Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 021 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 juin 2010

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Nous en sommes à la 21e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Je précise, pour le compte rendu, que nous sommes le jeudi 3 juin 2010.
    Mesdames et messieurs les députés, vous avez devant vous l'ordre du jour de la réunion d'aujourd'hui. Nous continuons notre examen du projet de loi C-4, la Loi de Sébastien, une loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
    J'espérais que nous pourrions tenir une réunion de planification à huis clos à la fin de la séance d'aujourd'hui, mais étant donné que nous commençons déjà en retard et que nous recevons trois groupes d'intervenants, cela pourrait s'avérer impossible. S'il nous reste du temps, nous discuterons de certains travaux du comité.
    Comme je l'ai mentionné, nous recevons aujourd'hui trois groupes, et le premier est déjà avec nous. Nous accueillons tout d'abord William Trudell, qui représente le Conseil canadien des avocats de la défense, ainsi que Scott Bergman et Gaylene Schellenberg, qui représentent l'Association du Barreau canadien. Nous sommes heureux de vous avoir à nouveau parmi nous. Finalement, nous accueillons aussi, à titre personnel, Simon Fournel-Laberge. Je vous souhaite la bienvenue.
    On a dû vous informer que chaque organisation ou intervenant dispose de dix minutes pour se présenter, après quoi nous passerons aux questions. Si vous prenez moins de dix minutes, nous aurons plus de temps pour les questions. Par ailleurs, vu le temps relativement limité dont nous disposons, je vous saurais gré de ne pas dépasser dix minutes.
    Commençons avec Simon.

[Français]

    Je suis Simon Fournel-Laberge. J'ai été invité ici aujourd'hui à la suite d'un reportage auquel j'ai participé sur les ondes radio et télé de la société Radio-Canada. Ces émissions portaient sur les modifications que le gouvernement fédéral veut apporter à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Je tiens d'abord à vous dire humblement que je n'ai fait aucune étude poussée et que je n'ai pas la prétention d'avoir la solution au dilemme qui se présente à la société en ce qui concerne ce problème particulier. Je peux par contre partager avec vous mon expérience personnelle du système de justice.
    Je constitue, aux yeux de beaucoup de gens, la preuve vivante que le système de justice pénale actuel, qui prône entre autres la conscientisation des jeunes par rapport à leurs crimes, la réhabilitation et la réinsertion sociale, fonctionne. Il m'aura fallu trois peines dans des centres de détention pour adolescents avant d'acquérir les outils nécessaires à une réinsertion sociale. J'ai aujourd'hui 24 ans, je termine mes études, je travaille, je paye mes impôts et je fais tout ce qui est possible pour devenir un membre acceptable, responsable et productif de notre société.
    Que me serait-il arrivé si, à 16 ans, alors que j'étais toujours à la recherche de mon identité, on m'avait collé une étiquette de criminel récidiviste et que l'on avait affiché mon nom et mon visage à pleine page dans les médias? Quelle opinion aurais-je de moi aujourd'hui? Aurait-il été aussi facile de dénicher un emploi, de changer mon cercle d'amis ou de trouver le courage et l'estime personnelle nécessaires afin d'effectuer un retour aux études? Les hypothèses sont nombreuses.
    Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faut protéger les citoyens contre les crimes violents, mais les statistiques prouvent que la coercition, les mesures punitives, la répression, les peines d'emprisonnement plus longues n'empêchent pas la perpétration des crimes et n'amoindrissent pas les chances de récidive. Je crois à la prévention et à la rééducation plutôt qu'à la répression. Cependant, je ne suis pas contre les longues peines d'emprisonnement. La dernière peine dont j'ai écopé a été de près de deux ans, et elle a été pour moi la plus bénéfique de toutes. J'ai par le fait même pu disposer de plus de temps pour travailler sur moi, conjointement avec des psychoéducateurs et mes parents. J'ai pu ainsi prendre contact avec les victimes, faire des excuses sincères et réparer mes torts autant que faire se peut.
    Cela m'a permis, avec le temps, de me pardonner et de tourner la page de façon définitive sur mon passé de délinquant. En serait-il de même si, par exemple, un adolescent de 17 ans ayant entamé un processus semblable au mien avait été transféré dès sa majorité vers un établissement pour adultes? Je crois que non. Je suis convaincu qu'il serait pénalisé à cause du manque de ressources dans le milieu carcéral. Les gardiens de prison ne sont ni formés ni mandatés pour venir en aide aux détenus.
    La question qui demeure est la suivante: doit-on traiter les adolescents au même titre que les adultes en ce qui a trait aux crimes graves? Je ne suis pas de cet avis. Nous ne les traitons de cette manière dans aucune autre sphère de la société. Par exemple, une personne d'âge mineur n'a pas le droit de vote, car, selon la société, son jugement moral n'est pas assez développé. Un jeune de moins de 18 ans ne peut se procurer ni alcool, ni tabac, ni loterie, car on considère qu'il n'est pas en mesure de choisir ou de décider ce qui est bon ou mauvais pour lui. N'est-il donc pas un peu paradoxal de vouloir juger les jeunes en tant qu'adultes? Par contre, cela ne veut en aucun cas minimiser les torts infligés aux innocentes victimes par ces jeunes contrevenants. Ne serait-il pas préférable d'investir tout cet argent et toutes ces énergies à tenter de fournir des ressources adéquates aux détenus qui, dans la majorité des cas, sont aux prises avec de graves problèmes de dépendance ou de santé mentale, afin de leur offrir une meilleure chance de s'en sortir?
    Durant toutes ces années difficiles qu'ont été pour moi l'adolescence, malgré la violence, les carences et toutes mes déficiences, la société québécoise et canadienne a cru en moi et m'a donné à la fois le coup de pied au derrière et le coup de pouce dont j'avais besoin pour m'en sortir. Grâce à cela, aujourd'hui, je peux prendre la parole devant vous et contribuer fièrement à bâtir notre société de demain.
    Et détrompez-vous, je ne suis pas le seul jeune dans ce cas. Je prends la parole aussi au nom des nombreux autres jeunes qui s'en sortent chaque jour grâce au système actuel.
    Je vous remercie de votre écoute.

  (1110)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Passons à Mme Schellenberg. Vous avez dix minutes.
    Bonjour. Je m'appelle Gaylene Schellenberg. Je travaille, en tant qu'avocate, pour le service de la législation et de la réforme du droit de l'Association du Barreau canadien.
    Je vous remercie de permettre à l'ABC de vous faire part aujourd'hui de sa position concernant le projet de loi C-4.
    L'ABC est une association nationale constituée de plus de 37 000 avocats, étudiants en droit, notaires et universitaires. L'amélioration du droit et de l'administration de la justice est un aspect important du mandat de l'ABC, et c'est ce qui nous amène ici aujourd'hui.
    Je suis accompagnée de Scott Bergman, membre de la section nationale de droit pénal de l'ABC. Cette section est formée de procureurs et d'avocats de la défense de partout au pays, et M. Bergman pratique le droit pénal à Toronto. Je lui céderai la parole afin qu'il vous présente l'essentiel de notre mémoire et qu'il réponde à vos questions.
    Merci.
    Bonjour à tous. Merci de nous permettre d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais commencer en précisant que bien que l'ABC n'appuie pas l'adoption du projet de loi C-4 sous sa forme actuelle, plusieurs des modifications proposées sont positives et devraient être incorporées à la LSJPA. Par exemple, la reconnaissance de la culpabilité morale moins élevée des adolescents est un très bon pas dans la bonne direction. Nous appuyons aussi la modification visant à empêcher l'incarcération d'adolescents de moins de 18 ans dans des établissements pour adultes.
    Cela dit, l'ABC ne peut recommander l'adoption du projet de loi sous sa forme actuelle. En mettant l'accent sur la détention avant procès et après condamnation des jeunes, ce projet de loi constituerait un recul pour la LSJPA. Le projet de loi C-4 s'éloigne brusquement des grands principes qui sous-tendaient la LSJPA — dont le succès est indiscutable — et de la reconnaissance que la plupart des cas où les adolescents ont des démêlés avec la loi relèvent d'incidents relativement mineurs et isolés.
    La LSJPA reconnaît l'importance de détourner les mineurs du système de justice pénale en mettant l'accent sur les mesures extrajudiciaires comme les avertissements, les mises en garde, les renvois, la médiation et la concertation des familles. Elle insiste sur l'importance de la réadaptation et de la réinsertion sociale des jeunes délinquants, et ce, aussi bien dans l'ensemble du texte que dans son préambule et dans l'énoncé de ses principes et objectifs. L'un de ses principaux objectifs consiste à éviter d'emprisonner les jeunes contrevenants, à l'exception des pires contrevenants, des plus violents et des contrevenants chroniques. Dans le cas des contrevenants violents ou chroniques, la LSJPA ouvrait la porte aux peines pour adultes; elle l'ouvrait encore plus grande et peut-être à juste titre. C'était un pas dans la bonne direction.
    Cela dit, le projet de loi C-4 est un retour aux jours sombres où les jeunes étaient incarcérés, un éloignement par rapport aux mesures extrajudiciaires, à la réadaptation et à la réinsertion.
    Il semblerait que ce soit le rapport du juge Nunn, intitulé Spiralling Out of Control: Lessons From a Boy in Trouble, qui ait donné naissance à ce projet de loi. Cependant, le juge Nunn a lui-même dénoncé le recours excessif à la détention pour les jeunes, en disant récemment:
Nulle part en Amérique du Nord n'a-t-il, à ce que je sache, été démontré que le fait de maintenir des personnes en détention plus longtemps, de les punir plus longtemps, produise des effets bénéfiques pour la société. La détention devrait être l'option de dernier recours pour un enfant.
    En effet, le juge Nunn mésestime certains aspects du projet de loi C-4. Il a d'ailleurs déclaré récemment: « Ils sont allés au-delà de ce que j'ai fait et au-delà de la philosophie que j'ai acceptée. Je ne crois pas que ce soit judicieux. »
    Selon l'ABC, le projet de loi va notamment au-delà des recommandations du juge Nunn en remplaçant la protection du public à long terme par le concept plus général de protection du public. On ne peut que présumer du caractère intentionnel de l'omission des mots « à long terme » après « protection du public », ce qui soulève de sérieuses préoccupations quant à l'emprisonnement des adolescents pendant de longues périodes, ce qui ne devrait être réservé qu'aux cas les plus graves.
    Exception faite des cas récurrents et des cas les plus graves — j'ouvre une parenthèse pour signaler que M. Croisdale a récemment indiqué que le pourcentage de cas graves se situe entre 5 et 10 p. 100, et je crois qu'il a comparu devant ce comité le 13 mai —, il est dans l'intérêt à la fois de la société et de l'adolescent de mettre l'accent sur la meilleure façon d'assurer la réadaptation. Dans les faits, la vaste majorité des jeunes qui entrent en contact avec le système judiciaire le font à une ou deux reprises, et les chances qu'ils y reviennent par la suite sont infimes. C'est ce que moi et l'ABC avons compris du témoignage de M. Croisdale.
    La proposition visant à ajouter la dénonciation et la dissuasion comme principes de détermination de la peine préoccupe grandement l'ABC. D'un côté, on cherche à modifier la LSJPA de manière à reconnaître la culpabilité morale moins élevée des jeunes par rapport aux adultes, alors que de l'autre, on ajoute la dénonciation et la dissuasion. Il s'agit clairement de principes de détermination de la peine qui ont été calqués sur ceux des adultes. De plus, il a été établi que l'incarcération s'avère généralement inefficace dans le cas des adolescents.
    Depuis l'entrée en vigueur de la LSJPA en 2003, le taux de criminalité chez les jeunes a constamment baissé, tout comme le taux d'incarcération des adolescents. Les données empiriques semblent claires: la LSJPA produit les effets voulus. En quoi des modifications aussi radicales que coûteuses seraient-elles nécessaires en ce moment pour la société canadienne? L'ABC n'a rien trouvé qui justifie ces mesures. Avant d'investir d'énormes sommes d'argent dans ce qui semble être la réorganisation de certains aspects du système, il faudrait peut-être commencer par tenir une importante consultation publique.

  (1115)  

    La fiche d'information du gouvernement sur le projet de loi C-4 énonce, et je cite: « le système est souvent dans l'impossibilité de pouvoir placer en détention les adolescents violents et insouciants, même lorsqu'ils présentent un risque pour notre société. » Ici encore, l'ABC n'a rien constaté qui appuie cette proposition. En fait, l'actuelle LSJPA semble réussir sans problème à garder en détention les jeunes violents et dangereux avant leur procès.
    Les modifications apportées à la détention avant procès — et tout particulièrement la nouvelle catégorie des infractions graves — ne permettront pas d'incarcérer davantage de jeunes violents et dangereux. Elles auront pour seules conséquences d'exposer un plus grand nombre d'adolescents à la détention avant procès, en incluant de nombreuses infractions non violentes et, dans certains cas, relativement mineures, comme les voies de fait simples, les menaces, les vols de plus de 5 000 $ et la possession d'une carte de crédit volée.
    Comme tous les Canadiens, l'ABC pense que la détention avant procès est nécessaire pour les jeunes réellement violents qui posent de sérieux risques pour la sécurité du public. Cependant, les modifications proposées ne concordent pas avec cet objectif. Un jeune accusé d'une infraction grave, comme une bataille de cour d'école, pourrait se trouver en détention avant procès, soi-disant à des fins de protection du public.
    Une infraction avec violence sera maintenant définie comme une infraction qui entraîne des lésions corporelles, ce qui englobe les menaces ou les tentatives de commettre une telle infraction. Le projet de loi C-4 élargira la définition d'infraction avec violence de façon à englober tout acte qui met en danger. Même si le comportement lui-même n'est pas violent et ne cause pas de lésions corporelles, le fait qu'il entraîne un risque de lésions ou qu'il mette en danger en ferait une infraction avec violence selon ce projet de loi. L'ABC croit que la définition d'infraction avec violence devrait à tout le moins comporter un élément d'intention ou de conscience du danger.
    Il est contradictoire, selon nous, de dire d'un côté que les jeunes ont une culpabilité morale moins élevée et, de l'autre, d'établir une catégorie d'infractions graves qui inclut la mise en danger d'autrui par la création d'un risque substantiel de lésions corporelles. La notion même de culpabilité morale moins élevée s'appuie sur le fait que les jeunes ne pensent pas aux conséquences ou à la nature de leurs actes de la même manière que les adultes.
    Le projet de loi C-4 contient certaines modifications importantes et positives, mais nous n'appuyons pas son adoption sous sa forme actuelle, parce que nous croyons qu'il minerait en fait la protection à long terme de la société. Dans la pratique, ce projet de loi ferait en sorte qu'un plus grand nombre d'adolescents soient emprisonnés, et qu'ils le soient pour des périodes plus longues. Il s'éloignerait du modèle de justice pour les adolescents axé sur la réparation et la réadaptation, en faveur d'un modèle plus punitif. Nous considérons qu'une telle évolution est à la fois inutile et contraire à une saine politique publique fondée sur des données bien établies des sciences sociales. Le prix social serait très élevé, et les coûts financiers ne s'en trouveraient pas diminués.
    Merci de votre temps.

  (1120)  

    Merci.
    Passons à M. Trudell, pour dix minutes.
    Monsieur le président, je vous remercie et je remercie également les membres du comité. Je suis honoré que vous m'ayez invité à revenir devant vous. Je comprends que votre temps est limité; je vais donc abréger ma déclaration préliminaire.
    Je vous présente Graeme Hamilton, qui est assis derrière moi. Graeme est un jeune avocat de Toronto qui nous a beaucoup aidé à préparer les exposés que nous vous présentons.
    J'aimerais vous raconter quelques anecdotes pour vous décrire l'étendue du sujet d'aujourd'hui, mais tout d'abord, je voudrais féliciter le Parlement pour ce qu'il a accompli jusqu'à maintenant. Je constate que nous avons une loi qui fonctionne, toutes les études et le travail qui ont été réalisés, ainsi que toute l'information qui a suivi le prouvent. En effet, cette loi est le résultat de beaucoup de travail et de nombreuses réflexions. Alors, à certains égards, avant que vous en veniez vraiment à vous demander s'il faut changer l'essence de ce projet de loi, je vous invite à réfléchir sur les bienfaits de cette loi et à vous demander si, en favorisant plutôt la dénonciation et l'incarcération, on ne remplace pas des problèmes à court terme par d'autres à long terme.
    Permettez-moi de vous lire deux petits messages. Tout d'abord, notre représentant du Yukon m'a envoyé ce qui suit:
À Whitehorse, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Yukon a mis sur pied un groupe d'experts sur la justice pour les jeunes. Ce groupe est unique au Canada. Il est chargé de décider si un jeune est admissible ou non à l'imposition de sanctions extrajudiciaires après la mise en accusation ainsi que les modalités de ces sanctions, le cas échéant. Le groupe d'experts est composé d'un agent de probation, d'un représentant du ministère de l'Éducation, d'un agent de la GRC, d'un défenseur de la jeunesse du Club garçons et filles, d'un représentant des premières nations, d'un représentant des services aux victimes, de l'avocat de la défense du jeune et d'un procureur de la Couronne désigné. Il constitue un exemple de l'utilisation des ressources de la collectivité pour aider les jeunes contrevenants à assumer les conséquences sérieuses de leurs actes dans la collectivité plutôt qu'uniquement au tribunal.
Même si un bon nombre de cas déjudiciarisés concerne des infractions contre la propriété, nous avons également réussi à déjudiciariser des affaires qui concernaient des crimes violents et des crimes sexuels. De plus, une personne a été mise sous contrat par le gouvernement afin d'animer des conférences de réconciliation entre les victimes et les contrevenants. Ces conférences permettent de réunir les victimes de crimes commis par des jeunes contrevenants qui, avec le soutien des adultes qui font partie de leur vie, devront réparer les dégâts qu'ils ont causés. On a utilisé ses conférences avec succès pour des infractions telles que des entrées par effraction, des voies de fait ainsi que des cas de violence dans les foyers d'accueil. Voilà le genre d'intervention qui réduit la criminalité à long terme. L'esprit de la loi existante a permis la création de ce programme qui connaît du succès au Yukon.
    De son côté, notre représentant de la Saskatchewan nous a envoyé ce qui suit:
Il serait peut-être utile de prendre conscience du fait qu'il n'est pas normal pour les enfants canadiens d'être très en retard en matière d'éducation, d'avoir un handicap, d'être pauvre et d'avoir des troubles psychologiques psychiatriques, mais que ces troubles sont tout à fait courants chez les enfants incarcérés.
    À mon avis, ce sont les deux extrêmes. Nous avons un programme couronné de succès au Yukon, où les principes de la loi sont appliqués, et nous avons l'exemple d'un de nos représentants en Saskatchewan qui, selon son expérience, nous parle de personnes qui sont incarcérées. Entre les deux, nous savons lequel choisir, et à mon humble avis, vous aussi.
    Lorsqu'on examine les infractions graves telles qu'elles sont définies, on se rend compte qu'on étend la définition des crimes qui permettrait d'attraper ces types de jeunes. On ne traite pas particulièrement des auteurs des crimes violents, qui sont ceux qui nous préoccupent. Je vous demanderais donc d'examiner la définition de crime grave et de vous demander franchement si les personnes qui seront punies seront autant les personnes ciblées que les jeunes qui ne bénéficient pas de l'aide dont ils ont besoin.
    La vie des jeunes se passe dans leurs têtes. Nous sommes tous passés par là. Quand ces jeunes se trouvent en prison, ils se replient encore plus, à moins qu'ils ne connaissent autant de succès que le jeune homme à ma droite qui a parlé de son expérience avec éloquence. Les jeunes se replient sur eux-mêmes. Si vous les mettez en prison, ils se replient encore plus. Ils se sont retirés de leurs collectivités. Ce n'est pas ce que nous voulons, parce qu'ils vont plutôt s'attacher à des groupes criminels en dedans. Nous ne voulons pas que cela se produise.

  (1125)  

    J'aimerais vous dire que... Je garderai ça pour vos questions, mais certains problèmes nous préoccupent beaucoup.
    Il y a beaucoup de bons éléments dans ce projet de loi, qui est le reflet de changements qui sont peut-être nécessaires. À vous de décider. Mais à l'alinéa 3c) — à ce sujet, nous appuyons la position de l'Association du Barreau canadien —, on définit le terme « infraction grave » ainsi:
infraction commise par un adolescent au cours de la perpétration de laquelle il met en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne en créant une probabilité marquée qu’il en résulte des lésions corporelles.
    Cette définition constitue une réponse directe au rapport du juge Nunn. Je vous suggère d'ajouter le mot suivant:
infraction commise par un adolescent au cours de la perpétration de laquelle il met sciemment en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne en créant une probabilité marquée qu’il en résulte des lésions corporelles.
    Le terme « sciemment », dans un contexte de droit pénal, comporte un certain nombre de degrés. Il peut signifier qu'on sait tout, qu'on se ferme les yeux délibérément ou qu'on est insouciant. Toutes ces définitions s'appliquent au terme « sciemment ».
    D'autres personnes ont appris qu'on avait suggéré l'ajout de l'expression « ou aurait dû savoir ». Je ne crois pas qu'un jeune... combien de fois ma mère m'a-t-elle dit: « Tu aurais dû le savoir. » Les jeunes ne savent pas. Je suggère donc d'ajouter « sciemment » à l'alinéa 3c). Ainsi, vous boucherez le trou dont parlait le juge Nunn tout en protégeant le principe selon lequel on doit attraper ceux qui prennent des chances. La personne n'a pas besoin de connaître la loi sur le bout des doigts. Elle peut être insouciante. Ça fait partie de la définition.
    Il ne faut pas que les sanctions ou les mesures extrajudiciaires deviennent des pièges qui pourraient servir plus tard. Il ne s'agit pas de jouer les serpents et de tendre une pomme aux jeunes. On impose des mesures extrajudiciaires parce qu'on souhaite que le problème soit réglé par la collectivité. Je suis avocat de la défense et je serais très inquiet de voir qu'on accorde des mesures extrajudiciaires si je savais qu'elles finiraient par devenir obligatoires et servir à incriminer mon client dans le cas où ce dernier commettrait une erreur. En encourageant les mesures extrajudiciaires et en s'en servant comme bâton plus tard... La plupart de ces jeunes n'ont même pas la chance d'avoir un avocat pour les aider à y réfléchir. Ils vont en vouloir. À mon humble avis, ce n'est pas la direction que vous voulez prendre.
    En dernier lieu, j'aimerais faire écho aux propos de l'Association du Barreau canadien et dire que nous n'avons pas besoin d'intégrer les principes de la dénonciation dans ce projet de loi. Nous avons une loi distincte pour les jeunes. Ce projet de loi, dans toute sa sagesse, reconnaît la notion de responsabilité morale. C'est suffisant. Nous n'avons pas à ajouter... Je pense qu'on risque de créer toutes sortes de problèmes. Lorsqu'un juge examinera le principe de dénonciation, celui-ci tiendra naturellement le haut du pavé. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.
    Nous devons nous assurer de bien colmater les brèches qui doivent l'être tout en conservant l'esprit d'une loi qui a eu beaucoup de succès et qui peut servir d'exemple partout dans le monde.
    J'ai terminé. Merci beaucoup.

  (1130)  

    Merci.
    Nous passerons maintenant aux questions.
    Monsieur Murphy, vous avez sept minutes.
    J'aimerais remercier les témoins.

[Français]

particulièrement vous, monsieur Fournel-Laberge. Votre témoignage est très important pour nous et très touchant.
    J'ai quelques questions pour les représentants du Barreau canadien et pour M. Trudell à propos du projet de loi spécifique.

[Traduction]

    Je vais commencer par une brève entrée en matière. Le gouvernement est allé beaucoup plus loin que les recommandations du juge Nunn. Il a clairement injecté sa propre philosophie dans ce projet de loi.
    Cependant, le mémoire de l'ABC ainsi que M. Trudell suggèrent que nous apportions des modifications substantielles à la LSJPA. Les parlementaires doivent faire de leur mieux, ce qui ne veut pas dire que nous devons adopter ou rejeter toutes les dispositions en bloc. Je crois qu'il y a des éléments qui valent la peine d'être gardés. Comme nous devrons, d'ici un ou deux mois, regarder les modifications qui devront être apportées à cette loi pour la conserver, je voudrais que les membres du comité... En effet, dans le mémoire de l'ABC, aux pages 5 et 6, on admet que certains éléments valent la peine d'être mis en oeuvre. Je ne perdrai donc pas trop de temps sur ces éléments.
    Au fait, même si ça ne fait pas partie de mes questions, vous aimeriez peut-être parler des interdictions de publication pour les jeunes. Je crois qu'elles peuvent être conservées, nous sommes d'avis que le juge doit avoir le pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions en cette matière. C'est une étape positive. Après quatre ans et demi entre ces murs, je suis heureux de constater que le gouvernement réalise que la discrétion judiciaire est importante. Les critiques dans le mémoire sont exactes, mais il semble qu'on pourrait les atténuer en changeant quelques mots, en nous assurant que le juge envisagera seulement la levée des interdits de publication dans les cas où il y a eu des infractions très graves et violentes et lorsqu'on traite avec des récidivistes. On dirait que la discrétion du juge à cet égard constitue le coeur des critiques.
    Je pense que comme moi, vous vous objectez également à ce qu'on dise que le juge « envisagera » la levée d'une interdiction de publication. Peut-être qu'il serait préférable de dire que le juge « peut envisager » de le faire. Je ne m'attends pas à une réponse à ce sujet, puisque nous pensons que des amendements pourraient être proposés afin de conserver quelques-uns de ces aspects.
    Mais le hic, là où, la bataille philosophique aura lieu, comme le souligne M. Trudell, se trouve dans les termes « dénonciation » et « dissuasion ». Et c'est là que viennent mes questions à MM. Bergman et Trudell. Même si on n'en parle pas beaucoup ici, on trouve dans la LSJPA un préambule dans lequel on mentionne, en termes généraux, que les jeunes doivent prendre conscience de la gravité de leurs crimes et qu'ils doivent envisager des réparations. On ne trouve nulle part les termes « dénonciation » et « dissuasion », mais lorsqu'on joint cet aspect à la décision de la Cour suprême, on trouve un certain élément de dénonciation et de dissuasion sans que ces termes soient utilisés. Si je peux jouer les prophètes, vous l'entendrez également de la part de mes amis, qui vous diront qu'il existe un élément de dissuasion très précis et d'une grande importance pour les jeunes, et que la dissuasion en termes généraux est laissée au Code criminel.
    Ce que je me demande, c'est jusqu'où pouvons nous aller en changeant le préambule sans aller aussi loin que le gouvernement le souhaite, bien entendu, mais assez loin pour tenir compte des considérations du juge Nunn, qui recommandait qu'on fasse de la protection du public un objectif prioritaire? Jusqu'où pouvons-nous aller pour améliorer l'aspect relatif à la responsabilité individuelle des jeunes, sans nécessairement dépasser, comme je l'ai dit de nombreuses fois, toute la notion de la justice criminelle pour les adultes? Comme je l'ai dit à un des témoins, si nous nous débarrassons de la quasi-totalité des dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour appliquer les principes de dénonciation et de dissuasion, comme dans l'article 718 du Code criminel, pourquoi ne pas utiliser que le Code criminel?
    Je vais commencer avec vous, monsieur Trudell. Jusqu'où pouvons-nous aller pour muscler un peu notre énoncé? De quelle manière énonceriez-vous cette idée?
    Je crois que vous recherchez tous un certain équilibre. Vous essayez donc d’insérer dans le préambule les mots qui selon vous en sont absents. Mais la notion de responsabilité, de tenir les jeunes responsables, figure déjà dans la loi. Vous pouvez importer une expression comme Protection du public, à condition de comprendre que ce n’est pas une notion étroite, que la protection du public consiste aussi à se pencher sur chaque contrevenant et sur ses besoins individuels.
    Ce que vous pourriez faire, selon moi, c’est changer le préambule de manière à réaliser un équilibre. Vous pourriez dire dans ce préambule que les jeunes doivent être tenus responsables de la protection du public, dans le respect de la présomption voulant que les jeunes soient tenus à moins de... Vous connaissez parfaitement les mots qui conviennent ici. Vous pourriez insérer tout cela pour en arriver à un équilibre.
    Si on se borne à employer le terme dénonciation, ce qui arrive en fait, c’est qu’on dénonce le crime mais qu’on s’écarte de l’esprit de la loi, c’est-à-dire qu’il s’agit en l’occurrence de jeunes personnes, et qu’il nous incombe de voir les choses de façon équilibrée avant de recourir à l’incarcération.
    Il me semble que c’est peut-être la bonne façon de procéder. Insérez dans votre préambule tous les principes que vous cherchez à protéger, et qui sont la raison de l’adoption de cette loi, au lieu de simplement ajouter les mots dissuasion et dénonciation. Si vous procédez ainsi, les juges qui lisent ces mots peuvent alors se dire que ce qu’on attend d’eux, c’est la protection du public. Cela veut dire aussi qu’il faut protéger le public non seulement par une incarcération ferme, mais aussi par la prise en compte de l’esprit de la loi et de la responsabilité du jeune par rapport à cette loi.
    Si vous mettez l’accent dans ce préambule sur la dénonciation, et si vous ne soulignez pas tout autant le caractère unique de cette loi, vous la videz de son esprit et vous éliminez le pouvoir discrétionnaire, qui est de grande importance. Ce n’est pas seulement le pouvoir discrétionnaire du juge, mais aussi la discrétion du procureur de l’État, par exemple, de prendre la décision.
    Des expressions rigides engendrent un système rigide. Il me semble que la sagesse collective des personnes réunies autour de cette table devrait permettre de rédiger un préambule équilibré, qui répondrait aux préoccupations de chacun.

  (1135)  

    Merci.
    La parole est maintenant à M. Ménard, pour sept minutes.

[Français]

    Votre présentation était très intéressante, hélas trop courte, comme d'habitude. Je ne comprends pas que, pour des raisons qu'on considère relever de l'efficacité de nos audiences, on accorde aux témoins qui comparaissent un temps de parole restreint. Je voudrais bien qu'on accorde à chaque témoin le temps que sa préparation mérite. Je serai donc obligé d'intervenir très rapidement.
    Monsieur Fournel-Laberge, d'abord, félicitations d'être venu ici. La majorité des gens qui sont passés par le même chemin que vous veulent garder l'anonymat pour le restant de leurs jours. Par conséquent, le grand public ne connaît que les échecs de notre système. Je suis donc heureux de savoir qu'il y a beaucoup de succès qui, malheureusement, sont anonymes dans notre société.
    Vous semblez avoir l'éducation et certainement l'intelligence nécessaires pour avoir déceler la différence d'attitude entre les gardiens de prison et les psychoéducateurs dans le centre de détention. Pouvez-vous donner plus de détails à ce sujet?
    Les psychoéducateurs avec qui j'ai eu la chance de travailler ont été des modèles à suivre pour moi. Ils sont là à se promener avec les clés, ce sont les gardiens des portes, mais ce n'est qu'une partie de leur travail. Ils font des pieds et des mains pour aider les jeunes, même jusqu'à travailler des heures supplémentaires. Ils ont toutes sortes d'activités et de programmes adaptés à chaque jeune. Ils ont étudié pour faire ça. Ils vont déceler ce dont tel jeune a besoin. Ils ont canalisé mon énergie et décelé mon potentiel pour que je puisse l'exploiter au maximum. Ils ont agi de façon différente avec des jeunes qui avaient différentes habiletés et différents potentiels. Ils ne travaillent pas de la même façon avec tout le monde. Ils adaptent leurs techniques de travail aux jeunes.
    J'ai tellement créé de bons liens avec ces gens qu'on est toujours en contact aujourd'hui. C'est de cette façon que j'ai fait l'entrevue avec Radio-Canada. On a travaillé fort, c'est une fierté à la fois pour moi et pour eux. Ils croient en les jeunes, en la réhabilitation et en la réinsertion, sinon ils ne feraient pas ce travail.
    On n'a pas beaucoup de temps, mais est-ce que je résume correctement votre pensée en disant que vous aviez noté qu'ils étaient dévoués et qu'ils avaient une formation particulière?

  (1140)  

    Je vous remercie.
    J'ai lu hier soir avec beaucoup d'intérêt le mémoire du Barreau canadien, que j'ai trouvé excellent et tout à fait clair, en plus d'être succinct, ce qui est rare. Par contre, après vous avoir écouté ce matin, j'ai toujours de la difficulté à comprendre exactement votre position par rapport aux nouvelles définitions d'infraction violente. D'une part, je trouve que si on l'étend à toutes les infractions punissables par une peine de plus de cinq ans — et Dieu sait que le Code criminel prévoit très peu d'infractions punissables par une peine de moins de cinq ans —, c'est beaucoup trop large. D'autre part, vous semblez conclure qu'il fallait bel et bien changer la définition d'infraction violente.
    J'aimerais que vous me clarifiez ce point, en vue de nous aider à décider si nous devons amender le projet de loi d'une certaine façon ou si nous devons le garder tel quel.

[Traduction]

    Merci de vos commentaires.
    Je ne dis pas qu’il faut nécessairement tout redéfinir, mais qu’il faut rétrécir la définition, la resserrer. Si votre définition d’infraction violente recouvre en fait les peines de cinq ans ou plus, vous englobez — exception faite de toutes les infractions à caractère plus ou moins administratif et de quelques autres infractions sommaires — un champ immense, qui regroupe un nombre énorme d’infractions. Ces infractions tombent alors sous le coup du régime du maintien sous garde avant le procès. C’est le problème créé par l’élargissement du concept et par l’adoption de cette notion large d’infraction violente — vous ouvrez au maintien sous garde, avant le procès, toute une série d’infractions qui en sont exemptes sous la LSJPA actuelle, et qui peut-être devraient être exemptes.
    L’un des exemples que j’ai invoqués concerne une bagarre dans la cour d’école. On serait passible, pour des voies de fait simples — si on subissait une procédure de mise en accusation — à une peine de cinq ans, et potentiellement à un maintien sous garde avant le procès si tous les autres facteurs du régime de cautionnement entraient en jeu, et ils entrent facilement en jeu. Je suis tous les jours au tribunal des cautionnements, et je peux vous dire que de telles choses se produisent.
    Vous me permettez de donner une réponse rapide?
    Il existe deux expressions. L’une est infraction grave, qui consiste en la série hétéroclite d’infractions auxquelles vous avez fait référence, et qui donnent lieu à une peine de plus de cinq ans. C’est le point de départ pour le maintien sous garde avant le procès. Cela nous préoccupe, mais il existe une autre infraction, l’infraction avec violence, qui est tout à fait différente. Dans notre discussion sur l’infraction avec violence, je vous ai demandé d’insérer le mot sciemment dans l’alinéa 3c). Votre référence à une infraction grave est très vague — vous vouliez sans doute dire infraction grave avec violence? C’est ce que vous vouliez dire, n’est-ce pas?
    Nous devons faire bien attention à ne pas confondre ici les notions d’infraction grave et d’infraction avec violence. Je crois que ce que nous disons tous, c’est qu’infraction grave est une expression trop large, qui ne cible pas ceux que vous souhaitez mettre en détention préventive avant le procès. Nous disons aussi qu’il faudrait insérer le mot sciemment dans la définition d’une infraction avec violence, pour donner suite aux préoccupations exprimées par le juge Nunn.

[Français]

    Dans le bien que vous reconnaissez à la loi actuelle, je pense qu'il y a effectivement le premier paragraphe, je crois, de l'article 3 qui, cette fois-ci, est enlevé au profit d'un article qui provient d'ailleurs dans la loi, je pense qu'il s'agit de l'article 38, soit celui traitant de la proportionnalité et des facteurs que le juge doit prendre en considération lorsqu'il décide d'imposer une peine.
    Dois-je comprendre que nous ne devrions pas toucher à cet article 3, parce que c'est là qu'on expose la philosophie actuelle à propos des jeunes contrevenants, qui a connu des succès tant au Québec qu'au Nouveau-Brunswick et, avons-nous entendu ce matin, au Yukon?

[Traduction]

    Ce projet de loi est plutôt difficile. Il essaie d’être précis et de clarifier les termes, mais ce faisant il soulève de nouvelles questions sur les infractions graves, les infractions graves avec violence, et ainsi de suite.
    Permettez-moi de répondre. Le texte actuel du paragraphe 29(2) a été remplacé par une disposition sur le cautionnement. L’ancien paragraphe 29(2) se lisait comme suit:
Le tribunal pour adolescents ou le juge présume que la détention de l’adolescent n’est pas nécessaire pour la protection ou la sécurité du public au titre de l’alinéa 515(10)b) (...) du Code criminel dans le cas où l’adolescent... ne pourrait être placé sous garde...
    On a enlevé ce texte. Mais il faudrait le rétablir en même temps qu’on ajoute vos autres préoccupations sur le type d’infraction qui mériterait une détention. C’est une première chose.
    À l’autre extrémité, soit la décision et le prononcé de la sentence, la question qui se pose à vous est tout à fait différente.
    L’une des difficultés, quand vous ferez l’examen article par article, sera que nous devons tous être convaincus que chacun peut interpréter l’article en question. Il est certain que les jeunes ne pourront l’interpréter. Ils ne songeront certainement pas à distinguer entre infractions graves, infractions graves avec violence et infractions avec violence.
    On s'est efforcé de rendre la loi claire, mais je crois que ce faisant, on a adopté une loi qui crée des problèmes.

  (1145)  

    Merci.
    Monsieur Ménard, vous dépassez déjà d'une minute et demie le temps alloué.

[Français]

    Ce n'est pas moi, c'est M. Bergman.

[Traduction]

    Madame Leslie.

[Français]

    Je crois que M. Bergman voulait répondre à ma question.

[Traduction]

    Monsieur Ménard, vous dépassez déjà d'une minute et demie les sept minutes qui vous sont accordées.

[Français]

    Moi, oui, mais pas le témoin.

[Traduction]

    Je donne maintenant la parole à Mme Leslie, pour sept minutes.
    J’invoque le Règlement.
    M. Murphy a invoqué le Règlement.

[Français]

    J'ai beaucoup de sympathie pour M. Ménard et pour les témoins aussi. M. Bergman n'a pas eu l'occasion de répondre à ma question non plus. C'est peut-être ma faute et peut-être celle de M. Trudell aussi. Cela prouve qu'il n'y a pas suffisamment de temps alloué aux témoins. On doit discuter de cela rapidement, monsieur le président.
    Voilà pourquoi j'ai voulu invoquer le Règlement.

[Traduction]

    Merci, monsieur Murphy.
    Madame Leslie, vous avez sept minutes.
    J’ai mes propres questions, mais si vous le souhaitez, monsieur Bergman, vous pouvez répondre à monsieur Ménard.
    Merci beaucoup, madame Leslie. Je m’exprimerai très brièvement.
    La question de M. Ménard concerne les infractions graves et les infractions avec violence.
    L’un des sujets que j’ai abordés concerne les infractions graves donnant lieu à des peines de cinq ans ou plus, et les conséquences pour le nouveau régime proposé. Je suis absolument d’accord qu’éliminer la présomption contre la détention poserait problème, parce qu’elle se répercute sur toute la structure de réadaptation et de réinsertion prévue dans le système actuel.
    Il y a ensuite les infractions avec violence. L’un des problèmes ici est la définition de ces infractions violentes. Je m’abstiendrai de répéter ce qui a été dit concernant l’ajout d’un élément fondé sur la connaissance ou sur la faute à ce dernier volet, c’est-à-dire à l’alinéa c). Dans ce régime, si un jeune est condamné pour infraction avec violence, l’État et le juge sont obligés d’examiner s’il convient de lui infliger une peine d’adulte.
    Cette nouvelle modalité s’interpose et entre en jeu de façon très subtile, mais aussi très concrète. Une personne condamnée pour une infraction comportant un risque de dommages, sans qu’elle sache que ce risque existait et sans y avoir songé, peut être condamnée pour infraction avec violence et potentiellement recevoir une peine d’adulte.
    Voilà ce que je voulais ajouter.
    Merci.
    Je remercie tous les témoins de leur présence ici aujourd’hui.
    Je commencerai par monsieur Fournel-Laberge. Vous avez dit au début que la réadaptation fonctionne vraiment et vous avez demandé si je pouvais imaginer mon visage dans les journaux. Pouvez-vous nous parler un peu de l’interdiction de publier et du fait qu’on donne instruction aux juges de déterminer s’il convient ou non de lever cette interdiction de publication? Quel serait l’effet du point de vue des jeunes?

[Français]

    Comme je le disais, souvent les jeunes sont à la recherche de leur identité. À l'adolescence, on cherche à savoir qui on est ou à qui on s'associe. Si on met son visage dans les journaux et qu'on dit qu'il est un criminel, un récidiviste, un danger pour la société, plus grandes sont les probabilités que le jeune s'approprie cette image et se dise que c'est effectivement ce qu'il est. Le jeune qui se questionnait pour savoir qui il était ou ce qu'il allait faire va trouver la réponse dans les journaux qui lui disent que c'est ce qu'il est. D'après moi, c'est de tuer le poussin dans l'oeuf, c'est de lui enlever sa chance de réussite.

[Traduction]

    Merci.
    J’adresse aussi mes remerciements à l’Association du Barreau canadien, ou ABC, pour son exposé. C'est un excellent exposé. J’aurais voulu en être l’auteure!
    Pourriez-vous me dire si lever l’interdiction de publier serait en fait dans l’intérêt du public, du point de vue des jeunes et de la protection du public?

  (1150)  

    Cela nous ramène aussi à la question de M. Murphy. Je tiens donc à répondre aux deux questions en même temps, parce qu’elles me paraissent très semblables.
    Nous en sommes pour l’instant à un point d’équilibre solide. Il existe en fait un pouvoir discrétionnaire, dans le cas par exemple d’un jeune qui commet un crime d’une grande violence, est en cavale, si l’on peut dire, et pose un risque véritable au public parce qu’il est armé et dangereux, ou encore pourrait poser un risque au public. Le procureur de l’État et la police requièrent une ordonnance, l’interdiction de publier est levée — la durée de cette levée d’interdiction est surveillée de très près —, les médias sont alertés, le suspect est rattrapé — un jeune part rarement très loin, parce qu’il évolue dans un cercle très restreint — puis l’interdiction est retirée. Si par exemple le jeune en question reste introuvable après 24 heures, soit la durée d’exécution de l’ordonnance, on se présente à nouveau devant un tribunal, sous surveillance judiciaire, et une demande de prolongation de cette ordonnance est faite. C’est précisément ainsi que les choses se déroulent.
    Dans de telles circonstances, le système fonctionne pour l’instant, et fonctionne probablement très bien, à mon avis.
    Le problème que crée l’élargissement de l’interdiction de publier — je m’adresse ici un peu aussi à M. Murphy, et je crois que vous savez que le témoin assis là avait beaucoup de choses intéressantes à dire, en fonction de son expérience directe — est pour l’instant que la LSJPA est axée sur la réadaptation et la réinsertion, et que si on lève cette interdiction, on enlève toute possibilité de réinsertion du jeune en question. D’un certain côté, lever l’interdiction revient à saper l’un des principaux principes directeurs de la LSJPA, ce qui pose à mon sens un problème fondamental.
    Merci.
    En quelques mots, avez-vous connaissance d’études qui établissent que la dénonciation et la dissuasion donnent des résultats pour les jeunes?
    Je n'en connais aucune. Je ne crois pas que la section de l’ABC ait connaissance d’une telle étude.
    Merci.
    L’African Canadian Legal Clinic a comparu à notre dernière rencontre. Elle a discuté des répercussions particulières sur les jeunes hommes noirs au Canada et des risques accrus de ces jeunes de se faire appréhender et inculper, sans qu’ils aient eu obligatoirement un comportement criminel, et elle a parlé aussi du profilage racial. Je me demande si l’ABC peut nous dire ce qu’elle pense au sujet de ramifications de cette nature, et au sujet aussi de ce que ces changements apporteraient au profilage.
    Pour parler franchement et pour être juste, je crois que cette question déborde un peu la portée de notre exposé. Je me demande si nous devrions vraiment nous engager sur cette voie, si nous sommes les mieux placés pour le faire.
    Ce que vous dites est juste. Je vous remercie de votre franchise.
    Vous avez affirmé que ces modifications nuiront à long terme à la protection du public, ce qui me surprend un peu. En fait, je n’irais pas jusqu’à dire que je suis surprise. Vous représentez une grande variété de gens qui ont tout un éventail d’idées et d’opinions, et il me semble que c’est un énoncé très hardi de la part de l’ABC, un énoncé plutôt décisif. Il me ravit, mais je vous serais reconnaissante de bien vouloir développer cette idée.
    Le fait est que, qu'il s'agisse de la LSJPA ou du Code criminel en général, la protection durable du public est un principe qui figure maintenant dans la LSJPA. Et je devrais prendre le temps de vous dire, bien sûr, que la section de l'ACB que je représente ici… Je suis avocat de la défense, mais il y a aussi des procureurs de la Couronne qui ont consacré beaucoup de temps et d'effort à examiner ce projet de loi. C'est donc un effort commun. Ce n'est donc pas un avocat de la défense qui est venu se présenter à vous. Je suis ici au nom des avocats de la défense et des procureurs de la Couronne. Et lorsque nous, les acteurs du système judiciaire, parlons de « public », les procureurs de la Couronne travaillent dans l'intérêt public, tout comme le font les avocats de la défense et l'intérêt public concerne toutes les personnes qui font partie du système judiciaire. Lorsque l'on protège la population, on protège toutes les personnes qui font partie de la population.
    Lorsque l'on sape certains de ces principes, il se peut fort bien que l'on incarcère les gens pendant des périodes plus longues, comme M. Fournel-Laberge l'a dit, et en fin de compte, on risque de créer chez ces personnes l'idée qu'elles sont ce que vous dites qu'elles sont et lorsqu'elles sont libérées, parce que la plupart de ces gens seront libérés, elles n'ont pas progressé; l'emprisonnement leur a nui. Et résultat, cela nous nuit aussi, à nous les membres du public qui sont des citoyens normaux et respectueux des lois.
    C'est la raison pour laquelle j'ai fait cette déclaration.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Rathgeber pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être venus ce matin et merci pour vos exposés.
    Monsieur Fournel-Laberge, j'aimerais vous féliciter pour les efforts que vous avez faits pour changer votre vie et pour l'importance que vous accordez à la réadaptation et à la réintégration. Mais cela m'amène toutefois à vous demander si la réadaptation et la réintégration donnent de si bons résultats dans le système de justice pénale pour les adolescents, pourquoi avez-vous attendu qu'on vous impose une troisième peine d'emprisonnement pour commencer à vous réadapter?

  (1155)  

[Français]

    Pour répondre à votre question, comme je l'ai dit, c'est la plus longue peine qui a été la plus bénéfique de toutes. Les premières peines, de quatre à cinq mois, étaient pour des délits mineurs. On sait que, lors de telles peines, on en purge le tiers et, ensuite, on commence déjà la réinsertion sociale. J'ai dit que c'était la plus bénéfique de toutes parce que j'ai eu plus de temps pour travailler conjointement avec les psychoéducateurs et mes parents, et c'est ce qui a fait que ça a marché. J'ai pu faire des essais et des erreurs. Au début de ma réinsertion sociale, j'ai fait des erreurs et ils m'ont ramené en dedans. Ils m'ont dit que je n'avais pas compris quelque chose et on a pu recommencer et essayer de nouvelles choses.
    C'est pour ça que je dis que je ne suis pas contre les longues peines d'emprisonnement, mais ça doit être accompagné d'une rééducation et d'une réhabilitation. On ne peut pas faire de l'emprisonnement pour faire de l'emprisonnement; à mon avis, ça ne donnera rien.

[Traduction]

    Merci. Je vous remercie de cette explication.
    Monsieur Bergman, que pensez-vous de cela? Dans votre exposé, vous dites que vous pensez que, si le projet de loi C-4 est adopté, les adolescents seront emprisonnés plus longtemps. Eh bien, M. Fournel-Laberge vient de nous dire que c'est le fait d'avoir été emprisonné pendant une longue période qui l'a aidé à se réadapter.
    Bien sûr, il faut aborder chaque cas individuellement, de sorte que je ne peux pas vous répondre au sujet de ce qui est arrivé à M. Fournel-Laberge; je ne peux pas vous parler des conditions qui régnaient dans l'établissement où il se trouvait par rapport à celles d'autres établissements ou du genre de programmes qui lui étaient offerts. Selon...
    Je vous demande pourquoi vous pensez que, d'une façon générale, les longues peines nuisent à la réadaptation des adolescents, qui est, à ce qu'il me semble, ce que vous avez dit, lorsque vous dites que les adolescents seront emprisonnés plus longtemps. Vous avez fait cette affirmation lorsque vous avez décrit ce projet de loi de façon négative.
    Il y a deux aspects aux longues peines. Le premier est la détention avant procès qui semble augmenter, d'après ce qu'indiquent certains chiffres que StatCan vient de publier. Avec la détention avant procès, par exemple, les adolescents n'ont pas accès aux programmes qui leur permettraient de se réadapter. C'est un aspect...
    Je parle des peines et non de la détention avant procès.
    Très bien.
    Pourquoi pensez-vous que les longues peines sont une mauvaise chose?
    Pourquoi? Je ne pense pas qu'elles s'accompagnent toujours d'un volet réadaptation. Lorsqu'un adolescent reçoit une lourde peine, que va-t-il se passer? Où va-t-il aller? Il va aller dans une prison ou un établissement. Il va s'associer avec des gens qui sont des criminels endurcis et qui ont commis des actes criminels. Il va s'associer avec des éléments criminels; on ne s'attaque pas aux causes sociales sous-jacentes du problème. Cela revient à enseigner à l'adolescent une certaine façon de vivre. Plus il est exposé à ce genre de vie, plus cela nuira à la société lorsqu'il sera libéré.
    Les longues peines d'emprisonnement font problème pour cette raison précise. Cela revient en fait à leur enseigner un mode de vie criminel, c'est une possibilité.
    Ou comme dans le cas de notre excellent témoin, cette période lui aura permis de profiter de certains programmes. Vous devez reconnaître que cela arrive dans certains cas, parce que nous en avons un exemple ici.
    Absolument. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'exceptions à cette règle.
    Vous et M. Trudell avez déclaré que le système actuel fonctionnait très bien. En fait, monsieur Bergman, vous avez fait remarquer que la criminalité chez les jeunes avait diminué avec la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Je pense que d'une façon générale c'est exact. Mais je me demande si vous êtes prêt à reconnaître que les crimes violents commis par les jeunes sont en augmentation. Si nous prenons la période 1998-2008, par exemple, nous sommes passés de 1 590 infractions par 100 000 adolescents à 1 887 infractions par 100 000 personnes. Les crimes violents sont donc en augmentation chez les jeunes. Êtes-vous prêt à l'admettre?
    Je n'en sais rien. À quoi faisiez-vous référence?
    Cela vient du programme de déclaration uniforme de la criminalité du Centre canadien de la statistique juridique de Statistique Canada pour 2008.
    Je n'ai pas ça devant moi, il m'est donc très difficile de commenter ces chiffres.
    Ce que j'ai s'intitule Les services communautaires et le placement sous garde des jeunes au Canada — 2008-2009. Est-ce à ce document que vous faites référence, ou s'agit-il d'un autre document?
    C'est le programme de déclaration uniforme de la criminalité de 2008.
    Je n'ai pas ce document. Je ne connais pas le contexte de ce document, ni la portée de l'étude, de sorte qu'il m'est très difficile de faire des commentaires à ce sujet.
    Avez-vous l'impression, d'après les études que vous connaissez, que les jeunes canadiens ont commis plus ou moins de crimes avec violence ces 10 dernières années ou depuis 2003, année à laquelle cette nouvelle loi est entrée en vigueur?
    Ce n'est pas l'impression que j'avais retenue des études que j'ai lues. Je dois tout de même vous dire que ce n'est pas pour cela que nous sommes ici aujourd'hui. Nous ne sommes pas ici pour citer toutes sortes d'études. Je suis sûr qu'il y a des personnes qui peuvent les fournir au comité.
    Dans votre exposé, vous avez affirmé que la criminalité chez les jeunes diminuait.
    Je me suis fondé sur l'étude que j'ai mentionnée, qui le démontre.
    Dans l'étude à laquelle vous faites référence, est-ce que la criminalité violente chez les jeunes augmente ou diminue, ou est-ce que cet aspect est précisé?

  (1200)  

    Je pense qu'elle diminue, d'après cette étude.
    Monsieur Trudell, vous semblez vouloir ajouter quelque chose. Non?
    Je pense que si vous effectuez de bonnes études et convoquez des experts, vous allez constater que la criminalité violente est en diminution dans l'ensemble du Canada. Vous constaterez toutefois qu'il existe des secteurs où les crimes violents semblent augmenter et vous avez abordé cette question avec votre étude sur le crime organisé. Il y a des problèmes de gang dans certains grands centres.
    Je ne pense pas que l'on puisse interpréter ce chiffre comme vous le présentez. Je pense que la criminalité a tendance à diminuer, y compris les crimes violents.
    Il se commet bien sûr des infractions graves — mais ce n'est pas très fréquent — et cela attire évidemment l'attention de la population. Ce sont des affaires que l'on ne devrait pas tenter de régler en modifiant le Code criminel. Mais je dois vous dire très franchement que je ne pense pas que ce chiffre soit exact.
    Mais je vous demande, est-ce que nous, les députés, devrions être satisfaits de savoir qu'il y a 50 000 infractions violentes qui sont commises chaque année par des jeunes? Ou devrions-nous améliorer le système pour essayer de réduire ce chiffre?
    Eh bien, cela est certain. Il n'y a personne dans cette salle — qu'il soit avocat de la défense, procureur de la Couronne, policier, législateur ou autre —, il n'y a personne qui aime les crimes violents. Mais il ne faut pas appliquer une solution d'envergure à un petit problème isolé. Il faut réunir des experts et leur demander s'il y a vraiment un problème. Améliorer une loi en l'adaptant est une chose mais modifier les principes à la base d'une loi qui donne de bons résultats est une autre chose, fort différente. Voilà ma réponse.
    Je vous remercie.
    Étant donné que nous avons commencé avec 10 minutes de retard, nous allons faire un tour rapide de deux minutes chacun. Nous allons passer au Parti libéral, ensuite au Bloc, et enfin, au gouvernement.
    Madame Mendes.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Monsieur Fournel-Laberge, je vais vous adresser mes questions. Je pense qu'on est restés sur une mauvaise impression quant à votre position sur l'incarcération ou le temps d'incarcération.
    Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter pour votre témoignage et pour le courage exceptionnel que vous avez démontré. Cela démontre aussi que le système fonctionne; on peut réhabiliter un jeune, lui bâtir une confiance pour qu'il puisse s'adresser à des parlementaires comme nous.
    J'aimerais commencer par vous demander où vous avez fait votre réhabilitation.
    C'était à la Maison de l'Apprenti et à la Résidence Taché.
    C'est un centre pour les jeunes?
    Oui, c'est un centre de garde fermée pour les jeunes.
    C'est pour les jeunes. C'est là que vous avez purgé votre dernière peine et que vous avez vraiment établi votre plan de réhabilitation?
    Oui, j'ai été là de 16 à 18 ans.
    Quand vous avez établi ce plan, avez-vous participé, avec les professionnels autour de vous, à votre réhabilitation?
    Tout à fait, ça fait partie du processus. Là-bas, j'ai appris à me connaître, premièrement, et à savoir ce que je voulais, ce que j'aimais, ce que j'avais envie de faire, et eux ont mis toutes les chances de mon côté.
    Combien de personnes étaient normalement autour de vous pour vous aider à cheminer?
    Vous parlez des éducateurs, des psychoéducateurs?
    Des éducateurs, des psychoéducateurs, etc.
    J'avais un intervenant attitré, mais j'ai travaillé avec plusieurs autres conjointement.
    Votre intervenant attitré, vous le rencontriez tous les jours?
    On avait au minimum une rencontre individuelle par semaine, mais comme il était au même étage, on travaillait toujours ensemble.
    Donc, cette approche très individualisée et très directe auprès de vous, selon vous, a été la raison du succès de l'intervention.
    Oui. J'ai parlé en faveur de peines d'emprisonnement plus longues, mais cela doit être accompagné d'une réhabilitation. Je le dis en fonction de mon expérience personnelle. Dans mon cas, il a fallu plusieurs fois pour que je comprenne, mais je connais personnellement des gens qui ont compris dès la première peine. Ils ont fait leur peine de trois mois et ne sont jamais retournés en détention. Pour moi qui étais out of control — excusez l'expression anglaise —, ça m'a pris plusieurs fois avant de comprendre. J'ai écopé de six mois d'incarcération fermée, mais après le tiers de la peine, on recommence déjà la réinsertion sociale. C'était comme ça quand j'étais là; je ne sais plus si cela fonctionne ainsi aujourd'hui. J'ai donc recommencé graduellement à aller à l'école, à travailler, à aller chez mes parents les fins de semaine, et quand j'avais une rechute de consommation, on me rentrait en dedans pour un mois, et on recommençait parce que j'avais encore besoin de comprendre certaines choses. On a recommencé comme ça jusqu'à ma sortie et ça a bien fonctionné pour moi.
    Mais vous étiez toujours très bien accompagné.
    Oui, j'étais toujours très bien accompagné.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Ménard, pour deux minutes.

[Français]

    Je voudrais m'adresser surtout aux gens qui ont une formation juridique. La philosophie de la loi est exprimée au début, à l'article 3 de la loi. Actuellement, l'alinéa 3(1)a) dit:
a) le système de justice pénale pour adolescents vise à prévenir le crime par la suppression des causes sous-jacentes à la criminalité chez les adolescents, à les réadapter et à les réinsérer dans la société et à assurer la prise de mesures leur offrant des perspectives positives en vue de favoriser la protection durable du public;
    Je pense que vous reconnaissez comme moi que c'est là la philosophie fondamentale de la loi et que cela a des conséquences sur les décisions que prennent les juges.
    Le projet de loi actuel propose de remplacer le paragraphe que je viens de vous lire par celui-ci:
a) le système de justice pénale pour adolescents vise à protéger le public de la façon suivante:
(i) obliger les adolescents à répondre de leurs actes au moyen de mesures proportionnées à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité, [...]
    Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il y a là un changement radical de philosophie pour la loi? Et vous, en tant que juristes, êtes-vous d'avis que cela va influencer les sentences qui seront rendues par les juges?

  (1205)  

[Traduction]

    Nous allons d'abord donner la parole à M. Bergman.
    Je reconnais que c'est un changement radical, mais je ne pense pas que ce changement radical, de notre point de vue, concerne le principe de la proportionnalité. Cela figure déjà dans la loi. Le changement vient de la priorité accordée à la protection du public; c'est l'aspect que le juge doit privilégier dès le départ et aussi il y a la suppression du mot « durable » et c'est ce dont je parlais dans mon exposé. Nous allons donc vouloir protéger le public à court terme, et la façon d'y parvenir est d'incarcérer davantage d'adolescents, parce qu'à court terme, c'est ce qu'il faut faire.
    La formulation actuelle est assurer « la protection durable du public » et c'est le principe sur lequel toutes ces notions et idées de l'alinéa 3(1)a) reposent. Les sous-alinéas (i), (ii) et (iii) de l'alinéa 3(1)a) et l'alinéa 3(1)b) sont tous là pour favoriser « la protection durable du public ». Il y a donc une interversion et la suppression du mot « durable », et cela est préoccupant.

[Français]

    J'ai une autre question.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Woodworth, pour deux minutes.
    J'aimerais poser une question à M. Bergman, si je puis, au sujet de l'article 2 et de la définition d'« infraction avec violence » ainsi que de l'ajout « probabilité marquée qu'il en résulte des lésions corporelles ».
    J'ai relu tout cela et le seul endroit où j'ai constaté que la qualification d'infraction avec violence avait un effet était à l'alinéa 39(1)a) qui donne au tribunal le pouvoir discrétionnaire d'imposer une peine comportant le placement sous garde. Est-il bien exact que ce soit le seul endroit qui est modifié par le changement de la définition d'« infraction avec violence »?
    Est-ce l'alinéa 39(1)a)? Je vais jeter un coup d'oeil à cet article.
    J'ai examiné la loi. Je n'ai pas vu d'autre endroit où la notion d'infraction avec violence fasse une différence.
    Je pense que vous avez probablement raison, avec une réserve, toutefois: si vous examinez...
    Je vous arrête, parce que pour le moment, je ne m'intéresse pas à votre réserve; je voudrais simplement que vous me confirmiez que le seul endroit où la notion d'infraction avec violence a un effet est à l'alinéa 39(1)a) et que dans ce cas, cela donne au juge le pouvoir discrétionnaire d'imposer une peine avec placement sous garde. Est-ce bien exact?
    Ce n'est pas tout à fait exact.
    Eh bien dites-moi en quoi c'est inexact.
    Lorsqu'un adolescent commet ce qui est réputé être une infraction avec violence et que celle-ci est passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans, ce qui sera probablement tout le temps le cas, cela constitue également une infraction grave, et une infraction grave est prise en compte lorsqu'il s'agit de mise en liberté. De sorte que les actes de violence...
    Je vous arrête. Une « infraction grave » est, je suis d'accord avec vous, une infraction punissable d'une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans. Mais c'est une autre question. Je parle uniquement de la définition d'« infraction avec violence » et j'essaie de comprendre pourquoi vous réagissez au fait que cela autorise le tribunal à imposer une peine de placement sous garde.
    Si par exemple, dans l'exemple qui nous a été donné l'autre jour, quelqu'un tire un coup de fusil dans un secteur où il y a des adolescents, peut-être sans avoir l'intention d'atteindre qui que ce soit, mais cela met quand même en danger leur vie. L'article 39 ne dit pas que le tribunal « doit »; en fait, l'article 39 dit que, même dans le cas d'une infraction avec violence, le tribunal doit explorer d'autres possibilités et ce n'est que lorsqu'il n'y a aucune autre possibilité que la détention préventive, qu'alors...

  (1210)  

    Monsieur Woodworth.
    Quel est votre problème, alors?
    Voulez-vous répondre?
    Bien sûr.
    Ça va devoir être un oui ou un non. Nous manquons de temps.
    Non.
    Des voix: Oh, oh!
    Je tiens à remercier tous nos témoins d'être venus aujourd'hui.
    J'aimerais remercier M. Fournel-Laberge. C'est votre première présentation devant un comité. Vous étiez probablement un peu nerveux, mais vous avez très bien réussi. Félicitations.
    Nous allons maintenant prendre une pause de deux minutes, afin que les témoins puissent sortir et nous allons passer à la prochaine série de question.
    La séance est suspendue pour deux minutes.

  (1210)  


  (1215)  

    Nous allons maintenant poursuivre notre étude du projet de loi C-4 avec notre deuxième groupe d'experts.
    Tout d'abord, je souhaite la bienvenue aux représentants de Statistiques Canada. Il y a Julie McAuley, Mia Dauvergne, Craig Grimes et Rebecca Kong.
    Représentant Justice for Children and Youth, nous avons avec nous Martha Mackinnon. Bienvenue.
    Et puis, représentant Défense des enfants — international — Canada, nous avons Agnes Samler et Les Horne.
    Bienvenue à tous. Nous manquons de temps, il serait donc apprécié que vos exposés durent moins de dix minutes. Nous aurons probablement de nombreuses questions à vous poser.
    Nous allons commencer avec Statistiques Canada et Mme McAuley.
    Je vous remercie de me donner la chance de témoigner au sujet du projet de loi C-4.
    Statistiques Canada ne souhaite pas prendre position au sujet des amendements proposés au projet de loi. L'exposé que nous avons préparé présente nos données les plus récentes concernant la justice pénale pour les adolescents. Toutes nos sources de données sont indiquées ainsi que toute autre remarque pertinente au sujet des données. Nous vous avons distribué les plus récents Juristat qui concernent la criminalité chez les jeunes, les tribunaux de jeunesse ainsi que les mesures correctionnelles à l'endroit des jeunes. De plus, en juillet, Statistiques Canada va publier de nouvelles données sur la criminalité et les tribunaux de jeunesse. Ces données pourraient être utiles pour l'examen du projet de loi C-4. Mes collègues, Mme Mia Dauvergne, Mme Rebecca Kong et M. Craig Grimes pourront également répondre aux questions.
    En nous servant des données communiquées par les services policiers au Canada, nous pouvons étudier les tendances qui prévalent chez les jeunes accusés de crimes déclarés par la police. Au cours des 10 dernières années, il y a eu un changement important dans ces tendances, qui concernent les jeunes âgés entre 12 et 17 ans inculpés par la police. Le taux de jeunes accusés a diminué alors que le taux d'affaires classées a augmenté. Les affaires classées comprennent les sanctions judiciaires et l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la police.
    Les crimes peuvent être séparés en deux catégories: les crimes violents et les crimes non violents. La majorité des crimes commis par les jeunes sont non violents. C'est une tendance constante depuis les 10 dernières années. En 2008, 7 jeunes sur 10 inculpés avaient commis un crime non violent. Le taux de crimes non violents commis par des jeunes au Canada a diminué au cours des 10 dernières années et le taux de crimes violents est resté relativement stable. Alors que le taux de criminalité chez les jeunes concerne majoritairement des crimes non violents, le taux de criminalité global tel que déclaré par les services policiers au Canada a également diminué au cours des 10 dernières années.
    Les 10 principales infractions représentent 93 p. 100 des infractions déclarées par la police et commises par des jeunes âgés entre 12 et 17 ans en 2008. Sept des dix infractions démontrées sont définies comme des crimes non violents. L'infraction la plus commune déclarée par la police et commise par des jeunes en 2008 est le vol de biens d'une valeur de moins de 5 000 $. Celle-ci, ainsi que les crimes de méfait et de voie de fait de niveau 1, représentent à peu près la moitié des infractions rapportées par la police et commises par des jeunes en 2008.
    Je vais maintenant vous parler de ce qui arrive aux accusations posées par la police une fois que les dossiers se rendent aux tribunaux de jeunesse au Canada. En 2006-2007, le vol était l'accusation la plus fréquente entendue dans les tribunaux de jeunesse, suivi des voies de fait de niveau 1 et des introductions par effraction. Le type de dossiers qui sont entendus en tribunal de jeunesse est en train de changer. Nous voyons de moins en moins de cas impliquant des infractions moins graves, tels que le recel, et une augmentation des infractions plus graves, telles que la profération de menaces et les infractions relatives aux armes. Depuis l'introduction de la LSJPA, il y a eu une baisse de 26 p. 100 dans les affaires entendues en tribunal de jeunesse. Toutes les provinces et les territoires ont été témoins d'une baisse de la charge de dossiers depuis l'application de la LSJPA bien que l'ampleur de cette charge varie selon les provinces et les territoires.
    En plus de cette diminution du nombre total de dossiers, il y a également une baisse du nombre de dossiers donnant lieu à une condamnation dans les tribunaux de jeunesse. Bien que cette baisse ait commencé au début des années 90, l'introduction de la LSJPA coïncide avec une baisse tant du nombre total de dossiers entendus que du nombre de condamnations.
    Parmi les 56 500 dossiers entendus dans les tribunaux de jeunesse au Canada en 2006-2007, 60 p. 100 ont mené à une condamnation. La plupart des condamnations étaient l'imposition d'une probation. Ces dernières années, la proportion de dossiers pour crimes violents donnant lieu à une mise sous garde a diminué. En 2006-2007, ces affaires étaient à leur niveau le plus bas depuis 15 ans. Depuis la première année de la LSJPA, toutes les provinces et les territoires ont été témoins d'une importante diminution tant du nombre que du taux d'affaires concernant les jeunes qui ont été condamnés et qui ont reçu une peine d'emprisonnement. Les peines d'emprisonnement ont également diminué pour toutes les catégories d'infraction.
    La moyenne de la durée d'emprisonnement dans les affaires concernant les jeunes au Canada était de 72 jours comparativement à 124 jours pour les adultes. Si l'on sépare les crimes violents des crimes non violents, nous voyons alors une différence dans la longueur de la sentence imposée: 117 jours pour les crimes violents et 54 jours pour les crimes non violents.

  (1220)  

    Pour les homicides, la durée moyenne d'incarcération était beaucoup plus longue, soit 1 084 jours, ce qui représente presque trois ans. Derrière, on retrouve les tentatives de meurtre et les autres crimes contre la personne. En 2008-2009, on comptait environ 900 jeunes de 12 à 17 ans en détention présentencielle, soit une baisse de 8 p. 100 par rapport à l'année précédente et de 42 p. 100 par rapport à 2003-2004. En fait, ce nombre baisse chaque année depuis 1995-1996.
    À la diapositive numéro dix, on peut constater que les jeunes en détention préventive sont plus nombreux que ceux qui sont en détention présentencielle. En 2008-2009, 52 p. 100 de tous les jeunes incarcérés étaient en détention préventive.
    Les jeunes passent encore relativement peu de temps en détention préventive. Quatre des huit territoires qui nous ont fourni des données pour 2008-2009 ont indiqué que le nombre médian de jours passés par les jeunes en détention était d'une semaine ou moins. Depuis la mise en oeuvre de la LSJPA, le nombre médian de jours passés en détention varie selon les territoires. À l'échelle globale, en 2008-2009, 54 p. 100 des jeunes libérés ont passé une semaine ou moins en détention. Cette proportion varie entre 53 et 56 p. 100 depuis 2004-2005.
    Sur le plan opérationnel, il existe deux niveaux de détention pour les jeunes: premièrement, il y a la garde en milieu ouvert, où les restrictions sont moindres. Les maisons de transition en sont un exemple. Ensuite, il y a la garde fermée, qui se déroule dans des installations sécurisées telles que les centres de détention. Dans les territoires qui nous ont fourni des données, le temps passé en garde en milieu ouvert et en garde fermée a varié.
    Je remercie une fois de plus le comité de nous avoir donné la possibilité de présenter cet exposé. Merci.

  (1225)  

    Merci beaucoup.
    Nous passerons maintenant à Mme Martha Mackinnon, de Justice for Children and Youth. Vous pouvez prendre jusqu'à dix minutes.
    Je vous remercie beaucoup de nous avoir donné l'occasion de vous parler des lois qui ont des répercussions sur la vie de tous les enfants.
    Justice for Children and Youth défend les jeunes contrevenants et les jeunes victimes depuis 1978. Comme l'Association du Barreau canadien, nous pensons que nous comprenons les enjeux, tant du point de vue des personnes qui veulent être mieux protégées et que de celui des délinquants.
    Avant d'aller plus loin, je dois malheureusement vous demander pardon. En temps normal, je ferais comme si rien n'était, mais dans un passage de notre mémoire, nous disons exactement le contraire de ce que nous voulions dire. Je vais donc souligner immédiatement cette erreur. À la page 8, la dernière phrase du premier paragraphe se lit comme suit: « Si cette modification est adoptée, on peut s’attendre à voir de nouveau monter en flèche les taux de détention, à grands coûts pour les contribuables, mais au profit d’une sécurité publique accrue. » Je voulais plutôt dire: « sans que la sécurité publique ne soit accrue ». Je vous enverrai une version modifiée du mémoire qui tiendra compte de ce changement, mais je tenais à m'excuser immédiatement auprès des personnes que j'aurais pu induire en erreur.

[Français]

    Attendez, madame. Je ne l'ai pas. Je ne sais pas de quoi on parle. Excusez-moi, madame Mackinnon, mais je n'ai pas votre mémoire.

[Traduction]

    Monsieur Lemay, nous sommes en train de le distribuer.
    Le mémoire que j'ai envoyé s'intitule Observations de Justice for Children and Youth (JFCY) concernant le projet de loi C-4. La phrase en question se trouve juste avant la section intitulée « 3. Infraction grave ».
    Madame Mackinnon, poursuivez votre exposé.
    Merci beaucoup.
    Tout d'abord, essentiellement, ce que je voulais dire c'est que la Cour suprême du Canada a énoncé certaines constatations concernant les jeunes et la culpabilité morale moins élevée ainsi qu'au sujet de la façon dont les principes de justice fondamentale s'appliquent aux jeunes. Je tiens à féliciter le Parlement qui envisage de modifier la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents afin d'y intégrer ces constatations, lesquelles sont généralement liées à la culpabilité morale, à la définition d'une « infraction grave avec violence » et aux dispositions relatives au fardeau de la preuve, qui ne présument pas que les enfants seront traités comme des adultes.
    Toutefois, Justice for Children and Youth est en désaccord avec les propositions visant à durcir la loi actuellement en vigueur étant donné qu'elle est efficace. En fait, c'est la législation actuelle qui a fait que le jeune homme que vous avez rencontré s'est vu infliger une peine qui, selon lui, s'est avérée bénéfique. C'est la législation actuelle qui lui a permis d'être là où il est aujourd'hui.
    J'ai eu la chance de participer aux consultations à l'échelle nationale portant sur ce texte de loi. D'ailleurs, je crois qu'il y a eu des consultations dans chaque province. J'ai pris part à une consultation à laquelle participaient également un grand nombre de policiers, des procureurs de la Couronne, des responsables des libérations conditionnelles, des criminologues, des psychologues, des sociologues, des avocats de la Couronne et de la défense. Dans toutes ces consultations, chaque personne présente a affirmé que la législation actuelle fonctionne et cela, après maintes questions soulevées sur le sujet.
    Je veux également signaler que, dans le cas de Sébastien, ce jeune contrevenant a reçu une sentence d'adulte. Une preuve que la législation actuelle fonctionne et qu'elle a permis de déterminer une sentence appropriée pour ce jeune contrevenant.
    J'aimerais revenir sur les nombreux témoignages que vous avez entendus à l'effet que la dénonciation et la dissuasion ne fonctionnent pas. Ils ne peuvent pas fonctionner. À cet égard, je vous invite à consulter notre présentation écrite qui fait état non seulement de travaux de recherche en criminologie et psychologie menés jusqu'ici, d'ailleurs assez concluants, mais également de travaux de recherche plus récents menés par un neuroscientifique du ministère de la Justice. Dans le cadre de ses travaux, il a utilisé la technologie IRM pour photographier des cerveaux d'adolescents où il apparaît que le contrôle des impulsions est différent d'une personne à l'autre. Le fait de libeller ces éléments dans la loi n'empêchera pas leur cerveau de fonctionner différemment. Donc, la dénonciation et la dissuasion ne donneront pas les résultats visés.
    De plus, si je relie tout cela aux grands principes généraux de la loi et aux éléments qui font que le système de justice criminel est perçu comme étant juste, alors les sentences infligées doivent être proportionnelles aux délits. Comme je l'ai dit dans ma présentation, il n'est pas juste de punir un jeune pour un acte qu'un autre jeune pourrait commettre ou de le punir pour ce qu'il pourrait faire dans le futur, un acte qu'il n'a pas encore commis. À mon avis, pour assurer cette proportionnalité, la dénonciation et la dissuasion ne peuvent être les principes sur lesquels repose la détermination des peines.
    Deuxièmement, je tiens à dire que la protection à long terme du public doit être maintenue. Les jeunes, peu importe ce qu'ils ont fait, resteront plus longtemps en liberté qu'en détention. L'enjeu ici c'est la protection à long terme du public. Lorsque les jeunes en auront fini avec le système de justice pénale pour les adolescents, je souhaite qu'ils puissent contribuer positivement à la société. C'est l'objectif à long terme que nous devons poursuivre.
    Tout le monde peut faire une erreur un jour. Rien ne peut garantir la protection à court terme du public si ce n'est d'enfermer les gens à double tour. À Toronto, les gens sont bousculés dans le métro et ce geste est considéré comme des voies de fait, voire des voies de fait délibérées. Ce n'est pas un acte que la plupart d'entre nous considérons comme un crime, mais ils doivent utiliser le métro et en seront victimes. Vous ne pouvez pas éliminer ce genre de situation.
    J'aimerais également souligner qu'en cette période d'austérité, il est essentiel que le Parlement ne consacre pas d'argent à des mesures qui n'ont pas prouvé leur efficacité. Toutes les preuves avancées montrent que les amendements proposés ne seront pas efficaces. À ma connaissance, rien ne prouve le contraire. Selon moi, il serait irresponsable de dépenser l'argent des contribuables pour mettre en place des mesures servant uniquement à conforter certaines personnes dans l'idée qu'elles ont fait quelque chose. Sans preuve d'efficacité, nous ne devrions pas consacrer d'argent à tout cela.

  (1230)  

    Pour résumer, je suis d'avis que nous n'avons pas vraiment besoin d'amendements, même ceux que j'aime. Les avocats ne verraient pas d'inconvénient à ce que vous ne le fassiez pas, parce que la Cour suprême du Canada a déjà statué sur ces questions, mais je crois qu'il est bien d'amender la loi pour y intégrer ces décisions, car le monde n'est pas fait que d'avocats, heureusement. Nous ne lisons pas tous les décisions de la Cour suprême du Canada, et il est important que la loi en elle-même soit aussi claire que possible.
    Si vous deviez apporter d'autres modifications, j'ai certaines mises en garde. J'hésiterais personnellement à exiger de la police de consigner les sanctions extrajudiciaires. Si un agent de police à une intersection notait par écrit chaque avertissement qu'il donnait aux gens pour qu'ils fassent attention aux véhicules venant en sens inverse, vous seriez surpris, et c'est un avertissement, n'est-ce pas? Il s'agit d'un rapport que vous avez avec la police, et c'est un avertissement.
    Je ne crois pas qu'ils doivent tous être mis par écrit. Je crois que la plupart d'entre eux sont notés à l'heure actuelle, mais je crains que si vous rendez obligatoire la consignation, vous ayez également à rendre obligatoire la destruction de ces dossiers.
    Si un jeune est accusé, va en cour, est reconnu coupable après un procès et reçoit la peine minimale, cette peine figure au dossier pendant deux mois. Quelle que soit la durée de conservation des dossiers de la police, elle devrait être plus courte lorsque la peine est moins grave. S'il faut conserver un dossier, je vous demande d'exiger qu'il soit détruit et scellé.
    Selon les recherches, l'augmentation de la durée des peines ne change rien, ne réduit pas le récidivisme. Et comme je l'ai mentionné, les lois en vigueur peuvent déjà remédier à cela.
    Bref, je demande aux membres de ce comité de demander et de lire les résultats de la consultation. J'étais présente dans des salles où on a demandé à chaque personne à plusieurs reprises si elles voulaient que la dissuasion soit un principe de détermination de la peine, et elles, y compris tous les agents de police, ont répondu non. Je vous demande de demander d'examiner les coûts de tout amendement proposé et d'examiner toutes les recherches sur les méthodes efficaces, car nous désirons tous que nos enfants qui ont commis une erreur puissent être réadaptés.

  (1235)  

    Merci beaucoup.
    Nous entendrons Mme Samler. Vous avez 10 minutes.
    Je suis Agnes Samler, présidente de Défense des enfants-international-Canada. Mon collègue Les Horne est directeur général bénévole. Nous travaillons tous les deux énormément avec les jeunes contrevenants de l'Ontario et de tout le pays, et nous sommes tous les deux défenseurs des enfants en Ontario; en fait, Les était le premier défenseur des enfants en Amérique du Nord. Défense des enfants a des bureaux dans tous les coins du monde, et vise à promouvoir la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant et à assurer sa mise en oeuvre complète.
    Je cède la parole à Les.
    Je ne suis pas un avocat, mais un défenseur. Je vais commencer par la traduction d'une citation de Michele Landsberg: « C'est donc notre contradiction canadienne: chaque fois que nous sommes confrontés aux résultats de notre approche dysfonctionnelle visant à réprimer la criminalité chez les jeunes, nous demandons de punir plus souvent et plus sévèrement. » C'était en 1999 et ça n'a pas changé.
    Je vous raconte une histoire sur laquelle je finirai. Au cours des 10 dernières années du siècle dernier, nous étions présents à chaque enquête portant sur le décès d'un enfant sous la tutelle de l'État. Petit à petit, nous avons découvert que le moyen de changer ce qui se produisait lors d'enquêtes et d'empêcher les gens de manipuler et de contrôler les preuves consistait à amener une équipe de jeunes pour écouter, des jeunes qui avaient les mêmes expériences que les personnes décédées en détention, pour donner à l'avocat des preuves qu'il pourrait utiliser dans l'enquête. Petit à petit, nous avons appris que c'était la façon d'obtenir la vérité, parce que tout le mur protecteur était tombé.
    La dernière enquête était l'enquête Meffe à la fin des années 1990. Son résultat: le jury a demandé la fermeture immédiate du Toronto Youth Detention Centre, ce qui a été fait. Depuis, un autre important centre de détention a ouvert en Ontario, et ce centre a déjà recueilli de nombreux renseignements qui prouvent que l'emprisonnement des enfants est la dernière chose à faire — la toute dernière chose à faire. C'est dangereux, dispendieux, inutile, et ces enfants sont nos enfants.
    À mon arrivée au Canada en 1959, je voulais travailler avec les délinquants, et j'ai été étonné. La première personne que j'ai rencontrée était un petit garçon de 14 ans, se traînant les pieds en raison des fers, au milieu de deux énormes gardiens armés de fusils. C'était Steven Truscott. Encore et encore... J'ai ouvert un petit endroit appelé White Oaks en Ontario, et nous y avons accueilli les enfants de moins de 12 ans — ils avaient tous moins de 12 ans —, ils provenaient de différents endroits de l'Ontario et avaient été condamnés à deux ans. Les deux premiers qui ont franchi la porte étaient deux petits frères de Red Lake, qui ne parlaient presque pas anglais, et ils étaient là pour une durée indéterminée. En fait, ils sont restés environ trois semaines, et nous leur avons redonné un foyer où ils auraient une vie décente.
    C'était effrayant pour moi à l'époque, et je n'ai jamais cessé d'être choqué par tout ce que je vois lorsque je visite des personnes en établissement. Je travaille toujours avec des personnes qui sortent des établissements et je constate les dommages qu'elles ont subis, et qui sont attribuables à la culture.
    Vous pouvez changer toutes les lois que vous voulez, mais si vous ne changez pas la culture des établissements et la culture de cette province par rapport à la criminalité et au comportement criminel, vous ne changerez rien du tout. Parce que cette culture s'empare de l'établissement et le contrôle. Comme nous avions l'habitude de dire aux gardiens: « Vous ne dirigez pas cet établissement. Vous savez qui le dirige. Les détenus le dirigent. »
    Je terminerai ainsi, sauf que ce à quoi je m'oppose personnellement, et ce à quoi s'oppose DEI, c'est le caractère vindicatif de la loi, à notre avis. La façon de considérer les jeunes qui ne sont encore que des enfants, qui ont toujours moins de 18 ans, selon la Convention relative aux droits de l'enfant... Ce document, pour certaines raisons, semble avoir été mis en arrière-plan au Canada, même si pour moi il s'agit du document le plus fantastique dans l'histoire des droits humains que le monde ait produit. Le mettre en application pourrait changer beaucoup de choses, si c'était fait comme il se doit.

  (1240)  

    Merci.
    Notre préoccupation générale est la suivante: ce projet de loi semble être axé sur la loi et l'ordre, visant à sévir contre les jeunes contrevenants. Nous croyons que le projet de loi tel qu'il est aura pour résultat d'augmenter le nombre de jeunes en détention, ce qui nous préoccupe vraiment.
    J'aimerais aborder brièvement deux points. D'abord, les principes figurant au paragraphe 3(1) de la loi. Des gens en ont déjà parlé.
    Nous nous éloignons de la priorité que sont les jeunes pour s'attaquer aux causes sous-jacentes de leurs infractions et les réadapter. L'accent est mis sur la sécurité publique, et même pas à long terme. Lorsqu'il est question de sécurité publique, on pense qu'il faut simplement incarcérer plus de jeunes, mais ce n'est pas ce qu'il faut faire.
    Nous croyons que cet article change fondamentalement le sens de la loi. En mettant l'accent sur la sécurité publique plutôt que sur les jeunes, je crois que nous avons en quelque sorte perdu le sens premier de la loi. Je suggérerais donc qu'on étudie la question très sérieusement avant d'apporter des changements.
    J'ai reçu certains commentaires selon lesquels il ne s'agit que d'une réorganisation du sens des principes. Si vous l'examinez attentivement, c'est plus que cela. Et s'il s'agit simplement d'une réorganisation, on ne devrait peut-être ne rien changer. Cela pourrait être une bonne chose.
    En ce qui concerne les établissements, Les a un peu parlé de notre expérience. Mais dans les grands établissements, il y a deux groupes: les victimes et les intimidateurs. Et au sujet des victimes, lisez les enquêtes sur les enfants sous la tutelle de l'État en Ontario. Je vais parler de l'Ontario parce que c'est ce que je connais le mieux.
    James Lonnie était un jeune homme qui restait 44 heures dans une boîte de béton visant à le séparer des autres prisonniers. On l'a placé avec un autre jeune homme agressif qui s'est imaginé que Lonnie était un rat et il l'a attaqué. Lonnie a passé ce temps à crier et à demander de l'aide, sans en obtenir aucune. Il a donc été battu à mort.
    David Meffe a tant été intimidé dans un centre de détention de Toronto qu'il s'est pendu. L'équipe de l'enquête, qui n'était pas composée d'âmes sensibles, a entendu dire que les gens ordinaires étaient tellement épouvantés par les conditions qu'ils ont déclaré qu'il fallait fermer l'établissement. C'était leur première recommandation.
    J'ai écouté le jeune homme ce matin et je ne voyais aucune raison pour laquelle les choses qu'il disait, l'aide qu'il a obtenue, ne pouvaient pas lui avoir été données à l'extérieur d'un lieu de détention. Il a parlé des relations avec les personnes et ainsi de suite. Je ne suis pas sûr que nous ayons besoin de mettre les gens en détention pour obtenir ce genre d'aide. Il faudrait vraiment connaître les raisons pour lesquelles les personnes sont incarcérées, et considérer la détention des enfants en dernier recours.
    Il y a aussi les intimidateurs. Des enfants intelligents qui s'affilient au groupe le plus puissant de la place. Ils n'ont peut-être jamais battu personne ni volé de nourriture ni posé de gestes dégradants. Soudainement, ils se trouvent dans un établissement où, pour survivre, c'est ce qu'ils doivent faire.
    Martha a parlé des personnes qui sont libérées et des enfants que nous voulons réadapter à long terme, et c'est la question de la sécurité. Si nous voulons y arriver, c'est ce que nous devons faire.
    Les, vous avez le mot de la fin.
    L'année 1994 a été une bonne année parce qu'on a commencé à remarquer la Convention relative aux droits de l'enfant. C'est un document très bien rédigé qui porte à réflexion.
    J'aimerais parler d'une conférence internationale pour les jeunes qui a eu lieu à Victoria, en 1994. Nous avions réuni des gens de partout dans le monde qui étaient intéressés par la convention. Il y avait un groupe quechua de Tena, en Équateur, des Maoris de Nouvelle-Zélande, des enfants de la rue de Vancouver ainsi qu'un jeune leader de Belfast. La conférence avait lieu dans un énorme auditorium de l'Université de Victoria. La dernière journée de la conférence a été marquée par la grande finale, qui était diffusée sur écran géant. C'était un spectacle à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, mettant en vedette des artistes professionnels qui célébraient les beautés du Canada et ce qu'elles pouvaient signifier pour tous les jeunes qui étaient là. Il y avait des chanteurs et des danseurs, et le message était que le Canada représentait une sorte de paradis pour tous les réfugiés qui ont échappé aux horreurs dans leur pays natal et qui vivent maintenant heureux au Canada.
    Mais nous nous sommes rendu compte que le message ne passait pas. La foule semblait rétrécie. Les gens se regroupaient en petites enclaves. Au début, les conversations semblaient confuses. Par la suite, la confusion a cédé la place à la colère. Les organisateurs ont fait preuve d'un courage incroyable et ont coupé la communication avec Charlottetown, et les jeunes se sont lentement déplacés vers la grande plate-forme. Ce n'était pas organisé, ça s'est juste produit. Les gens allaient au micro et disaient quelques mots avant de céder une place. Ils racontaient leur histoire. Certains pleuraient. Je me sentais tellement privilégié; nous nous sentions tous privilégiés d'assister à une telle manifestation.
    La colère avait envahi les esprits parce que la ville de Charlottetown essayait de nous vendre une fausse promesse, alors que nous savions tous que ce n'était pas un état de fait généralisé. Mais notre colère avait fait place à la stupéfaction. Nous avions des droits parce que nous nous étions approprié la promesse. C'est vraiment ce qui s'est passé, et si vous voulez une confirmation, passez un coup de fil au sénateur Landon Pearson. Elle a récité le Notre Père, et nous avons tous ressenti une grande paix.
    C'est ce qui devrait ressortir des audiences — une paix qui pourrait apaiser la colère des jeunes contrevenants et guérir leurs blessures. Cette paix devrait atténuer la douleur des victimes et les aider à s'unir pour le bien des enfants qui auront la possibilité de rétablir la justice dans un monde qui leur appartiendra un jour.

  (1245)  

    Merci.
    Nous passons maintenant aux questions.
    Monsieur LeBlanc, vous avez seulement cinq minutes, s'il vous plaît.
    Monsieur le président, je crois que mon collègue posera une question à ce sujet. Peut-être que c'est un rappel au Règlement. J'aimerais avoir votre avis.
    Nous avons discuté officieusement de ce côté de la salle. Nous sommes plutôt mécontents de la façon dont nous pressons les témoins pour pouvoir terminer à 13 h 30. Certains d'entre nous avons des réunions pour la période de questions à 13 heures. Ça ne fonctionnera pas. Le fait d'avoir une réunion en soirée et de se hâter pour terminer la séance ne rend pas service aux témoins, selon moi. Nous ne leur laissons pas le temps de répondre aux questions. À mon avis, les groupes sont trop nombreux. Je crois que cette question fait l'objet d'un certain consensus de notre côté.
    Je me demande, monsieur le président, s'il est possible que le premier point à l'ordre du jour lors de la séance qui doit avoir lieu mardi matin de la semaine prochaine soit les travaux du comité; de cette façon, nous pourrions clarifier un peu les choses avant d'entendre les témoins. Autrement, je crois que nous nous dirigeons vers des affrontements sur certains sujets. C'est injuste pour les témoins, surtout si on pense que certains parcourent de grandes distances pour venir ici.
    Nous aimerions réorganiser certains éléments. En raison du manque de temps et des témoins d'aujourd'hui, nous ne pourrons pas terminer avant 13 h 30, mais j'aimerais qu'on y revienne avant toute autre chose à la réunion de mardi. Je ne sais pas si on a besoin d'adopter une motion, ou si nous pouvons simplement nous mettre d'accord et passer aux questions.
    Je crois que nous pouvons nous mettre d'accord.
    Est-ce que ça pose un problème? Non. Alors c'est ce que nous ferons.
    Je vais réserver 15 minutes, ou bien voulez-vous une demi-heure?
    Je crois que nous pourrons le faire assez rapidement; nous pourrions même en discuter officieusement avant la réunion de mardi. Je ne veux pas m'éterniser là-dessus, mais je crois personnellement que nous ne devrions pas continuer comme ça au cours des prochaines semaines.
    Nous réserverons 15 minutes au début de la prochaine réunion. Il se pourrait que nous annulions la comparution de un ou deux témoins qui étaient prévus à l'horaire.
    Merci, monsieur le président.
    J'abonde dans le même sens pour ce qui est du peu de temps accordé à chaque témoin.
    Nous avons vraiment apprécié les témoignages, et j'ai quelques questions.
    Madame Mackinnon, j'ai aimé votre mémoire. Vous avez vraiment bien fait vos devoirs. La plupart des politiciens ne font que regarder la première et la dernière page. Vous aviez 13 recommandations, ce qui est bien. J'aimerais vous poser des questions sur deux ou trois d'entre elles, parce qu'elles nous ont déjà été soulevées pendant nos réunions.
    En ce qui a trait aux questions, il semble que personne n'est en mesure de répondre à une question particulière par l'affirmative. Au point neuf, vous mentionnez que les modifications devraient être fondées sur des données probantes et des faits. Je suppose qu'on met la charrue devant les boeufs, puisque les meilleurs éléments de preuve proviennent de Juristat et de Statistique Canada. Mais, à votre avis, et en fonction des éléments probants dont vous disposez, comment répondriez-vous à ces questions? Premièrement, est-ce que les crimes violents perpétrés par les jeunes au Canada, dans certaines collectivités du Canada, sont en hausse? Deuxièmement, est-ce que des éléments de preuve montrent que l'incarcération, avec ou sans mesure de réadaptation appropriée, est efficace? Troisièmement, est-ce que les éléments législatifs dissuasifs ont vraiment un effet dissuasif sur les jeunes? On a beaucoup parlé de ce dernier point à l'échelle du pays. Comme vous l'avez fait remarquer de manière émouvante, leur cerveau est différent. J'ai trois adolescents à la maison, et je sais que leur cerveau est différent. Je n'ai pas besoin de voir des résultats d'examen par IRM, mais j'aimerais voir les éléments probants.

  (1250)  

    Vous en avez maintenant la preuve.
    Heureusement, ils ne regarderont pas cela, même en rediffusion.
    Sur ces points, peut-être que vous pourriez nous aider, et peut-être que M. Horne et les membres de l'autre groupe pourraient nous répondre.
    Selon les éléments probants, plus l'intervention est intense dans la vie d'un jeune — c'est-à-dire, plus la police s'ingère dans leur vie, plus le jeune est inculpé et plus il comparaît au tribunal, et plus la sentence est longue —, plus les résultats obtenus sont catastrophiques, les récidives plus nombreuses et la réadaptation plus longue.
    Je déteste le dire, car c'est comme avouer notre impuissance. Mais en gros, ce que nous devons faire pour les jeunes, c'est les garder en sécurité jusqu'à ce qu'ils soient grands. Ils laisseront la violence derrière eux au sortir de l'adolescence. Ils auront des enfants et une hypothèque et ils seront trop fatigués pour sauter des clôtures ou faire des bêtises de ce genre. Alors l'important, c'est de les garder en sécurité, de les éduquer, de les aider et de leur fournir toutes les ressources dont ils ont besoin. Cette façon de faire produira les meilleurs résultats.
    Vous avez posé une question au sujet de la hausse de la criminalité. Il y a des cas isolés, et il y en aura toujours. Peut-être qu'une usine a fermé, que des parents ont été mis à pied et que leurs familles sont plus pauvres. Des tonnes de raisons sont possibles, mais il y aura toujours des cas isolés pour faire augmenter les taux de criminalité. Les vols de voitures pourraient être en hausse dans un quartier, mais il peut aussi y avoir des gangs et de la violence entre gangs dans d'autres quartiers. Est-ce que la durée de la peine a une incidence là-dessus? Non.
    Je crois que vous avez posé une troisième question au sujet des éléments probants, mais j'ai oublié, j'en ai bien peur.
    J'ai demandé si les éléments dissuasifs avaient vraiment un effet dissuasif sur les jeunes.
    Oh non, les éléments dissuasifs, surtout généraux, n'ont aucun effet. Ce n'est pas vraiment la sentence en soi qui a une incidence sur le jeune, c'est la probabilité de se faire prendre. C'est comme les chiots, n'est-ce pas? Ça ne sert absolument à rien de leur taper sur le museau, si c'est encore ce que font les gens. Ce qui marche vraiment, c'est la garantie de se faire prendre et d'être puni très rapidement. Il y a des éléments de preuve à l'appui de ce type d'éléments dissuasifs, mais pas à l'appui des éléments que nous utilisons.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Ménard.

[Français]

    Merci.
    J'attendais les représentants de Statistique Canada avec impatience pour obtenir une réponse à certaines questions que nous posons très clairement depuis le début.
    Je reconnais l'ampleur de toutes les statistiques que vous nous avez données. Cependant, j'ai peine à trouver la réponse aux questions fondamentales que je me posais. Où trouve-t-on le taux de délinquance juvénile, dans les statistiques que vous nous avez données?

[Traduction]

    Nous vous avons présenté aujourd'hui la courbe de la criminalité juvénile rattachée aux crimes violents et aux crimes sans violence. Mais pour 2008, les chiffres réels de la criminalité juvénile sont...

[Français]

    Pouvez-vous nous montrer ça?

[Traduction]

    On les trouve dans les statistiques de 2008 sur les crimes rapportés par la police au Canada, provenant de Juristat, qui ne vous ont pas été présentées je crois. Nous avons plutôt présenté trois autres ensembles de statistiques. Pour 2008, le chiffre était de 6 454 sur une population de 100 000 jeunes.

  (1255)  

[Français]

    Peut-on voir cela sur papier? Mes recherchistes ont trouvé, dans les données de Statistique Canada, une forme de taux de criminalité juvénile, mais je sais qu'il y en a deux. Les recherchistes ont trouvé celle qui est calculée à partir de la judiciarisation; l'autre est calculée à partir des déclarations uniformes sur la criminalité que remplissent les policiers partout au Canada lorsqu'ils sont appelés sur les lieux d'un crime.
    Avez-vous cette deuxième forme quelque part?

[Traduction]

    Le taux de criminalité juvénile au Canada est calculé à l'aide de données provenant de la Déclaration uniforme de la criminalité. À partir de ces données, nous pouvons savoir quels jeunes ont été inculpés et ceux qui ne l'ont pas été. C'est peut-être ce que vous qualifiez de programme de déjudiciarisation — c'est une façon d'accuser les jeunes sans les inculper.
    À la diapositive 2, nous avons la courbe pour les deux types, les jeunes inculpés et ceux qui ne le sont pas. Si vous combinez ces chiffres, vous obtenez le nombre total de jeunes inculpés.

[Français]

    Pourrait-on avoir...

[Traduction]

    Excusez-moi. Vous obtenez le nombre total de jeunes accusés. Pardonnez-moi.

[Français]

    Pourrait-on avoir le taux par province?

[Traduction]

    Absolument.

[Français]

    Vous ne l'avez pas ici.
    J'en reviens à la question fondamentale qu'on se pose. J'apprécie que vous ayez toutes ces statistiques. Néanmoins, les statistiques que vous nous donnez sur les crimes dont sont victimes les jeunes ne nous aident pas beaucoup à traiter de la délinquance juvénile.
    J'ai regardé des statistiques sur les taux de criminalité — je pense que ça commençait dans les années 1970 — et j'ai fait certains constats. Notre province, le Québec, a adopté une façon bien particulière de traiter les jeunes contrevenants. On a remarqué qu'avant 1985, le Québec avait un taux de criminalité supérieur à la moyenne canadienne. Cependant, à partir de 1985, il y a eu une nette différence qui se poursuit toujours. Si je me souviens bien, le taux de criminalité juvénile au Québec a diminué de 57 p. 100.
    Comment se fait-il que je ne retrouve pas cela dans les statistiques? Où cela devrait-il se trouver?

[Traduction]

    Nous avons cette information et nous pourrions certainement la transmettre au comité. J'ai ici les renseignements de 2008 concernant le nombre de jeunes accusés par province. Je pourrais la lire si vous voulez, pour le compte rendu, ou nous pourrions vous communiquer l'information.
    Pourriez-vous nous transmettre cette information?
    Certainement.
    Ce serait vraiment bien.

[Français]

    Mais...

[Traduction]

    Nous passons à...

[Français]

    Ça arrive encore une fois. C'est ça, l'efficacité.

[Traduction]

    Ça fait cinq minutes.
    Passons à Mme Leslie.
    Merci. J'ai cinq minutes bien comptées, alors je vais me lancer tout de suite.
    J'ai examiné la diapositive 8, et j'ai tiré un trait à l'année 2003, lorsque la LSJPA est entrée en vigueur. Alors si je regarde bien le document et le trait que j'ai tiré — je veux simplement être sûre de bien comprendre —, les taux d'incarcération des jeunes sont en baisse depuis l'entrée en vigueur de la LSJPA, n'est-ce pas? Est-ce bien ce que je dois comprendre?
    D'accord. Désolée. Ça allait si vite.
    J'aimerais faire une autre mise en garde: les dates ici représentent des affaires terminées. Au moment de l'entrée en vigueur de la LSJPA le 1er avril 2003, il y avait toujours des affaires en cours.
    Parfait. C'est bon à savoir. Merci.
    Lorsque je regarde la diapositive 2 — et encore une fois j'ai tiré un trait en 2003, pour marquer la LSJPA — il semble que, de façon générale, le taux de criminalité juvénile est en baisse, peu importe que les jeunes soient inculpés ou non. Est-ce bien ce qu'on peut en déduire?

  (1300)  

    La diapositive 2 représente le taux de jeunes inculpés et non inculpés de crimes en général.
    Entend-on par « jeune non inculpé » tout adolescent qui n'a jamais été inculpé?
    On entend par là les jeunes qui ont perpétré des crimes et qui ont été arrêtés par la police, mais qui n'ont pas été officiellement inculpés.
    Très bien, merci.
    Pouvez-vous nous fournir des données au sujet des adolescents qui sont condamnés à la détention? Avez-vous ces renseignements selon la race ou le groupe ethnique?
    Mme Mia Dauvergne: Non, nous ne les avons pas.
    Mme Megan Leslie: Vous ne les avez pas.
    Avez-vous des données mentionnant la race qui pourraient nous être utiles pour comprendre qui sont ces adolescents?
    Nous recueillons certains renseignements sur le statut autochtone des personnes qui ont maille à partir avec la loi. Toutefois, il y a de nombreux services de police qui ne nous fournissent pas ces renseignements. Il faudrait que nous examinions la qualité des données pour déterminer s'il serait approprié de les divulguer.
    Donc, nous n'avons pas ces données?
    Nous travaillons actuellement en collaboration avec les services de police de tout le pays et nous avons fait une étude de faisabilité en Saskatchewan pour voir si ces renseignements pourraient être recueillis directement au moment de l'interrogatoire. Ce sujet a été abordé à la réunion des sous-ministres de la Justice, en janvier, et il a été convenu que le CCSJ, notre centre, doit retourner voir la police pour déterminer comment nous pourrions recueillir efficacement ces renseignements.
    En ce qui concerne les Autochtones, la meilleure source de données sur la composante autochtone serait notre programme correctionnel.
    Ils sont en détention.
    Une fois que la personne est placée en détention préventive ou purge sa peine, nous avons ces renseignements.
    C'est seulement pour les Autochtones, pas pour les autres…
    Est-il possible que nous obtenions ces données?
    Oui, nous pouvons vous les fournir.
    Merci. C'est important.
    J'ai probablement…
    Vous pouvez poser une brève question.
    Je m'adresse à Justice for Children and Youth. Devrions-nous modifier ce projet de loi ou simplement l'abandonner?
    Comme je l'ai dit, je crois que l'intégration dans la loi des principes énoncés par la Cour suprême du Canada peut certainement guider les gens qui ne sont pas avocats. Toutefois, comme certains l'ont dit, l'article 3 assure déjà l'équilibre nécessaire. Il parle de favoriser la protection durable du public. Il informe le public sur la façon dont la loi fonctionne. L'équilibre voulu est déjà là. Il est souhaitable d'inclure la notion de culpabilité morale moins élevée. C'est un principe. Il est bon de le savoir dès le départ.
    Et que pensez-vous du reste?
    J'ai noté les trois choses sur lesquelles la Cour suprême s'est prononcée. Cela touche plus que trois articles, car la présomption de culpabilité intervient dans des contextes différents, mais c'est pour une question de clarté et non pas de nécessité. Selon moi, le reste empirerait les choses par rapport à la situation actuelle, et cela coûterait cher à la société.
    Merci.
    Je vais maintenant me servir de mon pouvoir discrétionnaire pour mettre fin aux questions. Je sais que le gouvernement a généralement une question à poser, mais nous manquons de temps. Nous voulons entendre M. Elman, ainsi que M. Tustin.
    Je vais remercier les témoins de leur comparution. Nous tiendrons compte de vos témoignages.
    Pendant que les témoins nous quittent et que MM. Elman et Tustin prennent place, nous avons deux questions vraiment importantes à régler.
    Premièrement, nous avons distribué le budget pour cet examen du projet de loi C-4. J'ai besoin que vous l'approuviez.
    Je propose son adoption.
    Nous avons une motion proposant l'adoption du budget.
    (La motion est adoptée.) [Voir le Procès-verbal]
    En deuxième lieu, nous avons le second rapport du sous-comité, le comité directeur, qui est maintenant plus ou moins périmé vu que nous nous sommes mis d'accord pour étudier la question du nombre de témoins au cours des 15 premières minutes de la prochaine séance.
    Devrions-nous attendre jusque-là?
    C'est un rapport du comité directeur. Il est peut-être périmé, mais nous devons l'approuver. C'est tout ce dont j'ai besoin.
    D'accord, c'est bien. Je propose de l'adopter.
    Je vous en remercie.
    (La motion est adoptée.) [Voir le Procès-verbal]
    Nous allons faire une pause de deux minutes.

[Français]

    J'ai une réunion à 13 heures, comme M. Dominic LeBlanc. On a une réunion de préparation à la période de questions. Je comprends qu'au gouvernement, vous n'avez pas ça.

  (1305)  

[Traduction]

    Monsieur Ménard, l'avis concernant les deux heures et demie vous a été envoyé. Cela ne devrait pas vous étonner.

[Français]

    Pardon?
    Oui, l'avis a été donné, mais c'est la dernière fois.

[Traduction]

    Le comité s'est mis d'accord pour que la séance dure deux heures et demie.
    Monsieur le président, les gens réclament plus de temps et quand vous le leur accordez, ils se plaignent qu'ils doivent partir plus tôt.
    Nous allons régler cette question à notre prochaine séance.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes.

  (1305)  


  (1305)  

    Nous reprenons la séance.
    Je voudrais inviter M. Elman a prendre la parole. Et j'ai dit que c'était M. Tustin. Excusez-moi, madame Tustin. Bienvenue au comité.
    Vous disposez de 10 minutes pour nous faire un exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Je tiens à dire que je me sens très privilégié d'être ici, surtout compte tenu de la discussion qui vient d'avoir lieu au sujet des témoins et du temps. Je m'estime très privilégié, car je sais que de nombreux Canadiens s'intéressent de près au travail du comité et à ce projet de loi, y compris les jeunes.
    Comme vous le savez, je suis l'intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes en Ontario et je suis accompagné aujourd'hui d'un des membres de mon bureau, Lee Tustin. Je peux vous dire qu'elle est l'une des plus grandes spécialistes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents au Canada et qu'elle a fait des travaux à ce sujet. Elle est aussi modeste. J'espère que notre exposé pourra vous être utile.
    Pour commencer, je voudrais parler un peu du processus. Comme vous le savez, quand la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents a été créée, il y a eu des consultations et une participation à tous les niveaux, y compris au comité de la Chambre des communes. On a créé une stratégie de renouvellement du système de justice pénale pour les adolescents. Cela s'est traduit par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, en 2003, et cela après plusieurs années d'études, de consultations et de discussions qui ont eu lieu avant que le moindre changement ne soit apporté au système de justice pénale pour les adolescents. Je dirais que peu de jeunes ont été consultés au cours de ce processus quant aux changements qui pouvaient être utiles. Il y a néanmoins eu un processus de consultation.
    En 2008, le projet de loi C-25 qui prévoyait des changements similaires à ceux du projet de loi C-4 a été présenté sans consultation préalable. D'autres intervenants provinciaux, car je n'occupais pas ce poste à ce moment-là, m'ont dit qu'il y a eu des tables rondes un peu partout dans le pays au sujet du projet de loi C-25, après sa présentation au Parlement. J'ai entendu dire de nouveau aujourd'hui, et je pense l'avoir vu dans des sites Web, que le rapport de ces consultations n'avait pas été rendu public. En tout cas, je ne l'ai pas vu, pas plus que les membres de mon personnel. Je trouve cela d'autant plus curieux que vous examinez le projet de loi C-4 qui, à mon avis, n'a pas fait l'objet non plus de véritables consultations. C'est surtout parce que les consultations n'ont pas été ouvertes et publiques et je crois qu'on n'a pas consulté les jeunes qui pourraient être touchés par le projet de loi que vous étudiez.
    Je crois vraiment important que les jeunes et les personnes qui appliquent votre loi soit consultés. J'ai passé les 25 dernières années à travailler auprès des adolescents dans les systèmes d'aide à l'enfance et de justice pénale pour les adolescents et je peux vous dire que les choses les plus importantes que j'ai apprises ne m'ont pas été transmises à une conférence, par un professeur ou dans un livre. Elles venaient de l'expérience vécue et de la réflexion des jeunes. Avant que vous ne preniez de décision, je vous exhorte à découvrir ce que cette expérience vécue et cette réflexion peuvent vous apprendre. On dit que cette loi concerne, dans une certaine mesure, la sécurité du public. Je tiens à vous rappeler que les adolescents sont autant des membres du public que vous et moi, tout comme vos enfants, et qu'ils ont le droit d'être consultés également.
    Je crois qu'il y a eu aussi certaines discussions concernant le rapport de la Commission Nunn quant au fait que la protection de la société devrait être l'un des principaux objectifs de la loi et qu'il faudrait donner un outil aux tribunaux pour qu'ils tiennent compte de la protection de la société. Toutefois, la Commission Nunn a dit aussi que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est une bonne loi et a émis des inquiétudes, dans son rapport, au sujet de toute dérogation aux principes enchâssés dans la loi. C'est pourquoi nous avons besoin d'un véritable processus de consultation avant de modifier ce qui semble être, comme le disent les gens, une bonne loi.
    Même certaines des questions que je vous ai entendu poser aujourd'hui, et je sais que votre temps est limité… Qu'on puisse envisager de modifier une loi de façon fondamentale sans savoir certaines des choses que vous devez savoir — par exemple, des statistiques concernant les membres des différents groupes raciaux qui entrent dans le système de justice pénale pour les adolescents — me semble un peu irresponsable, même si c'est peut-être un mot un peu dur. Je vous exhorte donc à prendre votre temps et à consulter le maximum de gens.
    J'ai beaucoup réfléchi à ce que je voulais dire. Je sais que je représente un des groupes de gens que vous allez rencontrer, et sans doute qu'à cause de mon poste et de mes antécédents professionnels, vous avez une bonne idée de ce que je vais dire. Toutefois, je tiens à aller plus loin.

  (1310)  

    Récemment, en Ontario, nous avons eu tout un débat au sujet d'un certain centre de détention pour adolescents, à l'extérieur de Toronto. Comme nous avons défendu les intérêts des enfants et des adolescents, surtout des jeunes qui ont été détenus dans ce centre, certains nous ont reproché — et ce sont leurs paroles et non pas les miennes — de trop aimer les délinquants ou d'avoir le coeur trop tendre. En face de nous, nous avions le « camp de la loi et l'ordre ». Je pense que la polarisation de ces deux camps est particulièrement difficile et je veux trouver un autre moyen de parler de la justice pénale pour les adolescents. Je pense que je dois le faire au nom des jeunes. La loi qui régit ce que je suis censé faire, me dit que je suis censé faire entendre la voix des enfants et des adolescents qui sont en conflit avec la loi.
    Depuis un an ou deux, j'ai passé beaucoup de temps dans les centres de détention pour adolescents de l'Ontario où j'ai parlé aux jeunes, où je les ai rencontrés alors qu'ils avaient pris contact avec la dure réalité de la vie. Quand je les rencontre, je ne sais pas pourquoi ils sont là, mais je leur parle. Ce sont des enfants. Comme quelqu'un l'a dit, ce sont autant des enfants ou des adolescents que les enfants de tous ceux qui sont assis autour de cette table. Vous finissez par comprendre qu'ils ont des espoirs et des rêves. Et vous finissez par comprendre qu'ils représentent notre avenir. Vous leur demandez ce qu'ils veulent faire plus tard et ils veulent être plombiers, médecins, parents. Ils sont les fils ou les filles de quelqu'un. Ce sont des personnes.
    Pour comprendre le problème dans ce contexte, s'ils étaient au centre de cette pièce, vous pourriez prendre des décisions différentes au sujet de la loi que vous examinez. J'en suis convaincu. Cela nous fournit également un terrain d'entente, car je crois que les gens qui sont dans mon « camp », ceux qui viennent vous dire ce qui ne va pas dans ce projet de loi, sont aussi convaincus que vous que nous voulons ce qu'il y a de mieux pour nos enfants et nos adolescents. Nous voulons également assurer la sécurité du public. Je pense qu'en parlant de ces jeunes et en les comprenant, nous pourrons agir différemment. Cela signifie aussi qu'il faut les écouter.
    Je voudrais dire autre chose, et c'est ce que les jeunes pourraient souhaiter que je dise. Dans un des endroits que j'ai visités — et c'est arrivé souvent — j'étais avec des jeunes dans leur section et tout à coup il y a eu un confinement, ce que l'établissement appelait un « code bleu ». Tous les jeunes ont dû rentrer dans leur chambre dont la porte a été verrouillée. Le même genre de chose se passe dans les autres provinces. Lorsqu'ils sont ressortis, j'ai pu de nouveau parler à un jeune et quand je lui ai demandé ce qui s'était passé, il m'a répondu: « Nous avons été confinés dans nos chambres. Nous avons trois CD que nous sommes autorisés à écouter dans notre section. Un des CD avait disparu et ils ont dû verrouiller toutes les unités de l'établissement, pas seulement celle-ci, pour essayer de retrouver le CD. » J'ai trouvé cela bizarre. Pour retrouver le CD, ils ont fait des fouilles à nu. Ils enlèvent les vêtements de tout le monde, un à la fois. Ils vont fouiller les chambres à la recherche du CD.
    Je ne les critique pas, et je ne travaille pas dans le système de justice pénale, et peut-être qu'ils pensent — je crois que c'était le cas — que le CD pourrait servir d'arme et que c'est une question de sécurité. L'adolescent à qui j'ai demandé avec quelle fréquence cela arrivait m'a répondu « deux ou trois fois par semaine ».
    Je me suis dit que si, à tout moment, les gardiens qui gardent les édifices parlementaires pouvaient venir ici nous dire d'aller dans nos chambres et d'enlever nos vêtements parce qu'ils doivent chercher un objet qui a disparu… Si cela arrivait trois fois sans que nous en soyons avertis à l'avance, si nous sommes simplement habitués à ce que cela arrive, nous pourrions même penser que nous comprenons pourquoi cela a été fait. Quand vous êtes en détention, c'est une situation courante et c'est simplement un élément habituel de la détention. C'est une punition suffisante si nous cherchons à punir les jeunes. Toutefois, cela n'accomplit pas grand-chose et les jeunes vous le diront. Si vous y réfléchissez, c'est une simple question de bon sens.
    Quand vous pensez à vos enfants, cela ne sert pas à grand-chose sur le plan de la réinsertion et des possibilités de réintégration. Par conséquent, moins nous placerons de jeunes, d'enfants, dans cette situation… Il est assez évident que nous ne devrions pas le faire.

  (1315)  

    C'est ce que je voulais dire. Je voudrais aussi parler un peu plus de certains éléments de la loi et je pense que nous pourrons en dire davantage à ce sujet, Lee et moi, quand vous poserez vos questions.
    À mon avis, la déclaration de principe dont on a parlé, qui modifie l'idéologie à la base de la loi est importante, car elle ne tient absolument pas compte de certaines dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, qui est aussi mentionnée dans la loi et que le Parlement canadien et l'Assemblée législative ontarienne ont adoptée.
    Je sais qu'on a discuté ici de l'utilité de cette convention, de la difficulté de l'appliquer et donc du fait qu'il n'y a peut-être pas lieu de trop s'en préoccuper. Toutefois, quel message cela envoie! Il est plutôt ironique, quand on examine une loi sur la justice pénale pour les adolescents, quand on est censé respecter ses engagements en tant que société et quand on enseigne à nos jeunes combien les lois sont importantes, qu'en même temps, en ce qui concerne une loi et une convention que le Parlement et les Assemblées législatives provinciales ont adoptées, nous disions qu'elles ne comptent pas vraiment vu qu'elles ne peuvent pas être appliquées. C'est vraiment ironique.
    J'ai épuisé mon temps. J'aurais eu tellement de choses à dire. Il y a ici un groupe de jeunes qui ont été sous la tutelle des services d'aide à l'enfance. Hier, ils ont parlé aux sénateurs Pépin et Munson des difficultés qu'ils ont eu à grandir au sein de ce système, combien cela a été difficile. Ils avaient réussi à le faire ou étaient sur le point de réussir, mais certains d'entre eux vivaient dans des foyers de groupe. En vertu de cette loi, ils pourraient être accusés et se retrouver en détention et suivre une voie entièrement différente s'ils jettent un verre à quelqu'un, dans un foyer de groupe, parce que quelque chose dans ce foyer leur rappelle les mauvais traitements qu'ils ont subis. Vous ne devez pas les oubliez non plus.
    Il ne me reste plus de temps, mais tel est mon message.
    Merci.
    Vous avez épuisé votre temps, mais vous nous avez remis le texte de votre déclaration et il va être distribué. Il sera traduit et fera partie du compte rendu public.
    Merci.
    Je voudrais réserver un peu de temps pour les questions.
    Monsieur Woodworth.
    Pouvons-nous obtenir le texte en anglais maintenant?
    Non. C'est la procédure que nous suivons au comité: si ce n'est pas dans les deux langues officielles, nous devons attendre que ce soit traduit.
    Monsieur Murphy.
    Je vous remercie de votre témoignage.
    Avez-vous dit que vous aviez participé aux consultations du gouvernement?
    Je n'y ai pas participé.
    Vous n'y avez pas participé.
    Je suis entièrement d'accord avec ce que vous avez dit. Ce n'est pas faute de l'avoir demandé, mais cela fait plusieurs fois qu'on nous dit que certaines personnes, comme vous, n'ont pas participé aux discussions ou au processus de consultation dans chaque province, comme elles auraient dû le faire.
    Nous avons également entendu des gens qui ont participé aux consultations. Une de ces personnes vient de dire — et vous étiez peut-être dans la salle — qu'elle n'a entendu aucune voix s'élever contre la façon dont la LSJPA fonctionnait.
    Je crois donc, qu'en tant que membres du comité — et n'oubliez pas que les gens ont demandé au ministre et aux membres un rapport sur ces consultations — nous devons insister davantage sur ce point. Je vous remercie d'en avoir reparlé.
    Ma question est la suivante. La LSJPA fonctionne de façon satisfaisante. Toutefois, ce projet de loi cherche, de prime abord, à combler certaines des lacunes de la loi de façon positive grâce à des changements sur lesquels la plupart d'entre nous sommes d'accord. Le gouvernement va peut-être un peu trop loin, dirais-je, en y incluant une idéologie à laquelle nous ne souscrivons pas nécessairement. Pour reprendre la phrase « jeter le bébé avec l'eau du bain », je crains que nous ne rejetions le tout, y compris certaines modifications utiles, ou que le tout soit adopté, ce qui causerait certains torts irréparables.
    Je vais soulever un aspect très particulier, car nous avons eu un long débat sur certaines dimensions du problème. J'aimerais beaucoup savoir ce que vous pensez de l'interdiction de publication. Bien entendu, votre groupe se soucie beaucoup des adolescents, mais la loi cherche aussi à protéger le public et nous avons entendu dire que, dans certains cas, l'interdiction de publication devrait être levée.
    Pensez-vous que si le libellé était un peu plus précis au sujet des infractions « avec violence » et « graves » commises par des récidivistes, même s'ils sont adolescents, et si le pouvoir discrétionnaire du juge était maintenu, cela pourrait être utile?

  (1320)  

    La levée de l'interdiction de publication est une des violations de la Convention des Nations Unies, surtout en ce qui concerne le droit à la vie privée. Cela nuit également à la possibilité de réinsertion et de réintégration de l'adolescent.
    Pour répondre à votre question, je dirais qu'il faudrait tenir plus de consultations à ce sujet. Nous devons entendre le point de vue des gens de toute la province. Nous devons savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas avant de changer quoi que ce soit.
    Sachant que notre horaire est serré, je vais vous céder le temps qui me reste, monsieur le président, pour que vous l'utilisiez à votre convenance.
    Merci de céder votre temps, monsieur Murphy.
    Allez-y, monsieur Ménard.

[Français]

    Madame Tustin, est-ce que vous pourriez nous faire parvenir une copie de l'article de la convention internationale à laquelle vous avez fait allusion?

[Traduction]

    Vous parlez de l'article de la Convention des Nations Unies?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Oui.
    C'est l'article 16 de la Convention des Nations Unies, si vous en avez un exemplaire.
    Pourriez-vous remettre ce document à la greffière? Elle pourra le distribuer.
    Merci.

[Français]

    Est-ce que je vous comprends...

[Traduction]

    M. Norlock invoque le Règlement.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Si nous obtenons cet article, pourrais-je également demander la liste des pays signataires pour que je puisse voir quels sont les pays qui nous disent ce que nous devrions faire? Merci.

[Français]

    Je comprends que le Canada est une de ces parties.
    Vous me contredirez si vous n'êtes pas d'accord, mais je crois que la philosophie de base de la loi actuelle est bien exprimée à l'article 3 de la loi. Vous remarquez qu'un changement important est proposé à l'article 3. Ce n'est pas tant ce qui le remplace qui est important et qui dérange, mais bien ce qui est enlevé.
    Convenez-vous comme moi que ce changement peut apporter de grandes différences dans la façon dont les juges vont donner leurs sentences? Vous dites que oui et, madame Tustin, vous indiquez presque oui, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Je suis d'accord avec vous. Nous pensons que l'article 3 devrait rester inchangé. À notre avis, ce changement vise un petit groupe et ne tient pas compte du reste des jeunes qui entrent dans le système de justice pénale et il modifie profondément l'idéologie à la base de la loi. Il change les principes appliqués et je crois que cela modifierait énormément toutes les décisions prises d'un bout à l'autre du processus. Ce changement ne tient pas compte non plus de l'article 3 de la Convention des Nations Unies et va donc à l'encontre du préambule de la LSJPA.

  (1325)  

[Français]

    Dans votre réponse, vous faisiez allusion à ce petit groupe, et je pense que vous vouliez parler de ce petit groupe de récidivistes violents et dangereux. Cela reste un très petit groupe dans l'ensemble des jeunes qui sont traités. Est-ce exact?
    Vous me faites signe que vous êtes d'accord. Il faut vous rappeler que vous n'êtes pas filmée ici.

[Traduction]

    Oui, je hoche la tête, mais je me dis aussi que nos objections à la plupart des amendements viennent de ce qu'ils se fondent sur un seul rapport.

[Français]

    Je voudrais savoir si, à votre avis, les dispositions actuelles de la loi permettent aux juges de rendre les décisions les plus appropriées pour ce petit groupe de délinquants violents et dangereux.

[Traduction]

    Je dirais que oui.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    C'est au tour de Mme Leslie.
    Comment procédons-nous?
    Vous allez poser votre question et nous passerons ensuite du côté ministériel.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup pour votre témoignage. Vous avez soulevé un point de vue intéressant en soulignant qu'il n'y a pas eu de véritables consultations et qu'il faudrait en tenir.
    Monsieur Elman, vous avez dit que vous pourriez peut-être aborder en détail certains aspects du projet de loi pendant la période de questions.
    Madame Tustin, vous avez déclaré que la levée de l'interdiction de publication est une des choses qui contreviennent à la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies. Pouvez-vous nous dire si d'autres amendements ou d'autres dispositions de ce projet de loi violent cette convention, à votre avis?
    Oui, nous venons de mentionner l'article 3 du préambule. L'article 16 et l'article 3 sont deux des principaux articles.
    Je ne connais pas la teneur de chaque article de la Convention. Pouvez-vous me dire quel en est le sujet, par exemple, l'exemplarité de la peine?
    L'article 3 porte que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. Donner la priorité à la sécurité publique viole cet article.
    L'article 16 concerne le droit à la vie privée, et la levée de l'interdiction de publication contrevient au droit à la vie privée.
    Pensez-vous que ces changements ont pour objectifs la dissuasion et l'exemplarité, que c'est la raison pour laquelle c'est ajouté dans ce projet de loi? Pensez-vous que les principes de la détermination de la peine contreviennent à la convention?
    Oui. Nous n'avons pas eu l'occasion de préciser quelles sont les dispositions du projet de loi qui nous préoccupent — c'est dans notre mémoire écrit — mais effectivement, la dissuasion et l'exemplarité de la peine en font partie.
    Très bien.
    Ma dernière question s'adresse à M. Elman.
    Si la Couronne doit tenir compte des peines pour adultes et indiquer ensuite la raison pour laquelle elle ne demandera pas l'application de ces peines, comme vous avez travaillé face à face avec des adolescents, quelles répercussions pensez-vous que cet examen obligatoire aura sur les relations entre la Couronne et les jeunes?
    J'essaie de comprendre votre question.
    Très bien. Je n'ai pas été très claire. Je comprends.
    S'il y a dans la loi un changement disant que la Couronne doit envisager la possibilité d'imposer une peine pour adulte à un adolescent et si elle ne recommande pas l'imposition d'une peine pour adulte, elle doit alors expliquer pourquoi. Pensez-vous que cela modifiera la relation entre la Couronne et l'adolescent, s'il y en a une ou pensez-vous que cela modifiera l'expérience du jeune dans le système de justice pénale?
    Oui, bien sûr. La Couronne devient certainement l'ennemi du jeune si elle envisage de faire une détermination que le jeune ne jugera probablement pas dans son intérêt. Voilà ce que j'en pense.
    Je ne suis pas convaincu que la LSJPA fonctionne bien. Nous ne le savons pas. C'est comme si j'avais acheté la voiture de mes rêves, une Mustang, et qu'elle se trouve dans mon garage. Si vous me demandez comment elle marche, je vous répondrai que je ne l'ai pas encore conduite. Elle est jolie, mais je ne peux pas répondre à votre question, car je n'y ai pas encore mis d'essence.
    Pour ce qui est des provinces, d'après ce que m'ont dit mes collègues, la mise en oeuvre de la LSJPA a besoin d'un peu d'essence, elle a besoin de certaines ressources. Nous ne pouvons pas dire si elle fonctionne bien. Certains des problèmes qui ont suscité l'établissement de la Commission Nunn étaient dus au manque de ressources.
    Nous devons veiller à mettre en place les ressources voulues pour assurer la mise en oeuvre de la loi et c'est pourquoi les consultations sont si importantes, pour comprendre où nous en sommes dans la mise en oeuvre de la loi avant de la modifier. Nous sommes dans la bonne voie, mais nous craignons que nous ne soyons en train de changer de cap avant d'arriver au port.

  (1330)  

    Merci.
    Monsieur Woodworth.
    Je constate qu'il est déjà 13 h 30 et je vais donc essayer d'abréger un peu mes observations.
    Je voudrais m'adresser à M. Elman. Je comprends ce que vous dites et votre sincérité m'a impressionné. Je sais que vous êtes un ardent défenseur des enfants. Cela ressort très clairement.
    Je me demande si vous avez déjà eu l'occasion de rencontrer ou de conseiller un parent dont l'enfant a été battu à mort.
    Je dirais que j'ai rencontré, peut-être pas ce cas précis, mais que j'ai rencontré des victimes. J'ai rencontré les parents de victimes…
    Ma question portait sur un parent dont l'enfant a été battu à mort.
    Non, pas dans le cas d'un enfant battu à mort.
    J'ai posé la question parce que nous avons eu l'occasion de parler à la mère d'un enfant qui a été battu à mort. Le pire est que cette mère a eu un autre enfant — j'ai oublié s'il était âgé de 11 ans ou à peu près cet âge — qui a été menacé par d'autres jeunes, qui s'est fait tiré dessus à partir d'un véhicule et qui a été tout simplement terrorisé. Selon ce témoignage, nous pourrions peut-être faire quelque chose pour améliorer la loi afin d'aider les jeunes de 11 ans ou les autres jeunes enfants qui se trouvent dans cette situation.
    Quelles améliorations à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents proposeriez-vous pour protéger les enfants qui sont terrorisés par autant de violence?
    C'est une bonne question.
    C'est la question à laquelle nous sommes chargés de répondre, soit dit en passant.
    Voici ce que j'ai appris en travaillant auprès des jeunes pendant tous ces années. Comme c'est une question très précise, je tiens à vous dire que parfois, les adolescents et les enfants avec qui j'ai travaillé auraient préféré être morts que d'avoir à vivre ce qu'ils ont vécu.
    Je ne peux pas imaginer ce qu'éprouve le parent d'un enfant qui est mort, ayant moi-même des enfants, mais je sais ce que c'est, pour un jeune, de vivre une vie extrêmement difficile.
    Nous avons si peu de temps.
    Je vous comprends, mais je tiens à répondre à votre question.
    Avez-vous des suggestions? J'aime entendre des suggestions.
    Oui, les solutions et les problèmes ne sont pas toujours reliés. Vous avez soulevé un grave problème et il serait très important, je crois, que le comité l'examine, mais la solution n'est peut-être pas de modifier la LSJPA. Vous devriez envisager d'autres solutions.
    C'est ce que j'ai hâte d'entendre.
    Désolé. Il y a d'autres solutions qui consistent, par exemple, à renforcer nos collectivités, à donner des ressources aux parents et aux familles, à examiner le problème des jeunes des différents groupes raciaux et de la façon dont ils sont traités dans la société.
    Monsieur Elman et monsieur Woodworth, nous sommes malheureusement à court de temps. Je vais devoir lever la séance.
    Je tiens à remercier M. Elman et Mme Tustin pour leur témoignage.
    Si vous avez d'autres mémoires à présenter par écrit, veillez nous les remettre. Merci.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU