contrôlée, on s’est effectivement rendu compte que, en fait, les choses étaient aussi bien faites par le secteur public et que, en réalité, cela n’avait pas coûté aussi cher.

[Français]

    Monsieur McNeill, voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?

[Traduction]

    Je suis également enclin à penser que, dans la perspective de l’emploi créé grâce à des programmes de développement économique, le financement social est probablement plus efficace que d’autres mesures déjà tentées. Je suis par contre très méfiant lorsqu’il est question d’y recourir pour financer les services publics. Il se trouve que l’expérience atteste jusqu’ici que cela fait aussitôt augmenter les coûts.
    Je vous remercie.
    Monsieur Butt, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup d’être ici avec nous.
    J’aimerais juste, pour que les choses soient claires, m’assurer que, pour vous, le financement social n’est pas à exclure intégralement, c’est bien cela?
    Ce qui m’intéresse très précisément en tout cas, et je crois que Margot est du même avis, ce sont les problèmes associés au financement social des services publics. Comme je l’ai dit, le financement social a de l’avenir du côté du développement économique local.
    D’accord.
    L’une des choses que je sais au sujet des syndicats, c’est qu’ils soutiennent largement Centraide dans tout le pays. Cet organisme est vraiment un modèle de financement social. Il tire parti du secteur privé, dont il obtient des dons. Les syndicats, eux aussi, font leur part. Et les collectivités en bénéficient. D’après moi, Centraide est vraiment l’un des meilleurs exemples de financement social qui soient au Canada.
    Je suppose que vous n’êtes pas en faveur de Centraide.

  (1620)  

    C’est de la bienfaisance, pas du financement social.
    Bien sûr que si! Le financement social ne produit pas nécessairement de profits en fin de parcours. Le financement social...
    Attendez. Il y a rappel au Règlement ici.

[Français]

    Monsieur le président, notre rôle n'est pas de condamner nos témoins, mais bien de leur poser des questions pour qu'ils nous fassent part de leurs points de vue. Par conséquent, je ne pense pas que la méthode de M. Butt soit la meilleure dans les circonstances.

[Traduction]

    Je ne crois pas, non, mais je vais...

[Français]

    Centraide, ce n'est pas...

[Traduction]

    Voulez-vous contester la décision du président?
    Non, pas du tout. Tout va bien.
    Dans ce cas, taisez-vous. Vous n’avez pas besoin d’avoir une conversation pendant que je discute de cette situation.
    Je voulais donc dire que ce sujet me semble délicat, comme vous le savez, et je ne veux pas que le débat se transforme en échange d’accusations. Je crois que votre comparaison va dans la bonne direction, monsieur Butt, mais prenons garde de décrire les choses de façon diplomatique et de ne pas attiser la situation.
    Excusez-moi, monsieur le président, ce n’était vraiment pas mon intention. Je voulais m’assurer que l’on comprenne bien que le financement social n’est pas simplement un moyen pour une entité de tirer des profits. Dans bien des cas, les recettes et les dépenses s’équilibrent. Il peut arriver qu’il y ait des pertes. Le but est de regrouper des collectivités, des organisations, autour d’un objectif d’amélioration sociale.
    Selon beaucoup de témoins, sauf votre respect, monsieur le président, le financement social n’est valable que s’il donne lieu à des profits massifs pour l’organisation qui a investi dans le projet. Ce que je tiens à dire, c’est que ce n’est pas le cas de tous les modèles de financement social. C’est ça que je veux dire. C’est pourquoi je pose la question au sujet de Centraide. Certains de ces autres… Je sais que la banque alimentaire de mon quartier est très engagée dans le financement social. Elle tire parti des dons du secteur privé, etc. Ne s’agit-il pas d’exemples valables de financement social même si le but n’est pas de savoir combien reviendra à l’investisseur, mais plutôt d’obtenir une amélioration de la situation sociale?
    Ces projets n’ont-ils pas votre appui?
    Je pense que nous partons probablement de définitions très différentes de la notion de financement social. Les définitions retenues par Mme Young et moi-même ici, et je pense que tout le monde le comprend, supposent que les gens acceptent un moindre rendement sur leur investissement, et j’ai employé cette expression de « moindre rendement » avec le plus grand respect à plusieurs reprises dans mon exposé, en contrepartie de la réalisation d’un objectif social. Mais il y a quand même un rendement moindre. Ce que vous décrivez est évidemment quelque chose que nous appuyons sans réserve. Des éléments du SNEGSP participent à Centraide, comme vous l’avez rappelé, et ils aident les banques alimentaires de diverses collectivités au Canada. C’est de la bienfaisance, ce qui n’appelle pas de rendement sur l’investissement. C’est du don pur et simple.
    Si vous considérez que la bienfaisance est du financement social et que vous nous demandez si nous sommes en faveur de la bienfaisance ou de l’aspect du financement social qui comprend de la bienfaisance, la réponse est oui, le SNEGSP est en faveur de bienfaisance, tout comme le SCFP à ce que je sache.
    Cédez-vous votre temps de parole?
    Oui, tout à fait.
    Nous pouvons donc prolonger le débat.
    Madame Groguhé, allez-y.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je voudrais clarifier certains aspects parce que je crois qu'il est important de le faire.
    J'estime que cette étude est également faite pour mieux comprendre ce qu'est la finance sociale et avoir des positions différentes. Je crois que c'est important et que cela apporte quelque chose de plus sur cette question.
    Quoi qu'il en soit, je voudrais mieux comprendre cette question. Pouvez-vous nous expliquer certaines choses en ce qui concerne la méthode de capital-risque? Quand vous soulevez cette question, vous la mettez en exergue par rapport au rendement. Je voudrais comprendre un peu le lien qu'il y a entre la possibilité de rendement que donne la finance sociale et la méthode de capital-risque. S'il y a des risques, qui doit les assumer?
    Madame Young, quelle est votre opinion à ce sujet?

  (1625)  

[Traduction]

    C’est difficile d’essayer de comprendre tout ça, parce que, selon la théorie, les obligations à impact social supposent que le risque incombe à la personne qui finance, comme Goldman Sachs par exemple. Ceux qui financent s’attendent à un rendement sur leur investissement. Ils en sont le vecteur. On estime que c’est un nouveau moyen d’investir dans le secteur public, mais, comme Andrew l’a justement fait remarquer, à cause du point de départ peu propice, ce sont en réalité les organismes de bienfaisance qui offrent une garantie.
     Les gens qui créent ces obligations font de l’argent, mais le risque incombe, selon le cas, à l’organisme de bienfaisance ou au gouvernement en cas d’échec. Jusqu’ici, le modèle est tel que le financeur ne prend quasiment aucun risque et que tous les risques incombent à ceux qui sont censés obtenir de l’aide, à savoir les organismes de bienfaisance ou le gouvernement en quête de résultats. L’autre aspect est le montant d’argent que le financeur est en mesure d’obtenir en contrepartie, ce qui augmente le coût du service public. Au lieu de penser à des moyens de faire de l’argent… Un rendement de 12 %, de nos jours, c’est beaucoup pour quelque chose qui aurait pu coûter moins cher si on l’avait confié au secteur du bénévolat ou au secteur public.

[Français]

     Avec d'autres témoins, on a discuté de l'évaluation du modèle et des objectifs qu'on souhaite atteindre au moyen de la finance sociale. Or cette évaluation semble poser problème.
    Croyez-vous possible qu'une évaluation ait lieu et, le cas échéant, que faudrait-il faire pour qu'elle génère des données probantes concernant les objectifs à atteindre?
    Monsieur McNeill, je vous cède la parole.

[Traduction]

    Je pense que ce serait incroyablement difficile pour une simple obligation à impact social, dans le cadre du projet de Peterborough, qui visait à essayer de réduire le récidivisme parmi les détenus libérés d’une peine de courte durée. Il y a tant de facteurs en jeu! Supposons un projet d’obligations à impact social visant à réduire le récidivisme qui commence juste après un ralentissement important de l’économie: ceux qui sortent de prison auront évidemment plus de mal à trouver du travail. Cela aura un effet sur le nombre de personnes condamnées de nouveau, et je parle ici d’un projet très simple.
    La plupart des problèmes sociaux renvoient à tant de facteurs différents qu’il devient extrêmement difficile d’élaborer un modèle susceptible de vous permettre de mesurer effectivement l’impact de tel ou tel projet. La plupart des spécialistes qui essaient de mesurer l’influence de certains facteurs emploient des groupes de contrôle, et cela peut être une entreprise majeure. Il faudrait, en fait, entamer un important projet de recherche en sciences sociales pour mesurer l’efficacité de chaque projet de financement social.
    Je vous remercie.
    Eh bien, voilà qui termine notre première heure de témoignages.
    Je tiens à remercier les témoins d’être venus à Ottawa et de nous avoir fait connaître leurs points de vue.
    Nous prendrons une petite pause pendant l’organisation de la séance de vidéoconférence pour le deuxième tour.

  (1625)  


  (1635)  

    Reprenons, mesdames et messieurs. Nous allons maintenant passer à l’étude du potentiel que représente le financement social au Canada.
    Durant notre dernière heure, aujourd’hui, nous aurons avec nous M. Steve Cordes, directeur général de Youth Opportunities Unlimited. Il est accompagné de Mme Courtney Bain. Grâce à la liaison par vidéoconférence depuis Toronto, nous avons aussi Mme Gillian Mason, présidente d’ABC Life Literacy. Par le même biais depuis Waterloo, nous avons également Mme Debbie Brown, directrice générale du Crossing All Bridges Learning Centre de Brantford. Celle-ci est accompagnée de Mme Sherrie Marshall, responsable des opérations de Crossing All Bridges.
    Quel temps fait-il à Brantford, Debbie?
    Très agréable et ensoleillé. Nous n’avons même pas eu besoin de nos manteaux aujourd’hui.
    Certains de vous n’ignorent pas que j’ai un lien avec Brantford.
    Passons aux témoignages. Chacun de vos organismes dispose d’un maximum de 10 minutes pour faire son exposé. Commençons par M. Cordes.
    Vous avez 10 minutes, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous ai envoyé un bref aperçu de notre organisme, et vous devez l’avoir en main, dans les deux langues. Je n’y reviendrai donc pas, mais je vous en rappellerai l’essentiel.
    Je fais partie de cet organisme depuis un peu plus de 30 ans, et l’organisme existe depuis environ 33 ans à London en Ontario. Depuis une vingtaine d’années, nous nous sommes taillé une place plutôt unique dans le milieu de l’entreprise sociale. La raison en est notre modèle traditionnel de préparation au travail par le truchement de placements, d’ateliers, etc. Nous avons compris il y a un certain temps que ce modèle ne fonctionne pas très bien pour les gens qui ont des besoins très lourds. Par exemple, les sans-abri, notamment il y a 20 ans, qui n’avaient pas accès à un téléphone et qui ignoraient tout des moyens de trouver un employeur s’ils n’avaient jamais travaillé, étaient toujours à la traîne. Vous voulez aussi convaincre d’autres gens de vos aptitudes et capacités, mais vous ne pouvez pas en faire la preuve sur un marché du travail qui exige des preuves de compétences.
    Nous avons créé des entreprises sociales parce que nous avions vraiment besoin d’un support. Nous voulions un support qui soit une entreprise fonctionnelle, où les jeunes puissent être préparés à la gérer et à y assumer tous les rôles de premier plan. Ainsi, nous ne les préparons pas nécessairement à travailler dans les domaines où ils ont déjà travaillé. Nous pouvons les placer en fonction de ce qu’ils veulent faire, des compétences qu’ils aimeraient acquérir, des aptitudes qu’ils pensent avoir et de la façon dont nous pouvons les y préparer à l’aide d’une formation informelle et de certifications formelles.
    Vous pouvez voir devant vous les diverses entreprises sociales que nous exploitons. La toute première a été un programme de recyclage au bureau. Nous avons également eu un atelier de menuiserie pendant presque 20 ans. Nous produisons une gamme de confitures et conserves appelée Market Quality Preserves: elles se vendent à notre boutique et dans des points de vente au détail établis. Ceux d’entre vous qui viennent d’Ottawa connaissent Farm Boy. Je sais que son siège social s’y trouve. Aujourd’hui est en fait une journée importante puisqu’il ouvre son deuxième magasin à London. Farm Boy distribue nos produits dans tous ses magasins, en plus de certains produits spécialisés réservés à ses magasins de London, tous fabriqués par des jeunes dans le cadre d’un programme de formation qui est une entreprise sociale. Nous avons aussi un café, mais c’est Courtney qui vous en parlera dans un instant. Nous avons un kiosque au marché Covent Garden de London en Ontario.
    Tout ça, ce sont des supports, parce qu’ils servent à préparer des jeunes au travail en leur donnant du travail. Aux jeunes qui ont peu d’instruction et aucune expérience professionnelle, nous pouvons expliquer ce que le marché du travail attend d’eux. Quand on parle d’esprit d’initiative, de ponctualité, de faire preuve de dynamisme, de passion et d’intérêt dans le cadre professionnel, cela n’a aucun sens pour quelqu’un qui n’a encore jamais travaillé. Ce qu’ils comprennent par contre est que, si on fait une erreur, on est renvoyé. Les gens qui n’ont encore jamais travaillé concluent généralement qu’il vaut mieux attendre qu’on vous dise quoi faire, parce que, si on se trompe, on est renvoyé. Franchement, le fossé est très large. Pour nous, l’entreprise sociale est un investissement important dans la possibilité de les aider à comprendre.
    À la page 2 de l’aperçu, vous verrez les victoires que nous avons remportées. Désormais, nous plaçons 71 personnes par an grâce à nos entreprises sociales. Vous pouvez constater que Youth Opportunities accueille environ 3 000 personnes par an. L’entreprise sociale est un volet important de nos activités, mais ce n’est pas le principal moteur d’accès des jeunes à notre organisme. Mais je dois dire que, pour les jeunes à risque élevé et les jeunes sans qualifications, c’est certainement, et de loin, le moyen le plus valable par lequel nous avons pu les faire entrer sur le marché du travail. L’aperçu vous donne les taux de succès que nous avons enregistrés.
    J’étais présent lorsque vous avez interrogé vos premiers témoins au sujet du rendement du financement social. On peut bien sûr en parler brièvement, mais vous verrez que nous mesurons ce rendement de trois façons différentes. L’un de ces critères est le succès. Vous pouvez le constater dans le document: 91 % des jeunes qui s’inscrivent à notre programme réussissent.
    Selon le critère des revenus gagnés, à chaque dollar de fonds publics investi, nous ajoutons, dans les faits, 2 $. Le financement fédéral représente actuellement environ un tiers des fonds investis dans nos entreprises sociales.
    Le critère de l’impact communautaire est essentiel à nos yeux. J’ai retenu ce que je peux voir et partager avec vous brièvement à cet égard. Il y a en réalité beaucoup plus à dire. Les retombées sociales se traduisent par l’expérience des jeunes qui ont pris part au programme et par l’investissement communautaire et public dans Youth Opportunities Unlimited en raison de nos entreprises sociales. Farm Boy en est un exemple.

  (1640)  

    Je pense que je vais passer la parole à Courtney maintenant. Elle va vous parler de sa propre expérience.
    Je m’appelle Courtney. J’ai 24 ans et je fais partie de YOU depuis l’âge de 18 ans. C’a été une longue route, et pas toujours brillante, mais YOU ne m’a pas lâchée. J’ai commencé à suivre le programme de formation axée sur les compétences en septembre dernier et j’ai terminé en février. Pendant tout ce temps, ils m’ont enseigné les compétences dont j’avais besoin. Je n’avais jamais travaillé dans une cuisine, et maintenant je vais diriger la mienne. J’ai mon propre restaurant local.
    Sans YOU, je serais probablement encore sans abri et vivrais de prestations sociales. Ils m’ont donné les compétences dont j’avais besoin. Comme Steve l’a dit tout à l’heure, on peut faire des erreurs au café, et ça, c’est formidable. On sait que si on fait des bêtises sans le vouloir, ça va aller, on va s’en sortir. Les gens n’en font pas une histoire. C’est fantastique.
    À regarder les gens qui passent par le café, je dirais que huit personnes sur dix — à part moi — qui réussissent au café trouvent du travail ailleurs. Ça m’a aussi donné la force de faire ce que je suis en train de faire maintenant. Je ne m’aimais pas il y a un an, et maintenant je suis heureuse de ma réussite. Je ne dépendrai plus de l’aide sociale et j’ai un bel avenir devant moi. Il y a un an, je ne pensais même pas que je pourrais réussir, et maintenant je pense à donner des conférences. Ça m’ouvre des possibilités fantastiques. Si ça a pu faire ça pour moi, imaginez combien d’autres gens on pourrait aider.
    Je ne peux pas vous dire combien cet endroit m’a aidée, ça m’a vraiment sortie du bois. J’ai appris à faire des choses comme l’inventaire, par exemple. J’ai appris la gestion. J’ai formé des gens. Tout ça grâce à YOU.
    Quand je suis allée me présenter à mon nouveau travail cette semaine, je suis arrivée et, comme le disait Steve, je ne voulais pas tout gâcher. Je me tenais là, et on ne m’a pas donné la formation dont j’avais besoin. Chez YOU, on vous donne cette formation. Et puis, le deuxième jour, je me suis dit: bon, il faut juste y aller… je sais ce que j’ai à faire. Je sais ce que c’est de travailler dans une cuisine. YOU m’a aidée, tout va bien.
    Là, je ne sais plus où j’en suis. Vous pouvez parler. Je ne sais pas...
    Courtney me chuchote à l’oreille, je vais donc prendre la parole. Elle n’est jamais à court de mots. Je me demande bien ce que vous lui avez fait.
    Je donne généralement un préavis d’une minute, mais là, il vous reste deux minutes.
    Merci, monsieur.
    Je prendrai une minute, puis redonnerai la parole à Courtney.
    J’ai eu l’occasion, au cours de ma carrière, de donner des conférences sur l’entreprise sociale au Canada et aux États-Unis. En fait, vous pouvez me considérer comme un précurseur parce que je suis allé une ou deux fois au Royaume-Uni, où j’ai visité des entreprises sociales, ainsi que dans différentes régions des États-Unis. Il existe de nombreux modèles différents.
    Notre café a également accueilli de nombreux visiteurs en provenance du Canada, de l’Australie et du Royaume-Uni. Donc, dans le cadre de votre étude sur le financement social et l’entreprise sociale, j’espère que vous penserez à London en Ontario, et que vous viendrez y faire un tour.
    C’est incroyable ce qu’on peut faire grâce à l’entreprise sociale et le financement social. Nous tenons à ce que cela ne se limite pas au secteur sans but lucratif, mais nous souhaitons assurément que vous investissiez largement dans ce secteur. Compte tenu de tous les modèles que j’ai vus et de ce que j’ai constaté chez YOU, je suis tout à fait certain que le rendement en terme de capital social dépassera de loin ce que vous pourriez obtenir du secteur sans but lucratif.
    Avez-vous quelque chose à ajouter avant...?

  (1645)  

    J’ai encore une chose à dire dans les 30 secondes qui restent: c’est que les sans-abri ont du mal à s’en sortir. Ils forment une famille, et c’est difficile de la quitter.
    YOU m’a donné une nouvelle famille, de nouvelles personnes sur qui compter. Je n’avais plus besoin de m’appuyer sur mes amis sans abri, et je pouvais donc me libérer, c’était formidable.
    Je crois que c’est tout.
    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Écoutons maintenant Mme Mason, de Toronto. Vous avez 10 minutes.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Bonjour mesdames et messieurs. Merci beaucoup, monsieur le président, de m’avoir invitée ici aujourd’hui. Cet après-midi, j’aimerais vous présenter rapidement ABC Life Literacy et vous parler de notre démarche dans l’exploration d’un modèle d’entreprise sociale pour une partie de nos activités.
    Tout au long de ses 25 années d’existence, ABC Life Literacy Canada a fonctionné à même un éventail très sain de revenus provenant de la participation du secteur public et du secteur privé et de dons. Tous les fonds sont investis dans la mission de veiller à ce que tous les Canadiens aient les connaissances en lecture et écriture et les compétences essentielles dont ils ont besoin pour participer pleinement à la vie sociale.
    Compte tenu de la décision du gouvernement fédéral, en juin dernier, de modifier et de réaligner le financement accordé aux activités d’alphabétisation et d’acquisition des compétences essentielles, nous avons cherché un autre mode de financement pour la partie de notre travail qui porte sur la formation au travail visant à recycler les travailleurs canadiens. ABC a adopté un modèle permettant d’offrir de la formation de qualité en milieu de travail dans tout le pays tout en évaluant la validité du modèle de l’entreprise sociale en milieu de travail et dans le domaine de l’alphabétisation et de l’acquisition des compétences essentielles. Ce projet, que nous appelons « UP », abréviation de « upskill », a été lancé peu après la décision du gouvernement fédéral et à même les seules ressources d’ABC Life Literacy Canada. On peut consulter le site Web upskill.ca.
    Depuis, et avec l’aide de la Fondation McConnell, nous avons embauché un coach d’entreprise sociale, Norm Tasevski. Il nous aide à réaliser notre projet. Je sais que Norm est venu vous parler plus tôt cette semaine.
    Nous avons décidé d’adopter le modèle de l’entreprise sociale pour le projet UP, car il y a une corrélation directe entre l’investissement et l’impact social qui en découlera. Grâce au projet UP, des adultes peu alphabétisés acquièrent et consolident des connaissances de base et des compétences essentielles. Il y a en outre un rendement sur investissement immédiat pour les entreprises qui donnent de la formation à cet égard. En intégrant cette formation au milieu de travail, nous savons qu’elle a un impact positif direct sur la réussite de l’employeur et, par voie de conséquence, sur l’économie. Lorsque la main-d’oeuvre est plus compétente, plus adaptable et résiliente, c’est la compétitivité du Canada qui augmente d’autant.
    À titre d’organisme de bienfaisance sans but lucratif, ABC offre des programmes et réalise des projets qui ont un impact social durable sur le niveau de littératie au Canada. Le modèle de l’entreprise sociale convient naturellement à l’objectif de transformation sociale tout en offrant des services très nécessaires. Elle produit, du moins en partie, les fonds nécessaires à la gestion des programmes d’ABC Life Literacy Canada.
    Monsieur le président, j’aimerais parler des difficultés réelles que nous affrontons actuellement dans la concrétisation du modèle de l’entreprise sociale. Il y en a quatre que je voudrais souligner cet après-midi, bien que le lancement d’une entreprise sociale en soulève beaucoup d’autres.
    La première est le décalage temporel, que d’autres, je crois, appellent le « capital patient », entre le lancement de l’initiative et la production de revenus. Le lancement d’une entreprise sociale, tout comme celui de n’importe quelle entreprise, suppose que le personnel et le conseil d’administration y consacrent beaucoup de temps et appelle un investissement financier. Durant cette période sans production de revenus, il faut quand même payer les factures.
    La deuxième a trait à l’apprentissage de ce que le marché assumera ou non financièrement. Certains aspects ne seront pas pris en charge d’emblée par le marché, mais ils sont indispensables au succès de l’entreprise: ce sont par exemple les coûts de sensibilisation, de commercialisation et de communication.
    La troisième est la nécessité de créer un marché là où il n’y en avait pas. Lorsque des gouvernements se désistent, ceux qui continuent de défendre la cause en question doivent développer un marché pour cette cause. C’est un processus à la fois lent et coûteux. Et cela suppose beaucoup d’expertise et des campagnes de commercialisation et de publicité sur un marché surpeuplé.
    La quatrième est la conjugaison des besoins d’une entité sans but lucratif bien établie comme ABC, florissante depuis 1990, et ceux d’une entreprise sociale à l’étape du démarrage. Comme vous pouvez l’imaginer, ça peut être compliqué. Il y faut un sens aigu du leadership, et de la souplesse de la part des membres du personnel et de nos partenaires actuels comme la Banque TD et la Great-West Life. Il faut aussi savoir très bien tolérer l’ambiguïté. Notre orientation est claire, mais, lorsqu’on crée un marché en même temps qu’on offre des services, on voit émerger beaucoup d’impondérables.

  (1650)  

    Enfin, il faut faire preuve d’adaptation. À mesure que les possibilités se sont révélées, nous avons appris à « pivoter » comme dit notre coach. Nous devons relever tous ces défis tout en nous initiant à ce qu’est réellement une entreprise sociale, et tout cela au profit du Canada et des Canadiens.
    Maintenant, si vous permettez, monsieur le président, j’aimerais parler brièvement du rôle du gouvernement dans tout ça. Dans le modèle traditionnel, le gouvernement joue un rôle important dans les partenariats avec des organismes sans but lucratif comme le nôtre. En principe, lorsque nous collaborons avec le gouvernement, nous circonscrivons les objectifs convenus, nous décidons des moyens de mesurer le succès, nous réalisons, puis nous rendons compte des résultats.
    Par contre, quand on investit dans une entreprise sociale, comme c’est le cas de n’importe quelle entreprise au stade de démarrage, les objectifs sont clairs, mais les moyens de mesurer le succès peuvent évoluer. Ils ne peuvent pas être fixés d’emblée, car la valeur du produit et du service, les prix et les consommateurs changeront progressivement. Comme dans le cas d’une entreprise ordinaire, la valeur du produit ou du service sera déterminée par le marché et traduira l’évolution du produit en fonction de ce que pour quoi les consommateurs sont prêts à payer. Ça peut, ou non, coïncider avec nos hypothèses de départ.
    Pour que le gouvernement adopte des modèles d’entreprise sociale, il faut adapter des modèles de financement propres à faciliter cette innovation. Nous découvrons également que l’entreprise sociale n’est pas toujours une solution de rechange viable au financement traditionnel du secteur public, parce qu’il y a beaucoup de produits et de services que les entreprises ne sont pas ou pas encore disposées à payer. Nous nous heurtons également à l’idée très enracinée qu’il ne revient pas au secteur privé, mais bien au secteur public, de financer le perfectionnement des compétences.
    L’un des problèmes associés aux progrès de la cause de l’alphabétisation et de la formation est qu’on pointe aussitôt du doigt le système d’éducation. Je pense qu’on évite ainsi d’accepter le fait, que cela plaise ou non, que la main-d’œuvre canadienne est ce qu’elle est, avec ses atouts et ses faiblesses. Trop de Canadiens ne sont pas outillés pour affronter l’évolution constante des exigences d’une économie concurrentielle du XXIe siècle.
    Il faut se rappeler que nous sommes en mesure de lancer une entreprise sociale parce que nous pouvons compter sur une base de financement diversifiée grâce à nos donateurs et à nos partenariats et nos commandites. Comme je l’ai dit, la Banque TD parraine notre programme de littératie financière intitulée « Question d’argent ». HSBC finance notre programme de littératie familiale, et Great-West Life finance notre programme d’innovations en littératie.
    Nous sommes convaincus que l’amélioration du niveau de littératie de tous les Canadiens a des répercussions sociales à long terme, et c’est un projet que nous n’avons pas les moyens de ne pas soutenir. Nous construisons une société fondée sur l’hypothèse que les gens ont le degré de littératie de quelqu’un qui a terminé, selon le cas, ses études secondaires, collégiales ou universitaires. La réalité que révèle le programme d’évaluation internationale des compétences des adultes, c’est-à-dire les résultats de l’étude de l’OCDE publiés l’an dernier, est que 40 % des répondants n’ont pas ce niveau de littératie, même s’ils ont terminé leurs études à l’un ou l’autre de ces trois niveaux. Nos compétences deviennent rapidement obsolètes, et nous n’avons pas de systèmes d’apprentissage permanent.
    Nous espérons que les gouvernements continueront de faire partie de la solution, puisque, malgré le fort potentiel de retombées positives pour les entreprises qui investissent dans des programmes de formation en littératie et compétences essentielles, il existe également beaucoup de gens peu alphabétisés dans les collectivités plus marginalisées.
    En conclusion, monsieur le président, nous félicitons le comité et le gouvernement du Canada de s’engager dans l’exploration et l’élaboration de modèles de financement social pour trouver des solutions aux enjeux et problèmes urgents de notre pays. Nous sommes convaincus qu’on peut attirer plus de ressources grâce à des modèles de financement nouveaux et adaptés. Le financement social est l’un des instruments qui peuvent nous aider à répondre aux besoins des Canadiens en matière de formation en littératie et en compétences essentielles en milieu de travail. Notre expérience et nos analyses attestent sans équivoque que la littératie en milieu de travail présente un potentiel. Mais ce n’est pas une panacée applicable à tous nos problèmes.
    Pour l’avenir, nous continuerons d’adapter notre modèle d’entreprise pour y inclure le financement social dans le but de relever les défis liés à la littératie et à l’acquisition des compétences essentielles par une formation au travail et de proposer des solutions propres à développer une main-d’œuvre plus productive et plus concurrentielle au Canada. Nous invitons instamment le gouvernement à continuer de reconnaître la valeur intrinsèque de l’investissement dans les programmes de perfectionnement de la main-d’œuvre, notre véritable ressource naturelle, et les retombées sociales positives que ces programmes peuvent produire. Nous sommes disposés à collaborer avec le gouvernement et le secteur privé pour résoudre, dans toute leur ampleur et leur complexité, l’ensemble des questions liées à l’amélioration du niveau de littératie et à l’acquisition des compétences essentielles au Canada, aujourd’hui et demain.
    Merci, monsieur le président, de m’avoir invitée. Je suis à votre disposition si vous avez des questions. Merci.

  (1655)  

    Merci de votre témoignage.
    Passons maintenant à nos deux représentantes de Crossing All Bridges, Mme Brown et Mme Marshall.
    Vous avez 10 minutes.
    Merci.
    Nous tenons d’abord à remercier le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de nous avoir donné la possibilité de vous faire part de notre expérience au nom des petits organismes sans but lucratif.
    Crossing All Bridges Learning Centre est un organisme de bienfaisance sans but lucratif qui fonctionne très bien sous forme d’entreprise sociale depuis plus de 10 ans à Brantford en Ontario. Sa mission est d’offrir des programmes et possibilités dynamiques visant à optimiser le potentiel individuel d’adultes affectés de troubles du développement.
    L’organisme a été créé dans le but de remplir un vide: il manquait de services pour ce groupe marginalisé à la sortie des études secondaires. Pour beaucoup de ces personnes, la sortir du système scolaire représente la fin d’un certain type de rapport avec leurs amis, leur vie sociale et leur avenir, avec tout ce que cela suppose de déconcertant.
    Depuis l’ouverture du centre en 2003, nous nous sommes heurtés à beaucoup d’obstacles. Nous avons notamment eu de la difficulté à obtenir de l’aide financière. Au démarrage de notre organisme, il a fallu que les prêts personnels soient garantis par des actifs de membres du conseil d’administration. Les familles fondatrices n’avaient pas les moyens de placer leurs maisons et leurs fonds de retraite en garantie. Ce groupe de familles a trouvé partout des gens très favorables à l’objectif de l’organisation, mais personne pour engager des fonds dans le démarrage du projet.
    C’est à ce moment-là que la Fondation Ontario Trillium a commencé à s’intéresser à la région de Brantford, et c’est grâce à un partenariat avec un organisme de services sociaux financé par le gouvernement à Brantford que nous avons pu demander et obtenir des fonds pour lancer l’organisme qui, à ce jour, a aidé plus d’une centaine d’adultes affectés de troubles de développement et continue d’aider une soixantaine régulièrement.
    En août 2014, le centre a reçu une lettre inattendue. Notre partenariat avec l’organisme de services sociaux était résilié, et l’organisme réclamait les 5 000 pieds carrés qu’il nous louait. Nous avons été contraints de chercher de nouveaux locaux et de nous réinstaller en l’espace de quatre mois. Nous avons formé un comité de relocalisation et, pendant que nous cherchions un nouvel espace, nous nous sommes également mis en quête de solutions de financement. Après avoir pris rendez-vous avec deux banques et une caisse populaire, nous avons compris que les institutions financières n’avaient guère évolué depuis la création de notre organisme en 2003. Dans le cadre de son rôle comme organisme de bienfaisance sans but lucratif, CAB n’a pas pu accumuler beaucoup de fonds de réserve non plus qu’obtenir de véritables notations de crédit. Nous avons procédé en gérant sainement nos ressources et nous avons réussi à vivre à même nos budgets tout en offrant des avantages sociaux aux personnes affectées de troubles du développement et aux personnes qui en prennent soin. Durant la période de relocalisation, nous nous sommes heurtés à diverses difficultés, dont les règlements de zonage, la recherche d’un espace fonctionnel et surtout les moyens de financement.
    Compte tenu du passage d’un espace partagé à un espace autonome, nos coûts de fonctionnement ont augmenté d’environ 100 000 $. La charge de ces coûts sur les personnes handicapées vivant à même des revenus de pension fixes aura un impact important. Le financement social serait une solution bienvenue pour nous actuellement. Les petites entreprises sans but lucratif ont besoin d’un éventail de ressources financières, notamment dans les zones rurales et les petits centres urbains comme Brantford. Les zones urbaines sont dotées de plateformes d’entreprises sociales bien établies, comme Pillar à London, dont Steve fait partie, ou Social Enterprise Toronto et l’Ontario Nonprofit Network dans le secteur du Grand Toronto.
    Ces plateformes sont une ressource importante pour les entreprises sociales qui cherchent du financement et des moyens de se développer. À l’heure actuelle, nous cherchons des solutions de financement pour absorber l’augmentation des coûts associée à la relocalisation. Nous explorons toutes les subventions possibles. Il faut du temps pour les trouver et faire des demandes. Les délais ne permettent pas toujours de répondre aux besoins, et les organismes ne réussissent pas toujours à les obtenir, car la demande dépasse l’offre.
    Les intervenants se méfient beaucoup des demandeurs à risque élevé. On pourrait considérer que nous accordons toujours une grande valeur aux avantages sociaux que tirent les participants des services qu’on leur fournit. Ces retombées, bien souvent, n’entrent pas en ligne de compte, et l’énoncé de revenu et le bilan deviennent le facteur décisif de l’attribution des enveloppes financières. Les petites entreprises sans but lucratif ont besoin de solutions financières tenant compte d’une perspective dépassant les éléments de risque.
    Parlons des options d’emprunt. Dans notre région, nous pouvons emprunter auprès des établissements bancaires, des caisses populaires et d’Enterprise Brant. Le prêt est accordé en fonction des trois derniers exercices de l’entreprise. Les taux d’intérêt sont fonction du marché actuel, et les modes de remboursement sont rigides, sans égard à l’impact social de l’organisme. Les petites entreprises sans but lucratif ont besoin de modes de remboursement et de taux d’intérêt convenant à leur objectif social et aux résultats escomptés du prêt.

  (1700)  

    Les campagnes de financement supposent beaucoup d’heures de travail, et le marché est très concurrentiel. Les petites entreprises doivent prendre des décisions difficiles en terme de gestion du temps. Elles doivent décider comment utiliser leur temps limité. Consacrera-t-on ce temps à une campagne de financement pour la cause ou à de la planification stratégique pour bâtir l’organisme de demain? Il est parfois difficile de trouver l’équilibre qui convient. Les campagnes de financement supposent beaucoup de planification et, dans certains cas, comme dans le nôtre, la recherche de nouveaux locaux a pris du temps. Les petites entreprises sans but lucratif ont besoin d’avoir accès à des ressources susceptibles d’être accordées rapidement.
    Notre expérience de 12 années de programmes d’apprentissage permanent atteste la nécessité d’élargir la portée de nos programmes pour y inclure de la formation de préparation à l’emploi pour que nous puissions offrir d’autres possibilités de croissance personnelle aux personnes affectées de troubles du développement. Une étude récente, réalisée par des personnes qui en prennent soin, a permis de confirmer la nécessité de la formation en préparation à l’emploi et l’idée que les bénéficiaires, qui sont leur personne à charge ou leur fille, pourraient un jour faire du bénévolat ou travailler dans leur collectivité. C’est pourquoi Crossing All Bridges souhaite lancer des entreprises sociales ayant le double objectif de créer des possibilités d’expérience professionnelle et de l’emploi à temps plein offrant un avantage social aux personnes affectées de troubles du développement tout en produisant des revenus susceptibles d’être réinvestis dans l’organisme pour qu’il puisse élargir sa mission.
    L’emploi est une étape normale dans le plan de vie d’une personne. Pour les personnes affectées de troubles du développement, la formation en emploi traditionnelle n’est pas toujours très fructueuse. Nous sommes convaincus qu’une méthode de transition à l’emploi serait plus adaptée à la démarche de la recherche d’emploi.
    Nous souhaitons créer des entreprises sociales non pas pour remplacer les programmes d’emploi actuels, mais pour aider les personnes affectées de troubles du développement qui ne peuvent pas s’adapter au marché de l’emploi concurrentiel en leur offrant de la formation permanente et la possibilité de gagner un revenu dans leur collectivité. En créant ces entreprises sociales, nous espérons offrir à ces personnes la possibilité de suivre une formation dans le cadre du module d’apprentissage de CAB, tout en s’approchant de la formation payée au sein des entreprises sociales et, pour certains, de passer aux programmes de soutien à l’emploi traditionnel, comme le programme ontarien de soutien à l’emploi des personnes handicapées, ou au marché de l’emploi concurrentiel. Cela permettrait également d’instaurer une forme de pérennité par laquelle les profits peuvent être réinvestis dans les activités et l’organisme.
    Mais, pour faire tout cela, Crossing All Bridges a besoin de fonds de démarrage. Nous poursuivons notre recherche de fonds. Nous avons commencé par les modules d’ateliers et les subventions d’Innoweave et la Canadian Alternative Investment Foundation. Nous en sommes à l’étape d’élaboration du plan d’activité.
    Les familles fondatrices souhaitent faire partie de la solution des problèmes auxquels se heurtent les personnes affectées de troubles du développement. L’une des questions dont notre groupe de travail ne s’est pas occupé et qui deviennent pressantes est celle du logement de cette population marginalisée, que les dispensateurs de soins ne peuvent plus assumer. Le principal obstacle à un projet de logement novateur est le manque de solutions de rechange en matière de financement qui risqueraient d’augmenter les coûts opérationnels. Les listes d’attente sont de plus en plus longues, les dispensateurs de soins vieillissent, et nous savons que les solutions sont de plus en plus urgentes. Les solutions de démarrage par du financement social pourraient mettre le mouvement d’innovation en route.
    Nous aimerions conclure en rappelant que les petites entreprises sociales comme la nôtre et les organismes sans but lucratif ont besoin de solution de financement dont la perspective dépasse les éléments de risque. Nous avons besoin de modes de remboursement et de taux d’intérêt qui conviennent à l’objectif de nos emprunts et nous avons besoin d’avoir accès à du financement rapide, avec des possibilités qui englobent les petits centres urbains et les zones rurales.
    Je crois que Sherrie aimerait vous parler de certaines entreprises sociales.

  (1705)  

    D'après ma montre, vos 10 minutes sont écoulées à la seconde près.
    Je remercie les témoins de leurs commentaires.
    Passons maintenant à notre première série de questions avec madame Morin.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui. Tous leurs témoignages étaient très intéressants.
    J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Dans la section intitulée « L'utilisation des coûts de financement existants », vous dites que « [...] les investissements du programme Connexion compétence jeunesse permettent d'offrir les avantages sociaux et environnementaux qui découlent de la finance sociale. »
    Pourriez-vous nous donner plus de détails à cet égard? Je trouve cela intéressant.

[Traduction]

    Très volontiers. Merci.
    Quand nous avons lancé ces programmes, il n'était pas question de finance sociale ou d'entreprise sociale. Nous parlions d'expérience de travail en cours d'emploi. Notre seule ressource était le financement fédéral offert dans le cadre de projets de Connexion compétences pour l'emploi jeunesse, qui étaient une nouveauté à l'époque, en 1993 ou 1996. Nous y avons vu une occasion de formation, quitte à savoir comment nous y prendre pour l'offrir à des jeunes qui n'auraient jamais pu en profiter autrement.
    Pour nous, c'était une question d'engagement communautaire. Youth Opportunities Unlimited a participé à ces initiatives parce que nous savions que nous ne pouvions pas créer des emplois à nous seuls. Nous comptons sur le secteur privé pour embaucher des gens, sur les conseils scolaires pour réadmettre des anciens élèves, et ainsi de suite. Il faut donc que ces gens s'impliquent et s'intéressent à notre famille.
    Le programme fédéral Connexion compétences nous a permis d'embaucher des jeunes. Il versait leur salaire, parce qu'ils avaient besoin de rémunération, en plus de petites sommes supplémentaires qui nous ont permis de faire appel à des experts pour nous aider avec les programmes de recyclage, par exemple.
    Ensuite, nous avons énormément misé sur le secteur privé, essentiellement en demandant qu'on nous cède des bureaux pour pouvoir offrir une formation pratique sur les lieux. Pour nous, même si c'était plus difficile à lancer, la démarche a fini par créer un modèle beaucoup plus solide, car ces personnes s'intéressent tellement à l'organisation qu'elles font des dons sans hésiter. Ce n'est pas nécessairement désintéressé, mais c'est tout de même une ressource fondamentale pour nous. Nous nous tournons vers le secteur privé pour obtenir des emplois liés à nos programmes de stage et autres et la dynamique devient itérative puisque les gens font appel à nos services de recyclage tout en participant activement à Youth Opportunities Unlimited.
    Mais utiliser les dollars destinés à la formation, c'est toujours un peu comme vouloir résoudre la quadrature du cercle, car ils ne sont pas censés constituer un fonds d'entreprise sociale. Nous pouvons toujours démontrer les résultats très facilement, mais le style de formation, par exemple, exige de nombreux efforts et discussions avec les agents chargés des projets. Nous nous retrouvons souvent dans une sorte de décalage. Nous obtenons une entente de 12 mois de durée mais au bout de six mois, il s'agit de recommencer à négocier la suivante, et il faut parfois jusqu'à huit mois pour ces négociations.
    C'est l'expérience que nous vivons en ce moment-même, où nos entreprises sociales fonctionnent sans le moindre denier de la part du gouvernement. Quand il s'agit d'une occasion de formation conventionnelle, on peut se contenter de mettre un point final au tout. Mais nous ne pouvons pas mettre point final au service de recyclage, fermer le café et accrocher un écriteau disant que le financement du gouvernement s'est épuisé pour l'instant, car il nous faut desservir ces clients chaque jour. Nous nous tirons d'affaire sans le financement en ce moment, mais c'est tout un défi.
    Est-ce que j'ai bien répondu à votre question?

  (1710)  

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Vous avez une minute.
    Une minute?

[Français]

    Si je comprends bien, la finance sociale serait en quelque sorte un complément aux subventions déjà existantes. Cela s'additionnerait à cet égard.

[Traduction]

    Absolument.

[Français]

    D'accord. C'est parfait.
    Merci, monsieur le président. J'ai terminé.

[Traduction]

    Nous passons à M. Boughen.
    Merci monsieur le président.
    Permettez-moi d'ajouter ma voix pour souhaiter la bienvenue aux personnes-ressources qui nous visitent aujourd'hui. C'est gentil à vous de nous parler de votre monde. Nous ne sortons pas beaucoup, alors c'est agréable que vous veniez nous rendre visite.
    Courtney, je suis très intéressé par votre carrière et la manière dont vous êtes passée de ne pas savoir exactement vers où vous vous dirigiez à le savoir exactement et qui plus est, savoir comment y arriver. Pouvez-vous nous dire qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce qui s'est passé pour vous permettre de passer d'une sphère à l'autre? Vous avez vraiment bien réussi et je vous félicite.
    Ce qui s'est passé dans ma vie c'est que je me suis réveillée un beau jour à l'âge de 23 ans, presque 24, en me disant que si je n'arrivais pas à organiser ma vie avant l'âge de 25 ans je serais une assistée sociale pour toujours. Je me suis imposée un mandat en me disant que si je ne réussissais pas à me prendre en main... Ce que je me suis dit c'est que je ne voulais pas dépendre d'Ontario au travail pour le reste de ma vie ni vivre avec 600 $ par mois. J'ai commencé à songer plus sérieusement à YOU et à ses programmes. J'ai commencé à m'impliquer et à faire des efforts.
    Je n'ai même pas participé à une entreprise sociale au départ, car je me disais que je n'allais pas l'aimer et que j'allais détester travailler. J'ai décidé de commencer comme bénévole. Une fois que je l'ai fait je me suis aperçue que j'adorais le café et j'ai suivi la formation jusqu'au bout. En ce moment, je ne sais toujours pas vers où je vais exactement. Oui, je gère une cuisine, mais je ne voudrais pas y être encore dans cinq ans. J'aimerais faire du travail social ou peut-être parler en public. J'aimerais bien rendre quelque chose à ma communauté. Elle m'a tellement aidée que c'est à mon tour de le faire.
    Bravo pour vous.
    Steve, voilà 30 ans que vous suivez le programme. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a incité à y rester si longtemps? C'est tout un engagement.
    Merci monsieur.
    C'est le côté rafraîchissant de notre organisme, vous savez. Les gens pensent parfois que quand un organisme à but non lucratif gère tellement d'affaires, il s'agit d'un restaurant, d'une entreprise de recyclage, d'une installation de production de confiture, etc. Mais pas du tout; ce que nous produisons ce sont des jeunes qui réussissent. Tous ces autres éléments ne sont qu'accessoires. Ce sont des accessoires très brillants et merveilleux, mais c'est tout ce qu'ils sont.
    Pour nous, il s'agit de repenser chaque décision et de la faire passer par le filtre de notre mission, notre vision et nos valeurs, car si nous ne faisons pas attention, nous pourrions penser que nous sommes un restaurant et si nous pensons de la sorte, nous n'embaucherions pas des itinérants, nous ne permettrions pas aux gens qui ont fait une erreur de revenir le lendemain. Ou bien si une personne sensible fait affaire à un client mécontent et retourne à la cuisine en pleurant, comme il arrive parfois, elle ne reviendrait plus s'il s'agissait d'un restaurant. Ou encore si quelqu'un veut travailler comme gérant, nous leur dirions que nous avons une place mais uniquement à la plonge et nous allons leur montrer comment fonctionne le lave-vaisselle. C'est habituellement ce qui se passe, n'est-ce pas?
    J'adore tout simplement le fait que nous puissions songer à la croissance, et c'est tellement palpable pour moi. Nous avons adopté le modèle d'entreprise sociale — je n'en ai pas parlé dans notre mémoire — et nous offrons un logement à 30 jeunes personnes dans le même bâtiment où se trouve le café. Il y a un conseil scolaire dans le bâtiment. Il y a aussi un service de santé. Tout cela n'a rien de conventionnel par rapport à ce que c'était. Il y a 30 ans, c'était très conventionnel; il fallait entrer, suivre une évaluation, quelques ateliers, un stage, et puis bonne chance pour le reste. La formule ne fonctionnait pas très bien pour les gens sans expérience et pas du tout pour les gens aux prises avec des questions de santé mentale et autres difficultés.
    Pour moi c'est si rafraîchissant parce que nous faisons la même chose et nous tâchons de combler le même fossé au sein de notre communauté, mais nous le faisons beaucoup plus intensément que jamais auparavant. Notre façon de faire demeure très rafraîchissante.

  (1715)  

    Merci.
    C'est fini, monsieur le président?
    Il vous reste encore 40 secondes si vous voulez en profiter.
    Pour les gens de ABC, d'où provient votre revenu? S'agit-il d'une source de revenu stable? Le modèle de finance sociale s'adapte-t-il bien à vos activités?
    Je vous remercie de la question.
    ABC Life Literacy Canada est vraiment néophyte dans cette aventure de l'entreprise sociale. Nous avons lancé notre entreprise sociale à peine six semaines après avoir appris que nous n'allions plus recevoir des fonds du gouvernement fédéral.
    C'est vraiment assez nouveau. Nous sommes en train d'élaborer les produits et services en espérant que le marché voudra bien les acheter. Nous avons préparé un plan d'entreprise et nous élaborons maintenant ces produits et services en les commercialisant au fur et à mesure.
    Ce qui nous permet de continuer en attendant ce sont les commandites que nous avons avec la Banque TD et HSBC dans nos autres secteurs d'activité: la littératie familiale et la littératie financière.
    Merci beaucoup. Voilà qui finit cette série.
    Nous passons à M. Cuzner.
    Nous les parlementaires, nous avons l'immense privilège de rencontrer des gens qui ont réussi. Ils n'occupent pas nécessairement une importante charge publique, ils ne réussissent pas en affaires, ou dans le monde du spectacle, ou autres, mais votre histoire à vous, comme l'a décrit Ray, est extrêmement motivante et nous apprécions que vous soyez ici pour nous en parler.
    J'ai deux ou trois choses à mentionner. Pour ABC, je poursuivrai là où la question de Ray s'est arrêtée. Au début, vous avez décidé et vous vous êtes sentie obligée d'avoir recours au financement social en raison des compressions budgétaires dans votre domaine. Pourriez-vous préciser de combien ces fonds auraient été amputés? Ensuite, percevez-vous des droits pour les services? Auriez-vous perçu des droits avant la perte du financement public?
    Face aux indices provenant du secteur tout entier depuis plusieurs années, nous avions prévu que le modèle de financement pour la formation à la littératie et aux compétences essentielles devait passer aux employeurs, du côté de la demande et non du côté de l'offre. Ainsi, environ trois mois avant de prendre la décision, nous avions préparé un plan d'activités en comptant sur une bonne partie des ressources provenant de gens de tout le pays dont vous avez entendu parler au sein de ce comité. Nous nous sommes adressés à eux pour nous faire conseiller sur la création d'un modèle d'entreprise sociale de sorte que, si jamais le modèle de financement changeait pour passer du côté de l'offre au lieu de la demande, ABC serait prêt.
    Nous attendions la Subvention canadienne pour l'emploi annoncée pour le 1er juillet 2014 en sachant qu'elle accorderait des sommes intéressantes aux employeurs pour l'achat de la formation. Nous avons pensé que si nous étions prêts pour cette subvention lorsqu'elle surgirait en ayant clairement accès aux lieux de travail pour trouver une formation et des formateurs de qualité et des employeurs qui en avaient besoin, il n'en tiendrait qu'à nous d'en profiter. Nous avons lancé nos activités le 1er juillet, mais c'était vraiment le tout début, et nous avons continué à élaborer des produits et services depuis.
    Comme il est difficile de développer le marché, nous apprenons à fixer les prix, à emballer les produits et à les commercialiser. Nous apprenons à élaborer et à distribuer nos produits beaucoup plus entre entreprises qu'en faisant directement affaire aux employeurs. Nous tissons des relations avec des organismes tels le Réseau Manufacturier du Canada et la Chambre de commerce du Canada. Nous cherchons très activement à pouvoir en fait percevoir les honoraires que nous sommes censés percevoir suivant le modèle de la rémunération à l'acte, oui.
    D'accord, mais le manque à gagner aurait été... Combien d'argent avez-vous perdu?
    C'est autour de 500 000 $ par an en termes des revenus qu'ABC recevait comme financement de base pour ses activités.
    Sherrie, si vous permettez, votre groupe... Nous essayons de définir aussi le rôle du gouvernement fédéral et ce que nous devrions faire. Y a-t-il un rôle pour le gouvernement fédéral ou pour un autre organisme, Matchmaker.com, ou quoi que ce soit, pour marier des groupes tels le vôtre qui cherchent une forme d'investissement avec ces autres groupes qui cherchent à faire ce genre d'investissements? Y a-t-il un rôle à jouer là-dedans? Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait y jouer un rôle ou serait-il préférable qu'un organisme externe s'en occupe? Y voyez-vous une nécessité quelconque?

  (1720)  

    Il faudrait instituer un centre rural, peut-être à votre niveau. Il y aurait tout avantage à rassembler des communautés plus petites pour commencer à le créer. Nous avons déjà une telle pénurie de main-d'oeuvre pour construire nos petites organisations que nous n'avons pas toujours le temps d'aller chercher des partenariats et des bailleurs de fonds comme il le faudrait.
    Voilà qui conclut les cinq minutes.
    S'agissant d'un programme non gouvernemental financé...
    Les cinq minutes sont terminées.
    Monsieur Goguen, cinq minutes monsieur.
    Merci à tous les témoins. Votre résilience est très motivante. Le dénominateur commun de vos trois causes serait que vous rendez plus productifs des citoyens canadiens qui ont des handicaps ou des obstacles à affronter, et nous sommes tous gagnants.
    Je m'intéresse à l'organisation YOU. Vous vous occupez des personnes itinérantes. Je sais que chaque personne est différente, mais quel est le visage humain du sans-abrisme dans votre milieu? Qui sont les gens que vous aidez habituellement dans la rue? Ont-ils des troubles d'apprentissage ou de développement? Parlez-nous en.
    C'est une excellente question.
    Je commencerai par dire que les situations sont très diverses, mais il y a en ce moment un nombre important de personnes ayant des troubles mentaux de nature diverse. Il semble que nous en entendions parler de plus en plus partout au pays, et nous le constatons très certainement. L'itinérance peut avoir résulté de la pauvreté intergénérationnelle, pas toujours, mais c'est un aspect assez récurrent. Assurément, une crise quelque part entre un parent et un enfant est également une cause, et quelqu'un finit par vivre dans un refuge ou coucher chez des amis pendant quelques jours sans avoir d'adresse fixe. Ils finissent par venir à Youth Opportunities Unlimited.
    Nous avons un centre d'accueil. C'est le point de départ pour beaucoup de gens chez nous. C'est ainsi que Courtney a commencé avec nous, et c'est là que vous pouvez venir prendre le déjeuner. Nous nourrissons 60 personnes par jour. Nous voyons une centaine de personnes par jour, une soixantaine pour manger et une trentaine que nous hébergeons dans des appartements. Mais il ne s'agit pas seulement de nourriture. Je crois qu'une des personnes qui utilisent nos services l'a bien décrit en disant qu'à London, en Ontario, on ne meurt pas nécessairement de faim si on est sans-abri. Il y a des cuisines dans les églises. Il y a la banque alimentaire. Il y a toutes sortes de possibilités. On lutte et on ne va pas guérir, mais on ne va pas mourir de faim. On peut cependant mourir d'isolement, car venir chercher de quoi manger n'est que le point de départ. En réalité, ce qu'on vient chercher, c'est un peu d'interaction sociale.
    Songez au monde du travail et à la quantité d'interactions possibles du fait de pouvoir débattre des questions pendant les réunions de comités, ou simplement de pouvoir parler avec les autres. Ensuite nous rentrons à la maison et nous parlons avec notre conjoint de ce qui s'est passé dans la journée, etc.
    C'est un sentiment d'appartenance.
    Tout à fait. Quand on est itinérant, le sentiment d'appartenance n'existe plus parce que les amis sont des gens qui veulent quelque chose de vous. Vos amis sont là pour profiter de vous, alors vous ne pouvez pas vous y fier. Si vous avez eu de mauvaises expériences dans les institutions, vous ne leur faites pas confiance non plus, alors à qui pouvez-vous faire confiance?
    Pour nous, c'est le point de départ. Les gens viennent nous voir et nous n'avons que très peu d'attentes, nous contentant de demander ce dont ils ont besoin. « Où allez-vous dormir cette nuit? Que vous faut-il cette nuit? Nous espérons vous revoir demain. » Ensuite vous commencez une relation: « Avez-vous songé au travail, à retourner à l'école? » Nous avons des programmes très structurés qui conviennent parfois, mais nous enveloppons ces programmes autour de ces jeunes pour qu'ils n'aient pas le sentiment d'aller de programme en programme. Ils parlent avec Steve, ensuite avec Mirella et ensuite à quelqu'un d'autre, voilà comment les choses se passent.
    D'accord. Travailler avec des gens qui ont des problèmes de développement est assurément très difficile. Ce n'est pas tout le monde qui est capable de travailler huit heures par jour ou maintenir un emploi. Je me demande comment vous faites pour y parvenir.
    Aussi, j'aimerais poser cette question à Crossing All Bridges car j'ai l'impression que vous travaillez beaucoup dans le même genre de milieu.
    Pour Crossing All Bridges — peut-être après votre réponse, monsieur Cordes — je me demande si vous avez quelqu'un pour servir d'intermédiaire auprès de l'employeur pour qu'il prenne des mesures d'adaptation pour les personnes que vous essayez de placer.
    Je commencerai par vous, monsieur Cordes, si vous le voulez bien.

  (1725)  

    Absolument, et je vous répondrai brièvement.
    Nous sommes d'ardents défenseurs d'une programmation très souple. Tout le monde ne peut pas travailler à temps plein; mais ce n'est pas impossible.
    Je crois que le fait de prendre un emploi pour certaines personnes que nous représentons est un peu comme arrêter de fumer. Si vous fumez, tout le monde vous dit « Oh mon Dieu, qu'attendez-vous pour cesser? C'est tellement malsain. C'est tellement cher », etc. Mais c'est difficile à faire, n'est-ce pas? Si quelqu'un cesse de fumer pendant un certain temps et puis reprend la cigarette, personne ne lui fait des remontrances dans le style « Je savais que tu n'étais vraiment pas motivé. Tu n'étais pas motivé pour cesser ». Par contre, si quelqu'un perd son emploi, c'est ce que l'on a tendance à penser, « Oh, tu n'étais pas motivé. Tu ne l'a pas pris au sérieux », etc.
    C'est quelque chose de très difficile. Ces gens entrent dans le monde du travail qu'ils ne comprennent pas parfois, dans des situations sociales entièrement nouvelles où les gens parlent de leurs enfants, de leurs vacances et autres. Quelqu'un qui était itinérant, de quoi va-t-il parler avec ses collègues? Il faut de la souplesse.
    Pour les représentantes de Crossing All Bridges, quel genre de démarche spéciale avez-vous adoptée pour intégrer les gens à la population active?
    Il nous faut des commentaires très rapides pour la fin. Allez-y, chacun des témoins par téléconférence. Nous avons d'abord Crossing All Bridges.
    Nous avons des gens qui ont besoin de beaucoup de temps pour apprendre une compétence quelconque et être aptes à exécuter le travail de manière régulière. Nous sommes donc en formation continue. Chaque jour est une nouvelle journée. Ainsi, quand nous abordons les employeurs à l'heure actuelle — ce qui est la raison pour laquelle nous voulons une entreprise sociale — nous leur proposons des personnes à titre de bénévoles parce que les employeurs ne sont pas prêts à s'occuper de formation et de recyclage à tout moment ni à garder des personnes qui ne sont pas aptes à travailler de manière assidue. Elles ne peuvent travailler que pendant de courtes périodes, et même là, pas toujours de façon constante.
    Madame Mason.
    Merci monsieur le président.
    J'aimerais vous remercier une fois de plus de nous avoir invitées ici aujourd'hui. J'aimerais bien poursuivre le dialogue que nous sommes en train d'avoir, car le genre de questions qui ont été posées aujourd'hui sont justement celles auxquelles nous réussirons à répondre de mieux en mieux en comprenant le véritable sens d'une entreprise sociale. Je me réjouis à l'idée de poursuivre nos travaux en partenariat avec vous pour relever les défis sociaux du Canada.
    Merci beaucoup.
    Merci à nos témoins pour leurs commentaires ici aujourd'hui.
    Je crois que la semaine s'est avérée intéressante pour notre comité à bien des égards. Le mardi nous avons accueilli le côté offre de l'équation pour la finance sociale. Il s'agit des intermédiaires et des financiers qui cherchent des occasions d'investir dans le domaine social. Nous les avons entendu dire franchement que pour le moment il n'y a pas assez de demande pour l'argent dont ils disposent. Aujourd'hui nous avons entendu trois organismes qui selon moi ont besoin d'investissement du côté de la demande.
    Une des choses qui découleront, espérons-le, de notre étude, qui je crois a de fortes chances de se poursuivre au vu de l'intérêt énorme qu'elle a suscité, est un rapport offrant une optique canadienne unique sur la question qui nous occupe, un rapport qui commencera à combler les lacunes actuelles, de sorte que les organismes comme le vôtre pourront prospérer, avancer et atteindre leurs objectifs.
    Merci encore une fois d'avoir été des nôtres.
    Mesdames et messieurs, voilà qui conclut la séance d'aujourd'hui.
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