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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 084 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 mai 2013

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Bonjour tout le monde. La séance est ouverte.
    Je souhaite la bienvenue à tous les témoins qui se joignent à nous aujourd'hui.
    Nous accueillons Margaret Gillis, de l'Agence de santé publique du Canada, que j'écouterai avec beaucoup d'attention.
    Nous entendrons aussi Yves Joannette, des Instituts de recherche en santé du Canada, et Jean-Luc Bédard, de Transpol — ce nom est plus facile à prononcer que le titre officiel de votre organisation.
     Chacun d'entre vous pourra faire une déclaration liminaire, après quoi nous ouvrirons une période de questions. Nous avons prévu de passer une heure avec vous.
    Sur ce, je vous donne la parole, madame Gillis.
     Allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président, membres du comité. C'est un grand plaisir pour moi de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet de la santé des travailleurs âgés.
    Comme nous le savons tous, les personnes âgées apportent une contribution à la société canadienne et nous sommes résolus à appuyer leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie pour les aider à demeurer actives et à participer à la vie de leur collectivité.
    Notre rôle au sein de l'Agence de la santé publique du Canada est de promouvoir la santé des Canadiens et de prévenir et de contrôler les maladies grâce au leadership, au partenariat, à l'innovation et à l'intervention en santé publique. Bien que notre mandat ne vise pas précisément la main-d'oeuvre, nous faisons la promotion de la santé des Canadiens afin qu'ils puissent participer pleinement au sein de leur communauté, y compris au sein de leur milieu de travail.
    Aider les Canadiens et les Canadiennes à faire des choix de santé est une responsabilité partagée. Nous unissons nos efforts à ceux des différents ordres de gouvernement, des intervenants et des chercheurs dans le but de favoriser l'adoption d'une démarche intégrée en matière de promotion de la santé fondée sur les meilleures données probantes disponibles.
    À titre d'exemple, mentionnons l'engagement d'aider les Canadiens à mener une vie plus saine, comme l'illustre la Déclaration sur la prévention et la promotion. Cette déclaration a été adoptée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en 2010. Elle ouvre la voie à une approche multisectorielle en matière de promotion de la santé et de prévention des maladies, des handicaps et des blessures. La déclaration part du principe que la promotion de la santé est l'affaire de tous.
    Bien qu'aujourd'hui la majorité des Canadiens bénéficient d'une meilleure santé et vivent plus longtemps, ils sont nombreux à devoir composer avec de graves problèmes de santé. De récentes données statistiques montrent que 90 p. 100 des Canadiens âgés de 65 ans et plus vivent avec au moins une maladie ou affection chronique, comme une maladie cardiovasculaire, un cancer, des problèmes respiratoires, le diabète, la démence, l'arthrite et l'obésité.
     La bonne nouvelle, c'est que la majorité des problèmes de santé des Canadiens âgés sont évitables. C'est pourquoi l'agence accorde une grande importance à la promotion de la santé et à la prévention des maladies tout au long de la vie. Notre but est de faire en sorte que les Canadiens bénéficient d'une bonne santé plus longtemps. Pour ce faire, l'agence met en oeuvre des programmes axés sur la promotion des modes de vie sains visant, par exemple, à aider les Canadiens à faire de meilleurs choix alimentaires et à mener une vie plus active. Nos efforts pour favoriser le poids santé chez les enfants et promouvoir une bonne santé mentale contribueront à prévenir les maladies chroniques graves tout au long de la vie.
    Notre objectif est d'augmenter le nombre d'années où les Canadiens sont en bonne santé. Notre organisme travaille à l'atteinte de cet objectif par l'entremise de programmes qui font la promotion d'un mode de vie sain en aidant, par exemple, les Canadiens à choisir des aliments meilleurs pour la santé et en les encourageant à être plus actifs. Nos efforts en vue de favoriser un poids santé chez les enfants et de promouvoir une bonne santé mentale ont des effets à long terme pour prévenir les maladies chroniques graves.
    En faisant la promotion de modes de vie sains tout au long de la vie, nous favorisons le maintien d'une bonne santé mentale et physique, réduisons la probabilité de développer une maladie en vieillissant et encourageons la participation à la population active. Par exemple, l'agence fait la promotion du bien-être multigénérationnel en appuyant les parents, les grands-parents et les fournisseurs de soins par l'entremise de programmes communautaires destinés aux enfants et aux familles.
    Ces programmes fournissent des fonds aux communautés pour les aider à répondre aux besoins en matière de santé et de développement des femmes enceintes, des jeunes enfants et des familles à risque. Ils abordent différentes questions, notamment la nutrition, les soins aux nourrissons, la vaccination, les attitudes parentales, le développement des jeunes enfants, la santé mentale positive, la prévention des blessures, etc.
    Nous avons établi des partenariats avec des pharmacies, des gouvernements provinciaux et des bureaux de santé publique locaux afin de distribuer à grande échelle un questionnaire sur le risque de diabète au Canada. Ce questionnaire, intitulé le CANRISK, vise à aider les Canadiens à évaluer s'ils sont à risque de développer le diabète et, selon leurs résultats, à prendre les mesures nécessaires pour éviter ou retarder l'apparition de la maladie.
    Des interventions réussies dans une communauté peuvent souvent bénéficier à d'autres. Ainsi, l'agence regroupe et diffuse ses interventions sur le Portail canadien des pratiques exemplaires. Ce portail Web dresse une liste de ressources fiables pour la planification, la mise en oeuvre et l'évaluation de programmes de promotion de la santé et de prévention des maladies chroniques et des blessures. Dix des interventions proposées sur le portail favorisent l'établissement d'un milieu de travail sain qui peuvent également bénéficier les travailleurs plus âgés. Par exemple, on y trouve un programme visant à aider les travailleurs adultes à améliorer leurs habitudes alimentaires ainsi qu'une intervention de promotion du transport actif auprès des employés.
    L'agence encourage également la vaccination comme moyen efficace de protéger les Canadiens contre des maladies infectieuses. Pour ce faire, elle utilise diverses initiatives de sensibilisation, dont une campagne nationale chaque automne afin de promouvoir la vaccination contre la grippe, notamment auprès des personnes âgées de plus de 65 ans, compte tenu qu'elles forment un groupe particulièrement à risque.

  (1105)  

    Nous faisons aussi la promotion de la santé des aînés canadiens par l'entremise de l'Initiative des collectivités-amies des aînés. L'agence travaille avec de nombreux partenaires dans ce cadre, notamment l'Organisation mondiale de la Santé, les trois ordres de gouvernement au Canada, des organismes d'aînés, des groupes communautaires et des responsables de la planification.
     Cette initiative vise à favoriser la coopération des aînés et des leaders des communautés en vue de la création de milieux bâtis et sociaux offrant un soutien aux aînés. Le principal objectif est de faire en sorte que les communautés répondent davantage aux besoins des aînés afin qu'un nombre croissant de Canadiens vieillissent en santé, contribuant par le fait même à la hausse de la participation à la population active.
    Une collectivité-amie des aînés offre aux personnes âgées des occasions de continuer de jouer un rôle au sein de leur communauté, que ce soit dans le cadre d'un emploi rémunéré ou d'un travail bénévole, selon leur désir. En ce qui a trait à la promotion de la santé mentale chez les aînés au Canada, nous collaborons avec des organismes partenaires, comme la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées et l'Initiative nationale pour le soin des personnes âgées, afin de promouvoir une meilleure utilisation des outils et des ressources auprès des familles et des professionnels de la santé. Ces ressources sont utiles pour les personnes qui prennent soin des aînés, car elles leur permettent de reconnaître les risques et les signes avant-coureurs de la dépression, du suicide, du délire et des problèmes de santé mentale des personnes qui ont besoin de soins prolongés, et leur fournissent des conseils sur la meilleure façon de faire face à de telles situations.
    Dans le budget de 2007, le gouvernement fédéral a investi 130 millions de dollars sur 10 ans pour créer et appuyer la Commission de la santé mentale du Canada dans le but qu'elle serve de centre de liaison pour les questions relatives à la santé mentale. En 2012, la Commission de la santé mentale a mis en oeuvre Changer les orientations, changer des vies: Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada. La stratégie se veut un guide non normatif pour orienter les mesures visant à améliorer la santé mentale des Canadiens.
     L'agence s'efforce également d'améliorer les données nationales sur la santé mentale des aînés au Canada. Par exemple, pour combler les lacunes quant aux connaissances sur les taux d'affection neurologique au Canada, comme la maladie d'Alzheimer, et leurs répercussions sur les personnes, les familles et les soignants, nous travaillons de pair avec les principales organisations caritatives canadiennes qui s'intéressent aux maladies neurologiques dans le but de mettre en oeuvre une étude de quatre ans auprès des Canadiens atteints de telles maladies. Les résultats de cette étude seront disponibles en 2014, et ils aideront à orienter la création de programmes et de services pour les Canadiens qui vivent avec des troubles neurologiques, dont un grand nombre sont des aînés.
    Dans le cadre de sa collaboration avec des partenaires afin de promouvoir le vieillissement en santé ainsi que de prévenir et de retarder l'apparition de maladies chroniques, l'agence continuera de prendre les mesures qui s'imposent pour améliorer la santé et le mieux-être des aînés au Canada.
    Merci.
    Merci, madame Gillis.
    Monsieur Joanette, c'est à vous.

[Français]

au nom des Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui et à vous faire part de la façon dont les IRSC et leur Institut du vieillissement peuvent contribuer à votre réflexion sur la dimension sanitaire d'une population active vieillissante.

[Traduction]

    La population vieillissante du Canada aura comme caractéristique qu'elle travaillera plus longtemps en raison d'un certain nombre de facteurs, dont la nécessité économique et le désir de poursuivre une contribution active à la société. Toutefois, comme vient de le dire Margaret Gillis, de l'Agence de la santé publique du Canada, cette situation pose de nouveaux défis, car le vieillissement, même le vieillissement actif, s'accompagne souvent de problèmes de santé chroniques. Même si les choix de mode de vie et les médicaments permettent de faire face à ces problèmes, ceux-ci peuvent quand même nuire à la capacité des adultes âgés de participer pleinement à la population active. Les conséquences sont multiples, sans oublier que continuer de contribuer à la société par le travail, on le sait, favorise un vieillissement actif. Une population vieillissante signifie aussi que les travailleurs plus jeunes jouent de plus en plus le rôle d'aidants naturels auprès de parents âgés aux prises avec des problèmes de santé graves et complexes.

  (1110)  

[Français]

    Même si ces défis sont reconnus, les données provenant de la recherche en santé ne sont pas toujours disponibles. Or les IRSC ont pour mission de fournir ces données. En 2000, le Parlement a créé les IRSC parce qu'il reconnaissait que des investissements dans la santé et le système de soins faisaient partie de la vision qu'avait le Canada d'une société bienveillante.
    Les objectifs des IRSC sont, premièrement, d'exceller, selon les normes internationales reconnues d'excellence scientifique, dans la création de nouvelles connaissances et, deuxièmement, d'appliquer ces connaissances en vue d'améliorer la santé de la population canadienne et d'offrir de meilleurs produits et services de santé.

[Traduction]

    Le gouvernement du Canada investit actuellement environ un milliard de dollars pour que les IRSC offrent direction et soutien à quelque 14 000 des meilleurs chercheurs et stagiaires dans tout le pays afin de réaliser ces objectifs. Les IRSC intègrent la recherche selon une structure interdisciplinaire unique composée de 13 instituts virtuels, dont l'Institut du vieillissement. De concert avec les autres instituts des IRSC, l'Institut de vieillissement a pour mission de favoriser la création et la dissémination de connaissances pour assurer un vieillissement actif, ainsi que la mise en place des interventions, des services et du système de santé optimums dont ont besoin les adultes âgés aux prises avec des problèmes de santé complexes. Par des investissements stratégiques et des programmes de recherche entreprise à l'initiative des chercheurs, les IRSC ont consacré plus de 100 millions de dollars en 2011-2012 à la recherche sur différents aspects de la santé et du vieillissement, soit dans les sciences biomédicales fondamentales, la recherche axée sur le patient, la recherche sur les services et les systèmes de santé, et la recherche sur les dimensions sociales du vieillissement.

[Français]

     Au cours des 12 dernières années, l'Institut du vieillissement a été proactif pour faire en sorte que le Canada ait la capacité de recherche nécessaire afin d'offrir les connaissances requises en matière de santé et de vieillissement. Cette capacité a permis à l'Institut du vieillissement d'appuyer la recherche dans des domaines prioritaires comme la déficience cognitive, la mobilité et la détermination des services et des systèmes de santé optimaux pour les personnes âgées.

[Traduction]

    Des efforts de recherche ont été engagés dans le domaine du travail, du vieillissement et de la santé. Par exemple, la professeure Lan Gien, de l'Université Memorial de Terre-Neuve, a reçu des fonds des IRSC pour aider à mieux comprendre les stratégies qui favorisent des cadres de travail productifs et sains pour les travailleurs âgés. Le professeur Peter Smith, de l'Université de Toronto, étudie l'effet des maux physiques et de la dépression sur la participation des Canadiens âgés au marché du travail, en tenant compte du genre. Les IRSC ont également mis en place un programme de recherche qui contribuera dans une grande mesure à l'étude de ces questions: l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, ou ELCV. Cette importante initiative stratégique apportera les données nécessaires pour mieux comprendre les facteurs internes et externes agissant sur le vieillissement à compter du milieu de la vie. En tout, 11 universités et une équipe nationale de plus de 160 chercheurs et collaborateurs participent à cette étude. Pendant 20 ans, l’ELCV fournira des renseignements sur l'évolution des aspects biologiques, médicaux, psychologiques, socio-économiques et relatifs aux modes de vie de 50 000 Canadiens de 45 à 85 ans. Jusqu'ici, plus de 25 000 personnes y sont inscrites.
    La participation à la population active joue un important rôle dans le fonctionnement social et exerce une influence sur une vieillesse réussie par l'entremise de facteurs comme le revenu et la richesse, l'estime de soi et le statut social, le stress et les expositions professionnelles. L’ELCV examinera comment ces facteurs et d'autres influent sur la santé au fil du temps.

[Français]

    Au fur et à mesure qu'évoluera l'étude, l'Institut du vieillissement explorera des façons de s'assurer que les chercheurs canadiens obtiennent l'aide nécessaire pour tirer parti de ce vaste bassin de données, de façon à mettre en lumière d'importantes questions et à fournir les données nécessaires par des analyses secondaires dirigées par les chercheurs de cette étude. Nous nous assurerons également que les données recueillies seront communiquées de façon opportune et efficiente au public ainsi qu'aux responsables des politiques.

  (1115)  

[Traduction]

    Ces actions prévues cadrent avec le plan stratégique de l'Institut du vieillissement récemment dévoilé pour 2013-2018. Ce plan s'articule autour de cinq priorités. Les deux premières visent à comprendre la trajectoire de vie pour un vieillissement actif et une vie plus longue. Les mesures à prendre à cet égard portent sur le travail, le vieillissement et la santé. Les deux priorités suivantes ont trait aux interventions, ainsi qu'aux services et aux systèmes de santé intégrés de façon optimale, pour répondre aux défis complexes sur le plan de la santé auxquels font face certains Canadiens âgés. La dernière priorité a pour objet les données dont tous les intervenants ont besoin pour donner aux Canadiens les moyens de leur vieillissement actif, mieux former les effectifs de la santé et adapter de façon optimale le transfert des connaissances pour la population vieillissante.
    Avec deux autres instituts des IRSC — l'Institut sur la santé des femmes et des hommes et l'Institut de l'appareil locomoteur et de l'arthrite —, l'Institut du vieillissement explore aussi une nouvelle initiative stratégique qui porterait expressément sur la santé et le travail. Cette initiative mettrait l'accent sur les accommodements nécessaires pour rendre les milieux et les cadres de travail propices à la santé. Elle représenterait une occasion unique de faire entrer en ligne de compte tous les facteurs, y compris les dimensions sociales, technologiques et managériales. C'est pourquoi nous avons déjà eu des discussions encourageantes avec le Conseil de recherches en sciences humaines au sujet de cette initiative.

[Français]

     Les IRSC et l'Institut du vieillissement considèrent que la santé constitue un important volet du défi que pose une population active vieillissante. L'institut s'assurera que les gouvernements, les responsables des politiques et la population vieillissante canadienne disposeront de toutes les données nécessaires.
    Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Joanette.
    C'est maintenant au tour de M. Bédard.
    Monsieur le président, honorables membres du comité, l'exposé que je vais faire aujourd'hui est le fruit du travail que j'ai fait pour la Commission nationale sur la participation au marché du travail des travailleuses et travailleurs expérimentées de 55 ans et plus.
     Cette commission a fait son travail à la fin de 2010 et en 2011. Nous allons maintenant aller sur le milieu de travail et je vais décrire ce qui en est ressorti, sous forme de synthèse de l'analyse que j'ai présentée à cette commission.

  (1120)  

[Français]

    J'aimerais d'abord mentionner le titre général, soit « Diversité des pratiques, souplesse d'application et importance d'une perspective pragmatique ».
     Les pratiques d'organisation du travail visant le maintien en emploi ou le retour de retraités sur le marché du travail constituent de nouvelles avenues dans les entreprises, après la vague de mises à la retraite des années 1980-1990. On parlait alors de « Liberté 55 ».
    Les cycles économiques, la démographie et les pénuries de main-d'oeuvre ont contribué à rendre de plus en plus nécessaire la poursuite de la vie au travail. On n'y adhère toutefois pas à n'importe quelles conditions. Les travailleurs repoussent la retraite lorsque le jeu en vaut la chandelle, c'est-à-dire quand les conditions rendent le travail encore intéressant par rapport à une retraite totale. De nombreux travaux ont fait ressortir le besoin d'assouplir les horaires de travail et de prendre le temps de réorganiser le travail pour faire place à des aménagements favorables à la poursuite de la vie active sur le marché de l'emploi.
    Prenant avis de ces constats déjà connus, cette présentation entend apporter des réponses aux questions suivantes. Qu'en est-il des résultats de tels aménagements? Y a-t-il des leçons à en tirer? Quels sont, dans divers types d'entreprises, qu'il s'agisse d'entreprises privées ou publiques ou encore de grandes entreprises ou de PME, les principaux obstacles et conditions favorables au maintien en emploi et au retour de retraités sur le marché du travail?
     À partir de l'analyse des principales pratiques relevées dans la littérature et au cours des échanges avec des acteurs de divers milieux de travail au Québec, quelques constats généraux et d'autres plus précis se dégagent. Nous faisons quatre constats généraux.
    Premièrement, il y a un besoin de diversité quant aux approches et aux pratiques. Les initiatives unidimensionnelles ne nuisent pas, mais elles ne peuvent pas avoir la même portée ou susciter l'adhésion comme le font des démarches multiples qui agissent de façon concomitante sur plusieurs plans, par exemple l'aménagement des temps de travail, l'aspect physique et ergonomique, les plans de formation pour les travailleurs expérimentés, la formation de formateurs, la création de la relève et la sensibilisation à l'expertise des travailleurs expérimentés. En outre, l'offre d'un horaire flexible semble cruciale pour favoriser le maintien en emploi.
    Le deuxième constat général est que la communication et la concertation entre acteurs dans l'entreprise sont une condition incontournable pour gérer les changements proposés. Le défi, dans ce contexte, est qu'il faut rallier tous les acteurs.
    Le troisième constat est que les processus à l'étude ont lieu dans un contexte plus large qui structure les résultats des initiatives. Il est donc nécessaire de tenir compte des contextes d'émergence et de mise en oeuvre des pratiques en entreprise, en particulier des lois et des règlements déjà en vigueur qui facilitent ou, au contraire, limitent la participation au marché du travail des personnes de 55 ans ou plus.
    Le quatrième et dernier constat général est que les pratiques en entreprise visant le maintien en emploi de travailleurs expérimentés ou le retour de retraités semblent plus répandues en Europe. On observe, particulièrement en Suède, un plus grand pragmatisme, et ce, parmi tous les acteurs. Cela favorise l'application de mesures efficaces.
     J'aimerais maintenant présenter les constats plus précis, qui sont au nombre de six.
    Premièrement, la diversité des dimensions, dont j'ai déjà parlé dans le cadre des constats généraux, se décline de différentes façons selon les contextes, les entreprises et les caractéristiques de la main-d'oeuvre.
    Deuxièmement, il peut être utile, en particulier dans les PME, de s'adjoindre un acteur externe pour mettre le changement en oeuvre. La crédibilité des changements proposés en sera rehaussée et, par conséquent, l'adhésion des acteurs au bien-fondé des projets le sera également. Il s'agit d'une condition essentielle à la concertation en milieu de travail.
    Troisièmement, en contexte de PME, un acteur externe pourra compenser en partie l'absence de service de ressources humaines ou de personnel consacré à un tel objectif.
    Je vois que le temps passe et que je ne pourrai pas tout couvrir. J'avais des statistiques sur le poids des PME dans l'économie canadienne.
    Ce constat particulier prend encore plus d'importance quand on considère que souvent, les PME de moins de 50 ou de 100 employés n'ont pas de service de ressources humaines. C'est donc la personne qui dirige la PME qui, parmi d'autres tâches, gère les départs à la retraite ou suscite des initiatives visant à maintenir, ou non, des employés au sein de sa main-d'oeuvre.
     De plus, les travailleurs d'expérience sont souvent reconnus comme étant plus fidèles, attachés au succès de l'entreprise et dignes de confiance. C'est le cas, par exemple, dans le domaine du service à la clientèle. Ces caractéristiques les rendent d'autant plus attrayants pour les employeurs que ce sont des aspects souvent reprochés aux jeunes travailleurs, notamment ceux de la génération Y. Je ne veux ni généraliser ni stigmatiser qui que ce soit, mais c'est un constat général dont je ne suis pas l'auteur. Cette convergence pourrait contribuer à atténuer la discrimination dont les travailleurs expérimentés font encore souvent l'objet et dont, paradoxalement, ils sont souvent eux-mêmes porteurs, particulièrement à la suite d'une perte d'emploi.
    Le dernier constat particulier est que l'intersection entre la vie professionnelle et la vie familiale, concept qui a été évoqué lors des autres présentations, connaît des transformations importantes du fait de l'accroissement de la durée de vie en santé et du rôle des aînés au sein de la famille. Autant les pouvoirs publics, par l'entremise de lois et de dispositifs, que les employeurs et les représentants des employés qui souhaitent faciliter le maintien en emploi doivent être sensibles à ces dimensions et prévoir des aménagements en conséquence.
    Enfin, au-delà des constats généraux et ceux plus précis, la réalité des contextes d'entreprise et les possibilités de maintien en emploi ou de retour de retraités, si elles sont offertes sous des formes suffisamment intéressantes pour susciter l'adhésion de travailleurs expérimentés, varient beaucoup en fonction de la taille de l'entreprise, du secteur d'activité, par exemple qu'il s'agisse du secteur manufacturier ou du secteur des services, et selon qu'il s'agisse d'une entreprise publique ou privée. À cet égard, je pense aux programmes de retraite auxquels il faut réfléchir, sur le plan de l'équité intergénérationnelle. Il faut tenir compte de ce qui attend les jeunes générations et se demander s'il est pertinent de permettre le cumul de plusieurs régimes de retraite.
    L'un des principaux défis pour favoriser la participation au marché du travail sera de tenir compte de ces particularités ainsi que des besoins variables des employeurs, des travailleurs et de leurs représentants lors de la conception et de la mise en oeuvre d'outils facilitateurs.
    Merci.

  (1125)  

[Traduction]

    Merci beaucoup de cet exposé et de vos observations générales et particulières. Elles trouveront certainement un écho chez les membres du comité, selon le point où ils se situent dans le temps, je suppose.
    Nous ouvrons la période des questions avec Mme Boutin-Sweet.
     Allez-y, madame.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous.
    Bienvenue, monsieur Bédard. Vous êtes le seul que je n'avais pas encore rencontré. Ma première question va d'ailleurs s'adresser à vous.
     Je vais parler des travailleurs de 50 ans ou plus, plutôt que de ne parler que de ceux de 55 ans ou plus. En effet, dès que le chiffre des dizaines devient un 5, ça compte pour beaucoup dans la tête des gens et des employeurs.
    Lorsqu'une usine ou une scierie ferme, dans bien des cas, les employés plus âgés, c'est-à-dire ceux qui ont 50 ans ou plus, n'ont pas les compétences nécessaires pour occuper un autre genre d'emploi ou n'ont même pas les compétences de base en informatique, en littératie, etc.
    De la formation continue, incluant les compétences de base, dispensée au sein de l'entreprise pendant toute la carrière de la personne pourrait être une solution, si cette personne le demande, bien sûr.
    J'aimerais savoir comment ça pourrait se faire. Est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire quelque choses en ce sens? Avez-vous des idées sur une collaboration possible entre le gouvernement, les employeurs, les travailleurs et les syndicats? Avez-vous des suggestions à faire à cet égard?
    Je vous remercie. Votre question est très intéressante.
    L'une des recommandations de la commission nationale était que certaines modifications soient apportées à l'assurance-emploi pour qu'il y ait davantage de possibilités de formation pour les travailleurs expérimentés dans le contexte de l'assurance-emploi. C'est une possibilité.
    Par ailleurs, plusieurs organismes ont souligné l'importance de sensibiliser les gens à l'intérêt de maintenir les travailleurs expérimentés en emploi. C'est un aspect que j'ai sauté dans ma présentation, mais il reste qu'une brochette d'organismes canadiens, européens et internationaux ont souligné l'importance de mieux reconnaître ces compétences et de favoriser l'apprentissage continu.

  (1130)  

    Considérez-vous que ce genre de collaboration est utile?
    Absolument.
     Je vais revenir sur l'assurance-emploi. Les travailleurs de 50 ans ou plus ont de la difficulté à trouver un autre emploi. Selon les modifications qui viennent d'êtres apportées à l'assurance-emploi, après 18 semaines, la personne doit accepter un emploi rémunéré à 80 % de son salaire.
    Pensez-vous que ça encourage les gens de 50 ans ou plus à retourner sur le marché du travail? Ne pensez-vous pas que ça leur rend la vie plus difficile?
    Je ne suis pas un expert de l'assurance-emploi, mais dans l'optique d'un chercheur, on peut présumer que ce genre de parcours personnel ne favorise pas la réinsertion. Il serait préférable que des dispositifs permettent une reconversion de la main-d'oeuvre, par exemple de la formation et une offre flexible fondée sur les besoins en matière de compétences chez les travailleurs expérimentés qui se retrouvent sans emploi.
    L'assurance-emploi pourrait sans doute être utile à plusieurs niveaux.
    Vous avez parlé de la littératie et des compétences de base en informatique. Il faudrait voir, selon les profils.
    Il s'agirait d'aider les gens de 50 ans ou plus qui sont sans emploi à trouver plus facilement un nouvel emploi rémunéré à plus de 80 % de leur salaire.
    Docteur Joanette, vous avez parlé d'études dans le domaine de la santé, mais les gens qui font un travail physique et même ceux dont le travail est stressant ont davantage de difficulté à rester sur le marché du travail à un âge plus avancé. Est-ce que de la recherche a été faite sur cette situation particulière?
    Ma question s'adresse aussi à Mme Gillis.

[Traduction]

    Merci, madame Boutin-Sweet. Votre temps de parole est écoulé mais je vais donner aux deux témoins le temps de vous répondre.
    Monsieur Joanette.

[Français]

    Je vais répondre très rapidement.
    Certaines recherches ont été faites sur ces accommodements qui doivent être trouvés afin de tenir compte de l'évolution de la condition physique, de la qualité de l'attention, de la cognition et de la santé mentale tout au long du vieillissement. On constate qu'il manque encore beaucoup de connaissances. C'est la raison pour laquelle nous avons initié, il y a quelques mois— et c'est vraiment un hasard —, une réflexion sur une initiative stratégique portant sur les conditions qui favoriseraient le maintien en poste des travailleurs en dépit de ces exigences qui ont un effet sur la santé.
    Il nous manque beaucoup de connaissances. Il faut en acquérir plus dans ce domaine.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Gillis, souhaitez-vous répondre?
    Oui. Bien que nous menions une action de portée plus large sur la santé mentale, il y a un aspect de ce que nous faisons qui pourrait vous intéresser. Nous collaborons avec la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées dans le but d'élaborer des lignes directrices nationales sur la santé mentale des personnes âgées. Nous nous sommes ainsi penchés sur l'impact de la dépression, par exemple, qui a de nombreuses sources différentes, dont certaines pourraient fort bien se situer dans le milieu de travail.
    Grâce à notre travail à ce sujet, nous avons des lignes directrices sur le problème général de la dépression, à l'intention des médecins et des fournisseurs de soins de santé, ainsi que des familles de personnes âgées qui pourraient être confrontées à ces problèmes.
    Merci.
     Je donne la parole à M. Butt.
    Allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous trois d'être ici aujourd'hui.
     Je pense que l'examen de la santé des Canadiens est une partie intéressante de l'étude, notamment de la santé des Canadiens âgés dans le contexte de leur participation au marché du travail. J'estime que vous apportez un élément important à l'étude du comité.
    Pouvez-vous me donner une idée générale de la santé de la population active, disons des personnes de plus de 50 ans qui travaillent à temps plein ou à temps partiel? Sont-elles généralement en assez bonne santé ou avons-nous dans cette catégorie d'âge beaucoup de personnes qui travaillent encore et qui font face à de graves problèmes de santé tout en occupant un emploi?

  (1135)  

    Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous savons que 90 p. 100 environ des personnes de plus de 65 ans souffrent de maladies chroniques. C'est donc un nombre assez élevé. L'Agence de la santé publique du Canada ne tient pas de statistiques particulières sur les groupes d'âge inférieurs. Je ne sais pas si M. Joanette en tient ou non mais, évidemment, dans ce contexte, notre souci est de continuer à travailler sur des moyens permettant aux gens de rester en bonne santé. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous oeuvrons sur tout le parcours de vie. Nous savons que les impacts les plus forts concernent souvent les enfants. Donc, une bonne partie du travail de l'agence porte sur les enfants. Certes, nous savons bien que nous devons oeuvrer sur tout le parcours de vie, mais c'est là que nous pouvons avoir l'effet le plus percutant du point de vue de la santé à long terme.
    J'espère que cela répond à votre question. C'est ce que nous faisons.
    À vous, monsieur.
    Je suis certainement d'accord au sujet de ces chiffres. Le nombre de maladies chroniques avec lesquelles nous devons vivre ne diminue pas avec l'âge, évidemment, il augmente. Par exemple, près de la moitié des personnes de 80 ans souffre de trois maladies chroniques ou plus.
    Cela dit, le fait que quelqu'un souffre d'une maladie chronique n'entame pas son aptitude à contribuer à la population active car nous pouvons employer un certain nombre de stratégies concernant le mode de vie, les habitudes, l'exercice physique, la nutrition, etc., pour y faire face. On peut aussi employer des molécules — des médicaments — pour maîtriser ces maladies et, si le milieu de travail est un facteur qui contribue à ces troubles de la santé, nous pouvons faciliter certaines de ces activités reliées au mode de vie, notamment, par exemple, l'exercice physique.
    Permettez-moi aussi d'ajouter brièvement que le premier examen sérieux que nous pourrons faire de cette situation, longitudinalement, proviendra de l'étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, qui démarre maintenant. Pendant les 20 prochaines années, nous allons suivre des personnes de 45 à 85 ans sur tous les aspects de la santé, de la biologie, de l'intellect, de l'attention, etc., ainsi que sur leur environnement, leurs antécédents de travail et la manière dont elles contribuent au travail.
    Je pense que nous obtiendrons cette information bientôt et nous veillerons alors à vous la communiquer.
    Donc, le chiffre que vous employez est 90 p. 100 des personnes de plus de 65 ans ayant au moins l'une de ces maladies chroniques. Savons-nous si la proportion est différente pour les personnes de plus de 65 ans qui occupent encore un emploi? Le chiffre est-il différent pour les personnes qui n'ont pas ces problèmes de santé? Autrement dit, y a-t-il plus de gens dans la population active qui n'ont pas ces problèmes? J'essaye de voir si, pour les personnes qui continuent à travailler après 65 ans, l'un des facteurs contribuant de manière très importante à cela est leur très bonne santé, si c'est l'une des raisons principales qu'elles ont de continuer à travailler plutôt que leur choix ou leur besoin de travailler. J'essaye de creuser ce facteur touchant les problèmes de santé pour savoir si les gens qui sont en meilleure santé sont plus susceptibles de continuer à travailler après 65 ans que celles qui peuvent avoir des problèmes de santé chroniques?
    Je connais dans ma circonscription un homme de 68 ans qui souffre d'un problème cardiaque chronique mais travaille encore. Il travaille par choix, je le précise. C'est parce qu'il aime bien son travail qu'il continue de l'exercer, mais il a ce problème cardiaque chronique. Avons-nous des chiffres plus définitifs à ce sujet, ou est-ce quelque chose que vous n'avez pas suivi?
    Vous pouvez conclure en répondant à ces questions.
    Je vous en prie.
    Je n'ai pas ces chiffres, mais une chose qui est compliquée ici — parce que votre question est tout à fait pertinente — est le revers de cette médaille, c'est-à-dire que la continuation de l'emploi contribue à ces problèmes de santé chroniques. Voilà ce qu'il faut décortiquer. C'est pourquoi, à cette étape, on n'a pas encore décortiqué la relation complexe qui peut exister entre le fait que le bon état de santé est associé à la continuation de l'activité professionnelle, ou la continuation de l'activité professionnelle contribue au bon état de santé, et c'est pourquoi nous appuyons cette étude longitudinale canadienne sur le vieillissement.
    Quelqu'un d'autre veut intervenir?
    Je pense que c'était la bonne réponse.
    Dans ce cas, nous passons à M. Cleary.
    Vous avez la parole, monsieur.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Madame Gillis, vous avez dit que les statistiques récentes — dont M. Butt parlait aussi il y a quelques instants — nous disent que 90 p. 100 des Canadiens de plus de 65 ans souffrent d'au moins une maladie chronique. C'est 90 p. 100.
    Nous avons essayé de calculer le nombre de Canadiens qui veulent travailler par rapport au nombre de ceux qui sont forcés de travailler. Nous parlons ici de Canadiens âgés. La proportion, je crois, se situe entre 50 p. 100 et 70 p. 100 qui sont forcés de travailler. Étant donné que 90 p. 100 des Canadiens de plus de 65 ans souffrent d'une maladie chronique et que tant de Canadiens sont forcés de travailler pour avoir un revenu, pour avoir des liquidités, parce que leurs pensions de retraite sont insuffisantes, quel effet cela peut-il avoir sur la santé de quelqu'un qui est forcé de travailler avec un problème de santé chronique?

  (1140)  

    Je ne suis pas sûre d'être qualifiée pour répondre à cette question. C'est une question à caractère tout à fait médical. Cela dépend très clairement de la situation particulière de la personne. Je ne suis donc pas sûre, en qualité d'agente de la santé publique, de pouvoir donner une réponse.
    Je ne sais pas si vous voulez essayer de répondre, monsieur Joanette.
    Je peux faire une brève remarque. Je ferai référence à mon collègue, M. Bédard, pour dire quelques mots de la diversité de l'accommodement.
    Les maladies chroniques peuvent être très variées. Il peut s'agir de maladies physiques dans le contexte d'un travail physique particulièrement exigeant. Il peut s'agir de problèmes cognitifs, c'est-à-dire d'une personne moins apte à prêter attention dans un emploi exigeant beaucoup d'attention parce qu'il faut être concentré sur un écran d'ordinateur, ou le contraire si la personne a un petit problème physique et a toute son attention.
    C'est très complexe mais il est certainement très vrai qu'aller travailler représente une source de stress, et nous savons que le stress n'est généralement pas bon. Cela pourrait donc avoir un impact. Toutefois, nous aimerions pouvoir vous fournir des données précises sur ces relations, et c'est pourquoi nous avons besoin de mener des études. Mais votre question va dans le bon sens: vous devriez être chercheur.
    Si vous voulez ajouter un mot, monsieur Bédard, allez-y.
    J'aimerais juste ajouter qu'il y a eu des initiatives dans certains milieux de travail où des solutions relativement simples ont été mises en place pour atténuer ou alléger le facteur négatif du stress associé au travail. Par exemple, il y a des mesures d'ergonomie simples pour atténuer la douleur physique, ce qui rend le travail plus facile. Il y a un certain nombre de ces initiatives, sous forme de projets pilotes, qui ont ensuite été mises en oeuvre de manière plus générale dans de grandes entreprises et ont permis aux travailleurs de prendre plus facilement la décision de travailler plus longtemps.
    Monsieur Joanette, j'ai une autre question pour vous. Dans votre réponse, vous avez parlé de données probantes concernant l'impact du stress sur les personnes qui souffrent déjà de problèmes de santé chroniques. Ces données probantes proviennent-elles de l'étude que vous avez mentionnée dans votre déclaration liminaire, celle comprenant 11 universités différentes et 160 chercheurs?
    Ce à quoi je faisais référence étais déjà connu, disons, sous forme de relation unique. L'étude dont j'ai parlé est l'une des quelques grandes études consacrées à tous ces facteurs pris ensemble.
    Mais les IRSC appuient déjà des chercheurs dans ce pays. Par exemple, la docteure Sonia Lupien, de Montréal, mène des recherches sur le stress et le travail et a diffusé sa recherche aux parties prenantes, à l'industrie et à des petites entreprises, et cette relation entre le stress et le travail a déjà été étudiée.
    Faites-vous du suivi par profession? J'ai une question plus précise que ça.
    Votre temps de parole est presque terminé.
    Les gens qui travaillent dans des industries stressantes sur le plan physique, comme la construction, et qui, en atteignant l'âge de la retraite, disent qu’ils sont forcés de travailler sont-ils aussi forcés de faire du travail manuel? Sont-ils même capables de le faire considérant qu'ils ont toute une vie d'activité ayant fortement mis leur corps à contribution?

  (1145)  

    Vous pouvez répondre brièvement.
    C'est exactement le genre de questions qu'on étudiera dans la grande étude reliant le type de travail, l'environnement — urbain ou rural — et le sexe. Tous ces aspects devront être pris en considération. Pour l'heure, malheureusement, nous n'avons pas d'étude multidimensionnelle ayant porté sur tous ces aspects ensemble. Nous avons des informations ponctuelles, ici ou là, et nous soupçonnons qu'il existe des relations comme celle que vous mentionnez. Nous avons besoin de ces informations, et nous les aurons bientôt.
    C'est maintenant au tour de M. Daniel.
    Allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Ce que sous-entend cette discussion, c'est que, dès qu'on atteint l'âge de 55 ans, on attrape toutes sortes de maladies chroniques. Pouvez-vous me dire si des recherches ont été faites sur le nombre de personnes qui ont déjà ces maladies quand elles entrent dans ce groupe d'âge? Certaines de ces maladies ne sont pas très difficiles à maîtriser, étant donné qu'il existe de bons remèdes, comme pour le diabète. Le diabète est énorme au Canada. Je suis sûr qu'il y a beaucoup de gens entrant dans ce groupe d'âge qui ont déjà le diabète de type 2 comme moi.
    Je réponds brièvement à votre question. Vous avez raison de dire que certains des échanges dans cette discussion pourraient faire croire que quelque chose arrive soudainement à un certain moment, alors que c'est bien sûr un facteur de tout le parcours de vie.
    Le vieillissement commence à la naissance, en réalité, et il y a une différence entre être vieux et vieillir. Nous nous préparons un vieillissement actif même lorsque nous sommes enfants. Par exemple, si nous subissons des commotions en jouant au hockey, cela pourrait être associé plus tard à une susceptibilité accrue à la maladie d’Alzheimer.
     Vous avez raison, ces chiffres n'étaient que des instantanés des personnes de 55 ans, 65 ans et 85 ans, mais c'est une perspective longue, durant toute la vie.
    xxxEn restant sur le même sujet, nous avons fait beaucoup d'études et nous pouvons voir beaucoup du bon travail que vous et les chercheurs avez fait sur les gens dans la population active et sur comment ils entrent dans la population active, etc. A-t-on fait des études sur les gens qui atteignent ces groupes d'âge et décident volontairement de ne pas travailler, et a-t-on comparé leur mode de vie et leurs problèmes de santé à ceux des personnes qui ont réellement un objectif dans la vie et entrent dans la population active, qui ont en fait du plaisir à se lever le matin pour aller faire quelque chose?
    Puis-je simplement dire que l'étude longitudinale canadienne sur le vieillissement va précisément répondre à cette question. Nous ne choisissons pas des gens qui travaillent. En fait, nous ne choisissons pas du tout. C'est basé sur la population. Certains d'entre vous avez peut-être déjà reçu un appel téléphonique pour participer à l'étude. Les participants sont choisis au hasard.
    Comme il y aura 50 000 personnes, nous nous retrouverons avec un certain nombre de personnes qui ont décidé exactement ce que vous décrivez. Comme toutes les mesures qui sont prises dans cette étude suivent les gens pendant trois ans, en les invitant à venir dans des centres de collecte de données pour une prise de sang, pour mesurer leur prise manuelle, examiner leur santé physique, leurs os, etc., c'est comme ça que nous saurons s'il y a quelque chose de différent ici.
    Vous avez totalement raison de dire que c'est une question importante à laquelle il faut répondre.
    Quelqu'un d'autre?
     Allez y, monsieur Daniel.
    Sur le même sujet, pensez-vous qu'il y a des initiatives supplémentaires non monétaires que nous pourrions prendre, comme gouvernement fédéral, afin de faire face aux obstacles existants que rencontrent les gens de la catégorie des personnes plus âgées, si je peux dire — des choses que le gouvernement pourrait faire et qui rendraient la vie réellement plus facile aux gens qui désirent trouver du travail, que ce soit à temps plein, à temps partiel ou autrement?
    Je pense qu'il y a un certain nombre d'initiatives que nous prenons déjà dans ce domaine, car ce qui a une très grande incidence sur la santé, bien sûr, c'est une alimentation saine, de l'exercice physique, et certaines des mesures globales dont nous nous occupons déjà dans nos guides d'alimentation et nos programmes d'activité physique, dont nous faisons la promotion à la fois pour les personnes âgées et pour les familles et les jeunes enfants aussi.
    Je pense que nous avons déjà fait des investissements précis dans des stratégies pour des maladies particulières, comme la stratégie de contrôle du cancer, le partenariat contre le cancer, la stratégie canadienne du diabète. On a donc déjà fait beaucoup de travail pour trouver des méthodes destinées à aider les Canadiens à rester en bonne santé, de manière générale, par la santé publique. Bien sûr, l'autre aspect de ce problème est le système de soins de santé, qui fonctionne aussi pour garder les gens au travail.

  (1150)  

    J'ajoute simplement qu'on ne doit jamais oublier non plus l'environnement bâti. C'est très important car il détermine dans une certaine mesure l'aptitude à maintenir la mobilité et avoir accès au travail.
     Le Canada a de bons résultats à ce chapitre. L'Organisation mondiale de la Santé reconnaît le leadership du Canada en matière de collectivités-amies des personnes âgées, mais nous avons encore du travail à faire et plus de choses à mettre en oeuvre. Je pense par exemple que la Société canadienne d'hypothèques et de logement pourrait agir par le truchement des codes de la construction pour faciliter cela.
    Merci, monsieur Daniel.
     Un mot, monsieur Bédard?
    Oui, s'il vous plaît.
    Comme je l'ai dit en réponse à une autre question, il y a aussi la question de la formation professionnelle dans le milieu de travail, et aussi l'occasion pour les travailleurs chevronnés de transférer leur savoir comme experts dans le milieu de travail.
    Évidemment, s'ils sont congédiés ou si l'usine ferme ses portes, cette expertise risque de ne plus avoir de valeur, mais il y a beaucoup de possibilités d'exploitation de ce potentiel par la formation professionnelle. Beaucoup sont prêts à aller plus loin, que ce soit par motivation personnelle ou financière…
    Sur ce, nous passons à M. Cuzner.
    Vous avez la parole, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je vais faire dévier un tout petit peu la conversation mais en maintenant le lien avec une chose que Mme Gillis a partagée avec nous, parce que je respecte l'expertise des témoins que nous avons aujourd'hui.
    Malgré tous les défis que nous avons à relever aujourd'hui, vous avez dit que vous tentez de parler aux jeunes, et que c'est là que vous aurez réellement un impact notable sur les questions de santé, l'obésité étant l'éléphant dans le salon, mais c'en est un gros, et nous le comprenons certainement.
     Il existe beaucoup de données probantes à ce sujet. C'est toujours un choc pour moi d'ouvrir un journal et de voir une classe d'enfants du secondaire dont trois sur cinq se battent avec un problème de poids, et ce sont surtout des filles. Ce sont surtout les filles.
     Pensez-vous que les défis auxquels vous vous attaquez maintenant ne pourront qu'empirer avec le temps?
    C’est difficile à dire. Je suppose que les études le confirmeront ou ne le confirmeront pas.
    Je pense que nous savons tous maintenant qu'il est très important d'agir ensemble face au problème de l'obésité, par exemple, et vous avez évidemment établi correctement le lien avec les maladies chroniques. Comme nous le savons, il y a des liens entre les deux.
    On fait actuellement beaucoup de travail à ce sujet, sur toute la durée de la vie. Je parlais tout à l'heure de choses qui se font sur l'exercice physique. Les provinces et le gouvernement fédéral sont convenus d'oeuvrer ensemble sur la promotion de la santé précisément pour les raisons mêmes que vous avez soulevées, c'est-à-dire que tous les paliers de gouvernement se doivent de chercher comment nous pouvons aider les Canadiens à être en meilleure santé, et le problème croissant de l'obésité est un exemple des raisons pour lesquelles nous devons le faire.
     Il y a donc du travail qui se fait en ce moment pour chercher comment mener des interventions sur la question de l'obésité, évidemment à l'Agence de la santé publique du Canada mais en réalité aux trois paliers de gouvernement.
    Un bon exemple est celui que vous avez mentionné, monsieur Joanette, c'est-à-dire le mouvement des villes amies des personnes âgées, sur lequel le Canada a travaillé avec l'OMS et qui est maintenant dans neuf de nos provinces la base du vieillissement actif. On examine toutes sortes de questions sur la manière de maintenir les gens actifs, mais aussi de s'assurer qu'il y a dans nos collectivités les infrastructures voulues pour que les personnes âgées puissent rester actives, par exemple.
    Mais vous dites qu'il y a à votre avis suffisamment de recherche en cours sur les questions qui nous aideront à tracer la marche à suivre.
    Oui, je pense qu'il y a beaucoup de recherche en cours. En outre, je pense qu'il y a aussi des activités qui sont déployées pour essayer de faire en sorte que cela se passe dans tous nos gouvernements.

  (1155)  

    Oui. Il serait bon de mesurer si nous avons du succès ou non avec certaines de ces recherches.
     Monsieur Joanette.
    Je comprends parfaitement votre remarque car, après des décennies et des siècles d'allongement de l'espérance de vie sur la planète, certains experts disent que, dans certains domaines, nous allons probablement vers ce qui pourrait être un plateau, voire une diminution, une réduction de l'espérance de vie, à cause d'une mauvaise gestion des conditions de vie dans l'enfance. Voilà pourquoi aux IRSC, l'Institut du vieillissement s'associe à l'Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents.
    Je suis désolé de mentionner à nouveau l'étude longitudinale canadienne sur le vieillissement mais c'est un outil important pour nous informer. Nous avons même des discussions sur la possibilité d'ajouter un aspect intergénérationnel à l'étude de façon à examiner exactement les tout premiers déterminants des maladies et de la santé. Cela met l'accent sur le fait que c'est une démarche devant couvrir toute la vie. On ne commence pas à gérer sa santé et son vieillissement à 65 ans plus un jour. On commence dans l'enfance.
    Oui.
    Cela dit, avec les recherches en cours, vous travaillez avec un certain nombre de parties prenantes sur divers projets. Est-ce que vous financez effectivement les recherches?
    Les IRSC sont le principal organisme de financement de tous les chercheurs canadiens dans les universités et les centres de recherche de tout le Canada.
    D'accord. Bien.
    C'est là que les chercheurs trouvent leur appui financier, et c'est à cela que sert l'investissement d'un milliard de dollars, plus ou moins, c'est-à-dire à réaliser des projets de recherche lancés par des chercheurs ou des projets de recherche où nous donnons certaines indications parce que nous croyons percevoir un besoin, comme celui que vous exprimez aujourd'hui.
    Merci, monsieur Cuzner, votre temps de parole est écoulé.
    Je remercie les témoins d'avoir partagé avec nous le fruit de leurs réflexions et leurs suggestions. Il y a certainement des choses complexes que d'autres études permettront d'analyser. Merci beaucoup.
    Je suspends la séance cinq minutes pour permettre aux témoins suivants de prendre place.

  (1155)  


  (1205)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Je constate que nous n'avons pas la liaison vidéo. Elle était là il y a un instant et c'est probablement un simple problème technique qu'on va essayer de régler.
    Nous accueillons maintenant le professeur Ali Béjaoui, de l'Université du Québec en Outaouais. Nous avons hâte de vous entendre, monsieur. Nous entendrons ensuite le professeur Chaykowski, de l'Université Queen’s, et nous attendons d'établir la connexion avec le Council of Senior Citizens Organizations of British Columbia.
     Nous allons donc commencer avec votre exposé, et nous entendrons ensuite notre témoin de la Colombie-Britannique quand la liaison aura été établie.
    Je ne sais pas qui veut commencer.
    Allez-y.

[Français]

    Bonjour à tous. Je vous remercie beaucoup de cette invitation.
     Je suis désolé, mais je n'ai pas préparé de présentation. Je vais donc essayer, pendant 10 minutes, de présenter un résumé des recherches sur le vieillissement de la population que j'ai menées au cours des 10 dernières années. Je vais peut-être vous laisser plus de temps pour les questions.
    J'ai commencé en 2004 à travailler sur la question du vieillissement. J'ai travaillé à la Direction des politiques stratégiques et de la recherche du Bureau du Conseil privé. J'ai pris part à l'élaboration des recommandations de l'OCDE. En 2006, j'ai entrepris un autre projet sur la flexibilité du marché du travail et j'ai jumelé les deux projets. Un rapport a été publié au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, le CIRANO. J'essaierai donc de vous résumer les résultats de ce rapport.
    Lorsque j'ai commencé à travailler sur le vieillissement de la population, ce phénomène comportait trois dimensions. J'essaierai brièvement de clarifier quel a été mon apport aux projets de recherche sur le vieillissement.
     La dimension la plus connue du vieillissement de la population est celle de la baisse du taux de natalité jumelée avec l'augmentation de l'espérance de vie, ce qui fait augmenter le taux de dépendance. En effet, de moins en moins de personnes vont devoir soutenir de plus en plus de personnes âgées. Cette dimension est celle qui a attiré le plus d'attention, en raison des répercussions sur les dépenses en santé et sur la viabilité des régimes de pension.
     Une autre dimension du vieillissement, que l'on attend depuis des années, est le départ massif des baby-boomers du marché du travail. Cela fait ressortir la question de la pénurie de main-d'oeuvre que ces départs massifs peuvent entraîner. Il y a des questions sur la formation, la mobilité et la manière d'attirer ces travailleurs âgés.
    Dans tout ce débat, la dimension qui a soulevé le moins d'attention, et sur laquelle je me suis penché, est la réaction des employeurs. On a pu analyser la question de l'offre grâce à la disponibilité des données. On a demandé aux travailleurs âgés ce qui pourrait les amener à rester plus longtemps. On a répondu qu'il s'agissait des conditions de travail et de la flexibilité des heures de travail. La question de l'offre, autrement dit ce qui peut retenir les travailleurs âgés, a été traitée de façon assez sérieuse.
    En ce qui a trait à la question de l'employeur, dans l'optique d'enlever les barrières pour que les personnes restent plus longtemps, il faut que les employeurs s'engagent eux aussi et mettent en place des pratiques qui favorisent la rétention de travailleurs âgés.
    J'ai regardé la dimension la moins étudiée, ce qu'on appelle l'augmentation de l'âge moyen de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas seulement lié au vieillissement. La population est maintenant de plus en plus scolarisée. Elle commence à travailler plus tard. Par conséquent, elle va rester plus tard. Certains immigrants entreprennent leur carrière plus tard et vont donc finir plus tard, tout cela dans un secteur de services qui favorise la rétention. C'est ce qui fait que l'âge moyen des effectifs dans les entreprises a augmenté. Qu'arrive-t-il? Cela produit une pyramide ou un déséquilibre de la structure démographique des effectifs des entreprises. Cela veut dire qu'il y a de plus en plus de travailleurs âgés. Cela va avoir des conséquences sur la masse salariale et sur les coûts pour les employeurs.
    En utilisant des données qui apparient des employeurs et des employés, j'ai essayé de voir comment les entreprises réagissaient à cette structure démographique de leurs employés. S'il y a de plus en plus de travailleurs âgés, comment les entreprises réagissent-elles? Les entreprises réagissent de deux façons.
     Tout d'abord, les entreprises peuvent recourir à une forme de rémunération variable, à une certaine flexibilité des salaires, qu'il s'agisse de bonis individuels ou de bonis liés au rendement de l'équipe, tout cela pour éviter un peu les pratiques des rémunérations basées sur l'ancienneté. C'est une forme de flexibilité que les entreprises essaient d'instaurer pour gérer leur masse salariale.
     Un autre mécanisme est de recourir aux travailleurs à temps partiel, aux travailleurs temporaires et aux travailleurs autonomes. C'est une autre forme de flexibilité, appelée flexibilité numérique, qui permet aussi de réduire la masse salariale.

  (1210)  

    À première vue, on se rend compte que plus la proportion des travailleurs âgés est élevée dans une entreprise, plus le recours aux travailleurs à temps partiel est substantiel. On peut se dire que le travail à temps partiel ne constitue pas un problème puisque, d'une part, il permet à l'entreprise de s'ajuster face à un contexte turbulent et que, d'autre part, ça permet aux travailleurs âgés de combiner travail et retraite progressive, aux jeunes de combiner travail et études, et aux femmes de combiner travail et responsabilités familiales. On peut donc penser que la flexibilité n'est pas un mal en soi et que cela permet de satisfaire des besoins de la main-d'oeuvre et des besoins de l'employeur.
     Cependant, quand on considère cela dans une perspective de parcours de vie, à long terme, cette flexibilité peut influer sur l'accès à la formation, sur l'accès aux avantages sociaux et sur l'accumulation des fonds de pension. En ce sens, cette flexibilité peut avoir des conséquences à long terme.
    J'en suis donc arrivé à la conclusion qu'on ne parle pas de la même flexibilité. En effet, les employeurs cherchent une flexibilité en recourant à une main-d'oeuvre de plus en plus flexible, celle des travailleurs à temps partiel, des travailleurs temporaires et des travailleurs autonomes. Toutefois, ce n'est pas la flexibilité que les travailleurs cherchent. Ils cherchent une flexibilité des horaires de travail et des conditions de travail. Comment concilier ces besoins? C'est là le défi des politiques publiques de main-d'oeuvre.
    L'expérience en Europe a montré que s'attaquer à cette flexibilité constitue une occasion non seulement pour les personnes âgées, mais aussi en général. Je vous donne un exemple. Les travailleurs âgés ont besoin de flexibilité, mais des jeunes demandent aussi de plus en plus cette flexibilité, tout comme les femmes. On ne parle plus tellement de flexibilité travail-famille, mais surtout de flexibilité travail-vie personnelle. Il faut s'attaquer beaucoup plus aux transitions sur le marché du travail. De plus, on veut savoir quel est l'effet de cette flexibilité sur l'exclusion du marché du travail.
    Prenons l'exemple de la transition de l'école au marché du travail. Si l'une des politiques vise à déterminer si les immigrants ont besoin de certaines qualifications pour s'intégrer au marché du travail, il faut voir quels sont les risques ou les obstacles. S'il s'agit du manque de qualifications, or nos diplômés aussi ont besoin de cette expérience sur le marché du travail pour réussir la transition au marché du travail. Le risque est donc associé au manque d'expérience sur le marché du travail.
    Si on veut une politique de retraite progressive pour permettre aux travailleurs âgés de rester, pourquoi ne pas avoir la même politique pour les personnes handicapées? Pourquoi ne pas entrevoir la retraite partielle de la même façon qu'on entrevoit un handicap partiel?
    Donc, s'attaquer aux risques plutôt qu'aux groupes est le défi actuel des politiques publiques.
     On était dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. C'est dans ce contexte qu'ont été instaurés tous nos programmes et toutes nos politiques. Pour ma part, j'essaie d'élever le débat. Les employeurs veulent garder les travailleurs. Ils ont mis en place des régimes de pension à prestations déterminées. Le principe d'ancienneté était en place pour garder cette main-d'oeuvre. La retraite obligatoire était instaurée et elle jouait un rôle aussi pour se débarrasser des employés dont le rendement était insatisfaisant. Maintenant, on élimine la retraite obligatoire pour permettre aux travailleurs qui le désirent de rester, mais les employeurs sont parfois pris avec certains travailleurs, il faut se l'avouer. Je parle à des représentants de chambres de commerce. On ne dit pas ces choses, mais on ne veut pas garder tous les travailleurs. De plus, qui va prendre la responsabilité de la formation?
    Le défi demeure de considérer cette notion de flexibilité, la demande de flexibilité et l'importance de la formation. Il s'agit de déterminer la façon d'aborder cette perspective dans un contexte plus général que celui du vieillissement de la population.
     Merci.

  (1215)  

    Merci beaucoup, monsieur Béjaoui.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Chaykowski.
    Une fois que vous aurez terminé votre déclaration liminaire, nous aurons une période de questions avec les membres du comité, et j'espère que nous pourrons entrer en communication par vidéoconférence avec la Colombie-Britannique.
    Allez-y.
     Mes remarques sont fondées sur le rapport fédéral de 2008 du groupe d'experts sur les travailleurs âgés, dont j'ai été le directeur de recherche, ainsi que sur mes propres recherches concernant les travailleurs âgés et les handicaps physiques. J'ai préparé un mémoire et je pense que je vais simplement le lire.
    J'espère pouvoir vous exposer ce qui est essentiellement une perspective du marché du travail et de la main-d'oeuvre sur la problématique des possibilités d'emploi des personnes âgées. La première question que je pose est celle-ci: pourquoi devrions-nous encourager les travailleurs âgés à rester dans la population active?
    Premièrement, du point de vue du marché du travail, le vieillissement de la population active se traduit par un taux de croissance déclinant de la population active. Cela peut évidemment déboucher sur une croissance réduite de la production économique totale, et peut même affecter la production par personne aussi. Le problème de l'offre de main-d'oeuvre peut également devenir important. Selon les meilleures estimations, l'immigration ne peut pas à elle seule contrer les effets du vieillissement de la population sur la population active, et il y a donc deux facteurs à prendre en considération. Premièrement, plus de travailleurs âgés peuvent être encouragés à participer à la population active, à tous les âges, sur une base continue. Deuxièmement, les travailleurs âgés peuvent être encouragés à travailler pendant un plus grand nombre d'années.
    Deuxièmement, d'un point de vue économique individuel, certains travailleurs âgés peuvent avoir besoin du revenu du travail, que ce soit comme source principale de revenu ou comme complément d'une pension de retraite.
    Troisièmement, d'un point de vue personnel ou social, les travailleurs âgés peuvent avoir envie de s'épanouir grâce un emploi enrichissant.
    J'aborde brièvement le contexte général du marché du travail pour les travailleurs âgés. Il est parfaitement clair que les milieux de travail et les marchés du travail de manière générale font l'objet de plusieurs pressions de longue durée qui sont particulièrement pertinentes pour les travailleurs âgés. D'abord et avant tout, bien sûr, il y a la mondialisation économique et tout ce qu'elle entraîne. Ce phénomène a exercé des pressions importantes sur certaines industries, causant des pertes d'emploi dans des secteurs tels que la forêt, le papier, des secteurs de la fabrication dans certaines industries primaires, et cela est particulièrement important dans les villes mono-industrielles. Il y a ensuite le changement technologique qui rend certaines compétences désuètes et impose un effort fondamental de recyclage et d'éducation. Cela exige aussi une mise à jour constante des compétences, puisque de nouvelles compétences deviennent nécessaires pour exercer le même emploi, et cela constitue un défi particulièrement pour les travailleurs âgés qui ont typiquement des niveaux d'éducation moins élevés.
    Je me tourne maintenant brièvement vers les caractéristiques du marché du travail pour les travailleurs âgés.
    Quelle est la situation des travailleurs âgés sur le marché du travail, étant bien entendu qu'elle change avec le temps et en fonction de la conjoncture économique? Tout d'abord, en ce qui concerne la configuration des emplois, les travailleurs âgés ont plus souvent tendance que les autres groupes à se trouver dans des emplois non standard, c'est-à-dire des emplois à temps partiel ou à contrat. Cela donne aux travailleurs âgés la souplesse nécessaire pour faire face à d'autres besoins, comme le désir d'avoir moins d'heures de travail chaque jour par préférence personnelle, pour n'avoir qu'un complément de revenu, ou pour tenir compte d'obligations familiales. Toutefois, il peut y en avoir qui occupent des emplois à temps partiel ou non standard parce qu'ils ne sont pas capables de trouver les emplois à temps plein qu'ils souhaitent.
     Deuxièmement, les taux d'emploi et les taux de participation des travailleurs âgés sont de loin les plus bas de toute la population active. Ils ont tendance à être inférieurs à 40 p. 100, contre environ 65 à 70 p. 100 pour l'ensemble de la population active.
    Troisièmement, en ce qui concerne l'expérience de chômage des travailleurs âgés, leur taux de chômage a tendance à être plus faible que le taux de chômage global mais, une fois qu'ils ont un emploi, leur période de chômage a tendance à être plus longue, et leur perte de gain par rapport au gain qu'ils avaient avant le chômage a tendance à être plus grande. Autrement dit, le nouvel emploi que trouve le travailleur âgé est typiquement moins bien rémunéré que l'emploi qu'il vient juste de perdre.
     Il y a aussi des différences importantes dans les taux de chômage des travailleurs âgés: un taux de chômage plus faible dans les régions urbaines par rapport aux régions rurales, et des différences marquées entre les régions, les taux baissant typiquement progressivement de l'est vers l'ouest.
    Finalement, j'aimerais aborder certains des obstacles à l'emploi des travailleurs âgés. Bon nombre de ceux-ci ont occupé un emploi dans des industries ou dans des secteurs à industrie unique qui sont en déclin, ou sont simplement confrontés à des situations de chômage de longue durée. Et les travailleurs âgés ont tendance à avoir moins d'éducation et moins de formation pointue, alors que les plus jeunes ont tendance à être mieux éduqués et mieux formés. Cela engendre plusieurs problèmes.

  (1220)  

    Tout d'abord, bon nombre de travailleurs âgés ont des compétences qui sont très spécifiques à leur emploi précédent ou à leur emploi à long terme, et ils peuvent avoir besoin d'un recyclage poussé dans les cas où leur objectif est de décrocher un emploi totalement nouveau.
    Deuxièmement, investir dans les travailleurs âgés, en termes de formation professionnelle et d'éducation, laisse une période raccourcie pour engranger un rendement de cet investissement, et le fait que beaucoup ont un niveau d'éducation plus bas dès le départ signifie que leur recyclage est encore plus difficile.
    Troisièmement, les travailleurs âgés peuvent être confrontés à un préjugé des employeurs qui croient tout simplement que les travailleurs plus jeunes apprennent mieux.
    Quatrièmement, en cherchant des emplois ailleurs, les coûts de déménagement peuvent être très élevés à cause des coûts de transfert du mobilier, des investissements communautaires, des liens familiaux, etc.
    Finalement, en ce qui concerne le vieillissement et l'invalidité, le pourcentage de Canadiens employés qui ont une invalidité passe d'un peu plus de 3 p. 100 pour le groupe des 20 à 24 ans à largement plus que 12 p. 100 pour le groupe des 60 à 64 ans. On peut donc prédire sans crainte de se tromper qu'une proportion croissante des travailleurs canadiens souffrira d'invalidité physique et voudra ou devra continuer à travailler, nonobstant cette invalidité.
    S'ils doivent travailler productivement et avec une égalité d'opportunité, bon nombre auront besoin que les employeurs conçoivent, adaptent et gèrent les lieux de travail de façon à leur permettre de surmonter leurs limitations physiques. Autrement dit, ils auront besoin d'accommodements.
    Durant nos propres recherches, nous avons constaté qu'une fraction non négligeable des personnes handicapées affirme qu'elle ne reçoit pas les accommodements dont elle a besoin pour pouvoir travailler, et travailler productivement. Les nombreux rapports d'employés concernant le manque d'accommodements concordent avec d'autres recherches établissant l'influence fréquemment négative des lacunes informationnelles, des stéréotypes, des incitations ou désincitations économiques pour accueillir ces travailleurs, de la résistance culturelle du milieu de travail, etc.
    Tous ces facteurs font ressortir la nécessité d'envisager une stratégie nationale coordonnée pour combler les lacunes en matière d'accommodements dans le milieu de travail. Cette démarche offre l'avantage d'offrir un degré de mesure universelle qui rehaussera l'accès à un accommodement efficace pour tous les employés dans tous les milieux de travail, tout en garantissant une opportunité minimale de désincitation économique en matière d'accommodement. Un programme universel dans ce domaine particulier pourrait prendre la forme, par exemple, d'un train de politiques fédérales-provinciales fortement coordonnées qui, prises ensemble, assurent une couverture relativement complète.
    En conclusion, j'aimerais mentionner plusieurs thèmes assez généraux concernant les travailleurs âgés.
    Premièrement, il convient d'admettre tout simplement que le gouvernement fédéral a un ou des rôles réels à jouer pour appuyer la participation et l'emploi des travailleurs âgés.
    Deuxièmement, des mesures de soutien actif pour le développement du capital humain, y compris d'éducation générale et de formation professionnelle spécifique, restent essentielles pour encourager un emploi valable aux personnes âgées. En outre, pour atteindre des résultats valables à grande échelle, un soutien à un certain niveau gouvernemental sera probablement requis.
    Troisièmement, le gouvernement fédéral devrait envisager, premièrement, de cibler ses politiques très soigneusement, notamment en ce qui concerne les obstacles particuliers des travailleurs âgés; deuxièmement, de continuer à examiner les programmes actuels pour veiller à minimiser la désincitation à la participation à la population active; et, troisièmement, de prendre la tête d'un mouvement d'encouragement des accommodements pour les travailleurs handicapés, problème qui deviendra de plus en plus important avec le vieillissement de la population active.
    Merci de votre attention.

  (1225)  

    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous passons à Mme Charlton.
    Vous avez la parole, madame.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Merci à vous deux de vos excellents exposés. Je regrette un peu de n'avoir que sept minutes pour continuer cette conversation.
    Je commence par une remarque d'ordre général. Il y a, aujourd'hui, 1,4 million de Canadiens sans emploi et, dans ma collectivité de Hamilton, le taux de chômage des jeunes est deux fois la moyenne nationale. Donc, quand on parle de la nécessité de conserver les travailleurs âgés, je pense qu'il y a des variations régionales importantes dans le développement de la main-d'oeuvre, notamment en ce qui concerne les pénuries de compétences. Je pense que vous en avez parlé tous les deux, de manières différentes.
    Monsieur Chaykowski, vous avez conclu votre exposé en disant que le gouvernement doit faire très attention à ne pas créer de facteurs de désincitation à la participation à la population active, mais je songe à ma belle-soeur qui est enseignante et sera admissible à la retraite en janvier. Elle voulait continuer à enseigner jusqu'en juin, pour terminer l'année scolaire, mais le conseil scolaire a plutôt décidé de lui verser une indemnité parce qu'il lui coûte moins cher d'engager des jeunes. Et, je le répète, il y a un nombre élevé de jeunes Canadiens qui cherchent du travail, ce qui est peut-être un problème régional.
     En ce qui concerne la rétention, je voudrais vous en parler directement, monsieur Béjaoui, parce que je pense vous avoir entendu dire que les pensions de retraite sont à la fois une carotte et un bâton pour la rétention.
    Dans certains lieux de travail, si l'on a un régime de pension à prestations définies, on peut fort bien décider de continuer à travailler afin de maximiser les prestations à la fin de la vie de travail. Par contre, si la politique du gouvernement est de relever l'âge d'admissibilité à la SV à 67 ans, par exemple, ce ne sera plus un choix pour beaucoup de gens de continuer à travailler. Ils y seront obligés. Donc, dans ce cas, la politique de retraite est un bâton plutôt qu'une carotte.
     Que pouvez-vous nous dire des pensions de retraite dans le contexte particulier de la rétention?

[Français]

    Lorsque j'ai parlé des pensions, j'ai fait référence à l'harmonie entre nos politiques, nos programmes et le marché du travail. Quand il y a eu une pénurie et qu'on a instauré les fonds de pension à prestations déterminées, c'était cohérent, car il était nécessaire de retenir les travailleurs dont on avait besoin. De plus, l'espérance de vie était de 69 ans. La période était limitée. Aujourd'hui, ces fonds de pension coûtent cher aux employeurs qui veulent retenir les travailleurs plus longtemps.
    C'était un outil de rétention, mais il n'en est plus un. Ainsi, on a vu l'apparition, par exemple, des fonds de pension à cotisations déterminées, qui sont plus populaires aujourd'hui. C'est un transfert du risque de l'employeur au travailleur.
    J'ai mentionné que les fonds de pension pouvaient être un outil de rétention, mais c'était dans un contexte où il y avait une retraite obligatoire à 65 ans et une espérance de vie de 69 ans. Cela a joué son rôle. Maintenant, cela coûte cher à l'employeur.

[Traduction]

    Veuillez m'excuser, je ne veux pas vous interrompre, mais j’ai quelques autres questions.
    Aucun de vous, quand vous avez parlé de travailleurs âgés, ne les avez définis. Comme je viens de Hamilton, je sais que nous avons beaucoup de travailleurs industriels, beaucoup de travailleurs du secteur de la fabrication, qui perdent leur emploi dans la cinquantaine. Nous considérons ces travailleurs comme des travailleurs âgés du point de vue des programmes d'adaptation du marché de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire du recyclage et de l'acquisition de compétences.
    Je pense toutefois qu'il y a une différence entre les travailleurs dans la cinquantaine et le début de la soixantaine et les travailleurs qui se voient peut-être comme étant au-delà de l'âge qui était autrefois l'âge normal de la retraite, 65 ans. Je me demande si vous pouvez nous parler de ce critère de l'âge en ce qui concerne vos exposés.
     Monsieur Chaykowski.

  (1230)  

    Oui, je peux bien commencer. Puis-je aussi répondre à la question que vous avez posée au sujet du chômage, car je pense que c'est extrêmement important?
    Mme Chris Charlton: Absolument.
    M. Richard Chaykowski: Je commence toutefois avec votre deuxième question. Il ne fait aucun doute que les caractéristiques et les défis des personnes qui ont 50 ans, 55 ans et 60 ans, et qui sont dans la population active sont bien différents de ceux des personnes de 70 ans. C'est toutefois l'une des raisons pour lesquelles j'ai aussi insisté sur la situation des personnes handicapées, car les gens acquièrent diverses limitations fonctionnelles avec l'âge.
    Je vais bientôt faire un nouvel examen de mes yeux. Je crois que je vais prendre des lentilles trifocales.
    C'est donc simplement la réalité de leur situation qui sera foncièrement différente.
    Du point de vue du marché du travail, je ne sais pas s'il est très productif d'essayer de tracer une ligne de démarcation infranchissable entre 55 ans et 65 ans, ou 65 ans et 75 ans. Nous sommes habitués à penser que 65 ans est une sorte de chiffre magique, mais je pense que tout cela est désormais très fluide et que nous devons oublier ces définitions car elles affectent vraiment la manière dont nous analysons les politiques que nous aimerions mettre en oeuvre. Certes, le problème est plus difficile quand on doit songer à la population active comme étant plus fluide du point de vue de l'âge et de la participation, mais je pense que c'est ce qu'il faut faire.
    Puis-je ajouter une très courte question?
    Oui, très courte.
    Est-il exact de dire qu'il est plus facile de travailler avec ce genre de fluidité dans certaines professions que dans d'autres?
    Absolument.
    Prenez le cas d'une personne de 60 ans qui a travaillé dans une aciérie et qui n'a peut-être plus la capacité physique de faire son travail. Dans notre profession, par contre, à la Chambre des communes, il y a bien des gens qui ont largement au-dessus de 65 ans. En fait, c'est probablement la norme.
    Des voix: Oh!
    Absolument.
    Une voix: J'ai une mairesse de 92 ans.
    Des voix: Oh!
    M. Richard Chaykowski: Je pense que la variable importante dans ce cas concerne les conditions de travail, qui ont eu une incidence profonde sur ce segment de la population active. Donc, je pense que c'est une remarque tout à fait valide: ça varie effectivement par profession, par industrie, etc.
    Merci de cet échange.
    J'ai noté, madame Charlton, votre analyse tout à fait subtile concernant la carotte et le bâton au début de cet échange. Je pense qu'on pourrait fort bien s'habituer, au bout d'un certain temps, à porter des lentilles trifocales.
    Des voix: Oh!
    C'est très encourageant pour moi car je m'inquiète un peu.
    Très bien. C'est maintenant au tour de M. Mayes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence devant le comité.
     Les témoins précédents ont parlé des problèmes de santé des travailleurs âgés. Notre comité s'est concentré sur la formation professionnelle et sur l'aide à accorder aux travailleurs âgés pour qu'ils puissent acquérir de nouvelles compétences afin de continuer à travailler.
    Voici cependant ce qui m'a semblé extrêmement intéressant. Si l'on se place du point de vue de l'employeur, y a-t-il des statistiques, par exemple, sur l'absentéisme ou les congés de maladie des travailleurs de plus de 55 ans, et peut-être ensuite de plus de 60 ans, puis de plus de 65 ans, ce qui nous permettrait de mieux saisir l'importance réelle de ce problème de santé? En outre, combien de travailleurs âgés ne sont pas recrutés non pas à cause d'un manque de compétence mais peut-être parce qu'ils ne sont pas en bonne santé, ou qu'ils ne sont physiquement pas aptes à conserver un emploi?
    Monsieur Chaykowski, vous êtes-vous penché sur cette question dans vos recherches?
    J'entame en fait une recherche avec une équipe qui va se pencher non pas sur les questions de santé de manière générale mais sur des questions particulières d'invalidité. Ce qu'on constate, c'est qu'il y a un certain nombre de travailleurs qui sont dans un certain sens exclus de l'emploi par préfiltrage à cause de leur état de santé. En règle générale, c'est à cause de ce que nous appellerions une invalidité du point de vue de son incidence potentielle sur leur aptitude à faire le travail, ou de son incidence apparente sur cette aptitude. S'ils obtiennent l'emploi, la question qui se pose est de savoir dans quelle mesure l'employeur fera des accommodements pour tenir compte de leur invalidité. S'il ne fait pas d’accommodements, cela peut avoir une incidence directe sur le rendement de la personne et sur d'éventuelles promotions, des possibilités de formation professionnelle, voire la possibilité d'accéder à un autre emploi.
    Comme je ne suis pas un expert sur la question générale de la santé mais que je me suis penché sur les questions d'invalidité, je pense que c'est un facteur extrêmement important. Nous sommes en plein milieu du vieillissement de la population et de la main-d'oeuvre. Comme la main-d'oeuvre comprendra de plus en plus de personnes âgées, tous ces problèmes vont s'accentuer. Il est donc grand temps de réfléchir sérieusement à ces questions.

  (1235)  

    Monsieur Béjaoui.

[Français]

    J'aimerais ajouter une chose. Je n'ai pas travaillé sur le phénomène du handicap en tant que tel, mais une des recommandations de l'OCDE était d'abord de changer les perceptions de la population relativement au fait que les travailleurs âgés s'absentent plus et sont plus malades. C'est une des recommandations, mais on ne fait pas grand-chose concrètement relativement à cette discrimination basée sur l'âge ou sur la santé dans les pratiques de recrutement. Il faut pourtant le faire si on veut changer la perception de la population. Certaines études réalisées ailleurs montrent que le fait que les travailleurs âgés s'absentent plus ou soient plus malades est un mythe. Toutefois, ces études sont concentrées dans certains secteurs. C'est un domaine qu'il faut explorer pour changer les perceptions non seulement de la population, mais des employeurs aussi.

[Traduction]

    Merci.
    Cela s'explique peut-être en partie par le fait que ce sont les travailleurs âgés en bonne santé qui sont recrutés, ce qui produit de meilleurs résultats. Il faut en tenir compte quand on se demande qui doit être engagé et quel est son niveau de forme physique. C'est important.
     Dans vos études, avez-vous constaté des pratiques différentes dans d'autres pays? Certains pays ont des modèles qui nous semblent intrigants du point de vue des politiques, et du point de vue des employeurs qui souhaitent inclure des travailleurs âgés dans leurs effectifs.
    Tout d'abord, pour les travailleurs âgés, c'est une question de modulation du départ à la retraite. Au Québec, nous voyons des gens qui font cela en même temps. Au palier fédéral, nous avons modifié la Loi de l'impôt sur le revenu pour permettre aux gens d'accumuler leur pension de retraite tout en continuant de travailler. C'est une chose que nous avions recommandée en 2004, et ça marche bien. L'idée d'avoir cette politique ciblée pourrait être perçue comme étant discriminatoire parce que

[Français]

    Cela peut être perçu comme discriminatoire. L'OCDE se demande pourquoi, puisque la flexibilité est souhaitée par beaucoup de groupes, on ne considère pas la question comme un handicap partiel. Pourquoi faudrait-il être handicapé ou non handicapé pour y avoir droit ou non? Pourquoi ne pas penser à cette notion de flexibilité et l'appliquer autant aux travailleurs handicapés qu'aux travailleurs âgés? De cette façon, on ne vise pas seulement cette population en particulier que constituent les travailleurs âgés.
     La même notion, plus ou moins, s'applique à la formation. Cela reste un débat. Prenons l'exemple des pays nordiques. Ils ont réussi à lier l'assurance-emploi à l'accès à la formation. Or, ces pays ont un système de relations industrielles centralisé où l'employeur, le gouvernement et le syndicat sont à la même table pour négocier. Les politiques et les expériences sont là. On en a beaucoup à apprendre de ces pays, sur le plan des politiques. Cependant, il faut avoir une certaine volonté de revoir les politiques.
     Je vais m'arrêter ici.

[Traduction]

    Merci de cet échange. C'est certainement une bonne chose d'avoir tout le monde autour de la table quand on formule les politiques ou qu'on parle de cette question.
    C'est maintenant au tour de M. Boulerice.
    Allez-y.
    Je partage votre dernier commentaire. C'est bien.
    Y a-t-il d'autres choses sur lesquelles nous pourrions être d'accord?
    Des voix: Oh!
    Le président: Nous venons tout juste de commencer et nous verrons comment ça finit. Essayons de terminer sur la même note.

  (1240)  

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup à nos deux témoins. Leurs présentations étaient très intéressantes.
    Je voudrais commencer par émettre un bref commentaire, qui m'amènera à une question. Comme on le dit en bon français, je vais faire du pouce avec ce que Mme Charlton a dit plus tôt. Parfois, j'ai l'impression qu'on compare des pommes et des oranges.
    Le phénomène du vieillissement de la population et du maintien en emploi des travailleurs âgés est une vaste question. Cependant, elle couvre des réalités fort différentes. Pour un professionnel, par exemple un notaire, une avocate ou une chimiste, il est assez facile d'envisager de travailler jusqu'à 70 ou 75 ans sans problème. Si vous êtes astrophysicien et que vous vous appelez Hubert Reeves, vous pouvez même travailler jusqu'à 178 ans, semble-t-il. Toutefois, si vous êtes éboueur, travailleur d'usine dans une chaîne de montage, travailleur de la construction ou caissière à l'épicerie en position debout toute la journée, c'est une autre paire de manches.
    Par ailleurs, 70 % des travailleurs canadiens n'ont pas de régime complémentaire de retraite. Cela veut dire que la plupart d'entre eux misent uniquement sur les régimes publics, en particulier sur la Sécurité de la vieillesse. Je suis favorable à ce que les gens puissent continuer à travailler plus longtemps, mais ne pensez-vous pas que cela devrait être le choix des travailleurs ou des travailleuses? Ne croyez-vous pas que cela devrait demeurer des occasions à saisir et que les travailleurs ne devraient pas être forcés de travailler plus longtemps uniquement pour des raisons financières, notamment parce qu'autrement ils ne pourraient plus acheter de nourriture?
    Je peux répondre à votre question.
    À partir de 2004, il y avait un choix. En effet, les recommandations de l'OCDE, que ce soit pour le Canada ou pour d'autres pays, comprenaient deux approches: la carotte et le bâton. Le bâton consiste à forcer les travailleurs âgés à rester plus longtemps en changeant l'âge obligatoire de la retraite. La carotte consiste à enlever les barrières. On a emprunté cette voie selon laquelle il faut enlever les barrières, abolir la retraite obligatoire et permettre aux travailleurs de combiner travail et retraite.
     Cependant, il y a toujours un manque d'appariement entre les emplois qui existent et les retraites. Comme vous le dites, il y a des emplois. Or, on ne s'inquiète pas, car si on enlève les barrières dans une économie de services de professionnels, ceux-ci resteront plus longtemps.
    Pour les secteurs où les emplois sont éliminés ou détruits, comment peut-on s'assurer qu'il y a ce flux de main-d'oeuvre si aucune politique ne les accompagne sur le plan de la mise à jour des compétences et de la mobilité? Ce problème lié à la fluidité du marché demeure. Encore une fois, qui fera quoi et de quelle manière? Qui définira les compétences nécessaires? Où sont les emplois demandés? Où sont les emplois éliminés? Comment assurer cela? Il y a un rôle à jouer, je suis d'accord avec vous. Ce rôle doit venir avec l'approche du choix.
    Monsieur Chaykowski, avez-vous un commentaire à formuler?

[Traduction]

    Oui, merci.
    Si l'on remonte 5 ou 10 ans en arrière, quand des gens comme David Foot ont commencé à évoquer l'énormité du défi démographique et de ses conséquences sur la population active, je pense qu'un des principaux facteurs de motivation concernant l'effet du vieillissement d'un point de vue économique était le ralentissement de la croissance de la population active, qui ralentirait aussi la croissance économique.
     C'est un effet distinct de ce qu'on a mentionné plus tôt, la question des poches de chômage élevé, d'un taux de chômage global de plus de 7 p. 100, qui s'ajoute au problème démographique. Au niveau individuel, il y a juste la question du choix du travailleur âgé, c'est-à-dire du fait que la personne de 69 ans veut continuer à travailler parce qu'elle se sent en assez bonne santé, souhaite compléter sa pension de retraite ou ne veut tout simplement pas rester assise à la maison. C'est là une question de choix personnel.
    Il y a tous ces éléments distincts à prendre en considération, je pense. Ils interviennent tous dans les décisions, pas toujours dans le même sens mais tous en même temps.
    Je n'ai jamais vraiment attaché autant de valeur que d'autres au ralentissement global de la croissance de la population active, pour deux raisons. Premièrement, je crois beaucoup plus à la capacité des employeurs à remplacer la main-d'oeuvre par du capital, c'est-à-dire au changement technologique. Nous connaissons tous de nombreux exemples de réduction importante de la main-d'oeuvre. Les employeurs feront les changements nécessaires à leur main-d'oeuvre et apporteront les modifications indispensables. Cela dit, ça ne veut pas dire que le ralentissement de la population active n'a aucun effet macro-économique, mais simplement que les employeurs individuels me semblent tout à fait capables de s'adapter et que cela m'inquiète donc moins.
    Deuxièmement, ce que nous constatons aujourd'hui à un niveau plus micro-économique, et c'est ce qui complique parfois l'analyse, c'est l'idée que nous avons des goulots d'étranglement en matière de compétences. Nous avons des poches à Hamilton et dans d'autres régions de l'Est canadien ou même de l'Ouest canadien. Dans certaines professions et certains métiers en Alberta, il y a une très forte demande, ou des taux de chômage élevés, selon la situation. Ces goulots d'étranglement sont un problème permanent. Nous avons un taux de chômage relativement élevé. Cela ne change rien au fait que nous devons nous intéresser aux besoins des travailleurs âgés dans la population active.
    Il y a une autre complication, qui est le pari que nous sommes entrés dans une période prolongée de faible croissance économique. Cela pourrait se traduire par une période prolongée de chômage relativement élevé par rapport à la fin des années 90 ou aux années 2000, disons. Cela dit, ça ne change encore une fois rien au fait que nous devons répondre aux besoins des travailleurs âgés dans la population active.
    Tous ces divers facteurs entrent en jeu, du niveau macro-économique au niveau micro-économique, et ils compliquent parfois l'analyse parce qu'ils ne semblent pas agir tous dans le même sens. Je serai très précis pour finir: dire simplement que nous avons un taux de chômage élevé ne signifie pas nécessairement que nous ne devrions pas essayer d'attirer les travailleurs âgés dans la population active pendant plus longtemps, accroître leur taux de participation ou les encourager à poursuivre plus longtemps leur carrière. Ces choses-là ne s'excluent pas mutuellement.
    Une dernière remarque: je ne recommanderais pas l'adoption de politiques publiques généralisées ou globales. Je pense qu'il est extrêmement important d'identifier le dysfonctionnement du marché du travail et de formuler ensuite une politique adaptée à ce dysfonctionnement plutôt qu'une politique de portée très générale.

  (1245)  

    Merci beaucoup, monsieur Chaykowski.
    C'est maintenant au tour de M. McColeman.
     Vous avez la parole, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins. Cette discussion est très intéressante et j'apprécie beaucoup ce que j'appellerais votre franchise et votre analyse très factuelle.
    Comme Mme  Charlton, je viens d'une collectivité où, à la fin des années 1980 ou au début des années 1990, nous avions un taux de chômage de 30 p. 100 à cause de la disparition d'une entreprise de fabrication de machines agricoles. Si l'on devait tirer une leçon de ce qui s'est passé depuis, parce que nous sommes maintenant en dessous de la moyenne nationale — nous sommes à environ 7,1 p. 100, je pense, selon les dernières statistiques —, c'est que les gens sont très capables de s'adapter, quel que soit leur âge.
    Je l'ai constaté dans ma collectivité, surtout avec ce que beaucoup de gens appelleraient — et cela n'a rien de dérogatoire — la ville de cols bleus que nous étions et que nous sommes encore, à bien des égards. Il y a encore beaucoup d'industrie de fabrication, mais cette adaptabilité et votre discussion, monsieur Chaykowski, sur la fluidité, me plaisent beaucoup.
     Je m'arrête vraiment à ce mot car repenser les paradigmes, repenser les choses qui ont été les normes sociales, est vraiment important, je pense, pour faire avancer la santé des Canadiens, la santé de tous les travailleurs, et les opportunités qui existent. Très franchement, comme j'ai été entrepreneur et homme d'affaires durant toute ma vie, je pense qu'une grosse part de responsabilité revient aux employeurs. Je le pense vraiment.
     Je pense que nous devons les amener à repenser. Je pense que nous devons les amener à repenser aux personnes handicapées, ce qui a été l'une de mes grandes passions. En outre, évidemment, il y a les travailleurs âgés qui entrent dans cette même catégorie de double catégorisation — âgés et invalidités —, mais je pense qu'il incombe aux gouvernements et à nous-mêmes de savoir que, quand nous intervenons, nous intervenons à un niveau stratégique qui sera pragmatique et qui fonctionnera, qui touchera à l'essence de la main à la pâte et qui marchera.
    L'une des initiatives que nous avons lancées et que nous mettons en oeuvre en ce moment même est la subvention canadienne pour l'emploi. Elle offre des possibilités aux employeurs. Elle offre une aide gouvernementale quel que soit l'âge, qu'on soit invalide ou non. Quelle que soit la situation, elle offre des possibilités, sans aucun préjugé. Je pense que vous allez voir les employeurs intervenir sur certains de ces fronts. Je ne dis pas que c'est la panacée. C'est peut-être simplement le point de départ. Comme toujours, il y aura des partisans et des détracteurs, mais ce genre de choses…
    Dans votre déclaration liminaire, monsieur Béjaoui, votre conclusion portait sur la lutte pour les politiques publiques. Vous avez dit qu'il y a cette lutte pour de bonnes politiques publiques sur ces questions, et c'est ce que j'essaye de saisir.
    Je vous demanderai peut-être à vous, monsieur Chaykowski, de nous en dire un peu plus sur ce plan directeur pour la fluidité. Comment les gouvernements incorporent-ils ça dans ce qui est traditionnellement la pensée idéologique du gouvernement et de l'opposition et le feu du débat politique? Comment fonctionne la fluidité dans tout ça?

  (1250)  

    J'aimerais bien avoir la réponse à la question. Voici cependant quelques remarques qui vous aideront peut-être. J'ai une formation d'économiste et nous, les économistes, croyons au pouvoir et à la pertinence des solutions fondées sur le marché.
    Je pense cependant qu'il est tout aussi important d'admettre que les marchés sont imparfaits — première chose — et que certains sont défaillants. Voilà pourquoi je ne cesse de dire qu'il faut essayer de comprendre ce qu'est la défaillance du marché. C'est quoi que le marché ne fait pas? C'est généralement ce qui motive ou justifie l'intervention gouvernementale au moyen d'une politique.
    L'autre chose est qu'il n'existe pas de libres marchés. Nous aimerions peut-être voir des marchés libres mais nous n'en avons pas. Nous avons dans certains cas ce qui se rapproche de marchés libres si vous allez sur la place votre village pour acheter vos légumes et négocier avec le vendeur mais, généralement, nous avons un cadre au sein duquel fonctionnent les marchés.
    Nous avons un cadre juridique, un cadre juridique très important, ou une infrastructure juridique, si vous voulez, et nous avons ensuite une infrastructure législative gouvernementale. Je dis tout cela parce qu'un marché sans cadre, ça n'existe pas. C'est le gouvernement qui définit en grande mesure ce cadre. C'est important parce que les employeurs réagissent aux incitatifs.
    Donc, s'il y a une défaillance quelque part dans le sens suivant, qui est que les employeurs ne font pas telle ou telle chose, qu'ils n'emploient pas des travailleurs âgés et qu'ils ne les forment pas, qu'ils ne font pas les investissements, c'est peut-être bien dans l'intérêt des employeurs concernés de ne pas le faire, mais ce n'est peut-être pas dans l'intérêt social, et il y a peut-être d'énormes coûts sociaux associés à cela. C'est peut-être parfaitement rationnel et raisonnable pour l'employeur individuel de ne pas avoir ce comportement mais, si suffisamment d’employeurs agissent ainsi, vous vous retrouvez avec des résultats sociaux très, très négatifs.
    Cela serait un exemple de défaillance du marché qui appellerait à mon sens une forme d'intervention gouvernementale. Dans ce cas, mon sentiment serait que la meilleure démarche serait d'adopter une politique créant des incitatifs: des incitatifs pour que les employeurs se comportent différemment.
    Merci beaucoup, monsieur McColeman.
    Nous allons conclure avec M. Cuzner, qui brûle d'impatience. Je sais qu'il a quelque chose dans sa manche.
    Je partage l'opinion de M. McColeman que cela en a valu la peine. Il a fait une remarque sur les employeurs voulant utiliser la subvention pour l'emploi et monter au coussin. Le problème est qu'ils devront probablement passer au moins deux ans dans le cercle d'attente.
    Des voix: Oh!
    M. Rodger Cuzner: Vous avez parlé, monsieur Chaykowski, de la formation professionnelle et de la technologie, et du fait que la technologie change. Je comprends ça parfaitement. Autrefois, garder les moutons était une noble profession mais, avec les palissades, on n'a plus eu besoin des bergers, même si je sais que ma collègue, Mme Charlton, dirait probablement qu'ils auraient toujours des emplois s'ils s'étaient syndiqués.
    Des voix: Oh!
    M. Rodger Cuzner: Mais leur emploi consisterait uniquement à garder les palissades. Je ferais mieux de mettre ça au procès-verbal. Je plaisante.
    Qui fait vraiment bien la formation professionnelle? Dans d'autres études que nous avons effectuées, nous avons entendu parler de Bombardier et de certaines grandes entreprises. Il semble que les petites boîtes familiales, les petites et moyennes entreprises, soient celles qui n'ont pas les moyens d'investir dans la formation pour conserver une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Y a-t-il des entreprises qui font vraiment bien la formation et que nous pouvons employer comme exemples parce qu'elles sont capables de former et de conserver leur main-d'oeuvre à un âge plus élevé?

  (1255)  

    Il y en a un certain nombre et je pense que vous avez mis le doigt sur le problème. Ce sont souvent les grandes entreprises qui ont tendance à avoir les ressources, et qui sont sur des marchés internationalement très compétitifs. Il est parfaitement clair que, même si leur main-d'oeuvre est, selon les critères normaux, relativement petite et sobre ou plus grande, un marché compétitif imposera que les employés soient très bien formés et très productifs. Ces entreprises ont un incitatif individuel à faire cet investissement. Il faut avoir les poches assez profondes pour ce faire.
     Le problème classique au Canada a été le sous-financement de la formation professionnelle au niveau de l'entreprise. Le problème pour les petites et moyennes entreprises est partiellement le manque de ressources pour faire l'investissement, et l'autre grand problème, dont on parlait déjà il y a 30 ans, est le maraudage. Vous serez très peu incité à faire un investissement important si vous pensez que votre investissement vous sera ensuite volé par votre concurrent du bout de la rue. Je me souviens qu'on m'avait demandé de parler de recrutement et de rétention du personnel dans le secteur du pétrole de l'Alberta, il y a des années. Je suis allé sur place pour examiner la situation sur le terrain. Le problème se posait dans le génie. Les ingénieurs étaient tous racolés par d'autres entreprises. Il y a certaines choses qu'on peut faire en termes de politiques de gestion des ressources humaines et de politiques favorables aux travailleurs mais, en dernière analyse, ma recommandation serait de continuer à les payer plus. En fin de compte, le facteur de marché le plus déterminant du taux de roulement du personnel était l'existence d'un marché externe très surchauffé et compétitif.
    Entre-temps, si les entreprises investissent dans ces travailleurs, elles perdent cet investissement, ce qui ne fait aucun doute. Il est très difficile d'échapper au problème. Si vous examinez la situation des toutes premières entreprises, comme Bombardier, ou Vale, ou toutes les entreprises de cette catégorie, comme PotashCorp, elles sont maintenant sur des marchés internationaux et ne risquent donc pas de perdre leurs employés au profit d'un concurrent du bout de la route, ou d'une autre province, mais plutôt d'un autre pays. L'industrie du nucléaire en est un autre grand exemple. Nous avons des gens qui viennent du monde entier pour travailler dans l'industrie nucléaire et nous avons des gens qui s'en vont ailleurs dans l'industrie nucléaire. Il y a un petit micro exemple de la même chose dans le génie minier.
    Il est donc vrai, je pense, que la capacité de dispenser une formation d'employeur est meilleure dans les grandes entreprises, mais le problème classique est celui du maraudage.
    Je pense que nous allons bientôt manquer de temps mais je voudrais vous demander de préciser un peu votre pensée. Vous dites qu'il faut éviter des politiques de vaste portée. Pourriez-vous ajouter quelques mots à ce sujet et dire pourquoi vous recommandez cela?
    Je veux dire par là qu'il faut adopter des politiques ciblées. Vous pouvez adopter une politique de vaste portée, ou très générale, mais elle devrait cibler une défaillance particulière d'un marché. Si vous ne pouvez pas identifier la défaillance du marché et ce que la politique est censée faire, je dirais qu'il vaut mieux ne pas l'adopter. Je suppose que l'analogue serait la médecine. Il n'est pas évident que vous devriez simplement prendre des analgésiques si vous ne savez pas quelle est la source de votre douleur. Un analgésique a un effet de traitement généralisé, si vous voulez. Ce que je veux dire, c'est que, si vous ne pouvez pas identifier le problème précis que vous voulez résoudre, vous devriez faire très attention avant d'intervenir parce que le risque est que vous obtiendrez des conséquences imprévues. Voilà ce que je voulais dire. Ça peut être des politiques de vaste portée à condition qu'elles soient ciblées vers un grand problème qui est général. Sinon, cibler petit peut être bien aussi.
    Merci beaucoup de cet échange. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus témoigner devant le comité et d'avoir partagé vos idées avec nous.
     La séance est levée.
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