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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 mars 2012

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 29e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 2 février 2012, nous examinerons le projet de loi C-217, Loi modifiant le Code criminel (méfaits à l’égard des monuments commémoratifs de guerre).
     Avant de commencer, il faudrait régler une petite question relative aux travaux du comité. Si nous pouvions le faire tout de suite, nous en serions débarrassés. Il s'agit du budget du projet de loi à l'étude. Il a été distribué aux membres. Le montant est inférieur au seuil qui nécessite de passer par le comité de liaison, mais il faut quand même qu'il soit approuvé. Y a-t-il quelqu'un qui veut proposer l'approbation du budget du projet de loi C-217?
    Je trouve le montant un peu élevé.
    Le greffier vient de mentionner que nous avons dû payer des honoraires supplémentaires pour conduire jusqu'ici un témoin âgé. [Note de la rédaction: difficultés techniques]
     Avec tous les problèmes que… [Note de la rédaction: difficultés techniques]… adoptés par les conservateurs, je ne parlerai pas de cela.
    Merci, madame Boivin.
    Monsieur le président, je note que nous avons deux témoins aujourd'hui, mais je voudrais mentionner — pour que ce soit consigné au compte rendu — que le comité a reçu une communication dans les deux langues officielles sous forme d'une lettre de la présidente nationale de la Légion royale canadienne, Patricia Varga.
    Nous avons également une lettre que M. Archibald Kaiser, professeur à l'Université Dalhousie, vous a adressée, monsieur, qui est actuellement en cours de traduction. Pour le moment, nous n'en disposons pas dans les deux langues officielles, mais on nous dit qu'elle sera disponible vers 11 h 30. Avec le consentement des membres, nous voudrons alors qu'elle fasse partie du compte rendu du comité.
    Je vous remercie.
    Cette affaire étant réglée, je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins, Mme Latimer, de la Société John Howard du Canada, et M. Russomanno, qui témoigne à titre personnel.
    Vous avez tous les deux déjà comparu devant notre comité à plusieurs reprises. Comme cela a été le cas les autres fois, vous avez la possibilité de présenter un exposé préliminaire pendant une période de 7 à 10 minutes. Je vous ferai signe lorsque vous aurez atteint 9 minutes.
    Merci beaucoup. Je suis très heureuse de comparaître à nouveau devant le comité.
    Comme vous le savez, la Société John Howard du Canada est un organisme de bienfaisance à caractère communautaire dont la mission est de favoriser des réactions efficaces, justes et humanitaires face aux causes et aux conséquences du crime. Nous sommes très heureux de vous parler aujourd'hui du projet de loi C-217, dont l'objet est de modifier l'article du Code criminel traitant des méfaits afin de créer une nouvelle infraction liée particulièrement aux monuments commémoratifs de guerre et de l'assortir de peines minimales obligatoires.
    Nous respectons tous ceux qui ont combattu en notre nom pour défendre nos valeurs. Nous reconnaissons qu'il est très pénible pour beaucoup de gens de voir certaines personnes manquer grossièrement de respect envers des monuments commémoratifs élevés en l'honneur des combattants. Je note cependant que le Code criminel contient déjà une disposition qui rend les auteurs de telles infractions passibles d'une peine maximale de deux ans de prison.
    Pour la Société John Howard, ce projet de loi d'initiative parlementaire suscite des préoccupations de deux ordres. Premièrement, est-il compatible avec les principes du droit pénal? Deuxièmement, apporte-t-il une solution efficace au problème?
    En ce qui concerne les principes du droit pénal, il faudrait se demander si le comportement décrit justifie de créer une infraction particulière et, si c'est le cas, si cette infraction devrait être assortie de peines minimales obligatoires.
    D'après les bons principes de droit pénal, il est préférable de définir des catégories générales d'infractions plutôt que des infractions particulières. Pour que la loi mérite l'approbation et le respect du public, elle doit présenter une structure rationnelle et cohérente fondée sur des principes plutôt que sur des réactions ponctuelles à des préoccupations particulières. Cela est d'autant plus vrai lorsque des crimes particuliers s'inscrivent naturellement dans une catégorie générale déjà reconnue, soit dans le Code criminel soit dans la théorie du droit pénal. L'évolution du droit — qui l'amène à s'écarter d'une concentration particulière et étroite sur les innombrables détails des troubles sociaux pour adopter une approche moderne fondée sur des catégories rationnelles et cohérentes — reflète la croissance de la société telle que l'a décrite le sociologue Max Weber dans son étude de la transition entre le particularisme et le rationalisme.
    Malheureusement, le Code criminel canadien souffre déjà d'une pléthore de particularismes et d'un manque sérieux de principes généraux. On trouve des exemples de cette régression atavique vers un droit désuet dans la criminalisation non seulement du vol, mais aussi du vol d'un véhicule, du vol de bétail ou du vol de bois en dérive, qui devraient logiquement être regroupés dans la catégorie générale du vol. Ce projet de loi d'initiative parlementaire perpétue cette tendance regrettable en définissant une infraction spéciale pour un genre particulier de méfait.
    Comme tous les particularismes juridiques nient le fait que le caractère général de la loi renforce, d'une manière simple et efficace, sa capacité de respecter le droit égal de chacun à la protection du droit pénal, cette dernière tentative amènera ceux qui sont attachés à d'autres monuments à se demander pourquoi ils ne bénéficient pas eux aussi d'une protection spéciale. La valeur des monuments élevés aux victimes d'attentats terroristes comme celui de l'avion d'Air India, aux victimes de l'Holocauste, de la famine de l'Ukraine, de la marche forcée des Arméniens, du massacre de l'École polytechnique est implicitement amoindrie si le Code criminel privilégie les monuments commémoratifs de guerre. Les gens se demanderont avec raison pourquoi le courage et le dévouement des pompiers, des infirmières et des médecins morts au service du public ne sont pas également reconnus par le gouvernement dans des dispositions législatives protégeant particulièrement leurs monuments.
    Le droit pénal comporte un autre principe essentiel: la peine doit refléter la gravité du crime et le degré de responsabilité de son auteur. Ce principe est clairement établi à l'article 718.1 du Code criminel et remonte en fait à la Magna Carta de 1218. La Magna Carta prévoit en fait que « pour une offense mineure faite par un homme libre, l'amende imposée sera proportionnelle à la gravité de l'offense, et il en sera ainsi pour une offense plus grave ».
    Les peines minimales obligatoires privent les juges de la possibilité d'imposer des peines proportionnelles. De plus, elles sont toujours injustes envers ceux dont la peine proportionnelle est inférieure au minimum établi. La Société John Howard est opposée aux peines minimales obligatoires. D'ailleurs, celles-ci encombrent le système judiciaire et rendent plus difficile l'administration de la justice. De nombreuses provinces connaissent déjà de sérieux retards, qui ne seront qu'aggravés lorsque le projet de loi C-10 entrera en vigueur.
    La seconde question consiste à se demander dans quelle mesure cette approche sera efficace. L'imposition des peines prévues permettra-t-elle d'encourager le respect des monuments commémoratifs de guerre? La recherche établit clairement que les peines ne constituent pas un élément dissuasif. En fait, les minimums croissants prévus dans ce cas suggèrent que la peine minimale obligatoire initiale ne suffira pas pour mettre fin à ce genre d'infraction.
    Toutefois, il y a des approches qui ont permis d'aider les auteurs de méfaits à comprendre les conséquences de leur comportement, à ressentir du remords et à s'abstenir de tels actes à l'avenir. Par exemple, les approches de justice réparatrice montrent clairement qu'il est possible d'agir efficacement sur le comportement. Il est très vraisemblable que certaines mesures extrajudiciaires ou des peines à purger dans la collectivité soient plus efficaces pour atteindre les objectifs déclarés du projet de loi. Les peines minimales obligatoires empêcheraient cependant de recourir à de telles mesures.
    De plus, des programmes d'éducation et de sensibilisation du public pourraient bien donner de meilleurs résultats que le recours au droit pénal pour encourager le respect des monuments commémoratifs de guerre. De tels programmes permettraient aussi d'éviter à des jeunes d'avoir un casier judiciaire par suite d'un geste irréfléchi et de compromettre leur contribution possible à la société à l'avenir.
    En conclusion, la Société John Howard du Canada vous exhorte à ne pas adopter le projet de loi C-217. Même si nous appuyons l'objectif de promotion du respect de nos monuments commémoratifs de guerre, nous croyons que les modifications du Code criminel proposées dans ce projet de loi n'atteindront pas ce but. Ces modifications sont incompatibles avec des principes clés du droit pénal, notamment en ce qui concerne la définition d'infractions générales plutôt que particulières et l'imposition de peines proportionnelles.

  (1110)  

    Les dispositions actuelles du Code criminel suffisent, surtout si elles sont appuyées par des programmes de sensibilisation du public ou des programmes spéciaux. Les modifications proposées amèneront d'autres groupes à se demander pourquoi le gouvernement n'accorde pas une protection égale à leurs propres monuments.
    Je vous remercie.

  (1115)  

    Merci.
    Monsieur Russomanno, la parole est à vous si vous avez un exposé préliminaire à présenter.
    Je voudrais en premier remercier les membres du comité de m'avoir invité encore une fois à comparaître devant eux. C'est toujours un plaisir de discuter de droit pénal avec des parlementaires. Je vous demanderai cependant d'être indulgents envers moi aujourd'hui parce que je n'ai eu que 24 heures pour examiner le projet de loi.
    Permettez-moi de dire tout d'abord que je suis avocat au criminel. Je m'occupe exclusivement de droit pénal au cabinet Webber Schroeder Goldstein Abergel d'Ottawa. J'ai presque quatre ans d'expérience comme criminaliste. J'ai comparu devant des tribunaux de tous les niveaux, y compris la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel de l'Ontario, la Cour fédérale, la Cour supérieure et la Cour de justice de l'Ontario.
    Comme je l'ai dit, j'ai toujours aimé participer au processus politique. Je dirai d'ailleurs à cet égard que je serais très heureux si des membres du comité souhaitent connaître un peu mieux mon domaine, celui de la négociation des plaidoyers et des tribunaux où des dizaines de sentences sont prononcées tous les jours. Si je peux vous intéresser à une visite, je serai très heureux de vous servir de guide.
    En tout premier lieu, je voudrais vous dire, après avoir examiné le projet de loi qui définit un méfait particulier lié aux monuments commémoratifs de guerre, qu'il est tout à fait évident que l'objet de cette mesure est de transmettre aux juges un message du Parlement exprimant la condamnation par les Canadiens des méfaits de ce genre. Il est difficile de nier que les méfaits touchant les monuments commémoratifs de guerre, nos anciens combattants et les sacrifices qu'ils ont consentis pour nous sont particulièrement odieux. Par conséquent, en ce qui concerne le message transmis par le Parlement, je peux vous dire que ce message est clair, net et précis.
    Ma seule objection concerne les peines minimales obligatoires. Vous m'avez sûrement entendu dire dans le passé ce que je pense des peines minimales obligatoires. Il s'agit là d'un autre genre de message qui me dérange un peu. Le message transmis par de telles peines, c'est que les tribunaux ne prononcent pas les bonnes sentences.
    Il y a des moyens de montrer que ce genre de méfait constitue un acte particulièrement haineux, qui mérite d'être spécialement condamné par les tribunaux, sans pour autant lier les mains des juges. Le problème que je vois dans l'amende minimale imposée, c'est qu'elle empêche le juge d'accorder une absolution conditionnelle, qui évite au prévenu d'avoir un casier judiciaire.
    Permettez-moi de vous expliquer en quoi consiste exactement une absolution conditionnelle. Les conditions dont elle est assortie peuvent comprendre une longue probation, pouvant durer jusqu'à trois ans, qui impose des conditions assez pénibles et malcommodes. Je dis souvent à mes clients qu'une probation de trois ans est beaucoup plus contraignante qu'une amende de 1 000 $. Elle peut comprendre des conditions telles qu'une visite hebdomadaire à un agent de probation et l'inscription à toutes sortes de programmes de formation ou de conseils, des centaines d'heures de travail communautaire, des dons de charité, etc.
    Je vais vous parler de mon expérience personnelle. Si on essaie de persuader le juge qu'une absolution conditionnelle est indiquée, le critère établi par la jurisprudence est le suivant. Premièrement, l'absolution conditionnelle est-elle dans l'intérêt du prévenu? Deuxièmement, est-elle dans l'intérêt public? La plupart d'entre nous passeront rapidement sur le premier critère parce qu'on a souvent affaire à une personne qui n'a pas d'antécédents judiciaires et dont les perspectives de carrière seraient complètement ruinées par un casier judiciaire.
    Le second critère auquel il faut satisfaire pour obtenir une absolution conditionnelle est de persuader le juge qu'elle serait dans l'intérêt public. C'est habituellement l'aspect le plus important. Je ne peux pas dire que je me suis occupé de nombreux cas de méfait de ce genre. Mon cabinet s'est occupé de cas de vol de dons faits à l'occasion du jour du Souvenir. Je peux vous affirmer que les juges ne sont pas très indulgents face à des infractions comme celles-ci. Le lien avec les anciens combattants constitue automatiquement une circonstance aggravante.

  (1120)  

    Cela étant dit, je ne conteste certainement pas l'idée que le Parlement transmette un message définissant particulièrement ces actes comme étant des circonstances aggravantes.
    Comme je l'ai dit, ma seule objection est liée au minimum obligatoire. Pour moi, une peine minimale obligatoire enlève un pouvoir discrétionnaire au juge pour le donner au procureur de la Couronne. Je dis cela parce que si la peine minimale consiste en une amende, il est toujours possible de recourir aux dispositions générales concernant les méfaits. De plus, le procureur de la Couronne a toujours la possibilité de retirer une accusation.
     Je vous dirai d'expérience que si je reçois un client accusé de ce type d'infraction — comme je n'ai pas eu affaire à des cas de ce genre, je vous parle sur une base hypothétique — et que le client souhaite s'en sortir, je lui conseillerais d'agir de façon proactive pour créer des conditions favorables à une absolution conditionnelle.
     Supposons que mon client n'a pas d'antécédents judiciaires et que c'est un étudiant d'université dont les perspectives de carrière seraient ruinées par une condamnation au criminel. Il vient me voir et m'expose le résultat auquel il souhaite aboutir. Je lui réponds en général que, s'il veut régler l'affaire et s'en sortir avec une absolution conditionnelle, il doit agir tout de suite de sa propre initiative. Je lui suggère par exemple de faire de nombreuses heures de travail communautaire qui, dans un cas de ce genre, aurait des liens avec les anciens combattants. Il pourrait par exemple aller faire du bénévolat à la Légion ou chez les Amputés de guerre, faire un don ou agir de façon à montrer qu'il regrette vraiment son acte.
     Si l'acte en question est lié à la consommation de drogue, je lui recommanderais d'aller de sa propre initiative suivre une cure avant même que l'affaire ne passe devant un juge, avant même de rencontrer le procureur de la Couronne. Ensuite, je peux me servir des mesures proactives prises pour essayer de persuader le procureur qu'une absolution conditionnelle serait dans l'intérêt public.
     Si l'infraction particulière est assortie d'une amende minimale obligatoire, j'essaierai de persuader le procureur de la Couronne soit de retirer purement et simplement l'accusation de méfait en contrepartie des mesures proactives prises, soit d'accepter un plaidoyer de culpabilité à une accusation de méfait ordinaire, aux termes de l'article 430 du Code criminel.
     Si je n'arrive pas à convaincre le procureur, je n'ai vraiment aucun intérêt à plaider coupable parce que l'absolution conditionnelle est impossible. Je ne saurais trop insister sur l'importance qu'il y a à laisser au prévenu l'espoir d'une absolution conditionnelle. Le maintien de cet espoir rend les prévenus beaucoup plus disposés à collaborer avec la justice.
     J'irai même jusqu'à dire que, dans certains cas sinon dans tous — cela a d'ailleurs été mentionné dans le débat qui a entouré ce projet de loi —, les mesures réparatrices de ce genre qui montrent vraiment qu'on regrette les actes commis sont en fait plus punitives qu'une simple amende.
     Je dirais qu'une amende n'est pas nécessairement le minimum le plus logique à envisager. D'autres peines et conditions peuvent être imposées pour persuader le délinquant qu'il a vraiment commis un acte particulièrement odieux et pour exprimer la dénonciation unanime de cet acte par tous les Canadiens. Je crois bien que la plupart d'entre nous s'entendent sur la nécessité de transmettre ce message.
     Je voudrais vous parler brièvement du modèle de détermination de la peine qu'imposent des minimums obligatoires. On a l'impression que le modèle est presque identique à celui des dispositions relatives à la conduite avec facultés affaiblies. Ce modèle s'attaque en fait au fléau que constitue la conduite en état d'ébriété dans notre société. Nous pouvons tous convenir qu'il y a, dans ce domaine, beaucoup trop de délinquants qui sont des récidivistes et qu'on peut qualifier d'incorrigibles. Ce modèle de détermination de la peine donne des résultats probants dans ce cas, en créant non seulement des éléments dissuasifs particuliers, mais aussi des facteurs généraux de dissuasion pour l'ensemble de la société.
     En considérant les dispositions applicables en cas de première, de deuxième et de troisième infraction et les peines croissantes dont elles sont assorties, on se rend compte que ces dispositions sont presque totalement inutiles. Je peux difficilement imaginer une personne qui irait profaner un monument commémoratif de guerre pour la troisième fois. Si c'était le cas, je peux quasiment vous garantir que le juge ne serait vraiment pas porté à l'indulgence. Je ne crois pas qu'il soit vraiment nécessaire d'imposer un minimum obligatoire.
     Je vais m'en tenir à cela.
    Je vous remercie.

  (1125)  

    Merci.
    Monsieur Harris.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier les deux témoins de leur présence. Je remercie en particulier M. Russomanno qui, même s'il n'a consacré qu'une seule journée à ce projet de loi, nous a présenté le point de vue concret d'un praticien sur ce qui se passe devant les tribunaux.
    Ma première question s'adresse à Mme Latimer. Comme je l'ai mentionné au début de la séance, le comité a reçu une lettre de la présidente nationale de la Légion royale canadienne disant que ses membres appuient fortement la reconnaissance de la gravité des cas de vandalisme touchant les monuments commémoratifs de guerre et l'importance accordée aux sentiments exprimés par tous les Canadiens contre de tels actes. La présidente nationale dit ceci:
Toutefois, nous estimons que les peines imposées dans chaque cas devraient refléter la nature des gestes posés et que les tribunaux devraient avoir une certaine latitude lorsque vient le temps d'évaluer la gravité de la situation.
    Elle ajoute:
La peine devrait être proportionnelle au crime, et même si aucun incident de cette nature ne peut être toléré, le projet de loi devrait contenir des dispositions de justice réparatrice, notamment une rencontre obligatoire entre les délinquants et des groupes d'anciens combattants. Le projet de loi devrait encourager les délinquants à assumer la responsabilité de leurs actes et à réparer les dommages qu'ils ont causés en demandant pardon à des anciens combattants ou en effectuant des heures de travail bénévole. On aide ainsi les délinquants à éviter la récidive et à mieux comprendre les conséquences de leurs gestes.
    Je suppose que je pourrais vous demander si vous êtes d'accord ou non, mais je devrais peut-être commencer par vous inviter à me dire si les peines minimales obligatoires vous inquiètent parce qu'elles empêchent, comme l'a dit M. Russomanno, de recourir à l'absolution conditionnelle ou à une autre forme de peine. Serons-nous en mesure de faire ce que préconise la présidente nationale de la Légion royale canadienne?
    Je suis absolument d'accord qu'il est très avantageux de recourir à la justice réparatrice, à des mesures extrajudiciaires et à d'autres peines à purger dans la collectivité. Il n'y a pas de doute que les peines minimales obligatoires, la première dans ce cas étant une amende, constituent une approche qui ne se prête pas à l'éducation et à la sensibilisation. Ces mesures ont donné de très bons résultats, surtout dans le cas des jeunes et d'autres qui peuvent avoir agi sur un coup de tête sans vraiment penser aux conséquences de leur comportement.
    Je crois que, dans bien des cas, si on peut inviter les délinquants à rencontrer les gens affectés par leurs actes, cela donne lieu à un processus beaucoup plus constructif d'apprentissage et de résolution de problèmes que la simple imposition d'une peine. Il arrive parfois que le processus suivi pour déterminer la peine soit en fait plus important que la peine elle-même pour le rétablissement de l'ordre social et la prévention de la récidive.
    Je vous remercie.
    Monsieur Russomanno, j'ai trouvé intéressante l'analogie que vous avez établie avec le processus de détermination de la peine prévu en cas de conduite avec facultés affaiblies. Comme vous l'avez dit, il s'agit bien d'un fléau. J'ai moi-même mentionné cette analogie l'autre jour parce que j'avais noté la grande similarité qu'il y avait entre les deux cas.
    Je crois que cela fait 30 ans que le Parlement s'efforce, par l'intermédiaire du Code criminel et de la société en général, de changer les attitudes sociales pour ce qui est de la conduite en état d'ébriété. Les milliers — peut-être même les centaines de milliers — de décès occasionnés au fil des ans par la conduite avec facultés affaiblies nécessitaient évidemment une réaction énergique. À votre avis, peut-on établir un parallèle entre les régimes de détermination de la peine de la conduite avec facultés affaiblies et de ce qu'on appelle méfait, mais qui n'est en réalité qu'un dommage matériel? Croyez-vous que cela puisse favoriser un plus grand respect de la loi ou, au contraire, occasionner d'autres difficultés?
    Vous parlez de l'utilisation du modèle de détermination de la peine de la conduite avec facultés affaiblies dans les cas de méfait.
    Je ne crois vraiment pas que cela puisse favoriser un plus grand respect de la loi. Comme je l'ai dit, je pense qu'on peut assortir une ordonnance de probation de conditions beaucoup plus susceptibles d'inspirer un tel respect aux délinquants. Les ordonnances de probation laissent une grande marge de manoeuvre pour ce genre de choses. Si l'ordonnance fait partie d'une absolution conditionnelle, c'est un peu comme le modèle de la carotte et du bâton.
    Je ne crois pas que ce modèle particulier lié à la conduite avec facultés affaiblies soit très utile à cet égard.

  (1130)  

    C'est tout?
    Merci, monsieur Harris. Votre temps de parole est écoulé.
    À vous, monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins de leur présence au comité.
    Madame Latimer, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que le Code criminel ne devrait pas faire de distinction entre les différentes catégories d'infractions.
    Vous avez choisi le cas du vol pour illustrer votre point de vue. Vous avez parfaitement raison. Avec le temps, différentes catégories particulières de vol assorties de différentes peines particulières ont été inscrites dans le Code criminel. Je crois qu'à un moment donné, le vol de bétail était puni de la peine capitale. Ce n'est plus le cas.
    Vous conviendrez avec moi que le Parlement a établi des distinctions, parfois strictement monétaires, entre différentes catégories de biens. Ainsi, le Code criminel distingue le vol de moins de 5 000 $ du vol de plus de 5 000 $. Il en est de même des méfaits.
    J'aimerais avoir votre avis. Puisque le Code criminel fait déjà une distinction fondée sur une valeur monétaire de 5 000 $, l'infraction est plus grave si l'objet volé ou profané vaut plus de 5 000 $. Pourquoi ne peut-on pas considérer comme une extension logique le fait pour le Parlement de définir, s'il le souhaite, un facteur aggravant particulier — bien qu'on ne puisse pas dire qu'il s'agit ici d'un facteur aggravant puisque c'est plutôt l'imposition d'une peine plus sévère à l'égard d'une chose que le Parlement souhaite mieux protéger — concernant les monuments commémoratifs de guerre?
    Le Parlement peut bien sûr faire ce qu'il souhaite car c'est, dans une grande mesure, un énoncé de valeurs. L'évolution privilégiée du droit pénal a amené l'adoption de principes pour que beaucoup de choses s'inscrivent dans une même catégorie. Je ne vois pas d'inconvénient à l'existence de différentes catégories de vol définies en fonction de la gravité de l'acte.
    On peut poursuivre par procédure sommaire ou par mise en accusation. Ce sont des façons d'intenter des poursuites. Toutefois, si on va plus loin et qu'on dise que le vol d'une auto entraîne telles conséquences, que le vol d'une motoneige entraîne telles autres conséquences et que le vol d'un bateau a encore d'autres effets, on crée des complications qui font que le droit pénal est difficile à comprendre. On commence alors à faire des comparaisons entre les différentes infractions. Une telle situation ne suscite pas le même respect de la loi qu'une structure fondée sur des principes voulant, par exemple, qu'un vol d'une certaine catégorie soit traité avec plus de sévérité qu'un vol d'une catégorie moindre.
    Beaucoup de gens ont critiqué nos lois pénales en disant qu'elles sont excessivement particulières. Je crois que nous avons besoin de faire un tri sérieux afin d'éliminer tout ce qui n'est plus pertinent pour la société canadienne et de revenir à des principes fondamentaux clairs définissant ce qu'est une infraction, ce qu'elle devrait être et ce qu'elle ne devrait pas être.
    Je n'en disconviens pas. Je crois que nous avons encore dans le Code criminel une disposition archaïque définissant le vol d'une huîtrière comme infraction criminelle.
    Oui.
    Je ne sais même pas ce que c'est qu'une huîtrière.
    Sur un plan philosophique, je suis un peu d'accord avec vous, mais s'il fallait amener votre argument à sa conclusion logique, nous ne devrions avoir qu'une seule infraction de vol. Il importerait peu que le montant volé soit supérieur ou inférieur à 5 000 $, que l'objet volé soit un véhicule ou un acte testamentaire. S'il fallait aller jusqu'au bout de votre argument, nous n'aurions plus qu'une seule infraction de vol et une seule peine maximale.
    Nous aurions une seule infraction, une seule peine maximale assez sévère ainsi que des circonstances atténuantes et aggravantes que le juge devrait considérer pour évaluer la gravité du comportement et prononcer une sentence correspondant à la nature de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant.
    Oui, je crois que cette situation serait préférable. Nous aurions quelques catégories générales d'infractions ainsi que des pouvoirs discrétionnaires ou des lignes directrices pour permettre aux juges de choisir la bonne sentence.
    Monsieur Russomanno, vous avez dit, je crois, que vous n'avez jamais défendu un client accusé d'une infraction de ce genre. Depuis que vous êtes criminaliste, avez-vous jamais eu l'occasion de voir une personne accusée d'avoir profané un monument commémoratif de guerre aux termes de l'article 430?
    Je me suis occupé de plusieurs dizaines d'affaires de méfait de nature générale, mais je n'en ai pas eu qui portaient particulièrement sur la profanation d'un monument commémoratif de guerre. J'ai mentionné un cas dans lequel un de mes collègues s'est occupé d'une affaire assez semblable de vol d'une donation faite à des anciens combattants. En me basant sur l'expérience de mon collègue, je peux dire que le juge a été particulièrement sévère dans ces circonstances. Je crois que j'en resterai là.
    Bref, le tribunal avait pris l'affaire très au sérieux.

  (1135)  

    Je suppose donc que vous êtes d'accord…
    Monsieur Rathgeber, votre temps de parole est écoulé.
    À vous, monsieur Cotler.
    Ma question s'adresse aux deux témoins. Il me semble qu'un méfait touchant des monuments commémoratifs de guerre peut faire l'objet de poursuites aux termes des dispositions générales relatives aux méfaits ou encore aux termes des dispositions particulières prévues dans le cas des biens culturels, des biens religieux ou des cimetières.
    Ma question est la suivante: Dans le cas d'une infraction de ce genre, le fait qu'elle soit définie d'une façon spécifique a-t-il une valeur symbolique telle qu'on créera un effet dissuasif que n'a pas la définition générale du méfait qui figure actuellement dans le Code criminel? Ou bien croyez-vous que le particularisme symbolique dont le projet de loi fait preuve et la dénonciation spécifique qu'il contient n'auront en fait aucun effet?
    Votre question contient en fait les deux grands principes qui président à la détermination de la peine: d'une part, la dénonciation et, de l'autre, la dissuasion. Je ne peux qu'être d'accord avec vous. Je conviens certainement qu'en particularisant le méfait dans le cas des monuments commémoratifs de guerre, le Parlement transmet un message spécial de dénonciation de ce genre de conduite.
    Pour ce qui est la dissuasion, je n'irai pas jusqu'à dire que cela aura un pouvoir général de dissuasion pour le grand public. Je crois que c'est un problème général qui limite l'effet d'un facteur général de dissuasion, si je peux m'exprimer ainsi. Je ne suis pas sûr qu'un facteur général de dissuasion soit bien efficace dans beaucoup de cas, et je ne crois pas qu'il le soit dans ce cas particulier.
    Encore une fois, je ne pense pas qu'il y ait un problème particulier. En fait, je suis persuadé que le projet de loi constitue un message du Parlement disant que ce genre de méfait mérite une forme particulière de dénonciation.
    Mais comment pouvez-vous concilier cela avec la notion selon laquelle nous devrions définir des catégories d'infractions fondées sur des principes plutôt que des infractions particulières? J'ai l'impression que nous avons d'une part la question générale de l'approche à adopter en matière de droit pénal et, de l'autre, la dénonciation spécifique et son caractère symbolique dans le contexte de ce genre particulier d'infractions. Comment conciliez-vous les deux?
    Eh bien, c'est difficile. Je crois que les principes énoncés par Mme Latimer au sujet du désir général de simplifier le Code criminel sont certainement attrayants pour moi. Nous pourrions alors laisser aux tribunaux le soin de déterminer si certains éléments constituent des facteurs aggravants.
    En même temps, le Parlement a le droit d'être spécifique s'il le souhaite et de transmettre des messages de ce genre. Ma seule objection se rattache au fait qu'on veuille en pratique limiter considérablement le pouvoir des juges en leur imposant une peine minimale obligatoire.
    L'hon. Irwin Cotler: Catherine?
    Je dirai qu'en définissant une infraction particulière, on valorise un sens collectif ou partagé des valeurs, en fonction duquel les monuments de ce genre méritent une plus grande considération que les autres. Le Parlement peut évidemment faire cela. Toutefois, je ne pense pas qu'une telle mesure législative puisse avoir un effet dissuasif quelconque auprès de ceux qui auraient autrement tendance à manquer de respect pour les biens de ce genre. Cette mesure peut cependant témoigner d'un sens collectif des valeurs.
    Je crois en outre qu'en agissant ainsi, on crée une certaine concurrence entre les gens qui valorisent des monuments d'un type particulier. Ces gens se demanderont: « Pourquoi nos monuments ne bénéficient-ils pas de la même protection que ceux-ci? » Dans le cas de la profanation de biens religieux ou culturels, l'acte commis doit être motivé par la haine ou un préjugé. Ce n'est donc pas la même chose que de dire qu'il est interdit uriner sur un cénotaphe, mais que ce n'est pas interdit de le faire un peu plus loin sur le monument élevé à la mémoire de pompiers disparus.
    Comment expliquer qu'un monument commémoratif de guerre mérite une plus grande protection de la part du Parlement que certains autres monuments commémorant des valeurs très importantes pour certains? Beaucoup de pompiers et d'autres meurent au service de leurs concitoyens. Il est difficile d'expliquer les raisons pour lesquelles ce cas particulier devrait être traité différemment de tous les autres.
    L'hon. Irwin Cotler: Sans compter que…

  (1140)  

    Votre temps de parole est écoulé.
    À vous, monsieur Woodworth.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je voudrais également remercier les témoins de leur présence au comité aujourd'hui. J'ai trouvé la conversation très stimulante.
    Je commencerai par vous remercier, madame Latimer, d'avoir abordé le sujet sur la base d'une analyse juridique fondée sur des principes. Je suis souvent très surpris lorsque des universitaires viennent témoigner devant le comité. Je pense en particulier à une universitaire qui nous a longuement parlé des difficultés qu'on peut rencontrer dans l'application d'une loi et des différentes circonstances qui peuvent se présenter. Je lui ai finalement dit: « Je comprends bien que tout peut aller mal et que ces circonstances peuvent survenir, mais à quels aspects particuliers de cette mesure législative vous opposez-vous en principe? » Elle n'a pas pu répondre.
    Cela me dérange car je me demande si les facultés de droit enseignent encore l'analyse fondée sur des principes. En effet, cette professeure de droit ne semblait pas comprendre. Je vous encourage donc à cet égard. Je trouve votre point de vue très intéressant. Vous et moi ne sommes pas toujours d'accord sur les principes, mais nous avons au moins une conversation intelligente. J'espère pouvoir revenir sur ce point dans quelques instants. Avant de le faire, cependant, je voudrais avoir une brève conversation avec M. Russomanno.
    Monsieur Russomanno, je me demande si vous connaissez l'origine des absolutions conditionnelles. Connaissez-vous cette histoire?
    Je crois l'avoir entendue il y a très longtemps, mais je ne m'en souviens pas vraiment.
    Je vais vous la rappeler parce que l'absolution conditionnelle constitue encore un moyen utile. Je suis fier de dire qu'elle a été utilisée pour la première fois dans ma ville natale, Kitchener, quelques années avant que je commence à exercer, il y a une quarantaine d'années. Vous n'étiez probablement pas encore né.

  (1145)  

    C'est exact, monsieur.
    Nous avions alors un juge nommé J.R.H. Kirkpatrick, qui quittait toujours les sentiers battus. Il a inventé ce que nous avons plus tard appelé le renvoi de réadaptation. Lorsqu'un prévenu se présentait devant lui pour une infraction dont il le savait coupable, mais qu'il n'estimait pas que l'infraction correspondait au profil du prévenu, il reportait l'examen de l'affaire avant l'inscription du plaidoyer pour donner à l'intéressé la possibilité de faire un travail communautaire ou bénévole quelconque. Lorsque l'affaire revenait devant lui, il rendait une ordonnance de non-lieu si ses instructions avaient été correctement exécutées. Je suppose qu'il avait l'accord tacite du procureur de la Couronne, mais la procédure est par la suite devenue plus formelle sous le nom d'absolution conditionnelle.
    Je vous recommande chaudement ce moyen si vous pouvez trouver le bon juge, si l'infraction en cause est du même type que ce qui est prévu dans ce nouveau projet de loi et si vous estimez qu'elle ne correspond pas au profil prévenu. Si vous pouvez convaincre le juge, il acceptera peut-être, avec l'accord du procureur de la Couronne, d'emprunter cette voie.
    Je suis très fier du fait que ce mode innovateur d'administration de la justice a vu le jour dans ma ville natale. En fait, le système pénal de Kitchener a bénéficié de nombreuses autres innovations. C'est parfois un moyen d'améliorer les choses.
    Pour revenir à la question des principes, je dois dire, madame Latimer, que je suis un peu intrigué par cette notion du général par opposition au particulier. Je connais par mes études la notion selon laquelle les cas concrets aboutissent à de mauvaises lois, mais j'estime que cela s'applique au particularisme de certains cas plutôt qu'au particularisme de thèmes généraux de la loi.
    Quand je pense au nombre des thèmes généraux de la loi qui ont donné lieu à des particularismes fondés, je ne suis pas du tout persuadé qu'il y a là quelque chose qui serait mauvais par nature.
    Par exemple, on pourrait dire que la conduite en état d'ébriété n'est qu'une forme de conduite négligente. Il n'en reste pas moins que je tiens à garder l'infraction particulière de conduite avec facultés affaiblies.
    On pourrait dire que la violence conjugale n'est qu'une forme particulière d'agression, mais je voudrais quand même des réactions et des systèmes juridiques spéciaux pour traiter la violence conjugale parce que certains principes qui interviennent dans cette violence comme dans la conduite en état d'ébriété les distinguent nettement des autres cas d'agression ou de conduite négligente.
    Ce que je retiens de ce que vous avez dit, c'est que nous devrions nous efforcer de chercher des principes. Si j'examine le principe dans le cas du projet de loi C-217, j'arrive à la conclusion que certaines formes de méfait justifient une approche particulière de dénonciation. Je veux bien convenir avec vous qu'il y a d'autres genres de méfaits qui s'inscrivent probablement dans le même principe. S'il s'était agi d'un projet de loi du gouvernement, je voudrais peut-être en élargir quelque peu le champ d'application pour couvrir tous les cas qui s'inscrivent dans le même principe. Bref, j'aime bien l'idée de la recherche du principe.
    Votre temps de parole est écoulé.
    Je voulais simplement présenter quelques idées pour favoriser la réflexion. Je n'avais aucune question à poser. C'était simplement une bonne conversation.
    Je vous remercie.
    À vous, madame Boivin.

[Français]

    Merci.
    Il semble que ce soit acceptable d'émettre des commentaires sans poser de questions. On m'a un peu reproché de l'avoir fait mardi dernier, mais enfin...
     J'ai apprécié vos témoignages, qui ont permis d'éclaircir certains points. J'aimerais poser quelques questions précises à Me Russomanno.
    La façon dont le projet de loi est énoncé me donne l'impression qu'en déterminant ce genre de sentences, on avait un peu à l'esprit la conduite avec facultés affaiblies, à savoir une première offense et une deuxième, pour laquelle on impose 14 jours, puis une troisième, pour laquelle on impose une autre pénalité. Comme vous pratiquez dans ce domaine, j'aimerais vous poser la question suivante.
    On voit régulièrement dans les manchettes des médias des titres comme Drunk driver: seventh time. On se demande alors pourquoi cette personne est encore en liberté et pourquoi on ne lui a pas retiré son permis de conduire. Ce projet de loi nous donne peut-être une fausse impression de sévérité. En effet, dans bien des cas, la Couronne n'a même pas le temps de vérifier les antécédents de l'accusé avant le dépôt de l'acte d'accusation, que ce soit pas voie sommaire ou par voie de mise en accusation. C'est pourquoi je pense que le méfait d'un récidiviste, par exemple la destruction d'un monument, risque fort d'être traité comme une première offense.
    Est-ce que je me trompe en disant cela?

[Traduction]

    Je répondrai en anglais si vous le permettez.
    D'accord.
    Si j'ai bien compris le projet de loi, il faut avoir été condamné une deuxième fois en vertu de cette disposition particulière pour se voir imposer la peine minimale obligatoire du deuxième niveau. C'est ce que j'ai compris.
    Ainsi, le procureur de la Couronne n'a pas à attester qu'il s'agit d'une deuxième infraction dans son acte d'accusation?
    Je crois qu'il doit s'agir d'une deuxième condamnation. Si j'ai été condamné pour la même infraction il y a deux ans et que je comparais à nouveau devant le tribunal en plaidant coupable, je ne pourrais pas échapper à la peine minimale de 14 jours d'emprisonnement. Il y a une peine minimale de 14 jours pour une deuxième condamnation relative à cette infraction particulière.
     Ma question précise est la suivante: Lors de la rédaction de l'acte d'accusation, est-ce que le procureur de la Couronne doit dire qu'il s'agit d'une deuxième infraction? Ou bien est-ce qu'on considère automatiquement que c'est une deuxième infraction dès qu'on est déclaré coupable?
    Voici comment je vois les choses. La police porte une accusation. Si c'est la deuxième fois qu'on est déclaré coupable de la même infraction, le casier judiciaire est présenté au juge au cours de l'audience de détermination de la peine. Tout le monde saura alors qu'il s'agit d'une deuxième condamnation.
    Ce serait donc automatique.
    Excellent.

[Français]

    Pour ce qui est des infractions, des méfaits concernant les cultes religieux, on parle de quiconque est motivé par des préjugés ou de la haine. On a donc inclus un élément aggravant pour ne pas être limité au méfait général dont il est question à l'alinéa précédent.
    Ne devrait-on pas faire de même pour les monuments de guerre? J'imagine que la réponse risque d'être oui. Si on envisage une infraction particulière dans le cas des monuments de guerre, ne devait-on pas à tout le moins inclure ce concept?

[Traduction]

    Je crois que ce serait extrêmement utile.
    Dans le cas de l'incident qui s'est produit au cénotaphe d'Ottawa, il y a quelques années, il s'agissait d'un jeune étudiant qui avait probablement trop bu et qui était allé uriner sur le monument commémoratif de la place de la Confédération. Je ne crois pas que c'était un manque de respect délibéré, mais son acte était irrespectueux.
    Je pense que l'intention subjective de l'auteur est importante dans une certaine mesure en présence d'un facteur aggravant comme le fait que l'acte est particulièrement choquant en fonction de l'ensemble de valeurs lié au monument commémoratif de guerre.

  (1150)  

    Excellent. Je vous remercie.

[Français]

     Mardi dernier, lors du témoignage de M. Tilson, qui a conçu le projet de loi, j'ai cru comprendre que même s'il y avait

[Traduction]

… une négociation du plaidoyer, le prévenu aurait quand même à payer l'amende minimale.
    Je trouve cela très surprenant. En cas de négociation du plaidoyer, on cherche habituellement à plaider coupable à une infraction moindre, par exemple le méfait ordinaire, qui n'est pas assorti d'une amende minimale de 1 000 $.
    Est-ce exact?
    En principe, il serait possible de négocier le plaidoyer sur la base d'une soumission conjointe du procureur et de la défense demandant l'imposition de l'amende minimale. En général, cependant, j'essaierais en tant que criminaliste de persuader le procureur de la Couronne d'accepter un plaidoyer de culpabilité à l'infraction moindre de méfait ordinaire, avec une peine moindre qu'une amende.
    Voilà ce que j'essaierais d'obtenir, mais cela n'empêche pas la négociation d'un plaidoyer sur la base de l'amende minimale.
    D'accord. Je vous remercie.
    Monsieur Seeback.
    Monsieur Russomanno, je vais poursuivre dans la même veine.
    Ce que vous dites en réalité, c'est qu'il sera encore possible d'obtenir du système judiciaire qu'il impose des peines moins sévères aux gens qui le méritent. Si votre client manifeste un remords sincère, s'il regrette son acte et fait, comme vous l'avez mentionné, du travail communautaire, il vous sera possible de négocier avec le procureur de la Couronne avant ou pendant l'instruction. Vous auriez alors l'occasion d'expliquer les circonstances et peut-être de vous entendre avec le procureur pour que l'intéressé, qui a montré du remords pour avoir profané un monument commémoratif de guerre, puisse plaider coupable à une infraction moindre et obtenir une absolution conditionnelle, qui lui éviterait de ruiner sa vie en ayant un casier judiciaire.
    Tout cela serait encore possible même si ce projet de loi était adopté.
    Oui, ce serait possible. Cela me ramène à ce que j'ai dit au début de mon exposé: vous enlevez au juge des pouvoirs que vous transférez au procureur de la Couronne. Il n'appartient pas au juge de décider de l'accusation à porter. C'est la prérogative du procureur. Par conséquent, il faut arriver à persuader le procureur.
    Le problème d'un tel transfert, c'est que l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire par le procureur de la Couronne n'est pas susceptible de révision, alors qu'on peut en appeler de la décision d'un tribunal. Cela se fait tout le temps.
    Lorsque j'ai lu les comptes rendus, j'ai constaté avec intérêt que la volonté de faire adopter ce projet de loi résultait de la colère suscitée par le retrait des accusations dans le cas du monument commémoratif d'Ottawa et dans celui du monument situé dans la circonscription du député qui a proposé le projet de loi.
    L'imposition d'une peine minimale obligatoire n'empêche en rien un procureur de la Couronne d'user de son pouvoir discrétionnaire de retirer carrément une accusation ou d'accepter un plaidoyer de culpabilité à une infraction moindre. C'est ce que je trouve problématique. Par contre, si vous laissiez le pouvoir discrétionnaire au juge, il pourrait condamner l'auteur d'un méfait touchant un monument commémoratif de guerre, ce qui figurerait dans le dossier de l'intéressé, mais il aurait également la possibilité de prononcer une absolution conditionnelle.
    Oui, mais le pouvoir discrétionnaire du procureur de la Couronne a toujours existé et existera toujours. Le projet de loi n'y change rien. Le procureur peut toujours user de son pouvoir discrétionnaire, avec ou sans ce projet de loi.
    Oui, bien sûr. Toutefois, les nouvelles dispositions imposent aux avocats de trouver de nouveaux moyens de persuader le procureur d'user de son pouvoir discrétionnaire. Or je soupçonne que cela irrite considérablement le comité.
    Vous venez tout juste de dire que c'est ainsi que vous procéderiez de toute façon si quelqu'un venait vous voir à votre bureau.
    Non. Je parlais d'utiliser ce moyen pour persuader le juge d'opter pour une absolution conditionnelle. Par conséquent, que le procureur de la Couronne soit d'accord ou non, j'aurais toujours une chance de m'adresser au juge en lui disant que, même si le procureur n'est pas d'accord, je lui demande une absolution conditionnelle à cause de toutes les mesures prises par mon client.
    D'accord.
    Madame Latimer, comme je ne disposais pas du texte de votre exposé, j'ai pris quelques notes. J'espère que je ne me suis pas trompé. Vous semblez dire qu'en vertu des principes de la common law, la loi devrait avoir une application assez générale pour mériter le respect du public. C'est cela que vous semblez dire.
    Et bien, je dois vous dire très gentiment que je ne suis pas d'accord avec vous. Je crois que des lois qui reflètent les valeurs de la collectivité suscitent en fait du respect.
    Ayant écouté les témoignages des anciens combattants qui ont comparu devant le comité au début de cette semaine et ayant discuté de cette question avec mes électeurs, je peux vous dire qu'une telle mesure augmentera le respect du public pour la loi parce que les gens estimeront que la loi tient compte de leur point de vue sur la gravité de la profanation d'un monument commémoratif de guerre.
    Je voudrais vous demander si vous avez discuté avec un grand nombre de Canadiens de la question de savoir si cette mesure intensifiera leur respect pour la loi, ou si vous vous fondez simplement sur certains principes énoncés antérieurement.

  (1155)  

    Mon point de vue se fonde sur ce que M. Woodworth appelle les principes et l'évolution du droit pénal, selon lesquels les lois générales et globales sont d'ordinaire préférables aux lois particulières. On peut bien sûr ne pas accepter ce principe. Cela n'empêche pas que certaines lois particulières ne plairont pas beaucoup à certains électeurs ou ne susciteront pas le respect général de la société. Toutefois, si on s'engage sur la voie des infractions extrêmement particularisées, on provoquera des réactions chez d'autres personnes qui croient que leurs propres monuments méritent le même genre de protection.
    C'est un peu comme les excuses présentées à certains groupes à cause d'événements qui se sont produits dans le passé. En présentant ces excuses, on incite beaucoup d'autres gens à dire qu'ils ont eux aussi subi des préjudices et qu'ils méritent donc des excuses.
    J'espère que vous ne suggérez pas qu'il faut éviter de présenter des excuses parce que d'autres pourraient aussi en demander.
    Non. Je dis qu'il vaut mieux avoir de grandes catégories dans lesquelles les gens pourront classer des monuments tout aussi…
    Proposez-vous d'inclure davantage de monuments et d'objets commémoratifs dans le projet de loi?
    Je dis qu'il est préférable d'avoir une catégorie générale qui ne se limite pas aux monuments commémoratifs de guerre. En fait, je préférerais personnellement qu'on se serve de l'infraction existante de méfait en donnant des lignes directrices aux procureurs et à d'autres sur le mode d'application ainsi que sur les circonstances aggravantes et atténuantes. Ces circonstances peuvent comprendre la valeur symbolique des monuments.
    Merci, monsieur Seeback. Votre temps de parole est écoulé.
    À vous, monsieur Jacob.

[Français]

    Ma première question s'adresse à Mme Latimer.
    Je comprends que, autant pour nous que pour vous, le respect des monuments commémoratifs de guerre est très important. Toutefois, vous semblez dire dans votre exposé que les peines minimales obligatoires n'auront pas l'effet dissuasif voulu et n'atteindront pas l'objectif voulu. Vous semblez pencher davantage pour le système de justice réparatrice.
     J'aimerais que vous me donniez des exemples et plus de détails quant au fait que la justice réparatrice va être plus efficace autant pour la société que pour le contrevenant qui y trouvera davantage son compte.

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

    Puis-je répondre en anglais?
    Oui.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Mon expérience m'a appris — j'étais directrice exécutive responsable de la politique de la justice pour les jeunes — que les processus permettant aux jeunes de comprendre les raisons pour lesquelles leur comportement est contraire à la loi ou perturbe des gens, et leur donnant la possibilité de réparer les torts qu'ils ont causés font beaucoup pour favoriser une conduite prosociale. Grâce à de tels processus, les jeunes ne se limitent pas à respecter la lettre de la loi. Ils apprennent aussi à en respecter l'esprit parce qu'ils comprennent qu'ils font de la peine aux gens en dégradant des monuments symbolisant des valeurs qui leur sont chères.
    Il est possible de réagir aux infractions de ce genre d'une manière énergique et éducative. C'est une expérience très importante, surtout dans le cas de jeunes ou d'adultes qui peuvent avoir des déficits cognitifs ou d'autres troubles. Il s'agit de leur faire comprendre pourquoi leur comportement occasionne des difficultés.
    Je crois que cette façon d'agir est beaucoup plus efficace. Notre expérience de la justice pour les jeunes nous a montré qu'il vaut beaucoup mieux tenir les jeunes responsables et les encourager à adopter une conduite prosociale.

[Français]

    Si je comprends bien, il n'y a donc pas récidive une, deux, dix ou vingt fois. La justice réparatrice est efficace, dans l'ensemble.
    Oui, bien sûr.
    Merci.
    Ai-je encore un peu de temps, monsieur MacKenzie? D'accord.
    Ma deuxième question est pour Me Russomanno.
    Vous aussi avez dit que, pour les adultes en particulier, une probation serait plus efficace que des peines minimales obligatoires.
    J'aimerais que vous m'expliquiez dans vos mots pourquoi, d'après votre expérience — vous avez eu un, deux ou dix cas — l'approbation est plus efficace que les peines minimales obligatoires.

  (1200)  

[Traduction]

    À mon avis, une ordonnance de probation laisse une marge de manœuvre beaucoup plus importante qu'une amende minimale toute seule. Une amende constitue presque le comble de l'inflexibilité, tandis qu'une ordonnance de probation peut être assortie d'un nombre quelconque de conditions visant aussi bien la réadaptation que la punition: travail communautaire, dons de charité et examen de certaines questions jouant un rôle de premier plan dans la décision de commettre une infraction. Dans bien des cas, la probation est beaucoup plus contraignante qu'une amende.
    La flexibilité découle du fait que l'ordonnance de probation peut être rattachée à une absolution conditionnelle, qui évite à l'intéressé d'avoir un casier judiciaire pour le restant de ses jours.

[Français]

    Pourquoi est-ce préférable de laisser la discrétion au juge, plutôt que de lui lier les mains par des peines minimales obligatoires?

[Traduction]

    Je crois qu'il est important de donner des pouvoirs discrétionnaires au juge. Il arrive assez régulièrement de trouver des cas exceptionnels. Il y a des cas où l'intéressé peut avoir pris des mesures considérables pour réparer le tort qu'il a causé et où l'imposition d'un casier judiciaire serait en fait contraire à l'intérêt public, c'est-à-dire contraire aux intérêts des Canadiens.
    À mon avis, il convient de donner cette marge de manœuvre au juge.

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Goguen.
    Je voudrais remercier les témoins de leur présence au comité aujourd'hui.
    J'aimerais revenir sur une question abordée tout à l'heure par M. Cotler, à savoir la spécificité et le symbolisme. Nous savons tous que le Code criminel prévoit différentes infractions liées au méfait, comme le méfait touchant des biens religieux et des biens culturels.
    Madame Latimer, vous soutenez que les infractions que je viens de mentionner ne sont pas assorties de peines minimales obligatoires, contrairement à l'infraction que le projet de loi propose de créer. Vous dites essentiellement que cela crée un déséquilibre entre différentes valeurs. À la base, le Code criminel est une codification de l'ordre public. Il est évidemment plus odieux d'assassiner quelqu'un que de se rendre coupable d'un vol à l'étalage. Il y a toujours une échelle de valeurs.
    En gardant à l'esprit le fait que cette mesure législative ne s'applique pas à de jeunes délinquants, qui seraient assujettis à la Loi sur le système de justice pour les jeunes, je soutiens qu'il est justifié d'attribuer une plus grande valeur à cette infraction particulière. Les gens qui ont donné leur vie et que nous honorons en élevant des monuments à leur mémoire ont combattu pour la démocratie, pour la liberté de religion, pour la culture et pour tout ce que protège notre Charte des droits, qui est notre loi fondamentale.
    Ne sommes-nous pas fondés à accorder à l'État un plus grand pouvoir dissuasif dans le cas des gens qui sont morts pour la cause ultime, celle de la liberté?
    Mon grand-père, mon père et tous ses frères ont combattu tant dans la Première que dans la Seconde Guerre mondiale. Dans notre famille, nous avons certainement beaucoup de respect pour ceux qui ont sacrifié des années de leur vie sinon leur vie pour les valeurs qui nous sont chères, y compris celles qui sont énumérées dans la Charte. Mais cela ne justifie pas l'adoption de mesures qui pourraient bien violer certains des principes de la Charte. La Charte est très claire, à l'article 7, en ce qui concerne les peines proportionnelles et les principes de justice fondamentale.
    Contrairement aux projets de loi du gouvernement, pour lesquels le ministre de la Justice a l'obligation d'informer le Parlement de toute préoccupation relative à la Charte, les projets de loi d'initiative parlementaire ne sont pas assortis de la même obligation. Par conséquent, les comités et nous tous devons être un peu plus vigilants pour déterminer si les protections fondamentales garanties par la Charte — protections pour lesquelles beaucoup de nos ancêtres se sont battus et sont morts — sont maintenues dans les projets de loi examinés. Ils peuvent sûrement constituer une réaction venant du fond du cœur face à un problème donné, mais peuvent aussi ne pas être compatibles avec un ensemble prépondérant de valeurs et de droits de la personne inspirés de la Charte et des principes de la justice pénale.
    Même si je n'ai malheureusement pas eu beaucoup de temps à consacrer à ce projet de loi, j'aimerais ajouter quelque chose au sujet de la Charte. Je crois que le projet de loi pourrait être jugé contraire à l'alinéa 2b).
    Comme vous le savez, le méfait ne consiste pas seulement à détruire ou à détériorer un bien. Commet également un méfait quiconque empêche, interrompt ou gêne l'emploi ou la jouissance légitime d'un bien. Dans le contexte des monuments commémoratifs de guerre, il pourrait y avoir un problème si quelqu'un use de sa liberté d'expression pour protester contre une guerre particulière devant un monument commémoratif particulier. Le projet de loi pourrait donc gêner l'exercice de la liberté d'expression garantie par l'alinéa 2b) de la Charte.
    C'est une question sur laquelle je voulais attirer l'attention du comité.

  (1205)  

    Nous devons bien sûr respecter les limites de la constitutionnalité, mais je crois au caractère constitutionnel du projet de loi. Il y a évidemment des paramètres, et certaines choses contraires à la Charte peuvent être justifiées si elles sont jugées raisonnables dans une société démocratique. J'ai bien l'impression que, même s'il est établi qu'il y a violation de la Charte, le projet de loi serait maintenu par les tribunaux. Je pense cependant qu'il est conforme à la Charte. Je crois que ceux qui sont morts à la guerre sont de la plus haute importance. Par conséquent, j'appuie cette mesure.
    Il vous reste une minute.
    Je vais partager mon temps de parole avec Mme Findlay.
    Je me demandais, monsieur Russomanno, si vous avez jamais eu l'occasion de demander, au nom d'un client, un pardon ou ce qu'on appelle maintenant une suspension du casier judiciaire.
    Je me suis occupé accessoirement d'affaires de ce genre, mais pas beaucoup.
    Êtes-vous donc d'avis que si une personne est accusée de ce qu'on considère généralement comme une infraction mineure et qu'elle a été condamnée à une amende de 1 000 $, elle est très susceptible — et vous l'avez dit et répété à plusieurs reprises — d'avoir un casier judiciaire le restant de ses jours?
    Ne conviendrez-vous pas avec moi que si la seule infraction commise a été la profanation d'un monument commémoratif de guerre pour laquelle la personne a été condamnée à une amende de 1 000 $, ses chances d'obtenir un pardon ou une suspension du casier judiciaire sont très bonnes?
    Je ne peux pas vraiment me prononcer sur des probabilités. Je sais qu'il devient plus difficile en général d'obtenir un pardon et qu'il y a évidemment des délais. On me rappelle que l'obtention d'un pardon est un processus assez long.
    Je dirais en outre que si vous soutenez qu'il est facile d'obtenir un pardon, ne croyez-vous pas que cela compromet l'élément de dénonciation que vous tenez à avoir dans ce projet de loi?
    Pas du tout. Je ne suis pas d'accord avec vous.
    Madame Borg.

[Français]

    Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous, aujourd'hui.
     On a reçu une lettre. Malheureusement, je vais devoir en lire la version anglaise étant donné qu'on n'a pas encore la version française. Elle a été envoyée par M. Archie Kaizer. Il dit que le projet de loi n'est pas vraiment nécessaire. Je cite un extrait de sa lettre:

[Traduction]

Les juges sont tenus de prendre en considération toutes les circonstances aggravantes et atténuantes d'une affaire, en vertu de la common law et de l'article 718.2 du Code criminel. Le Code… mentionne certains des facteurs qui peuvent aggraver une sentence, y compris les infractions motivées par « des préjugés ou de la haine » fondés sur certains facteurs ou sur « le terrorisme ».

[Français]

    À votre avis, ce projet de loi est-il vraiment nécessaire? En vous fondant sur votre expérience, êtes-vous d'accord avec lui pour dire qu'un juge va prendre en considération la motivation derrière ce genre de crime?

[Traduction]

    Oui, je conviens qu'un juge prendra certainement ces éléments en considération. J'essayais d'établir auparavant que l'utilisation de ces termes est symbolique, étant destinée à montrer que le Parlement juge ces actes particulièrement condamnables. Je ne suis certainement pas opposé à cela. Toutefois, je crois très sincèrement que les juges tiennent déjà compte de ces facteurs.

[Français]

    Voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

    Je suis d'accord avec M. Kaiser. Je ne suis pas du tout sûre qu'on ait besoin d'une infraction distincte pour atteindre ces objectifs.

[Français]

    Merci.
    J'ai une deuxième question à poser. J'ai une crainte reliée au fait qu'une personne ne puisse pas payer une amende de 1 000 $. Prenons le cas d'un étudiant qui viendrait tout juste de terminer son baccalauréat: il n'aurait pas nécessairement 1 000 $ dans ses poches.
     A-t-on raison de craindre ce qui pourrait arriver à cette personne? Entrevoyez-vous une solution ou pouvez-vous même en proposer une?

[Traduction]

    Je crois, en fonction de mon expérience, que l'imposition d'une amende se fonde sur la capacité de payer. Les tribunaux sont chargés — je pense en fait à un cas récent — de déterminer si le délinquant a les moyens de payer. De plus, les délinquants disposent d'un certain temps pour acquitter l'amende. Par exemple, en cas de conduite avec facultés affaiblies, qui entraîne une amende du même montant, les accusés ont trois ou six mois et parfois un an ou deux pour payer. C'est une chose dont le tribunal tient souvent compte, mais pas toujours.

  (1210)  

    Je crois que vous avez tout à fait raison. L'imposition d'une amende minimale obligatoire crée des difficultés pour les membres les moins aisés de la société qui contreviennent à cette disposition. Il y a donc une certaine distinction fondée sur le degré de richesse dans l'application de cette peine. Il en est de même pour la suspension du casier judiciaire. Le droit à acquitter pour présenter une demande de suspension est actuellement de 631 $, ce qui défavorise ceux qui n'ont pas les moyens de payer.

[Français]

    Merci.
    Je vais céder le reste du temps qui m'était imparti à M. Harris.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je voulais attirer l'attention des deux témoins sur… Il a été question de la Charte, de la proportionnalité et d'autres aspects. L'article 430 du Code actuel prévoit comme peine maximale, en cas de méfait, l'emprisonnement à vie, si le fait d'endommager un bien a mis en danger la vie d'une personne.
    Je note aussi qu'en dépit de l'extrême gravité d'un acte qui met en danger la vie de quelqu'un, aucune peine minimale n'est prévue dans cet article. Pouvez-vous expliquer de quelle façon cela aidera les gens à comprendre les différents degrés de gravité d'une infraction lorsque le fait de détériorer un monument commémoratif de guerre entraîne une peine minimale obligatoire alors que ce n'est pas le cas lorsqu'on met la vie de quelqu'un en danger?
    Pour revenir encore une fois aux principes, je crois qu'il vaut mieux fixer un maximum, puis laisser au tribunal toute latitude pour déterminer la gravité de l'infraction. À la Société John Howard, nous avons de la difficulté, comme beaucoup d'autres organisations, à accepter d'une façon générale les peines minimales obligatoires parce qu'elles ne permettent pas à l'appareil judiciaire d'imposer une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. J'aime donc l'idée de supprimer la peine minimale obligatoire dans tous les cas.
    Quant à la question de savoir comment justifier un minimum obligatoire pour un méfait moins grave que celui que vous avez décrit, je crois que cela suscite de sérieuses préoccupations au sujet de la parité parmi les dispositions du Code criminel.
    Je vous remercie.
    Je voudrais remercier les témoins de leur présence au comité aujourd'hui. Vous nous avez présenté beaucoup d'information. Nous vous en sommes reconnaissants.
    Nous allons maintenant passer à l'étude article par article. Vous pouvez rester dans la salle si vous le souhaitez.
    Nous commencerons par observer une pause de trois minutes.

  (1210)  


  (1215)  

    La séance reprend maintenant. Nous entreprenons l'étude article par article.
    Nous avons ici des fonctionnaires du ministère de la Justice. Nous pouvons également recourir aux services de nos greffiers législatifs.
    Nous avons un certain nombre d'amendements. Le premier est bien le NDP-0.1...?

  (1220)  

    Je suppose que c'est le même que celui que j'ai en main. La motion propose que le projet de loi C-217 soit modifié à l'article 1…
    Monsieur Harris?
    M. Jack Harris: Oui? Je m'excuse.
    Le président: Madame Boivin.
    Ah! D'accord.
    Votre amendement passe en premier.
    Le mien passe en premier? Je pensais qu'il avait de bonnes chances d'être le dernier examiné.
    Il figure en premier dans la liste.

[Français]

    Voici ce que je propose... Avez-vous le texte que j'ai écrit?

[Traduction]

    Avez-vous mon texte? Je ne voudrais pas me tromper. Je n'arrive pas à lire mon écriture…
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Françoise Boivin: Pas dans celui-là.

[Français]

    Je propose donc qu'on ajoute, à la page 1, ligne 7, après « Quiconque »: « , étant motivé par des préjugés ou de la haine, ».

[Traduction]

     Dans la version anglaise, je propose qu'on ajoute, à la page 1, ligne 16, après « cemetery »:
if the commission of the mischief is motivated by bias, prejudice or hate,
    la suite étant « is guilty of an indictable offence or... ».
    La raison de cet amendement, c'est que, dans la version actuelle du Code criminel... Je crois que nous sommes tous d'accord autour de cette table pour trouver épouvantable la profanation d'un monument, d'une mosquée ou d'un édifice religieux du même genre, église ou autre.

[Français]

    Au paragraphe 430(4.1) du Code criminel, qui concerne les cultes religieux, on dit ceci:
Quiconque, étant motivé par des préjugés ou de la haine fondés sur la religion, la race, [...], commet un méfait à l’égard de tout ou partie d’un bâtiment ou d’une structure [...]
    À mon avis, cela préserverait à tout le moins cette même façon d'écrire le Code criminel dans le cas d'infractions d'égale sévérité, ou encore une même façon de les percevoir. Ce serait une bonne façon de rester conséquent à ce niveau. Je pense à la lecture qu'on fait du Code criminel.
    Cela permettrait peut-être de régler certains problèmes qu'on soulève de notre côté, du moins. On comprend mal qu'un certain type d'infractions soient traitées différemment alors qu'elles comportent le même degré de gravité. C'est la raison d'être de cet ajout.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    De rien.
    Madame Boivin, votre amendement est irrecevable.
    Vraiment?
    Il va au-delà de la portée du projet de loi parce qu'il y introduit un nouveau concept.
    Vraiment? Quel nouveau concept? Maintenir la cohérence du Code criminel serait donc un nouveau concept?
    Non, mais vous avez introduit un nouveau concept dans le projet de loi.

  (1225)  

    Quoi qu'il en soit, cela valait la peine d'essayer.
    Vous pouvez contester la décision.
    Je vais le faire rien que pour le plaisir. Je vous aime bien quand même, mais je conteste.
    D'accord, mais il n'y a pas de débat.
    Le vote porte sur la question de savoir si vous appuyez la motion.
    Une voix: Non, la décision.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: C'est la décision. Je m'excuse. Vous devez voter pour dire si vous appuyez le maintien de la décision.
    Non, nous ne voulons pas que votre décision soit maintenue.
    Le président: Eh bien, vous allez peut-être le souhaiter.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Françoise Boivin: Je continue à dire que je vous aime bien.
    (La décision de la présidence est maintenue.)
    La motion est approuvée.
    Une voix: La décision.
    Des voix: Oh!
    Le président: Ma décision est confirmée.
    Nous passons maintenant à l'amendement NDP-1.
    Mon amendement, monsieur le président, est que le projet de loi C-217 soit modifié à l'article 1 par suppression des lignes 21 à 30, page 1.
    Cela aurait pour effet de supprimer l'alinéa a) du projet de loi afin de ne conserver que les alinéas b) et c), qui seraient renumérotés.
    Avant d'exposer mes arguments, je voudrais lire au comité une lettre adressée au président, lettre qu'il a mentionnée un peu plus tôt mais dont on n'a pas encore la traduction. Le professeur Archibald Kaiser, professeur à la Schulich School of Law et au département de psychiatrie de l'Université Dalhousie, nous dit ceci :
M. MacKenzie, membres du comité,

Je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer mon opinion sur ce projet de loi qui, je l'espère, ne sera pas adopté par la Chambre des communes. Pour ne pas perdre de temps, je serai très bref dans mon analyse.

Le projet de loi n'est pas nécessaire

À ma connaissance, l'infraction que ce projet de loi est censé sanctionner n'est pas très répandue. Je soupçonne d'ailleurs que très peu d'incidents d'un comportement aussi méprisable sont signalés à la police chaque année. Le projet de loi ne semble donc pas s'appliquer à un comportement antisocial particulièrement fréquent.

Dès 1969, les auteurs du rapport Ouimet avaient énoncé ce que maints tribunaux considèrent depuis comme des valeurs canadiennes fondamentales qu'il convient de respecter si l'on veut définir de nouvelles infractions ou alourdir les peines prévues pour des infractions existantes.

Aucun acte ne doit être proscrit par le droit pénal « à moins qu'il ait une incidence, réelle ou potentielle, considérablement préjudiciable pour la société ». Aucun acte ne doit être interdit par le droit pénal « si son incidence peut être adéquatement contrôlée par des mesures sociales autres que le processus pénal. Aucune loi ne saurait donner lieu à un préjudice, social ou personnel, plus important que celui qu'elle était censée prévenir. » Le droit pénal ne doit être utilisé qu'en « dernier recours » et on ne doit infliger de peine que si « le fait de ne pas intervenir causerait un tort manifeste ». La Commission de réforme du droit s'était faite l'écho de ces principes en 1976 et avait ajouté que « le mot d'ordre, c'est la retenue - en ce qui concerne la portée du droit pénal, le sens donné à la culpabilité criminelle, le recours au procès criminel et l'imposition d'une peine au criminel ».

Donc, selon moi, ce projet de loi ne satisfait pas au critère rigoureux qui a été établi pour invoquer le droit pénal ou pour alourdir des peines.

Ce comportement est déjà sanctionné par d'autres dispositions

On trouve à l'article 430 du Code criminel plusieurs dispositions réprimant déjà ce genre de comportement, notamment le paragraphe 430(4) définissant le méfait général, et peut-être aussi le paragraphe 430(4.1) concernant les méfaits touchant les biens religieux, dont les cimetières, ainsi que le paragraphe 430(4.2) concernant les méfaits touchant les biens culturels.

La peine maximum prévue dans chacun de ces cas est très sévère pour des comportements qui ne mettent pas la vie en danger.

Il n'est pas nécessaire de prévoir une peine minimale

Dans toute la mesure du possible, les juges doivent conserver leur pouvoir discrétionnaire de déterminer la peine, ce qui fait partie des anciennes traditions de la common law et est précisé au paragraphe 718.3(1) du Code criminel. Ce pouvoir leur permet de rendre la justice dans les affaires dont ils sont saisis en imposant des « sanctions justes » qui contribuent « au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre », comme l'indique l'article 718 du Code criminel qui énonce « l'objectif essentiel » des peines. Si la Couronne estime qu'une peine est trop légère, elle peut toujours la porter en appel.

Réduire le pouvoir discrétionnaire du juge en matière de détermination de la peine expose notre appareil judiciaire à de nombreux dangers. Les peines seront alourdies (progressivement ou ponctuellement) de manière générale, ce qui privera les juges de la possibilité d'infliger une peine plus lourde si cela s'impose au vu de toutes les circonstances. Certains contrevenants seront traités de manière inutilement sévère si les juges perdent cette souplesse, ce qui finira par miner la confiance du public à l'égard du processus sentenciel et nuira à la sécurité publique au lieu de la rehausser. Des peines excessivement sévères iront à l'encontre d'autres dispositions de la common law et du Code criminel, notamment du « principe fondamental de détermination de la peine » énoncé à l'article 718.1 du Code, qui dispose que la peine doit être proportionnelle « à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant ».

  (1230)  

Les juges doivent avoir la possibilité de tenir compte de TOUS les objectifs de la détermination de la peine énoncés à l'article 718 du Code, de façon à fixer des peines intégrant avec sagesse de nombreux objectifs parfois conflictuels, comme la réprobation, la dissuasion, la mise à l'écart du délinquant si nécessaire, la réadaptation et le châtiment. Les peines minimales abolissent cet impératif d'équilibrage.
Endommager un monument commémoratif de guerre est déjà passible d'une peine plus lourde

Les juges sont tenus de prendre en considération toutes les circonstances aggravantes et atténuantes dans chaque cas, au titre de la common law et de l'article 718.2 du Code criminel. L'alinéa 718.2a) du Code énonce certains des facteurs susceptibles d'alourdir une peine, notamment le fait que des motifs tels que « des préjugés ou de la haine » sont à l'origine de certains types d'infractions ou d'actes de « terrorisme ».
    Cela renvoie à l'amendement de Mme Boivin.
De plus, tous les citoyens et tous les juges sont conscients de l'importance particulière des monuments commémoratifs de guerre, qui sont des biens publics empreints d'une profonde signification pour notre histoire nationale. Les juges infligeraient certainement une lourde peine dans les circonstances appropriées si un tel monument était profané. Comme il est dit dans Sentencing, 7th Ed. (Ruby et al) au sujet des peines infligées pour des méfaits concernant les biens : « Des peines plus lourdes seront aussi infligées si le motif du crime est particulièrement offensant » (p. 966).
Les lourdes peines n'ont pas d'effet dissuasif sur le contrevenant typique

Des études faisant autorité ont démontré de manière convaincante que « le degré de sévérité de la peine n'a aucune influence sur le taux de criminalité dans la société » (Doob & Webster, “Sentencing Severity and Crime: Accepting the Null Hypotheses”). Comme l'affirment les auteurs, la sévérité de la peine ne pourrait avoir une incidence que si le délinquant potentiel croyait qu'il serait appréhendé, savait que la peine a été modifiée, tenait compte des conséquences et se demandait si l'acte valait la peine d'être commis au regard de cette peine plus sévère.

Je ne crois pas me tromper en disant que le contrevenant typique commettant le genre d'acte envisagé dans le projet de loi C-217 présentera bon nombre des caractéristiques suivantes, qui ne sont pas susceptibles de concorder avec le genre de mécanismes de dissuasion susmentionnés : jeunesse, ivresse, et ignorance de la nature du monument commémoratif ainsi que du risque d'appréhension et de la nature de la peine.

Infliger des peines plus lourdes n'empêchera tout simplement pas le genre de conduite criminelle que vise ce projet de loi. Celui-ci n'aura strictement aucun effet pour réduire la fréquence d'une infraction qui reste rare.
Sévérité des peines du projet de loi C-217 et proportionnalité avec d'autres infractions

Une comparaison attentive des peines prévues dans le projet de loi et de celles correspondant à d'autres actes criminels, autant contre les biens que contre la personne, révèle que les premières sont largement plus sévères que celles dont sont passibles beaucoup d'autres infractions causant probablement plus de tort aux membres de la société.

Un tel déséquilibre des peines mine la légitimité de la sanction pénale.
Il y a d'autres manières d'atteindre les objectifs de ce projet de loi

Comme nous l'avons dit, il ne faut pas employer l'instrument brutal du droit pénal si d'autres méthodes permettent à la société d'atteindre les mêmes objectifs, probablement plus efficacement.

C'est M. Tilson, je crois, qui a déclaré en Chambre le 12 février 2012 qu’il faut rappeler aux Canadiens « que les sacrifices de nos soldats ne seront jamais oubliés ni sous-estimés » et que « le Canada continuera de rendre hommage à ceux qui sont morts au champ d'honneur », par ce projet de loi. Certes, M. Tilson a raison de veiller à ce que le sacrifice des soldats ne soit pas oublié, mais je tiens à dire très respectueusement que ce projet de loi n'est pas la meilleure ou la bonne manière de le faire. En outre, je pense que les soldats canadiens, comme l'ensemble de la population, tiennent à ce que notre droit pénal soit empreint de sagesse, de justice, de compassion, de souplesse et de conformité avec les traditions canadiennes.

Donc, pour ce qui est des autres mesures qui permettraient d'atteindre les mêmes objectifs, voici plusieurs possibilités.
- Rehausser l'éducation sur les sacrifices des soldats canadiens pendant les guerres, les missions de maintien de la paix et le service national en général.
- Des programmes d'éducation focalisés dans les collectivités où des infractions ont été commises.
- Encourager la publication d'éditoriaux et d'articles là où des monuments nationaux ont été profanés.
- Offrir d'autres formes de sanctions axées sur la réadaptation, notamment aux jeunes délinquants lorsque des monuments ont été endommagés, ce qui impliquerait la participation d'anciens combattants expliquant le sens du sacrifice des soldats, et les blessures psychologiques que causent de tels méfaits.

  (1235)  

- Inviter les organisations pertinentes à présenter des déclarations de victimes dans les cas pertinents de crimes contre des monuments.

- Donner aux procureurs de la Couronne l'instruction de réclamer des dédommagements dans les affaires de crimes contre des monuments.

- Effectuer des recherches sur les rares cas où de tels comportements ont été constatés, afin d'essayer d'en cerner les motifs et de formuler des recommandations pour une dissuasion efficace à long terme.
Je regrette de ne pas avoir suffisamment de temps pour apporter une contribution plus étoffée à vos délibérations mais j'espère avoir montré que le projet de loi C-217 constitue une utilisation du droit pénal qui est inappropriée, inutile et, en fin de compte, dommageable.

Merci d'avoir pris la peine de lire mon opinion.

Signé par

H. Archibald Kaiser

Professeur, Schulich School of Law and Department of Psychiatry, Faculty of Medicine (Cross-Appointment)

Université Dalhousie

     Le professeur Archibald ne pouvait pas participer à nos délibérations par téléconférence, mais ses arguments sont très convaincants, en tout cas de notre côté.
    Il est par ailleurs évident qu'on a dû remonter cinq, six, sept, huit ans en arrière quand on a voulu trouver des exemples de ce comportement. Si on compare la situation avec la conduite en état d'ivresse, par exemple — les 30 années durant lesquelles nous avons essayé de mettre fin au carnage sur nos routes ont abouti aux dispositions que nous avons aujourd'hui —, on constate que démarrer avec ce genre de peines est une solution extrême.
    La position que nous avons exprimée en deuxième lecture est que nous sommes favorables à l'intégration d'un chapitre distinct dans le Code criminel pour attirer l'attention sur l'importance des monuments commémoratifs de guerre, lesquels seraient traités de la même manière que d'autres types de biens dans le chapitre des méfaits. N'oublions pas cependant qu'on tient compte dans le Code criminel de la gravité des infractions en prévoyant une peine maximale C'est pour cette raison qu'on trouve au paragraphe 430(2) une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité quand on commet un méfait mettant la vie d'autrui en danger — « méfait » n'étant que le terme juridique désignant la destruction ou l'endommagement de biens.
    Donc, quiconque endommage des biens mettant réellement la vie en danger est passible d'une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité parce que le législateur a tenu à souligner la gravité d'un tel acte dans le Code criminel. On ne voit cependant ici aucune peine minimale, car, comme d'autres intervenants l'ont dit, ce n'est pas nécessaire.
    Nous croyons que les juges doivent conserver la latitude voulue dans ce genre de situation. Nous n'avons pas besoin d'une solution détournée pour assurer la justice en disant que la Couronne possède cette latitude. Nous parlons en effet ici d'un système judiciaire, pas d'un système administratif, et il importe d'assurer un minimum d'uniformité dans les peines que nous prévoyons dans le droit et dans le Code criminel. L'article 430 du Code criminel serait incohérent si cet amendement n'était pas adopté afin de supprimer la peine minimale dans ce genre de situation, ce qui préserverait non seulement l'imposition d'une amende de 1 000 $, mais, aussi, dans tous les cas, l'établissement d'un casier judiciaire.
    En vertu du Code criminel, comme le savent tous les juristes, l'existence d'une amende minimale signifie que le juge n'a plus le pouvoir d'accorder une absolution conditionnelle ou inconditionnelle si les circonstances le justifient. Or, nous ne voulons pas priver le juge ou le procureur de la Couronne de cette latitude. Les procureurs de la Couronne sont des agents de l'État. Les juges sont des personnes qui agissent dans l'intérêt de la justice, au nom des deux parties. Ils écoutent les arguments des deux parties, ils prennent connaissance des faits et des circonstances, et ils rendent ensuite une décision.
    Le professeur Kaiser a fait une excellente démonstration. Il n’est malheureusement pas ici pour répondre à nos questions parce que son horaire ne le lui permettait pas. Toutefois, il nous a fourni une analyse approfondie, bien que brève, de ce projet de loi dans le contexte du droit pénal.
    Monsieur le président, cela met fin à mon argumentation en faveur de l'amendement visant à supprimer la première partie de la disposition sentencielle, ce qui préserverait la possibilité d'intenter des poursuites par mise en accusation ou par déclaration sommaire de culpabilité avec les peines prévues dans le projet de loi C-217 que propose M. Tilson.

  (1240)  

    Merci, monsieur Harris.
    Monsieur Goguen, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
     Les débats de ce comité ont certainement permis d'exposer toute la gamme des opinions au sujet des peines qui conviennent. Nous avons d'une part l'amendement visant à supprimer complètement les peines minimales obligatoires. MM. Eggenberger et Page ont témoigné en disant que ces peines ne sont qu'un minimum et ne sont probablement pas adéquates. Donc, nous pensons que la structure sentencielle qui est proposée représente un compromis. Elle est proportionnée et raisonnable. De ce fait, je ne voterai certainement pas en faveur de la motion.
    Le fait que quelqu'un ait souligné que les peines prévues dans ce projet de loi sont très similaires à celles applicables à la conduite avec facultés affaiblies est très intéressant. On peut se demander pourquoi quelqu'un récidiverait en conduisant en état d'ébriété. Je suppose qu'on pourrait dire que l'alcoolisme est une maladie. Par contre, si quelqu'un récidive en profanant un monument de guerre, il n'est même pas certain qu'on le poursuivra, ou il ne sera peut-être puni que par un mandat du lieutenant-gouverneur. C'est complètement fou.
    Je note que la spécialité du professeur Kaiser est la psychiatrie, et l'effet brutal de la loi ne doit pas nécessairement être appliqué à quelqu'un qui profane continuellement des monuments de guerre.
    Monsieur Casey.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais m'exprimer en faveur de l'amendement. J'ai eu le plaisir et l'honneur d'être un étudiant du professeur Kaiser en 1985 et 1986, mais j'espère que cela n'affectera pas la valeur que vous accordez à son exposé.
    Nous partageons les réserves exprimées au sujet des peines minimales. Nous avons la ferme conviction — et je crois que les données le confirment — que les minimums obligatoires n'ont aucun effet dissuasif sur les criminels et ne sont pas une solution efficace au problème de la criminalité. Elles privent les juges de toute latitude et sont souvent disproportionnées par rapport à la nature des actes criminels. Elles abolissent également la transparence en encourageant les accusés à plaider coupables d'infractions de niveau inférieur.
    Dans les cas des méfaits touchant des monuments de guerre, l'utilisation des plaidoyers de culpabilité ou le fait de plaider coupable d'une infraction réduite serait particulièrement néfaste puisque cela empêcherait la population de savoir qu'un monument de guerre a été endommagé ou profané par un individu plaidant coupable d'une infraction réduite. Cela supprimerait par ricochet la possibilité de mener des campagnes d'éducation ou d'avoir recours à d'autres types de sanctions qui répondraient peut-être mieux aux besoins de la collectivité en lui faisant prendre mieux conscience des sacrifices consentis par les anciens combattants du Canada.
    Pour ces raisons, nous allons appuyer l'amendement.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Casey.
    Madame Boivin.

[Français]

    Je serai brève, monsieur le président.
    Ce que je trouve spécial, en qui a trait à ce projet de loi, c'est que j'ai l'impression qu'on envoie un faux message à nos anciens combattants. Entre autres, je pense aux témoins qui étaient ici mardi; j'ai énormément de sympathie et de respect pour ce qu'ils représentent.
    Cela étant dit, on leur laisse croire que ce projet de loi de M. Tilson va régler leur problème qui consiste à croire qu'on peut impunément massacrer l'honneur de ceux qui ont combattu pour leur pays. Il n'y a pas de plus grand geste qu'on puisse poser, selon moi, dans sa vie. On sait pertinemment que, malgré ce projet de loi, on va se retrouver avec des procureurs de la Couronne qui seront souvent tellement débordés par le nombre de dossiers qu'ils auront à traiter tous les jours, on va se retrouver avec des gens qui vont dire que c'est un pauvre petit jeune qui a fait telle chose, qu'il ne pensait pas, et ces gens vont demander qu'on s'en tienne à un verdict de méfait.
    On fait croire à des gens qu'on est en train de régler un problème sérieux en faisant ça de cette façon, alors qu'on pourrait arriver à l'essentiel en envoyant un message clair selon lequel c'est une infraction en soi que de massacrer des monuments de guerre, des cénotaphes et autres. C'est donc le problème que je vois dans projet de loi.
    En ce qui concerne les peines minimales, je pense que M. Seeback a soulevé un bon point tout à l'heure, lorsqu'il a dit que peu importe qu'il y ait un minimum, cela n'empêchera pas les gens de travailler et d'arriver, justement, à une sentence moindre et ainsi de suite. Or c'est peut-être justement ça qui me dérange dans tout le processus qu'on est en train de faire. On fait croire au peuple canadien, à nos anciens combattants, quelque chose qui n'aura même pas de conséquences à cet égard.
    Je veux dire aussi qu'à mon avis — mais je suis prête à entendre le contraire —, il n'y a aucun cas de récidive répertorié à ce sujet. Encore une fois, ça donne l'impression qu'on met nos gros sabots et qu'on dit: voici ce qui va arriver lors d'une deuxième infraction, d'une troisième infraction. De plus, on laisse entendre que ça arrive fréquemment.
    Comme le disait M. Harris, nos témoins ont eu de la difficulté à répertorier des cas récents, et on le sait. Je pense que ce qui s'est fait ici, à Ottawa, en 2006 entre autres, a entraîné des deux côtés de la rivière un sentiment populaire contre les gestes qui avaient été posés. Cela a écoeuré bien des gens. J'ai donc l'impression que cela a été en soi très éducatif. Je défie quiconque d'essayer de faire la même chose la prochaine fois, compte tenu des conséquences publiques que cela a eues.
    N'oubliez pas non plus la Légion royale canadienne. Je ne sais pas si tout le monde a reçu la lettre de Mme Varga. On parle quand même de la Légion royale canadienne, on parle quand même d'un organisme pancanadien qui est composé de beaucoup d'anciens combattants qui le disent eux-mêmes. Je vais vous lire en français l'extrait où elle nous dit clairement, elle aussi, qu'ils nous remerciaient de leur offrir l'occasion de commenter le contenu du projet de loi C-217.
La Légion royale canadienne — comme nous — appuie fermement l’esprit du projet de loi C-217, lequel vise à ériger en infraction les actes de méfait commis à l’égard d’un monument commémoratif de guerre, d’un cénotaphe ou d’un objet visant à honorer les Canadiens et les Canadiennes qui ont consenti le sacrifice suprême au Canada pendant la guerre ou lors d’opérations s’étant déroulées depuis la guerre de Corée, ou à rappeler le souvenir de ces personnes.

Nos membres sont tout à fait d’accord qu’il faut souligner la nature sérieuse de ces incidents, compte tenu des sentiments et des émotions exprimés par tous les Canadiens contre ces actes. Toutefois, nous estimons que les peines imposées dans chaque cas devraient refléter la nature des gestes posés et que les tribunaux devraient avoir une certaine latitude lorsque vient le temps d’évaluer la gravité de la situation.

La peine devrait être proportionnelle au crime, et même si aucun incident de cette nature ne peut être toléré, le projet de loi devrait contenir des dispositions de justice réparatrice, notamment une rencontre obligatoire entre les délinquants et des groupes d’anciens combattants. Le projet de loi devrait encourager les délinquants à assumer la responsabilité de leurs actes et à réparer les dommages qu’ils ont causés en demandant pardon à des anciens combattants ou en effectuant des heures de travail bénévole. On aide ainsi les délinquants à éviter la récidive et à mieux comprendre les conséquences de leurs gestes.

  (1245)  

    Il ne s'agit pas de n'importe qui. Ces propos émanent de la Légion royale canadienne.
     Encore une fois, je souligne qu'on envoie un faux message, qu'on donne de faux espoirs à nos anciens combattants. Ne serait-ce qu'à cause de cela, je m'inscris en faux contre la démarche. Même si elle est bien présentée, elle ne permettra pas du tout d'atteindre le résultat recherché. Compte tenu de la responsabilité que nous avons de bien faire notre travail de législateur, je crois que nous devrions être très prudents.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, madame Boivin.
    L'amendement NDP-1 est-il adopté ?
    (L'amendement est rejeté.)
    Le président: Nous passons maintenant à l'amendement G-1.
    Merci, monsieur le président.
     Nous appuyons évidemment la réprobation des comportements témoignant d'un manque de respect envers les Canadiens morts au champ d'honneur. Toutefois, nous exprimons des réserves au sujet de la structure sentencielle proposée, car elle risque d'avoir une conséquence négative imprévue. Je parle ici de la peine maximale.
    Sous sa forme actuelle, le projet de loi fixe pour une poursuite par mise en accusation une peine maximale inférieure à celle qui existe actuellement pour un méfait similaire au titre de l'article 430 du Code criminel. La peine maximale actuellement envisagée est de cinq années d'incarcération au lieu de dix. Par conséquent, je propose un amendement à l'article 1 du projet de loi.
    Je propose que l'alinéa 430(4.11 b) du projet de loi soit modifié en supprimant le mot « cinq » à la ligne 3 de la page 2 pour le remplacer par « dix ». Ainsi, la peine maximale proposée en cas de poursuite par mise en accusation serait de 10 années d'incarcération, ce qui serait conforme à la peine prévue pour d'autres méfaits dans le Code criminel.
    C'est une question d'uniformité, monsieur le président.
    Merci, monsieur Goguen.
    Monsieur Harris.
    Je trouve cet argument assez spécieux, monsieur le président, étant donné l'absence d'uniformité dans la totalité du projet de loi C-217 du point de vue des méfaits sanctionnés par l'article 430 du Code criminel.
    En fait, on pourrait presque dire que M. Tilson était plus cohérent en prévoyant un maximum de cinq ans pour la nouvelle infraction qu'il propose, car celle-ci ne suppose pas le niveau de motivation, de préjugé ou de haine que suppose l'article avec lequel il veut assurer l'uniformité.
    Aucun facteur de motivation n'est obligatoire. Nous parlons d'uniformiser avec… Comme on l'a dit auparavant, nous avons une peine minimale obligatoire pour quelqu'un qui urine sur un monument commémoratif de guerre — ce qui peut arriver, peut-être par inadvertance — avec quelqu'un dessinant une swastika sur le mur d'une synagogue ou profanant un cimetière juif, comme c'est arrivé à Toulouse après les terribles événements de la semaine dernière.
    Je ne vois là absolument aucune uniformisation, dans ce cas. Nous avons entendu des arguments où nous avons accepté le fait que, comme le disait la direction nationale de la Légion canadienne… Quand je parle de la direction nationale, je fais évidemment référence à l'organisation nationale, à toute la structure de la Légion canadienne, et à la présidente qui nous a écrit pour nous inviter à faire preuve de souplesse dans cette affaire.
    Elle a déclaré, au nom de la direction nationale, qu'il faut faire preuve de souplesse, alors que nous disons ici qu'il faut uniformiser avec cette autre disposition qui exige que l'acte ait été motivé réellement par des préjugés ou de la haine à l'égard d'une religion donnée, ou n'importe quelle autre forme de haine.
    Donc, quand on dit qu'il faut que la peine maximale soit la même, c'est-à-dire dix ans, alors qu'aucune motivation de cette nature n'est prise en compte dans le projet de loi de M. Tilson, nous répondons que nous ne sommes pas d'accord.

  (1250)  

    Merci.
    Madame Boivin.

[Français]

    Le gouvernement semble admettre que les infractions sont similaires, qu'il s'agisse d'un méfait relatif au culte religieux ou du nouveau méfait qui va être introduit dans le projet de loi C-217. Pour les mêmes motifs que ceux exprimés clairement par M. Goguen, je crois qu'il faudrait être cohérent sur toute la ligne. Je ne vais pas reprendre les arguments de M. Harris, mais je trouve que l'amendement du gouvernement rend la chose d'autant plus évidente.

[Traduction]

    Merci.
     (L'amendement est adopté.)
    Le président: L'article 1 modifié est-il adopté?
    J'ai un autre amendement, NDP-2, monsieur le président.
    Parlez, alors.
    C'est ce que je fais.
    Veuillez m'excuser, je croyais qu'on l’avait distribué.
    Non, on ne l'a pas encore distribué.
    Pendant qu'on le distribue, j'aimerais attirer votre attention sur ceci: les représentants du ministère de la Justice avaient signalé que l'article 667 du Code criminel concerne la preuve d'une condamnation antérieure. La note disait que le paragraphe 667(1) décrit comment une condamnation antérieure est prouvée au moyen d'un certificat, et que le paragraphe 667(4) dispose que la Couronne doit fournir à l'accusé un avis d'intention de produire ce certificat et que, s'il ne l'est pas, le certificat ne peut…
    Exactement… être invoqué pour prononcer la peine, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    Voilà pourquoi il n'a pas répondu correctement quand je l'ai interrogé, car c'était ce à quoi je faisais allusion. On doit…
    Parfois, il n'est pas produit.
    Exactement.
    Le NDP-2 est ce dernier document.
    Je crois qu'il y a peut-être un « 3 » en haut de la page. Je ne sais pas qui est indiqué. Les trois derniers chiffres sont  161, Robert.
    Oui, ça dit ça mais ça ne veut rien dire.
    NDP-3.
    Je ne sais pas ce qui est indiqué sur ce que vous avez. Je n'ai pas ce que vous avez.
    161? C’est NDP-3 sur votre… Je ne m'y retrouve plus avec vos indications.
    Je ne m'y retrouve plus moi-même, car j'en ai maintenant deux versions différentes, mais je n'ai pas ce qui vient d'être distribué. Je suis donc malheureusement dans la plus grande confusion, moi aussi.
    C'est la toute dernière page de ce qui vient d'être distribué, et j'aimerais en faire la proposition avant toute chose.

  (1255)  

    Nous pourrons revenir ici.
    M. Harris va présenter son amendement, dont la référence est 5483161.
    Comme je l'ai dit à M. Woodworth, monsieur le président, nous devions certainement avoir à l'esprit votre héros, M. J.R.H. — si j'ai les bonnes initiales — Kirkpatrick, le juge Kirkpatrick, en préparant cet amendement. Si vous voulez bien suivre avec moi, voici notre proposition pour le paragraphe (4.12) :
Le tribunal peut reporter l'imposition d'une peine à la personne déclarée coupable de l'infraction prévue au paragraphe (4.11) afin de lui permettre de réparer les torts causés aux victimes et à la collectivité. Si le tribunal estime que la personne a réparé les torts de façon satisfaisante, il peut imposer une peine moindre que la peine minimale prévue à ce paragraphe.
    Étant donné vos remarques précédentes, j'espère que cette proposition novatrice recueillera l'appui de certains membres du côté gouvernemental, car nous pensons qu'elle répond en grande mesure à la demande de la direction nationale de la Légion royale canadienne d'envisager une justice réparatrice et de permettre aux délinquants d'assumer la responsabilité de leurs actes, de réparer le tort qu'ils ont causé, en présentant leurs excuses à un groupe d'anciens combattants ou en effectuant du service communautaire. Nous pensons que cette proposition serait très bien accueillie par la direction nationale de la Légion canadienne, ainsi que par les membres de l'organisation, si elle était adoptée.
    Merci, monsieur Harris.
    Monsieur Goguen.
    Il est dommage qu'on ne nous ait pas fourni ce texte à l'avance, ce qui nous aurait donné plus de temps pour en peser le pour et le contre. Quoi qu'il en soit, sous sa forme actuelle, il est en grande mesure contraire à l'objectif du projet de loi, qui est d'imposer une peine minimale. Comme nous n'avons pas eu la possibilité d'y réfléchir attentivement, je vais voter contre.
    Madame Findlay.
    Je veux simplement m'assurer que je comprends bien ce qui se passe maintenant. Si je ne me trompe, nous sommes saisis d'un amendement NDP-3, et l'amendement NDP-2 n'est plus en débat, n'est-ce pas? Je pensais toutefois que vous lisiez le NDP-2.
    J'ai lu le 161, c'est-à-dire celui que nous avions l'intention de présenter ensuite. Nous en aurons peut-être un autre, mais nous avons pensé que celui-ci serait peut-être plus satisfaisant, du moins au départ, considérant les remarques de M. Woodworth.
    En ce qui concerne ce que disait M. Goguen, c'est-à-dire qu'il va voter contre parce qu'il n'a pas eu assez de temps, nous sommes tout à fait prêts à revenir ici mardi de façon à donner à mes amis tout le temps voulu pour y réfléchir. Comme cette proposition est tellement conforme à ce que disait M. Woodworth plus tôt, il serait peut-être préférable d'envisager cette possibilité plutôt que de forcer le vote immédiatement, étant donné qu'il est 13 heures.
    Nous pouvons parler jusqu'à 13 heures, de toute façon, si vous voulez.
    Je pense que nous allons suivre la liste.
    Monsieur Woodworth.
    Merci beaucoup.
    Bien que je sois toujours très heureux lorsque M. Harris trouve mes remarques convaincantes, je regrette de dire qu'il n'a pas écouté assez attentivement ce que j'ai dit dans le cas présent.
    Mes remarques concernaient le cas où un juge ne condamnerait pas l'accusé, mais déciderait plutôt de l'absoudre parce qu'il considérerait que l'infraction n'était pas appropriée pour le délinquant. La motion dont nous sommes saisis concerne l'idée qu'il pourrait y avoir une condamnation mais pas de peine minimale. Si je voulais être pointilleux au sujet du règlement, je demanderais d'ailleurs pourquoi cette motion nous est présentée étant donné qu'elle semble être contraire à l'objectif même du projet de loi, qui est d'imposer une peine minimale obligatoire. Dans un sens, cette motion vise en réalité à contrer le but même du projet de loi. J'invite le président à se pencher sur cette remarque. Je ne propose pas de motion déclarant que cette proposition est irrecevable.
    Merci.

  (1300)  

    Monsieur Rathgeber.
    Je vais encourager les députés de ce côté-ci de la table à voter contre cette motion.
    Ce que l'on tente de faire avec cette motion, comme l'a dit M. Woodworth, c'est de contourner les peines minimales obligatoires. L'auteur estime qu'elles ne sont pas nécessaires. Il dit que, si l'accusé est prêt à réparer le tort qu'il a causé, on doit lui donner le temps de le faire. Évidemment, beaucoup de temps se sera écoulé entre le moment où l'accusation aura été portée et le moment où le jugement sera rendu. Si l'accusé souhaite vraiment réparer ses torts, j'estime qu'il aura eu largement le temps de le faire avant que la sentence soit prononcée. Donc, je ne pense pas que nous ayons besoin de plus de temps de ce côté-ci de la table pour voter contre cet amendement, monsieur le président.
    J'ai d'abord M. Seeback.
    Je dois admettre que, même si cela me place en désaccord avec mes collègues, je trouve cet amendement intéressant. Tout comme mon collègue, je trouve regrettable que nous ayons reçu cet amendement aujourd'hui. J'aurais certainement aimé avoir plus de deux minutes pour y réfléchir sérieusement.
    Je m'en remets au comité pour déterminer s'il convient de voter ou non. Si nous votons maintenant, je soupçonne que je devrais voter non. Si nous votons plus tard, qui sait?
    Je crois pouvoir dire que vous voterez une autre fois parce que nous devons libérer cette salle immédiatement.
    Nous nous reverrons mardi prochain. La séance est levée.
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