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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 030 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 28 mai 2014

[Enregistrement électronique]

  (1620)  

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la protection des enfants et des jeunes dans les pays en développement. Nous aimerions commencer.
    Je ne sais pas s'il y aura des votes et si, le cas échéant, nous allons quand même siéger jusqu'à 17 h 30, mais j'aimerais commencer la séance pour que nous ayons le plus de temps possible. Merci de faire preuve de souplesse au moment où nous réorganisons notre horaire. Nous allons entendre qu'un seul groupe de témoins aujourd'hui et, s'il n'y a pas de votes, nous allons probablement délibérer jusqu'à 17 h 30.
    Nous accueillons Paul Gillespie, le président de Kids' Internet Safety Alliance. Merci d'être ici, monsieur.
    Nous entendrons également Rachel Pulfer, la directrice exécutive de Journalists for Human Rights. Bienvenue.
    Nous avons aussi parmi nous Linda Dale, la directrice exécutive de Children/Youth as Peacebuilders. Je vous souhaite également la bienvenue, Linda.
    Nous pourrions commencer avec vous, monsieur Gillespie, avant de passer aux autres témoins.
    Je crois que vous avez tous une déclaration liminaire de 10 minutes. Lorsque nous aurons terminé, nous allons faire le plus de tours de questions possible en alternant entre les députés de l'opposition et les ministériels.
    Je m'arrête ici et je vous donne la parole, monsieur Gillespie. Bienvenue. Vous avez 10 minutes, monsieur.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les parlementaires, merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis ici pour parler du mauvais traitement virtuel des enfants dans les pays en développement.
    Je m'appelle Paul Gillespie. Je suis le président de Kids' Internet Safety Alliance, ou KINSA, un organisme de bienfaisance enregistré au Canada qui donne aux pays en développement les moyens de secourir des enfants victimes d'agressions sexuelles. Avant d'occuper ce poste, j'ai été l'agent responsable de l'unité de lutte contre l'exploitation des enfants du service de police de Toronto pendant de nombreuses années, et je suis encore membre du groupe de spécialistes des crimes contre les enfants d'Interpol.
    À un moment où des gouvernements du monde entier éprouvent des difficultés financières, des gens de toutes les allégeances politiques reconnaissent la nécessité de redoubler de prudence lorsqu'on dépense les deniers publics. Si quelqu'un proposait que les contribuables canadiens financent des patrouilles dans les rues du Pérou ou de la Pologne, les gens d'ici ne seraient pas d'accord, et avec raison. Il n'est pas approprié de soutenir la sécurité routière de routine avec l'argent destiné à l'aide internationale. Cependant, quand nous passons de la sécurité dans le monde matériel à la sécurité virtuelle, il faut changer le raisonnement en conséquence.
    Les enquêtes sur l'application de la loi à l'échelle mondiale révèlent que des millions d'ordinateurs dans le monde, y compris 200 000 ordinateurs ici même au Canada, servent activement à faire circuler les images et les films les plus explicites de pornographie juvénile. Il est évident que des centaines de milliers d'enfants sont en danger. Les chiffres sont renversants, et les risques sont importants. Des enfants sont pomponnés à des fins sexuelles ou maltraités en ligne, et ils souffrent quotidiennement d'une dure réalité, à savoir que des photos des agressions sexuelles qu'ils ont subies seront échangées partout dans le monde sur Internet.
    Il est donc hautement prioritaire pour les forces de l'ordre de traduire en justice les cyberprédateurs sexuels d'enfants. Nous devons sans aucun doute sensibiliser les parents — les enfants aussi — aux dangers de l'exploitation en ligne, mais toute la sensibilisation du monde n'éliminera pas la vulnérabilité inhérente des enfants. Le problème de l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet ne disparaîtra pas tant que ceux qui alimentent le marché de la pornographie juvénile ne seront pas traduits en justice.
    Il est donc fondamental de se demander comment la police peut traquer plus efficacement ces prédateurs. C'est peut-être surprenant, mais cela signifie qu'il faut prendre une mesure qui serait répréhensible dans le monde matériel, à savoir payer pour que des cyberpoliciers ayant reçu une formation parcourent les inforoutes virtuelles dans d'autres pays. Pourquoi en est-il ainsi?
    En s'appuyant sur le principe élémentaire selon lequel l'activité Internet ne connaît jamais de frontière, tous les cyberpoliciers vous diront que les cyberprédateurs sexuels d'enfants adhèrent à des communautés virtuelles pour échanger avec leurs semblables du monde entier des images et des films de pornographie infantile — il y en a presque cinq millions en ligne. C'est simple: chaque cyberprédateur est membre d'une communauté internationale de prédateurs. Peu importe où elles ont commencé, les enquêtes sur la cyberexploitation des enfants donnent donc de solides indices à propos des prédateurs d'autres pays.
    Pour rendre l'expérience virtuelle des enfants la plus sûre possible, nous devons nous assurer que les pays du monde entier ont des cyberpoliciers hautement qualifiés, car si nous leur donnons de la formation, il est inévitable que les cyberenquêteurs du Brésil au Botswana et au Belarus nous en diront davantage sur ce que font les prédateurs du Canada, de la Colombie et de la Chine.
    Former des cyberpoliciers d'autres pays permet d'accroître le nombre de patrouilleurs dans exactement les mêmes quartiers virtuels où jouent les enfants canadiens. C'est une façon judicieuse de fournir une aide étrangère aux pays en développement qui n'ont pas les moyens nécessaires pour mener des enquêtes sophistiquées sur Internet. Parallèlement, le travail des services locaux aide les enfants canadiens.
    Autrement dit, on peut réaliser simultanément des gains tant en politique étrangère qu'en politique interne, et c'est très rentable. Au Canada, il faut prévoir 150 000 $ par année en salaire et en avantages pour qu'un policier devienne cyberpolicier, tandis que KINSA offre régulièrement de la formation de calibre mondial à des cyberpoliciers étrangers au coût d'environ 2 000 $ par personne. Dans les deux cas, le résultat net est qu'un autre agent protège les enfants du monde entier. On peut en engager un ou en former 75; le calcul est simple et convaincant.
    Cela dit, même si c'est tout à fait logique sur le plan économique, ce n'est pas et ne peut pas être seulement une question d'argent. Des pays comme le Canada, qui détiennent une expertise de calibre mondial en matière de cyberenquêtes, devraient appuyer la formation de cyberpoliciers dans des pays moins développés, parce que cela permet d'ouvrir la voie à l'échelle mondiale. Ce qui est plus important encore, c'est qu'il s'agit de la bonne chose à faire pour les enfants des quatre coins de la planète, y compris les nôtres.
    KINSA collabore avec des organismes d'application de la loi du monde entier et avec d'autres partenaires pour donner de la formation et renforcer la capacité de pays en développement, et mettre ainsi à l'abri du danger les enfants. Notre vision est de s'assurer qu'aucun enfant n'est exploité en ligne. KINSA est membre de la Virtual Global Taskforce et travaille avec la Gendarmerie royale du Canada en vertu d'un protocole d'entente. La formation de la KINSA est reconnue par le Collège canadien de police. De plus, l'Organisation de coopération régionale des chefs de police de l'Afrique australe, qui représente 16 pays, et l'Organisation de coopération des chefs de police d'Afrique de l'Est, qui représente 12 pays, ont nommé KINSA partenaire de confiance en matière de formation.

  (1625)  

    KINSA est très respectée par Interpol et les organismes d'application de la loi du monde entier. Grâce aux pratiques exemplaires de ses formateurs, qui sont des leaders mondiaux, KINSA est la meilleure de sa catégorie pour offrir des formations ciblées et hautement efficaces aux organismes d'application de la loi. La GRC, l'Immigration and Customs Enforcement des États-Unis, la police nationale norvégienne, le service de police du Queensland en Australie, l'Université Newcastle, le ministère du Procureur général de l'Ontario et le groupe de spécialistes des crimes contre les enfants d'Interpol sont seulement quelques-unes des organisations d'où viennent nos formateurs.
    Depuis 2006, KINSA a donné une formation concernant les enquêtes sur la cyberexploitation à 386 policiers et procureurs dans 26 pays. À l'échelle mondiale, nos diplômés ont réussi à trouver et à secourir 85 enfants en plus de donner des présentations sur la cybersécurité à 10 000 policiers et à 20 000 citoyens.
    J'aimerais vous parler maintenant de certains des résultats extraordinaires attribuables à la formation offerte par KINSA.
    En 2007, KINSA a donné un cours général d'enquête sur la cyberexploitation sexuelle à des membres de l'unité de la cybercriminalité de la police nationale roumaine. En s'appuyant sur ce que nous leur avons montré, les agents de la police nationale ont créé une unité spécialisée dans les enquêtes sur la pornographie infantile en ligne. Presque tous les agents qui ont suivi cette formation ont maintenant été promus et affectés aux unités de lutte contre la cybercriminalité du pays. La police nationale roumaine apporte maintenant une précieuse contribution au groupe de spécialistes des crimes contre les enfants d'Interpol, et ses membres ont joué un rôle important dans la très récente opération Spade, une enquête mondiale visant à secourir 400 enfants dans le monde. Un site Web roumain montrait les mauvais traitements subis par un grand nombre d'entre eux.
    En 2008, KINSA a formé des membres de la police fédérale brésilienne, qui ont été mis au courant du groupe de spécialistes des crimes contre les enfants d'Interpol et ont appris comment en faire partie. Les enquêteurs-formateurs leur ont montré une étude de cas qui comportait des images horribles de mauvais traitements infligés entre le Nouveau-Brunswick et le Maine. L'enquête était au point mort. Un des agents brésiliens a révélé pendant le programme de formation que leur service de police avait 400 000 images classées dont le reste du monde ignorait l'existence. À son retour au Brésil, il a consulté leur base de données et découvert que de nombreuses images liées à l'enquête nord-américaine se trouvaient dans l'ordinateur d'un suspect brésilien. Il a ajouté ces photos au dossier de l'enquête, ce qui a permis à la GRC de trouver la maison du délinquant, qui vivait à Tracyville, au Nouveau-Brunswick. Il a ensuite été accusé d'avoir maltraité 10 enfants canadiens.
    Depuis 2009, KINSA a donné de la formation à 260 agents du service de police sud-africain et procureurs du ministère public. Une partie importante des efforts que nous avons déployés en Afrique visait à collaborer avec le service de police pour élaborer et mettre en oeuvre une stratégie nationale de gestion des crimes perpétrés auprès des enfants par l'intermédiaire d'Internet. En 2012, alors que KINSA offrait de la formation aux policiers et aux procureurs, nous avons coordonné nos efforts avec ceux de la Gendarmerie royale du Canada pour nous assurer que toute l'information relative aux suspects de l'opération Spade sud-africaine — comme je l'ai dit, c'était une vaste opération canadienne pour identifier des délinquants à l'échelle mondiale — serait remise au service de police lors de la formation, de manière à ce qu'un de nos formateurs de la Gendarmerie royale du Canada puisse expliquer le dossier et élaborer une stratégie avec les agents.
    Le service de police sud-africain a ensuite formé une unité provinciale dans le cadre de leur nouvelle stratégie nationale à laquelle nous avions travaillé, et, au cours des 14 mois suivants, il a mené une enquête très approfondie sur les dizaines de suspects de l'opération Spade qui vivaient en Afrique du Sud. En août 2013, le service de police sud-africain a exécuté des dizaines de mandats de perquisition qui ont permis jusqu'à maintenant d'arrêter et d'accuser huit hommes — il y aura beaucoup d'autres arrestations —, y compris trois enseignants. De plus, cinq enfants ont été identifiés et secourus.
    Je suis fier de signaler qu'en avril 2014, il y a un peu plus d'un mois, les premiers agents du service de police et du ministère public sud-africains à avoir suivi notre formation avancée sur la cyberexploitation des enfants ont obtenu leurs diplômes. Ils sont maintenant qualifiés pour offrir de la formation dans le domaine. On leur a donné tout le matériel nécessaire, et ils continueront d'obtenir le soutien de KINSA.
    En août 2013, à Nairobi, au Kenya, KINSA a offert de la formation à des policiers provenant de 10 pays d'Afrique de l'Est, y compris des agents de la police nationale ougandaise. Avant la formation, Facebook nous a signalé qu'on demandait de l'aide pour attirer l'attention des autorités ougandaises sur une situation dangereuse impliquant un homme ougandais qui ciblait et exploitait activement des adolescentes et des préadolescentes qui vivaient en Australie.

  (1630)  

    Les membres de la GRC et les agents d'immigration qui donnaient la formation ont recueilli toute l'information pertinente sur la situation et en ont fait part aux agents ougandais qui suivaient le cours. Les formateurs ont travaillé avec les agents pour comprendre pleinement le dossier et pour mettre au point une stratégie d'enquête de manière à ce qu'ils puissent prendre des mesures à leur retour en Ouganda.
    De retour chez eux, les enquêteurs ont mis leurs nouvelles connaissances à contribution et démarré une enquête. Ils ont exécuté un mandat de perquisition et saisi un ordinateur. Ils ont ensuite obtenu les preuves dont ils avaient besoin en collaborant étroitement avec nos autres partenaires de la police fédérale australienne qui ont fait avancer l'enquête en offrant un soutien informatique et juridique depuis l'Australie. L'enquête a permis d'arrêter le suspect et d'identifier de nombreuses adolescentes et préadolescentes, surtout en Australie. Le délinquant doit actuellement répondre à plusieurs chefs d'accusation pour avoir exploité des enfants en Ouganda.
    Que se passera-t-il à l'avenir? KINSA donnera de la formation régionale à 1 000 policiers et procureurs de l'Afrique de l'Est au cours des cinq prochaines années. La formation, offerte en collaboration avec l'Organisation de coopération des chefs de police d'Afrique de l'Est, commencera en octobre 2014 en Tanzanie, et 100 agents recevront une formation de formateurs.
    KINSA travaillera avec chaque pays africain qui demande son aide pour élaborer et déployer une stratégie visant à combattre les crimes perpétrés contre les enfants sur Internet. Les pays dans lesquels KINSA donnera de la formation auront des policiers et des procureurs qui connaissent les plus récentes techniques de lutte contre les cybercrimes. Il est très important de noter que ces techniques peuvent être utilisées pour lutter contre toutes les sortes de crimes. Ces pays seront également en mesure d'établir des liens et de travailler avec les organismes d'application de la loi du monde entier et d'autres partenaires qui participent activement aux mêmes enquêtes.
    Enfin, certains pourraient demander pour quelles raisons nous concentrons nos efforts en Afrique. Au cours des dernières années, l'accès à Internet en Afrique s'est accru compte tenu de la grande disponibilité des technologies mobiles et de l'émergence de nouvelles approches en matière d'accès rural, comme les services sans fil s'appuyant sur les espaces vides, qui sont des fréquences inutilisées du spectre de télédiffusion.
    L'accès accru présente des avantages sociaux et économiques, mais il donne également de nouveaux moyens aux criminels. Dès qu'ils sont en ligne, les délinquants sexuels qui s'en prennent aux enfants peuvent rapidement trouver une communauté accueillante de criminels semblables qui les informent des technologies les plus récentes, facilitent l'exploitation et échappent aux policiers.
    En Afrique, les services de police ne sont généralement pas aussi chanceux que nous. De nombreux organismes commencent à peine à regarder au-delà des exigences technologiques du maintien de l'ordre dans le monde matériel, et ils se voient obligés de partir de zéro, alors que les criminels locaux se servent des plus récentes technologies disponibles dans les pays en développement.
    Des retombées considérables découleront de la présence de KINSA en Afrique, y compris la mise sur pied d'une main-d'oeuvre technique hautement qualifiée pour protéger les enfants vulnérables du monde entier, et n'est-ce pas la raison pour laquelle nous sommes tous ici?
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Gillespie.
    Nous allons maintenant passer à Mme Pulfer.
    Je m'appelle Rachel Pulfer, et je suis directrice exécutive de Journalists for Human Rights.
    JHR est un organisme sans but lucratif indépendant et non partisan dont l'objectif est de renforcer la capacité des médias dans les pays en développement, dans les sociétés en transition et dans d'autres milieux où le secteur des médias est habituellement peu développé.

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'être parmi vous aujourd'hui.
    J'aimerais partager avec vous quelques idées et quelques leçons tirées de notre expérience. Celles-ci pourront vous démontrer comment le développement des médias peut représenter une contribution énorme à l'effort canadien pour ce qui est de garantir un avenir en toute sécurité aux enfants et aux jeunes dans les pays en développement.

[Traduction]

    Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler. J'aimerais vous faire part de certaines idées et de certaines stratégies tirées de nos 12 années d'activités pour vous montrer comment le développement des médias peut énormément contribuer à l'objectif du Canada d'assurer un meilleur avenir aux enfants et aux jeunes des pays en développement.

[Français]

    De plus, je voudrais vous inviter à considérer comment le Canada pourrait utiliser le développement des médias comme un outil fondamental visant à augmenter ses efforts pour la sécurité et le bien-être des enfants et des jeunes, et ce, en devenant un leader mondial à cet égard et dans plusieurs autres.

  (1635)  

[Traduction]

    J'aimerais aussi inviter le comité à explorer des façons de tirer profit des outils que le développement des médias offre de sorte que le Canada puisse accroître son effet positif sur le bien-être des enfants et ainsi assumer un rôle de leadership mondial dans ce dossier ainsi que dans d'autres dossiers.
    Je ferai le reste de mon exposé dans ma langue maternelle, car c'est la langue que je maîtrise le mieux, comme vous aurez pu en conclure en entendant mon accent. Mais si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser dans la langue de votre choix et je serai ravie d'y répondre de mon mieux.
    Il n’a jamais été aussi important de procurer un avenir sûr aux enfants et aux jeunes du monde entier. Dans toute l’histoire du monde, il n’y a jamais eu autant d’enfants et de jeunes sur la planète que maintenant. Près de la moitié des sept milliards d’humains qui forment la population mondiale ont moins de 25 ans. Quatre-vingt-dix pour cent d’entre eux vivent dans le monde en développement. Ils sont bien trop nombreux à être aux prises avec des problèmes qui les empêchent de devenir des membres en santé et productifs de nos sociétés.
    Des services difficiles d’accès ou de mauvaise qualité peuvent miner les chances de survie des enfants et des jeunes. Nombre d’entre eux sont très souvent brutalisés, exploités et victimes de négligence, notamment dans les situations de précarité et les conflits. Cela est particulièrement vrai pour les filles et les jeunes femmes, qui voient trop souvent leurs droits bafoués.
    Au cours des dernières années, le Canada a pris l’engagement ferme de s’attaquer de front à ces problèmes en concentrant ses efforts de développement sur la mise en place d’un avenir sûr pour les enfants et les jeunes. Vous savez probablement que la stratégie de l’ACDI pour les enfants et la jeunesse s’articule autour de trois thèmes prioritaires. Comme en fait foi le sommet de cette semaine à Toronto, l’attention très pointue que le Canada a portée à la santé des mères lui a permis de devenir un chef de file mondial dans ce domaine. JDH souhaite que le Canada étende la portée de son autorité à d’autres thèmes, au cours des prochaines années, en misant sur son plein potentiel de devenir un leader mondial dans le développement des médias, en matière de bien-être des enfants.
    Journalistes pour les Droits Humains s’emploie depuis douze ans maintenant à mettre en oeuvre des programmes de développement des médias de diverses tailles dans l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne. Nous envoyons des instructeurs en journalisme travailler avec les journalistes locaux pour qu’ils les aident à développer leurs compétences et leur offre de la formation professionnelle. Ces démarches permettent d’instaurer un style journalistique robuste et percutant axé sur la responsabilisation, un journalisme qui priorise les questions locales en matière de droits de la personne et qui cherche à tenir les autorités locales responsables de leurs actions.
    On ne compte plus les fois où des reportages menés par JDH ont suscité des échanges constructifs sur la place publique concernant les droits et le bien-être des enfants partout sur le continent. En sont ressorties des solutions durables à des problèmes en matière de droits de la personne, des solutions adaptées, financées et dirigées localement. Nos efforts ont en outre débouché sur une nette amélioration des résultats de la gouvernance pour les membres les plus vulnérables et sans voix de la population, soit les enfants. Il est ainsi possible de mettre un frein aux dépenses d’aide, aux services coûteux de consultants internationaux, aux interventions militaires et à d’autres formes d’aide internationale.
    Je vais vous donner un exemple. JDH vient tout juste de mettre un terme à un programme qu’il menait depuis cinq ans, au Libéria. Le programme intitulé Good Governance Through Strengthened Media — qui pourrait se traduire par la bonne gouvernance par le renforcement des médias — a été financé par le ministère du Développement international du Royaume-Uni. Dans le cadre de ce programme, JDH a travaillé avec un jeune journaliste de la presse écrite locale appelé Theophilus Seeton.
    Seeton voulait savoir pourquoi une école de la capitale du Libéria était toujours aussi délabrée malgré les millions que le ministère de l’Éducation recevait des donateurs internationaux. Dans cette école, les enfants devaient partager un pupitre à quatre et les enseignants n’avaient pas été payés depuis des mois. Lorsque le premier article de Seeton a été publié, le réseau de journalistes mis sur pied par JDH dans ce pays a repris la nouvelle. Dix autres articles ont suivi et ont démontré que le problème était systémique et qu’il s’étendait à tout le pays.
    Devant une telle couverture médiatique, la présidente du pays, Mme Ellen Johnson Sirleaf, a suspendu le ministre de l’Éducation et ordonné une enquête interne. Peu de temps après, elle congédiait son ministre pour faute de corruption et le remplaçait par un candidat plus responsable. Partout au pays, les écoles ont été remises à neuf, et les enseignants ont été payés. Un investissement ciblé dans la formation en matière de médias de l’ordre de 20 000 $ canadiens a donc permis de changer les règles du jeu pour toute une génération d’écoliers libériens. Qui plus est, les politiciens libériens auront appris une importante leçon sur la puissance du journalisme de surveillance: là où les médias exercent une plus grande surveillance, la corruption s’accompagne de conséquences graves. Les rayons du soleil sont vraiment le meilleur des désinfectants.
    En ce qui concerne le changement transformationnel au sein des collectivités et des pays, je veux souligner les répercussions que peut avoir sur la gouvernance la formation média fondée sur les trois thèmes prioritaires de la Stratégie de l’ACDI sur les enfants et les jeunes: la santé, l’accès à l’éducation ainsi qu’un avenir sûr et une sécurité accrue pour les enfants et les jeunes.
    Comme le montre l’étude du cas libérien, le travail de JDH auprès des journalistes locaux a permis de catalyser la mise au point de solutions appropriées à des problèmes locaux, des solutions dirigées, financées et contrôlées localement. En Sierra Leone, les journalistes formés par JDH ont enquêté sur des pannes de courant qui avaient une incidence sur l’unité des incubateurs pour nourrissons d’un des grands hôpitaux de Freetown, la capitale du pays. Or, l’unité fonctionne normalement depuis la publication de cette enquête, il y a quatre ans.
    Dans le sillage d’enquêtes dirigées par JDH, des cliniques ont pu engager des infirmières dans le nord du Ghana, et des médecins ont été envoyés dans des hôpitaux ruraux du Libéria, ce qui a permis d’assurer l’accès à des soins de santé de qualité à 325 000 personnes.
    Toujours sur le thème de la sécurité accrue des enfants, les enquêtes dirigées par JDH ont causé la fermeture de bordels d’enfants dans des camps de réfugiés, ont permis aux enfants victimes de viol d’obtenir justice dans la République démocratique du Congo et au Libéria, et ont forcé la tenue d’une vaste enquête policière sur la pratique répandue du viol d’enfants de la rue par des policiers à Dar es Salam, en Tanzanie.
    Ces résultats ont été obtenus d’une façon particulièrement économique et efficiente. Lors d’un déploiement sur le terrain, un instructeur moyen de JDH travaille avec un minimum de 20 journalistes à la fois. Ces journalistes peuvent en moyenne rejoindre un auditoire de 20 000 personnes ou plus. Par conséquent, les effets réels des investissements consacrés au développement vont donc bien au-delà des seules personnes qui auront été formées directement. Dans le domaine du développement des médias, ce phénomène s’appelle l’effet multiplicateur.
    Autre exemple: quand nous travaillons avec l'Agence canadienne de développement international à un projet en Sierra Leone, la valeur totale du projet était de 200 000 $ canadiens, sur deux ans. Avec cet investissement de 200 000 $, 4,9 millions de Sierra-Léoniens ont pris connaissance de nos histoires sur les problèmes liés au bien-être de l'enfant. Cela vous donne une idée du pouvoir que nous mettons à votre disposition quand vous travaillez avec le développement des médias.
    Ces exemples mettent aussi en évidence un autre corollaire primordial du développement des médias. Comme le dit l’un de nos partenaires libériens, le rédacteur en chef Rodney Sieh, investir de l’argent et donner de la formation pour la mise sur pied d’un réseau de journalistes capable de surveiller l’utilisation des fonds reçus pour le développement est l’un des seuls moyens qu’ont les organismes donateurs d’exercer un certain contrôle sur la façon dont l’aide est utilisée une fois qu’elle est rendue au pays. Ceci permet peut-être de comprendre pourquoi de plus en plus d’organismes donateurs — comme le USAID ou le ministère britannique du Développement international ou l’Agence suédoise pour le développement international, pour ne nommer que ceux-là — investissent des millions de dollars dans le développement des médias: c’est une façon novatrice, efficace, puissante et viable d’assurer une meilleure transparence dans le domaine de l’aide et d’améliorer le développement proprement dit.
    Nous investissons de façon directe dans une formation qui améliore aussi la qualité de l’enseignement du journalisme dans le cadre de programmes cibles. Dans des milieux où l’enseignement du journalisme est, trop souvent, péniblement théorique, nous mettons en place des réseaux de stages entre les écoles, les établissements et les praticiens, et nous fournissons des investissements névralgiques pour la création d’occasions de mentorat, de bourses d’études et de bourses de recherche. Ces programmes proposent des parcours extrêmement importants pour permettre aux jeunes de réaliser leur plein potentiel dans les médias et les communications.

  (1640)  

    Voici un autre exemple. Toujours au Libéria, nous avons travaillé avec un jeune journaliste particulièrement talentueux et plein d’ambition appelé Nathan Charles. Charles s’est intégré à notre programme de formation local. Il s’est servi des compétences et de l’expérience que le programme lui a permis d’acquérir pour décrocher la direction du bulletin de nouvelles locales du Liberian Broadcasting System. L’an dernier, Charles a supervisé le lancement de la première diffusion en 22 ans d’un bulletin de nouvelles de fin de soirée pour cette chaîne. Cet homme a une influence certaine sur l’opinion publique. Le bulletin de nouvelles reflète le point de vue et la jeunesse de Charles puisqu’il met souvent l’accent sur l’éducation, l’accès à l’emploi et d’autres préoccupations propres aux jeunes Libériens de tout le pays.
    Les changements transformationnels que JHR constate à ce jour nous indiquent que l'intervention des médias canadiens offre énormément de potentiel au Canada, pour qu'il devienne un leader international en matière de sécurité et de bien-être des enfants et dans bien d'autres dossiers.
    À la lumière des expériences de JDH, nous aimerions faire deux recommandations au comité.
    Premièrement, nous invitons le comité à examiner les raisons stratégiques qui ont mené à un consensus international au sein d’autres organismes d’aide internationaux — dont le ministère britannique du Développement international, l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme, USAID, l’ACDI, l’Agence danoise pour le développement international, la GIZ allemande (ou Deutsche Gesellschaft fuer Internationale Zusammenarbeit), UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour la démocratie et d’autres — pour ce qui est de la grande importance à accorder au financement des initiatives de développement des médias qui priorisent les droits des enfants et d’autres thèmes.
    Deuxièmement, nous invitons le comité à envisager un scénario où le Canada emboîterait le pas, en particulier quand il est question de stratégies de protection des enfants et des jeunes, les sans-voix les plus vulnérables de ces sociétés. Nous nous fondons sur le principe selon lequel il est beaucoup plus rentable, habilitant sur le plan local et viable de former des journalistes locaux pour veiller à ce que les droits des enfants et des jeunes soient respectés par les gouvernements et les fournisseurs de services locaux que d’intervenir sur le terrain pour faire en sorte que ce soient les militaires canadiens, les ONG ou les ONGI qui fournissent ces services directement. Cet argument est particulièrement pertinent, compte tenu de la quantité phénoménale de ressources dont dispose le Canada en matière de médias.
    Le Canada a formé certains des meilleurs journalistes au monde. Nos journalistes expatriés comprennent Peter Jennings, qui est à ABC, Lyse Doucet, à la BBC, Malcolm Gladwell qui écrit dans le New Yorker et Morley Safer qui est à l’émission 60 Minutes. L’alignement d’instructeurs actuel de JDH comprend certaines des personnes phares du journalisme au Canada : Lisa LaFlamme, de CTV; Iain Marlow, du Globe and Mail, et l’ancien rédacteur en chef de ce journal, John Stackhouse; le rédacteur en chef du Toronto Star, Michael Cooke; l’ancienne VJ de MuchMusic, Jennifer Hollett; Alison Crawford, de la CBC et bien d’autres encore.
    Étant donné la qualité exceptionnelle des journalistes et de l’éducation journalistique dans notre pays, nous voyons une occasion unique pour le Canada de devenir un leader mondial dans ce domaine, et d’avoir une incidence transformationnelle, par l’entremise des médias, sur certains aspects de gouvernance aptes à faire avancer la cause du bien-être des enfants dans les pays en développement.
    Merci de m’avoir donné la chance de m’adresser à vous aujourd’hui. Je serai heureuse de répondre à toutes vos questions.

  (1645)  

    Merci beaucoup, madame Pulfer.
    Nous allons maintenant écouter Mme Dale, qui a 10 minutes.
    Bonjour. Je suis Linda Dale, et je suis la directrice exécutive de Children/Youth as Peacebuilders, que nous appelons CAP.
    Premièrement, merci infiniment au comité de m'avoir invitée à parler du rôle du Canada en matière de protection des enfants. Je suis à la tête d'une petite organisation, et je suis reconnaissante de l'occasion que vous me donnez. J'aimerais aussi dire que, personnellement, je suis véritablement ravie d'être ici. Il est rare qu'on se fasse inviter pour dire au gouvernement du Canada ce qu'il devrait faire. C'est tout un cadeau. Je suis venue de la baie de Fundy pour ceci, alors je vous en remercie.
    Je vais commencer par vous donner de l'information sur CAP. Notre travail se concentre sur les contributions des jeunes à la consolidation de la paix dans les régions qui vivent des conflits actifs ou qui sont en transition vers la paix. Plutôt que d'être axés sur les services, nos programmes comportent leur participation directe. Ainsi, on peut dire que c'est presque un programme de leadership des jeunes et qu'ils donnent beaucoup de leur temps. Un jeune Colombien m'a dit, un jour: « Nous travaillons pour l'avenir que nous voulons, plutôt que pour l'avenir qu'ils nous donnent. » La plupart des jeunes qui participent aux activités et aux programmes de CAP ont été touchés directement par la guerre ou par un conflit actif.
    Nous existons depuis 14 ans environ, et nous avons travaillé avec des jeunes de nombreux pays. La première étape de notre travail prend toujours la forme d'un projet de recherche participative, ce qui permet de comprendre la situation à travers le prisme de l'expérience des jeunes, car nous voulons connaître les différentes et les points forts de leurs perspectives sur le monde. Comme nous le savons, cette perspective est souvent différente de la façon dont les adultes comprennent leur monde. Nos projets se sont aussi fondés là-dessus.
    Ceci soulève une question d'ordre stratégique concernant le travail de protection des enfants sur lequel le comité se penche probablement. On convient généralement qu'une approche axée sur les systèmes est une façon plus efficace de faire du travail de protection des enfants, particulièrement dans le cadre de grandes initiatives. CAP serait d'accord, mais franchement, nous ne faisons pas cela, en pratique. C'est en partie à cause de la taille de notre organisation, qui est très petite. C'est aussi parce que nous travaillons très directement avec les jeunes, et que les jeunes veulent habituellement se concentrer sur des problèmes concrets qu'ils estiment avoir des répercussions sur leurs vies en ce moment même, plutôt que d'envisager une approche plus généralement axée sur les systèmes. Ils estiment que c'est ainsi qu'ils contribueront le mieux à des changements positifs.
    En travaillant, les jeunes voient généralement comment les choses sont liées entre elles, mais leur façon de travailler et leur approche sont normalement plutôt axées sur les problèmes. Personnellement, je comprends qu'une approche axée sur les systèmes est plus efficace de bien des façons, car elle est plus complète. Cependant, je sais que certains problèmes, surtout pour les enfants dans les situations de conflit, ont des caractéristiques très uniques et exigent de ce fait des interventions spéciales.
    Je dirais donc probablement au comité que les deux approches sont nécessaires. Oui, il est très important d'avoir une approche axée sur les systèmes, mais certains problèmes requièrent une attention particulière.
    Depuis quelques années, CAP concentre une grande partie de son attention sur la protection des enfants et des jeunes sur le plan de la violence sexuelle et des mariages forcés. Dans cette optique, nous avons récemment produit un portrait collectif du système de mariage forcé de l'Armée de résistance du Seigneur, dans le nord de l'Ouganda. Je vais utiliser certains renseignements tirés de ce portrait collectif comme point de référence pour me concentrer principalement sur les mariages précoces et les mariages forcés, ainsi que sur la violence sexuelle dont les jeunes sont victimes, surtout dans les situations de conflit.
    Je vais commencer par rappeler à tous pourquoi nous faisons ce travail et pourquoi il est important. Quand nous faisions ce travail avec les filles, elles s'inquiétaient de la protection de la vie privée. Elles se préoccupaient beaucoup de la sécurité. Nous leur avons donc demandé de produire des masques qu'elles ont colorés en fonction de leurs pensées et de leurs sentiments, alors qu'elles étaient dans la brousse, avec l'ARS. Je vais vous lire une des interprétations.
    Il s'agit de Vicky, qui dit:
Je suis Vicky. Je veux expliquer les différentes couleurs et les plumes que j'ai mises sur mon masque.

Le bleu représente l'époque où j'étais encore à la maison. J'étais vraiment heureuse avec ma famille, et j'aimais notre vie, ensemble. Le jaune représente la cruauté — parce que c'est par cruauté que l'ARS est venue me chercher pour m'emmener dans la brousse.

Le noir représente cette époque. Je vivais dans l'obscurité: je pensais ne jamais en sortir. Le rouge, c'est quand je me déplaçais avec l'ARS; tout le danger. C'est tout le sang qui a coulé, tous les morts, toute la souffrance. J'ai mis le rouge pour ça.

Puis il y a le haut de mon masque, qui est couvert de plumes, surtout vertes, et où se trouve un papillon. C'est quand je me suis envolée pour retourner chez moi, comme un papillon. Je pense maintenant qu'il y aura beaucoup de bonnes choses dans ma vie. J'ai l'impression d'avoir une nouvelle vie.

  (1650)  

    Vicky était entre les mains des rebelles pendant huit ans. Elle envisage l'avenir avec beaucoup d'espoir.
    Je recommanderais de voir ce que nous pouvons faire pour aider les jeunes à se protéger de ces abus — ou de voir si nous pouvons contribuer à ce que cela soit possible — et aussi de les aider à faire la transition à leur nouvelle vie.
    Pendant que je vous parle, je vais lancer un très court diaporama, d'environ deux minutes. J'espère que les diapos ne vous empêcheront pas de m'écouter. Il s'agit de diapositives des masques que les filles ont fabriqués. Comme j'aime bien le dire, chaque masque a une signification très complexe. Nous n'avons pas le temps de tous vous les montrer, mais je vais vous parler brièvement de celui-ci. Les filles ont dit qu'elles ont mis du rouge ici parce qu'elles voulaient dire ceci: « Voici notre rouge à lèvres, et nous sommes très heureuses parce que nous allons maintenant avoir une nouvelle vie. »
    Ma première recommandation serait de monter des programmes communautaires — notamment de petits programmes d'intervention rapide visant à financer des efforts de protection des enfants, qui seraient établis et exécutés à partir des ambassades canadiennes. Les fonds pourraient servir à protéger les enfants de la région, tant en s'occupant des cas urgents qu'en s'attaquant aux problèmes émergents bien propres à la région. Au Canada, souvent nous ne savons pas ce qui se passe, mais les gens qui travaillent dans les ambassades sont bien informés des problèmes. Ils peuvent rapidement venir en aide aux personnes concernées. De tels programmes seraient vraiment utiles.
    Il sera primordial d'établir des paramètres bien clairs pour ces fonds, des paramètres axés sur la protection des enfants. Je recommande de seulement affecter ces fonds à des organisations communautaires nationales ou à des organisations régionales.
    Deuxièmement, je recommande que le Canada soutienne des programmes qui favorisent la résilience et le leadership des jeunes femmes qui ont fui des mariages forcés ou qui ont survécu à de la violence sexuelle. Un des éléments importants de ces programmes devrait être d'offrir des services de santé sexuelle et reproductive pour aider les filles à se remettre des effets physiques et émotionnels de ces abus. Par exemple, la majorité des filles à avoir été enlevées par la LRA étaient âgées de 11 à 14 ans; c'était l'âge préféré de ces hommes. Ces filles ont été violées à maintes et maintes reprises, et beaucoup d'entre elles portent encore des cicatrices de ces viols. Elles sont souvent atteintes de MTS et, honnêtement, les jeunes femmes qui retournent dans leur collectivité risquent d'être la proie des hommes, étant donné qu'on les considère comme étant gâchées. Il faut donc mettre en place des programmes pour raffermir leur santé et renforcer leur estime de soi d'une façon qui les encourage à se protéger et à prendre des décisions positives.
    Troisièmement, ces programmes devraient comporter un volet de soins maternels. La plupart des filles qui ont été forcées à se marier ont aussi été forcées de devenir enceintes, même si elles étaient très jeunes. Ces jeunes mères ont besoin d'aide, surtout une fois qu'elles se trouvent à l'extérieur d'un milieu contrôlé où toutes leurs actions sont surveillées. Compte tenu des préjugés associés à la violence sexuelle, elles ne peuvent pas toujours compter sur l'aide de leur famille.
    L'éducation est un élément important. Encore une fois, je vais donner un exemple de la guerre dans le nord de l'Ouganda. Beaucoup de filles ont été gardées en captivité pendant sept ou huit ans, peut-être même plus. Elles ont perdu les compétences sur le plan de la lecture et de l'écriture qu'elles avaient avant d'être enlevées. Elles n'ont pas été dans un environnement scolaire depuis bien longtemps, donc cela les effraie beaucoup. Elles ne savent pas comment s'y prendre. Il ne suffit donc pas de leur donner l'occasion de retourner à l'école; il faut aussi leur donner des cours de rattrapage.
    Le leadership et la citoyenneté sont d'autres éléments importants. Les filles qui ont survécu à ces situations ont énormément de résilience. Les programmes ont tendance à oublier cela et à les considérer comme des victimes et à favoriser la passivité. Les filles s'en plaignent sans cesse. Nous devrions, au contraire, leur donner des occasions d'apprendre quels sont les devoirs d'un citoyen dans la société civile et de renforcer leurs capacités et aussi leur suggérer des façons de contribuer à leur collectivité. Selon moi, ceci est particulièrement important pour les filles qui ont été forcées de se marier et les enfants qui sont nés en captivité, du fait qu'ils sont souvent repoussés dans leur milieu.
    Cela m'amène à ma quatrième recommandation, soit l'enregistrement des naissances. Je suis certaine que d'autres vous ont dit combien c'est important. C'est un élément fondamental en matière de protection des enfants.

  (1655)  

    J'aimerais parler d'aspects de l'enregistrement des naissances qui, à mon avis, sont importants, surtout dans les pays africains et d'autres encore où des conflits se sont produits.
    Quand des filles ont des enfants dans des situations de ce genre, généralement, ces enfants ne sont pas enregistrés. Par conséquent, il est très important de le faire dès qu'ils rentrent à la maison. Dans les pays africains, du moins ceux dans lesquels j'ai travaillé, il existe deux niveaux de citoyenneté. Il faut en tenir compte. Il n'y a pas seulement la citoyenneté nationale officielle, mais aussi la citoyenneté de la tribu qui, normalement, dépend du père. Malgré le fait que les filles dans le nord de l'Ouganda ont passé huit ans avec des hommes, souvent elles ne connaissent pas leur nom. Elles n'ont pas le droit de connaître leur nom. Par conséquent, quand elles rentrent à la maison, les leaders des tribus ne reconnaissent pas ces enfants sans connaître le nom du père. Il faudra se pencher sur cette question.
    Cela ne diminue en rien l'importance de l'enregistrement des naissances à l'échelle nationale. C'est simplement que, quand nous faisons ou appuyons ce travail très important, il faut s'assurer d'en comprendre les complexités.
    Sur le plan de la prévention et des politiques, j'aimerais faire deux grandes recommandations. Premièrement, j'espère que le Canada poursuivra et redoublera ses efforts en vue d'abolir les mariages précoces et forcés et de faire de cette pratique — qui touche la vie de tant de jeunes filles — une pratique inacceptable et décriée universellement.
    J'aimerais ajouter qu'il est très important de poursuivre la campagne de sensibilisation visant à mettre en lumière le fait que, si une personne ne contracte pas mariage de son libre et plein consentement, il s'agit d'un mariage forcé et donc d'une violation de son droit à la liberté. La Convention relative aux droits de l'enfant critique aussi cette pratique, surtout dans l'article qui stipule que les enfants ont le droit d'avoir leur mot à dire dans les décisions qui ont des répercussions sur leur avenir. Bien sûr, dans des situations de conflit, les enfants sont privés de ce droit.
    Je pense qu'il serait utile pour le Canada d'avoir une meilleure connaissance des pratiques en matière de mariages précoces et forcés, et ce, dans divers contextes et diverses cultures. Cela augmenterait notre crédibilité et notre capacité de parler avec autorité au sujet des racines de ces pratiques et de leurs répercussions sur l'égalité des sexes et les droits des filles.
    Deuxièmement et dernièrement, il serait très important de faire le lien entre les mariages forcés et la violence sexuelle. D'après ce qu'on me dit, en général, on présente un nombre impair de recommandations. Par conséquent, je vais en formuler une autre et simplement dire qu'il serait très important que tous les programmes prévoient la participation des jeunes.
    Cela ne veut pas dire que les jeunes doivent être chargés de leur propre protection. Toutefois, si nous, les adultes, les privons de cela sans qu'ils puissent être en mesure de se soutenir et de soutenir ceux qui les entourent, au lieu de se sentir plus forts, ils se sentiront plus vulnérables.
    Voilà mes recommandations.
    Je sais que vous avez probablement entendu beaucoup de témoins, en plus de mes deux collègues. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Voici ce que nous allons faire. Je crois que la sonnerie va retentir dans deux minutes, environ. Par conséquent, il me faudrait obtenir le consentement unanime pour procéder à une série de questions de cinq minutes par parti. Seriez-vous d'accord pour faire cela?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Parfait. Allons-y.
    Nous commencerons par entendre M. Dewar, puis nous procéderons dans ce sens en terminant par M. Garneau.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins.
    Monsieur Gillespie, vous avez fait un exposé assez détaillé. Je comprends votre point de vue et la manière dont vous avez intégré les choses. Par conséquent, ce n'est pas que je ne m'intéresse pas à ce que vous avez dit — je veux reconnaître le fait que vous avez fait un très bon survol de ce que vous faites. Je fais aussi remarquer que vous avez décrit le modèle dont les gens parlent comme approche universalisée pour l'après 2015. Il ne s'agit pas de seulement regarder ce qui se fait à l'étranger, mais nous devons aussi voir ce qui se fait au pays. À mon avis, vous nous avez donné une bonne idée de la situation actuelle.
    J'aimerais maintenant m'adresser à nos deux autres témoins.
    Dans le cas de beaucoup des conflits actuels, il s'agit de sociétés et de cultures où la majorité des habitants sont des jeunes. Je pense notamment à la République centrafricaine et au Soudan du Sud.
    Dans ces deux pays — et il y en a beaucoup d'autres, vous en avez donné quelques exemples —, un des défis consiste à faire en sorte que les normes reflètent les changements nécessaires. Parmi ces normes, il y a le silence et le manque de crédibilité des jeunes, qui n'ont pas de voix — vous en avez parlé tous les deux. Il est difficile de protéger les enfants quand ils ne sont ni vus, ni entendus. En fait, il existe des enfants invisibles, comme on l'entend dire souvent, et comme nous l'avons vu au Nigeria.
    Ma question s'adresse à vous deux. Je la pose parce que je ne sais pas si nous faisons bien les choses au Canada. Quels mécanismes pourrions-nous mettre en place pour que les enfants puissent avoir une voix autour de la table? Si vous avez des exemples, pourriez-vous nous en parler? Mme Pulfer nous en a déjà donné un. J'aimerais aussi savoir dans quelle mesure cela est lié à des démarches de l'ONU.
    Je vous laisse toutes les deux répondre à cette question. Comment pouvons-nous faire en sorte que la voix des enfants soit entendue? Vous avez toutes les deux abordé la question. Si nous allons parler de protection des enfants, il ne suffira pas de le faire de façon paternaliste. Nous devrons vraiment inviter les enfants à participer à la discussion.

  (1700)  

    C'est une excellente question.
    Un des éléments absolument essentiels de la formation que nous donnons, c'est de dire aux journalistes de demander à ceux qui sont directement touchés par l'objet de leur reportage et à ceux qui travaillent en première ligne de leur parler de leurs expériences.
    Je vais vous donner un exemple. La dernière fois que j'étais en Sierra Leone, j'ai lu trois articles sur l'épidémie de grossesses chez les adolescentes dans les écoles d'un bout à l'autre du pays, dues en partie à des viols commis par des ex-combattants. Aucun des articles ne citait une adolescente. J'ai dit aux formateurs que nous devons faire en sorte que les journalistes comprennent qu'il faut parler aux gens qui sont directement touchés par ces problèmes de façon à ce que leurs articles tiennent compte d'abord et avant tout du point de vue de ces personnes.
    Nous avons mis au point une méthode de formation pour les journalistes en vertu de laquelle, le plus important, c'est d'adopter une approche participative. Cela veut dire qu'ils doivent parler d'abord à ceux qui sont directement touchés, et ce, d'une façon qui respecte leur vie privée et leurs droits.
    Évidemment, notre objectif premier, c'est de ne pas faire de mal à qui que ce soit. L'objectif, c'est de faire entendre ces voix, de faire connaître leurs expériences, de faire en sorte que ces problèmes aient un visage humain pour que les gens commencent à se soucier de ces enfants et que leurs problèmes ne soient pas simplement des statistiques, mais des tragédies bien réelles. Ensuite, c'est à la collectivité en question de se rassembler pour décider de reconnaître l'existence du problème et de prendre des mesures pour le régler.
    À maintes et maintes reprises, nous avons atteint cet objectif en raison d'un autre élément clé de notre formation, soit la responsabilisation. Nous ne veillons pas seulement à ce que ces voix soient entendues ou qu'il en soit question dans des reportages. Nous exhortons aussi les autorités à comprendre leurs obligations juridiques dans la situation en question et à tenir des discussions publiques et constructives visant à trouver la meilleure façon de résoudre le problème.
    Nous n'encourageons pas les journalistes à simplement publier des diatribes sur les grossesses chez les adolescentes ou les mariages précoces, ou quelque problème que ce soit. Nous les encourageons à proposer des solutions et à assumer un rôle de leadership dans les milieux où les gouvernements sont très instables et ne savent souvent pas vraiment quelle pourrait être une solution convenable. Souvent les gouvernements apprécient le fait que les journalistes font preuve de leadership et proposent des façons constructives d'exhorter la société civile et le gouvernement à résoudre ce problème.
    À maintes et maintes reprises, nous avons vu que lorsque c'est un journaliste crédible de la région concernée qui rapporte un incident et que c'est un problème de la région qui fait l'objet d'un reportage, les autorités de cette région se chargent du problème en vue de le régler. C'est là que le gouvernement travaille pour les gens de la région dans l'objectif de protéger les enfants.
    Voilà un exemple.

  (1705)  

    Merci beaucoup.
    Je suis désolé, c'est tout le temps que nous avions. Nous pourrions y revenir.
    Monsieur Anderson, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    J'aurais bien voulu avoir un peu plus de temps avec vous, mais je vous remercie de vos présentations. Nous allons les utiliser dans la préparation de notre rapport à ce sujet.
    Monsieur Gillespie, nous avons reçu un appui enthousiaste de certains témoins précédents de l'unité de protection de l'enfance du MAECD pour cet engagement de 3 millions de dollars afin de mettre en oeuvre des normes minimales pour la protection des enfants. Avez-vous eu la chance de travailler avec cette unité jusqu'à maintenant? J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
    Le prochain week-end de mai, KINSA célébrera son 10e anniversaire. Nous sommes un très petit organisme de bienfaisance. Nous n'avons jamais réussi à obtenir de financement fédéral pour ce que nous faisons. Tout notre financement vient de nos levées de fonds. Les gens changent de côté de rue lorsqu'ils me voient arriver. C'est bien simple. J'espère seulement qu'à un moment donné, les gens vont reconnaître la valeur de ce que nous faisons, parce que nous faisons beaucoup de bien. Je crois qu'il y a de nouveaux processus en place. On commence à communiquer sur des ressources potentielles, sur des sources de financement qui pourraient s'ouvrir, donc nous sommes prêts à écouter tous vos conseils pour essayer de tout faire un peu plus et un peu mieux que nous n'arrivons à le faire maintenant.
    J'aimerais plutôt que ce soit vous qui nous donniez des conseils. Nous essayons de faire adopter des lois nationales pour favoriser des projets de lutte contre la cyberintimidation. Pouvez-vous faire le lien entre l'application nationale de ces lois et les initiatives mondiales auxquelles notre gouvernement pourrait participer? Je suis conscient que nous aurons du mal à faire appliquer nos lois au-delà de nos frontières, mais comment pouvons-nous faire preuve de leadership?
    Nous travaillons au Canada à prendre des mesures pour protéger nos propres enfants, mais que recommanderiez-vous au gouvernement canadien pour que cette protection dépasse nos frontières?
    Nous suffit-il d'investir dans le genre de programmes que vous offrez ou devrions-nous en faire plus sur le plan législatif?
    Premièrement, le Canada a parmi les meilleures lois au monde contre l'exploitation des enfants et la pornographie juvénile. Quand je voyage dans le monde, dans presque tous les pays où je vais, on me demande un exemplaire du Code criminel. Nos homologues étrangers veulent reproduire chez eux les éléments qui leur manquent. Il y a donc beaucoup de bien dans ce que nous faisons.
    Il y a beaucoup de liens directs, particulièrement entre la cyberintimidation et les autres formes de maltraitance. L'exploitation hors ligne devient rapidement de l'exploitation en ligne, et les victimes de cyberintimidation et d'intimidation en général sont très susceptibles de devenir victimes d'autres formes de maltraitance. Je pense qu'il y a beaucoup de liens directs entre ces phénomènes.
    Pour ce qui est de ce que le gouvernement actuel fait, je dirais qu'il y a beaucoup de choses que vous faites bien. Je voudrais seulement souligner qu'il n'y a qu'un Internet. Il y a environ 200 000 voyous au Canada qui s'échangent de la pornographie juvénile, et la police canadienne arrête chaque année environ 500 personnes. Elle fait de son mieux.
    Il faut en quelque sorte unir nos forces pour trouver une solution. Nous devons tous unir nos efforts jusqu'à ce que des gens plus brillants que nous trouvent une solution. Nous devons travailler ensemble. Plutôt que d'essayer de les former de A à Z, pensons aux dizaines de milliers de cyberpoliciers vraiment futés qui existent dans le monde. Ils ont des diplômes universitaires, mais ils ne travaillent tout simplement pas dans ce domaine. On leur dit de lutter contre le vol de cartes de crédit, par exemple. Fournissons-leur l'information dont ils ont besoin pour mener ce genre d'enquête, incitons-les à se joindre à une équipe internationale, et les résultats seront exponentiels.
    Je n'ai déjà presque plus de temps.
    Madame Dale, vous travaillez partout dans le monde, dans différents théâtres de conflits. On entend souvent dire que ceux qui offrent ce genre de programmes se trouvent souvent eux-mêmes dans des situations difficiles. Pouvez-vous nous parler un peu des principales difficultés auxquelles on est confronté quand on essaie de protéger les enfants dans des endroits où le personnel et les membres de l'organisation eux-mêmes ne sont pas particulièrement en sécurité?
    Madame Pulfer, cela pourrait s'appliquer à vous aussi. Comment protégez-vous votre propre personnel quand vous essayez de travailler dans ces contextes très difficiles?
    Les employés de M. Gillespie sont des policiers. Ils jouissent souvent de ce genre de protection, mais que fait votre personnel et comment lui apprenez-vous à faire preuve de prudence?
    Madame Dale, vous avez 60 secondes.
    Je dois dire que nous travaillons directement avec des gens de l'endroit, donc nous n'avons pas de personnel là-bas. Tout ce que nous pouvons vous dire, c'est que ces personnes comprennent la situation bien mieux que nous. On me dit souvent, après coup: « Oh! saviez-vous que telle chose avait lieu? » Il faut lire beaucoup pour comprendre ce qui se passe. Je pourrais continuer, mais je ne pense pas en avoir le temps.

  (1710)  

    Vous avez encore 15 secondes si vous voulez ajouter quelque chose.
    Mme Linda Dale: Ah! si j'avais su!
    Nous avons différentes stratégies. Notre méthode de développement des médias commence vraiment à petite échelle, ce qui signifie que nous envoyons des formateurs travailler de pair avec les journalistes. Ils ne peuvent pas être crédibles et gagner la confiance du secteur s'ils n'utilisent pas les transports en commun locaux pour se déplacer et recueillir des témoignages. Quand les journalistes se promènent dans une grosse voiture blanche et qu'ils demeurent dans une villa climatisée, il y a un problème de crédibilité dès le départ. Il faut d'abord embaucher des gens comme Bonnie Allen, de CBC Saskatchewan par exemple, qui a été formatrice dans le cadre de notre programme pendant plusieurs années au Libéria, qui a une formation en journalisme de guerre du RCAT et qui savait comment se débrouiller en théâtre de conflit, ou Lisa LaFlamme, qui s'est rendue dans pratiquement toutes les zones de conflit connues de notre temps.
    Nous sélectionnons donc les candidats avec soin, puis nous travaillons avec les services de sécurité locaux. Nous avons des contacts dans les services de sécurité locaux qui savent qui nous sommes et ce que nous faisons et qui nous appuient dans les situations potentiellement instables ou initialement instables. Notre modèle est toujours de travailler avec le centre de ressources des médias local et par son intermédiaire, un centre qui a le respect des services de sécurité et du gouvernement et à qui le gouvernement prête l'oreille lorsque les choses dégénèrent un peu.
    Merci. C'est tout le temps que nous avions, nous avons même un peu débordé.
    Nous allons finir par M. Garneau, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Gillespie. Je vous félicite de toutes les réussites de KINSA. Je comprends très bien ce que vous dites sur l'excellence de la formation de la cyberpolice.
    Permettez-moi de vous poser une question naïve. Tout cela passe par Internet. Sans Internet, je présume que le problème disparaîtrait. Cependant, nous croyons tous à un Internet ouvert et universel. Y a-t-il des gens qui font un travail semblable au vôtre qui ont soulevé le fait que les fournisseurs de services Internet ont une part de responsabilité ou qu'ils doivent assumer une part de responsabilité pour restreindre ce qui est accessible à la population? Ce serait sûrement une façon d'étouffer une partie de ce matériel.
    Oui, certainement. Il y a deux volets à cela.
    D'abord, pour ce qui est de l'Internet, parlons un peu des pays en développement. Il y a environ 50 millions de personnes qui vivent en Afrique du Sud. Environ 14 ou 15 % des gens y ont accès à Internet de leur domicile. J'ai lancé le chiffre de 200 000 voyous au Canada. En Afrique du Sud, il y aurait 9 000 suspects. De par sa population et sa pertinence, c'est pourtant un pays très semblable au Canada. Je vous donne cet exemple parce que tout dépend de l'accès à un ordinateur à domicile, mais tout le monde a un téléphone mobile de nos jours, surtout dans les pays en développement.
    Je crois fermement que le principal mode de transmission de ces images est l'échange de fichiers ou les réseaux d'homologues, un peu comme nous et nos jeunes téléchargeons de la musique. Je suis persuadé que les fournisseurs de services pourraient participer un peu plus aux discussions, parce que la réalité est telle qu'ils facilitent notre accès à ces choses.
    Je crois que vous faites valoir un excellent argument. La technologie est là pour étouffer, empêcher ou réprimer la distribution de ce matériel horrible — choisissez le mot que vous voulez —, et je pense que nous sommes bien loin de faire tout ce que nous pouvons. Je serais à 100 % derrière cette initiative, avec raison.
    Je pense que c'est une excellente question.
    Merci.
    Ma deuxième question s'adresse à Mme Pulfer. Le Canada a investi beaucoup dans les vies perdues en Afghanistan et beaucoup aussi dans l'aide au développement de certains aspects du pays. Je serais curieux de savoir si votre organisation est intervenue en Afghanistan, si vous y avez rencontré des journalistes, si vous y avez transmis certaines des valeurs auxquelles vous adhérez. Avez-vous été présents en Afghanistan?
    Non, nous ne sommes jamais allés en Afghanistan. Nous travaillons actuellement de manière très productive avec une femme, dans le nord de l'Ontario, qui a participé à des projets de développement des médias régionaux en Afghanistan. Elle donne de la formation dans des communautés autochtones, nous prêchons donc par l'exemple chez nous.
    Lorsque la situation en Afghanistan a explosé, nous nous sommes dit que nous serions plus utiles après le conflit, et pendant l'essentiel de la période que le Canada a passée en Afghanistan, c'était une zone de conflit intense. Nous avons préféré investir nos ressources dans des contextes où la guerre est à toutes fins pratiques terminée et où l'on reconstruit une région qui a complètement été détruite. Nous continuons aussi de suivre la situation ailleurs dans le monde pour voir où notre intervention pourrait être la plus efficace.
    Nous envisageons actuellement de nous engager au Soudan du Sud. Nous travaillons sans relâche à évaluer les besoins au Soudan du Sud depuis trois ans, et nous avons l'impression que nous y aurions la possibilité de travailler avec les médias indépendants. En revanche, dans le cas de l'Afghanistan, différents facteurs sont entrés en ligne de compte, dont la barrière de la langue et les coûts exponentiels de la sécurité qu'il aurait fallu absorber selon notre modèle dans ce contexte. Nous avons donc décidé de ne pas y aller.

  (1715)  

    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je remercie infiniment nos témoins d'être venus aujourd'hui et d'avoir su s'adapter à notre horaire de votes. Vous êtes libres.
    Très rapidement, je dois demander au comité d'adopter un budget pour offrir le déjeuner à notre témoin:
Que la greffière du comité prenne les dispositions nécessaires et que les fonds requis soient alloués du budget d'hospitalité du comité pour le déjeuner avec le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, António Guterres, le jeudi 29 mai 2014.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Très bien. Merci beaucoup.
    Je vous remercie encore une fois. Sur ce, la séance est levée.
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