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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 015 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 mars 2014

[Enregistrement électronique]

  (1525)  

[Traduction]

    Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Nous sommes le mardi 4 mars 2014. Cette réunion est télévisée. Nous étudions les moyens de renforcer la protection des femmes dans notre système d'immigration.
    Vous noterez que le premier article de l'ordre du jour, Travaux du comité, dont nous nous occupons ordinairement à huis clos, porte sur notre budget. J'ai donc demandé à la greffière que cet article soit examiné en séance publique, à moins qu'il n'y ait des questions, auquel cas nous siégerions à huis clos. Ce budget devrait vous avoir été distribué.
    Quelqu'un veut-il proposer l'adoption du budget?
    Monsieur Shory, y a-t-il des questions ou des interventions?
    Ce budget vient-il de nous être présenté?
    Vous devriez l'avoir devant vous.
    Puis-je y jeter un coup d'oeil avant que nous passions au vote?
    Nous allons donc siéger à huis clos.
     [La séance se poursuit à huis clos.]

  (1530)  

    Mesdames et messieurs, nous avons quelques témoins qui nous aideront dans notre étude de la protection des femmes dans notre système d'immigration.
    Nous accueillons donc, de l'Agence des services frontaliers du Canada, Lesley Soper, qui s'adressera au comité pendant huit minutes. Elle est accompagnée de M. Geoffrey Leckey, directeur général de la Division des opérations relatives à l'exécution de la loi et du renseignement.
    Dans le même groupe de témoins, nous avons également, de la Gendarmerie royale du Canada, le surintendant Jean Cormier, directeur du Centre de coordination de la police fédérale.
    Je vous souhaite à tous la bienvenue.
    Madame Soper, la parole est à vous.
    J'aimerais remercier le comité d'avoir invité l'Agence des services frontaliers du Canada à participer à son étude sur les moyens de renforcer l'intégrité du Programme de parrainage du conjoint.
    Notre collègue de la Gendarmerie royale du Canada, le surintendant Jean Cormier, a accepté d'être présent aujourd'hui pour appuyer l'agence et pour répondre aux questions qui sont du ressort de la GRC.

[Français]

    Comme le comité l'a appris, Citoyenneté et Immigration Canada est le ministère responsable des politiques relatives au Programme de parrainage du conjoint ainsi que de la gestion du programme.

[Traduction]

    Grâce à ce programme, les citoyens et les résidents permanents du Canada peuvent parrainer des membres de leur proche famille afin de leur permettre d'immigrer au Canada. Pour qu'une demande au titre du regroupement familial soit acceptée, le répondant au Canada et le membre de sa famille qu'il parraine doivent tous les deux satisfaire aux exigences relatives à l'immigration prévues dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    La participation de l'ASFC à ce programme est limitée et précise. Une fois qu'un agent d'immigration a traité la demande d'une personne et a délivré un visa, on considère que la personne a satisfait aux exigences d'admissibilité pour entrer au Canada. Quand elle arrive à un bureau d'entrée, un agent des services frontaliers doit la diriger vers un deuxième examen pour faire valider ses documents, après quoi on lui accorde le droit d'établissement en tant que résidente permanente du Canada.
    Le seul autre moment où l'agence intervient dans le Programme de parrainage du conjoint, c'est lors d'un appel. Si une demande de parrainage du conjoint est refusée par Citoyenneté et Immigration Canada, le répondant au Canada a le droit d'en appeler de la décision. Aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, l'ASFC représente le ministre de Citoyenneté et Immigration Canada devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans de tels cas, et travaille en étroite collaboration avec l'agent d'immigration compétent pour obtenir et examiner le dossier et présenter la position du gouvernement devant la Commission.
    Maintenant que j'ai donné un aperçu du rôle que joue l'agence dans le processus de parrainage du conjoint, j'aimerais parler d'un aspect plus difficile de l'étude du comité: la vulnérabilité possible des époux et conjoints de fait parrainés.

[Français]

    L'un des objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est de faciliter le regroupement familial. Le processus de parrainage du conjoint est exposé aux abus quand des personnes contractent des mariages de mauvaise foi pour faciliter l'entrée au Canada.

[Traduction]

    Citoyenneté et Immigration Canada et l'ASFC comprennent que, pour lutter efficacement contre les mariages frauduleux, il faut prendre des mesures conjointes afin de dissuader les personnes qui pourraient autrement contracter un mariage de convenance pour contourner les lois d'immigration du Canada. Un « mariage de convenance » est un mariage ou une union de fait dont le but premier n'est pas la réunification d'un couple authentique.
    La législation canadienne de l'immigration offre à l'ASFC différentes options d'exécution pour lui permettre de combattre les cas présumés de mariage de convenance. L'agence peut renvoyer du Canada une personne qui fait de fausses déclarations sur sa propre situation ou si elle découvre que la personne parrainée n'a pas respecté la condition qui lui impose de vivre dans une relation légitime avec son répondant pendant une période d'au moins deux ans, comme l'exigent les nouvelles dispositions réglementaires.
    L'ASFC enquête sur les cas de mariage de convenance. Par suite de ces enquêtes, des accusations au criminel peuvent être portées pour fausse déclaration. En pareil cas, l'ASFC mène une enquête criminelle et recommande au Service des poursuites pénales du Canada que des accusations soient portées devant un tribunal pénal. L'ASFC enquête et peut demander le dépôt d'accusations en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés contre une personne qui conseille à une autre de faire de fausses déclarations sur sa propre situation.
    Les enquêteurs de l'ASFC se concentrent sur les cas possibles de fraude dans lesquels les deux parties tentent sciemment de contourner le système d'immigration. Dans certains cas, le répondant peut avoir reçu un avantage financier en échange du parrainage, ou il peut y avoir un organisateur ou un facilitateur qui s'occupe d'organiser de faux mariages à des fins d'immigration.

  (1535)  

[Français]

    L'ASFC enquête aussi sur les cas où un conjoint étranger a utilisé sa relation avec une personne canadienne dans le seul but d'obtenir un statut permanent au Canada. Toutefois, il est difficile d'enquêter sur ces types de cas en raison de la quantité limitée de preuves documentaires ou indépendantes disponibles pour corroborer les allégations de cette nature.

[Traduction]

    Toutefois, la question de la victimisation par un répondant violent va bien au-delà du mariage frauduleux dans le contexte de l'immigration. Bien que l'ASFC soit chargée de prendre des mesures d'exécution actives contre les résidents permanents et les ressortissants étrangers qui ont fait l'objet d'une déclaration de culpabilité donnant lieu à un rapport, elle n'a pas le mandat de mener des enquêtes criminelles dans les cas où de la violence conjugale est soupçonnée. Par contre, la police a le pouvoir dans ces cas de porter des accusations en vertu du Code criminel du Canada. Les policiers reçoivent une formation spéciale qui leur permet de traiter avec les victimes de violence et de collaborer avec les organismes de services sociaux ainsi qu'avec les agences et les ONG pouvant venir en aide aux victimes.
    Les organismes de services sociaux fournissent au besoin un abri et d'autres formes d'aide aux victimes. Beaucoup de leurs employés ont reçu la formation nécessaire pour aider les victimes de violence conjugale faisant partie de communautés d'immigrants.

[Français]

    Un autre sujet de préoccupation relatif à la possible vulnérabilité des époux et conjoints de fait parrainés est celui des mariages de mauvaise foi qui servent à dissimuler la traite de personnes.

[Traduction]

    
    La traite de personnes est un crime qui comprend le recrutement, le transport ou l'hébergement de personnes dans le but de les exploiter, habituellement dans le commerce du sexe ou pour du travail forcé. La responsabilité d'enquêter sur ces cas revient à la GRC. La traite de personnes et les activités connexes sont des actes criminels faisant l'objet d'infractions précises prévues dans le Code criminel du Canada et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. La traite de personnes ne doit pas être confondue avec la migration clandestine, qui consiste à faire entrer illégalement des personnes dans le pays. Les victimes de la traite de personnes sont toujours privées de leur liberté lorsqu'elles arrivent à leur destination, alors que les migrants clandestins sont libres d'aller où ils veulent après leur arrivée.
    Grâce à une orientation sur le terrain et à une formation en matière d'exécution de la loi, les agents de I'ASFC disposent de renseignements qui les aident à repérer et à intercepter les personnes soupçonnées de se livrer à la traite de personnes ou d'en être victimes. Chaque fois qu'un agent est en présence d'une situation où la traite de personnes est soupçonnée, il doit séparer la victime potentielle du présumé trafiquant, saisir et retenir tout moyen de transport, document ou autre article s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il a été obtenu ou utilisé frauduleusement ou de façon inappropriée, prendre des notes détaillées et informer son superviseur du cas dès que possible afin que l'information soit examinée et que des directives et du soutien soient donnés.
    L'agent doit ensuite communiquer à l'interne avec un agent régional du renseignement, qui coordonne alors la prise des autres mesures nécessaires avec tous les partenaires concernés de I'ASFC, comme la police locale et Citoyenneté et Immigration Canada.

[Français]

    La GRC mènera une enquête pour déterminer si, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ou du Code criminel du Canada, des accusations de traite de personnes peuvent être portées contre les présumés trafiquants.

[Traduction]

    CIC tient alors une entrevue avec la victime pour lui présenter les options d'immigration dont elle peut se prévaloir, et peut lui délivrer un permis de séjour temporaire valide pour une période maximale de 180 jours si une évaluation préliminaire révèle qu'il s'agit effectivement d'une victime de la traite de personnes. Elle est alors dispensée de payer les droits applicables au permis.
    Un permis de séjour temporaire de plus longue durée, ou un autre permis, peut être délivré quand une vérification des faits confirme qu'il y a des motifs raisonnables de croire que la personne est bel et bien une victime. Dans ce cas, les agents d'immigration lui donnent des conseils sur la façon d'obtenir un permis de travail, si elle souhaite travailler, et lui remettent de la documentation sur le Programme fédéral de santé intérimaire. Cette assistance est offerte pour une période maximale de 180 jours si les victimes n'ont pas d'assurance-santé ou ne peuvent pas elles-mêmes payer les services de santé dont elles ont besoin.

  (1540)  

[Français]

    Monsieur le président, malgré son rôle limité dans le programme de parrainage, l'ASFC est très sensible à la possibilité réelle que des personnes soient victimes d'individus qui contournent la loi.

[Traduction]

    À cette fin, l'agence restera vigilante afin de repérer et de signaler les cas possibles de violence conjugale. Elle continuera aussi d'appuyer les efforts stratégiques déployés par Citoyenneté et Immigration Canada pour veiller à ce que les nouveaux immigrants ne soient pas pris au piège dans des relations violentes parce qu'ils craignent la perte de leur statut d'immigration.
    Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
    Je vous remercie de votre exposé, madame Soper.
    M. Menegakis a quelques questions à poser.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais également remercier nos témoins de leur présence au comité aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de vos services. Nous sommes tous partenaires dans la lutte visant à empêcher l'entrée au Canada de ceux qui ont de mauvaises intentions ou qui veulent abuser de notre système d'immigration.
    Ma première question s'adresse aux représentants de l'ASFC. Pouvez-vous nous expliquer le processus suivi lorsqu'un agent de l'ASFC a des soupçons ou reçoit des renseignements relativement à un mariage frauduleux, un mariage forcé ou un cas de recours abusif au Programme de parrainage du conjoint?
    En vertu de la législation canadienne de l'immigration, l'ASFC peut recourir à différentes options d'exécution dans les cas de fraude soupçonnée, et notamment en cas de mariage de convenance. Ces options comprennent le renvoi du pays si la personne en cause a fait de fausses déclarations au sujet de sa propre situation ou ne s'est pas conformée aux conditions du parrainage.
    L'ASFC mène également des enquêtes et peut demander que des poursuites soient intentées en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés lorsque les deux parties ont participé sciemment à l'organisation d'un mariage frauduleux pour permettre à une personne d'entrer au Canada, comme dans les cas où le répondant a obtenu un avantage financier en contrepartie de son parrainage ou lorsqu'un organisateur ou un facilitateur a arrangé un faux mariage à des fins d'immigration.
    Je dirai, à des fins statistiques, que l'ASFC consacre près de la moitié de son budget d'enquêtes criminelles à des enquêtes sur l'immigration. Celles-ci tendent à être longues et complexes. Elles nécessitent beaucoup de ressources à cause de la difficulté d'obtenir des preuves. C'est pour cette raison qu'on ne recourt pas à une enquête criminelle dans tous les cas, surtout si une procédure administrative, comme le renvoi du Canada, peut avoir des effets équivalents. Nous concentrons les ressources réservées à cette fin aux contraventions sérieuses à la loi, lorsqu'il y a de bonnes chances d'obtenir les preuves nécessaires et que les probabilités de succès d'éventuelles poursuites sont jugées élevées.
    Voici quelques statistiques. Depuis le 1er avril 2010, la Division des enquêtes criminelles a reçu 392 rapports relatifs à des mariages de convenance. Sur ce nombre, 67 dossiers ont été ouverts et 34 demeurent actifs. Dans sept cas, des accusations ont été portées et, sur les cinq affaires renvoyées aux tribunaux, trois ont abouti à une déclaration de culpabilité et deux sont encore en cours.
    Je vous remercie.
    J'ai une question à poser au surintendant Jean Cormier. Nous savons que des crimes d'honneur ont été commis au Canada, le cas le plus récent étant le procès de la famille Shafia. Pouvez-vous nous donner sur cette affaire des renseignements qui puissent nous être utiles dans l'étude que nous avons entreprise? La GRC a-t-elle pris des mesures particulières pour combattre les crimes d'honneur?
    Oui, je peux vous parler de cette question. L'affaire Shafia, qui a eu lieu à Kingston, en Ontario, en 2009, est certainement une tragédie qui a sensibilisé les Canadiens aux crimes d'honneur. Auparavant, ces crimes n'étaient pas aussi largement reconnus au Canada. Par suite de ce drame, on s'est rendu compte du manque de formation des organismes responsables face à de telles situations. Quand on examine les circonstances de l'affaire, on constate que certaines des jeunes victimes s'étaient adressées aux autorités, et notamment aux services sociaux. Ces services les avaient renvoyées à leur famille parce qu'ils ne savaient pas exactement quelles mesures prendre.
    Dans ce contexte, la GRC a lancé un projet qui est actuellement en cours. Nous avons élaboré un programme de formation qui sera mis en oeuvre sous peu. En ce moment, il en est au stade du projet pilote, mais il sera étendu à l'ensemble de la communauté de mise en vigueur de la loi dans un proche avenir non seulement par la GRC, mais aussi par le Réseau canadien du savoir policier et par le Holland College. Le programme sera également mis à la disposition de tout le monde en ligne, pour que tous les intéressés puissent se renseigner sur le sujet: comment reconnaître le problème, comment l'affronter et quelles mesures prendre.
    La GRC participe également à d'autres initiatives telles que le groupe de travail dirigé par le ministère de la Justice qui essaie de trouver les lacunes de la législation actuelle et de déterminer ce qu'il est possible d'améliorer une fois le problème reconnu et ce qu'il est possible de faire dans les limites de la loi. Bref, différentes initiatives sont actuellement prises pour affronter le problème.

  (1545)  

    Est-ce que l'ASFC ou la GRC exerce une surveillance pour découvrir les cas possibles de mariage forcé?
    Dans le cas de la GRC, non. Nous n'exerçons pas une surveillance particulière, mais d'autres enquêtes peuvent nous mettre sur la piste de cas de cette nature.
    Du côté de l'ASFC, nous sommes conscients du problème des mariages forcés. Nous avons produit une fiche de renseignement sur cette question, que nous avons transmise aux intervenants de l'agence et de CIC, comme les agents des visas qui reçoivent les demandes initiales des couples à l'étranger.
    Nous avons également déterminé qu'un certain nombre de pays ont des taux élevés de mariages imposés à des ressortissants canadiens. Autrement dit, les mariages forcés sont associés à quelques pays étrangers, que je ne nommerai pas pour le moment.
    Merci, monsieur Menegakis.
    Madame Blanchette-Lamothe.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être présents parmi nous aujourd'hui. C'est un plaisir de vous recevoir.
    Tout d'abord, j'aimerais revenir sur certains termes que vous avez utilisés lors de votre présentation et au cours de vos réponses aux questions. Vous avez parlé de « mariage de convenance ». Selon vous, un mariage de convenance est nécessairement frauduleux. Est-ce exact?

[Traduction]

    Dans le domaine de l'immigration, nous appelons « mariage de convenance » une union contractée par des personnes à seule fin d'immigrer au Canada. Cette expression sert en particulier à désigner un mariage qui n'est pas réel et qui est arrangé dans le seul but d'obtenir un statut de résidence permanente au Canada. L'expression a d'autres interprétations possibles, mais nous lui attribuons un sens très particulier dans le contexte de l'immigration.

[Français]

    En ce qui a trait aux « mariages arrangés », selon vous, est-ce nécessairement un mariage de convenance? Sinon, le mariage arrangé a-t-il une certaine légitimité? Pouvez-vous clarifier un peu ce concept?
    Un mariage arrangé n'est pas la même chose qu'un mariage de convenance. Un mariage arrangé peut très bien faire partie de la culture de certains pays étrangers et être tout à fait acceptable.
    Je vous remercie.
    Dans les bureaux de députés, on entend souvent parler de cas de gens qui ont beaucoup de difficultés à faire reconnaître leur mariage et faire en sorte qu'il soit considéré valable et sincère, notamment dans le cas de mariages arrangés. Pourriez-vous nous dire quels sont vos outils pour différencier un mariage de convenance d'un mariage arrangé légitime ou valable?
     Parfois, il semble y avoir de la confusion lors du refus du parrainage d'un époux ou d'une épouse. J'aimerais donc savoir quels sont vos lignes directrices et vos outils pour déterminer hors de tout doute qu'un mariage, quel qu'il soit, arrangé ou non, n'est pas un mariage de convenance.

  (1550)  

    Un mariage arrangé peut être légitime. Les outils que l'on utilise pour faire la différence entre un mariage arrangé, un mariage légitime en général et un mariage de convenance incluent les techniques suivantes. Si vous me le permettez, je vais passer à l'anglais.

[Traduction]

    Nous interrogeons les demandeurs ensemble et séparément pour corroborer les détails de la vie conjugale et nous assurer que les renseignements coïncident. Nous pouvons également procéder à une inspection du domicile du couple. Dans de rares cas, nous soumettons les intéressés à une surveillance pour déterminer s'ils cohabitent effectivement. Au besoin, nous interrogeons également des amis, des membres de la famille et des collègues.
    De plus, nous pouvons imposer aux demandeurs de présenter des preuves de leurs relations sous forme de lettres, de courriels, de photos, etc.

[Français]

    Ce sont les outils que nous emploierions pour distinguer les deux types de mariage.
    Je vous remercie.
    Reconnaissez-vous quand même que, parfois, il peut y avoir des cas où on refuse de reconnaître la validité de mariages qui ne sont pas des mariages de convenance? Reconnaissez-vous ce problème?
    Oui, bien sûr.

[Traduction]

    Si vous le permettez, j'ajouterai que Citoyenneté et Immigration Canada est le premier responsable de la décision à prendre sur la légitimité du parrainage. C'est le ministère qui prend les mesures nécessaires pour déterminer la bonne foi des intéressés. L'affaire ne nous est renvoyée que s'il y a des doutes au sujet de cette bonne foi, mais, même dans ce cas, la loi prévoit d'accorder au couple le bénéfice du doute. En fait, en cas d'appel auprès de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, les intéressés peuvent présenter de nouveaux renseignements pour établir la légitimité des renseignements qu'ils ont produits et prouver leur bonne foi.

[Français]

    Je voudrais vous poser une brève question sur la résidence permanente conditionnelle.
    La semaine dernière, nous avons parlé aux agents de CIC et ils ne semblaient pas avoir de réponse à cet égard. Savez-vous combien de personnes ont été retournées dans leur pays à cause de ce statut de résidence conditionnelle? Avez-vous des chiffres sur le nombre de personnes qui ont dû retourner dans leur pays et sur celles qui ont demandé une exemption de statut à cause d'abus ou de violence quelconque?

[Traduction]

    J'ai examiné les témoignages présentés la semaine dernière par les représentants de Citoyenneté et Immigration Canada ainsi que les chiffres qu'ils ont mentionnés. Nous avons entrepris une vérification de ces chiffres. Ce mécanisme n'existe que depuis 2012. D'après ce que m'ont dit mes collègues de Citoyenneté et Immigration Canada, la collecte des données du système n'est pas encore tout à fait au point. Nous devrons donc vous transmettre ces renseignements plus tard.

[Français]

    Vous n'avez donc pas de chiffres pour l'instant.
    J'aimerais céder la parole à ma collègue pour la dernière minute qu'il me reste.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Tout à l'heure, quand vous avez parlé de mariages forcés, vous avez dit que ce sont des mariages imposés à des Canadiens dans d'autres pays que vous n'avez pas nommés. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous ne voulez pas nous dire de quels pays il s'agit?
    Je préférerais ne pas en parler ici parce que cela pourrait donner lieu à des difficultés diplomatiques avec d'autres pays.
    D'accord. Je n'ai que très peu de temps. Je comprends.
    Je pense à la situation d'une femme qui vivait dans ma circonscription et qui a été renvoyée du Canada. La dernière fois que j'ai posé une question à ce sujet aux représentants de CIC, ils m'ont dit de m'adresser à l'ASFC. C'est donc à vous que je pose la question. Cette femme était venue au Canada pour échapper à une situation de violence extrême. Elle a maintenant été renvoyée dans ce pays où la seule personne qu'elle connaisse est ce conjoint extrêmement violent. Elle et sa fille avaient des traces de coups partout sur le corps. Elle a été renvoyée dans ce pays. Comment une telle chose peut-elle arriver?
    Il est évident que je ne peux pas parler de cas particuliers, mais je crois que, dans sa forme actuelle, la loi prévoit… La loi n'oblige pas une personne à rester avec un conjoint violent au Canada. Cette personne est peut-être venue au Canada pour échapper à ce conjoint et a cherché des moyens d'obtenir la résidence permanente ou le statut de réfugiée au Canada. Ce sont certainement des mécanismes légitimes qui sont ouverts aux intéressés…

  (1555)  

    Absolument.
    … dans le cadre d'un système comprenant de nombreux freins et contrepoids.
    Merci.
    À vous, monsieur McCallum.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins.
    Pouvez-vous me donner une idée de l'importance de ce problème, pas nécessairement des statistiques officielles, mais ce que vous avez pu constater depuis que vous êtes à l'ASFC? Parmi tous les conjoints qui arrivent au Canada, quel est le pourcentage de cas où vous soupçonnez un mariage de convenance et quel est le pourcentage de ceux qui finissent par être arrêtés ou expulsés?
    Bien sûr. Je vais commencer, puis Geoff continuera.
    J'ai également lu avec intérêt les témoignages présentés la semaine dernière à ce sujet par les représentants de Citoyenneté et Immigration Canada. C'est en fait un processus en deux étapes. Le mariage fait l'objet d'un premier examen lorsqu'une demande de visa est présentée à l'étranger. Ensuite, au Canada, s'il y a des soupçons, l'affaire nous est renvoyée.
    Je crois que Geoff a présenté quelques chiffres sur les cas que nous examinons. Je n'ai pas ces chiffres sous la main. Je le laisserai vous en parler, mais je crois que, d'après les représentants de Citoyenneté et Immigration Canada, près de 30 % des parrainages examinés ne sont pas jugés légitimes.
    Je ne crois pas que le chiffre était aussi élevé. Si on considère les gens à qui vous avez affaire à la frontière, quel est le pourcentage de ceux dont le comportement est douteux ou qui ne sont pas admis en définitive?
    Lorsque des gens se présentent à la frontière pour être admis au Canada à titre de résidents permanents, je crois que la plupart des demandes sont jugées légitimes.
    Le pourcentage est-il de 98 %?
    Nous pouvons trouver les chiffres…
    Pendant la dernière décennie, par exemple, croyez-vous que le nombre des mariages de convenance a augmenté, est resté stable ou a diminué?
    Depuis 2008, les chiffres que nous avons recueillis montrent que l'incidence des mariages de convenance a généralement diminué. Nous attribuons cette tendance, du moins en partie, à des mesures d'exécution plus rigoureuses de la part de CIC et de l'ASFC ainsi qu'à la campagne de sensibilisation du public du gouvernement du Canada.
    Si les gens qui arrivent au Canada sont en grande majorité de bonne foi et que l'incidence des mariages de convenance est en baisse depuis 2008, dans quelle mesure entravez-vous ou retardez-vous l'entrée de personnes parfaitement en règle? Je me soucie non seulement de l'admission de personnes qui essaient de contourner la loi, mais aussi des gens en règle qui sont retardés ou harcelés. Dans quelle mesure des innocents sont-ils pris dans un piège qui ne leur est pas destiné?
    Lorsqu'une personne se présente à la frontière canadienne munie de ses papiers de résidence permanente afin d'être admise au Canada pour la première fois, nous avons tendance à croire que Citoyenneté et Immigration Canada a délivré les papiers après avoir fait toutes les vérifications nécessaires. Il est très rare que les papiers révèlent un problème qui nous amène à détenir la personne ou à l'interroger sur la façon dont elle a obtenu sa résidence permanente.
    Il faudrait pour cela qu'elle ait inspiré d'importants soupçons à l'agent.
    C'est un peu différent. Vous dites maintenant que c'est très rare. C'était ma première question. Ainsi, entre 1 et 2 % des gens, ce qui est presque négligeable, semblent poser un problème. Est-ce bien ce que vous venez de dire?
    Lorsque vous avez posé votre première question, j'ai cru que vous parliez de l'ensemble du processus…
    Non, je m'intéressais au processus du point de vue de l'ASFC.
    Je crois que c'est très rare dans toutes les catégories de résidence permanente et dans nos interactions à la frontière.
    D'accord.
    Puis-je ajouter quelque chose?
    Il est très rare de tomber sur des cas de ce genre pour la première fois à la frontière. Il n'arrive pas souvent qu'un agent des services frontaliers note des indices pouvant mener à des soupçons fondés quant à la légitimité d'un mariage. En effet, les vérifications sont censées avoir été faites d'avance. Une fois qu'un couple arrive à la frontière avec un visa de résidence permanente, on peut supposer que toutes les vérifications ont déjà été faites.
    Nous savons que certains programmes ont été particulièrement ciblés par des fraudeurs. Grâce à ses ressources de renseignement, l'ASFC a mis au point des lignes directrices, des documents et des indicateurs dont les agents des visas de CIC se servent à l'étranger pour faire un premier filtrage.

  (1600)  

    Merci, monsieur McCallum.
    À vous, monsieur Leung.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais me familiariser avec les méthodes de collecte de données, les statistiques et les tendances relatives aux mariages frauduleux. J'aimerais d'abord regrouper dans le même panier le mariage de convenance, le parrainage abusif de conjoint, le mariage forcé et la polygamie. Je me rends parfaitement compte qu'un examen préalable est fait avant la délivrance du visa, et qu'il y a ensuite une inspection ou un examen à la frontière. Vous pourriez ne pas déceler tous les cas de fraude, à part ceux qui vous ont été signalés d'avance.
    Une fois que les intéressés sont entrés au Canada, comment pouvons-nous déterminer s'il y a une fraude ou une utilisation abusive de notre législation de l'immigration? Si nous avions des renseignements à ce sujet, nous pourrions mieux comprendre le comportement de ceux qui recourent à des méthodes frauduleuses d'entrée. Qu'en pensez-vous? Pouvez-vous nous faire part des statistiques des 10 dernières années?
    Une fois que les couples ont été admis au Canada, il y a bien sûr la possibilité de violence conjugale. Si cela se produit, nous pourrions être avertis grâce à la ligne de surveillance frontalière de l'ASFC ou encore grâce au centre d'appel de CIC.
    Les cas de violence conjugale qui se produisent au Canada sont du ressort des services locaux de police. Certains cas peuvent être renvoyés aux services sociaux. À strictement parler, cela ne concerne pas vraiment l'ASFC. Si, par suite de la violence conjugale, la femme va dans un refuge, l'ASFC applique une politique très stricte pour ce qui est de l'accès à ces refuges. Par exemple, seules nos femmes agentes sont autorisées ne serait-ce qu'à s'approcher de ces refuges, et celles qui peuvent le faire ont reçu une formation spéciale de sensibilisation psychosociale.
    Bien sûr, dans un cas de parrainage du conjoint, si l'échec du mariage est attribuable à la violence, la victime, comme vous le savez, n'est jamais renvoyée dans son pays d'origine.
    Ne devrions-nous pas recueillir cette information dans le cadre de nos statistiques ou de nos méthodes de collecte de données afin que nous ayons la possibilité de procéder à des examens périodiques de la situation?
    Oui. Nous…
    Je vais peut-être reformuler ma question. J'essaie d'établir s'il y a un moyen d'agir avant l'entrée des intéressés au Canada. Bien sûr, nous ne pouvons pas connaître la totalité des cas de violence, mais il y en a qui sont évidents. Nous devrions essayer d'obtenir les chiffres pour établir la corrélation avec le nombre total de cas de violence.
    Oui. Il nous serait possible de vous transmettre plus tard des renseignements à ce sujet pour les quatre catégories que vous considérez comme frauduleuses.
    Essentiellement, oui.
    Nous pouvons vous fournir des statistiques à cet égard, après quoi…
    Ce serait utile.

  (1605)  

    Monsieur Leckey, je vous prie de transmettre ces renseignements à la greffière.
    Dans le cadre de cette analyse, vous pourriez peut-être aussi nous fournir quelques commentaires sur l'ensemble des facteurs qui agissent sur cette tendance et nous dire si la tendance est à la hausse ou à la baisse. En fin de compte, cela nous aidera à examiner notre législation et à essayer de découvrir les lacunes auxquelles nous pouvons remédier.
    Il y a souvent d'importantes différences d'âge dans les cas de mariage forcé ou de mariage de convenance. Est-ce là un des critères d'évaluation dont se servent les services frontaliers?
    Oui. Surtout dans le cas des mariages forcés, les victimes ont tendance à être très jeunes, 16 ou 17 ans.
    La formation donnée à l'ASFC comprend-elle des moyens de déceler de tels cas?
    Oui. Nous avons élaboré un programme et l'avons transmis aux intervenants de l'ASFC et de CIC. Dans ce cas, les agents de première ligne sont les agents des visas de CIC à l'étranger et les agents des services frontaliers de l'ASFC affectés à nos bureaux d'entrée.
    Les jeunes personnes qui arrivent à la frontière sont-elles habituellement accompagnées par un adulte ou bien viennent-elles en compagnie de leur conjoint? Pouvez-vous nous parler de quelques-uns des cas qui se sont présentés à cet égard?
    Dans les cas de mariage forcé où les victimes sont le plus souvent assez jeunes, elles arrivent évidemment au Canada en compagnie d'une personne plus âgée.
    Bien sûr, l'âge du consentement dépend de la culture et se situe à des niveaux très différents d'un pays à l'autre. Avez-vous l'impression — c'est probablement une question de point de vue — que l'âge actuel du consentement est trop bas au Canada? Serait-il utile de le relever pour réduire les cas de mariage de convenance ou de mariage forcé?
    Je me demande si la question est de nature politique.
    Elle l'est.
    Je retire donc ma question, monsieur le président.
    Oui, je crois que cela vaut mieux.
    Me reste-t-il du temps, monsieur?
    Vous avez encore 10 secondes.
    Je vais vous les laisser, monsieur.
    Monsieur Sandhu.
    Je remercie les témoins de leur présence au comité aujourd'hui.
    Au cours des deux dernières années, les autorités semblent avoir accordé une importance accrue aux mariages frauduleux. En fait, une nouvelle obligation a été imposée aux répondants. De quelle façon cela s'est-il répercuté sur l'ASFC et, bien sûr, sur ses ressources? Disposez-vous de ressources suffisantes? De toute évidence, vos services font l'objet d'une demande accrue. Le gouvernement a-t-il augmenté votre budget pour vous permettre de traiter tous ces cas?
    Le mariage de convenance constitue l'une des nombreuses formes de fraude à l'immigration dont notre agence s'occupe. Je crois que nous nous débrouillons bien dans les limites de nos ressources actuelles pour affronter les sérieux défis — allant jusqu'aux poursuites au criminel — auxquels est exposée la législation canadienne de l'immigration.
    Il n'y a pas de doute que, comme organisation, nous essayons constamment de trouver un certain équilibre entre nos nombreuses priorités, qu'il s'agisse de marchandises, de personnes, de contravention aux règles de l'immigration ou de violation des règlements douaniers. Nous sommes donc toujours à la recherche de cet équilibre. Il n'en reste pas moins que des choses telles que le mariage de convenance demeurent pour nous une priorité dans le cadre de la lutte contre la fraude à l'immigration.
    Combien de vos enquêteurs s'occupent des mariages frauduleux et des mariages de convenance au Canada?
    À l'échelle du pays, nous avons environ 220 enquêteurs criminels et près de 500 agents d'application de la loi à l'intérieur du pays.
    En cas de mariage frauduleux, il faut beaucoup de temps pour mener une enquête. Je suis au courant d'une enquête dans ma circonscription qui dure depuis plus de cinq ans et qui n'est pas encore terminée.
    Est-ce la norme? Les enquêtes durent-elles toujours aussi longtemps?

  (1610)  

    Certainement.
    Je crois que tout ce domaine est plein de défis pour les agents chargés d'enquêter à cause de l'importance de la preuve à recueillir pour démontrer que certaines relations n'ont été établies qu'à des fins d'immigration. Les rapports humains étant complexes, les enquêtes à leur sujet le sont aussi. Elles peuvent être très difficiles.
    Quelles mesures l'ASFC prend-elle? Dans ce cas particulier, est-ce que des mesures quelconques ont été prises pour protéger cette personne qu'une autre a trompée pour entrer dans le pays? Le fraudeur est encore au Canada, et l'enquête se poursuit depuis cinq ans.
    Des mesures quelconques sont-elles prises pour protéger la personne victime de ce mariage?
    De toute évidence, ce sont des cas où il est très difficile de prouver qu'une personne a été victimisée. Nous essayons de faire de notre mieux, mais, comme je l'ai dit, ces affaires sont complexes et les preuves qu'il faut recueillir pour les faire aboutir sont difficiles à cerner.
    Les statistiques mentionnées par Geoff tout à l'heure en témoignent bien. Beaucoup de cas sont signalés, mais la probabilité d'une condamnation pour fraude délibérée est vraiment très faible. Il est en effet assez rare que les poursuites au criminel réussissent.
    Monsieur Leckey, vous avez mentionné que 392 cas vous ont été renvoyés.
    C'est exact.
    Combien de ces cas ont abouti à une condamnation ou à un renvoi?
    Jusqu'ici, sept cas sont allés devant les tribunaux. Deux affaires sont encore en cours, sur les cinq où des accusations au criminel ont été portées avec succès.
    Par conséquent, sur les 392 cas, combien de personnes ont été expulsées ou ont quitté le pays?
    Je vais devoir vous transmettre une réponse plus tard.
    Pouvez-vous fournir ces renseignements au comité?
    Encore une fois, monsieur Leckey, nous vous serions reconnaissants de transmettre les renseignements à notre greffière. Merci.
    Lorsqu'on parle de mariage de convenance, est-ce qu'on suppose qu'il y a collusion entre les deux partenaires ou qu'un seul d'entre eux est responsable?
    L'affaire est beaucoup plus simple quand les deux partenaires sont en cause et que nous avons des preuves à cet effet. Il arrive qu'une des deux personnes ne soit pas au courant des intentions de la personne parrainée. Nous avons vu des cas de ce genre.
    Je répète qu'il est assez difficile de trouver des preuves pouvant étayer des poursuites au criminel.
    Merci, monsieur Sandhu.
    C'est maintenant au tour de M. Shory.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus nous renseigner cet après-midi. Je tiens à exprimer ma reconnaissance aux deux organismes pour leur aide et pour les services qu'ils rendent aux Canadiens et, dans certains cas, à d'autres pays aussi.
    Monsieur Leckey, j'ai été très heureux de vous entendre dire que, depuis 2008, le nombre de mariages de convenance a diminué. Bien sûr, cela est attribuable aux mesures d'exécution prise par l'ASFC. En même temps, je crois que le mérite revient aussi au gouvernement, qui a fait les changements nécessaires et qui en a fait part à ceux qui tentent d'abuser du système.
    Ma question s'adresse aux deux organismes parce que l'ASFC et la GRC ont toutes deux des agents de première ligne.
    Avez-vous des recommandations à présenter aux ministères de la Sécurité publique et de la Justice? En avez-vous aussi pour CIC? J'aimerais connaître la réponse des deux organismes.
    Je commencerai, si vous voulez. Je voudrais signaler sur ce point particulier que, dans la plupart des cas, la GRC n'est pas l'organisme responsable des enquêtes de ce genre. Nous travaillons donc de concert avec CIC ou l'ASFC.
    Pour ce qui est des recommandations, nous souhaiterions qu'il y ait de meilleurs échanges de renseignements dans certains cas. Ces échanges sont parfois bilatéraux entre les différents organismes.
    Qu'en pensez-vous?
    Je dirai que nous collaborons très étroitement avec les organismes responsables de la législation de l'immigration ainsi qu'avec CIC pour nous assurer que les problèmes signalés sur le terrain ainsi que certaines des difficultés que nous rencontrons font l'objet des mesures nécessaires dans le cadre des instructions stratégiques données tant aux agents des visas de CIC à l'étranger qu'à nos propres agents affectés aux bureaux d'entrée et aux enquêtes à l'intérieur du pays.

  (1615)  

    Les mariages frauduleux et les mariages de convenance sont une chose, mais la violence s'inscrit dans une catégorie à part dont me parlent mes électeurs. Maintenant, avec tous les visas conditionnels délivrés à de nouveaux venus, il y a une tendance qui se dessine: les gens commencent à se montrer violents, mais ne quittent pas tout de suite le domicile conjugal dans ces circonstances.
    Si un résident permanent est accusé et condamné pour violence conjugale, quel est le processus à suivre pour révoquer son statut de résident permanent? Y a-t-il des mesures d'exécution permettant de renvoyer ces gens dans leur pays d'origine?
    Dans ces circonstances, ce sont les dispositions de non-admissibilité de la Loi sur l'immigration et le statut de réfugié qui entrent en jeu. Si l'intéressé a été condamné au criminel, sa sentence constitue un critère de non-admissibilité qui permet de prendre des mesures d'expulsion.
    Le processus est donc relativement simple, même s'il faut un certain temps pour l'appliquer. Si la condamnation comporte une peine à purger au Canada, l'intéressé doit subir sa peine avant d'être renvoyé dans son pays d'origine.
    Combien de temps faut-il pour l'expulser après qu'il a purgé sa peine? S'il a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour, est-il renvoyé dès sa mise en liberté? Le prend-on à la sortie de prison pour l'expulser?
    C'est bien cela. Dans un cas de ce genre, une mesure exécutoire de renvoi aurait déjà été prise. L'individu serait tenu de purger sa peine au Canada et, le jour de sa libération, il serait cueilli par nos agents d'application de la loi à l'intérieur du pays pour être expulsé sur-le-champ.
    Je vous remercie.
    À vous, monsieur Opitz.
    Merci beaucoup.
    Dans le même ordre d'idées, cet individu serait cueilli à la porte de la prison où il était détenu pour l'empêcher de se fondre dans la clandestinité.
    M. Geoffrey Leckey: C'est exact.
    M. Ted Opitz: On le mettrait donc directement à bord d'un avion en partance. C'est bien cela?
    Très bien.
    Très rapidement, l'âge minimum du consentement au mariage est actuellement de 16 ans. Croyez-vous qu'il faudrait le changer? Serait-il possible ainsi de mieux protéger les femmes… Si vous ne pouvez pas répondre à cette question…
    Monsieur Opitz, votre question est du même ordre que celle de M. Leung.
    C'est pour cette raison que j'ai essayé de la nuancer…
    Veuillez me laisser terminer, monsieur Opitz.
    Nous avons arrêté la minuterie.
    Il y a une certaine latitude dans le cas des questions à saveur politique, mais je crois que votre question particulière était clairement de nature politique. Il vaudrait mieux l'adresser au ministre compétent plutôt qu'à des fonctionnaires.
    C'est pour cette raison que j'ai nuancé la question.
    Merci, monsieur le président.
    Comment nous comparons-nous à certains des pays d'optique commune au chapitre des mariages frauduleux, des mariages de convenance et des autres recours abusifs au Programme de parrainage du conjoint? Pouvez-vous nous en parler?
    Certainement. Nous coopérons avec d'autres importants pays d'immigration en échangeant des renseignements sur l'expérience réciproque et en faisant des comparaisons. Cela nous donne une vue d'ensemble des tendances qui se manifestent.
    Je ne dirais pas du tout que la situation chez nous se distingue nettement de celle qu'on trouve dans les autres pays qui accueillent des immigrants. Les problèmes sont assez semblables.
    Savez-vous si certains de ces pays à qui vous avez affaire et avec lesquels vous échangez de l'information ont adopté des mesures législatives ou réglementaires destinées à combattre ces problèmes? Pouvez-vous nous donner des exemples de pays qui l'ont fait?
    Je ne peux pas vous répondre immédiatement.
    Dans une perspective d'exécution de la loi, je dirais que le Royaume-Uni a adopté une loi spéciale pour affronter ces problèmes. C'est une mesure assez récente que je n'ai pas étudiée de près. Je ne suis donc pas en mesure de vous parler des détails de cette initiative, mais c'est un aspect qu'il conviendrait peut-être d'examiner.

  (1620)  

    Ce serait effectivement une chose à examiner. C'est très bien.
    En parlant du Royaume-Uni, comme vous l'avez mentionné, les Britanniques ont adopté le Forced Marriage (Civil Protection) Act 2007, ou Loi de 2007 sur le mariage forcé (protection civile), et ont créé une Unité du mariage forcé qui est chargée de sensibiliser le public à cette question. Plus tôt, dans votre exposé, vous avez parlé d'efforts de sensibilisation du public. Que faisons-nous dans ce contexte?
    Ce que nous faisons au Canada? Nous avons actuellement des consultations avec un organisme britannique. Il y a aussi un partenariat au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement qui participe aux consultations visant à mieux sensibiliser le public tant au Canada qu'à l'étranger aux efforts que nous déployons de concert avec les pays alliés.
    À quel point échangeons-nous de l'information avec les pays d'optique commune?
    Les échanges se font au cas par cas en fonction du besoin et des pouvoirs conférés par la loi. Évidemment, dans des cas comme ceux que vous avez évoqués, il est certain qu'un échange d'information avec les pays d'optique commune est indiqué. Nous parlons de questions d'immigration.
    Nous avons également certaines activités de renseignement qui nous permettent de recueillir de l'information venant d'un peu partout dans le monde. Êtes-vous en mesure de nous dire d'une façon générale comment cela se fait sans entrer dans les détails?
    Oui, dans une perspective d'exécution de la loi. Il y a bien sûr une méthode différente de collecte de renseignements dans le domaine du crime. Je n'en parlerai pas en détail, mais c'est un domaine complexe qui comporte de nombreux aspects. Toutefois, l'échange de renseignements de nature criminelle se fait essentiellement entre les organismes d'exécution de la loi des pays dont la législation et la situation des droits de la personne sont semblables.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Moins d'une minute.
    J'ai terminé. Merci.
    À vous, madame Blanchette-Lamothe.

[Français]

    Pour bien cadrer ma prochaine question, j'aimerais citer un des objectifs de notre étude. En anglais, cela se lit comme suit:

[Traduction]

     « Le Comité examinera […] comment mieux protéger les femmes en position de vulnérabilité et prévenir les abus de ces conjoints [parrainés]… »

[Français]

    Avez-vous des recommandations à faire afin que vous ayez de meilleurs outils, de meilleures pratiques ou de meilleures ressources pour atteindre cet objectif très précis en ce qui a trait à notre étude? Je vous donne l'occasion de vous exprimer à ce sujet.

[Traduction]

    Je crois que c'est une question très importante. L'Agence des services frontaliers du Canada donne une formation à ses agents qui ont des contacts avec des immigrants potentiels à la frontière et à l'intérieur du pays. Cette formation a pour but de les sensibiliser aux situations dans lesquelles ces gens peuvent être vulnérables. Nous travaillons de concert avec les fournisseurs de services, les organismes d'aide aux immigrants…
    Je dois vous interrompre.
    Je voudrais être sûre que vous comprenez clairement ma question. Je veux savoir non ce que vous faites, mais quels outils supplémentaires vous voudriez avoir pour aider les femmes vulnérables à échapper aux sévices d'un répondant violent. Pouvez-vous penser à quelque chose qui vous aiderait à atteindre cet objectif précis?
    Je n'ai pas d'observations précises à formuler à ce sujet.
    Du point de vue de l'exécution de la loi, je voudrais dire ceci.

[Français]

    Nous examinons attentivement tous les cas d'abus. C'est quelque chose qui nous tient à coeur. N'importe quel outil que le gouvernement pourrait nous offrir serait le bienvenu. Je ne peux pas mentionner quelque chose en particulier parce que les cas portés à l'attention de la GRC sont déjà passés par l'ASFC ou CIC. Dans notre cas, il faut essentiellement profiter des supports sociaux qui existent déjà au Canada et s'assurer de les utiliser au maximum afin de prévenir la violence.
    Qu'entendez-vous par « supports sociaux »?

  (1625)  

    Je fais référence aux services sociaux.

[Traduction]

    Il y a par exemple les refuges pour femmes, les services sociaux et d'autres groupes de soutien du même genre.

[Français]

    Cela m'amène à vous poser une autre question.
    Dans quelle mesure collaborez-vous avec des partenaires de la société civile, par exemple avec des organismes sans but lucratif? Travaillez-vous en partenariat avec eux lorsque vous menez des enquêtes liées à la traite des personnes ou à d'autres activités connexes? Si tel est le cas, êtes-vous au courant des outils qui leur seraient utiles pour élargir leur champ d'action?
    C'est une question qu'il faudrait plutôt poser aux agences ou aux partenaires. Nous travaillons, bien sûr, en partenariat avec eux et nous partageons de l'information lorsque cela est nécessaire. Au besoin, nous leur demandons de nous aider à soutenir des victimes.
    Ce sont donc des partenaires assez précieux.
    Certainement.
    Madame Soper ou monsieur Leckey, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?

[Traduction]

    Je m'associe à ce que Jean vient de dire: nous comptons beaucoup sur ces réseaux sociaux et sur les organismes gouvernementaux pour faciliter l'intégration des immigrants dans notre société et pour aider ceux d'entre eux qui sont vulnérables.
    Je crois que les représentants de CIC ont abordé cette question lors de leur comparution devant le comité la semaine dernière. Ils avaient mentionné le travail qu'ils font dans le domaine des services d'établissement. Il n'y a pas de doute que l'ASFC profite énormément de ce travail.

[Français]

    Les agents de l'ASFC doivent s'assurer que des mesures d'expulsion sont prises dans les cas de non-observation de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Reçoivent-ils une formation leur permettant de découvrir des situations de violence ou d'abus de la part d'époux? On peut croire que, éventuellement, il y aura une expulsion dans le cas de personnes ayant un statut de résident permanent conditionnel. Les agents qui procéderont à ces déportations seront-ils au fait de la situation afin de pouvoir faire preuve de sensibilité? Comme on le sait, beaucoup de partenaires de vie sont victimes d'abus et ne savent pas où aller chercher de l'aide. Pour différentes raisons, ces personnes n'osent pas dénoncer un abus.
    Actuellement, de quel type de formation ou d'outils disposez-vous pour déterminer les cas de déportation où l'abus est en cause?

[Traduction]

    Dans le cas particulier des répondants violents, nous distribuons les produits élaborés par CIC aux gens avec qui nous avons des contacts sur le terrain afin de les informer de leurs droits et des recours qu'ils ont à titre de résidents permanents du Canada. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a également de la documentation qu'elle met à la disposition des intéressés pour qu'ils soient conscients de leurs droits.
    Je vous remercie.
    Madame Soper, je crains qu'il ne nous reste plus de temps. Je tiens à vous remercier ainsi que vos collègues, M. Leckey et le surintendant Cormier, pour votre présence au comité et les renseignements que vous avez présentés sur cet important sujet. Merci encore.
    Nous allons maintenant suspendre la séance.

  (1625)  


  (1630)  

    Mesdames et messieurs, la séance reprend.
    Nous accueillons maintenant trois groupes. Nous communiquerons par vidéoconférence avec le premier, qui se trouve à Montréal. Il s'agit de Bouclier d'Athéna Services familiaux.
    Melpa Kamateros est la directrice exécutive de ce groupe. Bonjour, madame.

  (1635)  

    Très bien.
    Siran Nahabedian est travailleuse sociale auprès des femmes victimes de violence conjugale et de violence familiale à la Maison d'Athéna.
    Bonjour, madame.
    Nous accueillons également deux autres témoins. De la South Asian Legal Clinic of Ontario, nous avons Deepa Mattoo, qui est avocate-conseil et directrice exécutive par intérim. Bonjour.
    Nous avons également M. Kurland, que nous connaissons tous puisqu'il vient nous voir souvent. En fait, il est ici assez souvent pour mériter d'être assis à la table avec nous. Il est avocat et analyste de politiques.
    Monsieur Kurland, c'est toujours un plaisir de vous revoir.
    Chacun de vous dispose de huit minutes. Je vais commencer par donner la parole à Mme Mattoo.
    Merci.
    Monsieur le président, honorables membres du comité, je vous remercie de nous avoir invitées à comparaître dans le cadre de votre étude sur les moyens de renforcer l'intégrité du Programme de parrainage du conjoint.
    Mes notes sont très longues, mais j'essaierai de m'en tenir à huit minutes.
    Je concentrerai mes propos sur trois points: les défis qu'affrontent les femmes victimes d'un répondant violent, les moyens de prévenir la victimisation de femmes vulnérables par un répondant violent ainsi que les conséquences et les sanctions possibles pour le répondant; les compétences et les soutiens dont les femmes parrainées ont besoin pour réussir par elles-mêmes, surtout si elles sont isolées et soumises à des actes de violence; enfin, les défis très particuliers que doivent affronter les survivantes ou les victimes de mariages forcés en situation de parrainage ainsi que les moyens possibles de les aider.
    Au chapitre des défis affrontés par les femmes victimes d'un répondant violent, nous sommes tous au courant des changements apportés en octobre 2012 et de l'adoption de la résidence permanente conditionnelle pendant deux ans. Ces changements avaient beaucoup plus pour but de prévenir les mariages frauduleux que de remédier à la situation des victimes de violence. Une exemption est cependant possible dans le cas de la résidence permanente conditionnelle.
    Il y a néanmoins beaucoup de problèmes, notamment le manque de compréhension des lois du pays, la peur de la police, la crainte de s'adresser à des fournisseurs pour accéder à des services ainsi que la crainte constante de perdre le statut d'immigrant, qui permet parfois aux familles de tenir les victimes en otage.
    Nous savons d'expérience que les femmes prises au piège de telles relations n'ont habituellement personne à qui s'adresser à part leur répondant et sa famille. Ordinairement, le répondant violent limite strictement les contacts de la nouvelle mariée qui vient d'arriver dans le pays avec la famille et les amis et il l'empêche d'accéder à tout réseau de soutien. Il y a un déséquilibre des pouvoirs entre la personne parrainée et son répondant, déséquilibre qui s'est accentué après l'adoption du statut de résidence permanente conditionnelle. Nous avons également constaté dans bien des cas que les répondants et leur famille exploitent le statut conditionnel comme moyen de menacer les femmes en cause et de leur faire accepter les conditions abusives qui leur sont imposées.
    En ce qui concerne les compétences que possèdent ces femmes à leur arrivée, il y a un problème parallèle d'exploitation financière. Beaucoup d'entre elles disposent, en venant au Canada, d'une certaine somme que leur famille leur a donnée comme dot. Il arrive aussi qu'on leur ait promis un montant dont leur famille garde cependant le contrôle. Par conséquent, elles ne disposent d'aucune ressource pour se perfectionner, ou alors les compétences qu'elles possèdent déjà ne sont pas reconnues sur le marché canadien du travail.
    En ce qui concerne les défis très particuliers que doivent affronter les survivantes des mariages forcés, nous croyons que, parce que ces mariages ne sont pas reconnus comme source de violences et d'abus, ces femmes ont de la difficulté à se prévaloir de l'exemption. En effet, une fois qu'elles disent qu'elles ont été forcées à se marier et qu'elles n'y ont pas consenti, leur mariage devient nul ou peut être déclaré comme tel. Elles hésiteront donc énormément à prendre l'initiative parce qu'elles risqueraient d'être accusées de fraude à l'immigration. De plus, les victimes ou les survivantes du mariage forcé non seulement subissent des sévices au moment du mariage, mais doivent le plus souvent subir par la suite des violences conjugales sans espoir de retour puisque le mariage leur avait en fait permis d'échapper à une situation de violence.
    Nos recommandations au sujet de ces trois points sont les suivantes.
    Premièrement, tant qu'il y a une exemption en cas de violence, j'estime qu'en cas de rupture en situation de parrainage conditionnel, surtout si une femme fait l'objet d'une enquête liée à l'immigration déclenchée par une fausse plainte du répondant violent qui veut se venger de son recours à des services ou d'une plainte au criminel, le fardeau de la preuve devrait être allégé. Les femmes en cause devraient pouvoir accéder plus facilement à l'exemption. À l'heure actuelle, elles sont tenues de présenter des preuves de la cohabitation et des sévices subis. Il leur est parfois impossible de le faire à cause de l'absence de rapports ou du manque d'accès aux services, comme je l'ai déjà dit.
    Deuxièmement, nous recommandons que soient prévues, dans le cadre des programmes d'établissement destinés aux conjoints parrainés, des ressources particulières qui serviraient non seulement à la formation linguistique, mais aussi à des services d'orientation visant l'autonomie financière.

  (1640)  

    Troisièmement, les conjoints parrainés victimes de violence devraient pouvoir accéder à des fonds pour se perfectionner et acquérir de nouvelles connaissances. Il faudrait faire en sorte que les femmes parrainées aient accès aux services d'établissement aussitôt qu'elles obtiennent un visa. On les encouragerait ainsi à se familiariser avec le système bancaire canadien et les services des institutions financières, comme dans le cas d'autres catégories d'immigration telles que les travailleurs formés à l'étranger et les immigrants de la composante gens d'affaires.
    L'interdiction de parrainage de cinq ans imposée en avril 2011 s'étend maintenant aux conjoints parrainés. Nous recommandons que, dans les cas de violence, cette interdiction soit d'une part levée et, de l'autre, imposée au conjoint ou à la famille qui a usé de violence. C'est l'une des mesures punitives que le comité envisage aujourd'hui.
    Dans le cas particulier des mariages forcés, nous recommandons que la définition de la violence soit étendue au mariage forcé, comme source de violence. Nous recommandons aussi d'assurer une protection spéciale aux victimes du mariage forcé et de faire une évaluation complète des risques parallèlement à l'évaluation des considérations humanitaires lorsque des enquêtes sont ouvertes par suite d'un rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) de la loi et que des cas font l'objet d'une enquête de la Section de l'immigration. Nous recommandons en outre que des procédures et des politiques spéciales de protection de la vie privée et des renseignements personnels soient établies pour protéger les victimes de violence, y compris les victimes de mariages forcés, afin qu'elles signalent des incidents à Citoyenneté et Immigration Canada sans craindre des représailles de la part du conjoint violent ou de sa famille.
    Lors du traitement des demandes de parrainage, si l'agent responsable soupçonne que la personne parrainée est victime d'un mariage forcé, il faudrait lui permettre de se prévaloir de l'exemption et lui accorder une protection spéciale lui permettant d'être admise comme résidente permanente conditionnelle, conformément à l'obligation internationale du Canada d'accorder sa protection aux victimes susceptibles d'en avoir besoin.
    Enfin — et ce n'est pas le point le moins important —, nous recommandons que Citoyenneté et Immigration Canada insiste, dans le cadre de la formation de ses agents et arbitres, sur les différentes formes de violence, surtout en cas de mariage forcé.
    Je voudrais dire finalement que le Canada devrait honorer l'engagement qu'il a pris dans différents traités internationaux et annonces récentes de protéger les victimes du mariage forcé et d'assurer leur sécurité non seulement au Canada, mais dans leur pays d'origine, au stade de l'examen des demandes de parrainage.
    Je vous remercie.
    Merci. Vous avez réussi à vous en tenir à moins de huit minutes. C'est très bien.
    Monsieur Kurland, c'est votre tour.
    Merci, monsieur le président. C'est un vrai plaisir pour moi de retrouver tout le monde ici aujourd'hui.
    Je voudrais aborder trois sujets: les tendances, la justice et les délais de traitement. J'ai réussi à faire le tour de la masse des statistiques de l'immigration. J'ai concentré mon attention sur la période la plus récente, qui va de janvier à septembre 2013, pour me faire une bonne idée de ce que nous réalisons au chapitre de l'admission temporaire. L'admission temporaire, c'est notre avenir.
    Les résultats ne sont pas très évidents.
    Premièrement, en ce qui concerne les étudiants étrangers, nous misons beaucoup sur les contacts avec eux, à titre de futurs immigrants au Canada. Eh bien, entre janvier et septembre 2013, nous en avons eu 50 000 de sexe masculin et 43 000 de sexe féminin. Parmi eux, 22 000 hommes et 18 000 femmes ont fait des études universitaires. Les écarts ne sont pas très importants.
    Les écarts les plus notables concernent les travailleurs étrangers. À noter. Dans la même période, nous avons traité les documents de 125 000 hommes et 58 000 femmes. Nous comptons sur les travailleurs étrangers comme porte d'accès à nos programmes de travailleurs qualifiés et à nos programmes des candidats des provinces. Quelqu'un voudra peut-être examiner de plus près les raisons pour lesquelles nettement plus d'hommes que de femmes sont jugés admissibles à des permis de travail. L'écart entre les sexes est vraiment très sensible dans ce cas.
    Pour ce qui est des délais de traitement, il est remarquable qu'aucun témoin n'ait parlé des effets particuliers de la réduction de ces délais sur les femmes. En effet, nous avons fait la transition à un système d'immigration comparable à un système de stocks juste à temps, dans lequel les délais de traitement qui étaient de l'ordre de 5 ans sont maintenant d'environ 6 mois dans des catégories telles que la réunification des familles. Toutefois, les économies provinciales n'ont pas encore été chiffrées.
    Lorsque j'ai commencé à m'occuper de ce domaine, les délais de trois à quatre ans constituaient la norme en matière de réunification des familles pour les travailleurs temporaires étrangers, les travailleurs qualifiés et les aides familiales résidantes. Eh bien, essayez d'imaginer ce qui arrive quand on laisse des adolescents cultiver la colère et le ressentiment et des familles se désagréger dans le pays d'origine. Cela a des effets sur les systèmes provinciaux d'aide sociale et le système de justice pénale, et des problèmes surgissent par suite de la séparation des familles. Tout cela a disparu à cause des changements apportés aux délais de traitement de l'immigration.
    Qui en profite? La famille tout entière. Mais, le plus souvent, dans le cas des aides familiales résidantes, par exemple, c'est la femme qui travaille pendant des années au Canada afin d'accéder à la résidence permanente, après avoir abandonné sa famille. Une fois la famille réunie… On voit bien à Toronto ce qui se produit quand des adolescents en colère ont des problèmes d'intégration. Je tiens à souligner les répercussions de la réduction des délais de traitement sur ce problème particulier.
    Enfin, au chapitre de la justice, ce qui se produit dans le domaine de l'immigration ne devrait pas être considéré indépendamment des autres programmes fédéraux et provinciaux. La GRC, l'ASFC et CIC nous disent que ce n'est pas assez. Le problème va au-delà d'un simple cloisonnement administratif.

  (1645)  

    C'est une question de justice. Le ministère de la Justice devrait à juste titre assumer la direction pour répartir les ressources, réunir les intervenants et orienter l'étude des effets sur les femmes de ces changements de l'immigration et d'autres politiques. Toute modification apportée à une règle de l'immigration a des répercussions en chaîne dans de nombreux ministères et organismes fédéraux et provinciaux. Pour le moment, seul le ministère de la Justice a une définition de programme lui donnant la capacité de faire une étude plus poussée de cette question.
    Dans ce contexte, ma recommandation est la suivante. Citoyenneté et Immigration Canada doit assouplir sa politique relative aux données. CIC a actuellement une politique écrite de gestion des données qui interdit aux autres ministères, comme la Justice, d'accéder aux données courantes. Même votre comité ne peut pas accéder aux renseignements courants. Oui, cette politique écrite interdit la transmission des données courantes de CIC à votre comité. Seuls le ministre et les fonctionnaires du ministère ont le droit de les voir. Je trouve cela étrange quand votre comité a justement pour mandat de superviser les activités de CIC. Comment le ministère peut-il refuser de lui communiquer les renseignements courants?
    À part cette question, j'espère que CIC permettra le partage des précieux renseignements recueillis sur le terrain en collaboration avec des partenaires tels que l'ASFC, la Justice et d'autres parties intéressées.
    Monsieur le président, mes huit minutes sont écoulées.

  (1650)  

    Merci beaucoup.
    Madame Kamateros.
    Bonjour.
    Je vous avertirai si vous allez au-delà de votre temps de parole.
    Merci.
    Je vous souhaite le bonjour de Montréal. Je vais bien sûr essayer de m'en tenir au temps assigné, même si j'ai beaucoup de notes.
    Mon exposé sera un peu différent parce que notre organisation insiste beaucoup sur la prévention. Nous avons un réseau qui offre actuellement des services et des activités à Montréal dans une quinzaine de langues. Ce réseau comprend deux centres de jour, un refuge et un service de diffusion communautaire. Nous ne nous occupons que de victimes de violence conjugale et familiale.
    Je dirais que 85 % de nos clientes appartiennent à différents groupes ethnoculturels. L'année dernière, 62 % des pensionnaires du refuge étaient nées à l'extérieur du Canada et, en moyenne, nous nous occupons chaque année d'environ 700 cas dans les centres de jour et au refuge. C'est beaucoup.
    Mon exposé portera sur les recommandations qui m'ont été transmises par les travailleuses sociales et nos intermédiaires culturelles. Ces intermédiaires sont des travailleuses communautaires qui ont reçu une formation sur la violence conjugale et qui s'occupent des problèmes qui surgissent dans les communautés. Elles font aussi de l'interprétation et nous renseignent sur les aspects culturels du fonctionnement des communautés.
    Au sujet du parrainage et de ses liens avec notre travail quotidien auprès des victimes, et surtout des personnes vulnérables qui ont des difficultés linguistiques et autres, je dirai qu'environ 30 % des femmes qui sont passées dans notre refuge l'année dernière étaient dans une situation vulnérable et précaire par suite de leur statut de parrainage ou d'immigration. Plus de la moitié de ces femmes avaient de la difficulté à communiquer en anglais ou en français. Leur connaissance des renseignements de base et leur compréhension de leur statut d'immigration et de parrainage étaient donc extrêmement limitées.
    Leur isolement était aussi très grand parce qu'elles avaient pris la décision de rompre des relations violentes ou avaient été sorties de leur domicile par la police, qui les avait ensuite renvoyées à nos services. Beaucoup ne pouvaient plus compter sur le soutien de leur famille ou de leur communauté et, bien sûr, tous ces facteurs aggravaient leur vulnérabilité. Elles étaient donc diminuées, sans emploi, sans recours et sans possibilité de choisir une ligne de conduite.
    Dans le cadre de notre exercice actuel — je reviens sur cette question parce que les barrières linguistiques constituent pour nous un problème très, très important ici, au Québec —, 45 % des nouveaux cas à long terme que nous avons dans les centres connaissent de graves difficultés linguistiques, de sorte que nous ne pouvons intervenir que dans la langue maternelle des intéressées.
    Une étude que nous avons réalisée de concert avec l'Université McGill sur les anciennes pensionnaires de notre refuge a révélé que, dans la plupart des cas où les femmes étaient parrainées, c'est le mari qui contrôlait intégralement le processus de parrainage et d'immigration. Par conséquent, nous croyons qu'il est important que la femme parrainée participe dès le départ au processus d'immigration. Nous recommandons donc, pour combattre l'isolement et fournir des renseignements de base sur les effets, obligations et conséquences du parrainage, que ces renseignements soient mis à la disposition des femmes dans leur propre langue dès le début du processus de parrainage ou d'immigration.
    Après avoir consulté tant nos travailleuses sociales, qui desservent la clientèle, et nos intermédiaires culturelles, nous avons décidé de formuler les observations suivantes sur le moment et la façon de procéder à cette fin. Avant son arrivée au Canada, la femme devrait être renseignée sur le système juridique canadien, l'égalité des sexes, les délais de traitement de la demande de parrainage, son droit d'accéder à des organisations spécialisées — comme l'a dit à juste titre le témoin qui m'a précédée —, son droit d'obtenir des cours de langue gratuits et son droit de garder ses propres documents.
    Au niveau communautaire, comme nous travaillons avec les victimes et les communautés, nous estimons que les mêmes renseignements devraient être largement diffusés et affichés d'une façon très visible dans la langue d'origine, dans les zones où les messages transmis peuvent avoir le plus d'effet.
    Lorsque des immigrants arrivent au Canada, ils devraient tous recevoir une trousse de bienvenue dans leur langue comprenant les renseignements que nous venons de mentionner ainsi que d'autres, comme une définition de la « violence conjugale et familiale » et un aperçu des procédures policières, des lois canadiennes et des ressources disponibles. Une victime potentielle qui ne parle ni l'anglais ni le français ne comprendrait pas l'information présentée dans ces langues. Nous proposons donc que cette information soit facilement disponible dans différentes langues.

  (1655)  

    Les renseignements devraient également être diffusés dans les différents secteurs communautaires du Canada: secteurs religieux, centres communautaires et lieux fréquentés par les femmes et les membres de la communauté, y compris les cliniques parapubliques que nous avons ici au Québec et les Centres de santé et de services sociaux.
    Une autre solution, particulièrement pour les femmes analphabètes, consisterait à présenter ces renseignements par des moyens audiovisuels dans le cadre de séances d'information sur l'immigration.
    Si une travailleuse sociale observe un cas de violence conjugale ou familiale, elle devrait pouvoir renvoyer immédiatement la femme en cause aux services compétents et l'aider à se retrouver dans le système. Il faudrait agir ainsi pour différentes raisons: permettre à la femme de savoir à quoi s'attendre dans sa situation, apaiser ses craintes et lui donner des renseignements qu'elle ne connaît peut-être pas, comme le fait qu'elle a le droit de garder elle-même ses documents importants tels que passeport, visa, carte d'assurance-santé et autres papiers nécessaires.
    Au cas où les papiers de parrainage seraient gardés par l'époux ou le partenaire, l'agent d'immigration devrait poser des questions à ce sujet s'il n'y a pas d'indices évidents de violence. L'agent peut alors poser des questions plus pertinentes. Nous recommandons fortement que les agents reçoivent une formation sur la violence conjugale et soient sensibilisés aux différences culturelles. Il est également important de noter que plusieurs types de violence, comme la violence psychologique et l'exploitation financière, peuvent ne pas être décelés immédiatement. C'est pour cette raison que les agents doivent recevoir une formation poussée. Ils peuvent également renvoyer les intéressés à des services compétents dotés d'agents et de travailleurs sociaux ayant l'expérience nécessaire pour déceler les indices de violence.
    Comment pouvons-nous assurer une meilleure protection aux femmes vulnérables pour éviter qu'elles ne soient victimes d'un répondant violent? Bien sûr, la formation des agents est très importante et, encore une fois, les agents devraient pouvoir renvoyer les personnes en cause à des organisations multilingues et multiculturelles spécialisées dans ce genre de services.
    Comment pouvons-nous habiliter les femmes?
    Madame Kamateros, il vous reste moins d'une minute.
    D'accord. Je vais donc survoler les recommandations générales que nous formulons parce que je n'aurais pas le temps de finir: égalité d'accès à l'information, égalité des sexes, système juridique et Code criminel du Canada dans la langue maternelle, cours de langue obligatoires et programmes d'intégration, formation des agents d'immigration, établissement d'un processus d'examen et de renvoi en cas de violence conjugale, procédure ordinaire d'évaluation des considérations humanitaires, qui devrait être accélérée, et diffusion de renseignements dans la langue maternelle sur ces questions et d'autres par l'entremise des médias ethniques et des organisations communautaires.
    Je vous remercie.
    Merci. Vous avez abordé de nombreux sujets en huit minutes. Je vous félicite.
    M. Daniel sera le premier à poser des questions.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins de leur présence tant à Montréal qu'ici.
    Ma question s'adresse à Mme Mattoo, de la South Asian Legal Clinic. Vous avez publié un très bon rapport intitulé The Incidence of Forced Marriage in Ontario. Vous y formulez plusieurs recommandations à l'intention du gouvernement, dont quelques-unes présentent un intérêt direct pour le comité. Dans votre recommandation 3, vous proposez d'élaborer, « à l'intention des fournisseurs de services, un outil approprié d'évaluation des risques comprenant des lignes directrices sur la façon d'aborder les cas de mariage forcé ».
    Qu'entendez-vous exactement par fournisseurs de services? S'agit-il des agents des visas? Pouvez-vous nous donner quelques détails sur cette recommandation?
    Dans le rapport, les fournisseurs de services désignent ceux qui offrent des services à tous les niveaux: Citoyenneté et Immigration Canada, l'ASFC, les agents consulaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce et, au niveau judiciaire, les agents de nos différents services de police.
    Aux fins du rapport et, en particulier, de l'évaluation des risques, nous pensons à un outil qui serait le même à tous les niveaux, y compris dans le secteur des ONG, de façon que l'évaluation des risques soit uniforme.
    J'ai également trouvé intéressante la recommandation 7 traitant de la création d'une base de données nationale sur les ressources canadiennes en matière de mariage forcé.
    De toute évidence, c'est une recommandation importante. Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
    À l'heure actuelle, en situation de mariage forcé, et surtout dans les cas de rapatriement où les clientes sont coincées à l'étranger ou encore lorsqu'une cliente parrainée prend contact avec la clinique pour dire qu'on la force à se marier, l'aide disponible est très fragmentaire et très ponctuelle. Je peux essayer de mettre l'intéressée en contact avec une ONG à l'étranger ou une ONG canadienne en me fondant sur ce que je sais, sur l'expérience que j'ai acquise ces sept ou huit dernières années ainsi que sur les connaissances de mon organisme.
    Nous n'avons pas une base de données nationale contenant les noms des différents organismes et intervenants qui s'intéressent à cette question. Nous pensons à une sorte de guichet unique dans lequel on pourrait trouver les coordonnées des services consulaires, des agents et des organismes pouvant aider ces clientes.
    Nous avons aussi présenté cette recommandation aux services administratifs du ministère des Affaires étrangères et de Citoyenneté et Immigration Canada.

  (1700)  

    Je vous remercie.
    Ma question suivante s'adresse au Bouclier d'Athéna. Dans vos organisations respectives, recevez-vous des demandes d'aide de victimes de mariages forcés? Si oui, quelles mesures leur conseillez-vous de prendre?
    Je vous suis très reconnaissante d'avoir posé cette question parce qu'il y a toute une partie de mes notes sur le mariage forcé que je n'ai pas eu le temps d'aborder.
    Allez-y.
    Merci beaucoup.
    Oui, nous recevons des demandes relatives à des mariages forcés. En fait, nous abordons la deuxième année d'un projet portant sur la violence fondée sur l'honneur. Le mariage forcé s'inscrit dans le même thème. Lorsque nous recevons des demandes, elles nous parviennent d'habitude, à cause du projet que nous avons mis au point, par l'entremise soit des écoles soit de la Direction de la protection de la jeunesse soit encore des centres Batshaw de Montréal.
    Certaines clientes nous sont également renvoyées directement par la police. Nous leur offrons alors les services nécessaires. Nous avons modifié les règles régissant l'admission au refuge parce qu'il y a énormément de jeunes femmes mineures qui n'ont pas leur mère et qui ne peuvent donc pas être acceptées dans les refuges d'après les règles de la Direction québécoise de la protection de la jeunesse.
    C'est l'une des choses que nous avons faites pour adapter les services qui existent déjà à Montréal. C'est cependant un domaine relativement nouveau pour nous. Nous essayons d'adapter autant de services que possible.
    Je ne sais pas si la travailleuse sociale, Siran, a quelque chose à ajouter.
    Comme l'a dit Mme Kamateros, nous nous occupons beaucoup depuis un certain temps de jeunes filles victimes de violence fondée sur l'honneur et de mariages forcés. Elles nous sont souvent renvoyées par des écoles, de sorte qu'elles sont extrêmement vulnérables. Elles sont très jeunes et très craintives. Je travaille surtout au refuge. Elles sont renvoyées au refuge si elles le souhaitent. Là, nous nous occupons des effets de la violence qu'elles ont subie.
    Souvent, nous devons vraiment restructurer leur vie. Même si elles sont très jeunes, elles doivent apprendre d'une certaine façon à devenir autonomes. Elles doivent donc trouver un logement et changer d'école pour des raisons de sécurité. À ce stade, nous devons leur assurer beaucoup de soutien pendant des mois et des mois. Comme elles sont très jeunes, nous ne pouvons pas les laisser affronter cette situation toutes seules.
    De plus, nos consultations avec nos travailleuses communautaires et nos intermédiaires culturelles nous ont révélé que la question des mariages forcés se pose de plus en plus souvent. Je reviens encore au problème de la langue: sans accès linguistique, aucune information ne peut être transmise aux communautés. Et moins elles disposent de renseignements sur des questions telles que le mariage forcé, moins nous pouvons changer les perceptions à cet égard.
    Nous avons constaté, par l'entremise de nos intermédiaires culturelles, qu'il y a deux types de mariages forcés, par opposition aux mariages arrangés…
    Je suis obligé de vous interrompre parce que j'ai une autre question à poser sur un sujet connexe.
    Les personnes qu'on force à se marier sont-elles au courant de leurs droits à cet égard?
    Évidemment non. C'est un domaine qu'on est en train de découvrir ici, au Québec, surtout dans le cadre d'un projet pour lequel nous avons demandé… Je crois que nous en sommes à la deuxième année. Grâce à ce projet, nous avons créé ce que nous appelons des cliniques juridiques dans certaines communautés. Les intéressées peuvent y trouver des renseignements dans leur langue maternelle sur le parrainage frauduleux, les lois du Canada et le mariage forcé. Les résultats obtenus jusqu'ici sont très, très positifs.
    J'aimerais juste prendre…

  (1705)  

    Merci, madame Kamateros.
    Très bien. Je vous remercie.
    À vous, madame Sitsabaiesan.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais juste dire à tout le monde que je ne dispose que de sept minutes. Je vais donc essayer de faire très vite.
    J'ai d'abord une question à poser à Mme Mattoo. Je sais que la South Asian Legal Clinic fait un travail extraordinaire. Cela s'applique aussi à votre rapport, que M. Daniel a mentionné.
    Je veux d'abord aborder la question du mariage forcé. Pour commencer, j'aimerais, compte tenu de votre connaissance du domaine et de l'expérience spécialisée que vous avez acquise, que vous nous expliquiez la différence entre le mariage arrangé et le mariage forcé.
    Beaucoup de gens confondent les deux notions. Pour nous, les deux se situent aux deux extrémités d'un continuum. D'un côté, nous avons le mariage arrangé et, de l'autre, le mariage forcé. Il arrive qu'il y ait un chevauchement entre les deux. Ainsi, une jeune femme peut commencer par envisager avec enthousiasme une relation, puis déchanter plus tard par suite de la coercition et de la violence psychologique qui sont exercées. Bref, les deux notions sont très distinctes: dans le cas du mariage arrangé, il y a toujours un consentement enthousiaste au départ, alors que le consentement est plus ou moins absent dans le cas du mariage forcé.
    Merci beaucoup de cette explication et de la concision de vos propos.
    Votre organisation a récemment tenu une conférence qui a réuni des représentants du gouvernement et des fournisseurs de services afin de mieux les sensibiliser aux problèmes que connaissent au Canada les gens venant d'Asie du Sud. Vous avez produit une trousse à l'intention des fournisseurs de services et avez donné beaucoup de formation sur le sujet. Que recommandez-vous au gouvernement fédéral pour mieux protéger les personnes ayant la résidence permanente ou la citoyenneté canadienne dans le contexte du mariage forcé?
    Comme je l'ai dit dans mon exposé, la clé réside dans l'exemption qui existe actuellement pour les résidents permanents conditionnels. Le recours à l'exemption devrait être étendu explicitement aux victimes ou survivantes des mariages forcés. C'est notre première recommandation. La deuxième, c'est d'accorder la protection garantie par les conventions internationales aux personnes qui révèlent, lors de l'évaluation d'un dossier de parrainage, qu'elles ont été forcées à se marier. À l'heure actuelle, ces personnes ne parlent pas aux autorités, comme l'a montré très clairement le rapport d'enquête que nous avons produit. Elles ne se plaignent pas parce qu'elles craignent d'être punies si elles le font.
    D'accord. Avez-vous connaissance de pratiques exemplaires d'autres pays que le Canada pourrait envisager d'adopter?
    Absolument. Quelques pays d'Europe, dont le Royaume-Uni, ont de bonnes pratiques. Il faut cependant être prudent parce que certains pays ont criminalisé le mariage forcé. Ce n'est pas une option que le Canada peut se permettre d'envisager pour le moment parce que la question n'est ni assez connue ni suffisamment comprise.
    Je vous remercie. Je vois que nous n'avons pas pris trop de temps. Je voudrais maintenant passer aux ressources et aux choix qui s'offrent aux femmes prises dans des situations de ce genre.
    À votre avis, les femmes parrainées et, plus généralement, les immigrantes sont-elles moins susceptibles de se plaindre que les Canadiennes de naissance si elles sont victimes de violence, d'abus ou de négligence?
    Absolument. D'abord parce qu'elles ne connaissent pas leurs droits et ensuite, comme je l'ai dit dans mon exposé — je me reporte encore une fois à mes notes — parce que les familles les tiennent en otage en leur disant qu'elles seront renvoyées du pays. C'est ce qu'on leur dit, et la menace est devenue encore plus sérieuse depuis l'introduction du statut de résidence permanente conditionnelle, qui fait du renvoi une réalité concrète. Les répondants, eux, ont accès aux ressources disponibles. Ils ont de bons contacts dans les communautés. Ils connaissent bien les médias et peuvent s'adresser à leur député. Ils peuvent en fait réunir beaucoup plus d'appuis en leur faveur que la personne parrainée.
    Oui, j'ai effectivement connu beaucoup de femmes qui vivaient des situations de ce genre dans ma communauté. Je comprends très bien ce que vous dites.
    Quelle aide les femmes parrainées qui sont victimes de violence peuvent-elles trouver actuellement auprès de CIC?
    À l'heure actuelle, en cas de rupture d'une relation, ces femmes doivent produire un tas de preuves pour établir la cohabitation et pour montrer qu'elles sont victimes de violence. On leur demande de décrire les formes de violence qu'elles ont subies et de dire si elles en ont averti les autorités. Nous devons monter tout un dossier d'information pour l'agent qui s'occupe de l'affaire. En fin de compte, même après le dépôt de ce dossier, le ministère peut produire un rapport négatif parce que les gens dont la femme se plaint ont eux-mêmes déposé un dossier contre elle pour se venger.
    Nous recommandons donc, dans notre mémoire, que le fardeau de la preuve soit quelque peu allégé quand une femme se plaint qu'elle a été victime de violence. On ne devrait pas l'obliger à produire autant de preuves pour étayer ses affirmations. La question de la cohabitation constitue pour nous un problème important en ce moment. Si la femme affirme qu'elle habitait là, mais que sa famille l'a empêchée d'accéder à de la documentation, ne lui a pas permis d'ouvrir un compte en banque, a gardé sa carte de résidente permanente au lieu de la lui donner, comment peut-elle prouver la cohabitation?

  (1710)  

    En effet. Quand vous parlez de violence, il s'agit bien de violence physique conjugale. Toutefois, si elle n'a pas pu ouvrir un compte bancaire, c'est de l'exploitation financière.
    Absolument.
    Je suis sûre qu'elle souffre aussi de violence psychologique et d'autres formes de sévices.
    Je voudrais maintenant vous entendre, monsieur Kurland ou madame Mattoo.
    À votre avis, que peuvent faire le gouvernement et CIC pour aider les femmes parrainées à s'intégrer et à surmonter quelques-uns des obstacles courants qui sont à la source de leur isolement? Je vais poser une autre question, après quoi je vous laisserai le temps de répondre. Que pouvons-nous faire pour aider les immigrantes à se joindre à la population active ou à faire des études?
    Dans la liste des cadeaux que j'ai demandés au Père Noël, il y a le rétablissement du financement qui a été enlevé aux organismes. C'est mon désir le plus cher parce que ma clinique juridique reçoit de plus en plus de questions sur l'établissement de la part de femmes victimes de violence qui n'ont plus accès aux ressources qui leur étaient offertes auparavant. Ces ressources ont été supprimées et n'ont pas été réinvesties ailleurs dans le système. À qui ces femmes peuvent-elles donc s'adresser?
    Comme elles ont besoin d'aide, elles appellent la clinique juridique qui, malheureusement, est la moins bien placée pour les aider à trouver du travail. Compte tenu de la situation du marché, nous devons considérer ces femmes comme une ressource inexploitée. Elles peuvent travailler, elles représentent un capital humain. Vous excuserez mon langage, mais ce n'est pas du tout un poids mort.
    Elles peuvent être utiles, mais nous ne leur en donnons pas l'occasion. Nous ne mettons pas à leur disposition les moyens de trouver l'emploi et la formation qu'il leur faut.
    Merci, madame Mattoo.
    Monsieur McCallum.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une petite question à poser à Richard Kurland au sujet des statistiques avant d'aborder ce qui constitue à mon avis le coeur du problème.
    Je suis bien d'accord avec vous quand vous parlez des délais de traitement et de la difficulté d'obtenir des données récentes, mais j'ai moi-même réussi à obtenir des chiffres du ministère. La période la plus récente — ce n'est peut-être pas la toute dernière — comprend les 12 mois ayant pris fin en mars 2013. La première année disponible est 2007. Les chiffres montrent que les délais de traitement ont considérablement augmenté, passant de 13 à 40 mois pour les familles, de 11 à 17 mois pour les conjoints et de 23 à 38 mois pour les aides familiales résidentes.
    Je suis d'accord avec vous, mais, compte tenu des chiffres du ministère lui-même, je ne comprends pas pourquoi vous dites que les délais ont diminué.
    Je me suis servi des données de Citoyenneté et Immigration Canada.
    C'est aussi ce que j'ai utilisé.
    Les ensembles de données viennent de Statistique Canada. Je suis heureux de mettre à votre disposition les données courantes que j'ai obtenues. Le mot « familles » englobe peut-être les parents et grands-parents dans la catégorie des conjoints pour une période de sept ans. Quoi qu'il en soit, ce sont les détails.
    J'ai les chiffres. Ce ne sont peut-être pas les derniers, mais ils sont très récents puisqu'ils vont jusqu'en mars 2013. Ces chiffres font état d'augmentations considérables des délais pour les familles, les conjoints, les parents et grands-parents, mais ce n'est pas le principal sujet que je veux aborder.
    Pour moi, le principal sujet, que Mme Mattoo a mentionné, c'est qu'il y a là un grand dilemme. Si une femme victime de violence, une femme qui souffre se plaint, elle risque d'être renvoyée dans son pays parce que sa plainte signifie que le mariage n'était pas authentique et constituait plutôt un mariage forcé ou un mariage de convenance, quelle que soit la terminologie utilisée.
    J'aimerais que chacun de vous trois réponde. En premier, il y a la question juridique.
    Si la femme peut prouver qu'elle est victime de violence, mais qu'au départ le mariage était authentique, je suppose qu'elle ne serait pas renvoyée dans son pays. Dans quelles circonstances y a-t-il un risque réel de renvoi en cas d'échec d'un mariage, pour quelque raison que ce soit?
    Deuxièmement — et c'est encore plus important —, quel rôle le gouvernement peut-il jouer? Notre comité est censé formuler des recommandations. Par conséquent, la question capitale pour moi est de savoir ce que nous pouvons faire pour aider les femmes qui doivent affronter ce grand dilemme?

  (1715)  

    Je ne voudrais pas qu'on confonde mariage forcé et violence conjugale. Ce sont deux catégories bien distinctes.
    Dans le premier cas, le mariage est nul ou peut être annulé parce qu'il a eu lieu sans consentement. Il s'agit alors d'un cas pur et simple de mariage forcé. Le risque pour la femme qui se plaint en affirmant que le mariage est nul, c'est que l'agent saisi de l'affaire déclare que toute la procédure de parrainage doit être annulée.
    Dans ce cas, la seule possibilité pour la femme consisterait à présenter une demande de révision pour considérations humanitaires, qui ne fait pas l'objet d'une évaluation des risques. Nous recommandons dans cette situation que le gouvernement évalue à ce stade les risques que courent les victimes ou survivantes d'un mariage forcé.
    Si, au départ, le mariage était authentique, mais qu'il a fini par être dominé par la violence, la femme a actuellement la possibilité de se plaindre. Ce qui arrive le plus souvent, c'est qu'avant de déposer une plainte auprès de Citoyenneté et Immigration Canada, elle aura appelé le 911 ou se sera adressée d'une façon ou d'une autre à un organisme de service social, ce qui ferait ou non intervenir le système de justice, selon la situation. La femme pourrait alors être très honteuse. Sa communauté pourrait fort bien ne pas l'appuyer si elle fait appel à la police. Par conséquent, elle peut décider d'agir ou de ne pas agir.
    Dans les deux cas, Citoyenneté et Immigration Canada produit un rapport aux termes du paragraphe 44(1) pour déterminer si la femme a abusé du système ou si elle a été parrainée en toute bonne foi. Comme je l'ai déjà dit, le fardeau de la preuve imposée à la femme est alors très lourd. Elle doit prouver beaucoup trop de choses au sujet de la violence dont elle a fait l'objet. Ce fardeau pourrait être allégé…
    Il reste moins d'une minute, et les deux autres témoins n'ont pas encore parlé. Pouvez-vous nous dire ce qu'il conviendrait de faire à votre avis? Il ne reste pas assez de temps pour autre chose.
    Quand on parle de parrainage, il y en a deux sortes: à l'étranger et dans le pays. Je suppose que nous ne voudrons pas consacrer des ressources canadiennes à la protection d'un répondant à l'étranger. Si c'est dans le pays, les délais de traitement se situent entre 18 et 24 mois. L'arbitrage se fait au cas par cas.
    La solution consisterait à étendre l'application de la politique actuelle relative à la résidence permanente conditionnelle de deux ans. Les mécanismes auxquels nous avons actuellement recours pour combattre la violence conjugale peuvent servir dans cette catégorie. Le gouvernement a déjà offert une solution. Il faudrait simplement l'étendre à ce groupe qui le mérite.
    Je vous remercie.
    Madame Kamateros, le temps est écoulé, mais nous vous accorderons une minute supplémentaire.
    Nous croyons qu'il faudrait faire preuve de plus d'indulgence en cas de violence conjugale. On devrait accorder l'exemption à la victime et lui permettre de rester au Canada au lieu de la renvoyer dans son pays d'origine.
    Merci.
    M. Leung a quelques questions à poser.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, c'est toujours un plaisir de voir Richard Kurland nous faire part de son analyse d'une façon aussi succincte.
    J'examinais votre exposé sur les tendances, la justice et les délais de traitement. Je crois personnellement que, dans beaucoup de cas où le mariage se transforme en relation de violence conjugale, la situation est attribuable au fait que la famille veut contrôler la femme. Le plus souvent, la famille essaie de l'empêcher d'avoir accès à l'information. Beaucoup de témoins ont recommandé que nous fournissions cette information, mais si la femme n'y a pas accès, si elle n'est même pas autorisée à sortir de chez elle, en quoi cela peut-il lui être utile?
    J'aimerais que Richard réponde en premier. Pouvons-nous aller un peu plus loin en considérant les femmes susceptibles d'être victimes de violence? Pourquoi n'envisageons-nous pas de relever l'âge du consentement? Pourquoi n'exigeons-nous pas certaines aptitudes linguistiques? Pourquoi n'imposons-nous pas que ces femmes aient un certain niveau d'instruction dans leur langue maternelle ou dans l'une de nos langues officielles? Croyez-vous que cela serait utile?
    Je crois que nous ne souhaitons pas suivre la même voie que le Royaume-Uni dans ce domaine. La politique britannique tendant à imposer un niveau linguistique minimal aux conjoints parrainés a beaucoup prêté à controverse. J'ai entendu de nombreux témoignages sur la langue, la langue et encore la langue. Souhaitons-nous vraiment emprunter cette voie?
    Par ailleurs, il y a une solution pratique qu'on appelle Internet. Empêche-t-on ces femmes d'accéder à Internet? Si ce n'est pas le cas, il suffirait de diffuser des vidéos dans les langues des communautés culturelles sur un site Web connu. Il est probable que les intéressées n'en profiteront pas toutes — nous avons entendu les histoires d'horreur concernant des femmes enchaînées —, mais ce serait une solution pratique et peu coûteuse.

  (1720)  

    Ne serait-il pas avantageux de relever l'âge du consentement pour que les femmes en cause soient mieux en mesure d'accéder à ces renseignements et de les comprendre?
    L'âge du consentement…
    Je rappelle que je me suis opposé à ce genre de questions, mais nous permettrons celles qui s'adressent à des intervenants…
    C'est un intervenant.
    Oui, mais je voulais juste établir clairement que la présidence a décidé que cette question est légitime.
    J'en suis conscient, monsieur.
    Il ne convient pas de poser cette question à des fonctionnaires.
    J'ai examiné la question de l'âge du consentement des femmes dans le contexte de la polygamie. C'est un domaine qu'on oublie trop souvent, même s'il touche d'importantes régions du Canada. L'âge du consentement, qui relève de la compétence provinciale, est pertinent lorsqu'il est question d'exécution de la législation de l'immigration. Toutefois, avant de toucher à ce domaine, il importe de se faire une idée du nombre de personnes en cause. Je soupçonne que ce nombre est insignifiant. Bien sûr, chaque personne est importante, mais je doute que le nombre de personnes en cause soit suffisant pour justifier une intervention du gouvernement.
    Madame Kamateros, avez-vous des observations à formuler sur le même point?
    Je vous remercie.
    Je m'excuse de mon intervention de tout à l'heure. Quand j'entends des choses comme le recours à Internet pour informer les gens… Nous avons des clientes — et je suis sûre que la travailleuse sociale le confirmera — qui ne savent même pas comment utiliser les transports en commun parce que les barrières linguistiques et leur isolement sont tellement graves et que, très souvent, elles sont contrôlées non seulement par leur conjoint, mais aussi par les membres de la famille étendue qui vivent dans le même logement. Par conséquent, je doute sérieusement que l'accès à Internet améliore la situation.
    En ce qui concerne les clientes auxquelles nous avons affaire, surtout au Québec, nous croyons que la prévention constitue la meilleure solution: la femme devrait participer au processus de parrainage dès les premiers stades. Elle devrait recevoir l'information nécessaire dans sa langue maternelle et devrait être suivie par la suite.
    Grâce à nos intermédiaires culturelles, nous savons que, très souvent, l'entrevue n'a pas lieu à leur arrivée au Canada et que, dans le cas contraire, elle est superficielle. La femme devrait recevoir des renseignements plus complets, et cela doit faire partie intégrante du processus de parrainage. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent actuellement.
    Au sujet des mariages arrangés et forcés, nous devons dire que nous avons pu voir, grâce à nos intermédiaires culturelles, à quel point le parrainage frauduleux est courant dans certaines communautés. En effet, lorsque nous avons tenu nos séances d'information juridique, cette question, comme celle des mariages multiples, est très souvent revenue sur le tapis. Beaucoup de femmes, de jeunes filles sont envoyées dans leur pays d'origine pour y être mariées à des résidents canadiens. Elles rentrent ensuite dans le pays et découvrent que leur mari a une autre femme. Comment la femme est-elle admise au Canada? Comment la première épouse est-elle arrivée? À quel titre ont-elles été déclarées aux fins de la résidence permanente?
    Reste-t-il assez de temps pour que Mme Mattoo puisse répondre?
    Oui, si elle peut le faire en une minute.
    En fonction de l'expérience que nous avons acquise, il y a deux créneaux que nous avons manqués. Ma collègue Siran Nahabedian l'a mentionné. Ces créneaux se situent avant l'arrivée au Canada et après cette arrivée. Je suis tout à fait d'accord avec elle quand elle dit que, dans beaucoup de cas, ces deux créneaux sont complètement négligés par les responsables de Citoyenneté et Immigration aux bureaux des visas et aux bureaux d'entrée au Canada.
    Si on pouvait profiter de ces deux occasions pour communiquer aux intéressées les renseignements nécessaires, je suis sûre qu'on mettrait fin à leur isolement.
    Je vous remercie.
    Merci.
    À vous, madame Blanchette-Lamothe.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais donner l'occasion à M. Kurland et au aux représentantes du Bouclier d'Athéna de répondre à une question que ma collègue a posée plus tôt.
    Je me demande si vous avez quelque chose à ajouter concernant ce qu'il faudrait faire pour briser l'isolement des femmes parrainées qui arrivent au pays et pour les aider à intégrer le marché du travail de manière à diminuer leur vulnérabilité.
    Mme Mattoo s'est déjà exprimée à ce sujet. Je vais donc m'adresser à M. Kurland et, par la suite, aux représentantes du Bouclier d'Athéna pour leur demander si elles ont quelque chose à ajouter à ce sujet?
    En fait, je me demande comment il se fait que ces personnes soient arrivées au Canada et quel était leur statut?
    Une fois arrivées au Canada, elles se marient. Toutefois, ce qui est très pertinent, c'est la façon par laquelle elles sont entrées au pays. Nos témoins de Montréal vont peut-être élaborer à ce sujet.
    À mon avis, si une personne entre au Canada avec un certain statut et demande à Immigration Canada de changer les règles du jeu pour obtenir un deuxième statut, il y a des conséquences et des risques.

  (1725)  

[Traduction]

    Le principe fondamental, pour moi, c'est qu'à un moment donné, il faut couper le cordon ombilical relié au système d'immigration. Une fois qu'on est légalement établi au Canada et qu'on a contracté un mariage qui marche ou ne marche pas ou qu'on a noué une relation de droit commun pour la bonne ou la mauvaise raison, où s'arrête la responsabilité d'Immigration Canada? La question qui se pose ne s'inscrit-elle pas dans le cadre plus vaste de la protection des droits de la femme? Par conséquent, ma recommandation est la suivante: il ne faudrait surtout pas limiter l'affaire à Immigration Canada.

[Français]

    Je vais m'adresser maintenant aux représentantes du Bouclier d'Athéna.
    Comment peut-on aider les femmes qui arrivent ici et qui sont parrainées à intégrer le marché du travail et à briser l'isolement? Avez-vous des commentaires à faire à cet égard?
    Oui.
    Dans nos recommandations et à la lumière de l'expérience que nous avons acquise auprès de ces femmes, je crois que la porte d'entrée pour briser l'isolement, ce sont les cours de langue. Sans des cours de langue, sans connaître le français ou l'anglais, ces femmes ne peuvent pas s'informer, savoir où trouver du travail, comment trouver du travail, ni même préparer leur curriculum vitae, etc.
     Il faut briser l'isolement. Je le dis par expérience, car il y a beaucoup de femmes qui sont arrivées au pays depuis de nombreuses années, mais dont leurs maris les ont empêchées de suivre des cours de français. Les cours de langues devraient être obligatoires et même constituer une condition de résidence permanente. Les cours de langues constituent la porte d'entrée qui permettront de commencer à briser cet isolement
    D'accord, je vous remercie.
    Ce devrait être obligatoire.
    Un autre point que le Bouclier d'Athéna a abordé, c'est l'information qu'on devrait donner dans la langue maternelle de la personne parrainée, et ce, dès le début du processus de parrainage. Est-ce que vous voulez dire que l'information devrait être donnée avant même que la personne arrive au Canada et s'assurer qu'elle reçoit l'information?
    Oui, bien sûr. C'est ce que j'ai entre autres dit au début de la présentation que j'ai faite. Il faut que la femme soit renseignée au tout début du processus et après sa première entrée au Canada. Par la suite, il faudrait faire un suivi des progrès qu'elle a accomplis.
    Parlez-vous d'un suivi automatique pour toutes ces femmes?
    Oui, le suivi devrait être fait de façon automatique. Comment autrement peut-on constater la présence de violence conjugale? Les rapports de police permettent de constater une telle situation, mais si la femme ne peut pas s'exprimer dans une autre langue que sa langue maternelle, on ne peut pas s'attendre à qu'elle donne des indications qu'elle est victime de violence conjugale.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Shory, une très brève question.
    Merci, monsieur le président.
    Je reviens à Montréal où j'ai commencé ma vie au Canada en 1989.
    J'ai une question à laquelle j'aimerais que chacun réponde. Elle est très simple: Est-ce que les femmes qui viennent au Canada après avoir fait de bonnes études sont moins susceptibles d'être victimes de violence? Sont-elles mieux équipées que les autres pour affronter elles-mêmes la violence? Constatez-vous que les femmes qui ne peuvent pas s'exprimer en français ou en anglais forment la majorité de votre clientèle? J'aimerais connaître en premier la réponse du Bouclier d'Athéna.
    Je vais laisser la travailleuse sociale répondre à la question.
    Vous voulez savoir si les femmes qui s'adressent à nos services ont tendance à ne pas avoir atteint un certain niveau d'instruction?
    Je parle des femmes qui sont incapables de communiquer dans l'une de nos langues officielles.

  (1730)  

    Oui, beaucoup de nos clientes sont arrivées au Canada sans connaître le français ou l'anglais.
    Mais le niveau d'instruction ne donne aucune indication sur la probabilité d'être victime de violence. Il y a beaucoup de femmes instruites parmi les victimes de violence. De plus, le niveau d'instruction ne joue pas non plus du côté de l'agresseur: en effet, beaucoup d'hommes instruits s'attaquent à leur femme.
    Non, l'instruction n'est pas un indicateur en matière de violence, mais oui, les femmes qui ne connaissent ni le français ni l'anglais sont plus vulnérables parce qu'elles ne peuvent ni parler de la violence qu'elles subissent ni demander de l'aide.
    Merci.
    Mesdames et messieurs, cela met fin au temps dont nous disposons.
    Je voudrais remercier les représentantes de Bouclier d'Athéna Services familiaux et de la South Asian Legal Clinic of Ontario pour leurs exposés. Je voudrais également remercier M. Kurland de son intervention de cet après-midi. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence et des renseignements que vous nous avez présentés.
    La séance est levée.
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