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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 076 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 juin 2013

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, je déclare ouverte la séance no 76 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. La séance est télévisée.
    L'ordre du jour est le suivant: conformément à l'ordre de renvoi du mardi 28 mai 2013, le projet de loi  C-54, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (troubles mentaux).
    Nous recevons trois groupes et de nombreux témoins aujourd'hui. Comme je l'ai dit déjà aux membres du comité, chacun des intervenants disposera de 10 minutes. Je vais leur laisser un peu de marge de manoeuvre, mais je dois quand même m'assurer qu'ils puissent présenter leur exposé. Ensuite, nous allons passer aux questions. Puis nous passerons au groupe suivant.
    Nous avons perdu un peu de temps, ce qui fait que la séance durera peut-être quelques minutes de plus, simplement pour faire en sorte que nous puissions entendre tous les témoignages.
    Pour éviter les surprises, j'aimerais dire aux membres du comité que nous avons adopté lundi dernier une motion visant à permettre aux indépendants de participer à la séance et de présenter des amendements pendant l'étude article par article. Leurs amendements doivent être présentés au préalable. Les députés indépendants nous ont demandé s'ils pouvaient venir.
    C'est ce qui a été convenu, et voici ma décision à ce sujet. Les députés indépendants sont tout à fait les bienvenus ici. Ils peuvent écouter les discussions et les exposés. Si un membre du comité de l'un des partis reconnus souhaite partager son temps avec un député indépendant, il est tout à fait libre de le faire. Je vais en tenir compte. Sinon, j'aurais besoin du consentement unanime des membres du comité pour permettre aux personnes en question de prendre la parole. Pour ce qui est de l'étude article par article, je vais accorder environ deux minutes aux indépendants pour présenter leurs amendements, le cas échéant. Ils n'auront pas le droit de vote, mais ils pourront présenter leurs amendements à ce moment-là.
    Voilà la décision. Les députés indépendants ont été informés par écrit.
    Commençons. Nous accueillons deux personnes venues témoigner à titre personnel et le représentant d'une organisation. Mme Isabelle Gaston est ici à titre personnel. M. Paul Fedoroff représente l'Association des psychiatres du Canada. Mme Carol de Delley est aussi ici à titre personnel. Nous allons nous fonder sur les noms qui figurent à l'ordre du jour.
    Madame Gaston, vous êtes la première intervenante. Vous avez la parole.

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Je suis convaincue que mon expérience au sein du système pourra vous aider à reconnaître l'importance du projet de loi C-54, un projet de loi que j'appuie.
    Je remercie le premier ministre Harper de faire une place aux victimes pour qu'elles puissent enfin être entendues.
    Je suis médecin urgentologue. Ma pratique s'effectue dans un centre hospitalier à vocation régionale et notre hôpital abrite le troisième département psychiatrique en importance au Québec. Par conséquent, plusieurs patients ayant une maladie psychiatrique se présenteront à mon département d'urgence.
    Un fait est plus pertinent pour ce comité. J'ai été la mère d'Olivier, 5 ans, et d'Anne-Sophie, 3 ans, assassinés le 20 février 2009. J'ai assisté à toutes les procédures judiciaires et, le 5 juillet 2011, mon ex-conjoint fut reconnu non criminellement responsable de la mort de mes enfants. Par la suite, les travaux d'une fastidieuse Commission d’examen des troubles mentaux ont mené à la libération conditionnelle de celui qui a enlevé la vie non seulement à mes enfants, mais, par le fait même, aussi à deux citoyens canadiens.
    Même si je suis au coeur d'un drame épouvantable, j'espère que vous comprendrez que mon témoignage n'est ni plus, ni moins biaisé que celui de certains avocats, intervenants ou psychiatres qui défileront devant vous. En effet, à l'occasion, certains de ceux-ci semblent oublier qu'il y a deux côtés à une médaille. Vous avez été élus et vous aurez à voter sur ce projet de loi. Ce sujet est trop important pour en faire un sujet partisan et propre à un seul parti.
    Aucune loi n'est totalement parfaite et aucune ne pourra totalement plaire à tous. Par contre, pour moi, une bonne loi est une loi qui tend à être la plus équitable possible pour la majorité des citoyens d'un pays. Le projet de loi C-54, quant à lui, accorde une priorité à la sécurité publique.
    En relisant la Charte canadienne des droits et libertés, j'ai réalisé que défendre le droit à la vie et à la sécurité est loin d'être facile au Canada. C'est beau sur papier, mais quand une personne est morte, on a l'impression qu'on a tendance à l'oublier. Au Canada, chaque être humain est égal en valeur et en dignité. Tout le monde est censé avoir droit à une protection égale devant la loi. Actuellement, ce n'est pas la réalité. Avec ce projet de loi, on vient redonner non seulement à nous, les victimes, mais également à toute la société, la protection qu'elle est en droit d'exiger.
    Quand on dit que cela ne fera rien pour la prévention, que le taux de récidive est faible et que cela stigmatisera les gens ayant une maladie mentale, je pense qu'on dévie du sujet. On oublie de faire la différence entre la prévention primaire et la prévention secondaire. On oublie qu'un crime grave a été commis. On ne peut pas faire abstraction de cela. On oublie qu'autrui a été victime d'un crime et qu'autrui en sera victime s'il y a une récidive.
    Il faut cesser d'accuser les partisans du projet de loi — des gens comme moi, par exemple — de manquer d'empathie envers la maladie mentale. C'est un mauvais raisonnement. Je ne manque pas d'empathie, bien au contraire. Je suis pour la réhabilitation et je comprends la souffrance engendrée par la maladie mentale. Je traite mes patients psychotiques, dépressifs ou suicidaires avec la même énergie que les patients qui se présentent à moi pour un infarctus.
    Il serait plus juste, pour réellement comprendre ma position, de connaître la hiérarchie de mes valeurs. Je trouve dommage qu'une personne atteinte d'une maladie mentale ait commis un crime, mais je trouve encore plus dommage qu'une personne ait perdu la vie ou son intégrité à la suite de ce crime. Pour moi, la mort d'Olivier et d'Anne-Sophie me dicte d'exiger que le système protège ma vie, mon intégrité et celle des autres, car c'est lorsqu'on perd ceux qu'on aime qu'on réalise qu'être en vie et en santé est un privilège.
    Certains psychiatres affirment que cette loi défera des années de progression et qu'elle est très injuste. Envers qui est-elle injuste? Selon vous, est-il injuste d'exiger d'être prudent? Je ne suis pas d'accord avec ceux qui prétendent que les défenseurs de ce projet de loi cherchent à être punitifs avec les gens non criminellement responsables. L'injustice est subie par moi, mes enfants et toute la société. Si on croit qu'exiger que la personne qui a enlevé la vie reçoive des soins et une supervision d'une durée minimale est punitif, on n'a pas la même vision du travail des intervenants en santé mentale.

  (1545)  

    Je veux bien être sensible et avouer que ce n'est peut-être pas toujours facile d'être en institution psychiatrique, mais c'est bien mieux que d'être six pieds sous terre. La mort atroce de mes enfants ordonne que le système ne lésine pas avec ma sécurité et celle des autres citoyens. La personne non criminellement responsable pourra reprendre le cours de sa vie au terme de sa réhabilitation mentale.
    Advenant l'adoption du projet de loi C-54, certains patients seraient déclarés « à risque élevé » s'ils ont commis un crime très grave, s'ils ont fait subir à d'autres des sévices graves ou s'ils ont de fortes possibilités de commettre d'autres actes de violence. Cela me semble plus que logique.
    Il est temps que ça change, parce que l'état actuel du système n'est pas trop rassurant. En décembre 2012, même si la Commission d'examen des troubles mentaux a estimé que le meurtrier de mes enfants représentait encore un risque important en raison de son état mental, on l'a quand même libéré sans supervision.
    Je ne comprends pas la rationalité d'une telle décision. J'ai l'impression qu'on joue à la roulette russe avec ma vie. Je ne me sens vraiment pas protégée en ce moment. On veut me rassurer en me disant de ne pas m'en faire, mais sur les millions de Québécois, c'est quand même ma soeur et ma nièce qui sont arrivées face à face avec le tueur de mes enfants le 18 février dernier, dans un centre commercial près de chez elles. Ce matin-là, j'avais décliné l'invitation d'aller magasiner avec elles parce que je travaillais à 4 heures la même journée. Pourquoi?
    Je pense que toutes les familles qui sont dans ma position ont le droit de se sentir en sécurité, surtout dans leur environnement immédiat. Au contraire, on ne nous informe de rien et on n'a pas accès à l'information qui nous permettrait de savoir à quelle étape de son cheminement notre agresseur en est rendu. Je n'ai aucune idée comment mon ex-conjoint aurait pu réagir à mon égard cette journée-là, ni comment j'aurais pu moi-même réagir à son égard. Ce que je sais par contre, c'est que j'ai peur. Je sais que le système n'est pas là pour moi à l'heure actuelle. Je sais aussi que dans l'éventualité d'une telle rencontre, je serais seule à pouvoir me défendre avant, pendant et après.
    Il est prudent de laisser à un juge la décision de libérer ou non un individu dit « à risque élevé ». Les membres de la Commission d'examen des troubles mentaux font sans doute un bon travail, mais en tant que médecin, je sais qu'il peut être difficile d'être soignant et juge à la fois. Selon moi, la plus grande précaution qui devra accompagner ce changement à la loi est que les ordres professionnels rappellent à leurs membres leur code de déontologie et les règles éthiques propres à la médecine d'expertise. Les ordres professionnels devraient également souligner qu'il existe une différence majeure entre un médecin expert et un médecin traitant. Sous aucun prétexte ne devrait-on autoriser un médecin à porter les deux chapeaux. Cela mine sévèrement la confiance des victimes.
    Il serait souhaitable de possiblement augmenter à trois ans la durée d'hospitalisation en institution psychiatrique. Même si on ne peut contraindre un individu à suivre un plan de traitement, on augmente assurément les chances que ce dernier en vienne à participer aux activités de réadaptation qu'on lui propose. Tout au plus, cela permettra plus de temps d'observation, afin de potentialiser l'évaluation de celui qui a commis un crime grave.
    Dans ma situation, il aura fallu une année avant que le meurtrier d'Olivier et d'Anne-Sophie ne décide d'entamer une thérapie. Malheureusement, cette thérapie était à un stade dit « embryonnaire » par son médecin traitant au moment de sa libération conditionnelle en décembre 2012. Lors de l'audition menant à cette libération, le patient a avoué avoir fait énormément de progrès grâce à son séjour à l'hôpital, lui qui voulait être libéré une année au préalable. J'aimerais également rappeler que l'expert qui avait été entendu une année avant cette libération suggérait de libérer le patient sans aucune condition. Cet exemple illustre bien qu'outre le patient, l'équipe traitante et les experts pourront bénéficier d'un temps d'évaluation un peu plus long.
    En terminant, ce projet de loi me redonne une certaine confiance qu'un jour, la balance, symbole de notre justice, retrouvera un certain équilibre entre les parties impliquées. Toutefois, il demeure à mon avis primordial qu'une réforme nationale ou du moins provinciale encadre les experts qui témoignent à la cour. On aura beau redéfinir éternellement la définition de la « non-responsabilité criminelle » et resserrer le suivi par la commission à propos de ceux jugés non criminellement responsables, mais c'est ceux qui font l'interprétation de la loi qui peuvent fragiliser notre système judiciaire et qui peuvent être générateurs d'injustices, tant pour l'accusé que pour les victimes.
    Il est donc urgent d'encadrer les règles et les procédures des experts à la cour. On se doit de contrôler la qualité des expertises présentées aux juges et aux jurés. Même si la plupart de ces expertises sont de bonne qualité, on doit s'assurer qu'elles respectent toutes les règles de l'art.

  (1550)  

    Rigueur, impartialité et objectivité sont les qualités minimalement exigées. Il en va de la confiance du public et des victimes envers notre système de justice.
    Je vous remercie. Je demeure disponible pour répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci, madame.
    Le prochain intervenant est M. Fedoroff, de l'Association des psychiatres du Canada.
    Vous avez dix minutes, monsieur.
    Merci beaucoup de m'avoir gentiment invité à prendre la parole devant vous au nom de l'Association des psychiatres du Canada et à m'asseoir à côté de la Dre Gaston, à qui j'offre mes sincères condoléances.
    Je crois qu'on a décidé de me faire cet honneur parce que je suis président de l'Académie canadienne de psychiatrie et droit, qui est la plus importante organisation de psychiatres spécialisés dans l'évaluation, la gestion et le traitement de la population sur laquelle le projet de loi C-54 va avoir une incidence directe. J'ai peut-être cependant aussi certaines qualifications en tant que psychiatre exerçant au Royal d'Ottawa.
    L'objet du projet de loi, ce sont les victimes. Je sais qu'il y a des personnes ici présentes qui vont être touchées par le projet de loi. Je le sais parce qu'un Canadien sur cinq est affecté par un problème de santé mentale grave. Ce sont donc presque tous les gens ici présents qui ont un membre de la famille aux prises avec ce problème. Ce ne sont pas toutes les personnes souffrant de troubles mentaux qui ont l'honneur d'avoir un membre de leur famille à la Chambre des communes, et, de la même façon, la plupart des gens qui ont des troubles de santé mentale ne commettent pas de crimes. En fait, la plupart des crimes avec violence sont commis par des gens qui n'ont pas de maladie mentale. Le projet de loi C-54 ne touchera pas la majorité des crimes avec violence commis contre des Canadiens, parce que ces crimes sont commis par des gens qui avaient l'intention d'enfreindre la loi. Même pour la petite proportion de gens qui ont des problèmes de santé mentale et qui commettent un crime, la plupart ne seront absolument pas touchés par le projet de loi C-54. Cela est mentionné dans le projet de loi en tant que tel, qui précise qu'il ne s'applique qu'à une faible proportion d'accusés ayant des troubles de santé mentale.
    Qui sont ces personnes ayant des problèmes de santé mentale à qui le projet de loi C-54 s'applique? Ce sont des gens qui ont une maladie mentale si grave qu'un juge a déterminé que, au moment où ils ont commis leur crime, leur maladie mentale les a empêchés de comprendre les conséquences ou la nature de l'acte qu'ils posaient, ou encore de comprendre que ce qu'ils faisaient était mal.
    Comme c'est le cas dans tous les pays civilisés, le Code criminel du Canada reconnaît le fait qu'il est injuste de tenir une personne responsable de ses actes si elle avait l'esprit si dérangé qu'elle ne savait pas ce qu'elle faisait. Les personnes dont c'est le cas sont déclarées NCR, non criminellement responsables, en cour par un juge, et non par un psychiatre, et on utilise l'expression « accusé NCR » pour les désigner. Tout le monde ici présent pourrait avoir un parent qui serait un accusé NCR. Je le dis avec le plus grand respect, parce que le fait de devenir un accusé NCR n'a rien à voir avec la personnalité ni avec l'intégrité ou le statut de la famille. Cela a à voir seulement avec la maladie mentale qui empêche la personne de savoir que ce qu'elle fait est contraire à la loi et est mal. Voilà les gens qui sont touchés par le projet de loi C-54.
    J'ai commencé par dire que le projet de loi C-54 avait pour objet les victimes. Tout le monde ici présent, moi y compris, est d'accord pour dire que les victimes ont droit au plus grand respect et aux meilleurs soins. Imaginez maintenant que votre parent ayant un problème de santé mentale, ce qu'il n'a pas demandé, commet une infraction avec violence et est déclaré NCR. Qui sont les victimes? La personne attaquée, c'est certain, mais également les membres de la famille de la victime et de l'accusé, ainsi que la collectivité. En quoi le projet de loi C-54 sera-t-il utile aux victimes? Il ne va pas multiplier les avis aux victimes. Il y en a déjà de toute façon. Il ne va pas faire en sorte que les accusés NCR retournent plus rapidement dans la collectivité. La plupart des personnes NCR sont suivies pendant plus de trois ans. Le projet de loi ne va pas non plus modifier la fréquence des évaluations réalisées par les commissions d'examen. Les délinquants à haut risque font habituellement l'objet d'examens plus fréquents que les autres, et il ne semble pas indiqué de réduire la durée des audiences.
    Voici ce que le projet de loi C-54 va faire. Il va alourdir le fardeau qu'impose au système de justice pénale la désignation des personnes « à haut risque ». Il va rendre plus difficile la réinsertion en toute sécurité dans la collectivité des personnes NCR, puisque les permissions de sortir, d'abord avec escorte et ensuite sans escorte, contribuent à l'évaluation du risque réel qu'elle pose. Le projet de loi risque de stigmatiser les gens qui ont des problèmes de santé mentale graves.
    Au nom des victimes, dont certaines pourraient compter parmi vos parents, j'espère que vous réévaluerez attentivement le bien-fondé du projet de loi.

  (1555)  

    Je vais terminer par une brève anecdote. Imaginez qu'une femme convaincue qu'une substance est bonne pour la santé alors qu'il s'agit en fait d'un poison très puissant en donne à son mari et que celui-ci se sent mal ou tombe légèrement malade. Imaginez maintenant que cette femme donne le même poison à toute sa famille à une fête d'anniversaire et tue ainsi tous les membres de sa famille et tous ses enfants. Pensez maintenant à un criminel qui a l'intention de tuer des gens et qui empoisonne quelqu'un intentionnellement. Selon vous, est-il juste et équitable de traiter toutes ces personnes de la même manière?
    Si le projet de loi C-54 est adopté, nous allons commencer à traiter des gens qui se font des illusions comme si c'était des criminels.
    Merci.
    Merci de votre exposé, monsieur.
    Notre prochain intervenante est Mme de Delley, qui témoigne à titre personnel. Merci d'être venue du Manitoba pour témoigner. Vous avez 10 minutes.
    Bonjour. Merci de m'avoir invitée à prendre la parole.
    Je représente aujourd'hui de nombreuses victimes de délinquants NCR au moment où je demande aux députés de la Chambre des communes du Canada d'adopter unanimement le projet de loi, peu importe le parti auquel ils appartiennent.
    En juillet 2008, mon fils de 22 ans, Timothy Richard McLean, a vu son droit fondamental à la vie bafoué pendant son sommeil, et il est devenu la victime d'un délinquant NCR. Je crois que mon fils est mort de façon aussi horrible et publique pour que la question de la non-responsabilité criminelle soit élucidée, de sorte que des changements positifs puissent être apportés et que la sécurité de la population puisse être assurée.
    Ma famille et moi avons dû endurer le procès et cinq audiences annuelles de la commission d'examen, et ce n'est qu'à la fin de juillet que Timothy sera mort depuis cinq ans. La situation nous a empêchés de faire notre deuil. Depuis la mort révoltante de Timothy, je consacre mon temps à la sensibilisation de la population au sujet de la non-responsabilité criminelle et des raisons pour lesquelles la façon de l'envisager doit changer selon moi.
    J'ai obtenu le soutien de deux ministres du cabinet du Manitoba, Eric Robinson et Andrew Swan, ainsi que des députés Shelly Glover, Candice Bergen et James Bezan, et je les en remercie. Il semble toujours y avoir des professionnels qui sont là pour combler tous les besoins des délinquants. Je serais étonnée que les délinquants ne fassent pas des progrès remarquables lorsqu'ils reçoivent des soins et qu'on leur administre régulièrement des médicaments et un traitement intensif dans un milieu contrôlé, tout cela étant payé par les contribuables. Qu'en est-il des victimes? Dans notre cas particulier, en plus de notre très grande famille, il y avait une quarantaine de témoins civils et presque autant d'agents de police présents lorsque le moment d'horreur est survenu. Qui prend la parole pour représenter tous ces gens? Aujourd'hui, c'est moi qui le fais.
    Nous sommes les victimes vivantes d'un délinquant NCR. Le milieu psychiatrique et la Société canadienne de schizophrénie affirment que le projet de loi stigmatise les malades mentaux. Ils ont beaucoup de choses à dire pour défendre ce qui constitue selon eux un très petit nombre de gens extrêmement malades. La question que je pose est la suivante: où étaient tous ces professionnels lorsque ces gens très dérangés ou leurs proches essayaient d'obtenir de l'aide? La plupart du temps, les délinquants en question ont déjà des antécédents de maladie mentale, laquelle est souvent diagnostiquée, mais n'est habituellement pas traitée. La raison fondamentale pour laquelle la maladie n'est pas traitée, c'est que la personne qui en souffre ne croit pas qu'elle a un problème et refuse donc de se faire aider. Le fait est que, au Canada, même lorsque les membres de la famille et les amis proches ont une preuve incontestable du fait que la personne souffre d'une psychose grave ou de troubles de santé mentale, si l'individu dérangé est réticent à se faire traiter, il n'a aucune obligation de le faire.
    Dans son livre intitulé Changing My Mind, Margaret Trudeau écrit ce qui suit:
Les gens souffrant de maladie mentale ont besoin d'une personne qui s'occupe d'eux — quelqu'un qui puisse sonder le problème, interpréter les effets secondaires possibles des médicaments et les rassurer lorsque le rétablissement semble prendre énormément de temps.
    Je suis d'accord pour dire que les personnes souffrant d'une maladie mentale ont besoin, plus que de toute autre chose, d'une personne capable d'agir dans leur intérêt, parce qu'elles sont incapables de prendre les décisions elles-mêmes.
    Lorsqu'il est désigné NCR, le délinquant passe du système de justice pénale au système de soins de santé de la province. L'accusé reçoit alors le traitement et les médicaments qu'il aurait dû recevoir au départ, et la question du meurtre n'est jamais abordée. Le nom même qu'on donne aux commissions d'examen des provinces constituées en vertu du Code criminel est trompeur. La plupart des Canadiens croient que c'est le crime qui est examiné dans le cadre de ces audiences et que l'accusé ou le délinquant est encore considéré comme étant un criminel. Ce n'est pas le cas. Ces délinquants n'ont pas de casier judiciaire. L'accusé devient alors un patient, et la seule chose qui est examinée, c'est son état mental. On devrait donner à ces commissions un nom correspondant à ce qu'elles sont, c'est-à-dire des commissions d'examen de la santé mentale.
    Je peux comprendre que ces personnes extrêmement malades puissent ne pas être responsables sur le plan psychologique; toutefois, il ne fait aucun doute qu'elles demeurent responsables de la mort d'un être humain. Les droits de l'accusé ne devraient pas avoir préséance sur ceux des victimes innocentes. Les souffrances subies par les victimes et les membres de leur famille ne devraient pas passer inaperçues au sein de notre société. Il faudrait que les commissions d'examen provinciales obligent les établissements de santé à divulguer de l'information sur les patients NCR. Les victimes devraient avoir le droit d'accéder à toute l'information concernant le traitement et les allées et venues des personnes déclarées non criminellement responsables. Je sais qu'il s'agit d'enjeux complexes et controversés. J'estime que tous les membres de notre société doivent collaborer à la création d'un pays favorisant l'équilibre et l'égalité, d'un pays offrant en temps opportun un soutien véritable aux victimes et permettant aux gens gravement malades d'obtenir l'aide dont ils ont besoin, mais dont ils ne veulent peut-être pas.
    J'estime également qu'il est essentiel de protéger tous les citoyens, y compris les personnes qui souffrent. Je veux savoir à quel moment elles sont de retour dans nos rues et ce que nous faisons pour veiller à ce qu'elles prennent leurs médicaments. Quels sont les programmes en place? Quel suivi effectue-t-on auprès de ces personnes exactement? À qui doivent-elles rendre des comptes?

  (1600)  

    Si elles récidivent, qui sera responsable? Nous savons que ce n'est pas la personne qui souffre d'une maladie mentale, ni les membres des commissions d'examen provinciales, ni les psychiatres, ni la Société canadienne de schizophrénie.
    Ekosi. Meegwetch. Thank you, merci, avec respect.
    Merci de votre exposé.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Chers collègues, je vais vous demander de vous en tenir aux cinq minutes qui vous sont accordées, de sorte que nous puissions permettre au plus grand nombre de personnes possible de poser des questions pendant chacune des heures.
    Notre premier intervenant est M. Mai, du Nouveau Parti démocratique.

  (1605)  

    Madame de Delley, madame Gaston, nous sommes avec vous.

[Français]

    C'est vraiment difficile pour nous d'entendre tout cela. C'est néanmoins un honneur de vous recevoir. Je vous remercie de prendre le temps de venir témoigner. Nous vous félicitons de votre courage. Partager votre expérience nous permet de mieux comprendre ce qui se passe. Recevoir des gens comme vous, qui nous parlez de votre expérience, est très enrichissant.
    Je voudrais commencer par Mme Gaston.
    Lundi dernier, lorsque le ministre de la Justice était ici, j'ai demandé si, dans le cas spécifique de M. Turcotte, le projet de loi C-54 s'appliquait, surtout lorsqu'il est question de la définition d'un individu à haut risque. Le ministre et les personnes qui représentaient le ministère de la Justice ne pouvaient pas répondre à la question. Il est possible que cette définition ne s'applique pas dans ce cas-ci.
    Cela change-t-il un peu votre façon de voir ce projet de loi? Je pense que vous avez soulevé — et on le comprend — la question d'être avertie par rapport à cela. Cela n'est pas vraiment discuté. C'est davantage par rapport au fait que dans le cas d'un individu à haut risque, comme Guy Turcotte, le projet de loi ne s'appliquerait pas ici.
    Je dis toujours que le 20 février, lorsqu'on a assassiné mes enfants, la personne qui existait cette journée-là est décédée avec eux.
    Dans ce que je fais, je sais maintenant qu'être en vie est un privilège. Que cela ait une influence sur moi ou non, je sais que ça va être bien pour les autres familles qui pourraient suivre parce que, malheureusement, il y aura d'autres crimes.
     Un élément important du projet de loi serait la déclaration de victime. Cela semble être un point important du projet de loi C-54. En effet, je me suis fait interrompre parce que c'était très encadré. Je voulais montrer la photo de mes enfants, mais on a brimé un peu ma liberté d'expression. Je pense que ce projet de loi pourrait apporter des changements.
    Il y a aussi le fait de retourner devant un juge. Idéalement, je verrais le juge qui a présidé le procès parce que, présentement, les gens s'en lavent un peu les mains. Ils se disent qu'ils sont là seulement pour évaluer la personne qui a été reconnue non criminellement responsable. Dans ma situation, je trouve assez remarquable comment l'individu aurait fait des progrès en un mois, alors qu'il était évalué par la même psychiatre. Selon moi, cela permettrait d'être un peu plus critique. Je suis consciente que la commission fait un très bon travail, mais parfois, à cause des règles liées au droit à l'information, il est difficile d'évaluer le travail de ces gens.
     Voyez-vous, au Québec, ça fonctionne en vase clos. Il y a des gens à l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, il y en a un peu à Trois-Rivières et un peu à Québec, mais les gros criminels vont être surtout à l'Institut Philippe-Pinel de Montréal et personne n'évalue le travail que font les intervenants à leur sujet.
     Pour répondre à votre question, je pense que ce projet de loi offre une certaine protection à cause du fait de retourner devant un juge.
     Dans ma situation, il faudra voir. Je ne pense pas que ce sera applicable.
    C'est cela.

[Traduction]

    Monsieur Fedoroff, certaines des questions que nous voulions poser au ministre au départ concernaient les consultations.
    Pouvez-vous me dire combien de psychiatres votre association représente?
    Elle compte environ 130 membres à temps plein.
    Est-ce que votre association a été consultée au sujet du projet de loi avant que vous ne veniez témoigner?
    Ni l'ACPD ni l'Association des psychiatres du Canada, qui est une organisation beaucoup plus importante, n'ont été consultées.
    Nous avons effectivement parlé du fait que le gouvernement présente un projet de loi par rapport auquel il n'a pas consulté les gens du domaine de la santé et de la maladie mentale.
    Rapidement, parce que je ne pense pas avoir beaucoup de temps, quelles seront selon vous les conséquences pour le système judiciaire?
    Le système de justice pénale est déjà surchargé, surtout en ce qui a trait aux gens atteints de maladie mentale grave dont il doit se charger. L'ajout de mesures supplémentaires créerait un arriéré dans le système et ferait presque certainement en sorte que les gens souffrant de maladie mentale seraient emprisonnés, passeraient du temps en prison, plutôt que d'être traités, plutôt que d'être écoutés et traités.
    Merci beaucoup de ces questions et réponses.
    Notre prochain intervenant est M. Goguen, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    Sachez que nous sommes avec vous et que nous prions pour vous, madame de Delley et

  (1610)  

[Français]

Dre Gaston. Je vous remercie.
    Ma question s'adresse à la Dre Gaston.
    Vous êtes médecin et vous travaillez dans un centre d'urgence. Est-ce exact?
    Exactement, je travaille au CSSS de Saint-Jérôme.
    S'agit-il d'un centre d'urgence qui se spécialise en traumatologie?
    Oui, le CSSS de Saint-Jérôme se spécialise en traumatologie, mais il est également le troisième centre en importance pour ce qui est de la psychiatrie.
    Vous avez entendu le témoignage du Dr Fedoroff. J'ai relu avec attention son mémoire et il semble dire qu'il n'y a pas un besoin urgent de faire une réforme en matière de non-responsabilité criminelle. Partagez-vous son opinion? Êtes-vous d'accord pour dire qu'il n'est pas urgent de faire cette réforme en ce moment?
    Pourquoi s'oppose-t-il à cette réforme s'il trouve qu'elle ne change pas grand-chose?
    Le Dr Fedoroff dit que c'est injuste pour ceux dont un membre de la famille souffre de maladie mentale. Pour ma part, je précise qu'un même membre de votre famille pourrait se faire assassiner. Comprenez-vous? Il y a deux côtés à une médaille. En étant toujours en contact avec des gens qui ont une maladie mentale, on en vient peut-être à les trouver sympathiques et à oublier qu'il y a d'autres gens dans la société. On oublie que nos décisions peuvent affecter toute une communauté et beaucoup de familles.
    Le meilleur ami de mon frère est schizophrène. Il est surprenant de voir des schizophrènes et des gens qui ont été dépressifs et très malades appuyer ces démarches. En effet, des millions de Canadiens sont atteints d'une maladie mentale, mais la plupart d'entre eux ne commettront jamais de crime. À mon avis, le projet de loi C-54 est vraiment d'une prudence minimale en ce sens qu'il ne touchera qu'un très petit nombre de personnes. Je ne vois donc pas pourquoi on fait une tempête dans un verre d'eau.
    Ce sont quand même des gens qui ont commis des crimes horribles, et je vous invite à lire la définition. Je n'expliquerai pas en détail ce que cette mère a subi et ce que mes enfants on subi. Lorsque je retrouve l'unique bulletin scolaire de mon enfant, j'ai de la difficulté à ne pas trouver cela injuste. Ce serait pour moi une bénédiction de pouvoir aller visiter mon garçon ou ma fille en institution psychiatrique.
    Il y a toute une liste d'activités et de services offerts à l'Institut Philippe-Pinel, tels que du macramé, les services de psychologues et des criminalistes, une piscine, un golf miniature, et des tables de billard. Peut-être qu'eux trouvent cela injuste. Toutefois, si je pouvais leur offrir le choix, je pense qu'Olivier et Anne-Sophie ne trouveraient pas cela si injuste qu'on les oblige à être traités en institution. On ne punit pas les gens. On leur demande plutôt qu'ils soient traités et d'être prudents. C'est le minimum à faire pour ceux qui ont perdu la vie ou qui ont été atteints dans leur intégrité.
    De plus, ce n'est pas pour 40 ans. Cela fait déjà quatre ans que mes enfants sont décédés. Ce serait bien d'appliquer cette loi. Je ne comprends pas la nécessité de s'y opposer. Selon moi, cette loi est un pas de plus pour protéger tout le monde.
    Tout comme moi, convenez-vous qu'un certain stigmate est généralement rattaché à ceux qui sont atteints de troubles mentaux?
    Au contraire, les gens que je côtoie qui ont une maladie mentale passent leur temps à dire qu'ils veulent mener une vie normale et qu'ils veulent être reconnus avec une certaine normalité. Or, j'ai l'impression qu'en n'offrant pas de meilleur encadrement à ceux qui commettent le pire du pire, cela stigmatisera les gens qui mènent une belle et bonne vie malgré leur trouble mental.
    Pour ma part, j'ai fait une dépression et je vis un stress post-traumatique. C'est très difficile pour moi de reprendre le cours de ma vie. Je n'ai tué personne. Il ne faut pas oublier qu'un crime a été commis. Je trouve que cela fait partie de la réalité. Il faut donc mieux encadrer ces gens.
    On dit qu'il y a peu de chances de récidive. On parle d'un taux de récidive de 1 %. Aimeriez-vous que votre femme, vos enfants ou vos petits-enfants fassent partie de ces statistiques de 1 ou 2 %? Quand je pense à ce qui m'est arrivé, je trouve que c'est un gros chiffre pour le peu qu'on demande.

[Traduction]

    Merci de ces questions et réponses.
    Notre prochain intervenant est M. Cotler, du Parti libéral.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens également à féliciter les témoins d'être venus témoigner devant nous, et surtout ceux qui ont souffert dans la foulée des actes brutaux qui ont été posés.
    Je vais poser ma première question à M. Fedoroff, et, si j'ai le temps,

[Français]

j'aurai aussi une question pour Mme Gaston .

[Traduction]

    Monsieur Fedoroff, dans le mémoire que vous avez présenté au comité, votre association affirme que le taux de récidive des personnes déclarées NCR est cinq ou six fois plus faible que celui des délinquants jugés criminellement responsables. Qu'est-ce qui explique cette différence de taux de récidive? Y a-t-il des mesures qui pourraient être prises pour réduire le taux de récidive encore plus?

  (1615)  

    Il y a une différence parce que les gens qui sont déclarés NCR souffrent d'une maladie mentale et que c'est pour cette raison qu'ils ont commis l'infraction. Les maladies mentales peuvent être traitées, et donc lorsqu'elles le sont, le risque diminue. Par contre, les gens qui ne sont pas déclarés NCR sont des criminels qui ont commis un crime intentionnellement, et, évidemment, il n'y a pas de traitement pour la criminalité, ce qui explique la différence de taux.
    Évidemment, nous cherchons aussi à faire diminuer le taux de récidive. La façon d'y parvenir, à mon avis, c'est de traiter les gens plus rapidement et plus tôt au cours du processus. Il s'agit entre autres de sensibiliser les gens aux faits concernant la maladie mentale, notamment au fait qu'il est possible de la traiter.
    L'une des raisons pour lesquelles l'Association des psychiatres du Canada s'oppose au projet de loi, c'est que nous craignons que les ressources ne soient utilisées pour placer les gens dans des établissements où ils ne sont pas traités, plutôt que d'être utilisées pour les victimes et pour mieux les indemniser, les informer et les traiter, ainsi que pour traiter les personnes souffrant de maladie mentale.
    Y a-t-il une corrélation entre ce qu'on a appelé la « nature brutale » des actes commis par les accusés NCR et la probabilité qu'ils récidivent?
    Non. Je vous ai donné l'exemple d'une femme qui empoisonne des gens alors qu'elle est convaincue de leur donner quelque chose qui est bon pour eux. Vous pouvez voir que les conséquences de l'illusion qu'elle se fait dépendent de bien d'autres facteurs, ce qui fait que de décider de son sort en fonction de ce qui s'est produit, du nombre de personnes qui ont absorbé le poison, n'est vraiment pas la bonne façon de procéder.
    C'est une situation très différente de celle où une personne commet intentionnellement un crime, puisque les actes posés témoignent de ce que cette personne est capable de faire. Lorsqu'une personne commet un crime parce qu'elle ne sait pas que ce qu'elle fait est mal, le danger vient de la possibilité qu'elle continue de se faire des illusions, et non de la brutalité de l'acte en tant que tel.

[Français]

    Madame Gaston, le projet de loi contient des mesures prévoyant des ordonnances de non-communication entre les accusés et les familles des victimes. Il contient aussi des mesures prévoyant que les familles des victimes soient mieux informées au cours du processus. Je pense que ces mesures sont appuyées de manière unanime. J'aimerais savoir si vous souhaitez suggérer d'autres mesures qui pourraient rendre ce processus un peu moins difficile pour les familles des victimes.
    En effet, il y a certaines mesures à considérer. Voyez-vous, quand la personne va être libérée sans conditions, à la limite, elle pourrait venir sur ma rue, prendre de l'alcool et reprendre son travail. Comprenez-vous? Je pense que l'ordonnance de non-communication crée une certaine distance.
    Si je savais où la personne va s'installer, je limiterais peut-être mes déplacements dans cette zone où elle se trouverait.
     Il faut que vous compreniez que je suis chanceuse parce que la colère ne me colle pas à la peau. J'ai eu de la colère et j'en ai encore à l'occasion, mais cela ne dure pas. Je ne sais vraiment pas comment je vais réagir lorsque je vais faire face à mon agresseur sans juge, sans avocat, sans policier. Je n'en ai aucune idée. Je rêve et j'imagine ces moments. Vais-je courir? Je pense que le fait de savoir où la personne se trouve, de savoir où elle en est dans son cheminement fait partie du droit à l'information. Il faut être transparent et la vérité doit transparaître. Cela va nous rassurer. Savoir que la personne faisait du vélo et du volley-ball et qu'une fracture de la cheville a fait qu'elle s'est assise et a entrepris une thérapie qui en est à un stade embryonnaire ne me rassure pas. C'est un peu cela.
    Je voudrais ajouter une chose. Le Dr Fedoroff parle des gens qui ont une psychose, mais l'article 16 est beaucoup plus large. On reconnaît même maintenant un trouble d'adaptation. Je pense qu'il y a des troubles de la personnalité et beaucoup de choses qu'on peut évaluer dans un délai plus long.

  (1620)  

[Traduction]

    Merci beaucoup de ces questions et réponses.
    Notre prochain intervenant est M. Wilks, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Gaston, vous avez mentionné dans votre témoignage un incident qui s'est produit le 18 février: votre soeur et ses enfants ont rencontré votre ex-mari par hasard. Pouvez-vous nous parler un peu plus de la façon dont votre soeur s'est sentie et de ce que le projet de loi pourrait faire pour limiter l'accès aux membres de la famille, entre autres à votre soeur? Je pense que c'est le genre de choses qui arrive rarement, mais c'est arrivé, et j'aimerais que vous m'en parliez davantage.
    Je ne veux pas que vous soyez bouleversée, mais je crois que le comité doit entendre parler de ce qui s'est passé le 18 février.
    Ce qui s'est passé, c'est que ce matin-là...
    Vous pouvez parler en français si vous le souhaitez.
    Vous voulez que je parle en français?
    M. Wilks: Certainement.
    Dre Gaston: D'accord.

[Français]

    Quatre ans moins deux jours après l'assassinat de mes enfants, ma soeur et sa fille, qui venait d'accoucher, sont allées magasiner à Montréal, au Centre d'achat Rockland. Je n'avais pas inclus le bébé dans ma description, mais il y avait en effet également son jeune bébé qui était avec elles. Nous avions su, par l'entremise des médias, que M. Turcotte était à un autre endroit, soit à L'Épiphanie, à l'extérieur de Montréal.
    Ma soeur m'a dit qu'à un moment donné, alors qu'elle se trouvait à deux mètres environ derrière sa fille et la poussette du bébé, elles sont vraiment arrivées face à face avec lui. Elles étaient si proches de M. Turcotte que la poussette aurait pu le frapper. Ils se sont regardés, puis ma nièce s'est mise à hurler: « Criminel! criminel! criminel! ». Tous les agents de sécurité sont venus. Lui s'est retourné, et ma soeur l'a suivi. Elle lui a adressé la parole, et ainsi de suite, et une courte conversation a eu lieu. Vous comprendrez qu'après cet événement, nous avons vécu quatre, cinq ou six jours de stress. Je me suis demandé comment c'était possible et s'il l'avait suivie. C'est le genre de choses auxquelles on pense. Dans de tels moments, on n'a aucune idée quoi faire et à qui s'adresser.
    Pour répondre à la question, je pense que si des distances minimales de contact étaient établies et qu'on nous avisait du lieu où se trouve la personne, nous nous sentirions plus en sécurité. Ce matin-là, j'avais décliné l'invitation d'aller magasiner. J'aurais donc très bien pu être là. Ce n'est pas très sécurisant, surtout à cause du fait que selon la commission, il représente encore un risque important.
     Ce projet de loi ferait en sorte que la personne soit libérée seulement quand on saurait qu'elle n'est plus une menace pour la société. Cela changerait vraiment tout.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    En tant qu'agent de police à la retraite, j'ai beaucoup plus de sympathie pour les victimes que pour les gens qui commettent le crime, car il s'agit bel et bien d'un crime. Les tribunaux arrivent peut-être à établir la non-responsabilité criminelle, mais lorsqu'on a vécu des choses horribles, comme vous, c'est une pilule qui est certainement difficile à avaler, disons.
    Carol, vous avez mis le doigt sur le problème à deux ou trois reprises. Vous avez dit que les droits des accusés ne devraient pas avoir préséance sur ceux des victimes. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous avez également dit qu'il faut qu'il y ait une façon de surveiller le patient qui a obtenu son congé. Cela me semble être un élément fondamental de votre témoignage et une source de préoccupation.
    La question que je vous adresse comporte deux volets. Lorsque M. Li a été libéré, quelle a été votre première réaction? Par ailleurs, avez-vous des recommandations à formuler quant à la possibilité qu'un patient qui a obtenu son congé fasse l'objet d'une surveillance quelconque, que celle-ci soit obligatoire ou non?
    Vince Li n'a pas été libéré. Il est encore dans un établissement psychiatrique au Manitoba. Cependant, il vient d'obtenir la permission de sortir sans surveillance sur le terrain de l'établissement. Il n'y a pas de clôture à cet endroit. Par ailleurs, il a obtenu la permission de sortir avec escorte à Selkirk, où il est détenu, ainsi qu'à Winnipeg, et cela inclut maintenant les plages des alentours. Ainsi, des gens qui passent leur dimanche en famille à la plage pourraient le rencontrer par hasard. Ça pourrait être le cas de ma famille. J'ai une maison à la plage. C'est très déconcertant pour moi.
    J'ai reçu de l'information de la part de gens touchés par de nombreux autres cas de non-responsabilité criminelle. Comme j'en ai beaucoup parlé, les gens m'envoient leur dossier et me communiquent leur information et leur expérience. Dans bien des cas, le délinquant et la victime se sont rencontrés par hasard. Les gens vivent dans la même collectivité. C'est effrayant.
    Il y a entre autres le cas d'une femme qui est tombée sur le meurtrier de sa fille, ce qui l'a ramenée en arrière instantanément. Elle a été traumatisée de nouveau. Elle a commencé à boire beaucoup, elle a perdu son emploi, perdu sa source de revenu. Cela fait maintenant trois fois qu'elle essaie de se suicider. Je me demande combien d'autres victimes le délinquant fera.
    Pour ce qui est des recommandations, je ne crois pas être qualifiée pour recommander une façon de s'occuper de ces gens après coup. Il est clair que les mesures en place ne sont pas adéquates. Quand on pense que ce qui est en place dans un centre urbain très important est insuffisant, on se demande comment ça peut être dans les régions rurales. Qu'est-ce qui se passe dans le Nord, où les ressources, les programmes et les gens à qui on veut que les délinquants rendent des comptes sont inexistants?
    Il y a beaucoup de travail à faire à ce chapitre. Je n'ai pas toutes les réponses, et je n'ai jamais prétendu toutes les avoir. Je suis une mère en deuil, ou en tout cas j'essaie de l'être. J'essaie de porter le problème à l'attention des gens au pouvoir afin qu'ils puissent faire quelque chose pour corriger la situation.

  (1625)  

    Merci de toutes ces questions et réponses.
    Monsieur Marston, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ça va être une séance des plus difficiles pour moi. J'ai une compréhension intime de ce que vous avez vécu toutes les deux. Je souffre moi-même du syndrome de stress post-traumatique depuis que j'ai été témoin d'un incident sur le lieu d'un accident de voiture, alors je vous comprends.
    En 1949, ma mère a étranglé ma sœur. Elle a été désignée non criminellement responsable. Je ne l'ai pas su avant l'âge de 12 ans. Elle a passé 10 ans en traitement à l'hôpital. Je me rappelle avoir passé une fin de semaine avec elle lorsqu'elle a obtenu l'un de ses premiers congés. Je me rappelle avoir cherché du réconfort auprès de mon père, m'être demandé si j'étais en sécurité.
    Il est très difficile de déterminer qui est malade et qui est criminel. L'acte posé est certainement un acte criminel, et, dans votre cas, c'est un acte horrible, mais la personne qui l'a posé demeure une personne malade, et c'est vraiment troublant. Notre tâche, c'est d'essayer d'élaborer le meilleur projet de loi possible afin de répondre aux besoins de la collectivité, ainsi qu'à ceux des gens malades.
    Je vais surtout adresser mes questions à M. Fedoroff, mais je voulais dire que vous avez raison. Il y a des gens qui ressentent beaucoup de choses comme celles que vous ressentez.
    M. Cotler vous a parlé de récidive. Avez-vous des statistiques concernant le taux de récidive des gens désignés?
    Je ne suis pas prêt à aborder le sujet dans le détail. Je crois que vous allez entendre le témoignage de représentants de la Commission de la santé mentale, et ceux-ci auront beaucoup plus de détails là-dessus. Je peux vous dire que le taux de récidive des accusés NCR est beaucoup plus faible que celui des criminels pris en charge par le système de justice pénale.
    Ce qui nous frappe tous, c'est que le succès du traitement dépend de l'engagement du patient envers celui-ci. Je pense que c'est la source de beaucoup de craintes. Les gens croient que les patients peuvent en grande partie faire semblant de suivre leur traitement et que lorsqu'ils sortent, il y a encore un risque. Il y a tant de choses qui font partie du champ d'expertise des psychiatres. C'est la raison pour laquelle j'ai été très étonné d'apprendre que votre groupe n'a pas été consulté au sujet du projet de loi. C'est un projet de loi d'une importance capitale pour ce qui est de répondre aux besoins de la population et de dissiper ses préoccupations. Cela me trouble. J'ai bien hâte d'entendre le témoignage de nos autres témoins.
    Avez-vous des suggestions d'outils supplémentaires qui pourraient être prévus dans le cadre du projet de loi et qui seraient avantageux par rapport au traitement?

  (1630)  

    Oui. Le projet de loi C-54 ne fait absolument rien pour réduire le risque que présentent les délinquants qui en sont à leur première infraction, alors que c'est surtout d'eux qu'il s'agit. Il ne fera rien pour réduire le risque lié à la réinsertion sociale des personnes NCR. En fait, il va peut-être contribuer à l'accroissement du risque, parce qu'il empêchera de tester une personne en lui accordant une permission de sortir sans escorte sur le terrain de l'établissement avant de lui accorder d'autres privilèges. Il va retarder le traitement et faire en sorte qu'il sera plus difficile de s'assurer que la personne ne dit pas simplement ce que nous voulons entendre.
    Comme je l'ai dit déjà, ce que nous devons faire pour régler le problème plus général qui se pose, c'est de mieux informer la population et les victimes afin qu'ils puissent comprendre qu'il s'agit de gens très différents, que votre mère est très différente d'un criminel qui aurait commis le même crime qu'elle. Selon tous les principes de la jurisprudence, les personnes souffrant de maladie mentale doivent être traitées différemment, parce qu'elles ne savent pas ce qu'elles font au moment où elles le font.
    Il y a la question de la stigmatisation. Dans le cas de ma mère, nous venions d'une petite ville du Nouveau-Brunswick, et elle n'a jamais pu y retourner. Elle est décédée à l'âge de plus de 80 ans, mais elle n'a jamais pu retourner dans cette collectivité, pas que les gens se soient montrés particulièrement agressifs à son égard, mais plutôt parce qu'il y avait une espèce de tension sous-jacente.
    Je crains que le projet de loi ne favorise la stigmatisation. Il faut que nous trouvions un équilibre, parce que les besoins sont bien réels. Personne ne doute du fait que les membres de la famille des victimes aient des besoins et tout cela, mais comment trouver un équilibre?
    Eh bien, vous avez raison. Les commissions d'examen — qui, soit dit en passant, n'ont pas non plus été consultées pendant la rédaction du projet de loi — tiennent toujours compte du danger que pose la personne, et la protection de la population fait partie de leurs principales préoccupations. Elles en tiennent toujours compte. L'ajout d'une nouvelle désignation à haut risque fondée sur une hypothèse qui n'a pas été vérifiée scientifiquement, et ce, sans une évaluation par une équipe complète qui connaît la personne, qui vit avec elle, me semble dangereux, et j'ai l'impression que cela va venir stigmatiser davantage et de façon superflue un groupe déjà très marginalisé.
    Merci beaucoup de ces questions et réponses.
    La dernière question adressée au présent groupe de témoins sera posée par M. Seeback, du Parti conservateur. Vous avez seulement trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie Isabelle et Carol de leur témoignage. Je n'ai que peu de temps. Je veux m'adresser à M. Fedoroff, en raison de certaines observations qu'il a formulées aujourd'hui. J'aimerais vous poser des questions, mais je n'ai pas le temps.
    Monsieur Fedoroff, avez-vous lu les modifications apportées au Code criminel?
    Oui.
    Vous avez dit devant le comité aujourd'hui que le projet de loi va faire en sorte que les gens qui seront déclarés à haut risque seront emprisonnés, ou que la probabilité qu'ils soient emprisonnés sera accrue. Dans quel article avez-vous trouvé cela?
    C'est ma prédiction fondée sur le fait que le système de justice pénale devra maintenant prendre de nouvelles mesures, notamment le fait de déclarer qu'une personne est à haut risque et composer avec les changements de statut.
    Eh bien, le projet de loi dit exactement le contraire, et je cite: « Si le tribunal déclare que l’accusé est un accusé à haut risque, il rend une décision à l’égard de l’accusé aux termes de l’alinéa 672.54c) […] », et l'article dit aussi ce qui suit: « […] la détention de l’accusé dans un hôpital […] ».
    Un hôpital, ce n'est pas une prison.
    Afin de déclarer qu'une personne est un accusé à haut risque, la cour devra en arriver à la conclusion que c'est le cas.
    Oui, puis elle l'enverra dans un hôpital.
    Oui, mais avant d'arriver à l'hôpital, elle passera par une prison.
    Si c'était vrai, cela ne modifierait pas le système actuel.
    Je trouve aussi que l'autre chose que vous dites, c'est-à-dire que le problème va être accru parce qu'il n'y aura pas de traitement, n'a pas de sens ou ne correspond pas à ce qui figure dans le projet de loi. Celui-ci indique très clairement qui est visé par le paragraphe 672.84(1) proposé. Il y est écrit ce qui suit: « si elle est convaincue qu’il n’y a pas de probabilité marquée que l’accusé — qu’il ait fait l’objet d’une déclaration […] ».
    Si, d'après la commission d'examen, la personne ne présente plus un haut risque, que la personne comparaît devant une cour et que la cour est d'accord, les conditions imposées par la commission d'examen s'appliqueront de nouveau, par exemple la liberté sous surveillance, mais c'est seulement lorsqu'on considère que la personne ne pose pas de risque pour la population.
    Je ne vois pas ce qui vous fait dire que la personne ne sera pas traitée ou qu'elle va être traitée de façon moins équitable. Il s'agit d'assurer la sécurité de la population tout en garantissant que la personne est traitée.

  (1635)  

    Je dis cela parce que, actuellement, lorsqu'une personne est considérée comme étant un accusé NCR et qu'elle est détenue dans un hôpital psychiatrique, c'est en fonction du fait qu'elle a une maladie mentale. Le projet de loi va venir modifier cela pour faire en sorte que la détention soit fondée sur la brutalité du crime.
    Non. Je ne suis pas d'accord avec vous. Ce n'est pas ce que le projet de loi dit.
    Merci de ces questions et réponses.
    J'aimerais remercier nos témoins de nous avoir fait part de ce qu'ils ont vécu personnellement. Il est très important pour nous de faire l'étude que nous sommes en train de faire, et je sais que ça a été très difficile pour vous.
    Je tiens également à vous remercier, monsieur Fedoroff. Vous avez dû témoigner en même temps que des gens qui avaient une histoire très personnelle à raconter. Merci beaucoup du témoignage que vous avez livré cet après-midi
    Nous allons suspendre la séance le temps de passer d'un groupe de témoins à l'autre.

  (1635)  


  (1635)  

    Mesdames et messieurs, nous reprenons nos travaux.
    Nous accueillons notre deuxième groupe de témoins. Nous allons entendre le témoignage de Kim Pate, de la Société Elizabeth Fry du Canada. Nous allons également entendre celui de Paul Burstein et d'Erin Dann, de la Criminal Lawyers' Association. Enfin, nous allons entendre le témoignage de David Parry et Terry Hancock, de l'Association du Barreau canadien.
    Chacune des organisations dispose de 10 minutes. Nous allons suivre la liste de l'ordre du jour. Notre première intervenante va être Kim Pate, de la Société Elizabeth Fry du Canada.
    Merci beaucoup de m'avoir invitée à témoigner devant vous.
    Je représente l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, association comptant 26 membres et travaillant auprès — et au nom — des femmes et des filles marginalisées, victimisées, criminalisées et institutionnalisées du pays. Comme bon nombre d'entre vous le savez, nous offrons des services qui vont de l'intervention précoce auprès des personnes victimisées jusqu'à la réinsertion sociale, en passant par les programmes de soins de suivi. Mon exposé va être très bref.
    L'examen du projet de loi offre l'occasion de faire la lumière sur une question très importante, une question soulevée par une tragédie terrible que vivent des Canadiens, mais il demeure qu'on s'entend généralement pour dire que la nouvelle désignation des personnes « à haut risque » ne sera pas particulièrement utile, et que, à moins que des ressources supplémentaires ne soient consacrées au soutien des personnes qui vont faire l'objet de cette désignation, celles-ci vont probablement être incarcérées, ou plutôt institutionnalisées — toutes mes excuses — pendant des périodes indûment et inutilement longues dans des centres qui ne seront pas nécessairement en mesure de leur offrir le genre de traitement qu'il faut fournir aux personnes déclarées « non criminellement responsables ».
    Nous ne voulons surtout pas revenir aux asiles d'autrefois ni aux milieux institutionnels dans lesquels les gens passent de très longues périodes sans qu'il y ait beaucoup d'examens et en ayant rarement accès au traitement dont ils ont besoin. Nous estimons que le projet de loi va avoir des répercussions sur bien d'autres gens qui ne seront pas nécessairement déclarés non criminellement responsables, mais qui pourraient être considérés comme étant à haut risque.
    J'ai plusieurs exemples de cas de ce genre, et je vous en parlerai avec plaisir lorsque je répondrai à vos questions. Voilà qui résume notre position.
    Merci.

  (1640)  

    Merci beaucoup de votre exposé. Nos prochains intervenants sont les représentants de la Criminal Lawyers' Association.
    Monsieur Burstein.
    Monsieur le président, au nom de la Criminal Lawyers' Association, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à prendre la parole pour parler de l'enjeu important qui est examiné aujourd'hui.
    C'est pour moi un privilège et un plaisir que de venir de nouveau témoigner devant le comité. Je m'appelle Paul Burstein. Je suis le dernier président sortant de la Criminal Lawyers' Association, qui est une association de plus de 1 200 avocats criminalistes. Notre association est l'une des plus importantes organisations de juristes spécialisés du Canada. Comme ma collègue, Mme Dann, et moi, la plupart de nos membres ont régulièrement des contacts avec des gens souffrant d'une maladie mentale qui, après avoir passé à travers les mailles de notre système de soins de santé mentale, finissent par être pris en charge par le système de justice pénale.
    Personnellement, je travaille auprès de délinquants aux prises avec des troubles mentaux depuis plus de 20 ans, depuis que la partie XX.1 du Code criminel a été adoptée. Cette partie du Code criminel est entrée en vigueur le 4 février 1992. Je suis devenu avocat trois jours plus tard, et je travaille dans le cadre de ce régime depuis. J'ai représenté de nombreux délinquants aux prises avec des troubles mentaux devant la Commission ontarienne d'examen et devant les cours d'appel, dans le cadre d'appels interjetés contre les décisions de la commission.
    Depuis près de 20 ans, je fais partie d'un petit groupe d'avocats auquel la Cour d'appel de l'Ontario a recours pour l'aider à s'occuper des délinquants aux prises avec des troubles mentaux qui ont interjeté eux-mêmes appel contre les décisions de la COE. J'ai comparu devant la Cour suprême du Canada dans le cadre de plusieurs affaires très importantes concernant le même sujet que le projet de loi C-54. J'ai donné des cours portant sur les délinquants aux prises avec des troubles mentaux. Et surtout, comme des millions de Canadiens, je suis le parent d'un enfant qui souffre depuis longtemps d'une maladie mentale grave. Je comprends très bien en quoi les familles sont également victimes de la maladie mentale lorsqu'elles ont à s'occuper d'une personne qui en souffre et qui a des crises à cause de cette maladie.
    Ma collègue, Mme Dann, a été greffière à la Cour suprême du Canada. Elle travaille par ailleurs pour un cabinet qui s'occupe beaucoup de délinquants aux prises avec des troubles mentaux. Elle consacre une bonne partie de son travail à ces délinquants. Au nom de notre organisation, Mme Dann va formuler de brèves observations concernant ce que nos membres estiment que le comité doit envisager avant d'adopter le projet de loi C-54. Ensuite, elle et moi serons disposés à répondre à toutes vos questions. Nous avons remis au greffier un mémoire dans lequel nous approfondissons nos observations.
    Madame Dann.
    Merci de nous avoir invités à prendre la parole devant le comité.
    J'étais ici pour écouter le dernier groupe de témoins et le témoignage poignant de Mme de Delley et de Mme Gaston. J'ai été émue, comme vous l'avez sans doute tous été, par ces témoignages. Ces deux témoignages et celui d'autres victimes et membres de la famille qui comparaissent devant vous mettent en lumière la tâche très difficile dont doit s'acquitter le comité.
    En tant que législateurs, vous devez être capables de faire abstraction de l'horreur qui caractérise certaines des infractions qui sont commises et aussi peut-être de notre penchant naturel à souhaiter que l'auteur des actes posés soit puni. Par définition, les gens qui sont déclarés NCR ne sont pas, sur le plan moral, coupables des crimes qu'ils ont commis. Comme la Cour suprême l'a affirmé et comme notre jurisprudence l'a décidé, ces gens ne savaient pas ce qu'ils faisaient au moment où ils l'ont fait, ou encore ils ne comprenaient pas que c'était quelque chose de mal sur le plan moral, et on peut les priver de leur liberté pour protéger la population et pour les traiter, mais pas pour les punir.
    La Criminal Lawyers' Association félicite le Parlement d'exprimer le désir de s'assurer que les victimes et l'ensemble de la population canadienne sont protégées adéquatement contre la conduite involontaire de personnes aux prises avec des troubles mentaux graves. Nous sommes donc en faveur de l'adoption des dispositions du projet de loi C-54 qui visent à accroître la participation des victimes et à multiplier les avis qu'elles reçoivent, ainsi que d'autres dispositions connexes.
    Malheureusement, à nos yeux, le reste des modifications apportées par le projet de loi ne fait rien pour permettre l'atteinte du but louable que vise le Parlement. C'est qu'elles ciblent le traitement offert après le verdict plutôt que la situation des personnes aux prises avec des troubles mentaux graves avant qu'elles ne commettent une infraction.
    Je cite le juge Richard Schneider, qui est le chef de la Commission d'examen de l'Ontario et l'un des grands penseurs du domaine de la maladie mentale et du droit pénal au pays: « Si tant est que les dispositions législatives en vigueur posent réellement problème, les modifications qu'on propose d'y apporter passent complètement à côté du but ».
    Je pense que l'examen du cas de Vince Li peut permettre de faire la preuve de l'existence de certaines lacunes dans le projet de loi. Par ailleurs, c'est un examen instructif, puisqu'il s'agit clairement d'un des cas les plus complexes et les plus traumatisants dont nous ayons entendu parler, comme citoyens. Lorsque M. Li a tué M. McLean, il ne faisait l'objet d'aucune décision de la commission d'examen. Il n'avait jamais eu de contact avec le système des commissions d'examen. Il souffrait cependant d'une psychose en phase active, et sa maladie mentale, la schizophrénie, n'avait pas été traitée.
    D'après tous les comptes rendus publics, son traitement fonctionne très bien. Il a appris à comprendre la maladie dont il souffre, et il sait qu'il devra prendre des médicaments pour le reste de ses jours, et il accepte qu'une ordonnance de la cour l'oblige à le faire. Il a été placé au départ dans une aile d'hôpital de laquelle il ne pouvait pas sortir, mais, en 2010, il s'est vu accorder des privilèges de sortie sur le terrain de l'établissement. L'an dernier, il a obtenu une permission de sortir avec escorte dans la collectivité, et, tout juste le mois dernier, ses privilèges ont été accrus, et il peut maintenant passer une journée complète dans la collectivité, sous supervision, d'après la recommandation de son équipe de traitement.
    À l'audience, la Couronne, représentée par le Procureur général du Manitoba, ne s'est pas opposée à l'accroissement des privilèges dont M. Li bénéficie, et nous pouvons présumer que le représentant de la Couronne ne l'a pas fait parce qu'il se rendait à l'évidence que ces privilèges ne poseraient aucun risque pour la population. Dans le cadre du régime en vigueur, M. Li sera détenu jusqu'à ce que sa libération ne présente plus de risque pour le public. Il ne sert à rien de le désigner comme étant une personne à haut risque.
    La CLA demande au comité d'envisager les répercussions négatives éventuelles de cette désignation, et surtout la seconde manière dont elle peut avoir lieu, c'est-à-dire lorsque la Cour fonde la désignation sur le fait que les infractions « étaient d’une nature si brutale qu’il y a un risque de préjudice grave pour une autre personne ». Quelle que soit la définition de « nature brutale » — et la CLA affirme dans son mémoire que le caractère vague de ce terme pourrait poser problème —, il semble probable que le cas de M. Li y corresponde.
    Cette disposition pose de multiples problèmes.
    Premièrement, la CLA n'est au courant de l'existence d'aucune preuve du fait que la nature brutale de l'infraction désignée soit liée au taux de récidive.
    Deuxièmement, la nature brutale de l'infraction désignée ne changera pas, peu importe les progrès réalisés par le délinquant. Selon le libellé actuel, même si un tribunal conclut que M. Li ne présente aucun risque de violence, aux termes de l'alinéa 672.64(1)a), la désignation pourrait demeurer en vigueur aux termes de l'alinéa 672.64(1)b) en raison de l'acte commis dans le passé.
    Troisièmement, la désignation fait en sorte que l'accusé NCR est privé de privilèges permettant la réadaptation, par exemple les permissions de sortir dans la collectivité, même lorsque l'exercice de ces privilèges ne présente aucun risque pour la population.

  (1645)  

    Cela pourrait nuire à la relation thérapeutique entre le psychiatre et le patient et être une source de frustration et de démotivation face à la réadaptation; ce qui pourrait paradoxalement faire croître le risque pour la population.
    Ce que la désignation comme personne à haut risque ne permettra pas, c'est de garantir que quelqu'un comme M. Li sera repéré, traité et suivi avant que son état ne se détériore au point où sa maladie le poussera à commettre un crime grave avec violence.
    La position de la CLA est la suivante: si le gouvernement veut vraiment prévenir les conséquences criminelles des maladies mentales graves, il doit fournir davantage de ressources et de soutien aux autorités provinciales responsables de la santé mentale. Le gouvernement a créé la Commission de la santé mentale du Canada, ce qui est à nos yeux une excellente initiative dont nous le félicitons. Ce que nous voudrions vous demander de faire, c'est d'écouter ses sages conseils.
    Dans ses documents stratégiques et de politiques, la commission affirme que la façon de lutter contre la surreprésentation des personnes souffrant d'une maladie mentale au sein du système de justice pénale, c'est de créer un bon système de soins de santé mentale axé sur la prévention. Il faut que nous donnions plus d'importance au rôle du système civil de santé mentale dans la prestation des services, des traitements et du soutien aux gens pris en charge par le système de justice pénale avant qu'ils ne commettent des actes horribles comme ceux qu'on a évoqués.
    Nous devons offrir de la formation aux agents de police au sujet des problèmes et des troubles de santé mentale, de la façon d'intervenir en cas de crise, ainsi que des services qui s'offrent à eux.
    Si le régime relatif à la désignation comme personne à haut risque est adopté, la CLA recommande que des modifications précises soient apportées au projet de loi. Ces recommandations figurent dans notre mémoire.
    En conclusion, j'aimerais réagir à certaines des préoccupations exprimées dans les questions posées au ministre et aux représentants du ministère de la Justice lundi et plus tôt au cours de la journée.
    Pour ce qui est du taux de récidive, le ministère de la Justice a demandé à Mme Anne Crocker de réaliser une étude. Celle-ci est citée dans notre mémoire, ainsi que dans le mémoire de l'Association du Barreau canadien. L'étude présente des chiffres concernant le taux de récidive des accusés NCR.
    J'aimerais également vous dire qu'il est crucial que le comité se penche sur l'incidence que le projet de loi va avoir sur la capacité des institutions provinciales. Là-dessus, je voudrais vous faire remarquer que le comité a examiné les dispositions relatives aux troubles mentaux du Code criminel en 2002, qu'il a tenu des audiences publiques, et que, à l'époque, il y a 10 ans donc, il a conclu que le système de santé mentale médico-légal était utilisé au maximum de sa capacité et que, en l'absence de ressources adéquates, il serait irresponsable et déraisonnable de recommander la mise en œuvre de dispositions qui viendraient accroître le fardeau d'institutions dont un autre gouvernement est responsable sur les plans juridique et budgétaire.
    Je peux vous dire que la situation ne s'est pas améliorée au cours des 10 dernières années. La juge en chef du Canada, Beverley McLachlin, compte parmi les nombreuses personnes ayant fait état du problème persistant que constitue l'absence d'établissements adéquats de traitement médico-légal des délinquants aux prises avec des troubles mentaux, problèmes dont l'existence fait en sorte que ces délinquants demeurent longtemps dans un établissement carcéral avant de pouvoir être pris en charge par le système de santé mentale médico-légal.
    Nous présentons de nombreux cas par rapport auxquels ce problème a été documenté dans notre mémoire, plus précisément aux pages 9 et 10.
    Merci.

  (1650)  

    Merci beaucoup, madame Dann.
    Nos derniers intervenants pour le présent groupe sont les représentants de l'Association du Barreau canadien. C'est Mme Hancock qui présente l'exposé.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, je vous remercie.
    L'Association du Barreau canadien est très heureuse de comparaître devant vous, cet après-midi, au sujet du projet de loi C-54. L'ABC est une association nationale qui représente plus de 37 000 avocats, dans toutes les régions du Canada.
    L'un des objectifs de l'Association du Barreau canadien est d'améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous avons examiné le projet de loi C-54
    Les mémoires que vous avez reçus ont été préparés par la Section nationale du droit pénal de l'ABC. La section comprend des avocats de la défense ainsi que des procureurs et des professeurs de droit de chaque province et territoire du Canada.

[Traduction]

    Là-dessus, c'est avec grand plaisir que je vous présente M. David Parry, qui est membre de notre Section nationale du droit pénal et qui va présenter les points saillants de notre mémoire.
    Merci.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. C'est vraiment un honneur pour moi que de m'adresser à vous aujourd'hui et de prendre part à la conversation très importante que nous tenons cet après-midi.
    J'estime que le projet de loi C-54 offre de nombreuses possibilités uniques de modifier le droit dans le domaine en question, et j'aimerais aborder ce que suppose le projet de loi et certaines des conséquences qu'il pourrait avoir.
    Lorsque le ministre Nicholson a comparu devant le comité lundi, il a parlé de la nécessité de trouver un équilibre entre ce que la Cour suprême a appelé le double objectif du régime de non-responsabilité criminelle. Il s'agit, d'une part, de la sécurité publique, et, d'autre part, du traitement équitable de l'accusé NCR.
    Cependant, si le critère est l'équilibre, l'Association du Barreau canadien affirme avec respect que le projet de loi C-54 ne permet pas de trouver cet équilibre. C'est important, parce que, si l'équilibre n'est pas atteint, au bout du compte, la sécurité publique pourrait être menacée à long terme.
    Personne ne nie le besoin pressant d'assurer une protection adéquate de la population. Toutefois, pour vraiment la protéger, il ne suffit pas de détenir les accusés NCR. La meilleure façon d'assurer la sécurité de la population à long terme, c'est de les traiter et de permettre leur réinsertion sociale. Malheureusement, le projet de loi C-54 ne favorise pas vraiment cette façon de faire. L'ABC appuie certaines dispositions du projet de loi, mais recommande que d'autres ne soient pas adoptées.
    Je vais maintenant aborder les trois grandes modifications proposées dans le cadre du projet de loi.
    Premièrement, l'ABC appuie la proposition concernant l'obligation d'aviser les victimes, si elles le souhaitent, de la libération des accusés NCR, et concernant la possibilité pour les commissions d'examen de délivrer des ordonnances de non-communication. Ces modifications comblent une lacune et visent le but louable qui est de répondre aux besoins des victimes dans le cadre du régime de non-responsabilité criminelle. Elles donnent suite à l'instauration des déclarations de la victime en 2005, et l'ABC les appuie pleinement.
    La deuxième modification dont j'aimerais parler consiste en la suppression du critère concernant la décision « la moins sévère et la moins privative de liberté ». L'ABC recommande que cette modification ne soit pas adoptée.
    Dans le cadre du régime actuel, les commissions d'examen rendent la décision qui est la moins sévère et la moins privative de liberté pour l'accusé NCR, compte tenu de la sécurité publique, de l'état mental de l'accusé, de son degré de réinsertion sociale et de ses autres besoins. La sécurité publique fait déjà partie des éléments fondamentaux que les commissions d'examen évaluent lorsqu'elles décident de libérer ou de maintenir en détention un accusé NCR. Cette considération est à l'avant-plan.
    Comme l'a dit la juge McLachlin dans la décision Winko, cela « fait en sorte que la liberté de l’accusé ne soit pas entravée plus qu’il n’est nécessaire pour protéger la sécurité du public ».
    Cette obligation de rendre la décision la moins sévère et la moins privative de liberté est donc un élément important de l'approche équilibrée du régime actuel. La Cour suprême a souvent répété que le critère de la décision « la moins sévère et la moins privative de liberté » est au cœur de la validité constitutionnelle du régime de la non-responsabilité criminelle. Dans le cadre de plusieurs affaires, dont certaines remontent à près de 15 ans, on a affirmé qu'il s'agit d'un critère essentiel à la conformité avec la Charte des droits et libertés.
    La modification proposée visant la suppression de cette expression remettrait en question la validité constitutionnelle de la disposition. L'introduction de nouvelles expressions n'ayant pas été mises à l'épreuve, soit « raisonnable » et « nécessaire », nuit à l'atteinte du but consistant en l'application uniforme de la loi par les commissions d'examen partout au pays.
    De même, la proposition de faire de la sécurité publique la principale chose à prendre en compte bouleverse l'équilibre crucial entre la sécurité publique et le traitement équitable des accusés NCR en faisant en sorte qu'il soit accordé davantage d'importance à l'un qu'à l'autre. Il s'agit là d'un autre élément dont la Cour suprême a dit à de nombreuses reprises qu'il est fondamental dans le cadre du régime en vigueur.
    L'ABC recommande donc au comité de ne pas supprimer le critère de décision « la moins sévère et la moins privative de liberté ».
    La troisième et dernière modification que j'aimerais aborder consiste en l'ajout proposé de la désignation de personne à haut risque qui s'applique à certains accusés NCR. L'ABC affirme que cet ajout va non seulement à l'encontre du but recherché, mais qu'il nuit en plus à l'atteinte du but qui est d'accroître la sécurité publique.
    Premièrement, le régime proposé relativement aux accusés à haut risque est fondé sur l'hypothèse que l'accusé NCR va récidiver simplement parce qu'il a commis une infraction grave. Les données accessibles portent à croire que c'est exactement le contraire. En outre, la décision Winko est claire: il ne peut pas y avoir présomption de dangerosité. Nous nous sommes libérés du stéréotype du délinquant fou dans la décision Swain il y a près de 20 ans.
    Deuxièmement, cette proposition risque d'avoir une portée trop grande. J'entends par là que les moyens pris pour atteindre l'objectif n'ont pas à être aussi importants. Cela remet en question la constitutionnalité de la proposition. La conséquence de la désignation d'accusé à haut risque est que l'accusé NCR est visé par un régime de détention différent.

  (1655)  

    Il est difficile de voir en quoi cela contribue à l'accroissement de la sécurité publique. Les restrictions supplémentaires dont font l'objet les accusés NCR à haut risque pourraient être décrites comme étant de nature punitive. L'objectif ne doit pas être d'imposer un châtiment, puisque l'accusé n'a pas été déclaré coupable d'un crime.
    Qu'est-ce que l'ABC propose, si cette modification devait toutefois être adoptée? Nous avons trois recommandations.
    Premièrement, nous recommandons la suppression de l'alinéa proposé qui permettrait à un tribunal de déclarer qu'un accusé NCR est un accusé à haut risque s'il est d'avis que les actes à l'origine de l'infraction étaient d'une nature si brutale qu'il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique — pour une autre personne.
    Deuxièmement, si l'alinéa proposé n'est pas supprimé, l'ABC recommande qu'il soit reformulé dans le but de le rendre plus clair, notamment en y incluant une définition de « nature brutale » et en mentionnant le fait que l'accent est mis sur la conduite future.
    Enfin, si le régime des accusés à haut risque est adopté, l'ABC recommande l'ajout d'un mécanisme procédural permettant aux accusés NCR de demander directement au tribunal qu'il lève la désignation, et ce, annuellement. L'objectif serait de favoriser les progrès et le traitement.
    J'aimerais maintenant conclure en soumettant quelques réflexions au comité.
    Notre compréhension du traitement et de l'acceptation sociale de la maladie mentale est beaucoup plus grande qu'avant. Nous ne devons jamais oublier que tous les accusés NCR sont donc non pas des prisonniers, mais bien des patients qui ont besoin d'un traitement efficace. Ce traitement est le moyen par lequel nous pouvons assurer la sécurité publique à long terme. Le projet de loi C-54 doit tenir compte de ce point essentiel: le verdict de non-responsabilité criminelle ne peut servir de prétexte pour châtier un délinquant qui est extrêmement malade.
    Merci, monsieur le président. Je répondrai aux questions des membres du comité avec plaisir.

  (1700)  

    Merci beaucoup.
    Merci de nous avoir présenté vos exposés.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Je rappelle à mes collègues qu'il s'agit de périodes de cinq minutes.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de venir éclairer nos lanternes à ce sujet.
    J'aimerais commencer par un bref préambule. Nous souhaitons tout particulièrement savoir comment nous pouvons aider les victimes dans le cadre de ce processus. Au cours des prochaines semaines, en vue de savoir quelle approche est la meilleure, nous parlerons avec des experts dans les domaines du droit — comme vous — et des experts au sujet de la maladie mentale. Nous allons aussi recevoir des victimes auxquelles nous avons parlé précédemment et nous nous entretiendrons avec des représentants des provinces.
    Cela dit, nous ne devons pas nous adonner à des jeux politiques. Nous voulons étudier au mérite tous les arguments de chacune des parties pour en arriver, naturellement dans le respect de la primauté du droit et dans le respect des chartes canadiennes des droits et libertés, à la solution la plus équilibrée possible.
    J'aimerais poser une question à M. Burstein et à Mme Dann.
    Vous avez dit que le projet de loi C-54 n'allait pas dans le bon sens. J'aimerais que vous me disiez quelles suggestions ou recommandations vous feriez pour que cela aille dans un meilleur sens.

[Traduction]

    Le problème qui se pose lorsqu'on tente de faire quelque chose pour les victimes des personnes atteintes d'une maladie mentale ou des délinquants aux prises avec des troubles mentaux, c'est qu'elles deviennent des victimes bien avant le moment où l'infraction est commise. D'après l'étude de Crocker, la vaste majorité des personnes que nous considérons comme étant des victimes de crimes parce qu'elles ont subi un préjudice physique sont des membres de la famille proche de la personne aux prises avec des troubles mentaux ou des gens qui la connaissent.
    Je peux surtout vous garantir — et je me fonde sur mon expérience d'avocat criminaliste... Comme je l'ai dit déjà, je n'aime pas recourir à l'expérience personnelle, mais il est évident qu'elle a une certaine influence ici. En tant que parent, on est une victime du simple fait qu'on doit s'occuper d'un être cher qui souffre, qui fait des crises, qui ne veut pas faire ce qu'on veut qu'il fasse, même si on sait que c'est dans son intérêt. Pour toutes sortes de raisons, cet être cher refuse d'écouter. Le problème, c'est simplement que la collectivité ne dispose pas de suffisamment de ressources.
    Nous ne sommes pas ici pour blâmer le gouvernement fédéral. Nous savons que la santé ne fait pas partie de vos principales responsabilités. Toutefois, il manque d'argent dans le système, tant dans le système médico-légal que dans le système civil de soins de santé mentale, et il y a des engorgements partout. Tout est lié. Comme d'autres vous l'ont dit déjà, lorsqu'il n'y a pas suffisamment de ressources dans le système civil de soins de santé mentale, les prisons deviennent des établissements psychiatriques.
    Ce projet de loi qui n'est que des mots sur du papier ne vous sera d'aucune utilité. Votre objectif est tout à fait louable — vous voulez prévenir la criminalité, aider les gens à ne pas devenir des victimes —, mais le projet de loi ne va pas faire grand-chose pour vous permettre de l'atteindre. C'est la raison pour laquelle nous affirmons que vous devez déployer vos efforts en amont, ce qui va malheureusement exiger un engagement de nature financière plutôt qu'un simple engagement de nature législative.
    C'est notre point de vue.

[Français]

    Merci, monsieur Burstein.
    J'aimerais poser une question à Mme Pate.
    Les victimes nous ont souvent dit que l'important pour elles était de bénéficier d'un soutien financier et psychologique.
    Selon vous, de quelle façon ce projet de loi C-54 va-t-il apporter un soutien financier ou psychologique aux victimes?

  (1705)  

    Je m'excuse, mais je vais m'exprimer en anglais.
    Bien sûr, il n'y a pas de problème.

[Traduction]

    Malheureusement, je ne vois aucunement en quoi le projet de loi permettra aux victimes d'obtenir un soutien monétaire ou psychologique.
    Je reprendrais les propos de mon collègue du groupe de témoins ainsi que mes propres propos du début de la séance, c'est-à-dire qu'il faut vraiment qu'il y ait davantage de ressources dans les services de santé. Je comprends que la division des pouvoirs fait en sorte que ce n'est pas en soi une compétence du gouvernement fédéral, mais le transfert de recettes fiscales et l'élaboration de lignes directrices en matière de santé pourraient permettre la prestation de ces mesures de soutien.
    Selon les recommandations de la Commission de la santé mentale, ainsi que celles que de nombreux professionnels vont probablement formuler dans le cadre de leurs témoignages ou qu'ont déjà formulées des gens qui sont venus témoigner, et d'après les études qui ont été faites, ce qu'il faut, c'est fournir des ressources dans le domaine que l'ex-sénateur Kirby a appelé le « parent pauvre » des soins de santé au pays, c'est-à-dire le domaine des soins de santé mentale.
    Je suis sûre que tous les gens ici présents ont un membre de leur famille qui a des problèmes de santé mentale. J'ai déjà eu à faire admettre un membre de ma famille dans un hôpital psychiatrique, et je peux vous dire que personne ne veut avoir affaire à cela. Mais l'un des éléments qui posent le plus problème dans l'application des dispositions du projet de loi, c'est le manque de ressources, une fois que la personne est prise en charge par le système.
    Je demanderais qu'un engagement soit pris à tous les niveaux pour qu'on puisse s'attaquer aux problèmes des victimes, des personnes qui ont des troubles de santé mentale ayant entraîné une déclaration de non-responsabilité criminelle et des autres, beaucoup plus nombreuses et que je connais beaucoup mieux, qui ont été prises en charge par le système carcéral, qui ont des troubles de santé mentale et qui ont besoin de soutien sans quoi elles vont finir par être isolées.
    Merci beaucoup.
    L'enquête sur le cas d'Ashley Smith est en cours. Je ne pense pas avoir à en dire davantage au sujet de la façon dont cela...
    Merci beaucoup.
    Notre prochain intervenant sera un député du Parti conservateur.
    Monsieur Albas.
    Merci, monsieur le président.
    J'apprécie le témoignage du groupe précédent et de celui que nous avons devant nous en ce moment. Comme Mme Dann l'a souligné, c'est un sujet par rapport auquel les législateurs doivent prendre en considération de nombreux points de vue différents et inviter des groupes de témoins capables de leur présenter des idées très diverses. Je vous remercie de votre témoignage.
    Madame Dann, vous avez mentionné le fait qu'un certain nombre de problèmes se posent. Du point de vue de votre association, le financement est un problème touchant d'autres priorités. Comme Mme Pate l'a souligné, beaucoup de ces priorités relèvent des provinces. Il y a une tension entre les responsabilités fédérales et provinciales.
    En tant que législateur, je ne peux prétendre savoir quelles ressources la province de l'Ontario consacre à la chose, parce que ce n'est pas ma spécialité. D'après ce que j'ai pu voir, dans le contexte du projet de loi que nous examinons, c'est vraiment un domaine où les législateurs... Nous ne pouvons nous attaquer qu'à ce que nous avons devant nous.
    J'imagine que les juges sont confrontés au même genre de problèmes. Je crois comprendre que c'est un juge qui déclare qu'une personne est non criminellement responsable.
    Est-ce exact, madame Dann?
    C'est en général un juge; parfois, c'est un jury qui conclut à la non-responsabilité criminelle.
    Ils le font en fonction des éléments de preuve présents qui montrent que la personne ne savait pas ce qu'elle faisait, selon le principe juridique de la mens rea ou de l'intention coupable que nous appliquons. Est-ce exact?
    Il y a deux possibilités. Soit elle ne comprend pas la nature et la qualité de l'acte, soit elle ne comprend pas que l'acte est mauvais. Cela figure dans le Code criminel.
    Dans le cadre de la structure actuelle et des dispositions législatives en vigueur, on examine la preuve, mais on consulte également la loi pour déterminer quelles dispositions s'appliquent au cas en question. Est-ce bien ce qu'on détermine?
    Quand on décide si une personne est criminellement responsable ou non, on se fonde généralement sur la preuve médicale concernant les troubles mentaux dont souffre la personne. Il faut d'abord établir que la personne souffre d'une maladie mentale grave. Ensuite, il faut déterminer si ces troubles mentaux empêchent la personne de comprendre en quoi ses actes sont mauvais sur le plan moral et de comprendre la nature et la qualité de ses actes.
    Lorsque cette décision est prise, la personne est déclarée NCR, et c'est à ce moment-là qu'elle est prise en charge par le régime dont nous discutons aujourd'hui, c'est-à-dire le régime des commissions d'examen.
    Oui.
    D'après ce que nous ont dit des témoins, et d'après ce qu'ont laissé entendre certains des témoins du groupe précédent, une fois que la personne est prise en charge par ce régime, si le juge ou le jury la déclare NCR... pourquoi le juge ou le jury ne pourrait-il pas déclarer que la personne est un délinquant à haut risque?
    La raison pour laquelle j'aborde cette question est simple. Je veux permettre aux juges d'examiner la loi et d'examiner le cas particulier qui leur est soumis et d'établir une distinction qui soit dans l'intérêt de tous, non seulement de l'accusé NCR, mais aussi des victimes et du public.
    Je sais que l'expression « intérêt public » est utilisée à toutes les sauces, mais, là encore, c'est quelque chose qui change selon la situation. J'aimerais que votre organisation puisse aussi voir cela comme une façon de donner du pouvoir à notre appareil judiciaire, pour qu'il puisse exercer un pouvoir discrétionnaire et trancher les cas comme celui que nous avons évoqué.
    Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?

  (1710)  

    Je pense que l'appareil judiciaire exerce déjà ce pouvoir, et qu'il le ferait de façon responsable. Je voudrais faire remarquer en passant qu'il est très clair, dans la jurisprudence actuelle, que nos juges estiment que nos commissions d'examen sont beaucoup mieux qualifiées pour trancher la question du risque important.
    Au sujet de la jurisprudence — M. Burstein est peut-être mieux placé que moi pour en parler, puisqu'il intervient dans bon nombre des affaires de ce genre — la Cour suprême a dit, dans Owen, entre autres, qu'il faut faire preuve d'une grande déférence à l'égard des commissions d'examen, et que celles-ci sont composées de psychiatres, de juristes et de gens ordinaires qui sont des experts dans leur domaine pour ce qui est de déterminer le risque.
    Je ne dis pas qu'il est impossible pour les juges de le déterminer...
    Je vais vous interrompre, si vous me le permettez. Je regarde le temps qu'il me reste.
    Mme Erin Dann: Désolée.
    M. Dan Albas: Essentiellement, je vais poser cette question à quiconque pourra y répondre.
    Une chose que j'ai remarquée, c'est qu'aucun des groupes n'a parlé des victimes, sauf dans les réponses aux questions. Je suis étonné, parce que nous voulons tenir compte du plus grand nombre de victimes possible.
    Parmi les changements proposés, il y a le fait d'informer les victimes qui le demandent de la délivrance d'une ordonnance de libération concernant une personne atteinte de troubles mentaux.
    Pouvez-vous nous dire rapidement si vous êtes d'accord avec ce changement? Je pense vraiment que les victimes doivent être prises en compte.
    Oui.
    Nous sommes d'accord avec ce changement nous aussi.
    D'accord.
    Merci.
    Merci de ces questions et réponses.
    Notre prochain intervenant est M. Cotler, du Parti libéral.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens aussi à remercier les témoins de comparaître devant nous, surtout qu'ils représentent des organisations qui ont énormément d'expertise et d'expérience dans le domaine par rapport auquel ils sont venus témoigner.
    Je voudrais commencer par poser une question similaire à chacun d'entre vous, tour à tour. Je vais commencer par Mme Pate.
    Est-ce que la Société Elizabeth Fry a été consultée par le gouvernement au sujet du projet de loi?
    Non, nous n'avons pas été consultés.
    Monsieur Burstein, est-ce que la Criminal Lawyers' Association a été consultée par le gouvernement au sujet du projet de loi.
    À part le fait que nous avons été invités ici, non.
    Monsieur Parry, est-ce que l'Association du Barreau canadien a été consultée par le gouvernement au sujet du projet de loi?
    Non, nous n'avons pas été consultés.
    Merci.
    Je vais maintenant passer à une autre série de questions, et je vais commencer par M. Burstein.
    Est-ce que les personnes qui seraient susceptibles autrement de plaider la non-responsabilité criminelle seront moins susceptibles de le faire et donc plus susceptibles de plaider non coupable après l'adoption du projet de loi? Le cas échéant, quelle serait l'incidence de cette décision sur la probabilité qu'elles soient traitées adéquatement?
    C'est une excellente question.
    Une partie des préoccupations découlant de la désignation de délinquants à haut risque vient du fait que la portée de celle-ci est trop grande. En intégrant la définition d'« infraction grave contre la personne » dans le projet de loi — et je ne me rappelle pas dans quelle disposition elle figure, mais je sais que c'est une disposition du nouvel article 202.161, lequel inclut le critère de la violence ou de menace d'utilisation de la violence. L'intégration de cette disposition va faire en sorte que sera visé quiconque fait face à des accusations d'agression, de voies de fait simples, et pourrait bénéficier d'un verdict de non-responsabilité criminelle et donc d'une prise en charge par le système de santé mentale.
    Si ses clients risquent d'être désignés comme étant des délinquants à haut risque et donc ne pas avoir accès à un examen avant trois ans, je pense qu'aucun avocat ne leur conseillera, dans le cas où ils font face à des accusations de voies de fait simples et donc à une peine maximale probable de six mois d'emprisonnement — il s'agit d'infractions sommaires — de demander un verdict de non-responsabilité criminelle qui va faire en sorte qu'ils vont être considérés comme étant des délinquants à haut risque et détenus pendant trois ans. La nouvelle disposition va assurément empêcher un nombre important d'accusés qui auraient besoin d'une désignation d'accusé NCR et d'un traitement de demander ce genre de verdict.
    D'après le rapport Crocker, dans une proportion importante, soit environ 40 p. 100, le premier contact des délinquants avec la justice avant qu'ils ne commettent une infraction très grave découle d'une infraction mineure, par exemple des voies de fait, un vol ou quelque chose de ce genre, quelque chose qui aurait pu autrement être réglé dans le cadre du système de santé mentale si ces délinquants avaient demandé volontairement un verdict de non-responsabilité criminelle.
    C'est donc une mauvaise idée.

  (1715)  

    ... et qui pourrait au bout du compte nuire à la sécurité publique?
    Assurément.
    J'ai maintenant une question à poser à M. Parry.
    Lorsqu'il est venu témoigner devant le comité lundi, le ministre a dit que la désignation d'accusé à haut risque sera certainement appliquée à peu de cas. Vous avez dit aujourd'hui que la portée de cette désignation est trop grande.
    Sur quoi le ministre se fondait-il pour affirmer ce qu'il a dit, selon vous? Êtes-vous d'accord avec lui?
    La raison pour laquelle l'ABC est d'avis que la portée de la désignation pourrait être trop grande, c'est que ce qui constitue une infraction de nature brutale n'est pas défini précisément. Cela pose un problème extrêmement important, puisque l'un des principes fondamentaux du droit pénal canadien, c'est que la loi doit être certaine; sinon, l'un des concepts fondamentaux du droit pénal, c'est-à-dire le fait que la loi doit être claire pour qu'on puisse être déclaré coupable de l'avoir enfreint, ne sera tout simplement pas respecté.
    Je pense que le danger que présente la désignation d'accusé à haut risque, c'est que, comme elle n'est pas claire, elle pourrait être appliquée à un nombre de plus en plus grand d'infractions. Cela pose problème, parce que nous délaisserions à ce moment-là le traitement de l'accusé — l'état mental réel de l'accusé — pour insister sur la nature de l'infraction commise. Cela va à l'encontre de l'objectif même du projet de loi C-54, qui est de faire porter l'attention sur la sécurité publique.
    Qu'est-ce qui permet au ministre de penser que la désignation d'accusé à haut risque sera assurément appliquée à peu de cas?
    Lorsque le ministre est venu témoigner ici lundi, il a dit que la désignation d'accusé à haut risque ne s'appliquera en fait qu'à une très petite proportion de la population des accusés NCR. Comme nous en avons entendu parler par les gens qui sont venus témoigner ici et comme nous en entendons tous parler dans les actualités, des gens commettent des actes horribles et font ainsi des victimes qui souffrent ensuite d'une détresse psychologique grave, mais nous ne devons pas oublier qu'il s'agit d'une très faible proportion des accusés NCR, et nous ne pouvons pas élaborer et adopter des politiques qui s'appliqueront à la vaste majorité d'entre eux en fonction d'une petite proportion de cas.
    Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Notre prochain intervenant est M. Armstrong, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être ici.
    Monsieur Burstein, vous avez dit que vous travaillez auprès de gens ayant des déficiences mentales depuis le début de votre carrière, depuis le deuxième jour de votre carrière d'avocat. Combien d'années cela fait-il, encore?
    Plus de 20 ans; je dirais 21 ou 22 ans.
    Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de délinquants que vous avez défendus pendant cette période?
    C'est peut-être entre 100 et 200.
    Vous en avez défendu jusqu'à 200. Je présume que bon nombre d'entre eux ont fini par réintégrer la société après avoir été traités.
    Je ne dirais pas que c'est le cas de bon nombre d'entre eux, mais il y en a qui ont réintégré la société, d'autres non.
    Est-ce qu'il y en a qui ont récidivé? Est-ce qu'il y en a qui ont été libérés, qui ont récidivé et qu'on a défendu encore une fois?
    Habituellement, ceux qui présentent le risque le plus élevé de récidive sont ceux qui, disons, vivent souvent dans la rue. C'est sûr qu'il y en a qui récidivent. Mais il s'agit de gens qui viennent...
    Il y a au palais de justice du centre-ville de Toronto une cour qu'on appelle Old City Hall; il s'agit d'une cour spéciale pour les gens qui ont des problèmes de santé mentale. Il s'agit de gens qui sont accusés de voies de fait, oui encore de tapage ou de quelque chose de ce genre. Il y a une espèce de programme d'aiguillage vers les soins de santé mentale qui est en place pour ces gens, puis, après y avoir participé, ils sont perdus de vue, ils arrêtent de prendre leurs médicaments, et oui, ils récidivent. Dans le cas de ceux qui ont commis des infractions graves, cependant, lorsqu'ils reçoivent un soutien et un traitement adéquat, non, je n'en connais pas qui ont récidivé.
    Vous avez évoqué le rapport Crocker. J'ai devant moi un exemplaire de ce rapport qui a été déposé à la Chambre des communes. Je vais en lire une partie, celle de la page 17. D'après le rapport, 46,1 p. 100 des délinquants de l'échantillon d'infraction grave avec violence examinés avaient déjà été déclarés coupables ou non criminellement responsables. Plus précisément, 40,6 p. 100 des délinquants de l'échantillon d'infraction grave avec violence avaient déjà été déclarés coupables d'une infraction au moins une fois, et 27,3 p. 100 avaient déjà été déclarés NCR. La moitié des délinquants accusés d'une infraction sexuelle avaient déjà été déclarés coupables d'une infraction ou déclarés NCR, la moitié de ces délinquants avaient déjà été déclarés coupables d'au moins une infraction, et 38,1 p. 100 avaient déjà été déclarés NCR. Donc, 44,6 p. 100 des accusés NCR de meurtre ou de tentative de meurtre avaient déjà été déclarés coupables d'une infraction ou déclarés NCR. Plus précisément, 35,4 p. 100 avaient déjà été déclarés coupables d'au moins une infraction, et 27,7 p. 100 avaient déjà été déclarés NCR au moins une fois. Enfin, 44,8 p. 100 des accusés NCR de meurtre ou d'homicide avaient des antécédents criminels, 39,7 p. 100 avaient déjà été déclarés coupables d'une infraction, et 19 p. 100 avaient déjà été déclarés...
    Il y a dans le rapport un tableau sur lequel vous avez déjà probablement jeté un coup d'œil.
    Cela montre que beaucoup de ces gens réintègrent la société et récidivent même s'ils ont été traités. Ceux qui ont été déclarés coupables des crimes les plus graves, par exemple les agressions sexuelles et les meurtres, réintègrent parfois la société et récidivent. Ils ont déjà été déclarés coupables d'une infraction auparavant.
    Ne croyez-vous pas que le projet de loi puisse protéger la société contre ces personnes qui ont déjà été libérées, ont déjà récidivé et menacent la société?

  (1720)  

    Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est un chiffre qu'il est très important d'examiner. Cependant, sauf votre respect, je ne pense pas que vous l'interprétiez de façon tout à fait juste. Il faut jeter un coup d'œil sur les annexes et examiner la chose en détail.
    La vaste majorité des cas de gens ayant déjà été déclarés coupables d'une infraction ou déclarés NCR que vous citez concernent les déclarations de culpabilité antérieures. Il y en a bel et bien une poignée qui ont déjà été déclarés NCR, mais la plupart ont seulement une déclaration de culpabilité antérieure, et c'est exactement ce que j'essayais de vous expliquer.
    Les gens ont des démêlés avec le système de justice pénale, et on détermine qu'ils souffrent d'une maladie mentale grave ayant joué un rôle dans la perpétration de l'infraction de faible gravité qu'ils ont commise, et certainement pas des choses aussi graves que le meurtre, l'agression, les voies de fait causant des lésions corporelles, le vol et le vol qualifié, et ils ne reçoivent pas le traitement dont ils ont besoin. On leur permet de réintégrer la société sans supervision et sans soutien, et ils redeviennent très malades. Leur état se détériore, et leur criminalité dégénère et devient plus grave.
    S'il y avait des ressources adéquates permettant d'offrir un soutien à ces gens non seulement pendant les six premiers mois après leur premier contact avec le système de justice pénale, mais par la suite aussi, ils ne finiraient pas par commettre des crimes plus graves.
    En fait, je crois que vous avez apporté de l'eau à mon moulin.
    Voici d'autres chiffres: 38 p. 100 des gens ayant commis une infraction sexuelle et ayant été déclarés NCR ont commis une nouvelle infraction lorsqu'ils ont émergé. On entend par là qu'ils ont fini de suivre leur traitement. Ils sont libérés, et le milieu médical estime qu'ils ne sont plus une menace pour la société. Ils réintègrent celle-ci et récidivent, dans 38 p 100 des cas, d'après les chiffres du rapport Crocker.
    Je pense qu'il faut que des mesures soient prises pour garantir que la société soit protégée. Il est évident que le régime en place ne suffit pas. Vous dites qu'il faut qu'il y ait plus d'argent en amont, mais les gens en question sont passés par le système, ils ont été traités, ils ont réintégré la société et ils ont récidivé.
    Ne croyez-vous pas que, pour ceux qui ont commis les infractions avec violence les plus graves, nous devons changer le système, une fois que nous les avons désignés, afin de nous assurer qu'ils respectent des critères plus élevés avant de pouvoir réintégrer la société?
    La seule chose que je peux vous dire, c'est que j'ai comparu devant la commission d'examen, et les critères dont vous parlez sont appliqués. Quiconque est déclaré NCR de meurtre ou d'une infraction vraiment grave doit franchir un seuil très élevé pour que la commission d'examen permette le retour au sein de la société.
    Et pourtant ces gens sont libérés.
    Merci beaucoup. Merci de ces questions et réponses.
    Notre prochain intervenant est M. Rankin, du Nouveau Parti démocratique.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être venus.
    J'aimerais commencer par M. Burstein et Mme Dann. J'ai déjà travaillé pour la commission d'examen de la Colombie-Britannique, et je vous connais de réputation. Je suis vraiment content que vous soyez venu témoigner devant le comité.
    Je suis d'accord avec Mme Dann pour dire que les commissions d'examen sont souvent traitées avec déférence par les tribunaux pour ce qui est de l'examen des risques; cela ne fait aucun doute lorsqu'on examine la jurisprudence.
    J'aimerais poser une question très simple aux représentants de la CLA et de l'ABC. Seriez-vous en faveur du projet de loi C-54 s'il devait être adopté sans amendement?
    S'il était adopté sans amendement?
    Si aucun des amendements que vous proposez dans votre mémoire ne devait être adopté, seriez-vous en faveur du projet de loi, tel qu'il est proposé en ce moment?
    Non.
    Est-ce que l'Association canadienne du Barreau canadien l'appuierait?
    Non. Si aucun amendement n'est adopté, nous n'appuierions pas le projet de loi.
    D'accord.
    Je veux maintenant aborder votre rapport. Soit dit en passant, le mémoire de la CLA est excellent.
    Je suis à la page 4, et, pour donner suite aux questions que M. Armstrong vient de poser, je vais citer Mme Crocker, qui a travaillé pour le ministère de la Justice. À la page 4, vous renvoyez à son étude et vous citez Mme Crocker en disant qu'«il n’y a actuellement aucune preuve indiquant qu’il est nécessaire de changer la façon dont les choses se font aujourd’hui ».
    Dans le paragraphe suivant, vous dites ce qui suit et que j'aimerais que vous puissiez démystifier pour moi:

En outre, les taux de récidive des accusés NRC qui ont commis des infractions graves avec violence sont très faibles. Seulement 7,3 p. 100 des accusés NRC de cette catégorie ont commis une nouvelle infraction avec violence dans les trois années suivantes. Parmi ceux qui sont libérés inconditionnellement, le taux est encore plus bas : 4,1 p. 100.
    Simplement pour que ce soit clair...

  (1725)  

    Il s'agit du mémoire de l'ABC.
    Oh, il s'agit du mémoire de la Section nationale du droit pénal de l'Association du Barreau canadien. Toutes mes excuses.
    Je m'excuse, monsieur Parry. Vous avez présenté un excellent mémoire au comité. Je viens de faire en sorte que cela figure au compte rendu.
    Si le taux de récidive des accusés NCR qui ont commis une infraction avec violence est de 4,1 p. 100, est-ce qu'il s'agit là du nombre de personnes qui commettent une nouvelle infraction? Est-ce que c'est ce que vous entendez par récidive?
    Oui, exactement.
    Est-ce que cela signifie que 96 p. 100 des accusés NCR ne commettent pas de nouvelle infraction, si 4 p. 100 le font? Est-ce que c'est ce que ces chiffres signifient?
    Oui, c'est exact.
    D'accord.
    J'aimerais poser une question au représentant de la Criminal Lawyers' Association. Madame Dann, je pense que vous avez dit que le problème que pose la définition de « nature brutale », c'est le fait qu'elle est vague. Monsieur Parry, vous avez dit que cela pose un problème extrêmement important.
    Entendez-vous par là, comme je le présume, que la disposition pourrait être annulée en vertu de la Charte parce qu'elle est vague? Est-ce là que vous vouliez en venir ou à peu près lorsque vous avez dit que cela pose problème?
    Oui. Il serait possible d'invoquer l'article 7 de la Charte pour contester la disposition parce qu'elle est vague et arbitraire.
    Elle pourrait donc être annulée parce qu'elle est contraire à la Charte.
    Oui.
    La question suivante s'adresse à Mme Pate.
    J'aimerais vous inviter à exprimer ce que vous avez dit que vous aborderiez peut-être dans vos réponses. Vous avez dit que vous aviez plusieurs exemples à donner au comité. Je me demandais si vous pouviez nous expliquer de quelle nature sont ces exemples et peut-être nous en donner un ou deux dans le temps qui reste.
    Certainement. Je vais commencer par celui d'une femme qui, en réalité, d'après la disposition en question, peu importe la définition, même, serait probablement visée par la définition d'accusé à haut risque, en raison non pas de quoi que ce soit qu'elle ait fait pendant qu'elle était considérée comme étant NCR, mais plutôt à cause de sa maladie et de la façon dont elle a été traitée lorsqu'elle a été emprisonnée.
    Il s'agit d'une femme qui, lorsqu'elle était jeune, a été violée pour la première fois dans un établissement pour jeunes où elle avait été placée parce qu'elle avait fait une fugue. Elle a aujourd'hui 41 ans, et elle est donc passée par le système. Elle a été violée en établissement, elle s'est enfuie, et elle a essayé de retrouver sa famille biologique. Elle l'a retrouvée, elle a été violée par son père, elle s'est enfuie de celui-ci et elle est entrée par effraction dans une école.
    Elle a été incarcérée dans un établissement pour adultes après être entrée par effraction, on l'a fouillée à nu, elle s'est débattue, elle a été accusée de voies de fait, et elle fait l'objet d'autres accusations pendant son incarcération. En fait, elle a été accusée pour la première fois d'infraction avec violence en établissement. Elle a accumulé des peines d'emprisonnement totalisant 10 ans pour des infractions avec violence commises en établissement. Lorsqu'elle a été libérée, on a posé un diagnostic de troubles de la personnalité, un peu comme dans le cas d'Ashley Smith. Une fois qu'elle est sortie et que nous sommes parvenus à obtenir des soins psychiatriques adéquats pour elle, on a déterminé qu'elle était schizophrène et on lui a prescrit des médicaments. Comme beaucoup de gens, elle a pris ses médicaments par intermittence. Elle a commis sa première infraction avec violence dans la collectivité après avoir cessé de prendre ses médicaments. Elle a d'abord essayé de se faire admettre dans un hôpital. Elle a appelé la police, et les agents la connaissaient, et ce sont eux qui l'ont amenée à l'hôpital. Ils l'ont conduite à deux hôpitaux où on a refusé de l'admettre à cause de son casier judiciaire. Elle n'a pas été admise à l'hôpital parce qu'elle avait un casier judiciaire depuis son incarcération.
    Elle a dit aux agents de police qu'elle avait peur de se faire du mal ou de faire du mal à quelqu'un d'autre. Ils sont restés là à la regarder pendant qu'elle leur disait qu'elle était certaine d'être surveillée. Elle était clairement en train de vivre une psychose grave, et elle a poignardé sa colocataire devant les agents de police. Elle leur a dit de regarder et qu'ils allaient voir des ressorts sortir de son corps. Lorsqu'elle a vu que c'était du sang qui sortait, cela l'a mis dans un autre état, et elle a avancé vers les policiers avec les mains devant pour qu'ils l'arrêtent. Ils l'ont reconduite en prison sans lui passer les menottes, et elle était assise sur le siège avant de la voiture. Il est clair que les policiers ne pensaient pas qu'il y avait un risque, mais elle a été immédiatement placée en isolement.
    Lorsque nous sommes intervenus pour la faire placer à l'unité de médecine légale et l'évaluer, le résultat du premier examen qu'elle a subi était qu'elle ne serait pas déclarée NCR, parce qu'elle prenait alors ses médicaments et était tout à fait en mesure d'expliquer ce qui avait mal tourné, mais lorsqu'on a demandé aux gens chargés de l'examen de revenir sur celui-ci en fonction du rapport de police, ils l'ont fait et ont constaté qu'il y avait clairement un problème important.
    Elle a ensuite été placée...

  (1730)  

    Madame Pate, c'est tout le temps que nous avions. Désolé, mais le temps est largement dépassé et nous en sommes à six minutes et demie.
    Merci de ces questions et réponses.
    Notre prochain intervenant est M. Calkins, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Évidemment, la question qui nous occupe aujourd'hui est très délicate, et nous avons entendu des témoignages très chargés d'émotion lorsque le groupe de témoins précédent était ici.
    En tant que député, je me mets à la place de quiconque vient me raconter son histoire. Je viens d'entendre deux ou trois histoires, avant que vous n'arriviez, qui étaient très touchantes et qui nous ont très bien fait comprendre ce que c'est de vivre avec certains des problèmes qui surviennent lorsque nous ne faisons pas les choses tout à fait comme il faudrait.
    Je veux simplement m'assurer d'une chose. Je vous ai tous entendus dire que vous n'appuieriez pas le projet de loi dans sa version actuelle, mais j'aimerais établir très clairement quels aspects du projet de loi vous n'appuyez pas.
    Monsieur Parry, je vous ai entendu dire que vous êtes en faveur des avis aux victimes et des ordonnances de non-communication qui sont prévus dans le projet de loi. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Madame Pate, est-ce que c'est vrai de votre société également?
    Oui. C'est déjà quelque chose de possible, et oui, nous sommes en faveur de cela.
    Donc, ça va.
    Monsieur Burstein, êtes-vous d'accord avec cela?
    Oui. Je pense que c'est ce qui se fait en Ontario, même si ce n'est pas prévu par la loi.
    C'est peut-être seulement ce qui se fait, et donc nous codifions la pratique dans ce cas-ci, ce qui ne pose pas de problèmes à vos yeux.
    Monsieur Parry, pour une raison qui m'échappe, vous avez dit que la sécurité publique est déjà la principale chose dont on tient compte dans le cadre du processus d'évaluation, et pourtant, vous semblez préoccupé par le fait que nous cherchions à codifier cela dans la loi. Pour les autres, je me demande pourquoi la codification du volet relatif à la sécurité publique est envisagée différemment, si la codification de ce qui est déjà une pratique en vigueur relativement aux avis aux victimes et aux ordonnances de non-communication ne nous préoccupe pas trop. Pouvez-vous m'expliquer cela?
    Je voudrais simplement préciser que je n'ai pas dit que la sécurité publique est déjà la principale chose dont on tient compte. J'ai dit qu'elle est déjà à l'avant-plan des choses sur lesquelles la commission d'examen se penche.
    Je m'excuse d'avoir paraphrasé ce que vous avez dit. Je n'essayais pas de... Je ne faisais que paraphraser; j'ai entendu beaucoup de choses aujourd'hui.
    Donc « à l'avant-plan » aurait un sens différent de « principale ». Pouvez-vous m'expliquer cela? Pour moi, ce qui est à l'avant-plan, c'est la première chose. La première chose, c'est la chose principale. Je suis un peu confus.
    Par « à l'avant-plan », j'entends que cela fait partie de l'équilibre essentiel que le régime de la non-responsabilité criminelle vise à atteindre. Il s'agit de tenir compte de l'état mental de l'accusé. Il s'agit de tenir compte de ses besoins. C'est une question de sécurité publique. Il s'agit de l'intérêt de la société face à la réinsertion de l'accusé dans la collectivité.
    Très bien. Le compte rendu témoignera du fait que vous êtes très préoccupé par le sort de l'accusé.
    Madame Pate.
    Pour reprendre l'exemple de la femme dont je parlais, la chose la plus importante, c'est-à-dire la sécurité publique, a été prise en compte, puisque cette femme est prise en charge par le système de santé mentale médico-légale. Si elle avait été prise en charge par le système carcéral, ce qui était susceptible de se produire, elle serait toujours en isolement. Elle continuerait d'accumuler les peines. La création de coûts humains et sociaux nuirait à la sécurité publique et serait irresponsable sur le plan budgétaire.
    Mais dans les deux scénarios, la population est en sécurité, puisque la personne ne peut plus commettre d'acte...
    Ce n'est pas vrai.
    ... sans égard au fait que le taux de récidive est déjà faible.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais ce n'est pas vrai.
    Je n'ai jamais été attaqué par une personne qui était en isolement, madame Pate.
    Mais il faut constamment s'occuper des accusations, de gens qui font l'objet d'accusations, qui sont tenus criminellement responsables, pendant qu'ils sont en isolement. Ashley Smith a accumulé près d'une centaine d'accusations et de nouvelles peines pendant qu'elle était en isolement...
    Je comprends.
    ... même si elle n'a peut-être même pas été attaquée physiquement, et c'est le cas également de la femme dont je vous ai parlé et d'autres personnes.
    Ce que j'essaie de vous dire, c'est que si les dispositions du projet de loi avaient été en vigueur, ni son avocat ni moi ne l'aurions encouragée à demander la désignation d'accusé NCR, vu le risque qu'elle soit détenue en l'absence de ressources. Nous l'avons fait dans une province où nous savions qu'il y avait des ressources, où nous savions que nous pourrions assurer un suivi.
    Un problème qui revient souvent lorsque nous nous occupons de cas de ce genre, c'est que la personne est prise en charge par le système, et si c'est dans une province ou un territoire où il y a peu de ressources, la capacité d'effectuer un suivi, de documenter le cas et de s'assurer que le processus d'examen peut fonctionner adéquatement pose problème. Le manque de services est énorme.
    Je comprends. C'est de l'information vitale. Je comprends ce que vous dites. Il y a de grandes différences entre les provinces concernant ce qu'elles sont en mesure de faire.
    J'aimerais obtenir une précision de votre part, monsieur Burstein.
    Est-ce que la codification de la sécurité publique est une bonne chose?

  (1735)  

    Non, pour une raison simple: lorsqu'ils ont affaire à des personnes aux prises avec des troubles mentaux qui ont commis une infraction, le penchant naturel des gens est de présumer qu'elles sont dangereuses. Les tribunaux l'ont reconnu. Il y a beaucoup d'études. Le public perçoit les choses de cette manière.
    La raison pour laquelle la codification du critère de la décision « la moins sévère » et la « moins privative de liberté » est importante, c'est qu'il s'agit d'un rappel dans la loi, pour la commission d'examen, du fait qu'elle ne doit pas jeter la personne avec l'eau du bain. En supprimant ce critère et en revenant à l'idée que la sécurité publique est la principale chose à prendre en compte, on enlève essentiellement cette mesure de précaution et on pousse de nouveau les gens concernés à entretenir le stéréotype selon lequel les personnes atteintes de maladie mentale sont dangereuses. C'est ça le problème.
    Je comprends.
    Me reste-t-il du temps?
    Non, désolé.
    Merci de ces questions. Merci de ces réponses. Voilà qui conclut notre heure.
    J'aimerais remercier chacun d'entre vous d'avoir présenté un exposé et d'avoir fourni l'information au comité dans le cadre de son examen du projet de loi.
    Je vais suspendre la séance pour permettre au groupe suivant de s'installer.
    Merci.

  (1735)  


  (1740)  

    Mesdames et messieurs, nous reprenons nos travaux.
    Nous avons devant nous notre troisième groupe de témoins. Je vous remercie tous de votre patience. Je sais qu'il se fait tard. Nous avons accordé une heure à chaque groupe de témoins.
    Notre dernier groupe est composé de Chris Summerville, de la Société canadienne de schizophrénie, de Catherine Latimer, de la Société John Howard du Canada et de Lori Triano-Antidormi, qui témoigne à titre personnel.
    Nous allons suivre la liste de l'ordre du jour.
    Monsieur Summerville, vous avez la parole pour les 10 prochaines minutes.
    J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité à venir témoigner sur le projet de loi C-54, la loi sur la réforme de la non-responsabilité criminelle.
    Je m'appelle Chris Summerville, et je suis directeur général de la Société canadienne de schizophrénie depuis sept ans, ainsi que directeur général de la Manitoba Schizophrenia Society depuis près de 18 ans.
    Je représente non seulement la Société canadienne de schizophrénie et l'ensemble des organismes correspondants à l'échelle provinciale, mais également huit organismes nationaux de santé mentale et le plus important hôpital spécialisé dans le domaine au Canada, CAMH. Tous ces organismes estiment qu'ils doivent collaborer afin de pouvoir réduire au minimum l'incidence négative du projet de loi C-54.
    Par ailleurs, j'ai grandi dans une famille où la maladie mentale était présente — mon frère est schizophrène, et mon autre frère et mon propre père sont atteints du trouble bipolaire. Les trois ont eu des démêlés avec le système de justice pénale parce que leur maladie mentale n'a pas été traitée. Deux des trois ont fini par se suicider. Je connais la maladie mentale de fond en comble. Je pourrais vous raconter beaucoup d'histoires d'horreur traumatisantes que j'ai vécues personnellement et qui ont été causées par des maladies mentales non traitées — je parle de cas d'agression physique, psychologique et sexuelle.
    Que ce soit extrêmement clair: le projet de loi va avoir des répercussions négatives et des conséquences imprévues. La santé mentale et la maladie mentale sont des choses complexes, comme le sait le gouvernement, puisqu'il a créé la Commission de la santé mentale du Canada, dont j'ai l'honneur de faire partie du conseil d'administration.
    Pour comprendre la maladie mentale, il faut prendre un engagement qui, à terme, permettra de surmonter les obstacles au traitement et au rétablissement. Le projet de loi C-54 contribue peu à une compréhension de la maladie mentale qui permettrait de protéger les Canadiens, et ne va donc pas protéger les Canadiens. C'est aussi simple que ça.
    D'abord et avant tout, je dois dire que nous appuyons de tout coeur les modifications qui permettront une plus grande participation des victimes au processus. Il ne fait aucun doute que nous voulons que toutes les victimes de crime prennent part au processus. Notre but et notre souhait, c'est qu'il y ait moins de victimes de crimes commis par des personnes aux prises avec une maladie mentale et contre ces personnes, et c'est la raison de notre présence ici aujourd'hui.
    Cela dit, le projet de loi passe à côté de quelques occasions de venir en aide aux victimes, par exemple en leur offrant du soutien et des services psychologiques améliorés et axés sur les traumatismes. Le gouvernement pourrait apporter des changements qui feraient diminuer le nombre de crimes commis par des gens aux prises avec une maladie mentale. Je vous rappelle que seulement 3 p. 100 des personnes souffrant d'une maladie mentale ont des démêlés avec la justice et qu'elles sont encore moins nombreuses à commettre un crime grave. Il s'agit de s'assurer que les gens qui composent avec une maladie mentale ont accès aux services dont ils ont besoin. Combien de fois avons-nous entendu parler de gens souffrant d'une maladie mentale qui ont essayé d'obtenir de l'aide avant de passer à travers les mailles du filet ou de commettre un crime? Trop souvent.
    Plutôt que d'être axé sur la prévention du crime, le projet de loi C-54 met l'accent sur les mesures punitives et stigmatisantes qui vont à l'encontre du but recherché avec la création de la désignation d'accusé non criminellement responsable.
    Nous devrions être ici aujourd'hui pour discuter d'un projet de loi qui permettrait l'amélioration des services de santé mentale pour tous: le dépistage précoce, l'intervention précoce et des possibilités de traitement précoces. Les maladies mentales peuvent être traitées, et les gens qui en souffrent peuvent se rétablir. Cela inclut la schizophrénie et la psychose.
    Je peux vous dire en toute franchise qu'il est malaisé pour moi de plaider en faveur de la collaboration du gouvernement du Canada avec le milieu de la santé mentale à l'égard d'un projet de loi concernant les gens qui sont aux prises avec la maladie mentale. Aucune des neuf organisations concernées n'a été consultée avant l'annonce du projet de loi. Il tombe sous le sens qu'elles auraient dû l'être, et pourtant, je me retrouve devant vous aujourd'hui à essayer de faire en sorte que ne soient pas adoptés des changements qui vont en réalité mettre en jeu la sécurité des Canadiens et stigmatiser encore davantage les gens qui sont aux prises avec une maladie mentale.
    La principale chose que nous voulons vous demander aujourd'hui, c'est de prendre le temps de travailler avec le milieu de la santé mentale et en collaboration avec les victimes, plutôt que de vous presser d'adopter cet important projet de loi. Si le gouvernement décide de ne pas le faire, nous lui adressons les recommandations suivantes dans le but de réduire au minimum les conséquences imprévues.
    Premièrement, ne créez pas une catégorie des délinquants à haut risque fondée sur la nature brutale du crime. Il n'y a tout simplement pas de recherche appuyant la création de cette catégorie ni de corrélation entre le risque, d'une part, et la nature du crime et la réaction au traitement, d'autre part. Nous voulons que les gens concernés réintègrent la collectivité au moment adéquat, ce moment étant déterminé par l'équipe médicale qui s'occupe du patient, laquelle compte des psychologues et des psychiatres judiciaires. La création de catégories et d'étiquettes sans fondement va empêcher les patients d'obtenir l'aide dont ils ont besoin.
    Deuxièmement, faites passer le critère d'octroi des permissions de sortir sous supervision de la nécessité sur le plan médical à toutes fins liées au plan de traitement et au rétablissement de l'accusé. Cela facilitera l'accès pour les visites relatives au traitement.

  (1745)  

    Troisièmement, ne rendez pas le projet de loi rétroactif. Je répète que le but de la désignation d'accusé NCR est de permettre le traitement pour que la personne puisse se rétablir et puisse bien vivre dans la collectivité grâce à des mesures de soutien et à des services adéquats. Il s'agit de patients, et non de criminels.
    Si l'objectif demeure d'appliquer le projet de loi de façon rétroactive, sachez que cette rétroactivité pourrait empêcher un patient en liberté sous condition ou en train de suivre le processus menant à l'obtention de son congé de réintégrer la société au moment opportun. En continuant de détenir inutilement le patient dont le traitement a donné des résultats positifs, non seulement on nuit à sa guérison, mais en plus on cherche par là à le punir plutôt qu'à protéger la société et à lui permettre de retrouver la santé mentale.
    Quatrièmement, établissez un critère rendant obligatoire l'évaluation scientifique de l'incidence des changements proposés. Trop de gens ont, comme Mme Crocker, exprimé des préoccupations concernant ces changements. Pour favoriser la transparence et la responsabilisation, il faudrait que des études soient menées avant l'adoption du projet de loi, et s'il est adopté, il faudra assurément que des études soient menées par la suite.
    J'aimerais conclure en vous demandant d'accorder davantage de crédit aux Canadiens. Ils veulent que leur système de santé mentale soit fonctionnel, efficace et axé sur le rétablissement. Pour la plupart, ils savent très bien qu'il n'est dans l'intérêt de personne que le projet de loi soit adopté en quatrième vitesse. Ils savent aussi que la comparution prochaine devant la commission d'examen de certaines personnes NCR dont le cas a été très médiatisé ne compromettra pas leur sécurité même si le gouvernement prend le temps de peaufiner le projet de loi en collaboration avec les organismes du domaine de la santé mentale avant de l'adopter.
    Si ces personnes ne sont pas tout à fait prêtes à réintégrer la société, la commission d'examen ne leur permettra pas de le faire. Je vous demande d'accorder plus de crédit aux commissions d'examen et aux fournisseurs de services médicaux — aux experts et aux professionnels. Les données probantes montrent que leur travail donne des résultats. Évitons l'interférence que causerait un projet de loi qui ne donnera pas de résultats positifs.
    Merci.
    Merci, monsieur, de cet exposé. Le prochain témoin est Mme Catherine Latimer, de la Société John Howard du Canada.
    C'est un grand plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-54.
    Je m'adresse à vous au nom de la Société John Howard du Canada, un organisme communautaire de bienfaisance qui s'est engagé à agir de façon efficace, juste et humanitaire face aux causes et aux conséquences de la criminalité. La Société compte plus de 60 bureaux de service de première ligne, au pays, et ses programmes et services aident à rendre les collectivités plus sûres.
    Vous avez déjà entendu le témoignage d'un certain nombre de personnes qui ont analysé à votre intention le contenu du projet de loi C-54. Je ne vais pas aborder la question en détail, mais je vais quand même dire que la Société John Howard du Canada ne voit rien à redire aux aspects du projet de loi qui visent à aider les victimes, en particulier le processus de notification et l'obligation de s'abstenir de communiquer avec les victimes. Cependant, notre organisme s'appuie sur des faits et des principes, et nous n'avons trouvé aucun fait qui pourrait laisser croire que la façon dont la commission d'examen compose avec les personnes non criminellement responsables soit boiteuse. Nous serions heureux de connaître la justification des changements proposés.
    Un des éléments clés d'un système judiciaire équitable est la capacité de distinguer la dynamique de la criminalité et les facteurs médicaux d'incidents donnés. Au coeur du principe de l'équité du droit criminel, il y a le principe selon lequel, pour être tenu responsable et être passible d'une peine, le contrevenant doit non seulement commettre l'acte en question, mais également en avoir la capacité pénale, c'est-à-dire qu'il comprenait la nature et les conséquences de son comportement et qu'il savait que son comportement était répréhensible. Des facteurs comme des troubles mentaux, des traumatismes crâniens ou l'âge peuvent faire qu'une personne est incapable de former l'intention criminelle nécessaire; cette personne ne peut donc pas être accusée ni punie pour l'acte qu'elle a posé.
    Bien des gens, quand il s'agit d'un geste horrible posé par une personne qui, par la suite, est jugée non criminellement responsable, continuent de parler de crime. C'est une tragédie, mais cela ne répond pas aux critères du Code criminel qui s'appliquent à un crime, puisque l'auteur n'est pas criminellement responsable.
    Nous avons à coeur de veiller à ce que les personnes qui ont commis certains actes, que l'on a jugées non criminellement responsables et qu'on estime ne plus représenter un danger pour le public ne soient pas punies, mais qu'elles aient plutôt droit à un traitement et à une réinsertion en toute sécurité dans la société. Le programme de traitement et de mise en liberté, dans ces cas-là, affiche un taux de réussite beaucoup plus élevé que le programme de traitement, de mise en liberté et de réinsertion sociale appliqué généralement dans le système de justice pénale, en ce qui concerne la réduction de la récidive.
    J'ai eu l'occasion de prendre connaissance du mémoire de l'Association du Barreau canadien. Nous appuyons sans réserve ces décisions, fondées sur la Charte, qui ont trait aux accusés présentant des troubles mentaux et certains des enjeux qu'elle a soulevés. Deux aspects nous préoccupent. Le premier aspect concerne les répercussions s'appliquant aux personnes considérées comme non criminellement responsables. Nous nous préoccupons en premier lieu de la déclaration d'accusé à haut risque, proposée dans l'alinéa 672.64(1)b) qui peut être faite en raison d'un acte unique. Peu importe sa brutalité, un acte unique n'est pas indicateur du risque futur. Imposer des restrictions supplémentaires sur la liberté en fonction de cette étiquette est injuste; cela risque de contrevenir à l'article 7 de la Charte et cela ne respecte pas le critère relatif au lien rationnel établi à l'article premier.
    De plus, la déclaration d'accusé à haut risque et l'infraction contre la personne pourraient toutes deux être fondées sur le préjudice psychologique. Permettre qu'on utilise le préjudice psychologique comme prétexte pour faire une déclaration d'accusé à haut risque revient à permettre que la « peur irrationnelle des malades mentaux », reconnue dans Swain par la Cour suprême du Canada, influe sur la stigmatisation des personnes NCR et sur le traitement qui leur est offert.
    Le problème de cette désignation, et du régime qui lui est associé, est que certaines personnes qui pourraient être rapidement traitées à l'aide de médicaments psychotropes et qui pourraient réussir leur réinsertion en toute sécurité dans la société devraient attendre deux ans de plus. Plutôt que d'être soumises à un processus d'examen annuel, elles seraient soumises à un processus d'examen aux trois ans. Cela reviendrait malheureusement à détenir de façon arbitraire une personne qui n'a pas à être détenue à cause de ses problèmes de santé mentale.
    En outre, les personnes déclarées « à risque élevé », qui ont un traumatisme crânien irréversible ou des problèmes de santé non traitables, comme le TSAF ou la démence sénile, pourraient être détenues pour une durée indéterminée.

  (1750)  

    Il existe de nombreux programmes communautaires qui permettent aux personnes ayant subi certains types de traumatismes crâniens de fonctionner en toute sécurité dans la société. Ces programmes permettent d'éviter de donner à ces personnes une place dans des institutions de psychiatrie médico-légales, une place qui coûte très cher et est très rare, dans la mesure où on a pu évaluer leur capacité à se réinsérer en toute sécurité dans la société.
    Le régime ne prévoit en fait que deux possibilités: vous faites partie du régime ou vous n'êtes plus une personne considérée comme présentant un risque élevé, et cela soulève à nos yeux un autre petit problème.
    Nous préférerions que la déclaration d'accusé à risque élevé soit faite par la commission d'examen plutôt que par un tribunal. Les commissions d'examen peuvent compter sur l'expertise de psychiatres et de médecins et sont tout à fait capables d'évaluer en toute équité le risque futur qu'une personne peut présenter. Il serait avantageux de conserver l'expertise des commissions d'examen à cette fin.
    L'autre préoccupation de la Société John Howard a trait aux répercussions négatives sur le système de justice et le système correctionnel ainsi que sur les maigres ressources en santé mentale. On a raison de se demander si les accusés ayant des troubles mentaux ne seront pas moins nombreux à recourir à la défense de non-responsabilité criminelle. Pour déterminer qu'une personne doit être déclarée accusé à risque élevé, un juge doit d'abord déterminer que cette personne n'est pas criminellement responsable, et c'est habituellement l'accusé ou son avocat qui demande cette procédure après avoir cerné certains problèmes psychiatriques.
    Si la personne décide de ne pas présenter la défense de non-responsabilité criminelle, il est probable qu'elle sera prise en charge par le système de justice officiel, même si cette personne n'est pas capable de former une intention criminelle. En conséquence, il serait injuste de lui infliger une peine pour une infraction qu'elle aurait commise sans intention criminelle, même si elle a choisi de ne pas présenter la défense de non-responsabilité criminelle parce qu'elle ne voulait pas être déclarée accusé à risque élevé et qu'elle ne voulait pas risquer une période d'emprisonnement plus longue.
    Cela veut dire que des gens qui ont de graves troubles de santé mentale seraient confiés à notre système correctionnel, lequel est mal équipé pour répondre à leurs besoins. De nombreuses organisations, y compris le Service correctionnel du Canada, considèrent qu'il est prioritaire d'améliorer la capacité de prendre en charge les personnes présentant de graves troubles de santé mentale dont le système correctionnel est pour le moment responsable. Plus les détenus de ce type seront nombreux, plus il sera difficile de régler ce problème.
    Nous nous préoccupons également des personnes qui sont déclarées à haut risque et qui sont détenues pendant de longues périodes dans des installations de psychiatrie médico-légales. Vous consacrez des ressources très limitées en priorité à des personnes qui ne représentent peut-être pas le plus grand risque pour la société, dont les besoins ne sont peut-être pas si élevés et qui, légitimement, n'ont pas besoin de ce type particulier de services.
    Je dirai pour conclure que la Société John Howard soutient fermement l'objectif stratégique visant à limiter les préjudices causés par les troubles mentaux aux premières victimes, aux personnes touchées et à tous les autres, y compris les membres de leur famille.
    Le projet de loi C-54, toutefois, ne réalisera pas cet objectif. Il impose des étiquettes inappropriées aux objectifs thérapeutiques du traitement et à la sécurité du public. Il nous prive de l'expertise des thérapeutes en associant la catégorisation et le régime connexe à un processus judiciaire et aux décisions d'un tribunal. Il fait en sorte que les rares lits des hôpitaux psychiatriques seront réservés aux accusés déclarés à risque élevé et aura en outre pour effet d'exacerber les problèmes que posent les détenus ayant des troubles mentaux pour le système correctionnel.
    Le vrai problème, quand on parle de sécurité publique, tient au nombre de prisonniers ayant des troubles de santé mentale qui sont traités inadéquatement et qui sont renvoyés dans la collectivité. Voilà où nous devrions, en tant que société, faire porter nos efforts et investir nos ressources. Le processus des commissions d'examen, dans le cas des gens NCR, fonctionne bien et, à notre avis, il n'y a pas lieu de le modifier.
    Merci.

  (1755)  

    Merci de cet exposé.
    Le prochain témoin se présente à titre personnel. Mme Lori Triano-Antidormi est, je crois, psychologue.
    Merci de m'avoir invitée à vous présenter un témoignage aujourd'hui à propos du projet de loi C-54.
    Je suis une mère, je suis victime d'un crime commis par une personne qui a été considérée non criminellement responsable et je suis une psychologue praticienne.
    Je suis la mère de Zachary Lawrence Antidormi. Zachary a été assassiné le 27 mars 1997, à l'âge de deux ans et demi. Zachary jouait avec son meilleur ami lorsque notre voisine, Mme Lucia Piovesan, est sortie de son domicile en cachant un grand couteau de cuisine sous sa cape. Elle a poignardé mon petit Zachary 12 fois. Mon beau Zachary est mort de ses blessures et, comme vous vous l'imaginez, ma vie a été changée à jamais. Je n'avais plus mon beau petit garçon. J'ai été incapable de fonctionner pendant près d'un an, et aujourd'hui, les gens parlent de moi comme d'une mère endeuillée et d'une victime.
    Mme Piovesan, qui était âgée de 60 ans au moment du crime, souffrait de graves troubles mentaux. Elle était atteinte de schizophrénie paranoïde. Elle avait des idées délirantes et croyait que l'âme de son propre fils décédé vivait dans le corps de mon Zachary. Elle a poignardé Zachary à de nombreuses reprises pour libérer l'âme de son fils emprisonnée dans le corps de Zachary. Mme Piovesan a été déclarée non criminellement responsable.
    Mme Piovesan avait des antécédents de comportement erratique. Au fil des ans, elle avait fréquenté divers hôpitaux, consulté des médecins et des psychiatres et avait eu des échanges avec la police, mais on n'a jamais évalué ou traité son cas de façon appropriée. Nous avions nous-mêmes téléphoné aux policiers plus d'une dizaine de fois dans l'espoir qu'elle soit arrêtée et subisse une évaluation. La fille de Mme Piovesan avait elle-même tenté en vain de faire arrêter sa mère pour qu'elle soit évaluée et qu'on lui propose un traitement; elle a toujours, elle aussi, fait face à des obstacles.
    La fille de Mme Piovesan, et on peut dire la même chose de tout le monde, ne comprenait pas ce que sa mère pensait ni pourquoi elle se comportait de la manière dont elle se comportait. Elle ne comprenait pas la maladie mentale de sa mère, et elle n'a pas réussi à prendre la mesure des idées délirantes de sa mère. Elle a essayé de régler le problème. Au bout du compte, ce sont les idées délirantes de sa mère qui l'ont amenée à poser le geste d'assassiner mon fils pour libérer l'âme du sien.
    Cette année, le 27 mars, j'étais chez moi. Depuis la mort de Zachary, je prends toujours congé ce jour-là, parce que j'ai besoin de prendre soin de moi. C'est le 27 mars 2013 qu'un verdict de non-responsabilité criminelle a été rendu dans une autre affaire tragique, en Ontario. Le tribunal a déterminé que l'auteur du crime souffrait de graves troubles mentaux et que la nature de cette maladie l'avait amené à adopter un comportement qui a causé la mort d'un autre humain. La couverture médiatique de cette affaire et du projet de loi C-54 ont remué en moi des émotions dont l'intensité m'a surprise. L'intensité de ces sentiments m'a en quelque sorte obligée à les explorer plus en profondeur.
    Le projet de loi C-54 suscite en moi un grand trouble, car il vise beaucoup à stigmatiser et à punir et ne reflète pas une compréhension exacte des graves troubles mentaux. La création d'une catégorie de personnes à risque élevé, fondée sur la nature brutale de l'acte criminel, par exemple, ne s'appuie sur aucun élément probant. Ce n'est pas la brutalité d'un acte criminel qui détermine le niveau de risque. Attirer l'attention sur la brutalité d'un crime, au contraire, revient à perpétuer le mythe selon lequel les personnes qui ont une maladie mentale sont des personnes violentes. En outre, faire passer de un à trois ans la fréquence des examens des accusés à risque élevé est à mon avis une mesure punitive qui n'a rien à voir avec la réinsertion sociale.
    Je ne vois pas de quelle façon ce projet de loi pourrait réaliser ce qu'il appelle un de ses objectifs principaux, à savoir l'amélioration de la sécurité publique. Ce que je comprends et ce que je sais, c'est que les commissions d'examen, qui se penchent chaque année sur le dossier des personnes déclarées NCR et qui déterminent leur niveau de sécurité, font tout ce qu'elles peuvent pour respecter à la fois le principe de la sécurité publique et les droits des personnes qui ont un problème de santé mentale; il semble que leurs efforts portent des fruits.
    Ma famille n'a pas été protégée. Mais cette absence de protection n'était pas due, toutefois, à une faille dans les lois actuelles concernant les personnes NCR. Elle est due au mauvais fonctionnement du système de santé mentale, qui comporte de nombreuses lacunes. Le projet de loi C-54 n'aurait pas protégé ma famille; un meilleur système de santé mentale aurait peut-être pu le faire.

  (1800)  

    On a déjà dit que les lois actuelles qui concernent les gens NCR semblent fonctionner, et que les taux de récidive des accusés NCR sont plus faibles que ceux des personnes jugées criminellement responsables, dont s'occupe le système correctionnel. Une question me revient constamment à l'esprit: « Pourquoi cibler des gens après qu'ils ont commis un crime plutôt que de s'intéresser d'abord et avant tout à la prévention de tels crimes? »
    Quand j'ai lu dans le journal le compte rendu de cette affaire très médiatisée de non-responsabilité criminelle et quand j'ai appris que des gens avaient remarqué que l'état de santé mentale de l'accusé s'était détérioré, qu'il s'était présenté dans une clinique sans rendez-vous la veille du meurtre en se plaignant des pensées qui le harcelaient, je n'ai pu m'empêcher de me demander ce qui s'était passé dans cette clinique.
    Les pensées désordonnées sont une des principales caractéristiques de la schizophrénie, et cet homme cherchait de l'aide en raison de ses pensées désordonnées. Pourquoi n'a-t-il pas été admis et soumis à une évaluation plus poussée, pourquoi n'a-t-on pas traité les symptômes et les problèmes psychiatriques dont il se plaignait? Est-ce que cela aurait exigé trop de temps et d'énergie? N'y avait-il plus de place dans le service de psychiatrie? Est-ce que le médecin qui l'a reçu a procédé à une évaluation appropriée? Le médecin avait-il les connaissances nécessaires pour poser un diagnostic exact, a-t-il envisagé d'adresser le patient à un autre professionnel? Je ne peux m'empêcher de me demander, comme je l'ai fait il y a quelque 16 années, si un système de santé mentale défectueux n'a pas failli à la tâche en n'aidant pas la famille de la victime et la famille de la personne qui a commis un crime en raison de sa maladie mentale? Nous ne devons pas oublier que les deux familles sont des victimes.
    Le projet de loi C-54 vise, prétend-on, à protéger le public et à aider les victimes. Les intervenants du milieu de la santé mentale sont en faveur des amendements qui concernent la participation des victimes. À ce propos, je peux affirmer qu'en tant que victime j'ai été traitée avec respect et considération. Personne ne conteste les amendements qui ont trait à la participation des victimes. D'autres aspects du projet de loi, cependant, sont malavisés et ne sont pas fondés sur des éléments probants. Comme je l'ai déjà indiqué, certains aspects du projet de loi consistent à stigmatiser et à punir et amènent le public à croire que les malades mentaux commettent certains actes en raison d'une intention criminelle formée dans un esprit sain. C'est la maladie mentale qui les amène à agir.
    Comprendre le meurtre de Zachary n'a pas été facile pour moi, même si je suis psychologue. Il est difficile de comprendre la maladie mentale, et les victimes, comme moi-même, ont vraiment besoin de tenir une personne responsable du meurtre d'un être cher. L'approche qui consiste « à enfermer les gens et à jeter la clé », toutefois, est associée à la vengeance et ne choisit pas la bonne cible. Elle ne reflète aucune tentative de comprendre la complexité de la maladie mentale. Tant que le gouvernement ne s'efforcera pas d'améliorer le système de santé mentale plutôt que d'élaborer des projets de loi comme le projet de loi C-54 qui ne protègent aucunement les Canadiens, nous ne serons pas plus avancés.
    Zachary a été assassiné il y a plus de 16 ans. Toutes ces années, j'ai sincèrement espéré que le gouvernement prendrait les choses en main pour aider les gens qui ont des problèmes de santé mentale de façon qu'ils ne se rendent pas au point de commettre un crime. Au contraire, le gouvernement a proposé aux Canadiens un projet de loi qui ne protège pas le public et qui ne favorise pas la prévention des actes criminels commis par des personnes qui ont une maladie mentale.
    À titre de victime, je demande au gouvernement de collaborer avec les intervenants du milieu de la santé mentale et avec les victimes pour élaborer un projet de loi qui réussira à augmenter la sécurité du public plutôt qu'un projet de loi dont les seuls résultats seront des répercussions négatives sur les personnes ayant une maladie mentale.
    Merci.

  (1805)  

    Merci beaucoup de cet exposé.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Le premier intervenant est M. Mai, du Nouveau Parti démocratique.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être venus ici, et merci en particulier à vous, Mme Triano-Antidormi. Je vais laisser M. Marston poser quelques questions, plus tard, mais je tenais à vous dire à quel point j'ai trouvé votre témoignage lucide. J'ai vraiment apprécié.
    Je vais commencer par M. Summerville. Vous avez mentionné que neuf autres organismes n'ont pas été consultés. Je crois que tous les témoins que nous avons entendus ici ont dit que le projet de loi, avec sa façon de présenter les choses, n'était pas fondé sur des éléments probants.
    Pourriez-vous me dire quels organismes n'ont pas été consultés et peut-être pourquoi ils ne l'ont pas été?
    Il s'agit des organisations suivantes: l'Association des psychiatres du Canada, la Société canadienne de psychologie, l'Association canadienne pour la santé mentale, la Société pour les troubles de l'humeur, l'Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, l'Association canadienne pour la prévention du suicide, le Réseau national pour la santé mentale, le Centre de toxicomanie et de santé mentale et la Société canadienne de schizophrénie. De plus, les 19 membres de l'ACMMSM, l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, dont toutes ces organisations sont membres, n'ont pas non plus été consultés.
    Je ne sais pas pour quelle raison le ministre fédéral ne nous a pas consultés.
    Quand nous étudions un projet de loi qui, techniquement, porte sur la santé mentale, voilà de quoi il est question. Nous avons parlé de criminalité. Nous avons parlé de sécurité publique, un aspect de toute évidence très important. Nous avons également parlé des victimes. Quand nous parlons de ce qui se passe ici, c'est de maladie mentale.
    Mme Latimer, pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des consultations? Je vais également demander à M. Summerville d'expliquer pourquoi il est important que nous menions des consultations, en particulier quand nous avons affaire à un projet de loi comme celui-ci.
    La Société John Howard n'a pas été consultée. Il est important pour vous d'entendre différentes personnes présenter différentes perspectives, ce qui vous donne l'occasion d'apporter des modifications et d'améliorer la qualité du cadre législatif dont vous devez vous occuper.
    Monsieur Summerville.
    Nous sommes en 2013, pas en 1013. Nous en savons aujourd'hui beaucoup plus sur la façon d'aider les gens aux prises avec une maladie mentale, que l'on peut traiter, et les aider aussi à se rétablir. Jusqu'à 65 p. 100 des schizophrènes arrivent à se rétablir. Qu'est-ce que cela signifie? Qu'ils arrivent à prendre en charge leur maladie et à vivre malgré les limites qu'elle leur impose.
    Vous avez accès à toute une gamme d'organisations professionnelles, d'organisations familiales et de représentants d'organisations d'expérience qui ont étudié la question et qui ont vécu cette expérience. Vous avez accès à cet énorme volume d'information, en 2013. Malheureusement, cette mine de connaissances n'a pas été exploitée.
    La presse a même cité la Dre Anne Crocker, qui a dit ceci: « Le gouvernement n'a-t-il pas lu le compte rendu de la recherche que j'ai faite pour lui? »

  (1810)  

    Je vais partager mon temps avec M. Marston.
    Ce ne sera pas long.
    Lori, est-ce que Zachary se trouvait à Hamilton?
    Je vivais sur l'avenue Afton quand les événements se sont produits, quelques pâtés de maisons plus loin seulement. Nous avons entendu, dans le quartier, les histoires qui concernaient cette dame. Cela va au-delà de la tragédie, car les preuves étaient là.
    Monsieur Summerville, ma mère a vécu dans un établissement pendant 10 ans. Au sujet de ce que vous avez dit sur le fait que les gens ne peuvent pas recouvrer leur liberté lorsque leur traitement aboutit, je me rappelle que ma mère disait qu'elle était bien mieux parce qu'elle pouvait maintenant entendre les gens verrouiller leurs portes. Quand elle avait des idées délirantes, par exemple, elle n'entendait pas cela. J'espère que nos amis de l'autre côté écoutent, parce que c'est très probant.
    En ce qui vous concerne, étant donné l'expérience que vous avez vécue et que vous vivez encore tous les jours, il est très important que vous ayez été capable de formuler cette réponse exhaustive, alors que, dans chacun des os de votre corps et chacune de vos émotions, vous ressentez l'absence de Zachary. J'aimerais vous remercier pour cela.
    J'espère que mes amis de l'autre côté prendront le temps d'y réfléchir. Ce projet de loi est imparfait. Nous pouvons faire mieux. Arrangeons-nous pour faire mieux.
    Merci.
    Merci de ces questions et réponses.
    Le prochain intervenant est M. Goguen, du Parti conservateur.
    Merci aux témoins d'avoir livré leur témoignage.
    J'aimerais vous exprimer notre sympathie, madame Triano-Antidormi. Je crois avoir prononcé votre nom presque comme il faut, mais je sais que vous vous appelez Lori.
    Nous avons entendu plusieurs témoignages, et on nous donne l'impression que ce projet de loi change radicalement toute l'approche en matière de santé mentale appliquée aux personnes non criminellement responsables. Essentiellement, le projet de loi fait deux choses. Il assure avant tout la sécurité du public lorsque des gens non criminellement responsables sont remis en liberté et il donne davantage de droits aux victimes, qui reçoivent un avis de façon qu'elles puissent autant que possible éviter de croiser l'auteur du crime.
    Comment fait-il cela? Fondamentalement, la personne non criminellement responsable peut être déclarée accusé à haut risque. En conséquence, le dossier de cette personne fait l'objet d'un examen après trois ans, trois années au cours desquelles, bien sûr, la personne suit un traitement. Selon le régime actuel, une personne peut être détenue indéfiniment. Je crois que dans votre cas, Lori, la criminelle est toujours détenue. Cela s'est passé en 1998. Ça n'est pas nouveau. 1998, ce n'est pas il y a trois ans. Dans les deux cas, un traitement est fourni. Dans le nouveau régime, un traitement est fourni.
    D'aucuns pourraient faire valoir que les gens non criminellement responsables sont très rarement déclarés à haut risque. Pourquoi? C'est que les critères relatifs à cette déclaration sont relativement stricts. Le tribunal ne peut en arriver à cette conclusion que s'il est convaincu qu'il existe une probabilité marquée que la personne non criminellement responsable usera de violence; pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne si elle obtenait une libération totale ou conditionnelle; ou que si le tribunal était d'avis que l'infraction était d'une nature si brutale qu'il y a un risque de préjudice grave pour une autre personne.
    À quelle personne non criminellement responsable ces conclusions peuvent-elles s'appliquer? Les cas de Vincent Li, Allan Schoenborn, Andre Denny et Guy Turcotte nous viennent à l'esprit. Les cas ne se comptent pas par millions; ils sont très peu nombreux. Sachant cela, ce que nous faisons ici, essentiellement, c'est de donner la priorité à la sécurité publique. C'est de nous assurer que ces criminels suivront un traitement, peu importe pendant combien de temps ce traitement sera nécessaire. Il n'y a pas de solution universelle, puisque certaines personnes ont besoin de plus de temps que d'autres. Certaines personnes peuvent avoir besoin de plus de trois ans. Avant leur remise en liberté dans la société, ces gens doivent non seulement convaincre la Commission de la santé mentale, mais également subir un second niveau d'examen devant le juge de la Cour supérieure.
    Ne pensez-vous pas que le Canadien moyen, quand il réfléchit à cela, trouve un peu de réconfort dans le fait de savoir qu'avant que Vincent Li, Allan Schoenborn, Andre Denny ou Guy Turcotte soient remis en liberté dans la société, dans leur collectivité respective, ils seront passés non pas par un, mais par deux processus d'examen qui visent à faire en sorte que les crimes que ces gens ont commis ne se reproduiront peut-être — peut-être — pas dans la collectivité?
    Je crois que c'est le niveau d'examen qui est malavisé. Je crois que la déclaration de personne à haut risque est malavisée. Il existe d'autres facteurs de détermination du risque, par exemple les antécédents personnels d'une personne. Dans le cas qui nous occupe, l'accusé NCR avait des antécédents. Tout cela est malavisé. Je crois que c'est en partie parce qu'on n'a pas consulté les intervenants du milieu de la santé mentale. Il suffirait de faire un effort et de travailler de concert pour définir la terminologie en se fondant comme il le faut sur des données probantes.
    La femme qui a tué mon fils présente toujours un risque élevé, et c'est une commission d'examen qui l'a déterminé. Cette commission existe et fait bien son travail parce qu'elle représente toujours un risque.

  (1815)  

    Madame Latimer.
    Selon les éléments de preuve dont j'ai pris connaissance, les commissions d'examen arrivent assez bien à déterminer si une personne représente toujours un risque, auquel cas, elles ne lui accordent pas la liberté. La personne qui a commis un crime contre Lori est un bon exemple de cette démarche.
    Je crois qu'il est également important, toutefois, de permettre une mise en liberté graduelle, et ce n'est pas envisagé par le projet de loi en question. On serait avisé d'essayer de déterminer quels sont les éléments déclencheurs, dans le cas de ces personnes, et de s'assurer qu'elles puissent suivre un traitement médical, qu'elles continuent à prendre leurs médicaments, qu'elles ne s'approchent pas de leurs victimes lorsqu'on leur a demandé de s'en tenir éloignées. C'est plus facile à faire dans le cadre d'une libération conditionnelle.
    Le régime proposé semble n'envisager que deux possibilités: l'hospitalisation ou rien. J'ai peut-être mal lu, mais je crois que vous devriez probablement prévoir ces trois niveaux de libération graduelle, en particulier pour les personnes dont on sait qu'elles représentent un risque particulier. Le vrai problème de la déclaration de personne à haut risque, c'est que l'alinéa 672.64(1)b) vous permet de déclarer qu'une personne qui a commis un seul acte de nature brutale est une personne à risque élevé; cet alinéa ne tiendra pas la route. Vous ne trouverez jamais suffisamment de données probantes permettant d'établir qu'un seul acte de nature brutale constitue un risque de préjudice futur et d'en tirer des prédictions. Vous savez que si cet acte est de nouveau commis, il sera très grave, mais vous constatez souvent que plus un incident est grave, moins il est susceptible de se reproduire tandis qu'un incident moins grave est davantage susceptible de se reproduire. Ce n'est pas un processus linéaire.
    Merci de ces questions, et merci de ces réponses.
    Le prochain intervenant est M. Casey, du Parti libéral.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Triano-Antidormi, je suis arrivé au moment où vous commenciez votre témoignage. Il était très convaincant. J'aimerais m'adresser à vous en premier pour vous remercier d'avoir raconté votre histoire et vous remercier d'avoir le courage de le faire de manière si publique.
    Pour continuer votre histoire, j'aimerais poser une question qui concerne directement la femme qui a assassiné Zachary. A-t-elle réagi au traitement? Où est-elle, aujourd'hui, 16 ans plus tard?
    Elle n'a pas très bien réagi au traitement, elle se trouve toujours dans un établissement psychiatrique.
    Merci.
    Monsieur Summerville, madame Latimer, je m'excuse d'avance au cas où mes questions ont déjà été abordées dans vos témoignages; comme je l'ai déjà dit, je suis arrivé au moment où Mme  Triano-Antidormi prenait la parole.
    Monsieur Summerville, est-ce que le gouvernement vous a consulté, vous ou un autre membre de la Société canadienne de schizophrénie, au moment d'élaborer ce projet de loi?
    Non.
    Lundi, le ministre a comparu devant notre comité. J'ai eu l'occasion de le questionner au sujet du fait que les groupes d'intervenants en santé mentale n'avaient pas tous été consultés. Il m'a répondu, fondamentalement, qu'il avait mené des consultations approfondies auprès des procureurs généraux des provinces et a ajouté que la santé, et la santé mentale plus particulièrement, relevait des gouvernements provinciaux.
    À votre avis, est-ce que cela suffit?
    Je ne crois pas que cela soit suffisant. Si j'ai bien compris votre question, je répondrai en disant qu'il est à mon avis important de parler avec les gens qui travaillent de près avec les patients des services de santé mentale. J'ai compris, pendant tout ce processus, que le public et, malheureusement, certains politiciens, je crois, ne savent pas vraiment ce que signifie la non-responsabilité criminelle, quel est le rôle des commissions d'examen ni comment se déroule l'évaluation du risque. On a mentionné le nom de M. Li à quelques reprises. Je lui rends visite depuis que je suis au Manitoba. Contrairement à ce que les gens veulent bien croire, il réagit magnifiquement à ses traitements.
    Les évaluations du risque portent sur la connaissance de soi de la personne, sur le fait qu'elle comprenne qu'elle est capable, sur le fait qu'elle prenne ses médicaments et qu'elle se soumette à une thérapie cognitivo-comportementale. Les séances visent à établir la façon dont la personne réagit aux autres patients et au personnel. Existe-t-il des traumatismes non réglés, y a-t-il des problèmes de toxicomanie, une psychopathologie, une pathologie sociale, des antécédents de criminalité? À titre d'exemple, encore une fois, puisque son nom a été mentionné, M. Li ne présentait aucune de ces caractéristiques, et c'est pourquoi il n'a pas été déclaré personne à haut risque. Mais nous n'essayons pas d'en faire la tête d'affiche de la Société canadienne de schizophrénie. J'essaie simplement de faire comprendre que, pour créer un projet de loi qui fera ce qu'il prétend faire, et ce que la Cour suprême prétend qu'il fera, c'est-à-dire assurer la sécurité publique et fournir un traitement thérapeutique, il aurait fallu consulter les professionnels et les experts de la santé mentale de même que les membres des familles. J'irais jusqu'à dire que c'est presque un enjeu politique, au Manitoba. Même avec un gouvernement NPD, les élections ne sont jamais très loin, et je n'en dirai pas plus.

  (1820)  

    Merci, monsieur Summerville.
    Madame Latimer, j'aimerais également connaître votre opinion sur ce sujet. Je vous ai entendu dire que la Société John Howard du Canada n'avait pas été consultée. Maintenant que vous savez que le ministre a répondu à une question sur la consultation en disant que cela concernait les gouvernements provinciaux, comment réagissez-vous?
    J'aimerais beaucoup savoir qui sont les personnes que les gouvernements provinciaux ont consultées et si ces personnes estiment être les porte-parole de l'ensemble du milieu de la santé mentale dans le cadre de cette tribune-ci et si elles pensent être les seules à devoir formuler des commentaires sur ce projet de loi. Les procureurs généraux... Il faudrait probablement réunir des intervenants FPT dans un forum mixte, en invitant des ministres de la Santé, non pas seulement des procureurs généraux, à mon avis, pour obtenir des commentaires vraiment éclairés. Même dans ce cas-là, je crois qu'il faudrait probablement aussi consulter certains des organismes nationaux.
    Merci beaucoup de ces questions et ces réponses.
    Le prochain intervenant est M. Seeback, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Catherine, j'ai noté certaines de vos interventions, car je crois que l'une de vos déclarations précédentes a une certaine importance. Vous avez dit que les commissions d'examen faisaient un assez bon travail. Je sais que vous étiez ici, je vous ai vue, assise dans le fond, et vous avez entendu les témoins précédents. Ils ont eux aussi dit qu'à leur avis, les commissions d'examen faisaient du très bon travail en l'occurrence. Je crois que tout le monde s'entend sur cela.
    Vous avez dit que le projet de loi prévoit un délai de trois ans entre les examens. J'imagine que vous dites cela parce que vous l'avez lu dans le projet de loi. Vous hochez la tête; vous êtes d'accord avec moi?
    Oui, et je crois que je sais où vous voulez en venir, c'est-à-dire que c'est un délai maximal de trois ans.
    Premièrement, c'est un délai maximal de trois ans.
    Mme Catherine Latimer: Exact.
    M. Kyle Seeback: Ce n'est pas automatiquement un délai de trois ans.
    Non.
    Est-ce que vous saviez, en outre, que le délai ne sera de trois ans que si la commission d'examen dit qu'il devrait être de trois ans?
    Oui, je l'avais remarqué. Mais vous constaterez que, quand on donne à des organismes très occupés comme les commissions de libération conditionnelle ou les commission d'examen la possibilité de réduire la fréquence des examens, ils vont toujours en profiter le plus possible. C'est du moins le cas en ce qui concerne les commissions de libération conditionnelle, même si elles pourraient avoir la capacité de...
    Laissez-vous entendre que les commissions d'examen ne font pas bien leur travail parce qu'elles ne veulent pas travailler?
    Je dis seulement qu'elles auront à s'occuper d'un plus grand nombre de personnes pour des périodes plus longues et qu'elles feront donc face à une pression accrue pour faire leurs examens.
    Je ne vois pas comment cela est compatible avec vos déclarations et déclarations précédentes selon lesquelles les commissions d'examen faisaient du très bon travail.
    Vous avez parlé également du fait que, à votre avis, le projet de loi permet de déclarer qu'une personne est à haut risque lorsqu'elle a commis un seul acte de nature brutale.
    Exact.
    C'est ce que les témoins disent au comité, aujourd'hui, mais je crois qu'ils choisissent parmi les extraits du projet de loi. Je ne crois pas que cela soit exact.
    La disposition proposée est en fait rédigée ainsi: si le tribunal « est d'avis que les actes à l'origine de l'infraction étaient d'une nature si brutale qu'il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique — pour une autre personne ». Donc, pour commencer, la disposition ne se limite pas à la notion de brutalité. Ensuite, l'article dit que, pour décider s'il convient de déclarer qu'un accusé est une personne à haut risque, ce qui nous ramène à la notion de brutalité, le tribunal doit tenir compte d'un ensemble de circonstances, notamment « la répétition », par exemple, « l'état mental actuel de l'accusé » et « l'avis des experts qui l'ont examiné ».
    En réalité, la déclaration n'est pas fondée sur un seul événement de nature brutale. Ce n'est pas ce que dit la loi, ce n'est pas exact.
    Mais cela se pourrait, et c'est ce que dit la loi.
    En fait, la loi ne dit rien, selon ce que je comprends de l'alinéa 672.64(1)b), sur l'évaluation qui est faite du comportement futur. Vous évaluez un incident passé. Dans l'alinéa 672.64(1)a) proposé, du moins, vous évaluez la probabilité que l'accusé « usera de violence de façon qu'il pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne ». Les mots utilisés sont: « usera de violence ».
    Il y a ici une observation rétrospective: « les actes à l'origine de l'infraction étaient de nature si brutale qu'il y a un risque de préjudice grave —physique ou psychologique — pour une autre personne ».
    Il s'agit d'un incident unique qui a entraîné un préjudice.

  (1825)  

    Les juges vont fonder leur évaluation sur... Il ne s'agit pas d'une disposition limitative. On ne dit pas que l'évaluation n'est fondée que sur ces seuls facteurs. On dit: « le tribunal prend en compte tout élément de preuve pertinent, notamment... »
    Ce que je trouve curieux — et je sais que vous vous êtes déjà présentée devant notre comité parce que vous étiez opposée à des choses comme les peines minimales obligatoires et vous disiez que les juges devraient avoir un pouvoir discrétionnaire pour rendre ce type de décision —, c'est que cette disposition donne aux juges un pouvoir discrétionnaire incroyable. Les juges peuvent tenir compte de toute une gamme de facteurs avant d'en arriver à cette détermination. Vous dites aujourd'hui que nous ne devrions pas donner aux juges de pouvoir discrétionnaire relativement aux décisions.
    Ce que la Société John Howard essaie de faire valoir, c'est que, s'ils ont l'expertise pertinente, ils devraient faire cette détermination. Lorsqu'un juge impose une peine, il est au courant des circonstances particulières et de tous les facteurs liés à la personne. Il est le mieux placé pour prononcer une sentence qui reflétera le mieux la gravité de l'infraction et le niveau de responsabilité.
    C'est ce que dit l'alinéa 672.64(2)e) proposé. Cet alinéa mentionne « l'avis des experts qui l'ont examiné » (l'accusé). Les experts vont présenter leur avis au juge, qui s'appuie sur cet avis avant de rendre sa décision.
    Il n'est pas nécessairement lié par cet avis. Il peut se limiter à le prendre en compte.
    Eh bien, il n'est pas tenu de le respecter. Nous donnons un pouvoir discrétionnaire aux juges, et vous estimez que les juges devraient avoir ce pouvoir.
    En effet, je crois qu'ils devraient avoir ce pouvoir, mais je crois que le tribunal fonctionnerait de manière plus efficiente et économique si l'on permettait aux commissions de rendre des décisions dans des cas très précis exigeant leurs connaissances spécialisées. Car ce sont les membres des commissions d'examen qui possèdent ces connaissances particulières touchant les liens de cause à effet, par exemple les risques futurs, et les problèmes de santé mentale.
    Mais c'est une commission d'examen qui rendra cette décision. Si une personne est déclarée à haut risque, la commission d'examen devra rendre une décision, une année plus tard ou...
    Trois ans plus tard.
    Non. Elles doivent d'abord décider que le délai sera de trois ans, et elles ne prennent cette décision que si elles croient que la personne présente un risque important. Au bout d'un an, une commission d'examen peut déclarer qu'une personne n'est plus un accusé à haut risque et qu'elle doit retourner dans l'ancien système. Je ne vois pas ce qu'il y a de si terrible à imposer cela.
    Votre temps est écoulé.
    Je vais vous laisser le temps de répondre à la question.
    J'allais justement vous demander pourquoi vous en avez besoin, alors. Ce que vous décrivez ressemble beaucoup à la structure en place, et c'est la commission d'examen qui prend cette décision. Je ne comprends pas en quoi cela représente un progrès.
    Merci, mesdames et messieurs. Merci de ces questions et de ces réponses.
    Le prochain intervenant est M. Rankin, du Nouveau Parti démocratique. Il semble qu'il va partager son temps.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Jacob.
    Je voudrais dire aux trois témoins à quel point leurs exposés étaient inspirants. J'ai été particulièrement touché par votre histoire, madame Triano-Antidormi. Merci d'être venue nous la raconter.
    Ma première question s'adresse à Mme Latimer. C'est une question très simple, que j'ai posée aux autres témoins.
    Après avoir analysé le projet de loi dans sa forme actuelle, est-ce que la Société John Howard est en faveur du projet de loi C-54?
    Non, la Société John Howard n'est pas en faveur du projet de loi dans sa forme actuelle.
    Mon autre question s'adresse à M. Summerville, et à Lori, si vous me le permettez.
    Monsieur Summerville, vous avez parlé des mesures du projet de loi que vous associez à la « stigmatisation »; Lori, vous avez dit que le projet de loi « vise beaucoup à stigmatiser et à punir ».
    J'aimerais que, chacun votre tour, vous en disiez un peu plus sur cela et que vous donniez peut-être des exemples pour expliquer pourquoi à votre avis les dispositions du projet de loi sont associées à une stigmatisation.
    J'aimerais que vous commenciez, monsieur Summerville, s'il vous plaît.
    J'espérais que le gouvernement, lorsqu'il a commencé à parler de ce projet de loi, aurait émis un avertissement. J'espérais qu'il dise aux Canadiens qu'environ 3 p. 100 des personnes qui ont un trouble de santé mentale ont des démêlés avec la justice, que 0,001 p. 100 de ces personnes sont déclarées NCR, que le taux de récidive, selon le CAMH de Toronto, est de 7,35 p. 100 alors qu'il grimpe à 45 p. 100 dans le cas des délinquants libérés par le système correctionnel fédéral.
    Pensons seulement à la place qu'occupent la haine, la brutalité, les maladies mentales, mettons tout ça ensemble... Ce que je veux dire, c'est que nous savons tous que les préjugés sociaux sont un problème de taille, dans notre société. C'est la principale raison qui fait que les gens ne demandent ni aide, ni traitement. C'est la raison pour laquelle j'ai attendu moi-même presque 40 ans avant de le faire.
    Merci.
    Lori.
    Je crois que, si on parle de stigmatisation, cela a à voir avec l'accent qui est mis sur la brutalité de l'acte commis. C'est vraiment une façon de perpétuer le mythe selon lequel les gens qui ont une maladie mentale sont violents. Le milieu médico-légal nous a bien traités, et il nous a appris que ce n'était pas vrai. Quand j'ai entendu parler du projet de loi dans les médias, j'ai tout de suite constaté qu'il était axé sur la stigmatisation, car il visait à enfermer les gens pendant trois ans et à ne pas revoir leurs dossiers, et j'ai trouvé qu'il était également très punitif.

  (1830)  

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être présents parmi nous aujourd'hui. Je remercie Mme Triano-Antidormi de ses propos.
     Vous êtes à la fois victime et experte et, par conséquent, vous êtes bien placée pour affirmer que le projet de loi C-54 n'a pas de bonnes bases. Vous avez ainsi résumé la pensée de nos deux autres invités.
    Vous avez dit que le projet de loi contenait des éléments de vengeance, de stigmates, de punition et de brutalité. Vous avez répété que cela perpétuait le mythe du malade mental violent, alors que la réalité est toute autre. Le taux de récidive est très faible chez les patients.
     Vous avez également souligné que comprendre les questions de santé mentale est très compliqué. Selon vous, la solution est d'avoir un meilleur système sur les questions de santé mentale. J'aimerais que vous nous parliez de réhabilitation et de réinsertion sociale, ce qui est probablement la meilleure façon d'assurer une sécurité publique efficace à long terme.

[Traduction]

    Je crois que c'est l'objectif actuel de la loi, qui fournit un traitement et qui examine chaque année les résultats de ce traitement, pour graduellement lever les restrictions imposées afin de voir comment le patient réagit.
    Comme je l'ai déjà dit, une personne qui commet cet acte n'est pas saine d'esprit. C'est une personne dont l'esprit fonctionne mal, comme je l'ai expliqué à mes enfants.
    Je crois que l'approche actuelle consiste à tenter d'assurer le traitement et la réinsertion sociale de la personne, pas à lui refuser cette possibilité.
    Merci beaucoup.
    Notre dernier intervenant, cet après-midi, est M. Wilks, du Parti conservateur. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus ici aujourd'hui.
    Je trouve intéressant de constater que tous les témoins qui se sont présentés aujourd'hui, soit des représentants du milieu médical, soit des victimes, ont parlé d'une manière ou d'une autre de la police. C'est de là que je viens; j'ai pris ma retraite de la GRC. Normalement, c'est la police qui, à chaque fois, doit s'occuper de ces personnes.
    J'ai entendu dire aujourd'hui qu'il ne fallait pas stigmatiser les personnes qui commettent des délits mineurs, et je suis tout à fait d'accord. Mais le fond de l'affaire, c'est que c'est la seule procédure que les policiers peuvent suivre; il n'en existe pas d'autres. Dans le cas de délits mineurs, la police ne peut agir autrement. Si j'arrête quelqu'un qui a volé un bien de moins de 5 000 $, je vais immédiatement le remettre en liberté. Je ne peux pas le détenir, je n'ai pas le pouvoir de le faire.
    Nous avons parlé de brutalité. La police réagit en cas de brutalité. C'est ce qu'elle a à faire. C'est comme ça que ça fonctionne. Les personnes ici présentes peuvent ne pas être d'accord, mais c'est comme ça que ça se passe. J'ai entendu Lori dire qu'elle avait téléphoné à la police à de nombreuses reprises, et la police lui a probablement répondu: « Nous ne pouvons rien faire. Appelez l'hôpital; appelez un médecin; appelez quelqu'un d'autre. » La police, au bout du compte, peut finir par dire: « Vous devez régler le problème pour que nous puissions intervenir. »
    Nous arrivons à l'article 670 du Code, qui a été adopté il y a de nombreuses années. La police reconnaît que quelque chose est brisé dans ce mécanisme, puisque, pour certaines personnes, il s'agit d'un simple aller-retour. Je parle par exemple des gens de l'est de Vancouver, qui souffrent de graves problèmes de santé mentale, et tout le monde sait qu'ils ne devraient pas être là, car ils ont besoin d'aide, et il peut s'agir d'autres personnes. La seule aide qu'elles reçoivent, c'est l'aide de la police. Nous sommes les seuls à leur fournir de l'aide.
    La question que je veux vous poser concerne la police. Qu'espérez-vous que la police fasse? On a tellement d'attentes à l'égard de la police, et pourtant, la police ne peut rien faire, même si ce sont les policiers qui vont décider... Cela m'est arrivé si souvent au cours de ma carrière. Je suis allé à l'hôpital, et j'ai dit: « Je vous en prie, dites-moi qu'il y a ici deux médecins qui vont décider de garder cette personne, parce que, s'il n'y en a qu'un, la personne sera renvoyée. » En Colombie-Britannique, c'est la règle.
    On espère que deux médecins vont pouvoir décider de garder la personne, mais ils ne le font pas, et vous allez... Vous devez laisser partir la personne. Et nous savons ce qui se passera dans les 24 heures qui suivent. Nous le savons.
    Personnellement, je crois que les dispositions proposées sont nécessaires. Sinon, des gens comme moi, lorsque je travaillais pour la GRC, vont se demander: « Mais qu'est-ce qu'ils font? » Avec tout le respect que je vous dois, nous ne sommes pas les défenseurs de la veuve et de l'orphelin. Nous devons parfois prendre le taureau par les cornes. Même si c'est désagréable, nous devons enfermer certaines personnes pour leur propre sécurité, car nous savons qu'elles pourront peu à peu se réinsérer dans la société, mais nous devons d'abord les amener là.
    Quelles suggestions feriez-vous en ce qui concerne la police? Lui conseilleriez-vous de ne rien faire?

  (1835)  

    J'allais justement dire que je ne sais pas vraiment ce que la loi actuelle prévoit, dans ce dossier. Cette question concerne encore une fois les premières interventions. La police aurait pu l'arrêter, aux termes de la Loi sur la santé mentale, dans le cas qui nous occupe, elle aurait pu le faire très souvent. La Loi sur la santé mentale a été modifiée.
    La police aurait pu le faire, mais uniquement avec le consentement de deux médecins.
    La police peut procéder à une arrestation, aux termes de la Loi sur la santé mentale, en Ontario.
    Je crois que vous soulevez un point très intéressant. Pour les policiers, c'est vraiment très difficile de décider comment il faut agir avec des personnes qui ont une maladie mentale, étant donné qu'ils sont les premiers arrivés sur les lieux. Ce sont eux qu'on appelle quand il y a un incident ou un problème.
    Je sais que la Commission de la santé mentale a travaillé sur la question et qu'elle a mis en place un mécanisme de collaboration avec la police, afin d'aider les policiers à réagir, à titre de premiers intervenants, mais il faudra pour cela modifier une bonne partie des lois provinciales en matière de santé mentale.
    C'est un dossier qui les concerne. Voilà la situation.
    Ils sont les premiers intervenants, mais, prenez par exemple la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui est là, elle aussi; les policiers peuvent faire des renvois. Il y a des choses qu'ils peuvent faire. Mais vous n'avez aucun pouvoir. Vous pouvez renvoyer un contrevenant au CAMH ou à un autre organisme d'aide aux toxicomanes, mais si cet organisme ne répond pas à votre demande et qu'il ne s'occupe pas de l'adolescent, vous, les agents de police, n'avez aucun recours.
    Il y a des choses qu'on peut faire. J'ai parlé à des gens qui ont eu des problèmes de santé mentale, et qui ont vu une première lueur d'espoir grâce à un agent de police qui avait pris le temps de leur dire, en leur remettant une carte: « Je crois que vous avez besoin d'aide. Voici une personne qui peut vous aider. »
    Laisser entendre que les policiers ne sont pas des intervenants importantssur la ligne de front du système, au moment de fournir de l'aide, en particulier aux délinquants chroniques — et vous savez de qui je veux parler... Je crois qu'il reste beaucoup à faire, de ce côté, et qu'il faut en faire probablement beaucoup plus, mais...
    Il s'agit toujours d'actes criminels...
    Monsieur Wilks, votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    J'aimerais remercier les témoins d'être venus présenter un exposé aujourd'hui. J'aimerais remercier les membres du comité d'avoir posé des questions.
    Trois heures ont passé. Nous allons reprendre lundi, après la période de questions. La séance est levée.
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