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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 128 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 juin 2013

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    La 128e séance du Comité permanent des finances est ouverte.
     Chers collègues, avant de donner la parole à notre invité spécial de ce matin, je dois vous informer — mais je pense que vous le savez déjà — que la Chambre des communes a adopté une motion au sujet de notre étude sur l'inégalité des revenus. Je la lis pour votre information. Par consentement unanime, il est ordonné:
Que, relativement à son étude sur l'inégalité des revenus, le Comité permanent des finances soit autorisé à poursuivre ses délibérations au-delà du jeudi 13 juin 2013 et à présenter son rapport au plus tard le jeudi 31 octobre 2013.
    Cela reflète aussi la volonté du comité. Merci.
    Le deuxième point à l'ordre du jour est le suivant: conformément aux articles 110 et 111 du Règlement, nomination par décret de Stephen S. Poloz au poste de gouverneur de la Banque du Canada renvoyée au comité le lundi 27 mai 2013.
    Monsieur le gouverneur, je vous souhaite la bienvenue devant le comité pour la toute première fois. Au nom de tous les membres du comité, je vous félicite de votre nomination. Je peux vous dire que nous avons toujours eu des dialogues très intéressants avec votre prédécesseur, Mark Carney, et que je suis certain que le dialogue que nous aurons avec vous ce matin le sera tout autant.
    Je vous donne immédiatement la parole pour votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons à une période de questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi d'être ici.
    Bonjour tout le monde.
    L'engagement de la Banque du Canada envers les Canadiens et les Canadiennes est de favoriser la prospérité économique et financière de notre pays. Pour ce faire, nous communiquons ouvertement et efficacement nos objectifs et rendons compte de nos actes. Je vous remercie donc de l'occasion qui m'est offerte de me présenter devant vous ce matin pour communiquer le point de vue de la banque.
    Veuillez noter que je ne suis en poste que depuis quatre jours et que je viens d'avoir trois journées très chargées. J'espère que vous comprendrez si certains détails ne me sont pas encore familiers. Cela dit, j'ai hâte de connaître votre avis et d'entendre vos questions. J'y répondrai de mon mieux.
    Le dénominateur commun de l'ensemble du travail accompli par la banque est la confiance. Grâce a ses actions et à ses paroles, la Banque du Canada suscite la confiance dans notre monnaie, dans le rôle qu'elle joue à titre d'agent financier du gouvernement fédéral, dans notre système bancaire et dans la valeur de la monnaie.

[Français]

    Nous sommes tous en terrain connu ici, aujourd'hui. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails des fonctions de la banque. Je parlerai plutôt de la conjoncture actuelle et de son influence sur les efforts de la banque pour susciter la confiance.
    Il y a maintenant presque six ans que la crise financière mondiale a débuté. Étant donné le quasi-effondrement du système financier international et la baisse spectaculaire de la demande mondiale, il n'est peut-être pas surprenant que la situation économique ne soit pas encore revenue à la normale.
    L'économie mondiale est toujours aux prises avec des difficultés. La plupart des économies avancées continuent de subir des tensions liées au crédit, et leurs taux d'intérêt demeurent à des creux sans précédent. De nombreuses banques centrales ont encore recours à des mesures non traditionnelles pour augmenter le degré de détente monétaire, et les gouvernements font tout ce qu'ils peuvent pour gérer la situation de leur dette.

[Traduction]

    De toute évidence, l'économie mondiale est toujours en phase de reprise. On prévoit que son rythme de progression sera modeste cette année, avant de s'accroître au cours des deux années suivantes. Cependant, il ne s'agit pas d'une reprise au sens habituel du terme. Cela ressemble plutôt à une reconstruction d'après-guerre. Des efforts soutenus et bien ciblés seront nécessaires pour rebâtir le potentiel économique mondial.
    Permettez-moi d'expliquer comment, dans ce contexte, la Banque du Canada suscite la confiance. Je parlerai tout d'abord de la confiance dans notre monnaie, qui représente, pour de nombreux Canadiens, notre produit le plus tangible. Chaque billet de banque dans les portefeuilles des Canadiens est le fruit d'une expertise spécialisée et pointue. Près de 200 employés de la banque — physiciens, chimistes, ingénieurs et autres spécialistes — se consacrent à la conception, à la mise à l'essai et à la distribution des billets de banque partout au pays. Nous communiquons aussi avec les détaillants, les institutions financières et le public, et travaillons de concert avec les organismes d'application de la loi afin de décourager la contrefaçon.
    Les enjeux sont élevés lorsqu'il s'agit de contrefaçon, non seulement en raison des pertes directes subies par les Canadiens, mais aussi de la perte de confiance dans les billets de banque.
    Le problème posé par la contrefaçon est considérable. En 2004, il fut un temps où le niveau de contrefaçon au Canada a atteint un sommet historique et très élevé par rapport à celui observé à l'étranger. Je suis sûr que beaucoup d'entre vous se souviennent des affiches dans les magasins indiquant que les billets de 50 et 200 $ n'étaient pas acceptés.
     La Banque du Canada a doté ses billets d'éléments de sécurité améliorée et a travaillé en étroite collaboration avec les organismes d'application de la loi, la GRC et les tribunaux, ainsi qu'avec les institutions financières et les détaillants afin de faire baisser ces taux de contrefaçon. Et elle a réussi. Avant même l'introduction de nouveaux billets en polymère, ces taux avaient été réduits de 90 p. 100. Il est toutefois important de se rappeler que garder une longueur d'avance sur les faussaires est un défi constant. Il faut toujours être proactifs.
    C'est pourquoi la Banque du Canada a lancé une nouvelle série de billets de banque en polymère plus sûrs, moins chers et plus écologiques. Ils sont plus sûrs parce qu'ils sont dotés d'éléments de sécurité perfectionnée, mettant notamment à profit l'holographie et la transparence, qui les rendent plus difficiles à contrefaire et plus faciles à vérifier. Ils sont moins chers parce qu'ils durent au moins deux fois et demie plus longtemps que ceux en papier de coton. Autrement dit, il faudra imprimer moins de billets, ce qui rend la série plus économique. Et ils sont plus écologiques car, au cours de la durée de vie de la série, moins de billets seront produits, donc transportés. Et lorsqu'il faudra les remplacer, les billets seront recyclés au Canada. Grâce à ces nouveaux billets, les Canadiens peuvent avoir pleinement confiance dans leur monnaie.
     Notre deuxième pôle d'activité est beaucoup moins perceptible pour la plupart des Canadiens. En tant qu'agent financier du gouvernement fédéral, la Banque du Canada administre la dette et les réserves de ce dernier et lui donne des conseils à ce sujet. Elle est un chef de file mondial dans ce domaine.
    Des travaux innovateurs sont accomplis, par exemple pour réduire la dépendance à l'égard des agences de notation externes dans la gestion des actifs et des passifs de l'État. Les montants en jeu sont considérables. En 2012, la banque gérait quotidiennement des soldes de trésorerie du gouvernement canadien d'une valeur moyenne d'environ 17 milliards de dollars. Elle gérait aussi, au nom de l'État, les réserves officielles de change internationales se chiffrant à quelque 69 milliards de dollars.
    Le troisième domaine dans lequel la banque assure la confiance concerne notre système financier. Comme dans le cas d'un système de plomberie, on a tendance à se préoccuper du système financier seulement lorsqu'il y a un problème. Tout au long de la crise et depuis, le travail de la banque a permis de maintenir la résilience du système canadien de compensation et de règlement des paiements à un niveau très élevé. Les Canadiens peuvent ainsi avoir la certitude que l'économie repose sur des infrastructures de marchés financiers solides.

  (0850)  

[Français]

     La stabilité financière au pays est certes nécessaire, mais cela ne suffit pas. La crise a fait ressortir très clairement que le système financier mondial devait être modifié et, à cet égard, la Banque du Canada est à l'avant-garde des travaux de réforme menés à l'échelle internationale. Au Canada, nous avons aussi beaucoup avancé par rapport aux engagements que nous avons pris dans le cadre du G20. Entre autres réformes, nous avons mis en vigueur les normes de fonds propres de Bâle III, et ce, avant l'échéance prévue. Nous avons accompli des progrès importants à l'égard d'autres réformes des infrastructures de marchés. Nous pourrons en parler en détail au cours de notre discussion.
    Ce sont des réalisations concrètes qui ont permis de renforcer notre système financier. Toutefois, cet élan ne doit faiblir ni au Canada, ni sur la scène internationale. Il faut déployer davantage d'efforts pour mettre fin au phénomène des institutions trop importantes pour faire faillite, notamment en ce qui concerne les plans de redressement et de résolution des banques. De plus, les pays doivent se pencher sur la question du secteur bancaire parallèle. Le but est que les institutions financières d'importance systémique, qui exercent des activités à l'extérieur du périmètre de réglementation, se conforment, en gros, aux mêmes principes que leurs homologues réglementés.

  (0855)  

[Traduction]

    Finalement, la confiance est manifestement importante pour la conduite de la politique monétaire. La politique monétaire au Canada s'appuie sur une structure de convergence qui inspire confiance et qui fait que les Canadiens, par l'entremise de leur gouvernement, ont leur mot à dire au sujet de l'établissement du cadre de conduite de la politique monétaire. Fait important, la structure garantit aussi que la banque centrale prendra, de manière indépendante, les bonnes décisions en matière de politique pour atteindre la cible d'inflation.
     Le Canada dispose d'un bon cadre de mise en oeuvre de la politique monétaire. Après un travail de recherche énorme, le Canada a adopté un régime de ciblage de l'inflation en 1991. Depuis 1995, la cible est de 2 p. 100. Nous avons vite reconnu qu'il était irréaliste de nous engager à maintenir l'inflation à un niveau parfaitement stable de 2 p. 100. Les chocs subis par l'économie doivent être pris en compte. Le cadre est donc conçu de manière à maintenir à moyen terme l'inflation mesurée par l’IPC global au point médian de 2 p. 100 d'une fourchette cible qui va de 1 à 3 p. 100.
     Il convient de souligner que la banque agit de façon symétrique en ce qui concerne la cible d'inflation. Cela signifie qu'elle est tout aussi préoccupée lorsque l'inflation tombe au-dessous de la cible que lorsqu'elle la dépasse. La banque fait varier son taux directeur à la hausse ou à la baisse, selon le cas, afin d'atteindre la cible habituellement à un horizon de six à huit trimestres, soit le temps qu'il faut ordinairement pour que les interventions en matière de politique monétaire se répercutent sur l'économie et fassent sentir pleinement leurs effets sur l'inflation.
    Au cours des deux dernières décennies, le taux d'inflation moyen a été très proche de notre cible. Même durant la crise économique et financière mondiale, notre engagement ne s'est pas démenti. La cible d'inflation est sacrée pour nous et est devenue un point d'ancrage crédible pour les attentes d'inflation des Canadiens.
    Un élément clé du régime de ciblage de l'inflation de la banque est un taux de change flottant. Si le taux de change subit l'influence de variables telles que les prix des produits de base, les taux d'inflation relatifs et les taux d'intérêt relatifs, sa valeur est déterminée sur les marchés des changes.
     La crédibilité que nous avons acquise à la banque ces 20 dernières années nous permet de profiter de la flexibilité inhérente au régime en ce qui a trait au temps qu'il faut pour ramener l'inflation à la cible. Les perturbations récentes ont testé les limites de notre régime flexible de ciblage de l'inflation. Néanmoins, les attentes d'inflation des Canadiens demeurent bien ancrées, ce qui prouve que notre cadre est sûr et efficace. Mais cela nous indique aussi que nous devons valider ces attentes pour maintenir notre crédibilité.
     Ce qui m'amène à une discussion sur la conjoncture au pays. Étant donné la gravité de la crise économique et financière mondiale, la récession que celle-ci a provoquée au Canada a été différente des autres récessions de l'après-guerre. Le Canada a connu un repli particulièrement prononcé des investissements et des exportations, sous l'effet de l'effritement de la confiance des entreprises et du recul de la demande mondiale.
     Aussitôt après la crise, les politiques monétaire et budgétaire expansionnistes ont soutenu très efficacement une croissance robuste de la demande intérieure, surtout des dépenses des ménages, qui ont atteint des niveaux records. Ce modèle de croissance a certes été efficace, mais si l'on tient compte du ralentissement de la demande intérieure observée actuellement, il montre clairement ses limites.
    Ce qui est moins clair, c'est le processus de reconstruction inhérent au déplacement nécessaire de la croissance vers les exportations nettes et les investissements des entreprises. Même si l'économie canadienne dans son ensemble s'est remise de la récession, grâce à la demande intérieure, la profondeur et la durée de la récession à l'échelle mondiale ont frappé de plein fouet les entreprises canadiennes.
    Dans bien des cas, les fermetures temporaires d'usines n'ont pas été suffisantes pour compenser le recul de la demande. Certaines entreprises ont diminué leurs opérations de façon permanente. D'autres ont simplement fermé leurs portes. Des pertes d'emploi importantes en ont résulté. En effet, la récession a entraîné un changement structurel notable au sein de l'économie canadienne. Le niveau de capacité de production de notre pays — autrement dit, le potentiel de production — a chuté, comme la banque l'a fait remarquer en avril 2009. Les modèles macro-économiques standards ne rendent pas vraiment compte de cette dynamique.
    Tout comme la crise financière a déclenché une récession atypique, le cycle de reprise est inhabituel. Le déplacement de la demande prendra plus qu'une hausse de la production. Nous pouvons entrevoir la séquence suivante: la demande étrangère va reprendre, nos exportations vont progresser davantage, la confiance va s'améliorer, les entreprises vont investir pour augmenter leurs capacités, les entreprises existantes vont prendre de l'expansion et de nouvelles vont être créées.
    Bref, il faut reconstruire le potentiel économique du Canada et retourner à une croissance autonome, qui s'autoalimente.
    Ce processus est peut-être déjà amorcé. Nous observons maintenant des signes de reprise dans certains marchés extérieurs importants, notamment les États-Unis et le Japon, et la croissance se poursuit dans les économies de marché émergentes. La banque s'attend à ce que l'intensification de la demande étrangère contribue à renforcer la confiance des exportateurs canadiens, ce qui est crucial pour amener les entreprises d'ici à augmenter leurs investissements afin d'accroître leur capacité de production.
     En conclusion, la Banque a un rôle à jouer pour favoriser ce processus, autant que possible dans les limites de son régime de ciblage de l'inflation. Il n'y a pas de conflit entre le fait de favoriser ce processus et le besoin de faire remonter l'inflation à la cible de 2 p. 100.

  (0900)  

[Français]

     Lorsqu'il s'agit de politique monétaire, les actions sont d'une importance critique, mais les mots, eux aussi, sont très importants. Nous pouvons stimuler la confiance en expliquant les forces qui sont à l'oeuvre au sein de notre économie, nos prévisions relativement à l'évolution future et nos interventions en matière de politique monétaire. Nous aidons à alimenter la confiance en écoutant les entreprises, les groupes syndicaux ainsi que les associations sectorielles. Nous voulons ainsi avoir une meilleure compréhension de ce qui se passe dans l'économie réelle.

[Traduction]

    Nous devons toujours nous rappeler que derrière nos statistiques et nos analyses économiques et financières se trouvent de vraies personnes, qui prennent des décisions concrètes pouvant donner lieu à de bons comme à de mauvais résultats. Il n'est jamais facile de prendre ces décisions, mais lorsque l'incertitude est élevée et que la confiance n'est pas complètement rétablie, il peut être encore plus difficile de le faire. Si la confiance fait défaut, il se peut que des décisions soient retardées et que des occasions soient ratées.
    Pour aider à susciter la confiance, la participation active des Canadiens et Canadiennes doit être un élément fondamental de la politique de la Banque du Canada, tout comme la poursuite du dialogue avec le présent comité.
    Sur ce, je vous remercie de votre attention. Je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci beaucoup de votre déclaration liminaire, gouverneur.
    Nous entamons la période des questions avec Mme Nash.
    Merci, monsieur le président.
     Bonjour, monsieur le gouverneur. Bienvenue devant le Comité des finances, et félicitations pour votre nomination.
    J'aimerais vous interroger sur deux ou trois sujets différents. Vous venez de parler beaucoup de la confiance, c'est-à-dire de la confiance dans notre secteur financier, de la confiance dans notre économie, de la confiance dans la banque. Je sais que vous conviendrez avec moi que la Banque du Canada doit être complètement indépendante dans son exécution de la politique monétaire.
     Au Comité des finances, nous avons été saisis du projet de loi omnibus du gouvernement C-60, qui donnerait au gouvernement un pouvoir de veto sur les décisions de recrutement. Cela amènerait le gouvernement à intervenir dans les relations de travail des sociétés d'État, dont la Banque du Canada.
    Voici ma question: pensez-vous que cela risque de compromettre d'une manière quelconque l'indépendance de la banque et, par conséquent, de mettre en danger la confiance des Canadiens envers la Banque du Canada et son indépendance totale par rapport au gouvernement?
    Merci de vos félicitations et de votre question.
     La réponse à votre question est simplement non. L'indépendance de la politique monétaire est sacrée. Elle l'est depuis qu'on a créé des banques centrales. C'est d'ailleurs pour cela qu'elles ont été créées. L'indépendance opérationnelle de la banque en matière de politique monétaire est légalement inscrite dans la Loi sur la banque du Canada, et elle est bien établie en pratique.
     Du côté administratif de la banque, ce n'est pas différent. Certes, il y a beaucoup de mesures législatives qui s'appliquent déjà à nous, comme le Code canadien du travail, la Loi sur les droits de la personne, etc. Je crois que nous sommes généralement perçus comme de bons joueurs d'équipe. Autrement dit, nous estimons faire partie de la famille de la fonction publique, et nos budgets ont tendance à être bien alignés avec les orientations du gouvernement fédéral, tout comme nos politiques de rémunération. Je vois donc une séparation très nette entre, si vous voulez, l'indépendance administrative et l'indépendance de la politique monétaire.

  (0905)  

    Pensez-vous qu'il serait souhaitable d'exempter explicitement la Banque du Canada de cette disposition du projet de loi C-60 sur les relations de travail, et du contrôle du gouvernement sur les relations de travail dans les sociétés d'État?
    La Banque du Canada rend des comptes au Parlement de la même manière que toutes les autres sociétés d'État. Je ne vois donc pas, personnellement, la nécessité de ce genre d'exemption. Comme je l'ai dit, je pense que c'est déjà aligné avec la manière dont nous nous comportons. Nous avons un conseil de surveillance du secteur privé qui nous fixe d'excellentes orientations à cet égard. Nous ne prévoyons donc aucune incidence notable de cela. C'est évidemment très clairement séparable de l'indépendance opérationnelle en ce qui concerne la politique monétaire elle-même.
    Très bien. Merci.
    En avril, votre prédécesseur, le gouverneur Carney, déclarait que l'endettement des ménages était une menace intérieure majeure pour notre économie. Il disait que c'était peut-être la menace la plus grave pour notre économie. Or, au moment où je vous parle, l'OCDE vient d'indiquer que le Canada a peut-être le troisième marché du logement domiciliaire le plus surévalué au monde. L'ancien gouverneur était même allé jusqu'à dire que les niveaux actuels d'endettement des ménages risquaient d'entraver l'aptitude de la banque à faire plus pour stimuler la relance économique. Bien qu'il n'y ait pas beaucoup plus que la banque puisse faire à cet égard, partagez-vous cette analyse, de manière générale?
    De manière générale, je dirais que oui. Étant donné les circonstances auxquelles nous avons été confrontés, nous avons eu beaucoup de chance que les ménages aient eu la capacité de répondre à l'appel et d'accroître leurs dépenses. Comme je viens de le dire, cela a placé une sorte de tampon ou de coussin sous la contraction mondiale que nous avons connue.
    Alors que le rétablissement se poursuit mondialement, nous devrions constater ce transfert d'impulsion à mesure que nous arrivons au plein équilibre, et cela devrait nous donner une période durant laquelle les ménages rétabliront leur bilan familial, si je peux dire, et deviendront plus solides sur le plan financier.
    Je crois que mon temps de parole est écoulé. Merci.
    Merci, madame Nash.
    C'est maintenant au tour de M. Jean.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous adresse moi aussi mes félicitations, monsieur le gouverneur.
    Sur le site Web de Finances Canada, on peut lire ceci:
Nous avons mené un processus extrêmement rigoureux et avons cherché les meilleurs candidats à l'échelle mondiale.
    C'est de M. Flaherty.
    En lisant cela, vous devez être très fier d’être considéré comme l'un des meilleurs au monde, en tout cas d'après le ministre Flaherty. J'ai jeté un coup d'oeil sur votre CV et j'ai vu que vous avez un doctorat, une maîtrise, un baccalauréat avec mention en économie, et que vous avez passé beaucoup de temps à Exportation et développement Canada, 14 ans en fait, comme vice-président principal, économiste en chef, PDG et président du conseil. Certaines personnes ne le savent peut être pas mais vous aviez aussi déjà passé beaucoup de temps à la banque, quelque 14 années, à plusieurs titres différents.
    Je crois pouvoir dire que vous connaissez très bien les rouages d'Exportation et développement Canada, ainsi que de la Banque du Canada, n'est-ce pas?
    Je crois qu'on peut le dire. Je suis beaucoup plus âgé qu'il n'y paraît.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous faites bien sur ce plan aussi.
     Après mûre réflexion, je me suis dit qu'il n'y avait vraiment personne de plus qualifié que vous pour ce poste. Exportation Canada est ce qui fonde notre économie, que ce soit par l'assurance ou par les services financiers, ou par le crédit de fournisseurs et de projets. En vérité, notre économie est tellement tributaire du succès de nos exportations que rien ne pourrait être meilleur comme antécédents, à mon avis, que la capacité de se concentrer sur notre économie.
    Êtes-vous d'accord avec moi?
    Tout à fait.
    Le dernier gouverneur de la Banque du Canada venait du Nord canadien. Vous n'êtes pas originaire d'Edmonchuck ou d'un petit bled comme ça, n'est-ce pas?
    Non, je suis d'Oshawa.
    Bien.
    La raison pour laquelle je vous le demande est que vous êtes un exemple de réussite tout à fait étonnant. Ukrainien de troisième génération, vos parents sont venus ici avec très peu d'argent en poche et vous avez rapidement atteint le pinacle d'une industrie qui est la principale et la plus importante du Canada, à mon avis, et vous avez atteint ce succès comme fils d'immigrants.
    Je vous dis ça parce que nous faisons actuellement une étude sur l'inégalité des revenus, ou une étude sur l'égalité des chances, comme je préfère l'appeler, et je pense que vous êtes un exemple idéal des succès qu'on peut atteindre au Canada par le travail, etc.
    Ce que je voudrais vous demander, et je sais que ce n'est pas très normal, c'est à quoi vous attribuez votre succès et votre progression sur une période de 28 ans jusqu'au niveau le plus élevé de ce que j'estime être l'emploi le plus important de ce pays, ou en tout cas l'un des trois les plus importants.

  (0910)  

    Merci de votre question. Elle est un peu inhabituelle et je dois reconnaître qu'elle me prend un peu par surprise.
    Disons que j'ai travaillé très dur, et je suppose que je dois cette culture du travail à mes parents, qui ont eux aussi travaillé dur et ont toujours pensé que, si je travaillais dur et obtenais de bons résultats à l'école, je pourrais avoir une vie meilleure et offrir une vie meilleure à mes enfants.
     En cours de route, j'ai peu à peu réalisé que le service public était une chose importante pour moi, que le désir de faire quelque chose pour le bien commun me remplit de satisfaction. J'ai découvert cela quand j'étais dans le secteur privé, parce que j'ai vu alors que ça me manquait. J'ai donc été ravi d'avoir l'occasion de revenir dans le secteur public en 1999.
    Quoi qu'il en soit, et je suis désolé de cette longue réponse, peut-être trop longue, cette combinaison du travail acharné… Mais je reconnais aussi que j'ai parfois eu de la chance. En 1978, l'un de mes professeurs à Queen’s m'a dit: « Mais dites donc, c'est intéressant ce travail que vous faites sur l'argent. Je suis sûr que ça intéresserait la banque ». Il a donc appelé le vice-gouverneur de l'époque, George Freeman, pour lui en parler. Du jour lendemain, je me suis retrouvé avec un emploi d'été au service des analyses monétaires de la Banque du Canada, et c'est ainsi qu'est née ma passion. C'était en 1978.
    D'après vous, quelle est la meilleure partie de vos antécédents, de votre éducation et de votre expérience professionnelle, qui vous a préparé à ce poste? Je sais par exemple que vous avez été économiste en chef à Exportation et développement Canada. Diriez-vous que cela, conjugué à quelque chose d'autre, serait la meilleure partie de votre CV, ce qui va vous aider pour ce que vous allez faire?
    Je dirais plutôt que j'ai une boîte à outils.
    Si vous êtes un bricoleur du dimanche et que vous n'avez que la moitié des outils dont vous avez besoin, vous allez vous retrouver chez Rona pour vous procurer ce qui vous manque. De cette manière, vous accumulerez une trousse d'outils. Ça commence avec un très vif intérêt envers la chose monétaire — ce à quoi j'ai consacré tout mon travail de recherche lorsque j'étais étudiant —, ce qui fut clairement la raison pour laquelle, à l'époque, je me préparais à venir à la Banque du Canada pour y occuper un poste permanent. Toutefois, cette expérience d'économiste en chef m'a amené à placer l'économie dans ma boîte à outils plutôt qu'à la considérer comme une passion ou une religion, car il y a tellement plus à prendre en considération. Ensuite, l'évolution à EDC m'a donné un ancrage beaucoup plus fort dans le monde réel des affaires au Canada, ce qui est une autre manière de penser à ces questions — une manière hautement complémentaire —, et c'est ainsi que je me suis retrouvé avec une boîte à outils pleine.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Jean.
    Je donne la parole à M. Brison.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur le gouverneur.
    Les prévisions d'exportation mondiales d’EDC pour le printemps de 2013 indiquent que les exportations seront un moteur clé de la croissance économique du Canada au cours des deux prochaines années, et qu'un fléchissement du huard serait utile. Selon le récent rapport de politique monétaire de la Banque du Canada, la valeur du huard devrait tourner autour de 98 ¢ américains à court terme. Croyez-vous que le huard est surévalué aujourd'hui, le dollar canadien?
    Comme mes prédécesseurs, je ne ferai pas de commentaire minute par minute sur la valeur du dollar canadien, actuelle ou future. Je dirai cependant que la prévision d’EDC est le fruit d'un processus que je respecte beaucoup et que je trouve utile, d'une analyse de très vaste portée qui nous donne ce genre de prédiction que les exportations se raffermissent réellement. C'est une très bonne chose pour le Canada. La remarque que vous avez ajoutée, c'est-à-dire qu'un fléchissement du huard serait utile, serait une contribution très marginale.
    En fait, si vous parlez à un entrepreneur, il vous dira très rapidement que son contrat a été passé avec un acheteur étranger, disons américain, et que c'est un contrat en dollars américains. Si le dollar canadien évolue durant ce contrat, les exportations ne changent pas, et le prix que paye l'acheteur américain ne change pas non plus. La seule chose qui change est la quantité d'argent que reçoit l'entreprise canadienne. Cela affecte donc sa marge bénéficiaire.

  (0915)  

    Le gouverneur Carney s'était réjoui de la décision de resserrer les règles hypothécaires de 40 ans à 25 ans. Il avait dit devant ce comité que cette décision était aussi souhaitable que prudente. Partagez-vous son opinion?
    Dans la conjoncture actuelle, totalement. Je n'ai qu'un nombre d'outils limité dans ma boîte à outils. En fait, à la Banque du Canada, nous n'en avons vraiment qu'un seul et nous ne pouvons donc pas tout contrôler. Heureusement, il y a une équipe plus vaste qui souhaite la stabilité financière. Donc, dans ce contexte, je pense que les changements qui ont été faits étaient les bons.
    Conviendrez-vous donc logiquement qu'il avait été imprudent d'assouplir les règles et d'autoriser des hypothèques de 40 ans sans mise de fonds en 2006? Puisque vous avez dit oui la première fois, je suppose que vous direz oui aussi cette fois.
    Avant de dire oui, j'ai aussi dit en préface « dans la conjoncture actuelle ». Ce dont vous parlez est une chose qu'on doit surveiller continuellement, précisément en tenant compte de la conjoncture dans laquelle on se trouve. Il est certain que, dans la conjoncture actuelle et pour l'avenir prévisible, c'est la politique qui convient.
    Plus tôt cette année, Moody’s a dégradé la note de six des plus grandes banques du Canada en évoquant des préoccupations sur le niveau d'endettement des consommateurs et sur l'inflation du prix des maisons. Était-ce une réaction excessive?
    Je ne ferai aucun commentaire sur les méthodes employées par les agences de notation, mais il faut reconnaître que leur travail — ce pourquoi on les paye — consiste à analyser les établissements financiers pour voir si leurs fondamentaux se renforcent ou s'affaiblissent. Dans le genre d'environnement qui règne aujourd'hui, n'importe quel analyste poserait ces questions. La raison pour laquelle cette firme a conclu qu'un abaissement de la note s'imposait ne fait pas partie de ma boîte à outils.
    Quels sont les plus gros risques auxquels les banques canadiennes sont exposées aujourd'hui?
    Je pense que les risques auxquels une banque canadienne est exposée aujourd'hui sont similaires à ceux auxquels nous sommes confrontés. Nous pensons que l'économie mondiale se raffermit. Tous les signaux que nous examinons nous permettent de penser que les pays se trouvent au creux de la vague ou qu'ils sont déjà en train de remonter, ce qui…
    L'endettement des ménages serait-il le plus gros risque?
    L'endettement des ménages fait certainement partie de la liste des risques à prendre en compte, et bien sûr aussi le fait de savoir que…
    Il vous reste une minute.
    Est-ce simplement un élément dans la liste des risques ou l'un des risques les plus graves?
    C'est évidemment un risque important. Je ne vais pas me mettre à classer mes risques mais c'est un risque important. C'est un risque parce que nous ne pensons pas que la situation actuelle sera éternelle. À un certain moment, les taux d'intérêt remonteront à un niveau plus normal et, à ce moment-là, j'espère que les gens qui ont souscrit une hypothèque seront totalement préparés à y faire face. Toutefois, comme nous ne savons pas s'ils sont effectivement pleinement préparés, n'importe quel analyste dira qu'il s'agit là d'un risque pour une banque. C'est tout ce que je dirai à ce sujet.
    Merci.
    Merci, monsieur Brison.
    C'est maintenant au tour de Mme McLeod.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens moi aussi à vous féliciter pour vos nouvelles fonctions, monsieur le gouverneur. Comme c'est notre première occasion de vous rencontrer et de faire connaissance, j'aimerais revenir sur certaines des questions posées par M. Jean. Vous avez parlé de votre passage à EDC. Je crois comprendre que vous y êtes entré en 1999 comme vice-président et économiste en chef. Vous avez ensuite été nommé premier vice-président, Affaires générales, en 2004, puis président du conseil et PDG, en 2011.
    Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce que représentaient ces fonctions et en quoi elles vous ont donné une expérience qui vous aidera dans votre nouveau rôle de gouverneur de la Banque du Canada, étant donné les temps difficiles dans lesquels nous vivons, comme vous l'avez si clairement dit dans votre déclaration liminaire?
    Merci beaucoup de cette question.
    Je pense qu'il est assez évident qu'être économiste en chef de n'importe quelle sorte d'établissement financier est une expérience utile à avoir. Dans le cas d’EDC, la fonction était principalement axée sur les économies internationales et sur la manière dont cela influait sur le monde canadien de l'exportation mais, quoi qu'il en soit, c'était un poste qui exigeait de toute façon une vaste compréhension de la politique monétaire.
    À partir de là, les affaires générales comprenaient la planification, les relations gouvernementales, ce genre de choses qui sont importantes pour la communauté à Ottawa, et je suis ensuite passé à un poste que vous n'avez pas mentionné puisque, pendant la crise, j'ai été nommé chef des opérations de prêt d’EDC.
    Dans une année typique, EDC peut prêter quelque chose comme 12 à 14 milliards de dollars sous forme de 800 à 1 000 prêts individuels. Il s'agit dans la plupart des cas de petits prêts, mais il y en a aussi des gros. Durant la crise, dans le budget de cette année-là, on nous a demandé d'agir sur le marché intérieur pour compléter le crédit offert par les banques canadiennes de façon à contrecarrer les symptômes de resserrement du crédit qui commençaient à apparaître.
    Voilà donc ce que j'ai fait pendant la crise. J'ai alors été un banquier très occupé. Certaines entreprises n'obtenaient que la moitié du crédit dont elles avaient besoin parce qu'un de leurs bailleurs de fonds — souvent une banque de troisième rang — avait décidé de ne pas renouveler leur crédit. Dans cette situation, nous avons donc fait beaucoup plus de prêts, toujours en partenariat avec les banques canadiennes. Cette expérience m'a donné deux choses: elle m'a permis d'avoir une conversation intime avec beaucoup de grandes et très petites entreprises canadiennes, ce qui me permet de mieux comprendre leur point de vue, et elle m'a aussi permis de connaître leurs banquiers et de travailler avec eux pour faire des montages financiers qui leur permettraient de surmonter la crise et d’arriver saines et sauves sur l'autre rive.
    Beaucoup de grandes entreprises ont été sauvées grâce à ce processus.
    Je crois donc pouvoir dire que tout cela constitue en fin de compte une boîte à outils fort bien garnie, comme je le disais à M. Jean.

  (0920)  

    Excellent. Et, bien sûr, gouverneur de la Banque du Canada, c'est un territoire familier. J'ai noté que vous avez eu 14 années d'expérience avec la banque, où vous avez occupé plusieurs postes importants, notamment en étant son représentant au Fonds monétaire international à Washington.
    J'aimerais me concentrer maintenant sur votre temps avec les banques, notamment du point de vue de votre travail concernant la politique monétaire, en vous demandant de nous en dire un peu plus sur le travail que vous avez fait dans ce domaine, et encore une fois sur la manière dont cela vous guidera dans votre nouveau rôle.
    Merci.
     Oui, quand je suis arrivé à la banque en 1981 pour la deuxième fois, pour mon emploi à temps plein, nous n'avions pas de cible d'inflation. Nous avions des objectifs monétaires, qui posaient d'ailleurs certaines difficultés à l'époque et, comme cela avait été précisément le sujet de ma thèse, j'ai pu… J'avais espéré sauver les objectifs monétaires mais je n’ai en fait réussi qu’à prouver leur manque de fiabilité, en passant, ce qui fait que le gouverneur Bouey les a abandonnés.
     Il y a eu ensuite une grande phase de recherche poussée pour le nouveau Graal de la politique monétaire et, par coïncidence, M. Macklem fut mon collègue à cette époque. Il s'est joint à l'équipe en 1984, je crois, et nous avons travaillé ensemble sur cette question, pour chercher des options. Pendant cette décennie, nous avons examiné beaucoup de choses, comme je l'ai dit, pour conclure finalement que les cibles d'inflation étaient la chose la plus facile à expliquer, l'objectif le plus direct à viser. C'est durant cette phase que nous avons décidé qu’une marge de deux points de pourcentage nous donnerait la marge de manoeuvre dont nous avions besoin.
     Ces années-là ont été très formatrices pour moi. J'ai quitté la banque en 1995, juste après… Les cibles avaient été mises en place en 1991. En 1995, nous étions tombés à une cible de 2 p. 100, qui est encore celle d'aujourd'hui. J'étais donc là durant ces années de formation.
     Merci.
    Merci.
    Merci, madame McLeod.

[Français]

    Monsieur Caron, vous avez la parole.
    Bienvenue, monsieur le gouverneur.
    En 2005, avant la crise financière, vous avez prononcé un discours devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain dans lequel vous avez dit ce qui suit:
Nos entreprises sont donc bien positionnées pour profiter d'une économie mondiale solide, de bons fondamentaux intérieurs, de faibles coûts de financement et d'un huard fort pour élever leur productivité à un autre niveau. En fait, nous estimons qu'elles vont de plus en plus avoir recours au commerce international comme outil d'approvisionnement, qui augmentera l'efficience [...]
    C'était, bien sûr, avant la crise financière. Or on a vu depuis que le taux de change et la parité du pouvoir d'achat n'avaient pas suivi. Les banques centrales des autres pays touchés par la crise économique ont acheté massivement notre devise et nos obligations, ce qui a créé une pression à la hausse sur notre dollar. Au bout du compte, les entreprises n'ont pas investi autant qu'on l'aurait souhaité.
    Selon vous, quelle est l'importance du rôle de la force du dollar canadien dans la crise de la productivité canadienne?
     La transition que semble amorcer présentement l'économie, après la crise, motiverait-elle les entreprises à investir davantage?

  (0925)  

    Je vous remercie de la question.
     Dans ce contexte, il est évident qu'il y aura un grand défi pour les entreprises canadiennes. Le fait que le dollar soit un peu élevé multiplie l'importance de ce défi.
    En ce qui concerne la productivité, on constate qu'il y a d'excellents exemples lorsqu'on parle individuellement aux représentants d'entreprises. Toutefois, ce n'est pas très évident par la suite dans les données dont on dispose. C'est un peu mystérieux. Je suppose qu'il y a notamment des problèmes de comparaison et d'agrégation.
    Quoi qu'il en soit, il est évident que notre productivité est plus faible que désirée. Le fait que le dollar soit élevé peut permettre aux entreprises d'acheter de la machinerie et de l'équipement à un prix plus bas que d'habitude. Or en ce moment, on n'observe pas vraiment cette tendance. On attend le moment où la confiance des entreprises sera suffisamment élevée pour qu'elles se décident à faire ce genre d'achats. Cette question diffère d'une entreprise à l'autre. Il est toutefois évident que l'incertitude économique mondiale fait en sorte qu'il est très difficile de déterminer si c'est le temps d'acheter quelque chose à un prix très élevé et de faire un investissement.
     Pour ma part, j'ai confiance qu'il y aura un processus graduel. Toutefois, ce n'est pas généralisé pour le moment.
    En termes de productivité, il y a toujours eu un grand écart entre le Canada et les États-Unis. D'ailleurs, la réduction de cet écart était l'un des objectifs qui ont motivé la signature de l'ALENA. Or l'écart n'a pas diminué. Au contraire, il s'est élargi.
    Selon vous, pour quelles raisons n'arrive-t-on pas à trouver une solution à la question de la productivité? Vous dites qu'à un niveau microéconomique, il semble y avoir des exemples de progression, mais que ce n'est pas visible sur le plan macroéconomique.
    Selon la Banque du Canada et à votre avis, en tant que nouveau gouverneur, comment pourrions-nous nous doter des outils nécessaires pour accroître la productivité?
    Je vous remercie de la question.
     D'abord, le facteur le plus important —  et, en réalité, la seule chose que la Banque du Canada puisse offrir — est un environnement qui permet la stabilité des prix. Je parle ici d'un environnement prévisible où l'incertitude est minimale de façon à ce que les entreprises puissent faire des plans.
    Par contre, comme je l'ai déjà mentionné, cette question très complexe de la productivité diffère d'une entreprise à l'autre. Par exemple, comment mesure-t-on la productivité d'une entreprise dont le champ de l'offre est international? Mesure-t-on seulement la partie liée au Canada ou tout l'ensemble?
    Aujourd'hui, au Canada, les ventes des entreprises canadiennes égalent les exportations. C'est donc dire qu'il y a une deuxième économie canadienne dans le monde. Or ce n'est pas inclus directement dans les statistiques. Il s'agit d'opérations — des manufacturiers, entre autres — vraiment très productives qui font partie des entreprises.
    Par ailleurs, il y a la recherche, le développement, la gestion et ainsi de suite ici, au Canada, dont il est très difficile de mesurer la productivité. La productivité d'une entreprise comme Bombardier Aéronautique est-elle comparable à celle de Boeing? Pas vraiment. C'est comme comparer des pommes à des oranges. Ce n'est pas possible de faire des comparaisons.
     Il ne s'agit pas de dire qu'il n'existe pas d'écart. Il y en a un. Cette question touche notre rendement à long terme et elle est très complexe. Je ne peux pas la résoudre aujourd'hui.

  (0930)  

    Merci, monsieur Caron.

[Traduction]

    Monsieur Adler, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue au nouveau gouverneur devant le Comité des finances.
    Je vous félicite de votre nomination, monsieur Poloz.
    Je voudrais revenir sur votre déclaration liminaire, notamment sur votre affirmation que l'économie mondiale est encore en difficulté et que nous ne connaîtrons pas de relance économique au sens habituel mais plutôt au sens d'une reconstruction d'après-guerre.
     Pouvez-vous préciser votre pensée? Quels sont à votre avis les défis que l'économie canadienne devra relever à court et à long terme?
    Merci. C'est un plaisir d'être ici.
    Merci également de me donner l'occasion de préciser ma pensée. Je pense que c'est un aspect très important de la situation actuelle.
     J'ai parlé de reconstruction d'après-guerre pour exprimer l'idée que j'ai en tête, qui est que le traumatisme que nous venons de subir ne ressemblait pas du tout au cycle typique dont on parle dans les manuels d'économie. La crise a été beaucoup plus profonde. Elle a été causée par une crise financière plutôt que par un ralentissement de l'économie. Elle a duré plus longtemps. Il y a donc eu interaction avec les banques des entreprises. Si la récession dure neuf mois, votre banque va évidemment vous soutenir pendant cette période, mais, si c'est une récession de cinq ans, elle va vous demander de faire quelque chose au sujet de votre dette. La situation est donc beaucoup plus complexe pendant la descente.
     L'un des phénomènes de cette période a été que certaines entreprises sont simplement disparues. Autrement dit, une partie de la réduction de production et d'emploi que nous avons constatée est permanente parce que les entreprises concernées ne sont tout simplement plus là.
    De ce fait, pendant la période de rétablissement, le problème n'est pas simplement d'accroître la production pour revenir à la normale. Certes, c'est cela pour beaucoup d'entreprises mais, pour celles qui sont disparues ou qui ont considérablement réduit leurs activités, il s'agit quasiment d'un redémarrage, ce qui exige de nouveaux investissements non négligeables, ou alors d'une relance à partir de rien, ce qui est évidemment une proposition encore plus risquée.
     C'est pour cette raison que la confiance joue un rôle beaucoup plus important dans la phase de remontée qu'elle ne le ferait dans un cycle normal. C'est aussi pourquoi nos modèles ne nous donnent pas vraiment les informations dont nous avons besoin pour comprendre ce processus.
     À la banque, nous allons investir plus d'énergie dans cette analyse, afin de comprendre ce qui se passe pendant qu'on sort du cratère. Certains analystes ont dit que c'est comme sortir d'un cratère créé par l'éclatement d'une bulle, ce qui prend plus de temps. Au Canada, nous avons eu de la chance, mais le monde va passer encore un peu plus de temps dans le cratère.
    J'espère que cela vous permet de mieux comprendre ma pensée. Nous sommes dans un processus que nous avons besoin de comprendre. Il est clair que nous devons accompagner la relance, parce que l'économie aura besoin du rétablissement progressif de la confiance et du processus d'auto-relance schumpeterien, si je peux employer cette expression, de la croissance naturelle, de la création de nouvelles entreprises, de nouveaux produits, etc.
    Ce sont des décisions difficiles à prendre dans une conjoncture incertaine. Par conséquent, la confiance jouera un rôle beaucoup plus important que normalement.
    Merci.
     Il est vrai que la confiance joue un rôle important, et je comprends ce que vous voulez dire, mais votre rôle consiste maintenant à formuler la politique monétaire. Quel sera d'après vous le rôle de la politique monétaire dans cet effort de reconstruction?
    Eh bien, notre politique monétaire est destinée à instaurer l'environnement le plus prévisible et le plus stable possible du point de vue des prix, ce qui veut dire que notre principal ingrédient est d'assurer cela comme contexte uniforme dans lequel les entreprises pourront prendre ces décisions. Deuxièmement, il y a la stabilité financière qui va avec: la solidité et la résilience du secteur financier, des établissements financiers. Comme membre de l'équipe économique nationale, nous avons un rôle à jouer pour donner cette assurance.
     Le reste procède plus d'un processus naturel de guérison, que nous ne comprenons d'ailleurs pas très bien, je pense, car nous n'avons encore jamais été dans ce genre de situation. Il nous incombe donc d'investir de l'énergie pour le comprendre, à la fois comme le ferait un économiste traditionnel qui étudierait les épisodes du passé pour essayer d'en tirer des leçons pour l'avenir, mais aussi en parlant aux gens pour savoir ce qui se passe, pour examiner la situation de leur point de vue. Il s'agit en fait de demander aux entreprises: « Que faudrait-il, de quoi auriez-vous besoin pour entreprendre cette expansion? » S'agit-il d'un certain pourcentage de hausse des exportations? De combien? S'agit-il du rétablissement de la situation en Europe? Quels seraient les ingrédients?
    De cette manière, nous serions mieux à même de comprendre la situation dans son évolution et de prévoir un peu mieux ce qui va se passer, et cela sera très important du point de vue de la politique monétaire.

  (0935)  

    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Adler.
     Monsieur Rankin, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
     Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le gouverneur. J'apprécie votre présence.
    J'aimerais vous poser quelques questions d'ordre macro-économique découlant de votre déclaration liminaire. Dans votre mémoire, vous dites que la récession « a entraîné un changement structurel notable au sein de l'économie canadienne » et que la « capacité de production de notre pays » a chuté. Comme l'a noté la banque, cela s'est passé en 2009, mais vous ajoutez ensuite que « les modèles macro-économiques standards ne rendent pas vraiment compte de cette dynamique », puis, plus loin, que « la crise financière a déclenché une récession atypique », avec un cycle de reprise « inhabituel ».
    Vous parlez ensuite d'une prédiction positive pour l'évolution de notre économie, avec un rétablissement de la demande étrangère, un accroissement des capacités, une expansion des entreprises, etc. Toutefois, l'OCDE a récemment réduit sa prévision de croissance économique pour le Canada. Elle l’a ramenée à 1,4 p. 100. Elle a aussi ramené sa prévision de croissance pour 2014 de 2,4 p. 100 à 2,3 p. 100.
    Voici donc ma question: considérant ce que vous appelez l’incapacité des « modèles macro-économiques standards » à rendre compte de cette dynamique, quelle confiance pouvons-nous avoir dans les prévisions que vous venez juste de faire ce matin?
    Merci de cette question.
    Je crois avoir pris bien soin de ne pas faire de prévisions, précisément pour cette raison. Évidemment, le 17 juillet, quand nous publierons notre rapport sur la politique monétaire, nous divulguerons nos meilleurs chiffres, comme nous l'avons fait dans les RPM antérieurs, dont je ne me suis évidemment pas occupé.
    Je crois cependant que la réponse à votre question est que les modèles ne deviennent pas inutiles dans ce contexte. Ce qu'ils deviennent, c'est moins utiles que d'habitude parce que notre zone d'ignorance ou notre marge d'erreur est plus grande. Cela nous oblige à déployer plus d'efforts sur les questions nous obligeant à faire preuve de jugement quant à la manière dont nous calculons ces chiffres, et je suis absolument certain que l'OCDE dirait la même chose. Elle a fait exactement la même chose.
    Quant on fait ces choses-là, on emploie le modèle comme outil pour poser les bonnes questions, et on a ensuite recours à d'autres données ou à d'autres modèles pour éclaircir les zones d'ombre. C'est ce que nous faisons déjà à la banque. Je l'ai vu assez souvent pour savoir que c'est vrai. Il y a donc une conversation très animée, après quoi nous sortirons de l'ombre pour dire que, selon notre meilleur jugement, ce sera tant en 2013 et tant en 2014.
    Très bien.
    J'aimerais aborder maintenant deux autres questions sur lesquelles notre comité s'est penché. La première est l'évasion fiscale et, la deuxième, si nous en avons le temps, l'inégalité des revenus.
     En ce qui concerne l'évasion fiscale, la Banque du Canada a publié en 2010 une étude sur l'estimation de l'économie souterraine. Étant donné cette expertise, vos économistes seraient-ils capables d'estimer l'ampleur de l'évasion fiscale et l'utilisation des paradis fiscaux par les Canadiens et les entreprises canadiennes? Dans l'affirmative, l'effort en vaudrait-il la peine?
    Merci.
    C'est une question qui a toujours intéressé les économistes. Évidemment, pour une banque centrale, pratiquement tout ce qui est relié à ce problème présente un intérêt.
    Toutefois, l'intérêt est d'essayer de comprendre comment l'économie se comporterait mieux que nous ne le saurions sans comprendre cela. Nous faisons parfois des recherches sur un large éventail de problèmes qui semblent être tout à fait marginaux par rapport aux décisions que nous prenons, ce qui n'est pas exceptionnel, mais cela nous aide à rehausser notre niveau de confiance pendant ces discussions.
    La banque a une équipe de recherche fabuleuse, tout à fait splendide, et l'excellence de sa recherche est d'ailleurs sa marque de commerce depuis toujours.
    La question que vous posez pourrait être intéressante, surtout pour savoir si le phénomène s'amplifie ou non. Il est relié à la valeur de la monnaie, dont je parlais dans ma déclaration liminaire. Cela nous aide à comprendre si ce que nous faisons concernant notre monnaie rend cette activité plus facile ou plus difficile, mais ce n'est en fait que le trou de la serrure, si vous voulez, l'angle sous lequel le problème a un lien direct avec nous.

  (0940)  

    Il vous reste une trentaine de secondes.
    Votre prédécesseur, M. Carney, avait exprimé la crainte que des taux élevés d'inégalité deviennent problématiques dans notre pays. Pourriez-vous faire le point sur les recherches entreprises par la Banque du Canada sur l'inégalité des revenus?
    Une brève réponse, s'il vous plaît. Nous devrons peut-être revenir sur cette question une autre fois.
    Bien sûr, monsieur le président.
    Je ne connais malheureusement pas de nouvelles recherches consacrées à cette question. Je dirais simplement qu'en qualité de banque centrale, nous n'exerçons qu'une influence modeste là-dessus dans la mesure où nous parvenons à assurer la stabilité des prix, ce qui nous donne la meilleure chance d'avoir des marchés fonctionnant comme ils le devraient. À part cela, c'est plus une chose qui nous intéresse d'un point de vue théorique que d'un point de vue pratique pour l'élaboration de nos politiques.
    Merci.
    Merci, monsieur Rankin.
    Monsieur Van Kesteren, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
     Je vous félicite aussi de votre récente nomination, monsieur le gouverneur.
     J'aimerais vous parler d'inflation et du problème difficile que pose la mesure de l'inflation. Que pensez-vous de la méthode que nous employons, l'indice des prix à la consommation?
    Pour l'information de ceux qui nous suivent peut-être à la télévision, pourriez-vous expliquer comment elle est mesurée et ce que comprend aujourd'hui cet indice, ainsi que ce qu'on en a retiré? Pourriez-vous nous dire si c'est encore la mesure que nous devrions employer?
    Merci. J'apprécie cette question.
    Cette question de mesure de l'inflation est beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît, comme vous l'avez laissé entendre. Chacun d'entre nous a probablement sa propre expérience en matière d'inflation. La raison pour laquelle cette expérience diffère d'une personne à l'autre est que nos habitudes de dépense diffèrent considérablement par groupe d'âge, par région, et par bien d'autres facteurs.
     Cela constitue le point de départ où nous nous demandons quelle est la manière la plus simple et la plus intuitive de concevoir quelque chose marchant assez bien. Je crois que c'est une assez bonne description de l’IPC.
    L’IPC prend le panier typique de la ménagère, prend une année de référence, et vous dit que, cette année-là, les ménages ont consacré 2 p. 100 de leur argent à ceci, 4 p. 100 à cela, etc. Ensuite, bien sûr, on surveille le prix de vente de chacun de ces produits et on fait une moyenne pondérée de toutes ces choses pour construire un indice afin de voir de combien il a augmenté depuis la dernière fois qu'on l'a calculé. C'est notre mesure de l'inflation.
    C'est assez compliqué mais les économistes ont l'art de compliquer les choses. Il y a beaucoup d'autres manières beaucoup plus sophistiquées de calculer l'inflation, mais la bonne nouvelle est que nous n'avons absolument pas à nous en occuper parce qu'elles débouchent sur de petites différences ici ou là à tel ou tel moment mais en nous disant foncièrement la même chose en moyenne. C'est ce qui rend l'IPC très intéressant, parce que monsieur tout-le-monde peut le comprendre. Il comprend que, quand il achète un litre de lait, ça entre dans l'IPC et c'est compréhensible. Si nous disons que c'est la chose que nous allons cibler, il peut le comprendre et cela fonde ses attentes. Voilà la combinaison que nous recherchons.
    Merci.
     J'aimerais revenir sur une chose que vous avez mentionnée dans votre déclaration liminaire, et c'est le quasi-effondrement. On a parfois tendance à oublier que ça fait déjà six ans. Je sais que notre ministre des Finances a plusieurs fois évoqué le fait que nous avons été au bord du précipice, et pas seulement nous mais le monde entier. Le fait est que nous sommes aujourd'hui beaucoup plus tributaires de ce qui se passe dans le reste du monde, puisque ce qui arrive ailleurs nous touche aussi.
    Cela étant, pourriez-vous nous dire dans quelle mesure il est critique, maintenant que nous commençons à remonter la pente et à sortir du trou, de négocier de nouveaux accords commerciaux, et pourquoi il est si important de diversifier et de trouver de nouveaux marchés?
    Merci.
    C'est une excellente remarque. Le préambule est tout à fait juste. L'économie mondiale et le système financier ont manifestement été au bord du précipice et nous avons eu beaucoup de chance qu'il y ait eu une réponse aussi bien coordonnée — oserai-je dire orchestrée? — à laquelle le monde a participé, parce que l’échec aurait été beaucoup plus grave.
    Quoi qu'il en soit, nous continuons de nous rétablir et, dans certains cas, les ajustements qui sont nécessaires ont été reportés à une date ultérieure. Je dis souvent que, s'il a fallu six ou sept ans pour gonfler cette bulle — disons de 2001 à 2007 —, le cratère sera de même ampleur. Nous avons donc encore un peu de chemin à faire, d'autant plus que nous repoussons certains des ajustements nécessaires.
    Dans ce contexte, le monde n'est pas resté immobile. Ce qui s'est passé, c'est que les marchés émergents ou les marchés en développement se sont fort bien tirés d'affaire et continuent leur croissance.
    Demandez-vous à quoi ressemblerait le monde s'il y avait des gens sur chaque planète du système solaire. Où y aurait-il le plus de commerce? Je vous donne la réponse: les gros flux commerciaux se feraient entre Jupiter et Saturne, les deux boules vraiment très grosses qui sont proches l'une de l'autre. Nous, sur la Terre, nous nous demanderions comment il se fait que nous n'avons pas une plus grosse part du gâteau. Voilà le genre de monde qui va émerger au cours des cinq prochaines années. On appelle ça le commerce sud-sud.
     La seule manière pour le Canada d'assurer sa croissance dans le monde, comme petite économie ouverte, sera d'accroître sa présence sur ces marchés. Or, les données d’EDC montrent que c'est ce que font nos entreprises. Les accords commerciaux sont une méthode fantastique pour leur ouvrir la voie.

  (0945)  

    Merci.
    Merci, monsieur Van Kesteren.

[Français]

    Monsieur Côté, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur le gouverneur, de votre présentation.
    Je ne vous cacherai pas que certaines parties de votre déclaration préliminaire m'ont fortement impressionné. Je veux parler, entre autres, de la partie qui portait sur la conjoncture canadienne. En effet, vous avez dit: « Bref, il faut reconstruire le potentiel économique du Canada et retourner à une croissance autonome, qui s'autoalimente. »
     Lors d'une séance précédente, j'ai discuté avec votre prédécesseur. J'ai alors parlé du travail que nous devrions faire sur nous-mêmes et j'ai parlé de mon problème d'orgueil, soit celui de ne pas vouloir dépendre totalement de la croissance des autres pays ou d'être à la merci du retour à une croissance mondiale.
    Monsieur le gouverneur, en quoi la Banque du Canada peut-elle nous aider à nous engager dans cette voie?
    Je vous remercie de votre question.
    Je me pose la même question. Dans un sens fondamental, je ne sais pas vraiment si on doit nourrir ce processus ou simplement être patient. Je l'ignore. Comme je l'ai mentionné, c'est une variable importante. C'est une question de confiance et celle-ci ne peut être mesurée. On peut essayer de le faire, mais on n'aura pas de véritable réponse. Il faudrait donc attendre, mais on peut aussi faire de la recherche pour mieux comprendre ces questions.
    C'est, si je peux dire, un tâtonnement, car le contexte actuel est inédit. C'est tout à fait unique. Les modèles nous informent jusqu'à un certain point, mais il nous faut attendre ou comprendre les problèmes morceau par morceau. Je n'ai pas de réponse aujourd'hui, mais je vous assure que c'est un sujet fondamental de recherche et que c'est même un sujet de recherche personnelle. Il faut que nous discutions directement avec les entreprises pour nous aider à comprendre quels mécanismes nous devons adopter pour augmenter la confiance et pour prendre plus rapidement des décisions relatives aux investissements. Nous nous posons cette question.
    Étant donné que la crise dure depuis plusieurs années, la patience des gens, que l'on parle des entrepreneurs, des travailleurs ou des ménages, est limitée.
     Je dois féliciter mon collègue, M. Adler, de ne pas vous avoir posé de questions sur votre passé politique. Par contre, il a mis le doigt sur quelque chose qui m'a beaucoup impressionné. Vous avez parlé de l'économie mondiale qui est toujours en période de reprise. De plus, vous avez aussi dit que cela ressemblait plutôt à la reconstruction d'après-guerre.
    Cette image est très forte. Mon passé d'historien me pousse à faire certains parallèles, même si je sais que la comparaison est injuste et qu'elle ne peut pas se faire complètement. Cela veut-il dire qu'il faudra dépasser les mesures d'ordre monétaire? Quand on parle du contexte mondial, faudra-t-il carrément s'engager dans une voie plus interventionniste ? Évidemment, les États-Unis sont dans une position totalement différente de celle qui existait au cours de l'après-guerre.

  (0950)  

    En effet, cette image est peut-être forte, mais, selon moi, c'est une façon d'expliquer quelle est la différence entre la situation actuelle et un cycle précédent, tel que défini par notre textbook. C'est très différent. Tous les jours, à l'instar des économistes, on utilise les modèles de nos textbooks. Je dirais plutôt que c'est comme une sorte de reconstruction d'après-guerre. Il faut attendre de nouveaux développements et la reconstruction de notre potentiel. Cela va augmenter plus rapidement que d'habitude à certains moments du cycle. J'espère du moins que ce sera le cas.
    Il faut, plus particulièrement, une demande de l'étranger. Cela sera suivi par la confiance et des investissements. La capacité va augmenter. J'ai mentionné...
    Monsieur Poloz, je vous demanderais de conclure brièvement.
    J'ai mentionné dans mes remarques qu'en 2009, la Banque du Canada avait indiqué qu'il y avait eu une chute du potentiel de production. On a vu cela avec les entreprises dans le secteur de l'automobile et dans le secteur forestier. Il y a eu une chute d'environ 50 % de la capacité dans le secteur forestier. S'il y a une demande à cause des mises en chantier aux États-Unis, on verra une ouverture.
    Merci, monsieur Poloz. Merci, monsieur Côté.

[Traduction]

    Madame Glover, c'est votre tour.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Poloz, je veux aussi vous souhaiter la bienvenue.
    J'ai trouvé incroyable le rappel de vos premières années. Je pense que les Canadiens qui sont en train de nous regarder et d'écouter vos propos vont être très heureux de connaître qui est ce nouveau gouverneur de la Banque du Canada. Je vous remercie parce que votre histoire personnelle et professionnelle est très impressionnante.

[Traduction]

    J'aimerais prendre un moment, monsieur le gouverneur, pour revenir sur votre déclaration liminaire. À la troisième page, vous dites que nous avons accompli des progrès importants à l'égard d'autres réformes des infrastructures de marchés, dont nous pouvons traiter en détail au cours de notre discussion.
    J'aimerais vous donner l'occasion de nous donner des détails à ce sujet.
    Merci.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de vos autres remarques.

[Traduction]

    Oui, ce dont nous avons parlé ce matin concernait le cycle économique, ce que la crise nous a fait, à quoi ressemble la reprise de l'économie jusqu'à présent , et ce que nous espérons pour l'avenir.
    Il y a en contrepartie cet impératif mondial de modernisation de l'architecture financière mondiale. C'est un peu comme un vieil immeuble: tout va bien mais, quand arrive un tremblement de terre totalement imprévu — complètement en dehors de l'échelle de Richter, si vous voulez —, il est presque trop violent pour qu'on y résiste.
    Le secteur financier est avant tout un marché mondial, ce qui veut dire que les mesures de rétablissement doivent être pleinement coordonnées au niveau mondial, d'où les activités de la Banque des règlements internationaux, et du CSF que préside le gouverneur Carney en ce moment. Cela nous donne la possibilité de discuter ensemble de ce qu'il faut faire, de nous entendre sur des principes, et de faire en sorte que chacun fait ensuite la même chose pour que nous soyons tous sur un pied d'égalité. C'est un ingrédient très important.
     Depuis lors, il y a eu un renforcement massif de la capitalisation. La plupart des pays, et certainement la plupart des banques — toutes nos banques — sont largement en avance à ce sujet. Donc, une hausse importante de la capitalisation, une hausse des exigences de liquidités allant au-delà… Si vous demandez si le système bancaire du Canada ou mondial est plus solide aujourd'hui qu'il l'était en 2007, je vous réponds absolument oui. Il est plus résilient que jamais. Certes, il y a encore du travail à faire, et c'est un domaine très actif.
    En particulier, nous n'avons pas encore trouvé de remède mondial totalement satisfaisant au problème des établissements trop gros pour faire faillite, ce qui est très important. Si vous avez un établissement susceptible de faire faillite, il risque d'infecter tout le système. Les pouvoirs publics sont alors obligés de le sortir d'affaire pour protéger le système. Nous avons vu ça plusieurs fois durant cette crise.
     L'idée est donc de créer une infrastructure qui nous permettrait de ne pas avoir à faire cela — ce genre de sauvetage — ou d'élaborer des plans de résolution, ou les deux. Si vous avez un plan exhaustif indiquant comment tel ou tel établissement sortira d'affaire s'il fait face à ce genre de problème, il ne vous reste plus qu'à dire à tout le monde ce qui se passe sans que cela infecte tout le système. Je conviens que c'est un résumé très simpliste d’une situation en réalité très complexe parce que les systèmes financiers varient beaucoup dans le monde. Encore une fois, le but est de faire en sorte que tout le monde soit sur un pied d'égalité pour que tout le monde puisse faire la même chose. C'est un processus qui continue et je suis très encouragé par les progrès réalisés.

  (0955)  

    Le gouvernement s'est penché sur cette question. Comme vous le savez, dans le dernier budget, on a parlé de renforcer ça. Pensez-vous que c'était une bonne idée?
    Absolument et, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est tout à fait un effort collectif. C'est la responsabilité du ministre des Finances, pas de la Banque du Canada en soi, celle-ci participant plus comme conseillère, comme centre de recherche, ce genre de choses. Nous siégeons à la table avec le BSIF, la SADC, le ministère des Finances, et nous avons une équipe très solide.
    J'en suis heureuse.
    Quelqu'un a parlé tout à l'heure du commerce international. D'après vous, quel est le problème ou l'obstacle pour inciter les entreprises à exploiter de manière agressive leur propre capacité à commercer avec les marchés émergents? Y a-t-il là un défi que nous serions en mesure de relever?
    Une courte réponse, s'il vous plaît, gouverneur.
    Certainement. Merci.
    Je dirais que le défi est plus l’inconnu qu'autre chose. Si vous n'avez jamais pris l'avion pour aller en Inde vendre vos bricoles, ça peut être tout un défi. Ce que les entreprises ont découvert, c'est que ce que veulent les gros marchés émergents, comme l'Inde, le Brésil et la Chine, c'est avoir l'occasion de vous rencontrer au déjeuner de la chambre de commerce toutes les deux semaines pour apprendre à vous connaître. Autrement dit, ils veulent que vous soyez présent sur place.
     Le modèle que les entreprises adoptent consiste à avoir une présence locale et à faire un investissement sur le marché étranger afin d'y prendre pied. C'est ce qui construit le pont du commerce. Ça exige plus de confiance en soi et plus d'argent qu'aller simplement sur place avec une valise d'échantillons en espérant faire une vente. Le modèle commercial devient plus difficile, plus sophistiqué, et plus tributaire des accords commerciaux pour aider à résoudre toutes les questions qui se posent lorsqu'on veut faire une transaction plus complexe.
    Merci.
    Merci, madame Glover.
    Monsieur le gouverneur, j'aimerais vous interroger au sujet d'un rapport publié par l'institut C.D. Howe, intitulé The Dangers of an Extended Period of Low Interest Rates: Why The Bank of Canada Should Start Raising Them Now. C'est un rapport très intéressant et très convaincant. J'y ai trouvé la phrase suivante:
    Les bas taux d'intérêt ont incité le consommateur canadien à accumuler une proportion record de dette par rapport au revenu, malgré une réglementation de plus en plus restrictive du crédit hypothécaire et les mises en garde de la Banque du Canada sur les dangers d'un endettement excessif.
    On parle aussi dans le rapport de l'effet à longue échéance des bas taux d'intérêt sur les fonds de pension et les compagnies d'assurances. On parle des jeunes qui investissent, qui achètent peut-être une maison pour la première fois, et de l'effet sur les retraités, du point de vue des fonds de pension et des compagnies d'assurances. Les auteurs présentent une argumentation très solide pour un relèvement des taux, au moins à court et à moyen terme. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Merci, monsieur le président.
    Au fait, ce rapport a été rédigé par l'un de mes anciens collègues de la Banque du Canada, Paul Masson, et je connais très bien son travail. Toutefois, ce n'est qu'un côté du bilan que je garde toujours en tête.
     Étant donné la situation dans laquelle nous nous trouvons, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, qui nous oblige à préserver notre cible de stabilité des prix et à aider l'économie canadienne à traverser la crise, c'était l'outil que nous avions à notre disposition, l'outil de taux d'intérêt très, très bas. Nous savons que cela a eu les effets positifs dont nous avions besoin à l'époque, et nous savions aussi, bien avant la publication de ce rapport, que cela aurait également certaines conséquences qui s'accumuleraient à plus long terme. Est-ce que des taux « bas longtemps », qui est l'expression que nous employons, nous exposent à ces risques? Les risques mentionnés sont tout à fait exacts. Ce sont les mêmes dont nous parlions tout à l'heure. Nous devons nous demander si ces risques sont plus ou moins importants que les autres risques auxquels nous échappons avec cette politique. Autrement dit, le compromis qu'on doit faire est plus complexe que ce que semble dire cette analyse.
    Certes, nous avons la conviction que les taux d'intérêt augmenteront comme on le dit dans le rapport à mesure que l'économie mondiale se rétablira. C'est exactement ce dont nous avons besoin, mais cela devra concorder avec notre cible d'inflation, qui est d'arriver autour de 2 p. 100, de façon à retourner là où nous devons être. Pour le moment, c'est là que nous sommes. Nous sommes conscients de ces risques. Nous ne voyons aucun signe que ces risques se manifestent de manière menaçante pour le moment, mais nous surveillons attentivement la situation. Nous continuerons à faire ce compromis à mesure que nous avançons.

  (1000)  

    xxxL'une des principales préoccupations, comme l'a dit un membre du comité, a été soulevée dans le passé par le gouverneur Carney au sujet de l'endettement des ménages.
    S'il l'on tire des leçons des générations précédentes, la leçon de mes grands-parents a été la grande dépression. Celle de mes parents a été l'obligation de payer une hypothèque à des taux très élevés. Celle d'un adolescent d'aujourd'hui sera l'existence de taux très bas pendant très longtemps. Par conséquent, à ses yeux, il est presque plus prudent d'accumuler de la dette que ce ne l'est avec des taux plus élevés.
     J'aimerais avoir votre avis là-dessus. Êtes-vous inquiet de la leçon donnée à la génération des jeunes d'aujourd'hui, dans la vingtaine ou la trentaine, en termes d'endettement personnel?
    Merci.
    Oui, je suis inquiet. Mon souci est que nous fassions ce qu'il faut pour que ça ne dure pas pendant toute une génération. C'est exactement le but de la politique, c'est-à-dire que les bas taux d'aujourd'hui, dont on espère qu'ils ne dureront pas trop longtemps, donneront les résultats dans nous avons besoin pour sortir de la crise. Ensuite, nous reviendrons à la normale. C'est ce sur quoi nous tablons.
    Je tiens à souligner que nous ne sommes pas les seuls dans cette situation. La Banque du Canada ne peut faire qu'une seule chose, instaurer le bon environnement pour les décisions que les gens, comme les jeunes, feraient dans un environnement de stabilité des prix, avec un système financier stable. Mais si nous sommes préoccupés par certains de ces risques, il y a d'autres outils, comme les ajustements apportés par le ministre des Finances au crédit hypothécaire. Vous avez là un exemple de l'effort collectif de l'équipe, ce qui est très bien.
    Je crois que la banque a bien pris la peine de rappeler continuellement aux gens que les taux d'intérêt finiront par remonter. La conséquence de cette situation est que, si les jeunes décident de s'endetter plus que leurs parents l'auraient fait à leur âge, il leur incombe de faire des calculs pour s'assurer qu'ils seront en mesure de gérer cette dette à un taux d'intérêt plus élevé, un taux d'intérêt plus normal, disons. Dans ce contexte, nous pensons que la prudence est là, autant de la part du prêteur que de la part de l'emprunteur, et nous avons fait notre possible pour nous assurer que chacun s'en sortira bien.
    Merci.
    Je redonne maintenant la parole à Mme Nash.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais revenir sur un facteur sur lequel vous avez insisté dans votre déclaration, monsieur le gouverneur, c'est-à-dire la confiance et la confiance dans notre économie. Votre prédécesseur avait évoqué une somme de plus de 600 milliards de dollars en espèces et en actifs facilement convertibles en espèces figurant sur les bilans des grandes entreprises. Il avait dit qu'il y avait là un problème. À l'époque, il avait parlé d'argent mort. Il disait que c'était inquiétant parce que ces entreprises ne voyaient aucune raison d'investir leur argent dans le climat actuel des affaires. Cela soulève clairement cette question de confiance dans l'économie.
    Tout d'abord, partagez-vous l'opinion de M. Carney que cet argent est de l'argent mort? Si oui, comment recommandez-vous qu'on s'attaque au problème? Je dois dire en guise de préface que vous avez affirmé, dans votre déclaration, que la demande étrangère devra se rétablir, comme condition préalable pour que les entreprises investissent et s'agrandissent. Est-ce là une bonne interprétation de votre approche?

  (1005)  

    Merci de la question.
    En ce qui concerne l'argent mort, je pense que mon prédécesseur lui-même avait annoncé sa résurrection. Notre analyse de cette situation est un peu différente. Nous considérons en effet que les entreprises du Canada ont des bilans sains, ce qui est une bonne chose. Le processus que j'ai décrit tout à l'heure sera beaucoup plus difficile si la demande étrangère se rétablit et que notre confiance se raffermit mais que nous n'avons pas les bilans nécessaires pour faire le travail. À ce moment-là, le problème sera bien différent.
    L'un des ingrédients les plus importants pour que l'investissement retrouve l'impulsion que nous attendons consiste à avoir un bilan sain et être prêt, être dans une position telle que les entreprises puissent faire le genre de diligence raisonnable qui s'impose avant de faire un investissement de taille.
    L'un des éléments de cette diligence consiste à comprendre ce qui se passe en Chine, ce qui se passe en Amérique latine, et ce qui se passe en Europe, et si cette situation va se régler. Les entreprises devront décider si elles ont ou non suffisamment d'assurance que leur investissement sera rentable et que c'est donc le moment d'agir. Lorsqu'il y a beaucoup d'incertitude, elles attendent. En ce sens, un bilan sain est une bonne chose mais, bien sûr, il faut qu'il débouche sur l'action.
    Je pense que ce que nous souhaitons — les conditions préalables dont vous avez parlé — commence à émerger, mais nous ne savons pas vraiment à quel moment nous aurons atteint le point de bascule disant que tout va bien. Comme je l'ai dit, les données sont lentes et il se peut que nous ayons déjà atteint ce point. Les gens à qui je parle semblent raisonnablement confiants. Ils s'inquiètent de la situation en Europe. Ils s'interrogent, disons, sur la Chine, mais ils sont plus ou moins prêts à agir. En ce sens, je me sens raisonnablement confiant, mais il y a un point d'interrogation et je dois admettre que je ne sais tout simplement pas.
    À l'époque, le gouverneur et le ministre des Finances avaient tenté vigoureusement d'encourager les entreprises à investir dans une sorte de mouvement préalable à leurs propres actions. Toutefois, le gouverneur était aussi très préoccupé par la faible croissance des exportations. En qualité d'ancien dirigeant d’EDC, je suppose que cela doit vous préoccuper aussi. Le gouverneur Carney disait que c'est l'un des principaux obstacles au rétablissement de l'économie. Êtes-vous d'accord et partagez-vous cette préoccupation?
    Merci.
    Oui. La situation dont nous parlons — des bilans sains, se préparer à investir, avoir confiance — est fortement influencée par le secteur des exportations, mais pas seulement. C'est dans ce secteur que nous avons constaté les dégâts disproportionnés dont nous avons parlé, parce que c'est la demande étrangère qui s'est le plus effondrée. C'est notre meilleur partenaire commercial qui a subi le choc le plus brutal. Et il a été lent à se rétablir.
    L'ajustement a consisté à trouver de nouveaux secteurs de croissance dans lesquels investir, tout en maintenant nos intérêts à l'égard des États-Unis étant donné que nous ne perdrons jamais notre partenaire commercial le plus important. Ces nouveaux secteurs, comme je l'ai dit, sont des pays qui nous semblent un peu plus exotiques. Cela exige que notre diligence raisonnable soit un peu plus poussée.
    Nous voyons des signes que cela se produit. J’ai la conviction que ça va se développer à partir de maintenant. Nous allons simplement devoir continuer ce dialogue parce que ça ne se fait tout simplement pas encore à un rythme de croisière.
    Merci.
    Merci, madame Nash.
    Nous retournons maintenant à M. Jean.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis très heureux d'avoir la chance de pouvoir vous poser deux séries de questions. Je suis certainement très impressionné par le choix qu'a fait le gouvernement.
     J'aimerais maintenant vous parler un peu d'une chose qui me tient beaucoup à coeur, la régionalisation de l'économie du Canada basée sur des poches d'emploi élevé et d'autres poches d'emploi faible. Je veux parler plus précisément de notre marché d'exportation, les sables bitumineux. Je viens de Fort McMurray et c'est donc une question qui me passionne.
    J'ai vu ce matin, par exemple, que les sables bitumineux perdent entre 30 et 50 millions de dollars par jour à cause de capacité pipelinière insuffisante. J'ai regardé les cours ce matin et j'ai vu que le GNL vaut environ 4,16 $ par milliard de pieds cubes ici, en Amérique du Nord, contre 14 $ en Asie, soit près de 10 $ plus, ou trois fois plus. Et en Europe, c'est 11,50 $ par milliard de pieds cubes par jour.
     Nous savons que le bas prix ici, en Amérique du Nord, s'explique essentiellement par le fait que nous avons une contrainte dans les mécanismes de livraison vers d'autres pays, même s'il y a une demande élevée aux États-Unis. En fait, nous n'avons qu'un marché. Cela constitue-t-il un risque élevé pour l'économie canadienne, tout d'abord? Ensuite, comment pouvons-nous continuer à chercher des solutions pour éliminer ce risque? Que pouvons-nous faire pour tirer avantage des poches d'emploi élevé par rapport aux autres régions du pays?

  (1010)  

    Merci. Vous venez de poser beaucoup de questions en même temps et je vais faire mon possible pour y répondre.
    Tout d'abord, commençons par la prémisse que nous avons énormément de chance d'avoir toutes ces ressources. Dans la mesure où nous sommes en mesure de les mettre en valeur et de les vendre au reste du monde, cela représente en fait de l'argent en banque pour nous. C'est l'une de ces choses qui peuvent prendre du temps, mais nous savons que c'est de l'argent en banque. Donc, nous y travaillons.
     Je me souviens de l'époque où, pour le gaz naturel, nous n'avions aucun terminal de liquéfaction ni aucune possibilité de le transporter. Nous avions donc un pipeline fermé, le marché nord-américain. Cela n'avait rien à voir avec les éléments fondamentaux mondiaux, ce qui n'est pas autant le cas maintenant parce que nous pouvons liquéfier et exporter. Cela vous montre à nouveau exactement ce qui peut arriver dans l'espace pétrolier où, si vous avez une contrainte, vous n'avez pas une équivalence de prix ici et de prix dans le reste du monde.
    Tout ce que je peux vous dire, c'est que ces infrastructures doivent être créées de diverses manières et que nous avons toutes les raisons de croire que nous deviendrons à terme un acteur d'un marché vraiment mondial. Notre espoir est que les contraintes disparaîtront avec le temps.
    En ce qui concerne les effets de la régionalisation, si vous voulez — ou, peut-être, les déséquilibres régionaux de l'activité économique —, je suis très encouragé par la manière dont nous nous sommes adaptés au cours des cinq dernières années.
    Si vous retournez 20 ou 30 ans en arrière, il me semble que nous ne nous serions pas aussi bien adaptés. Il me semble que notre aptitude à nous adapter à ce genre de choc s'est améliorée. Les gens sont plus mobiles. Les gens réagissent à ces pressions et s'en vont ailleurs. C'est très beau à voir. Cela veut dire qu'avec le temps, idéalement au cours des 20 prochaines années, les déséquilibres de ce genre, régionaux, seront moins nombreux qu'ils l'ont été dans le passé grâce à ces ajustements.
     N'oubliez pas que, lorsqu'il y a une situation de ce genre, c'est généralement parce que quelqu'un a décidé que nous avons quelque chose qui vaut beaucoup plus que ça valait auparavant. Nous sommes donc tous les bénéficiaires parce que c'est simplement plus d'argent qui rentre dans nos caisses. Et c'est une chose à laquelle il vaut la peine de s'ajuster.
    Si nous n'éliminons pas cette contrainte reliée à la capacité des pipelines — par exemple, vers une autre côte —, pensez-vous que ce sera une menace réelle pour l'économie? Je vous pose cette question précisément parce que nous avons actuellement environ 300 000 à 350 000 personnes qui sont employées directement ou indirectement par les sables bitumineux. C'est quelque chose comme 8 à 12 p. 100 du PIB du pays, et on s'attend à un triplement de la base. Autrement dit, on s'attend à ce qu'il y ait d'ici à 2030 autour d'un million de personnes au Canada qui seront employées directement ou indirectement par les sables bitumineux.
    Croyez-vous que, si nous ne réglons pas ce problème de capacité, nous allons nous retrouver avec un escompte encore plus gros sur les prix du pétrole aux États-Unis?
    Veuillez répondre brièvement, monsieur le gouverneur.
    Merci. Je peux répondre très brièvement parce que je ne connais tout simplement pas la réponse à la question.
    Vous parlez ici d'une trentaine d'années. Beaucoup de choses peuvent se passer en 30 ans et, s'il est parfaitement clair qu'une partie de cette histoire ne saurait se réaliser si nous ne faisons pas aussi un certain investissement en infrastructures, il est tout aussi évident que cela n'a pas beaucoup à voir avec la politique monétaire. C'est une chose dont nous devrons tenir compte dans différentes situations que vous avez décrites, quand nous essaierons de cerner les conséquences macro-économiques pour le Canada.
    Merci, monsieur Jean.
    C'est maintenant au tour de M. Brison.
    Dans le sillage de votre discussion avec M. Jean, pouvez-vous me dire, monsieur le gouverneur, quelle sera l'importance de la demande des denrées de base pour le rétablissement de l'économie canadienne.

  (1015)  

    À mon avis, c'est le fondement de notre croissance économique et ça restera probablement très important.
    Je ne saurais vous dire dans quelle mesure ce sera plus ou moins important, mais ce que je sais, c'est que nous sommes encore dans une phase de développement dans des pays comme la Chine ou l'Inde, où la croissance elle-même, qui est élevée, est considérablement reliée aux denrées de base, à la différence de la croissance dans notre propre économie, qui l’est beaucoup moins. Cela veut dire qu'il y a un effet multiplicateur d'une croissance plus élevée: un dollar supplémentaire de croissance en Chine a un impact disproportionné chez nous, par le truchement de cet effet des denrées de base — que ce soit par le truchement du prix ou par le truchement du volume.
    Cela stimulera la croissance du Canada pour aussi longtemps que vous et moi pouvons l'envisager. Il y a énormément de potentiel inexploité au Canada.
    Vous avez prédit ce matin que nous aurons une relance inhabituelle. Vous l'avez comparée à un cycle de reconstruction d'après-guerre. Ce cycle avait été propulsé par la conversion de la production de guerre en fabrication de biens de consommation. C'était une relance fondée sur la fabrication.
    Pourquoi comparez-vous ce que vous venez juste de décrire comme étant une relance fondée sur les denrées de base à la période de reconstruction d'après-guerre, qui était une relance fondée sur la fabrication?
    Merci.
    Vous venez peut-être de pousser un peu trop loin ma métaphore.
    Je n'ai jamais rencontré une « phore » qui ne me plaisait pas.
    Ce que j'ai voulu dire en parlant de la période d'après-guerre, c'est qu'il y avait des entreprises qui étaient là avant et qui ne sont plus là maintenant. Le processus de rétablissement exige la reformation d'entreprises et la création d'entreprises toutes nouvelles ou l'expansion d'entreprises existantes. Ce n'est pas la même chose que dans un cycle traditionnel de manuels d'économie. Voilà vraiment ce que j'essayais de dire.
    Que ce soit fondé sur la fabrication ou sur les denrées de base…
    Convenez-vous cependant que les emplois du secteur de la fabrication créés après la guerre étaient bien différents de beaucoup des emplois qui sont créés aujourd'hui?
    C'est absolument le cas, mais je ne fais absolument pas fi du secteur manufacturier actuellement. J'ai vu beaucoup d'études de cas, dont nous pourrions parler, indiquant que le secteur manufacturier est florissant au Canada parce que les entreprises trouvent exactement ce que veulent les clients étrangers et qu'elles sont capables de le produire de manière efficiente.
    Absolument.
    En 2005, vous aviez dit que la maladie hollandaise serait une maladie débilitante pour le Canada.
    Le pensez-vous encore?
    Vous faites peut-être là un raccourci très saisissant de ce que j'ai dit à l'époque. À ce moment-là, notre souci était d'identifier les symptômes en se demandant pendant combien de temps ils pourraient durer et où ils risquaient de nous amener. Ces symptômes étaient tout à fait corrélés avec ce qui s'est passé en Hollande durant cette période.
    Je ne dirais absolument pas que la situation d'aujourd'hui est le moindrement similaire à celle-là. C'est en réalité ce qui semble être une valorisation supérieure permanente des denrées que le Canada a à offrir au monde. C'est une bonne chose, incontestablement, qui donne les ajustements dont M. Jean et moi-même discutions.
    Certainement.
    L'histoire de votre vie est une source d'inspiration. Vous avez dit qu'une des chances importantes que vous avez eues a été d'obtenir cet emploi à la Banque du Canada dans votre jeunesse, quand vous étiez étudiant. Étiez-vous rémunéré à ce moment-là?
    M. Stephen S. Poloz: Oui.
    L'hon. Scott Brison: Bien. Aujourd'hui, le phénomène des stages non rémunérés a atteint un niveau sans précédent.
    En tant qu'économiste, quelles sont selon vous les conséquences économiques potentielles de cette multiplication des stages non rémunérés, et quels sont leurs effets sur l'égalité des chances? Les familles riches peuvent se permettre de donner à leurs enfants ce genre d'expérience d'emploi extraordinaire, alors que les familles pauvres ont besoin que leurs enfants acceptent n'importe quel emploi rémunéré.
    Y a-t-il là une menace, d'après vous, comme économiste?
    M. Stephen S. Poloz: Eh bien, à ce sujet...
    Pouvez-vous répondre brièvement, monsieur le gouverneur?
    Brièvement?
    Le président: Oui.
    M. Stephen S. Poloz: Avec plaisir, monsieur le président.
    C'est une question très compliquée et qui sort largement du cadre de la politique monétaire. Je peux simplement vous signaler que j'ai constaté le même phénomène avec mes propres enfants. Les expériences qu'ils avaient accumulées leur ont été précieuses une fois qu'ils ont commencé à être rémunérés.
    Merci.
    Monsieur le gouverneur, je voudrais revenir sur l'une des déclarations que vous avez faites au début. Vous parliez des États-Unis et du Japon.
     Le Japon est un pays dont le gouverneur Carney, dans son dernier rapport de politique monétaire, et le dernier rapport de politique de la Banque, disait que c'était un pays auquel nous devrions prêter de plus en plus attention.
     Étant donné que vous l'avez mentionné dans votre déclaration liminaire et étant donné la situation récente concernant notre devise, entre autres choses, pourriez-vous développer votre pensée au sujet du Japon, sur la base de votre déclaration liminaire?

  (1020)  

    Certainement. Merci.
    Oui, le Japon est un partenaire commercial important du Canada. Il l'a toujours été. Les économistes ont pris l'habitude de dire: « Oh, ça fait une vingtaine d'années qu'il n'y a pas de croissance au Japon », mais ce qui semble se passer maintenant, et que nous surveillons avec beaucoup d'attention, c'est que la nouvelle politique monétaire du pays est directement destinée à rompre ce que j'appellerai le barrage — des gens qui n'ont connu que la déflation pendant la majeure partie de leur vie d’adulte, des gens dans la quarantaine qui n'ont pas acheté de maison ou de logement, simplement parce que le marché japonais est dysfonctionnel.
    Faire bouger ce modèle pourrait avoir des répercussions importantes pour le monde, nous compris.
    Donc, vous estimez que le Japon est en train de régler ses problèmes concernant sa monnaie, sa politique monétaire? Vous voyez plus de croissance économique là-bas. Je pense que vous êtes plus optimiste que ne le fut le gouverneur Carney lors de son avant-dernier passage devant le comité.
    Ai-je raison de présenter votre position de cette manière?
    Merci de m'avoir rappelé le reste de votre question, monsieur le président, qui est que, quand on change de politique monétaire, comme l'a fait le Japon, l'une des conséquences d'un taux de change flottant est que la monnaie a de très fortes chances de se déprécier, ce qui a été le cas.
    Donc, pour les autres pays, il faut tenir compte de la situation globale, qui est qu'il y a là un effet de taux de change qui peut avoir une influence sur les exportateurs, mais l'effet le plus important sera la hausse des revenus et de la demande au Japon, que nous partagerons tous. c'est ce que les économistes appellent l'effet de revenu. Si le Japon a une économie en pleine croissance plutôt qu'une économie stagnante, c'est incontestablement bon pour le monde entier.
    Bien.
     Je voulais poursuivre sur un sujet différent, c'est-à-dire l'indice de référence de l'inflation et l'indice d'ensemble de l'inflation. Pouvez-vous expliquer pourquoi la Banque du Canada utilise l'indice de référence de l'inflation comme cible opérationnelle?
    D'aucuns affirment que cela ne donne pas une image de l'inflation aussi complète que l'indice d'ensemble et que la Banque devrait donc utiliser cet indice d'ensemble pour ses limites opérationnelles.
    Comme je l'ai déjà dit, il existe un large éventail de mesures possibles de l'inflation au Canada. À plus long terme, elles ont toutes tendance à produire la même sorte de moyenne mais, à court terme, elles peuvent être très différentes.
    En particulier, l'IPC peut être fortement influencé par de fortes variations des prix de l'essence ou des prix de l'alimentation, disons. Ce sont les facteurs classiques. Autrefois, les prix de l'alimentation et de l'énergie étaient exclus. Aujourd'hui, on exclut les huit ou neuf composants les plus fluctuants pour donner une meilleure idée de la variation possible de l'inflation, par opposition aux composants variables, pour avoir plus de signal et moins de bruit.
     Cela nous aide à mieux vérifier si la tendance n'a pas dévié. Cela nous permet mieux d'éviter d'être trompés par une forte variation soudaine d'un ou deux articles seulement. C'est aussi simple que ça.
    Mais nous faisons attention. C'est l'ensemble qui nous importe.
    Merci. Je vous remercie de cette réponse.
     C'est maintenant au tour de monsieur Caron, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur le gouverneur, votre prédécesseur est évidemment encore très actif à la Banque d'Angleterre, mais aussi à la tête du Conseil de stabilité financière.
    On parle beaucoup du fait qu'on essaie de se sortir de la crise dans laquelle nous sommes présentement — plusieurs pays sont dans une situation encore pire que la nôtre —, mais il ne faut pas oublier non plus les causes qui nous ont amenés dans cette situation. Le Conseil de stabilité financière est censé aborder ces questions. Avec M. Carney, c'était clair parce qu'il était gouverneur de la Banque du Canada. Toutefois, il est maintenant à l'extérieur du pays.
     J'aimerais savoir quelle est votre vision du rôle que vous voulez jouer? Quel rôle voulez-vous voir la Banque du Canada jouer au sein du Conseil de stabilité financière afin de s'occuper des causes systémiques de la crise de laquelle nous tentons de nous sortir?
    Je vous remercie de la question.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, la Banque du Canada est un joueur d'équipe. C'est une équipe qui inclut aussi le ministère des Finances, le Bureau du surintendant des institutions financières et la Société d'assurance-dépots du Canada. Dans le contexte de cette équipe, la Banque du Canada a deux rôles à jouer.
    Premièrement, il faut s'assurer que le contexte macroéconomique est le plus stable possible. Cela veut dire, en particulier, qu'il y ait une stabilité des prix.
     Deuxièmement, il faut qu'elle soit une espèce de conseiller et qu'elle fasse des recherches fondamentales à long terme pour fournir des éléments utiles pour les discussions. Il faut que ce soit des recherches très sérieuses.
    Notre rôle est de faire en sorte que les discussions soient basées sur de meilleures informations. C'est d'ailleurs le rôle que le Canada a joué sur le plan international. On a fait la même chose avec notre expérience au Canada. Il était évident que notre système était, dans un sens, supérieur aux autres ou plus résilient que les autres systèmes.
    Par ailleurs, nos recherches ont contribué à faire en sorte que les discussions soient basées sur de meilleures informations. C'est pourquoi la contribution du Canada a été plus importante que sa taille le laisserait croire. Le fait que M. Carney ait été nommé à la tête de cette organisation le démontre.
    J'espère que j'ai répondu à votre question.

  (1025)  

    Vous y avez répondu partiellement.
    En effet, on parle de l'impact de la crise financière sur le système bancaire. Je crois que tout le monde reconnaît que le système bancaire canadien était plus solide que beaucoup d'autres, et ce, pour plusieurs raisons. Néanmoins, le système financier canadien a été affecté par des éléments dont on ignorait qu'ils présentaient des risques. On parle, par exemple, d'asset-backed commercial paper et de subprimes. Ces éléments ont été mis en cause et ont été des éléments déclencheurs de la crise.
     C'est donc une question de complexité des outils financiers et c'est ce sur quoi le Conseil de stabilité financière veut se pencher. Il veut voir si le système est en fait hors de contrôle à cause de la complexité des outils. Dans ce sens, quelle direction la Banque du Canada veut-elle prendre au sein du Conseil de stabilité financière?
    De plus, s'il vous reste du temps, quels conseils pourriez-vous donner, par exemple au ministre des Finances, pour qu'il joue un rôle proactif en ce qui a trait aux causes premières de la crise?
    Monsieur Poloz, il vous reste une minute.
    Il est certain que la crise a touché profondément notre système bancaire. Ce système est assez complexe et devient en effet tous les jours de plus en plus complexe.
    On a besoin d'un système collaboratif où les règles seraient presque volontaires étant donné que tout le monde veut que le système soit plus résilient. C'est le but de tous, y compris des banques. Il nous faut donc de grandes discussions de nature collaborative entre les banques et les gens qui sont ici, à Ottawa. La Banque du Canada a quelque chose à dire et doit participer à ces discussions. Elle peut notamment apporter beaucoup sur le plan de la recherche.
    Monsieur Poloz, je vous remercie.

[Traduction]

    Nous allons faire un dernier tour de piste avec Mme McLeod.
    Merci.
    Encore une fois, je suis vraiment très heureuse que nous ayons pu aborder beaucoup de sujets différents.
     Nous avons parlé brièvement de l'endettement des ménages, qui est préoccupant. Je constate également que, selon les tendances de marché de TransUnion, les derniers résultats montrent qu'il y a eu une réduction assez importante, ce qui montre qu'on va certainement dans la bonne voie.
    J'ai eu cette semaine une rencontre avec l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, qui a fait une certaine analyse de niveau macro-économique dans la circonscription que je représente et a constaté une utilisation beaucoup plus élevée qu'ailleurs des marges de crédit. Elle me disait que le profil d'endettement y est très différent qu'ailleurs, et que c'est parfois une question très régionale.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus de la tendance et, peut-être, de cette sorte d'analyse régionale de l'endettement des ménages et de ses répercussions éventuelles?

  (1030)  

    Oui. Merci.
    Je dois commencer par rappeler que le monde a beaucoup changé au cours des 20 ou 30 dernières années. La dette des ménages d'aujourd'hui n'est probablement pas facile à comparer à celle d'il y a 20 ans, tout simplement parce que le système financier est devenu beaucoup plus souple, et est presque devenu un libre-service. Chacun peut contrôler son propre niveau d'emprunt beaucoup plus facilement que la génération précédente.
    Cela a amélioré ce que j'appelle l'efficience du système financier, ce qui veut dire que les ménages ont peut-être une dette plus élevée sur leur bilan personnel, mais ils ont peut-être aussi plus d'actifs, ce qui voudrait dire qu'ils parviennent globalement à gérer leur endettement comme le ferait une entreprise. Je ne voudrais pas faire dévier la conversation à ce sujet mais je tiens simplement rappeler à tout le monde que nous ne devrions pas comparer un certain pourcentage aujourd'hui au même pourcentage d'il y a 20 ans en disant « Oh, ça ne peut pas être vrai », parce que nous n'avons pas tout à fait le même genre d'assurance.
    Les tendances que nous observons sont cependant très constructives, comme vous l'avez dit. L'endettement a au moins cessé d'augmenter par rapport au revenu, ce qui est le minimum que nous voulons voir. Comme je l'ai déjà dit, à condition que le reste de l'histoire se réalise comme je l'ai décrit tout à l'heure, ce que nous verrons, c'est une période durant laquelle les consommateurs consolideront leur bilan personnel parce que ce n'est pas le consommateur qui sera le fer de lance de la croissance économique.
    Les ajustements que nous avons faits dans l'espace de l'assurance contribuent évidemment à ce changement de comportement, et nous voulions nous assurer qu'il n'y avait pas d'éléments spéculatifs émergeant du secteur domiciliaire, en particulier.
     Les analyses effectuées par l’ACFC au niveau micro-économique semblent très intéressantes. Je connais ses représentants et j'aimerais voir leur rapport car je ne l'ai pas encore vu.
    Oui, c'était intéressant parce que les coûts du logement dans notre collectivité sont certainement moins élevés que dans une ville comme Vancouver, et l'on se demande donc si les gens absorbent simplement ce niveau de fluidité et s'ils ne payent pas autant pour se loger parce qu'ils ont tendance à faire d'autres dépenses. Donc, je pense qu'étudier la situation au niveau micro-économique produira des informations intéressantes, au moins pour certains députés.
    Nous avons parlé des États-Unis et de l'Europe, et vous avez brièvement mentionné où ils en sont sur le plan économique, et comment vous voyez leur avenir mais, si c'est possible, j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet.
    Merci.
    Je commence par les États-Unis, car c'est en grande mesure une bonne nouvelle. Nous avons certainement vu aux États-Unis des efforts très rapides pour liquéfier le système financier, une réponse très rapide des décideurs publics, ce qui signifie que, contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres pays, tous les dégâts ont été faits au début et le processus de guérison a pu commencer très rapidement.
    Bien sûr, nous avons subi de très fortes répercussions du secteur américain du logement. C'est le plus gros secteur qui a été très durement touché. Nous voyons aujourd'hui des signes très positifs d'un retour à une situation plus normale. Cela est très important pour le Canada puisque nous exportons les matériaux qui entrent souvent dans cette équation.
    Ce qui est également important, c'est que l'économie américaine est fondamentalement plus solide que semblent l' indiquer les manchettes, parce qu'il y a un ajustement budgétaire important qui s'ajoute aux autres mesures. La partie de l'économie américaine dans laquelle nous exportons est plus la partie privée que la partie gouvernementale. C'est l'une des raisons pour lesquelles les prévisions d'exportation d’EDC pour les États-Unis sont plus fortes qu'on aurait pu le croire, étant donné le niveau de croissance que nous nous attendons à voir aux États-Unis.
     En Europe, la situation est très différente, évidemment. Elle reste très difficile. Il y a là-bas ce que j'appellerais des failles institutionnelles qui font qu'il leur est difficile de faire les choses que le reste d'entre nous avons tendance à tenir pour acquises en matière de politique publique.
    Je dirais que ces failles institutionnelles persistent, et je trouve encourageant que, même si elles persistent en pratique, le saut intellectuel a été fait. Les ponts ont été bâtis. Les gens comprennent ce qui est nécessaire. Je dois donc croire que la bonne chose est d'être constructif au sujet de ce qui se passe en Europe. Nous pensons que la situation va s'améliorer progressivement, mais ce sera une histoire très prolongée.

  (1035)  

    Merci.
    Merci, madame McLeod.
    Monsieur le gouverneur, au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier beaucoup d'être venu devant le comité aujourd'hui et d'avoir dialogué avec nous.
    Comme avec le gouverneur Carney, nous aimerions vous accueillir deux fois par an, une fois au printemps et une fois à l'automne. Nous tenons certainement à poursuivre le dialogue avec vous au sein de ce comité.
    Chers collègues, je suspends la séance une minute, après quoi nous discuterons brièvement des travaux du comité.
     Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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