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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 novembre 2011

[Enregistrement électronique]

  (1555)  

[Traduction]

    Bonjour, tout le monde.
    Notre premier témoin est l'agente de police Patricia Fleischmann, de l'Unité de mobilisation de la collectivité au sein du Service de police de Toronto.
    Soyez la bienvenue, madame Fleischmann, et merci d'être venue. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Vous êtes le seul témoin du groupe et nous ferons preuve d'indulgence et de souplesse. Vous pouvez commencer. Je sais que les membres du comité sont très intéressés par le sujet et ont hâte d'entendre ce que vous avez à dire.
    Madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du comité.

[Français]

bonjour.
Je suis la constable Patricia Fleischmann, coordonnatrice de la Section des abus chez les personnes aînées. C'est un grand honneur pour moi d'être ici et de pouvoir partager mes connaissances sur ce sujet.
    Ma présentation porte strictement sur mon rôle en tant que coordonnatrice pour le Service de police de Toronto en ce qui concerne les questions pour les personnes vulnérables. Par conséquent, mon travail est dans une perspective de justice pénale. Les opinions exprimées viennent de mon expérience.
    Il n'y a pas de mandat légal en Ontario pour signaler l'abus chez les personnes aînées, comme c'est le cas avec l'abus des enfants étant donné que les personnes concernées sont généralement des adultes capables ayant droit à leur autonomie. De la même façon qu'il n'y a pas de loi de protection des adultes en soi dans cette province, bien que des lois provinciales pertinentes existent, il s'agit d'utiliser la législation existante de manière appropriée. Ni, en vertu des lois fédérales l'accusation d'abus envers les aînés existe. Mais certainement, il y a de nombreuses sections du Code criminel du Canada qui ont trait à l'abus chez les personnes aînées, selon l'infraction.
    Les barrières de communication qui entravent le partage des informations entre la police et les fournisseurs de services basés sur la vie privée et les lois sur la confidentialité doivent être considérées. Nous ne devons pas être coupables de nuire à la sûreté et à la sécurité des personnes âgées à risque dans nos communautés en raison de lois sur la confidentialité qui sont incomprises et mal adaptées.
    Le système de justice pénale est, comme vous le savez, une procédure contradictoire; c'est-à-dire axée sur le contrevenant et non pas sur la victime. Une déclaration à la police, ou simplement être présent devant les tribunaux, est généralement une expérience inconfortable pour toute victime, sans parler d'une victime d'un crime plus âgée, quelqu'un qui en toute probabilité n'a jamais été en contact avec le système juridique. Bien qu'aujourd'hui la police ait une meilleure compréhension des questions entourant l'abus chez les personnes aînées, et soit mieux en mesure d'enregistrer une déclaration et de répertorier comme il se doit une affaire dans cette catégorie, ce n'est malheureusement pas toujours le cas.
    Quand un rapport de police est rédigé, en particulier dans des juridictions où on en sait peu sur cette question, et comme les abus chez les personnes âgées ne sont pas une des premières priorités, contrairement à la violence des gangs ou à la drogue, il y aura un manque de formation et donc souvent des problèmes dans les enquêtes policières. En cas d'accusations lourdes, d'enquêtes urgentes ou de présence à la cour, ces cas peuvent souffrir d'un manque d'attention. Ce peut aussi être la faute du personnel de police qui n'est ni conscient, ni au courant des multiples facettes du processus de vieillissement et des abus envers les aînés. Ces cas peuvent être ignorés, négligés, minimisés ou mis de côté. Ils peuvent être considérés comme trop complexes ou comme demandant trop de temps.
    La victime plus âgée peut ne pas être considérée comme un bon témoin. La victime peut ne pas être en mesure de témoigner lorsque l'affaire arrive en cour en raison de pertes de mémoire, de la maladie, ou de la mort. On dit couramment au plaignant que son affaire est une affaire civile alors que c'est de toute évidence une affaire criminelle, surtout dans les cas d'abus financiers. Les hommes comme les femmes peuvent tout aussi bien être des victimes, mais les femmes âgées peu au courant des questions financières sont particulièrement vulnérables.
    Certains services de police ont des unités spécialisées dans l'abus des personnes âgées. D'autres, ont un partenariat avec les fournisseurs de services externes dans le cadre d'un effort commun afin de réagir plus efficacement contre les abus envers les aînés. Ces partenariats sont indispensables. Des formations spécialisées abordant les complexités du processus de vieillissement et la singularité des crimes de violence envers les aînés doivent aussi devenir la norme dans les services de police.
    Dans la police, il y a des exigences législatives et réglementaires qu'impose la province de l'Ontario. Le Manuel des normes policières: LE-021, Abus des adultes vulnérables âgés, propose des lignes directrices du service de police. Cependant, comme ce sont uniquement des lignes directrices, les services de police ne sont pas tenus de les suivre. Néanmoins, de nombreux services se placent du point de vue de la gestion des risques et ont donc adapté aux besoins les lignes directrices pour répondre aux exigences de leur organisme respectif. On devrait peut-être envisager une réponse obligatoire en cas d'abus envers les aînés, tout comme elle existe pour la violence domestique.
    Une autre solution consisterait à faire en sorte que la province élargisse la notion de relation intime dans la définition de la violence domestique pour inclure l'abus chez les aînés, étant donné qu'un grand nombre de suspects sont des personnes faisant partie de la famille, qui sont dans une position de confiance ou d'autorité.
    Au ministère du Procureur général de la province de l'Ontario, il y a le Manuel des politiques de la Couronne, qui comprend divers protocoles s'appliquant aux poursuites des abus. À l'heure actuelle, la plupart des cas d'abus chez les aînés sont traités cas par cas, et les procureurs s'appuient sur ces protocoles. Peut-être, un jour nous aurons des tribunaux spécialisés envers les abus chez les aînés avec des procureurs désignés, comme aux États-Unis.

  (1600)  

    Avec une poursuite réussie, peu importe l'infraction pénale, la victime âgée est considérée par le tribunal comme une personne vulnérable. Cela permet par conséquent à l'article 718.2 du Code criminel du Canada d'être utilisé. Cet article permet que la peine puisse être diminuée ou augmentée en cas de circonstances aggravantes pertinentes qui se rapportent à l'infraction ou à son auteur. Les circonstances particulières dans ce cas comprennent l'âge de la victime, une incapacité mentale ou physique, ainsi que la situation de l'auteur de l'infraction, s'il est par exemple en position d'autorité ou de confiance envers la victime. Cet article, cependant, indique seulement que la peine « devrait » être le reflet de toute circonstance aggravante ou atténuante liée à l'infraction. Il faudrait peut-être que les dispositions de cet article soient plus restrictives et que l'on remplace « devrait » par « doit ».
    En 2003, l'Association des chefs de police de l'Ontario a annoncé une résolution sur l'abus des adultes vulnérables. Dans certains services de police à travers la province, ce problème est reconnu comme étant important et d'actualité, tandis que dans d'autres il ne l'est pas. Malheureusement, il n'y a pas de comité officiel ou de groupe de travail sur les aînés au sein de l’ACPO. Il serait peut-être possible de se donner comme objectif de mettre cette question importante à l'ordre du jour de l’ACPO et de sensibiliser ses membres en faisant appel à l'aide permanente et aux ressources des organismes juridiques chargés de la protection des personnes âgées.

[Traduction]

    L'éducation, qui permet de prendre conscience et de comprendre les enjeux, est essentielle. Cela inclut des campagnes de sensibilisation dans les médias sociaux. La sensibilisation dans les médias sociaux vise à atteindre chaque individu en entraînant une modification des conceptions, des comportements et des attitudes. J'ai avec moi quelques exemples de ce projet de 2006 entre le Service de police de Toronto et le Collège Seneca.
    L'éducation, bien sûr, doit également être axée sur des programmes pour les jeunes, car ce sont les jeunes d'aujourd'hui qui vont vraiment changer le visage de l'abus chez les personnes âgées en contestant la croyance que ce comportement est acceptable. Un exemple en est le programme d'initiative des jeunes dans les services policiers (YIPI), qui a été mis en place dans le service policier de Toronto en 2011. Nos étudiants YIPI ont produit une vidéo d'une minute trente sur les abus des personnes aînées, qui sera placée sur notre site YouTube bientôt. J'en ai une copie pour vous. Nous espérons que cette vidéo ne suscitera pas seulement la discussion autour du slogan: « regarder autour de soi et parler », mais incitera par ailleurs la communauté à prendre conscience de l'importance sociale de cette question et à s'engager à mettre fin à ces abus.
    De 2005 à 2010, les statistiques portant sur le nombre de violences faites aux aînés signalées dans la ville de Toronto n'ont représenté qu'un faible pourcentage de celles qui se rattachent aux abus envers les enfants ou à la violence domestique. Les statistiques sur l'abus des aînés pour cette période concernent moins de 200 cas par an alors qu'il y a quelques milliers de cas pour les abus envers les enfants et des dizaines de milliers pour ce qui est de la violence domestique. De toute évidence, il y a une énorme disparité que l'on ne peut pas continuer à ignorer en ce qui a trait au nombre de crimes signalés à l'encontre des personnes âgées.
    Le taux de victimisation pour 1000 habitants diminue en général avec l'âge à Toronto. Toutefois, le fait que la grosse génération des personnes nées après la guerre prend de plus en plus de l'âge pourrait bien entraîner un recours accru au système de justice pénale. Pourquoi? Parce qu'ils seront plus disposés à signaler les crimes que les générations précédentes. Les plus vieux baby-boomers d'aujourd'hui ont 65 ans. Ils sont très différents des personnes âgées d'hier. Alors que les adultes plus âgés peuvent avoir relativement peu de risque d'être victimes de crimes par rapport à d'autres groupes d'âges, ils peuvent se sentir plus vulnérables et donc moins aptes à faire face aux conséquences de ces crimes. Voilà peut-être une autre raison pour laquelle on doit s'attendre à une recrudescence des appels aux services de police. Il se peut que les agents passent plus de temps à répondre à ces appels en raison de la nature changeante de ces plaintes. Notre réponse doit également s'adapter pour mieux refléter la complexité accrue de ces crimes contre les personnes âgées. Le vieillissement des victimes, les criminels plus âgés, l'évolution de la criminalité; tout ceci aura bien sûr un impact sur l'intervention policière.
    Malheureusement, je ne peux pas vous procurer des statistiques plus spécifiquement liées aux femmes plus âgées qui sont victimes de crimes. Cette information n'était pas disponible. Toutefois, je peux vous dire que chaque jour je parle aux victimes, aux familles, aux voisins, aux prestataires de services et aux agents de police. Mes conversations portent surtout sur les femmes âgées et sur leur victimisation.
    La communauté policière joue un rôle tout à fait essentiel dans l'effort pour réduire, sinon éliminer, les abus envers les personnes âgées, dont la responsabilité ne relève pas uniquement du système de justice pénale, et c'est bien normal. De même, l'obligation de lutter contre ce problème n'incombe pas uniquement aux fournisseurs de services, à la communauté en général, au gouvernement ou aux victimes. Par exemple, les centres de justice familiale, qui s'occupent des cas d'abus à l'encontre des personnes de tout âge dans le cadre d'un modèle de coordination multidisciplinaire et, en général, délocalisé, font un excellent travail.
    Le concept d'un modèle de services partagés est devenu un mouvement et non pas seulement un service. Ceci est évident quand on regarde l'augmentation du nombre de centres établis au cours des dernières années à travers le monde. Il est désormais reconnu que des efforts conjoints coordonnés par tous les systèmes peuvent produire de meilleurs résultats. Le recours à des services partagés contribue à empêcher une nouvelle victimisation en fournissant à la victime des services répondant à ses besoins précis. Si ses besoins sont satisfaits par des services coordonnés, la victime reste engagée dans le processus, elle se sent moins démunie et elle bénéficie de l'appui qui lui permet de ne plus retomber dans une situation de victimisation. Pour cela, cependant, des fonds sont indispensables.
    Ce modèle est disponible dans certaines communautés, mais pas dans toutes. De manière générale, les personnes âgées ne sont pas appuyées comme elles le devraient par le système de justice pénale, mais il y a des exceptions dans certaines communautés. Judith Wahl, directrice exécutive du Centre pour la défense des personnes âgées se demande comment les praticiens de la justice criminelle peuvent responsabiliser les adultes plus âgés, grâce à des outils de sensibilisation, de prévention et de soutien, tout en équilibrant les mandats essentiels d'intervention et de poursuites. La réponse sera certainement aussi complexe que la question. En dernière analyse, il appartient néanmoins aux praticiens de la justice de s'assurer que lorsqu'un abus de personne âgée est porté à leur attention, la cause soit examinée de près, depuis le moment du dépôt de la plainte jusqu'à celui des poursuites et de la condamnation.

  (1605)  

    Certains diront que ces considérations sont toutefois insuffisantes...
    Je me demande si vous pouvez en finir rapidement.
    ... d'autres pourraient penser que les praticiens de la justice pénale doivent aller plus loin et offrir davantage d'aide afin d'assurer la sécurité et le bien-être de nos citoyens plus âgés.
    Indiscutablement, le système de justice pénale sera testé dans sa reconnaissance et sa réponse face aux abus envers les aînés compte tenu de l'évolution démographique, des principes gouvernementaux, de l'insuffisance des ressources, du manque de fonds et des priorités organisationnelles de la police.
    Vos efforts visant à entreprendre une étude sur le sujet des abus chez les femmes âgées méritent d'être reconnus. Avec l'évolution démographique rapide, en particulier chez les femmes âgées, le sujet de l'abus doit continuer d'être mis en évidence et de rester dans la conscience du public.
    Je vous remercie.
    Merci, et je remercie le comité de son indulgence. Je vous en suis reconnaissante.
    Nous allons procéder à un tour de questions de sept minutes en commençant par le parti du gouvernement.
    Madame Truppe.

  (1610)  

    Merci, madame la présidente, et je remercie Mme Fleischmann. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous après avoir entendu de nombreux témoins partager notre objectif, qui est de faire cesser les abus envers les femmes âgées.
    Toute forme d'abus est inacceptable et ne doit pas être tolérée. Trop souvent, les femmes âgées sont victimes de crimes, notamment de fraude, de négligence ou de violence, ce qui leur retire leur dignité et leur tranquillité, à un moment où elles ont particulièrement besoin d'attentions et de respect.
    Quelles sont les peines que vous prononceriez au titre des différents abus, qu'ils soient physiques ou financiers? Considérez-vous que les peines prononcées à l'encontre des auteurs d'abus sont suffisamment sévères pour les empêcher d'abuser des personnes âgées? Qu'en pensez-vous?
    Malheureusement, d'après ce que j'ai pu lire et constater, les peines prononcées en cas d'abus de personnes âgées, lorsque les condamnations sont consignées, ont tendance à être légères. Par ailleurs, j'ai souvent vu les chefs d'inculpation être allégés, à moins qu'un compromis soit signé et qu'aucune condamnation ne soit portée au casier judiciaire. C'est inquiétant quand on constate ce genre de choses, parce que je me demande évidemment si on prend la question au sérieux. C'est une préoccupation constante chez moi.
    Pensez-vous que des peines plus lourdes permettraient de limiter les abus contre les femmes âgées en dissuadant les auteurs des abus de poursuivre leurs agissements?
    J'ai une réponse un peu différente à vous donner. Malheureusement, les abus contre les personnes âgées sont des crimes que l'on ne signale pas suffisamment. Par conséquent, on ne procède pas à un nombre suffisant d'enquêtes et de poursuites. Lorsque les cas signalés seront pris systématiquement au sérieux et traités comme il se doit par des professionnels, lorsque des enquêtes approfondies auront lieu, lorsque des dossiers complets seront portés à l'attention du ministère public et lorsque l'on intentera avec succès des poursuites, il est possible qu'alors les peines prononcées soient mieux en rapport avec le crime lui-même.
    Je vous remercie.
    D'après les différents témoins que nous avons entendus ainsi que les différentes formes d'abus envers les personnes âgées dont nous avons pris connaissance, on voit bien souvent que les abus financiers sont les plus fréquents.
    En dehors du financement du programme Nouveaux Horizons pour les aînés, de la campagne publicitaire que l'on va revoir, de notre discours du Trône, de la promesse d'alourdir les peines dans le projet de loi C-12, loi modifiant la LPRPDÉ, qui doit permettre à nos institutions financières de mieux cibler et protéger les personnes âgées contre les abus, avez-vous autre chose à proposer à notre comité pour que le gouvernement et le public puissent mieux lutter contre les abus financiers?
    Il y a bien évidemment des projets portant précisément sur les abus financiers, en particulier par l'entremise de l'Initiative nationale pour le soin des personnes âgées, dont vous avez peut-être déjà entendu parler. Je m'occupe de ce projet à Toronto en contribuant à administrer le volet relatif à la justice pénale dans le cadre de ce programme. Je peux vous dire que les femmes y sont très sensibles.
    Il serait donc particulièrement judicieux de multiplier les programmes de ce genre, qui s'adressent directement à ceux qui sont éventuellement les plus vulnérables et qui risquent le plus d'être victimes de cette criminalité.
    Pouvez-vous nous en dire davantage sur l'Initiative nationale pour le soin des personnes âgées?
    L'Initiative nationale pour le soin des personnes âgées (INSPA) prévoit de nombreux outils d'intervention à l'intention de ceux qui dispensent des services communautaires, y compris la police. Le volet traitant de l'information financière est dispensé dès maintenant à Toronto ainsi qu'à Vancouver. Ce sont les deux seules villes, à ma connaissance, qui le font dans notre pays.
    C'est un stage de deux jours. Les fournisseurs de services font un exposé au groupe et, à Toronto, je fais un exposé d'une heure aux femmes âgées au titre de ce volet du programme.
    Bien, je vous remercie.
    Il me semble que vous nous avez dit que d'après les statistiques les abus envers les personnes âgées étaient moins nombreux. C'est bien ça? Ce nombre pourrait bien augmenter à mesure que les baby-boomers prennent de l'âge.
    Ai-je raison?

  (1615)  

    Tout ce que je vous en dis, c'est en me référant à la police de Toronto. Les chiffres sont très faibles. D'après les conversations que j'ai pu avoir avec mes collègues de l'ensemble du pays et même du monde entier, c'est une chose qui n'est pas très fréquente. Je crois cependant que l'on va en voir davantage.
    Il y aura davantage d'abus, en effet. Je suis d'accord avec votre étude. Il y a beaucoup plus de gens qui vieillissent et nous aurons davantage de personnes âgées dans quelques années.
    Pensez-vous que l'on a pris davantage conscience des abus commis envers les personnes âgées? Auparavant, on n'en entendait pratiquement jamais parler.
    Je crois que l'on en a pris davantage conscience.
    Bien, je vous remercie.
    Puis-je poser encore une question?
    Oui, une dernière question.
    Je vais confier à Tilly le soin de vous la poser.
    Merci. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous cet après-midi, madame Fleischmann. Je tiens à vous féliciter de cet excellent exposé.
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi on ne parvient pas à faire en sorte que ces cas soient pris davantage au sérieux. Vous nous avez dit qu'on ne les prend pas suffisamment au sérieux. Que peut-on faire pour que les gens se rendent compte que ces affaires sont vraiment importantes et doivent être prises plus au sérieux?
    On dit souvent que pour ce qui est des abus commis envers les personnes âgées, on en est au même point que pour les affaires de violence domestique au cours des années 60 et 70. Ce n'est donc peut-être qu'une question de temps avant que les abus commis envers les personnes âgées soient pris aussi au sérieux que la violence domestique, les mauvais traitements infligés aux enfants ou les agressions sexuelles.
    En matière d'abus et de négligence envers les adultes plus âgés, je pense que cette situation est due en partie aux discriminations fondées sur l'âge. Je considère que cette discrimination est la raison pour laquelle cette situation n'est pas prise autant au sérieux que les autres.
    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à Mme Freeman.
    Merci, madame la présidente. Je vais partager mon temps avec mes collègues qui sont de ce côté.
    Merci, madame Fleischmann.
    Selon certains témoignages que nous avons entendus, lorsque des abus sont commis envers les personnes âgées, les intervenants du système de justice pénale s'adressent souvent à l'entourage des personnes âgées, mais non aux personnes âgées elles-mêmes. Peut-être est-ce l'effet de la discrimination fondée sur l'âge que vous venez d'évoquer. Quelles stratégies peut-on employer pour s'assurer que les témoignages et les dépositions des personnes âgées elles-mêmes soient protégés dans le cadre de la justice?
    Je pense que ça se passe dans tous les secteurs. Nous parlons de compréhension, de prise de conscience, des questions. Nous parlons de sensibilisation et de formation permanente. C'est une chose qui doit être répétée à mesure que l'on est davantage informé. À mesure que l'on apprend de nouvelles choses, que l'on entend parler de nouveaux crimes, en parlant, en communiquant et en partageant l'information, c'est une chose qu'il nous faut prendre au sérieux. Après tout, il s'agit ici de nos parents. Il s'agit de nos grands-parents. Il s'agit des membres de notre famille élargie. Il s'agit de nos voisins. Il s'agit de nos amis. Un jour, comme nous allons tous vieillir, il s'agira de nous.
    Je vais vous arrêter ici afin de pouvoir continuer à vous interroger.
    Vous avez évoqué la formation. Quel type de formation allez-vous dispenser?
    Nombre de services de police dispensent une formation interne. J'en ai parlé bien évidemment à Toronto à nos classes de recrues du Service de police. J'en ai parlé lors de nos cours sur la diversité. J'en ai parlé lors de nos cours sur la prévention de la criminalité. Ces dernières années, il y a eu régulièrement, au Collège de police de l'Ontario, des conférences sur les abus commis envers les personnes âgées. On espère qu'en poursuivant ces conférences on en arrivera un jour à instituer au Collège de police de l'Ontario un cours relatif aux enquêtes portant sur les abus commis envers les personnes âgées. Pour l'instant, des exemples d'abus commis envers les personnes âgées sont présentés dans le cadre des autres cours dispensés au Collège.
    C'est donc quelque chose qui vous paraît utile.
    Bien évidemment.
    Dans votre article donnant le point de vue de la justice pénale de l'Ontario concernant les abus commis envers les adultes plus âgés, vous nous dites qu'une discrimination fondée sur l'âge subtile et en général non avouée peut être décelée dans le comportement de la police, du ministère public, des avocats de la défense et même des juges. Selon vous, cela transparaît dans la manière dont les adultes plus âgés sont décrits, dont on communique avec eux et dont les autres les perçoivent.
    Quelles sont les stratégies auxquelles a recours le Service de police de Toronto pour écarter la discrimination fondée sur l'âge? Quelles sont ces stratégies dans la pratique?

  (1620)  

    J'interviens dans nos cours internes et je parle de la discrimination fondée sur l'âge. Je donne des exemples et j'insiste sur l'importance du professionnalisme dans les enquêtes. J'espère que grâce à ces exemples, les agents se rendront compte qu'on ne peut pas adopter ce genre de comportement. Je leur dis souvent, d'ailleurs, « laissez vos préjugés à la porte ».
    Je vais céder le reste de mon temps à mes collègues.
    Vous nous avez dit qu'en Ontario vous n'étiez pas obligés de signaler les cas d'abus commis envers les personnes âgées. Savez-vous si c'est la norme à l'échelle du Canada? Est-ce une particularité de l'Ontario?
    Chaque province à des lois différentes. Je crois qu'en Colombie-Britannique, par exemple, l'intervention est obligatoire. Je ne peux pas vraiment vous en parler parce que je ne travaille pas en Colombie-Britannique. Je pense que cela concerne les intervenants qui dispensent des services et éventuellement les professionnels des soins de santé, si je me souviens bien.
    Par conséquent, si l'on devait adopter une stratégie nationale contre les abus commis envers les personnes âgées et si ensemble nous mettions en place un projet visant à remédier aux abus commis dans les établissements de soins à long terme et les hôpitaux, dans lesquels se trouvent nos aînés les plus vulnérables, pensez-vous que l'on pourrait ainsi contribuer à remédier aux abus commis envers les personnes âgées?
    Ce serait certainement utile. Je vous signale toutefois qu'on a regroupé en juillet 2010 en Ontario trois différentes lois provinciales dans le cadre de la Loi sur les foyers de soins de longue durée. Il est désormais obligatoire de signaler les cas d'abus des personnes âgées dans les établissements de soin à long terme. Un article de cette loi prévoit expressément que les plaintes soient signalées. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu en fait une infraction pénale, même les plaintes ou les soupçons d'activités criminelles doivent être signalés en cas d'abus commis envers des personnes âgées.
    Dans la nouvelle Loi sur les maisons de retraite — qui n'est pas encore en vigueur — un article prévoit aussi qu'il faut signaler à la police les abus commis envers les personnes âgées.

[Français]

    Merci.
    J'aimerais maintenant donner la parole à Marjolaine.
    Je vais poser ma question en français.

[Traduction]

    Madame Fleischmann, c'est le canal 1 pour la traduction en anglais. Est-ce que votre dispositif fonctionne?

[Français]

    Tout à l'heure, vous avez parlé de shared services model. Vous parliez rapidement, mais j'ai compris qu'il s'agissait de services partagés. Pourriez-vous nous donner un peu plus d'information à ce sujet? Pourriez-vous nous dire si cela inclut des mesures de prévention du crime plutôt que de punition?

[Traduction]

    C'est toute une question!
    Le modèle de services partagés concernant les centres de justice familiale est disponible dans certaines villes du pays. Nous n'avons pas actuellement à Toronto de centre de justice familiale. Je peux vous dire cependant que nous avons des entretiens avec un hôpital local ainsi qu'avec le programme des services aux victimes de Toronto, et que nous espérons mettre ce modèle sur pied. Étant donné que Toronto est une grande cité, on ne peut pas avoir un seul centre pour toute la ville. Il nous faut bien évidemment commencer par un projet pilote.
    Ce projet pilote se situera à Scarborough, qui manque de services. Nous disposons éventuellement de locaux, qu'utilise à l'heure actuelle l'hôpital, avec quelques chambres libres. Nous espérons que très bientôt — je ne sais pas si ce sera en 2012 ou en 2013 — nous pourrons y installer le Service de police de Toronto en même temps que le programme des services aux victimes de Toronto pour lancer le projet pilote et, à terme, étendre les services disponibles à l'ensemble de la ville. On y traite actuellement de la violence domestique, mais nous envisageons de nous occuper aussi des mauvais traitements infligés aux enfants ainsi que des abus commis envers les personnes âgées.

  (1625)  

    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme James, qui disposera de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie aussi l'agente d'être venue aujourd'hui.
    Je suis en fait originaire de Toronto. Mon père était agent de police de la région métropolitaine il y a des années, mais il a pris sa retraite depuis.
    En tant que coordonnatrice des questions liées aux personnes vulnérables dans le Service de police de Toronto, quelle est votre définition de vulnérable?
    Il y a de nombreuses années, j'étais strictement, au sein du service, la coordonnatrice des abus commis envers les personnes âgées, mais depuis l'une des réorganisations du service et de notre unité en particulier, mes responsabilités ont été étendues aux personnes vulnérables, qui relèvent de ma responsabilité administrative, en mettant plus particulièrement l'accent sur les cas de négligence et les abus commis envers les adultes plus âgés.
    Donc, pour vous, une personne « vulnérable » est une personne âgée incapable de se défendre ou de se protéger?
    Disons que c'est bien plus que ça. Il y a aussi les cas d'abus et de négligence envers les personnes handicapées, et cela englobe les maladies mentales. C'est donc un large éventail de personnes.
    Est-ce que les personnes vulnérables, à votre avis, sont celles qui sont incapables de se protéger ou de se défendre comparativement aux autres?
    En gros, c'est cela.
    Je vous remercie.
    Depuis combien de temps travaillez-vous au sein de l'unité de sensibilisation de la communauté aux personnes vulnérables?
    Dix ans environ.
    Pendant ces 10 ans, avez-vous été amenée, en votre qualité, à témoigner dans des affaires d'abus commis envers les personnes âgées?
    Non, je tiens à signaler que je suis chargée de l'administration et non pas des enquêtes. Je suis la seule à jouer ce rôle au sein du service.
    Puis-je vous demander si pendant ces 10 années, il vous est arrivé d'enquêter en cas d'abus ou de violence commis à l'encontre de la même personne, ou éventuellement d'être appelée à aller enquêter plusieurs fois à la même adresse ou à la même résidence?
    C'est intéressant que vous me posiez cette question.
    Tout dernièrement, cet été, j'ai eu l'occasion d'aller aider l'une des divisions du centre-ville de Toronto. Il s'agissait d'une vieille dame au sujet de laquelle les voisins et la famille s'inquiétaient, et la division locale recevait de plus en plus d'appels lui demandant de se rendre à l'adresse de cette femme et à la succursale locale où elle faisait ses transactions bancaires. Les responsables du service éprouvaient des difficultés et ils m'ont demandé d'aller les aider.
    Je me suis attelée à la tâche ce matin-là. Je ne procédais pas à une enquête, mais j'étais bien là pour aider les agents responsables.
    L'unité des fraudes était là elle aussi de même que l'agent des relations communautaires local, et après avoir parlé avec la vieille dame ainsi qu'avec son petit-fils, qui était le suspect dans cette affaire, j'ai eu l'occasion d'avoir un tête-à-tête avec elle dans la cour afin de l'interroger plus en détail.
    Elle hésitait énormément à déposer plainte à la police. Elle était très réticente dans cette affaire, malgré les nombreuses déclarations des membres de la famille ainsi que des voisins, et nous étions absolument persuadés qu'il y avait quelque chose de louche. Comme elle avait toutes ses capacités, elle pouvait mener sa vie comme elle l'entendait. Les personnes autonomes ont le droit de prendre leurs propres décisions et il est en fait très difficile pour nous d'accepter qu'elles ont aussi le droit de vivre de manière risquée.
    Nous n'avions pas de preuves directes, autant que nous puissions en juger, pour agir.
    Mais vous avez été appelés, et vous avez fait enquête...
    Nous avons été appelés et je suis heureuse de pouvoir vous dire que deux semaines plus tard elle nous rappelait pour faire une déclaration, et je crois que c'était dû à notre insistance.
    Je vous remercie.
    J'ai relevé que vous avez dit dans votre exposé qu'il nous fallait tirer parti comme il se doit de la législation existante. Vous évoquez l'article 718.2 du Code criminel touchant l'aggravation ou l'atténuation des peines prononcées dans certaines circonstances, notamment en raison de l'âge, de la capacité mentale ou physique ou de la vulnérabilité de la personne concernée. En répondant à nos questions, vous nous dites avoir relevé que les peines prononcées sont plus légères et que cela était peut-être dû en partie au fait que certaines choses n'étaient pas signalées. Il faut remarquer qu'un témoin antérieur nous a déclaré qu'elle avait été choquée de constater que l'âge était rarement pris en compte lors du prononcé des peines.
    Donc, lorsque les tribunaux ne suivent pas, lorsqu'ils ne protègent pas suffisamment les victimes d'abus à l'encontre des personnes âgées ou d'autres crimes graves, que peut faire le gouvernement pour s'assurer que la justice sanctionne les crimes de manière appropriée pour protéger les victimes? À votre avis, que doit faire le gouvernement?

  (1630)  

    La sensibilisation et la formation sont importantes pour les agents de police et il en va de même pour les procureurs et, je crois, pour les juges. Je ne sais pas si on le fait dans la pratique.
    Je suis d'accord avec vous, mais nous savons tous que les tribunaux font mal leur travail et que deux personnes qui commettent le même crime vont recevoir des peines différentes. Que peut faire le gouvernement pour légiférer de manière à ce que les tribunaux administrent la justice comme il se doit? On évoque les peines minimales et obligatoires dans le Code criminel, et parfois leur éventail peut-être très large.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vous nous avez dit dans votre exposé qu'il nous fallait bien tirer parti des lois existantes, mais si les tribunaux ne le font pas, comment peut-on réagir?
    C'est pourquoi nous sommes tous ici.
    C'est une question difficile et je ne suis pas sûre de pouvoir bien y répondre ici.
    Comment obliger les tribunaux à agir?
    Les tribunaux étant des organismes indépendants, c'est bien difficile. Je ne suis pas sûre que nous puissions le faire.
    Nous devons changer les dispositions du Code criminel pour être sûrs que les peines prononcées soient à la hauteur des crimes commis. Ce serait une façon d'y parvenir.
    C'est bien ça?
    C'est une proposition plutôt intéressante.
    Je pense que c'est ce qu'ont proposé un certain nombre de témoins. D'ailleurs, même si je n'ai aucun rapport avec la police, je connais d'autres responsables au sein du service de police, et c'est un problème pour eux aussi. Deux crimes absolument identiques vont passer devant deux juges différents et les peines prononcées ne seront pas les mêmes.
    Je vous remercie. J'ai particulièrement apprécié votre venue.
    S'il me reste un peu de temps, j'aimerais...
    Il vous reste une minute.
    Je suis sûre que je pourrai penser à quelque chose d'autre.
    Ed, avez-vous une autre question à poser de votre côté?
    Oui, je vous remercie.
    J'ai trouvé votre témoignage passionnant. Lorsque vous avez dit à ma collègue que sa proposition était intéressante, considérez-vous qu'il doit y avoir une certaine uniformité dans l'application de peines plus lourdes en cas d'abus commis envers les personnes âgées — puisqu'il s'agit là d'une opinion personnelle, comme vous l'avez indiqué dans votre exposé?
    Je n'ai en fait jamais pensé à ça...
    Vraiment?
    ... et je n'en ai jamais parlé. Je vous avoue que je ne sais pas vraiment comment vous répondre sur ce point.
    Qu'en pensez-vous en votre for intérieur?
    Je pense que nous nous lançons dans l'inconnu si nous demandons aux juges de se prononcer d'une certaine manière.
    Voici ce qui est intéressant. Vous nous dites que les crimes ne sont pas suffisamment signalés. Vous nous indiquez aussi que pour ce qui est des abus commis envers les personnes âgées, nous en sommes au même point que pour la violence domestique dans les années 60 et 70.
    Il ne nous reste plus de temps. Vous aurez éventuellement la possibilité d'y revenir lors du deuxième tour.
    Monsieur Hsu.
    Merci, madame la présidente.
    Plutôt que d'essayer de vous amener à vous prononcer sur les peines plus lourdes, j'aimerais parler de prévention. J'aimerais évoquer une situation que je connais bien. Dans ce cas-là, on ne peut pas vraiment alourdir les peines parce que le comportement en question n'est peut-être pas illégal, mais c'est un abus envers les personnes âgées.
    Les femmes âgées qui vivent seules sont souvent les victimes de gens qui font des tournées pour vendre des contrats de consommation d'électricité et de gaz naturel, même s'il n'y a rien là d'illégal et si rien dans le Code criminel ne s'y oppose. Lorsqu'on connaît le marché, on constate qu'ils surévaluent le risque de fluctuation du prix de l'électricité et du gaz naturel dans l'avenir. Il est bien difficile en justice d'envoyer quelqu'un en prison parce qu'il a pratiqué un prix trop élevé. Je parle de cela parce qu'il y a constamment des gens qui cherchent à profiter ainsi de la situation.
    Un service comme le vôtre a-t-il un rôle à jouer pour éviter ce genre d'abus envers les personnes âgées?
    Par le passé, le Service de police de Toronto a spécialement affecté des agents des fraudes pour lutter contre la criminalité à l'encontre des personnes âgées. Là encore, du fait de la réorganisation, ces fonctions n'existent plus. Chaque agent de l'unité des fraudes se charge d'un dossier, que la victime soit jeune ou âgée. De manière générale, c'est à ce niveau qu'on va procéder à l'enquête sur ce genre d'activité criminelle constatée ou soupçonnée, et non pas au sein de mon unité.
    Tout se ramène à la définition des abus commis à l'encontre des personnes âgées. Selon les services, les définitions ne seront pas les mêmes et, au sein du Service de police de Toronto, on définit un abus commis envers une personne âgée comme étant tout préjudice causé à une personne de plus de 65 ans par quelqu'un qui est en position de confiance ou d'autorité. Cela n'englobe pas les crimes commis par des étrangers, les fraudes et les escroqueries, qui sont si fréquentes, et il est indéniable que les infractions criminelles de ce type sont en forte augmentation. C'est une industrie de plusieurs milliards de dollars.
    Les personnes âgées sont précisément et tout spécialement visées par ces personnes, parce qu'elles sont jugées vulnérables et qu'elles sont censées avoir des biens et des liquidités, quels que soient les montants effectifs. Dans mon service en particulier, je dois vous avouer bien franchement que c'est quelque chose dont je ne pourrais pas me charger.

  (1635)  

    Pour enchaîner sur ce que vous venez de dire, y a-t-il des services au sein de l'administration qui, selon vous, ont besoin de ressources supplémentaires, éventuellement en provenance du gouvernement fédéral ou d'autres paliers de gouvernement, afin d'empêcher les abus commis envers les personnes âgées au moyen de ces montages financiers frauduleux? Y a-t-il des services qui, selon vous, ont besoin de plus de ressources?
    Là encore, je ne peux parler que pour la province de l'Ontario mais, au sein du gouvernement provincial, certains ministères font enquête sur ces questions et, à l'image des services de police, nombre de ces organismes et de ces institutions manquent de personnel et de ressources. Le financement est toujours un problème, en l'occurrence lorsqu'on s'efforce de tirer le meilleur parti possible de crédits limités. Nous cherchons tous à faire le maximum avec nos moyens compte tenu des circonstances.
    Peut-il y avoir des unités spécialement affectées à la répression de ces fraudes? Oui, peut-être. C'est bien sûr une possibilité. L'unité des crimes financiers occupe une large place au sein de la police de Toronto. Est-ce qu'elle pourrait se pencher sur ce genre de question? C'est tout à fait possible — là encore, si l'on avait les ressources, si l'on avait les crédits, si l'on avait suffisamment de personnel.
    Le problème se pose, c'est indéniable.
    Dans les petites localités, la police n'aura peut-être pas suffisamment de personnel pour se spécialiser dans les fraudes. Je me demande s'il m'est possible d'appeler quelqu'un lorsque je vois le véhicule de ces colporteurs?
    Si je prends l'exemple des contrats d'électricité et de gaz naturel, c'est parce que je connais ce genre d'activité. Mes parents ont failli être victime de ces gens, heureusement que mon père a été prudent et s'est dit: « Je vais montrer ça à mon fils avant de signer », ce qui m'a permis de les repérer. Si donc je vois le véhicule de la société en question stationné dans la rue, je sais que ces gens sont quelque part dans le quartier. Que puis-je faire alors? Que pourrais-je faire si l'on disposait de ressources supplémentaires?
    Je ne peux évidemment pas vous dire ce qui se passe dans les petites localités. Je suis sûre que cette question sera abordée lors des prochaines séances. Toutefois, ce que j'invite les gens à faire quand on me pose ce genre de question, c'est de s'adresser à un agent au courant des abus commis envers les personnes âgées, au courant des fraudes et des escroqueries; et si ce n'est pas le cas, il faut insister et ne pas s'en tenir à la première personne qui vous dit: « excusez-moi, mais je ne connais rien sur la question. » Il y a des agents communautaires et des agents chargés de la prévention des crimes. Il y a des agents dont ce n'est peut-être pas le titre et les fonctions mais qui s'intéressent en fait à ce genre de question et qui n'hésiteront pas à s'impliquer pour apporter l'aide et le soutien nécessaires aux personnes concernées. C'est ce que je recommande aux gens: continuez à chercher, demandez et trouvez la personne compétente au sein de votre collectivité et de votre service de police.
    Je vous remercie. C'est tout ce que je voulais vous demander.
    Merci.
    La greffière me fait remarquer que nous avons entamé la deuxième heure. Il nous reste moins d'une heure pour les trois autres témoins. Donc, si le comité est d'accord, je vous propose de remercier Mme Fleischmann et d'entendre maintenant le deuxième groupe de témoins.
    Nous sommes d'accord?
    Des voix: D'accord.
    La présidente: Très bien, madame Fleischmann, je vous remercie de votre témoignage et des affiches que vous nous avez données. Nous ne manquerons pas non plus de regarder vos vidéos. Vous nous avez bien mieux fait comprendre le sujet.
    Je vous remercie.

    


    

  (1640)  

    Il nous reste moins d'une heure et j'aimerais que nos témoins aient largement le temps de s'exprimer. Ils viennent de loin et je suis sûre que nous avons tous très envie de les entendre.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à l'agent de police Jared Buhler, qui fait partie de l'équipe d'intervention en matière de mauvais traitements envers les aînés au sein du Service de police d'Edmonton. Nous allons aussi entendre l'inspectrice Leslie Craig, gestionnaire, Section de prévention du crime, de la Police provinciale de l'Ontario; et enfin la représentante du Service de police d'Ottawa, Isabelle Coady, détective, Unité contre la violence à l'égard des aînés. J'aperçois aussi Isobel Fitzpatrick. Je souhaite la bienvenue à tout le monde.
    Chaque groupe disposera de 10 minutes.
    Pouvons-nous commencer par l'agent Buhler?
    Madame la présidente et honorables députés, je vais commencer par une citation:
... il serait très regrettable que les plus vieux d'entre nous, après avoir longuement vécu au service des autres, soient laissés sans protection juridique à la fin de leur vie en raison des difficultés de l'enquête. On est loin de rechercher judicieusement la vérité quand on part du principe que ces situations sont sans solution.
    Ces commentaires ont été faits par le juge Jack Watson, de la Cour du banc de la Reine de l'Alberta, dans l'affaire Clifford Morin. Alors qu'il était lui-même âgé et qu'il s'occupait de sa vieille mère, Morin était accusé de l'avoir agressée, menacée et enfermée sous l'effet des frustrations occasionnées par les soins.
    Engagée par mon prédécesseur, le détective George Doerksen, de l'Équipe d'intervention d'Edmonton en matière de mauvais traitements envers les aînés, cette affaire a traîné pendant cinq ans devant les tribunaux avant qu'un verdict de culpabilité soit rendu en 2009 du fait de la séquestration et des menaces prononcées. La mère de Morin est morte avant la conclusion de l'affaire en raison de son âge déjà avancé et de son infirmité.
    Je suis membre depuis 2009 de l'Équipe d'intervention d'Edmonton en matière de mauvais traitements envers les aînés. À ce titre, je suis chargé des enquêtes difficiles ou à haut risque sur les abus commis envers les personnes âgées en collaboration avec nos associés depuis 12 ans: la municipalité d'Edmonton, les services sociaux catholiques, les services de santé participants, les services psychiatriques et gériatriques communautaires, et les Infirmières de l'Ordre de Victoria. Même si je représente ici aujourd'hui le Service de police d'Edmonton ainsi que nos associés, je me sens une plus grande obligation envers les personnes âgées que nous servons, qui sont bien souvent des femmes qui ne peuvent s'exprimer directement devant vous.
    Je ne suis ni un universitaire, ni un statisticien, et je ne m'exprimerai pas ici à ce titre. Je suis un enquêteur qui réagit avant tout comme un policier de la rue. Dans ce rôle, j'ai eu l'occasion de rencontrer des personnes âgées, dont je vais vous parler, chez elles et presque toujours en difficulté. J'ai pour elles beaucoup de gratitude car elles ont fait patiemment mon éducation et m'ont fait comprendre tout ce que je vais vous dire aujourd'hui.
    J'aimerais vous relater quatre histoires portant sur cinq femmes, qui m'ont touché personnellement et qui, je l'espère, vous aideront à mieux comprendre la nature, la diversité et la complexité des abus auxquels font face quotidiennement nombre de femmes âgées au Canada. Je m'en tiendrai aux abus commis à l'encontre des femmes, mais il est important de signaler que nombre d'hommes âgés sont eux aussi des victimes et ont eu des expériences semblables à celles que je vais vous communiquer ici.
    Il y a l'histoire de deux femmes provenant de deux milieux différents et dont les vies se sont croisées en raison des abus commis. Mme C., descendante des premières nations est une femme qui a survécu, de même que ses frères et sœurs, à l'expérience des pensionnats du gouvernement canadien. Adulte, elle a subi un traumatisme au cerveau ayant diminué sa mémoire et son intelligence et l'amenant à devenir pupille de la province. Étant donné les soins qu'elle exigeait, Mme C. a été placée dans un foyer de soins et pendant des années sa famille a fait état de mauvais traitements qui ont été passés sous silence ou dont on n'a pas tenu compte. Mme C. a continué à être gardée par la personne coupable de mauvais traitements et la dernière enquête a confirmé que les abus se sont poursuivis.
    Parallèlement, Mme T., une résidente du même foyer qui souffrait d'un grave handicap physique depuis l'enfance, qui étaient confinée dans une chaise roulante et qui ne pouvait plus parler tout en étant très consciente, a été témoin à maintes reprises des abus commis à l'encontre de Mme C. alors qu'on lui disait que si elle révélait la chose, on ne lui permettrait plus de quitter le foyer.
    Des inculpations ont finalement été prononcées, mais les deux femmes souffrent toujours des séquelles émotionnelles de cet abus.
    À ce jour, Mme K. ne parle pas anglais. C'est une Asiatique qui a immigré avec sa famille il y a environ 25 ans. Son mari, après qu'ils se soient installés sur la côte ouest, est tombé malade et est mort quelques années après leur arrivée au Canada. Faisant des affaires en Alberta, ses fils adultes ont monté une entreprise financée en grande partie par leur mère, qui a souscrit des emprunts de plus de 100 000 $ à fort taux d'intérêt auprès des membres de sa propre communauté culturelle. Les fils de Mme K. n'ont finalement pas remboursé le prêt de leur mère et par la même occasion lui ont refusé l'accès à leurs familles et à ses petits-enfants. Mme K. en a eu toute la honte au sein de sa communauté. Dans le but d'inciter ses fils à rembourser leurs prêts, elle est allée à la campagne pour mettre son fils aîné devant ses responsabilités. Lors de la discussion qui a suivi, Mme K. a été menacée avec une arme à feu et gravement agressée.

  (1645)  

    Lors de l'enquête policière qui a suivi, sous l'effet des tensions et de la honte résultant de cette affaire, Mme K. a fait une dépression et a dû être hospitalisée. Pour garantir sa sécurité et celle d'autres personnes en cause, des chefs d'inculpation ont été prononcés contre son fils, dont la plupart sont tombés lorsque Mme K. a refusé de témoigner au procès.
    Une nuit de printemps, Mme W. dormait dans son lit dans une maison de retraite du centre-ville d'Edmonton. Au petit matin, un homme a réussi à entrer dans son appartement, l'a brutalement attaquée et sexuellement agressée. Mme W. a survécu à son attaque mais est morte à l'hôpital. C'était un des 43 homicides survenus à Edmonton cette année-là. Mme W. n'avait jamais rencontré son agresseur.
    Enfin, il y a l'exemple de Mme M. Âgée de 20 ans, peu après un mariage de convenance, Mme M. a immigré au Canada en provenance d'un pays européen et s'est installée à Edmonton, où elle a élevé sa famille. Tout au long de son mariage, Mme M. a été victime d'abus psychologiques, physiques et sexuels de la part de son mari. Consciente des mauvais traitements subis par sa mère et de son refus de quitter son mari, la fille unique de Mme M., une fois adulte, a coupé tous les liens avec sa famille. Alors qu'elle avait plus de 70 ans et que les abus ne cessaient pas, Mme M. a eu recours aux services d'un refuge pour les personnes âgées d'Edmonton. En dépit de l'aide dispensée par le personnel du refuge et par notre propre équipe, du fait des pressions exercées par son fils, un citoyen ayant un certain statut au sein de la communauté, qui l'empêchait de fréquenter comme elle le voulait ses petits-enfants, Mme M. a choisi de retourner dans son foyer abusif, où elle se trouve encore aujourd'hui.
    Les violences perpétrées par un conjoint sont les formes de violence les plus courantes à l'encontre des femmes âgées. Ces exemples témoignent des principaux abus que j'ai pu constater personnellement dans mon travail au sein de l'Équipe d'intervention en matière de mauvais traitements envers les aînés — abus dans un établissement ou un foyer de garde, abus de la part d'un membre de la famille ou d'une personne en situation de confiance, crime commis par un étranger, ou abus de la part d'un conjoint. Dans ce cadre, les personnes âgées du Canada sont victimes de toutes formes d'abus commis envers les aînés, qu'ils soient physiques, sexuels, psychologiques, financiers ou dus à la négligence.
    On prend de plus en plus conscience des abus commis envers les personnes âgées, mais les services de répression, des sciences sociales et de la santé conviennent que l'on a pris dans ce domaine 20 ou 30 ans de retard par rapport aux affaires de violence domestique ou de mauvais traitements infligés aux enfants. Les abus commis envers les personnes âgées sont souvent comparés à ce qui se passe dans ces deux secteurs. Il faut bien savoir cependant qu'il s'agit là d'un domaine d'étude distinct qui exige des mesures adaptées aux besoins des victimes. D'après mon expérience, la dynamique et les mesures à prendre en cas d'abus commis envers les personnes âgées sont aussi complexes ou même plus complexes que dans ces deux autres secteurs.
    Dans les affaires impliquant des abus commis envers les personnes âgées, l'essentiel est de veiller à l'autonomie et à la protection des intéressés. Les personnes âgées tiennent à leur autonomie. Elles hésitent souvent à s'en prendre à un membre de la famille, à un conjoint ou à une personne en qui elles ont confiance. Souvent, les obstacles mis par les personnes âgées elles-mêmes sont ceux qui s'opposent le plus à la réussite d'une intervention ou de poursuite. Les fonctionnaires du gouvernement doivent faire la part des choses entre le désir d'autonomie et la nécessité de protéger une personne âgée en étudiant la question cas par cas à l'intérieur d'un cadre législatif complexe et souvent ambigu et insuffisant.
    L'intervention est rendue d'autant plus compliquée que la communication des informations entre les différents organismes impliqués auprès des auteurs comme des victimes des abus est souvent limitée et insuffisante, au point que l'impératif moral nous obligeant à agir pour protéger les personnes vulnérables n'est pas reconnu ou est passé sous silence. De même, il m'est apparu évident que les préjugés à l'encontre des personnes âgées sont généralisés au sein de la société et au vu du comportement de nombre de professionnels travaillant auprès des personnes âgées.
    Je conclurai en disant que si les programmes de prise de conscience et de sensibilisation aux abus commis envers les personnes âgées ont indéniablement leur importance pour faire face à ce problème, en tant que dispensateur de services placé en première ligne, je n'insisterai jamais assez sur la nécessité d'agir et de disposer d'une capacité d'intervention. Trop souvent, des programmes utiles de prise de conscience et de sensibilisation ont pour conséquence imprévue de stresser davantage les intervenants, qui sont déjà débordés de travail, les victimes et les familles se sentant alors abandonnées lorsque les services annoncés ne répondent pas à leurs attentes.
    Les abus commis envers les personnes âgées posent un problème complexe. Les dossiers d'enquête et de poursuites pénales liés à ces abus sont parmi les plus difficiles que j'ai eu à traiter en tant qu'agent de police, mais ce sont aussi ceux qui donnent le plus de satisfaction.
    Au nom du Service de police d'Edmonton, je vous remercie de m'avoir permis de vous parler aujourd'hui. Je suis prêt à répondre aux questions que vous voudrez me poser.

  (1650)  

    Je remercie l'agent Buhler.
    Sergente-détective Isobel Fitzpatrick, je vous dois des excuses. J'ai oublié de mentionner votre titre.
    Vous disposez de 10 minutes. Nous sommes prêts à entendre votre exposé.
    Je m'appelle Isobel Fitzpatrick. Voilà 25 ans que je suis agente de police. Je suis actuellement coordonnatrice sur les questions de violence pour la région de l'Est au sein de la PPO.
    J'ai à mes côtés l'inspectrice Leslie Craig, de la prévention du crime. Voilà 28 ans que Leslie est dans la police et elle a une longue expérience des relations avec les personnes âgées. Elle était déjà là lorsque l'équipe d'aide aux personnes âgées a été créée au sein de la PPO. Je crois que c'était en 2003. Elle se charge actuellement de superviser la prévention du crime au sein d'une section de la PPO qui abrite l'équipe chargée de lutter contre les abus et l'équipe d'aide aux personnes âgées.
    Je suis coordonnatrice des questions de violence pour la région de l'Est: je travaille à Smiths Falls. Je suis la personne que l'on contacte au sein de la PPO pour ce qui est des cas d'abus et de négligence envers les personnes âgées, de maltraitance des enfants, de violence domestique, d'agression sexuelle et d'enquête sur les personnes handicapées ou malades mentales. Ce n'est pas moi qui fais les enquêtes. C'est notre personnel situé en première ligne qui s'en charge. Je suis la personne-ressource. C'est moi qui les forme. Je sers de contact et je vais chercher de l'aide lorsque je ne connais pas la réponse.
    Voilà 10 ans que je travaille au sein de l'équipe chargée de lutter contre les abus et, à ce titre, je connais bien la question des abus commis envers les femmes âgées.
    Nous sommes heureuses d'être venues discuter de cette question, qui nous préoccupe beaucoup. Nous nous attendons, comme d'autres intervenants vous l'ont dit, à ce que le coût des services augmente. Du fait de l'augmentation du nombre de personnes âgées dans nos collectivités, on va faire de plus en plus appel à nos services.
    Nous savons que la police joue un rôle fondamental pour protéger les personnes âgées contre les abus, mais nous savons aussi qu'elle ne peut pas agir seule. Nous comptons sur la sagesse et sur l'expérience de ceux qui travaillent à plein temps auprès des personnes âgées afin qu'ils puissent nous aider, parce que seule une partie des appels que nous recevons concerne les personnes âgées. Nous faisons largement confiance aux spécialistes au sein de la communauté, qui ont une large expérience à laquelle nous avons souvent recours.
    Dans ce bref exposé, je vais vous présenter rapidement le modèle d'enquête de la PPO sur le plan de la formation, de l'aide que nous apportons et de la collaboration avec la collectivité.
    La PPO assure les services de police sur un million de kilomètres carrés de terre et d'eau en Ontario, en grande partie dans des régions rurales. Ces gens n'ont peut-être pas Internet et les communications téléphoniques cellulaires ne sont pas toujours parfaites en certains endroits, de sorte que nous avons affaire à une population en proie à l'isolement au sein de la collectivité.
    Nous avons 226 détachements de police dans 322 collectivités et 19 communautés des premières nations. Nous comptons environ 6 300 policiers en uniforme et 1 900 policiers en civil. Notre rôle est de faire enquête sur les crimes, un peu comme le fait mon partenaire, et nous nous référons pour cela au Code criminel et aux différentes lois provinciales.
    Je peux vous donner quelques renseignements sur le nombre d'appels à nos services à l'échelle de la province. Ces appels augmentent. Il est indéniable que le nombre d'appels en 2009, en 2010 et en 2011 a été plus élevé qu'au cours des années antérieures. On fait donc davantage appel à nos services. Souvent, ce n'est pas la personne âgée qui appelle — ce sont des voisins, des amis, la famille, le personnel médical ou des citoyens préoccupés par ce qui se passe. La plupart des appels qui sont signalés portent sur les crimes contre la propriété, les fraudes financières et les vols — c'est le plus gros de nos appels — et les crimes contre les personnes, c'est-à-dire les agressions physiques, y compris la violence domestique, arrivent en second lieu. Les cas d'agressions psychologiques et de négligence viennent ensuite. Les appels portant sur les agressions sexuelles commises envers les personnes âgées représentent une très faible partie du total. Le nombre d'appels faisant état d'abus commis envers les personnes âgées est très faible par rapport à l'ensemble des appels que nous recevons chaque année.
    Quant aux auteurs des infractions, la plupart sont connus des personnes âgées — famille, amis, voisins — même si certaines fraudes sont commises par de parfaits inconnus, les plaintes portant sur le télémarketing, les offres Internet ou les ventes forcées au porte-à-porte auprès des personnes âgées.
    Pour ce qui est de la prévention du crime, nous avons des agents qui font des exposés en public. Nous avons des agents des services communautaires, des agents des services d'accueil, des enquêteurs en cas d'abus et une équipe d'intervenants chevronnés qui font des exposés. Nous fournissons de l'information aux personnes âgées, ou à ceux qui les encadrent, pour qu'ils sachent à l'avance ce qu'il faut faire lorsque quelqu'un sonne à leur porte pour leur offrir une chose dont ils n'ont pas vraiment besoin.

  (1655)  

    En ce qui concerne notre modèle d'enquête, ce sont nos membres en uniforme situés en première ligne qui se chargent du plus gros des enquêtes en compagnie de leurs superviseurs. Ils ont des connaissances étendues. Ils reçoivent de nombreux appels chaque jour et ils sont appuyés au sein de leur détachement par les responsables du service de lutte contre la criminalité — les détectives et les sergents détectives. Si un agent situé en première ligne se pose une question, il est en mesure de consulter un détective ou un spécialiste des abus au sein de son détachement.
    Nos agents recueillent les éléments de preuve. Nous nous efforçons de voir si un crime a été commis. Il s'agit de savoir s'il y a eu une infraction et s'il y a une raison de procéder ou non à des inculpations. Qu'une inculpation soit ou non prononcée, nous en référons toujours à nos supérieurs. Même si nous ne procédons pas à une inculpation, nous faisons tout notre possible pour que les faits ne se reproduisent pas. Par conséquent, nous mettons ces gens en contact avec les différents organismes de services offerts aux victimes, pour qu'eux et leur entourage soient sensibilisés aux problèmes et bénéficient d'un appui.
    Nous avons différentes ressources pour dispenser de l'aide. Nous avons les services aux victimes, qui se rendent directement dans les foyers et dispensent une aide à domicile en période de crise. Nous avons d'autres services qui préparent les victimes à passer devant les tribunaux. Nous avons d'autres services de référence selon le crime qui a été effectivement commis dans l'affaire concernée, qu'il s'agisse des services intervenant en cas d'agression sexuelle, des services liés à la violence domestique ou des services de traitement des cas de toxicomanie ou de santé mentale.
    Nos ressources régionales et nos ressources provinciales sont étroitement coordonnées. Par conséquent, lorsque je n'ai pas la réponse dans une affaire donnée, j'ai des amis au quartier général d'Orillia qui peuvent m'aider. Nous collaborons les uns avec les autres.
    Nous assurons une coordination régionale avec les réseaux communautaires qui dispensent les services. Nos agents et les dispensateurs de services locaux siègent ensemble au sein des comités des réseaux communautaires, entretiennent des relations étroites et se rencontrent régulièrement pour discuter des méthodes à suivre, des modifications de la législation et des problèmes qui se posent au niveau local.
    Nous avons aussi une coordination provinciale entre la PPO et d'autres services de police de l'Ontario en cas d'abus et de négligence envers les personnes âgées, ceci dans le cadre de notre comité de coordination provincial des organismes chargés de l'application de la loi pour la protection des personnes âgées. Ce comité se réunit régulièrement pour discuter des problèmes et préconiser des mesures adéquates à l'échelle de la province. Les membres de ce comité se contactent régulièrement par courriel afin de s'entraider lorsque les problèmes difficiles se posent.
    J'estime que le plus grand défi que nous ayons à relever vient du fait que bien des gens ne souhaitent pas faire intervenir la police en cas d'abus commis dans leur foyer, notamment lorsqu'il s'agit de personnes âgées. Ils refusent de nous parler ou ne veulent absolument pas nous dire ce qui s'est passé, ce qui rend notre travail est bien difficile.
    Je considère que notre Code criminel est bien adapté, que les dispositions traitant des peines sont appropriées, mais parfois ce n'est pas en criminalisant les comportements que l'on apporte la bonne réponse. Si la meilleure solution, pour une personne âgée, n'est pas d'aller en justice, il n'est pas nécessaire qu'elle dépose une plainte. Lorsqu'une personne âgée s'en prend à une autre, la meilleure solution est-elle de criminaliser ce comportement? À un moment donné, on renonce tout simplement à prononcer une inculpation, parce que ce n'est pas la meilleure solution pour la personne âgée en cause.
    Je suis prête à répondre aux questions que vous voudrez me poser au sujet du rôle joué par la Police provinciale de l'Ontario en cas d'abus commis contre les femmes âgées dans les collectivités dont nous avons la charge.

  (1700)  

    Je vous remercie. Nous avons bien apprécié votre exposé.
    Enfin, nous allons entendre la détective Isabelle Coady, Unité contre la violence à l'égard des aînés, Service de police d'Ottawa. Soyez la bienvenue.
    Bonjour. Ma partenaire devait être avec moi, mais il y a eu une urgence et elle n'a pas pu venir.
    Je m'appelle Isabelle Coady. Je suis enquêtrice sur les abus commis envers les aînés. Je fais partie de l'Unité contre la violence à l'égard des aînés du Service de police d'Ottawa. Cette appellation est en fait erronée car on devrait appeler ce service l'Unité d'enquête sur les personnes vulnérables, parce que nous procédons aussi à des enquêtes sur les abus commis à l'encontre de personnes vulnérables, handicapées physiques ou mentales, ou souffrant de problèmes de santé mentale.
    Plus précisément, nous enquêtons sur les crimes commis envers des personnes de plus de 65 ans par des gens en situation de pouvoir, lorsqu'il y a une relation de soins, une dépendance ou encore une lutte de pouvoir.
    Je veux vous parler des difficultés que je rencontre lorsque je mène des enquêtes. La majeure partie de mes enquêtes porte sur des abus financiers ou physiques. Je parle ici de voies de fait, d'agressions sexuelles, de séquestrations, de fraudes, de vols simples, de vols par procuration, d'intimidations du fait de comportements menaçants, de harcèlement et de toutes les infractions que l'on retrouve généralement dans la société mais qui sont commises ici à l'encontre de citoyens âgés en situation difficile.
    Je subdiviserai les plaintes qui me sont présentées en deux catégories: institutionnelles et individuelles. J'entends par institutionnelles celles qui concernent une maison ou un établissement de soins à long terme ou encore un foyer de groupe, et par individuelles celles qui proviennent de la population en général et qui concernent une personne en relation avec la victime. On retrouve le même genre de problème, le même genre d'abus financier ou physique.
    Ce qui revient toujours dans ce genre d'enquête, c'est que la plupart du temps les victimes hésitent beaucoup à se déclarer et à se porter en justice. Elles veulent que le problème cesse, elles ont vraiment besoin qu'il cesse. Elles souffrent énormément, mais elles ne veulent pas aller en justice. Elles sont intimidées. Elles n'ont pas d'énergie. Elles ont peur et veulent qu'on les laisse tranquille. Bien souvent, il n'est tout simplement pas possible de procéder à une inculpation.
    Mes victimes en tant que témoins souffrent d'un problème d'incapacité. Bien des gens, à partir d'un certain âge, ont des problèmes de santé mentale ou leurs capacités diminuent, et que ce soit vrai ou faux, lorsque des accusations sont portées, les avocats vont alléguer leur incapacité devant les tribunaux. On ne peut rien y faire, c'est comme ça que ça se passe.
    Enfin, il arrive couramment que l'âge de la victime influe sur la procédure judiciaire puisque, comme l'a dit Jared, les enquêtes durent parfois longtemps et les procès plus encore, ce qui fait qu'on manque parfois de temps.
    Lorsque le crime est commis à l'intérieur d'un établissement, il y a une véritable conspiration du silence de la part des employés. Il est extrêmement difficile de les amener à raconter ce qui s'est passé. Ils se couvrent entre eux et il faut pratiquement les obliger à parler — même si en Ontario, lorsqu'il se passe quelque chose au sein d'un établissement, dans une installation de soins à long terme, par exemple, il faut que ce soit signalé. C'est obligatoire. Pourtant, il y a des gens qui me mentent, qui refusent de répondre à mes questions, qui ne me rappellent pas, et je dois leur courir après pour obtenir les renseignements que je veux.
    Dans les enquêtes individuelles, le lien de dépendance avec le suspect pose un gros problème, parce que parfois la personne coupable d'abus est aussi celle qui se charge des soins. Si on l'écarte, que va-t-il se passer? Très peu de gens acceptent volontiers de se retrouver dans un établissement de soins à long terme; ils préfèrent rester chez eux en bénéficiant d'un appui. S'ils ne peuvent pas compter sur un appui suffisant au sein de la collectivité, ils dépendent alors de l'auteur des abus. Il y a là une relation vraiment très malsaine. Il n'en reste pas moins que je ne peux pas remplacer la fille, le fils, la nièce ou la personne qui dispense les soins, quel que soit l'auteur des abus.

  (1705)  

    Je ne devrais pas me plaindre des ressources limitées, parce que je sais que dans les petites localités c'est encore pire. Mais même à Ottawa, il est parfois difficile de trouver les ressources nécessaires pour que les victimes qui me contactent aient la liberté de me dire « bon, ça suffit, je ne veux plus le (la) voir », ou bien « je vais limiter ses visites », ou encore « ça ne peut plus durer ».
    Quant aux poursuites, très peu d'affaires se retrouvent devant les tribunaux. Je pense que de manière générale il y a un effet d'iceberg, mais lorsqu'il s'agit des vieilles personnes, c'est encore plus vrai. Cela s'explique par le fait que la plupart du temps les victimes dont je m'occupe ne veulent aller en justice que si elles n'ont absolument pas d'autre choix. Je me souviens de certaines affaires. Je me souviens de cette vieille dame de 85 ans agressée toutes les semaines par son fils, qui en réalité avait absolument besoin d'un traitement psychiatrique. Nous avons dû l'inculper pour la protéger, et elle ne voulait pas donner suite à l'affaire. Nous ne pouvions plus la contacter, elle nous évitait par la suite. C'est très courant; c'est tout à fait courant.
    Nous finissons par donner un avertissement à beaucoup de gens. Après avoir procédé à mon enquête et m'être rendu compte que l'on a commis un crime justifiant une inculpation, je me mets à interroger le suspect. À ce moment-là, si je suis convaincue que cette personne a commis un crime, je peux lui donner un avertissement, lui faisant comprendre ainsi que je considère qu'elle a commis un crime qui justifie une inculpation de ma part, mais que pour d'autres motifs, je ne vais pas prononcer d'inculpation. Cela a des effets sur les gens qui travaillent dans les établissements de soins à long terme ou auprès des personnes vulnérables. Pour qu'une personne puisse s'occuper des personnes vulnérables, il faut que l'on ait vérifié son casier judiciaire, que la police ait procédé à une vérification des antécédents criminels. Celui qui a déjà été soupçonné ou qui a déjà reçu un avertissement ne peut plus faire ce travail pendant cinq ans. C'est donc une façon pour moi de contrôler les antécédents des personnes qui exercent ce genre d'activité.
    Pour ce qui est des peines prononcées, elles me semblent légères. On pourrait changer la formulation quant aux facteurs aggravants, à la vulnérabilité ou à l'âge, mais je pense qu'il faudrait aussi tenir compte des liens de dépendance avec l'auteur des soins, le fils ou la fille qui s'occupent de la personne concernée. Il est important que le tribunal se rende compte qu'il y a là un problème et que celui qui se trouve dans cette situation, qui dépend de la personne qui dispense des soins, est placé dans la même relation qu'un enfant de cinq ans. Il me paraît important que les tribunaux le comprennent.
    Quant à ce que je puis souhaiter, l'un des principaux obstacles qu'il nous faut surmonter lorsque nous procédons à des enquêtes, c'est la très grande difficulté à communiquer l'information au sujet de certaines victimes potentielles, tout particulièrement avec les témoins occupant des fonctions, qu'il s'agisse des professionnels de la santé ou des employés de banque. Je comprends le point de vue d'une infirmière ou d'un médecin. Ils sont préoccupés par le fait qu'ils ont vraiment l'obligation de protéger la vie privée, et bien souvent la protection de la vie privée prime sur la sécurité. C'est un fait. Il est donc bien difficile pour eux de se mêler de ces affaires parce qu'ils ont peur d'être sanctionnés par leur ordre. Je le comprends, mais c'est parfois très compliqué parce que les abus sont là et qu'il nous faut à mon avis encourager les dénonciations.

  (1710)  

    J'aimerais savoir si vous aurez bientôt fini, détective Coady.
    Oui.
    J'aimerais que l'on oblige les gens à signaler les cas d'abus soupçonnés envers les personnes âgées, comme on le fait pour les enfants victimes de maltraitance — et je ne parle pas ici d'inculpation obligatoire, mais de signalisation obligatoire — pour qu'on puisse au moins faire enquête. Par la suite, si la personne concernée veut recevoir de l'aide sans nécessairement que la police intervienne, on peut toujours faire quelque chose.
    Je vous remercie.
    Merci.
    Puis-je proposer des tours de questions de cinq minutes? Il ne nous reste que 20 minutes et chacun des partis disposera ainsi d'un certain temps de parole.
    C'est le parti du gouvernement qui va commencer. Madame Bateman.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie chacun d'entre vous du travail que vous accomplissez. J'aimerais bien que vous soyez moins surchargés de travail, mais malheureusement vous avez beaucoup à faire, et je vous en suis reconnaissante.
    Je suis très intriguée parce que nous avons eu en fait un témoin qui nous a dit quelque chose du genre: « c'est bien beau de faire de la publicité, mais lorsque j'appelle la police, elle n'est absolument pas au courant. » Il est évident qu'il n'en est rien, que cela ne représente pas l'ensemble de la situation. Je me souviens avoir entendu un certain nombre d'entre vous déclarer que vous communiquiez avec vos collègues de l'ensemble du Canada, et peut-être même du monde entier, pour savoir ce qu'il y avait de mieux à faire. Il est très encourageant de constater que vous communiquez cette information.
    J'ai un certain nombre de questions précises à vous poser. On nous dit constamment que les cas ne sont pas suffisamment signalés et je pense que c'est vous, monsieur Buhler, qui avez évoqué les difficultés de la communication de l'information entre les différents organismes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, s'il vous plaît?
    Il y a plusieurs éléments de réponse.
    En ce qui nous concerne, tout d'abord, nous avons passé un protocole d'accord avec les organismes qui nous sont associés. On m'a demandé à l'occasion comment cela fonctionnait, et j'ai répondu que c'était en fait plus difficile mais que les résultats étaient meilleurs. Il est compliqué d'amener des gens ayant des principes de fonctionnement différents et des politiques concurrentes, et parfois même des buts ou des mandats opposés, à travailler ensemble sur le même problème, alors même qu'ils sont censés poursuivre les mêmes objectifs.
    Mais la principale source de tracas dans mon cas, je vous l'avoue franchement, ce sont les soins de santé. Je pense que d'autres gens l'ont déjà dit. Je peux vous citer une affaire impliquant un décès éventuellement d'origine criminelle. Il s'agit d'une femme admise à l'hôpital alors qu'elle présentait des signes évidents de négligence, et pourtant on a laissé passer 24 heures avant de signaler le cas à la police. Nous avons procédé à une enquête approfondie dans cette affaire, mais lorsque nous nous sommes finalement rendus sur place, des éléments de preuves essentiels avaient disparu concernant la condition de la victime, parce qu'on l'avait baignée et remise en état. On s'est efforcé de recueillir des déclarations et des renseignements auprès des quelque 20 membres du personnel qui s'en étaient occupés. Je suis remonté tout en haut, c'est-à-dire jusqu'au service juridique, et j'ai constaté que les juristes de l'hôpital ne connaissaient pas le droit.
    Lorsque j'ai fini par obtenir l'autorisation de consigner les déclarations du personnel, nous lui avons distribué un questionnaire. Sur les 20 personnes qui ont reçu un questionnaire, vous me direz combien ont répondu: aucune.
    Voilà le taux de réponse — et ce n'est pas l'exception, mais la règle, dans les services de santé. Les gens ne veulent pas s'impliquer dans ce genre d'enquête pénale. On est surpris d'entendre cela, c'est contre toute logique, mais je vous affirme que c'est bien ce qui se passe. Il faut mener une véritable bataille, toujours à recommencer, dans le secteur de la santé. Ainsi, l'Alberta s'est dotée d'une loi d'information sur la santé — et je suis sûr que toutes les provinces ont aussi la leur — qui prévoit de lourdes sanctions en cas d'infraction à ces dispositions.
    Je vous dis tout de suite qu'il ne s'agit pas d'adopter de nouvelles lois, mais de faire en sorte que les professionnels comprennent les lois existantes, ce qui n'est pas le cas. Il existe des dispositions dans la loi actuelle qui les obligent à communiquer et à divulguer presque toutes les formes d'abus relevant du droit pénal. Ils ne le font pas cependant; ils choisissent de s'abstenir.

  (1715)  

    Comment donc résoudre ce problème?
    Je ne travaille pas dans le cadre médical. Je comprends un peu ce cadre en raison de la profession exercée par ma conjointe. Je dirai qu'il faut changer du haut en bas de la hiérarchie les comportements dans les milieux médicaux.
    Mme Joyce Bateman: Eh bien!
    Agent Jared Buhler: Il faut tout changer, parce que les unités chargées des homicides font face aux mêmes problèmes. Le personnel ne veut pas se mêler des poursuites en matière pénale.
    Cela confirme les déclarations de votre collègue, l'agente Coady, qui nous a dit que le respect de la vie privée primait sur la sécurité. Il est difficile de communiquer l'information avec les employés de la santé et il serait utile de les obliger à signaler les cas d'abus soupçonnés envers les personnes âgées.
    Pourriez-vous préciser en quoi l'obligation de signaler les cas pourrait aider les personnes âgées et ce que cela impliquerait?
    Je pense que les gens ont le sentiment qu'il leur faut signaler les cas; ainsi, en Ontario, on n'a pas le choix. Quelle que soit sa qualité, la personne doit signaler les mauvais traitements infligés à un enfant, et il est illégal de ne pas le faire. Les gens se sentent protégés lorsqu'ils signalent ces cas. Quoi qu'ils fassent, quelles que soient leurs relations avec la victime, ils ont le sentiment de pouvoir librement signaler ces cas — en fait, les sanctions en cas de non-signalement sont plus lourdes que celles qu'ils risquent s'ils les signalent. Je pense que si l'on généralise la protection, cela peut avoir des effets.
    Je vous remercie.
    La parole est au NPD, qui disposera de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie d'être venus.
    J'ai une question à vous poser à laquelle l'un quelconque d'entre vous pourra éventuellement répondre. Bien des gens n'arrivent pas à comprendre, j'imagine, que les personnes âgées ne veulent pas nécessairement porter plainte ou intenter des poursuites.
    Sergente-détective Fitzpatrick, vous nous avez indiqué que les dispositions du Code criminel et les peines prononcées suffisaient, mais qu'il n'était pas toujours approprié de criminaliser un comportement. Je pense que vous nous avez bien fait comprendre qu'il s'agissait là d'une question très complexe et que les peines prononcées aux termes des dispositions du Code criminel n'étaient pas toujours la solution.
    Comment aborder ces situations lorsque l'application des dispositions pénales ne se justifie pas?
    Je pense qu'il faut d'abord commencer par appliquer le modèle que l'on retrouve dans nombre de villes et qui s'apparente au nôtre, en faisant appel à la collaboration. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il n'est pas justifié dans tous les cas d'appliquer les dispositions pénales. On peut cependant toujours dispenser d'autres services et fournir d'autres appuis, en faisant un suivi de la situation, que ce soit par l'intermédiaire des soins à domicile ou sous le contrôle de nos infirmières, par exemple. Nous pouvons au moins contrôler la situation et procéder à un suivi dans une certaine mesure. Il est indéniable que la règle dans le secteur est de recourir à des équipes pluridisciplinaires qui font preuve de collaboration. L'important, à mon avis, est de savoir comment on va constituer ces équipes et comment on va les appuyer. Je sais que nous pouvons faire un bon travail avec ce modèle, mais nous sommes dépassés à l'heure actuelle.

  (1720)  

    Du point de vue de la PPO, lorsque nous tenons compte des particularités des régions rurales... Évidemment, Jared travaille à Edmonton, et Isabelle à Ottawa. Pour revenir sur toute cette infrastructure à la disposition des personnes âgées au sein de la collectivité, comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, la plupart des personnes âgées veulent rester chez elles et disposer de services à domicile. Bien avant que la police intervienne, nous pourrions avoir, et nous avons dans une certaine mesure, des services améliorés de soutien aux personnes âgées au sein de la collectivité permettant de déceler les problèmes et d'intervenir sans avoir recours à la police. La question ne serait pas alors de criminaliser les comportements, parce que nous n'en aurions peut-être même pas connaissance, mais de faire intervenir les services au sein de la collectivité.
    Très bien, il s'agirait alors de faire de la prévention à long terme. Je pense que nous constatons par ailleurs que le problème ne se pose pas simplement quand nous prenons de l'âge, mais tout au long de la vie.
    Très bien, je vous remercie. Je ne sais même pas par où commencer, à part cela. Nous avons par ailleurs entendu des témoins nous dire que l'information donnée aux agents de police pour les sensibiliser au problème est utile. Est-ce que c'est aussi votre expérience, et avez-vous des observations à faire à ce sujet? Une formation obligatoire au sein de la police permettrait-elle de mieux lutter contre les abus envers les personnes âgées et faire mieux comprendre le problème?
    À Ottawa, nous avons de la chance parce que nous avons un agent de formation. Il y a des cours sur les abus commis envers les aînés. La détective qui s'en charge fait désormais partie de la direction de la formation et elle forme systématiquement toutes les recrues. Je sais que ce cours est dispensé à l'occasion à tous les agents. Je crois savoir qu'un cours de formation informatisé est mis en place à l'intention des agents. C'est très important et on s'en occupe à l'heure actuelle.
    Oui, et est-ce que cela aide beaucoup?
    Oui, effectivement. Les gens se rendent compte...
    Très bien.
    Je vais partager mon temps avec ma collègue.
    Je ne suis pas tout à fait à l'aise avec le principe de la formation dans un but de sensibilisation. Le problème en ce qui concerne les abus commis envers les personnes âgées, à mon avis, c'est que la police n'y voit pas un crime. Ce qu'il faut apprendre à la police — avant tout parce que c'est le rôle de la police —, c'est de ne pas y voir une simple question de société mais un crime sur lequel il faut s'efforcer de faire enquête. À partir du moment où la police considérera qu'il s'agit d'un crime, elle fera enquête.
    Je pars du point de vue qu'il s'agit de faire en sorte que notre police traite la chose comme s'il s'agissait d'une agression sexuelle ou d'un homicide. Ces affaires doivent faire l'objet d'enquêtes comme pour les homicides.
    Il faut les traiter de la même manière, autrement dit...
    Il faut apporter un appui et procéder à l'enquête comme si l'on n'avait pas de témoin.
    Je vous remercie.
    Excusez-moi de vous interrompre, mais je dois donner la parole à Mme Ambler pendant cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie tous les quatre d'être venus aujourd'hui et de nous avoir présenté ces exposés très intéressants.
    Sergente-détective Fitzpatrick, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les efforts de coordination que vous avez évoqués, le fait de communiquer les meilleures solutions? Avec quelles autres organisations partagez-vous l'information? Qu'est-ce qu'elles vous ont appris et qu'est-ce que vous leur avez appris? Vous pourriez peut-être nous donner un exemple qui nous montre que la communication de ces solutions a permis d'améliorer le service en matière d'abus commis envers les personnes âgées.
    Bien entendu.
    Je suis diplômée du cours de formation de la police d'Ottawa et nombre des agents de notre PPO suivent cette formation.
    Au niveau du détachement local, nous avons différents services d'aide aux victimes dans ce secteur. Ainsi nous dispensons des services aux victimes, dans le cadre de l'aide dispensée aux victimes de crimes, en mettant à leur disposition des refuges, une aide en cas d'agression sexuelle et un programme d'aide aux témoins des crimes. Nous avons de nombreux services d'accès direct dans chaque secteur. Au niveau du détachement, nous possédons un comité de coordination et nombre de ces responsables se réunissent, apprennent à mieux se connaître, non seulement en traitant des crimes contre les personnes âgées, et cherchent à s'entraider lorsqu'une affaire se présente. C'est ce que nous avons au niveau du détachement.
    Ces questions se posent parfois à moi, parce que je suis coordonnatrice régionale, et je communique avec les cinq autres coordonnateurs régionaux pour leur faire part de ce que j'ai entendu dire sur tel ou tel type de crime en leur demandant s'ils en ont déjà entendu parler et s'ils ont une réponse à me donner. Nous communiquons avec Shelley Tarnowski, qui est la coordonnatrice provinciale et notre responsable en chef au sein de l'équipe chargée de nous aider à contacter les personnes susceptibles d'avoir déjà connu la même situation. Si quelqu'un a déjà résolu le même problème avec succès, il convient d'adopter et d'appliquer sa solution.
    Le Comité de liaison entre la police et le secteur privé est largement ouvert à la collaboration. Lors des réunions, chacun évoque ses réussites et ses difficultés. Le procès-verbal des réunions est distribué aux coordonnateurs régionaux. J'ai des enquêteurs chargés des questions liées aux abus dans chacun des 17 détachements de la PPO pour la région de l'Est, et cette information leur est transmise lors des réunions trimestrielles. Nous faisons donc passer l'information à tous les échelons de la PPO ainsi qu'à l'extérieur de la PPO, à nos interlocuteurs au sein des municipalités, par l'entremise du Comité de liaison.
    Il y a aussi les cours du Collège de police de l'Ontario, qui réunissent des gens appartenant à tous les services de police, avec d'excellents conférenciers qui abordent des sujets tout à fait d'actualité.

  (1725)  

    Magnifique, je vous remercie.
    Vous avez aussi évoqué le nombre d'appels, qui augmente, en estimant que cette évolution va se poursuivre. Considérez-vous que c'est parce qu'il y a de plus en plus d'abus ou parce que l'on en a davantage pris conscience?
    Je considère personnellement que c'est parce qu'on en a davantage pris conscience. Chaque fois que l'on fait une campagne publique, il y a d'énormes retombées sur les gens qui n'étaient jusqu'alors pas au courant ou qui ne se sentaient pas concernés, et qui prennent désormais conscience du problème. Ils se rendent subitement compte. Ils se disent que c'est exactement ce qui se passe chez leurs voisins et ils décident d'appeler.
    Je vais saisir l'occasion de faire une annonce publique en mentionnant le programme Nouveaux Horizons pour les aînés. Notre gouvernement va continuer à le financer parce que nous considérons qu'il est important de prendre conscience du problème pour remédier aux abus commis envers les personnes âgées dans notre société. Dans le dernier budget adopté hier, nous avons engagé à ce titre 10 millions de dollars supplémentaires pour un total de 45 millions de dollars par an. Cela englobe une campagne publicitaire dont vous avez probablement entendu parler. La deuxième phase, je crois, va commencer en février. Nous considérons que c'est aussi important.
    Monsieur Buhler, vous nous dites que le problème des abus commis envers les personnes âgées est complexe. Si vous deviez faire une recommandation pour remédier à ce problème, quelle serait-elle?
    S'agit-il de remédier au problème ou de donner un élément de réponse?
    Que peut faire le gouvernement pour que les abus commis envers les personnes âgées soient moins nombreux?
    Le pessimiste que je suis se dit que le problème ne disparaîtra jamais. Voilà longtemps qu'il existe, et on ne s'en aperçoit que maintenant. Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que nous n'avons pas suffisamment de ressources pour intervenir.
    Je fais constamment des exposés et des séances de formation. Je ne manque pas de ressources pour en parler. Ce dont j'ai besoin, c'est d'aide pour faire enquête sur les crimes qui sont commis; je n'ai pas besoin d'autres outils ou d'autres types de ressources.
    Il ne nous reste plus de temps. Je vous remercie. Je vous fais toutes mes excuses.
    Je n'ai pas de meilleure réponse à vous donner. Je suis désolé.
    Monsieur Hsu, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie.
    Je tiens à tous vous remercier d'être venus. Nous en avons presque fini. Ma question est bien simple et elle s'adresse à chacun d'entre vous. Vous y avez déjà répondu en partie.
    Si vous aviez un dollar supplémentaire, comment le dépenseriez-vous? Quel serait le premier poste de dépenses sur votre liste?

  (1730)  

    Personnellement, j'aimerais que quelqu'un d'autre vienne travailler avec moi dans ces affaires. Je suis la seule personne affectée à cette tâche au sein du Service de police d'Edmonton, et il n'y a aucun espoir d'obtenir bientôt du renfort, d'après ce qu'on m'a dit. C'est ce que je demande depuis deux ans.
    Le fait que nous ayons un agent chargé d'enquêter sur ce type de crime prouve que l'on s'intéresse à la question au sein du système. Personnellement, j'aimerais donc avoir un associé.
    J'en reviens à ce que j'ai dis tout à l'heure, soit qu'il convient d'aider les personnes âgées au sein de nos collectivités. Nous pouvons recourir à des consultants en ressources psychogériatriques, à des centres de soins communautaires et à nombre d'organismes sociaux au service des personnes âgées, mais nous n'avons pas suffisamment de personnel pour aider les personnes âgées qui vivent au sein de la collectivité, compte tenu du fait que la PPO exerce ses activités dans les régions rurales.
    On en revient à ce que nous savons tous les quatre: pourquoi les affaires ne sont-elles pas signalées? Prenons le cas, par exemple, d'une personne âgée qui est isolée ou qui habite au milieu de nulle part, si l'on peut s'exprimer ainsi. Son fils, qui vit avec elle, est son seul appui, il fait les courses en sa compagnie et l'accompagne chez le médecin. Il abuse par ailleurs de son pouvoir, mais bien évidemment cette personne âgée ne va pas le signaler.
    Il serait bon de pouvoir compter sur des services et des organisations apportant un appui aux personnes âgées, ce qui devrait permettre de régler les problèmes avant même que la police soit appelée à enquêter.
    Nous sommes en meilleure posture. Il y a deux agents dans mon unité. J'aimerais en avoir un troisième, pas nécessairement un enquêteur, mais un travailleur social ou quelqu'un ayant une formation en sciences sociales qui prendrait en charge l'ensemble du travail social. Lorsque je procède à une enquête et que j'ai affaire à une personne en danger, je finis par faire du travail social. Je peux le faire et je le fais parce que c'est indispensable, mais je pense que mon temps et mon énergie seraient mieux utilisés si je me contentais de faire enquête. Je serais donc bien plus efficace si j'avais quelqu'un à mes côtés, spécialisé dans le domaine, pour travailler avec moi.
    Je vous remercie. C'est tout en ce qui me concerne.
    Merci, monsieur Hsu.
    Je tiens à remercier l'agent Buhler, l'inspectrice Craig, la sergente-détective Fitzpatrick et la détective Isabelle Coady. Vous nous avez présenté des exposés clairs et judicieux, qui font état d'un grand intérêt pour une question qui nous préoccupe tout autant que vous.
    Je vous remercie de vos témoignages et de la patience dont vous avez fait preuve aujourd'hui envers votre présidente.
    La séance est levée.
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