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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 039 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 16 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour aux témoins.
    Pour ceux qui ne savent pas trop où ils sont, nous sommes le Comité permanent des ressources naturelles. Puisque le président est absent aujourd'hui, je présiderai la séance. Je crois comprendre qu'il sera de retour pour la prochaine séance. Je l'espère; nous l'espérons.
    Méfiez-vous de ce que vous espérez.
    Des voix: Oh, oh!
    Nous en sommes à notre 39e séance. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 1er juin 2009, nous sommes ici pour examiner le projet de loi C-20, Loi concernant la responsabilité civile et l'indemnisation des dommages en cas d'accident nucléaire.
    Nous avons devant nous les divers mémoires que la greffière nous a fournis. Il y en un de Babcock & Wilcox Canada Ltd., ainsi qu'un de Bruce Power. Aussi, vers la fin des délibérations du comité, pouvons-nous prendre quelques minutes pour examiner le budget du comité pour l'étude du projet de loi C-20? Nous pourrions passer à ce point vers 15 h 35 ou 15 h 40.
    Le premier groupe de témoins de la journée est composé de Michael D. Lees, président de Babcock & Wilcox Canada Ltd.; M. Murray Elston, vice-président, affaires générales, Bruce Power; Theresa McClenaghan, directrice exécutive et conseillère juridique de l'Association canadienne du droit de l'environnement; et Shawn-Patrick Stensil, responsable de la campagne Climat et énergie, Greenpeace Canada.
    Bienvenue à tous.
    Nous avons jusqu'à 16 h 30, environ. Je pense que vous connaissez tous assez bien la manière dont nous procédons. Nous commençons par les exposés; essayons de ne pas prendre plus de 10 minutes pour chacun. Puis, nous passons aux séries de questions des membres, qui ont tous droit à sept minutes.
    Commençons sans plus tarder.
    Nous accueillerons le deuxième groupe autour de 16 h 30.
    Je pense que nous allons procéder dans l'ordre dans lequel j'ai nommé les témoins. Monsieur Lees, en tant que président de Babcock & Wilcox Canada Ltd., vous aimeriez peut-être commencer?
     Tout d'abord, je vous remercie infiniment de nous donner l'occasion de nous adresser au comité. Je suis heureux de contribuer à la discussion sur le projet de loi C-20 du point de vue d'un fournisseur d'équipement et de services de l'industrie nucléaire mondiale.
    Mon exposé consistera en un aperçu très bref de B&W Canada, suivi d'un résumé des raisons principales pour lesquelles le projet de loi est important.
    D'abord, B&W Canada existe depuis 1844. Nos racines remontent à il y a très longtemps. Nous avons toujours été un fournisseur actif de l'industrie de la production d'énergie, tant au Canada qu'à l'étranger.
    Actuellement, nous avons des installations à Cambridge, une grande usine où nous fabriquons des pièces, tant pour le nucléaire que pour d'autres domaines de l'industrie de la production d'énergie. Nous avons aussi une usine à Melville, en Saskatchewan, et des bureaux régionaux partout au Canada.
    Nous employons environ 1 000 personnes et nous faisons plus de la moitié de nos affaires dans le domaine du nucléaire. Nous fournissons des pièces très complexes pour les réacteurs CANDU, dont les propriétaires sont des services publics, tant à l'échelle nationale qu'internationale, et nous fournissons aussi des services au Canada et à l'étranger.
    Nous sommes le seul fabricant d'équipement nucléaire qui existe toujours en Amérique du Nord; les autres ont tous fermé leurs portes pendant le déclin de la fabrication d'équipement nucléaire, au cours des années 1970 et 1980. En fait, selon moi, B&W Canada est un bon exemple d'une entreprise qui a pris la technologie conçue pour les réacteurs CANDU et l'a rendue utilisable sur le marché international des réacteurs à eau sous pression. Au cours des 20 dernières années, nous avons fabriqué pour environ 1,5 milliard de dollars d'équipement que nous avons exporté à des clients aux États-Unis et partout en Europe.
    Selon nous, il est important pour le Canada de mettre à jour la Loi sur la responsabilité nucléaire dans le but, en fait, de ratifier la CRC. La CRC est la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires; c'est une initiative de l'AIEA qui engage essentiellement la communauté internationale à adopter des normes communes pour le traitement des demandes d'indemnisation en cas d'accident nucléaire. À notre sens, c'est donc très important.
    Il y a cinq raisons pour lesquelles il est important de ratifier rapidement la CRC, tant pour le Canada que pour B&W Canada. Premièrement, la ratification donne de la crédibilité au Canada sur la scène internationale relativement à la puissance nucléaire, à la non-prolifération et au rôle de l'AIEA. Le fait que le Canada ne compte pas parmi les signataires du traité nous enlève de la crédibilité.
    Deuxièmement, elle rend possible la croissance et le développement d'une industrie d'exportation active, et ce marché d'exportation nous permet de gérer le genre d'équipement et de technologie que nous envoyons à l'étranger. En effet, les restrictions relatives à l'utilisation de la technologie nous permettent de gérer, jusqu'à un certain point, la façon dont la technologie est utilisée. En outre, la technologie occidentale a en soi l'avantage de rendre les autres centrales nucléaires plus sécuritaires.
    Nous croyons aussi que l'exportation augmentera grâce à la CRC, ce qui contribuera à équilibrer le commerce au Canada; nous trouvons ce point important.
    De plus, nous sommes d'avis que la ratification de la CRC aiderait aussi à préserver l'infrastructure nucléaire canadienne. Ce que je veux dire par là, c'est que des sommes importantes sont investies dans le but d'augmenter notre capacité d'être concurrentiels sur le marché mondial; le fait de desservir à la fois une industrie et un marché canadiens et internationaux plus vastes nous permet de faire ces investissements. Si nous devions nous fier uniquement au marché canadien, nous aurions de la difficulté à investir les sommes nécessaires à la croissance d'une entreprise.
    Finalement, le dernier point que j'aimerais présenter, c'est que la ratification attirerait de nouveaux vendeurs au Canada et qu'elle permettrait de faire entrer de la nouvelle technologie. De nombreuses entreprises n'ont pas le droit de faire des affaires au Canada ou sont limitées dans ce qu'elles peuvent faire étant donné que nous n'avons pas ratifié la CRC. La ratification permettrait d'importer de la technologie au Canada, elle créerait de la concurrence, elle stimulerait l'innovation et elle permettrait aux services publics canadiens de diminuer leurs frais.

  (1535)  

    En résumé, nous sommes d'avis que le projet de loi C-20 devrait être adopté et qu'il devrait être compatible avec la CRC; nous croyons aussi qu'une fois le projet de loi C-20 adopté, il faudrait ratifier rapidement la CRC.
    Merci, je serai heureux de répondre à vos questions à la fin.
    Merci, monsieur Lees.
    Nous passerons aux questions après les exposés des autres témoins.
    Je cède maintenant la parole à M. Murray Elston, vice-président aux affaires générales de Bruce Power.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je travaille pour Bruce Power, un exploitant d'établissement nucléaire privé situé dans le comté de Bruce, en Ontario. Nous exploitons six réacteurs CANDU et nous travaillons actuellement sur place à la remise en état de deux réacteurs. Les six réacteurs produisent environ 24 p. 100 de l'énergie de l'Ontario. Environ 3 800 personnes travaillent à temps plein sur les lieux, et quelque 3 000 autres participent au projet de remise en état; vous pouvez donc constater que nos installations offrent un nombre considérable de possibilités d'emploi. Nous continuons à représenter une partie importante des activités économiques de l'Ontario.
    Nous avons fourni au comité, par l'entremise de la greffière, une lettre datée du 27 octobre 2009. Je ne m'y reporterai pas, monsieur le président, à part pour souligner quelques points, étant donné que vous avez eu le temps d'y jeter un coup d'oeil.
    Je vais commencer par une des questions secondaires: l'offre d'assurance responsabilité. Je soulève la question parce qu'elle faisait partie du témoignage que j'ai présenté au comité à un autre titre en novembre 2007; à l'époque, nous examinions le projet de loi C-5, projet de loi que votre comité — quoi qu'il était formé d'autres membres — était prêt à adopter. Si les élections n'avaient pas été provoquées, le projet de loi C-5 aurait probablement été adopté par le Sénat, pour être ensuite adopté de façon finale. Or, cela ne s'est pas produit, et c'est pourquoi nous sommes de retour ici aujourd'hui.
    J'attire votre attention sur la question et je vous dis que très peu de progrès ont été faits relativement à l'offre d'assurance responsabilité, bien que nous continuions à travailler avec le ministère et à suivre des voies diverses pour trouver de la concurrence convenable en matière d'assurance responsabilité dans le but d'obtenir les meilleurs taux possible.
    Le deuxième point sur lequel j'attire votre attention, c'est que, comme M. Lees, nous voulons une mesure législative qui soit compatible avec la Convention sur la réparation complémentaire. Nous avons exprimé ce fait de manière précise dans notre lettre. C'est une des questions pour lesquelles l'industrie se serait attendue à constater des progrès depuis notre comparution en 2007. Je pense qu'au bout du compte, il est évident que la plus grande partie de l'industrie accueillera tout progrès qu'on puisse faire à bras ouverts; or, certains d'entre nous considèrent qu'il est très important de profiter de l'occasion qui s'offre à nous de nous assurer que l'industrie a véritablement accès au marché international. Votre comité, je crois, a reconnu la nature de l'évolution de notre industrie dans le cadre de ses toutes dernières séances, au cours desquelles vous avez abordé les questions liées à l'avenir de l'industrie nucléaire du Canada. Évidemment, la compatibilité avec la Convention sur la réparation complémentaire élargirait la gamme de possibilités qui s'offrent à nous.
    J'aimerais confirmer que Bruce Power appuie la limite prévue par la modification, de 650 millions de dollars; or, je le répète, étant donné l'augmentation du montant d'assurance et les frais associés aux primes d'assurance, nous cherchons de la concurrence pour nous aider à obtenir le meilleur prix possible.
    Au fil de votre étude, si vous ne nous proposez pas d'amendements, je pense que c'est important que nous soyons mis au courant des possibilités qui s'offrent au gouvernement de rendre la mesure compatible avec la Convention sur la réparation complémentaire; de plus, je crois que nous devrions être appelés à collaborer avec le comité. Si vous voulez examiner le genre d'amendements qui, à notre avis, pourraient rendre la mesure législative compatible, nous sommes prêts à vous fournir des ressources et à travailler avec vous à la revue des amendements proposés dans notre lettre.
    Je ne vais pas entrer dans les détails de ces amendements. Le tableau que vous avez devant vous en contient certains, mais je serais heureux, comme je viens de le dire, de revenir à Ottawa armé de ressources de l'entreprise au moment où vous procéderez à l'étude article par article, si vous décidez d'examiner plus attentivement le libellé des amendements. Si vous nous avertissez un peu à l'avance, nous pouvons comparaître devant vous au moment où vous aurez besoin de nous.

  (1540)  

    Cela dit, je serai heureux, moi aussi, de répondre à vos questions. J'aimerais simplement répéter que cela a eu lieu en novembre 2007, et que nous sommes maintenant en novembre 2009, c'est-à-dire deux ans plus tard. Par souci d'efficacité, nous préférerions ne pas avoir à revenir en novembre 2011 pour présenter un autre exposé. Je vous aime tous beaucoup et j'aime l'idée de parler au microphone encore une fois, mais ce serait bien que nous réussissions à venir à bout de la question d'un coup, plutôt que d'avoir à y revenir encore une fois.
    Cependant, je vous remercie de votre attention, monsieur le vice-président.
    Merci, monsieur Elston. Comme vous pouvez comprendre, le comité voit peut-être différemment le fait que nous soyons ici et que nous ayons l'occasion de vous parler à nouveau, mais laissons ce point de côté pour l'instant et continuons.
    Madame McClenaghan, voulez-vous présenter votre exposé?
    Mais avant de commencer, je tiens à dire que nous avons au moins une chose en commun, car nous estimons nous aussi que ce projet de loi aurait dû être revu depuis longtemps.
    Je n'ai pu m'empêcher de constater, en me documentant en prévision de la rencontre d'aujourd'hui, que dès 1984, mon organisme, l'Association canadienne du droit de l'environnement, a pris la parole pour s'exprimer sur la Loi sur la responsabilité nucléaire et y proposer certaines modifications. J'ai moi-même participé aux procédures liées à l'actuelle loi, de 1988 à 1995.
    Je vous remercie d'avoir invité l'Association canadienne du droit de l'environnement à comparaître devant vous. Notre organisme est en quelque sorte une clinique juridique publique sans but lucratif. Il a été créé en 1970, et son mandat l'amène autant à puiser dans les lois actuelles pour mieux protéger l'environnement qu'à favoriser la réforme du droit.
    Je tiens également à m'excuser si la version écrite de mon exposé n'a pas été prête à temps pour être traduite. J'en ai bien transmis une copie à la greffière, mais je comprends que, les règles du comité étant ce qu'elles sont, vous ne l'obtiendrez que plus tard.
    Ce n'est par ailleurs pas impossible que nous vous soumettions une autre lettre expliquant plus en détail les amendements proposés, mais j'y reviendrai brièvement pendant mon exposé.
    Essentiellement, nous avons trois propositions à faire à propos du projet de loi C-20. Premièrement, nous recommandons que le projet de loi soit amendé de manière à ce que la limite de responsabilité soit supprimée, tout comme les dispositions sur la responsabilité à l'égard de tiers, deux sujets sur lesquels je reviendrai dans un instant. Deuxièmement, nous recommandons que le montant minimal de l'assurance et de l'assurance financière auxquelles doivent souscrire les exploitants soit modifié afin d'augmenter substantiellement les ressources disponibles bien au-delà de ce que prévoit le projet de loi C-20 et de pourvoir aux conséquences d'un accident grave ayant des répercussions sur l'environnement extérieur. Troisièmement, nous recommandons que le projet de loi soit modernisé et tienne désormais compte des principes de la durabilité environnementale.
    Je reviendrai sur chacun de ces points dans l'ordre.
    En ce qui concerne la première proposition, à savoir supprimer la limite de responsabilité et l'exemption accordée aux fournisseurs, sachez que de nombreux pays ont déjà emprunté cette voie, ou sont sur le point de le faire. Au départ, on avait argué que la production d'énergie nucléaire à des fins pacifiques serait impossible sans une telle limite, mais c'est un argument qui ne tient plus la route. L'énergie nucléaire, présente au Canada depuis plusieurs décennies, y est maintenant bien établie. Alors si l'Allemagne et le Japon ont pu supprimer la limite de responsabilité chez eux, le Canada devrait pouvoir faire de même.
    Les pays qui ont supprimé toute limite à la responsabilité des exploitants cherchaient à harmoniser la production d'énergie nucléaire aux autres domaines d'activité industrielle et à montrer au monde que leur gouvernement avait entièrement confiance en leurs réacteurs.
    Rappelons également que l'instauration d'une limite de responsabilité revient, dans les faits, à subventionner la forme d'énergie électrique qu'est le nucléaire. Aucune autre forme d'énergie électrique ne bénéficie d'un tel avantage. En fait, la subvention correspond aux sommes que les exploitants économisent en n'ayant pas à payer les primes qu'ils devraient normalement débourser pour s'assurer contre un éventuel accident nucléaire grave et aux coûts que représenterait un tel accident. Et qui assume les coûts qui dépassent ces sommes aujourd'hui même? Qui les assumerait si le projet de loi C-20 était adopté? Le public, dont les dommages ne seraient pas indemnisés, ni les réclamations honorées, au-delà du montant équivalent à la limite établie. À moins évidemment que le gouvernement ne décide d'intervenir, mais rien n'est moins sûr, puisque ce serait à son entière discrétion.
    J'ajouterais que l'éventualité d'un accident grave au cours duquel des matériaux radioactifs pourraient échapper au confinement est un scénario tout à fait crédible qu'il faut prendre en considération à partir du moment où on envisage de recourir à ce type d'énergie et d'en encadrer la production par des règles. Lorsque vous le recevrez, vous pourrez voir dans mon mémoire qu'en 1992, la vérificatrice générale a déclaré dans son rapport que ce n'est pas parce que le programme nucléaire canadien n'a connu à peu près pas d'accidents nucléaires que ça ne peut pas arriver et qu'il ne faut pas tenir compte des conséquences d'un tel accident.
    Dans le procès dont je parlais tout à l'heure, le demandeur a démontré que les dommages causés par un très grave accident pourraient aller de 375 millions à 30 milliards de dollars, en dollars de 1990. Même les représentants de l'industrie avaient alors estimé, d'après des études menées aux États-Unis, puisqu'aucune étude n'avait été réalisée en sol canadien, qu'un accident grave pourrait causer pour 10 milliards de dollars de dommages. Dans un cas comme dans l'autre, nous sommes loin de ce que propose le projet de loi C-20.

  (1545)  

    Ce dernier propose notamment de couvrir certains types de dommages pouvant survenir lors du transport de combustible vers une centrale nucléaire ou à partir de celle-ci. Là aussi, la question a été soulevée dans un procès tenu il y a une dizaine d'années à propos de l'envoi d'un chargement de combustible MOX au réacteur de Chalk River, la preuve ayant alors cherché à savoir si les conteneurs auraient véritablement réussi à protéger la cargaison en cas d'accident grave, notamment d'accident aérien. Encore une fois, la limite de responsabilité risquerait de poser problème.
    Pour ce qui est de la responsabilité des tiers, comme vous le savez sans doute déjà, la loi actuelle et le projet de loi prévoient tous deux que l'ensemble des autres membres de la chaîne d'approvisionnement seront protégés contre toute responsabilité. Cette mesure date de l'époque où des indemnités ont été versées aux fournisseurs par divers exploitants, comme Énergie atomique du Canada limitée et Ontario Hydro, parfois même avec le consentement du gouvernement fédéral. Elle a par la suite été remplacée par la Loi sur la responsabilité nucléaire.
    Signalons tout d'abord que nulle part ailleurs dans l'industrie de la production d'électricité les autres membres de la chaîne d'approvisionnement sont ainsi protégés contre toute responsabilité. Or, comme l'industrie est aujourd'hui bien établie, ce type de protection n'a plus sa raison d'être.
    J'aimerais maintenant aborder la question de l'augmentation des exigences minimales en matière d'assurance, laquelle pourrait prendre plusieurs formes, comme la création d'un pool d'exploitants, et se traduirait par une augmentation de la couverture disponible. Je disais justement tout à l'heure que la couverture requise pourrait être de loin supérieure au montant prévu dans le projet de loi à l'étude.
    J'aimerais vous dire à ce sujet qu'aux États-Unis, comme vous le savez peut-être, la loi Price-Anderson prévoit un fonds commun d'assurance dont la fourchette peut varier, selon le taux de change et l'année, de 9 à 11 milliards de dollars pour un simple accident, l'argent provenant alors de fonds d'assurance combinés et communs, des cotisations de l'industrie et des suppléments de l'État. Même chose en Allemagne, au Japon et dans divers autres pays appliquant la Convention de Bruxelles: les fonds communs d'assurance et les suppléments fournis par l'État mettent des ressources bien plus grandes à la disposition de ceux qui pourraient souffrir d'un éventuel accident grave. En fait, les 650 millions proposés dans le projet de loi à l'étude ne s'approchent même pas de ce qui se fait juste au sud de la frontière.
    Le troisième point de mon exposé porte sur la durabilité et sur la manière dont le projet de loi doit être modernisé de manière à en respecter les principes. Je ne m'étendrai pas trop longuement sur le sujet et me contenterai de vous citer la Déclaration de Rio, à laquelle le Canada a adhéré en 1992.
    La Déclaration de Rio repose notamment sur le principe de l'équité intergénérationnelle. À notre avis, les dispositions du projet de loi à l'étude devraient respecter explicitement le principe 3 de la Déclaration de Rio. Quant au principe du pollueur-payeur, énoncé au principe 16, nous estimons que les autorités nationales devraient s'engager à favoriser l'internalisation des coûts environnementaux et l'utilisation d'instruments économiques en faisant sien le principe selon lequel c'est le pollueur qui devrait assumer les coûts de sa pollution. Bref, pour reprendre la terminologie du discours environnemental, il faut que les coûts associés à d'éventuels dommages soient internalisés et fassent partie intégrante de chaque activité. Nous croyons que le simple fait de supprimer la limite de responsabilité, d'augmenter les ressources disponibles et de supprimer la protection accordée aux fournisseurs tiers rapprocherait grandement le Canada du principe 16.
    En terminant, nous estimons que le projet de loi à l'étude doit être amendé.
    Je vous dirais à ce sujet que le projet de loi en question peut servir à atteindre plusieurs objectifs. Tout d'abord, s'il vise à rendre l'assurance obligatoire, nous croyons que cet objectif pourrait être atteint sans les exemptions et les limitations prévues en matière de responsabilité. S'il vise ensuite à créer une obligation spéciale ou une responsabilité absolue, nous croyons encore que cet objectif pourrait être atteint sans limite à la responsabilité des exploitants, comme ça se fait déjà ailleurs dans le monde. S'il vise à accélérer l'indemnisation, nous croyons que le projet de loi devrait alors prévoir la création d'un tribunal de revendications spéciales. Dans la même veine, s'il vise à fournir un certain niveau de protection aux fournisseurs, nous croyons que la signature de conventions d'indemnisation serait plus intéressante que la suppression pure et simple des droits des demandeurs ou des requérants.
    S'il vise enfin à promouvoir l'énergie nucléaire, nous demandons au comité de reconnaître que le principe même d'une limite à la responsabilité totale d'un exploitant et la protection des fournisseurs tiers contre toute responsabilité font en sorte que la promotion de l'énergie nucléaire se fait aux dépens du public, qui doit alors assumer les coûts supplémentaires. À notre époque, rien ne justifie une telle mesure.

  (1550)  

    Je vous demanderais enfin d'envisager la modification de la Loi sur la responsabilité nucléaire comme l'occasion de déterminer le système d'indemnisation dont le Canada souhaite se doter en cas d'accident, et non comme le moyen parfait d'accélérer l'exploitation de centrales nucléaires.
    Comme je le dis dans mon mémoire, j'estime que le système sur lequel le Canada doit pouvoir se reposer en cas d'accident doit aller au-delà de la protection législative traditionnelle dont a toujours joui l'industrie  — et qui la met justement à l'abri des conséquences d'un tel accident  — et doit au contraire prévoir que l'assurance minimale et les ressources communes qui serviront à aider les éventuelles victimes soient beaucoup plus élevées. Nous demandons que soient supprimées la limite de responsabilité et la protection des tiers. Nous proposons en revanche de retenir certains autres éléments, comme la responsabilité absolue, la prolongation du délai de prescription, le maintien de la compétence des tribunaux et la création d'un tribunal spécialisé, mais absolument rien ne justifie qu'on conserve la limite de responsabilité et la protection contre la responsabilité dont jouissent les fournisseurs tiers, car ils ne sont aucunement liés à ces éléments.
    Je vous remercie.

  (1555)  

    Merci beaucoup, madame McClenaghan.
    Je cède maintenant la parole à Shawn-Patrick Stensil, de Greenpeace.
    Merci beaucoup de nous permettre de prendre la parole encore une fois.
    Greenpeace publiait aujourd'hui même un rapport analysant les subventions que la loi à l'étude fournit à l'industrie nucléaire. J'espère que vous en avez reçu une copie par courriel. Quoi qu'il en soit, j'en remettrai une à la greffière. Il y a aussi un résumé de ce rapport en français.
    Pour débuter, permettez-moi de mettre deux éléments en contraste. Cette année seulement, le gouvernement fédéral a versé 650 millions de dollars en subventions à Énergie atomique du Canada limitée pour que l'organisation puisse dépolluer ses déchets, concevoir son générateur de prochaine génération, assumer les dépassements de coûts de ses projets et payer ses factures courantes d'électricité. Vous conviendrez avec moi que c'est intéressant de comparer le montant qu'a ainsi reçu EACL en 2009 avec le montant que la loi à l'étude propose comme limite de responsabilité.
    Je crois que ce raisonnement soulève certaines questions on ne peut plus raisonnables sur la capacité qu'aurait le projet de loi C-20 de protéger efficacement les Canadiens contre un éventuel accident, tant sur le plan environnemental que financier. Force est également de constater que l'industrie nucléaire n'a pas les moyens d'assurer sa propre existence. Ce qui me ramène au point que je soulevais ici-même il y a trois semaines, selon lequel l'industrie nucléaire, même si elle a reçu des milliards de dollars en subventions directes et indirectes au cours des 50 dernières années, n'a pas réussi à innover, ni à abaisser ses coûts, ni à concevoir des réacteurs vraiment sécuritaires.
    La protection spéciale dont jouit l'industrie nucléaire et les fondements de l'actuel régime de responsabilité datent en fait des années 1950, alors que les fournisseurs de produits nucléaires des États-Unis craignaient d'être poursuivis pour les dommages catastrophiques qui seraient causés si un accident survenait dans l'un de leurs réacteurs. La situation devait n'être que temporaire, mais elle perdure encore aujourd'hui.
    Je dois cependant dire à sa décharge que le gouvernement au pouvoir, comme ceux qui l'ont précédé, a entrepris de moderniser l'industrie nucléaire en privatisant Énergie atomique du Canada limitée, ce qui a permis de transférer les coûts du contribuable à l'industrie. Greenpeace est convaincue que c'est une bonne chose, pour les contribuables, pour l'environnement et pour le propre bien de l'industrie nucléaire, que le gouvernement force cette dernière à se prendre en main, comme le devrait toute bonne industrie établie depuis déjà 50 ans.
    Dans sa forme actuelle, la Loi concernant la responsabilité civile et l'indemnisation des dommages en cas d'accident nucléaire n'a rien de moderne. Elle repose encore sur les mêmes prémisses législatives que dans les années 1950 et accorde encore la priorité à l'industrie, au détriment des citoyens et de l'environnement. Greenpeace exhorte donc les membres du comité, et du Parlement minoritaire en général, à travailler dans un esprit de collaboration, à moderniser le projet de loi à l'étude et, comme l'a fait le gouvernement lorsqu'il a privatisé EACL, à forcer l'industrie à gagner en maturité. En agissant de la sorte, ce sont autant les contribuables que les éventuelles victimes d'un aussi éventuel accident nucléaire et la sécurité nucléaire elle-même qui y gagneraient, sans compter que le Canada pourrait du coup tenir une partie de ses engagements et se tourner vers une économie de plus en plus durable.
    Voici maintenant un bref résumé de nos préoccupations:
    À cause de la limite de responsabilité, les victimes canadiennes d'un éventuel accident nucléaire seraient moins bien indemnisées par l'industrie que celles des autres pays occidentaux. La limité prévue dans la Convention de Paris dépasse le milliard de dollars canadiens. C'est vers là que se dirigent aussi le Japon et la Suède, alors que, comme nous le disait Theresa, d'autres pays, dont l'Allemagne, ont carrément supprimé toute limite à la responsabilité des exploitants.
    Car il ne faut pas oublier que cette limite constitue en fait une forme de subvention à l'énergie nucléaire. Dans le rapport que nous avons publié aujourd'hui, nous avons calculé que cette subvention se situait quelque part entre 5,4 ¢ et 11 ¢ le kilowattheure. C'est énorme. Si on applique ces chiffres à l'électricité produite par les réacteurs du Canada en 2007, cela revient à dire que la Loi concernant la responsabilité civile et l'indemnisation des dommages en cas d'accident nucléaire a versé une subvention cachée variant de 4,8 à 9,7 milliards de dollars. Comment voulez-vous que les technologies énergétiques vertes puissent se développer dans un milieu aussi injuste? Et quel message cela envoie-t-il sur l'engagement du Canada en matière de durabilité et d'application du principe de pollueur-payeur?
    La limite de 650 millions de dollars fait également en sorte que la décontamination en cas d'accident nucléaire passe des mains de l'industrie à celles du gouvernement fédéral. C'est comme pour les responsabilités non comptabilisées qui ont été récemment associées aux dépassements de coûts de la centrale nucléaire de Pointe Lepreau: là aussi, les risques étaient censés n'être que théoriques. Pourtant, voilà qu'en 2009, les contribuables fédéraux se retrouvent avec une facture imprévue de 300 millions de dollars. Cela place un poids énorme sur les épaules des contribuables. Et malheureusement, à notre connaissance, le gouvernement fédéral n'a mené aucune étude permettant de dire exactement à combien se chiffre ce fardeau et n'a pris aucune mesure pour le réduire ou l'éliminer.
    Selon les études réalisées par l'industrie, les seules conséquences sanitaires d'un éventuel accident catastrophique à la centrale de Pickering B s'élèveraient à 52 milliards de dollars. C'est plutôt élevé, comme responsabilité non comptabilisée, et vous conviendrez avec moi que, d'un point de vue strictement comptable, c'est loin d'être responsable.

  (1600)  

    Notre engagement à long terme à l'égard du principe du pollueur-payeur exige, à tout le moins, que nous mettions en place des mécanismes pour faire le suivi de cette responsabilité et que nous la réduisions et l'éliminions, c'est-à-dire que la responsabilité des risques nucléaires n'incombe plus au contribuable mais bien à l'industrie. Je demanderais au comité d'envisager des façons de réviser le projet de loi pour ce faire.
    Greenpeace remet également en question le bien-fondé des études fédérales sur les risques utilisées à l'appui du plafond de 650 millions de dollars au titre de la responsabilité pour des présumés accidents nucléaires prévisibles. Greenpeace voudrait faire remarquer que les études sur les risques nucléaires sont de plus en plus tenues à l'écart du public, ce qui soulève des questions de transparence. Aux termes de la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire que l'on propose d'instaurer, les risques sont publics, et nous méritons de pouvoir faire l'examen minutieux et l'évaluation des risques qui nous sont imposés.
    D'autres études réalisées par l'industrie contredisent le plafond de 650 millions de dollars. Par exemple, si l'on fait les calculs, un accident nucléaire prévisible à la centrale nucléaire Pickering B coûterait plus d'un milliard de dollars, ce qui est non conforme aux propres critères du gouvernement pour fixer le plafond.
    Finalement, la mesure législative proposée ne tient vraiment pas compte des engagements actuels et des obligations juridiques à l'égard du développement durable et du principe pollueur-payeur. En effet, la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire bafoue ce principe et exige des Canadiens qu'ils paient, potentiellement, pour la pollution industrielle.
    Essentiellement, nombre de mes préoccupations au sujet de la transparence et des risques financiers et environnementaux imposés au public seraient apaisées si cette mesure législative était modifiée pour reconnaître et mettre en oeuvre les objectifs du Canada en matière de développement durable. Sur ce point, je me demande pourquoi cette mesure législative a fait fi de l'engagement du Canada à l'égard du développement durable.
    Il y a tout juste deux semaines, la ministre Raitt a dit au comité que le projet de loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire:
...est l'aboutissement de nombreuses années de consultations qui ont donné lieu à des discussions approfondies avec les principaux intervenants, notamment les services publics d'énergie nucléaire, les gouvernements des provinces productrices d'énergie nucléaire et la Nuclear Insurance Association of Canada — et il jouit d'un appui très large.
    C'est-à-dire l'appui de l'industrie. Elle omet de mentionner des consultations auprès du public canadien ou, par exemple, des administrations municipales pour lesquelles un accident nucléaire aurait des conséquences néfastes.
    Greenpeace a obtenu, par le truchement de l'accès à l'information, une note d'information de Ressources naturelles qui remonte à 2004 dans laquelle on reconnaît expressément qu'on a évité de tenir des consultations auprès des intervenants non industriels pendant l'élaboration de ce projet de loi. Le document énonce, et je cite:
La question de la consultation des groupes non industriels se pose. Les municipalités, les groupes environnementaux et le public n'ont pas été consultés.
    Dans le même document, on peut également lire:
Les consultations menées auprès de ces groupes susciteraient pas mal d'attention.
    Comme il le fait avec la plupart des études liées à l'industrie nucléaire, le gouvernement s'est gardé de tenir de vastes consultations publiques pour éviter, j'ajouterais, des critiques justifiées et un examen minutieux de cette mesure législative.
    M. Elston a indiqué que cette loi a été reportée un certain nombre de fois parce que le Parlement a été prorogé. Je ferais également remarquer que, dans d'autres documents obtenus par l'intermédiaire de l'accès à l'information de 2004, l'industrie nucléaire a conseillé à l'industrie de ne pas présenter ce projet de loi à ce moment-là. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais cela ne semblait pas utile sur le plan politique. Alors nous devrions pouvoir prendre un peu de recul dans ce dossier.
    Somme toute, cela a donné lieu à un projet de loi qui accorde la priorité aux intérêts de l'industrie, floue les Canadiens et fait fi des obligations juridiques actuelles du gouvernement fédéral à l'égard du développement durable. J'invite donc le comité à collaborer pour créer une meilleure mesure législative dans l'intérêt du public et pas seulement de l'industrie.
    Greenpeace recommande très fortement que les mesures suivantes soient prises: rehausser le plafond de l'assurance à au moins 700 millions d'euros, ou environ un milliard de dollars canadiens, c'est-à-dire la norme pour l'industrie des pays occidentaux; de plus, éliminer le plafond de la responsabilité et rejeter la responsabilité des risques sur l'industrie — des pays comme l'Allemagne l'ont fait, et la Suède a reçu, il y a trois semaines, un rapport lui recommandant de suivre cet exemple — et reconnaître les engagements du Canada à l'égard du développement durable et du principe pollueur-payeur dans les objectifs de la loi. Ces facteurs devraient primer au cours des futures révisions de la loi, comme l'examen quinquennal sur le plafond au titre de la responsabilité.
    Les examens quinquennaux futurs devront se pencher sur le manque de transparence publique que nous avons observé avec la loi actuelle; c'est-à-dire qu'ils ne devraient pas seulement être menés à la discrétion du ministre, comme il en est maintenant question dans la loi.

  (1605)  

    Pareils examens doivent clairement étudier et indiquer la mesure dans laquelle la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire distord les marchés de l'électricité en subventionnant les exploitants de centrale nucléaire, et les examens futurs devraient s'attacher au principe pollueur-payeur.
    Finalement, des collègues nous ont parlé aujourd'hui de la Convention sur la réparation complémentaire. Nous devrions probablement avoir une discussion plus vaste à ce sujet.
    Ce que je crois comprendre de cette convention est qu'elle pourrait faire en sorte que le Canada doive assumer les coûts d'accidents à l'étranger, alors si un accident survient dans un autre État membre de la convention, il est possible que les contribuables canadiens aient aussi à en assumer les coûts. Étant donné que ce serait une responsabilité canadienne, nous devrions probablement tenir une discussion plus vaste à ce sujet.
    Ceci met fin à ma déclaration.
    Merci beaucoup, monsieur Stensil.
    Nous allons maintenant poser des questions à nos témoins. La parole est à l'opposition.
    Monsieur Regan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Premièrement, je crois comprendre que si le gouvernement devait donner suite à la convention, il devrait présenter une mesure législative pour ce faire. Dans ce cas, je présume qu'elle serait soumise à l'examen de notre comité à ce moment-là. Peut-être l'étudierons-nous. Nous verrons.
    Le comité a entendu aujourd'hui et avant cela que d'autres administrations avaient des limites de responsabilité bien supérieures à 1 milliard de dollars. J'aimerais des commentaires sur le niveau de ces limites dans le projet de loi à l'étude, en particulier de la part de MM. Lees et Elston. Comment les 650 millions de dollars de ce projet de loi reflètent-ils ce qui se fait ailleurs?
    Deuxièmement, quelles seraient les implications de fixer la limite de responsabilité à 1,2 milliard de dollars, par exemple, comme nous l'avons vu à certains endroits? Qu'est-ce que cela signifierait pour le secteur nucléaire, les exploitants de centrales, le public et la sécurité publique en particulier?
    Je peux peut-être commencer.
    Premièrement, pour ce qui est d'un montant raisonnable, que ce soit 650 millions de dollars ou plus, je crois comprendre que 650 millions de dollars est supérieur aux niveaux actuels dans d'autres pays. Je suis conscient du fait que d'autres pays parlent de responsabilité illimitée, mais il faut interpréter cette notion avec circonspection. Ces mêmes pays permettront à un service public nucléaire de créer une société dont le seul bien est la centrale nucléaire même, alors fondamentalement, il est possible de créer une responsabilité beaucoup moindre qu'on peut imaginer quand on parle de responsabilité illimitée. Je crois que cela doit être bien clair lorsque l'on compare ce que le Canada et d'autres pays pourraient faire.
    Je crois aussi comprendre que le projet de loi C-20a le pouvoir de rehausser régulièrement le niveau sous réserve de l'approbation et peut-être même d'un examen quelconque de la part de RNCan. Le projet de loi prévoit donc déjà une disposition pour permettre une indexation de la valeur monétaire si l'on juge, à un moment donné, qu'elle n'est pas adéquate ou conforme à la Convention sur la réparation complémentaire au fur et à mesure qu'elle évolue.
    Je ne sais pas, Murray, si vous avez quelque chose à ajouter.
    Oui. En fait, je crois qu'on estime qu'une augmentation de 75 millions, le niveau actuel, à 650 millions de dollars rehausse considérablement la protection contre les accidents.
    Je pense que l'industrie elle-même fait des heures supplémentaires pour assurer un fonctionnement sécuritaire, et comme l'a indiqué Mme McClenaghan, nous avons été en sécurité. Nous n'avons pas eu ce type d'accident pendant les 40 années et plus que nous avons eu des réacteurs commerciaux pour générer de l'électricité au Canada, mais comme industrie, nous reconnaissons que nous devons rehausser la limite de 75 millions de dollars, que nous estimons trop peu élevée, à 650 millions, montant qui se situe, je crois, dans la moyenne mondiale. En effet, nous appuyons ce changement, car nous reconnaissons le besoin de moderniser.
    Cela dit, je remarque que cela nous amène à la deuxième partie de mon exposé, dans laquelle j'ai dit que si nous atteignons ces limites plus élevées, alors nous devons pouvoir chercher l'assurance responsabilité qui offre le meilleur rapport qualité-prix. C'est donc dire, monsieur Regan, que le fait d'envisager de passer de 75 à 650 millions de dollars présente des problèmes particuliers.
    Nous estimons qu'il s'agit d'une augmentation valide et raisonnable de la protection qui nous amène vers des limites acceptables à l'échelle internationale.

  (1610)  

    Pendant votre déclaration, lorsque vous avez soulevé la question de trouver la meilleure protection, vous n'avez pas apporté de précisions. Pouvez-vous nous dire ce que vous prévoyez?
    En vertu des dispositions de ce projet de loi, nous avons l'occasion de désigner un assureur qui se trouve au gouvernement. À l'heure actuelle, il s'agit d'une association d'assureurs, qui est la seule partie à qui nous pouvons faire appel au Canada. Nous avons fait des exposés à RNCan — pas seulement pour la centrale nucléaire Bruce Power, mais pour deux ou trois autres générateurs nucléaires — pour voir si nous pouvons trouver une bonne façon de désigner d'autres concurrents sur le marché.
    Nous avons été incapables de proposer qu'on ait un deuxième ou même un troisième assureur pour comparer les prix. Nous croyons que le Pool canadien d’assurance des risques atomiques a des concurrents ailleurs — il y en a peut-être certains aux États-Unis et assurément d'autres en Europe. Comme nos limites s'élèvent à 650 millions de dollars, il est, de toute évidence, important d'obtenir les meilleures primes possibles.
    Merci.
    Madame McClenaghan, en cas d'accident nucléaire au Canada — nous espérons évidemment que cela ne se produise jamais — quelle serait, selon vous, l'ampleur exacte des responsabilités qui en découleraient pour les exploitants — je suppose que c'est une question que vous avez étudiée comme avocate — et les contribuables canadiens?
    Cette question s'est posée dans le litige que j'ai mentionné tout à l'heure. La procédure pour les demandeurs, que je représentais, indiquait qu'en fonction des hypothèses au sujet du type d'accident, la direction du vent — tous ces facteurs changent énormément la donne — la responsabilité pourrait se situer entre 375 millions et 30 milliards de dollars. Le spécialiste qui a parlé de 30 milliards de dollars a indiqué qu'il s'agissait probablement, dans certains cas, d'une sous-évaluation. Comme je l'ai indiqué, selon les preuves présentées par Ontario Hydro dans la même affaire, fondées sur la même hypothèse d'un accident impliquant une fuite, on a évalué les coûts à 10 milliards de dollars, en fonction du modèle américain. Alors, dans les deux cas, le montant était plus élevé que 650 millions de dollars.
    J'ajouterais même que la Price-Anderson Act aux États-Unis, qui offre entre 9 et 12 milliards de dollars, en fonction du taux de change utilisé, en est arrivé à ce montant en raison, notamment, de l'accident de Three Mile Island et parce qu'elle a reconnu que s'il survenait un accident impliquant des fuites de matériel radioactif, la disposition préexistante sur l'indemnisation serait insuffisante. On a, en fait, empilé un certains nombres de types de couverture afin d'en arriver à ce nombre total de ressources disponibles.
    Merci, monsieur Regan.
    Mme Brunelle a maintenant sept minutes poser des questions.
    Madame Brunelle.

[Français]

    Madame McClenaghan et monsieur Stensil, vous semblez avoir en commun la volonté d'abolir la limite maximale de la responsabilité, qui se chiffre à 650 millions de dollars. Je me demande dans quelle mesure c'est réaliste. Vous nous parlez de responsabilité illimitée, mais compte tenu du fait que le gouvernement se dirige vers la filière nucléaire, croyez-vous que c'est ce dernier qui va payer les primes pour les exploitants, en fin de compte?

  (1615)  

[Traduction]

    Oui. C'est ce qui se produit maintenant, en fait. En vertu de la loi en vigueur, dans laquelle le montant se limite à 75 millions de dollars, le consortium d'assureurs auquel M. Elston a fait allusion a fini par assurer le plein montant.
    Mais ce n'était pas vrai au départ. À l'origine, le consortium privé en assurait environ la moitié, et le gouvernement du Canada, plus ou moins par l'intermédiaire d'une entente de réassurance, couvrait le reste. Dans bien des régions du monde, un montant est offert par un regroupement de pools d'assureurs et d'États, c'est-à-dire des nations qui s'engagent à verser un certain montant afin d'en arriver à ces totaux. Elles le font, probablement, dans le cadre d'une décision stratégique pour accélérer l'utilisation de l'énergie nucléaire.

[Français]

    Monsieur Stensil, souhaitez-vous répondre?
    En définitive, je pense que notre argument est le même. Nous ne voulons pas que les frais de l'assurance soient payés par le gouvernement fédéral ou les contribuables. Il faut les transférer à l'industrie. Il y a deux aspects à cela. Il faut s'assurer qu'il y a assez d'argent pour compenser les dommages en cas d'accident, mais il faut aussi que ce soit une assurance illimitée, comme ça commence à être le cas en Allemagne et en Suède. Ce n'est pas symbolique: c'est une façon de responsabiliser l'industrie et de lui faire savoir que ce sera sa responsabilité, en cas d'accident.
    Lorsqu'on parle d'industrie, on parle certainement de rentabilité. Je me demande dans quelle mesure il est réaliste d'employer cette façon de faire sans que le pollueur-payeur ne devienne un pollueur-payé. Les coûts de l'électricité produite exploseront-ils? Comment peut-on penser que c'est une chose réaliste? Aussi bien dire qu'on abandonne cette filière nucléaire qui coûte trop cher en primes de responsabilité.
    En Allemagne, ils ont une autre façon de faire concernant les assurances. Je pense que c'est security en anglais. Il faut avoir 2,5 milliards de dollars en réserve en cas d'accident. Ce n'est pas tout à fait suffisant, mais c'est mieux. À long terme, si l'industrie sait qu'elle sera tenue responsable en cas d'accident, elle fera plus attention.
    Des amis des États-Unis m'ont dit qu'en raison du pooling là-bas, quand une compagnie cause un peu de problèmes et qu'elle n'est pas bien gérée, les autres lui mettent de la pression pour qu'elle gère mieux la situation. Il y a d'autres modèles, mais le principe est que c'est le pollueur qui paie.
    Ce n'est peut-être pas réaliste qu'il paie tout, mais la question demeure problématique dans l'industrie en général.
    Monsieur Stensil, nous dites-vous qu'en Allemagne, les compagnies peuvent endosser des actifs en compensation pour les primes? C'est-à-dire que si une compagnie a des actifs pour x milliard de dollars, cela pourrait compenser pour les primes?
    Je ne pense pas. Je ne sais pas comment dire security en français; je ne pense pas que ce soit l'assurance. Murray le sait peut-être. Ils ont une autre façon de mettre de l'argent de côté —, les 2,5 milliards de dollars.
    Cela répond-il à votre question?
    Ce n'était pas tout à fait cela, mais on explorera cela.
    Merci.
    D'accord.
    Monsieur Elston, je comprends, dans ce que vous nous dites, que selon vous, il est impossible d'obtenir une assurance à un prix concurrentiel si c'est pour plus de 650 millions de dollars. Vous doutez donc de ce que les autres avancent lorsqu'ils disent que c'est en abolissant la limite maximale qu'il sera possible d'être assuré.

[Traduction]

    Je crois, madame Brunelle, que nous laissons entendre que le fait de passer de 75 à 650 millions de dollars exercera des pressions énormes sur la capacité des assureurs actuels de nous offrir cette protection, mais nous cherchons à accroître le nombre d'assureurs vers qui nous tourner pour obtenir les taux concurrentiels dont nous estimons avoir besoin pour jouir d'une protection à un prix raisonnable. Nous croyons que la meilleure façon de faire serait d'élargir le pool d'assureurs pour nous garantir un bon rapport qualité-prix. Alors je dirais que vous obtenez deux avantages. Premièrement, grâce à la protection accrue, vous avez un meilleur choix d'assureurs et, deuxièmement, grâce à la concurrence entre les différents assureurs, vous pouvez ensuite choisir une option avantageuse.
    Je crois que la situation la plus difficile pour quiconque sur le marché est de ne pas avoir de choix. Je crois que le changement que nous proposons serait une bonne chose pour nous.

  (1620)  

[Français]

    Vous nous dites, dans votre présentation, que vous êtes inquiet et préoccupé par la possibilité que la ministre en arrive à augmenter cette limite sans consulter adéquatement les intervenants. Ce qui vous préoccupe, est-ce l'explosion des coûts des primes d'assurance?

[Traduction]

    Je crois que la principale préoccupation réside plus dans le fait que, du point de vue des affaires, il faut toujours privilégier la certitude. Je crois que les entreprises préfèrent toujours pouvoir compter sur une progression raisonnable vers un examen et des consultations afin d'être en mesure de prendre les arrangements appropriés pour composer avec toute modification susceptible d'être approuvée. Voilà notre principale préoccupation. Je ne crois pas nécessairement que la principale préoccupation soit celle de la multiplication de ces coûts, mais plutôt la certitude que nous serons en mesure d'avoir des choix concurrentiels.
    Merci, madame Brunelle. Votre période de sept minutes est terminée.
    Monsieur Cullen.
    Autrement dit, monsieur Elston, si la ministre devait modifier cette loi, vous aimeriez être consulté avant la modification ou pendant qu'elle est apportée. Voilà ce qui vous préoccupe.
    M. Murray Elston: Oui.
    M. Nathan Cullen: Que pensez-vous du point que M. Stensil a soulevé au sujet du défaut de consulter les intervenants non industriels à ce stade-ci du processus? Croyez-vous que les intervenants non industriels devraient être invités à participer au processus de consultation que suit le gouvernement?
    Je crois que M. Stensil parlait de 2004. Au stade préliminaire de tout examen législatif, je pense qu'il n'est pas rare d'avoir à commencer avec quelqu'un, mais dans la présente situation, la différence est, de toute évidence, que nous comparaissons devant ce comité parlementaire pour la deuxième fois avec une mesure législative qui a vraiment attiré l'attention d'une bonne partie du public.
    En fait, j'ai jeté un coup d'oeil rapide à la liste de certains des témoins de la dernière fois. Un point de 2004, qui je crois attirerait l'attention, n'est pas mauvais au théâtre, mais lorsque la réalité de notre situation actuelle est que le gouvernement a déjà suivi cette voie, par l'intermédiaire du même comité parlementaire, en fait avec les mêmes membres, mais pas exclusivement, on pourrait se préoccuper de ne pas avoir donné d'avis au public en l'absence de consultations. Or, dans cette situation, un avis a été donné deux fois plutôt qu'une. Je crois que nous avons tous été préparés.
    Je pense que les exposés qui ont été faits ici devraient balayer la préoccupation selon laquelle le public n'a, en quelque sorte, pas été informé des modifications.
    Je présume que les assurances font partie des coûts d'exploitation, au même titre que la main-d'œuvre et les matériaux de construction.
    Oui.
    La loi impose un plafond à la couverture d'assurance de votre secteur. Les autres sources de production d'énergie ont-elles une limite semblable?
    Je ne peux pas parler de toutes les autres formes d'énergie, mais puisque la plupart des sociétés d'énergie canadiennes appartiennent à des actionnaires du gouvernement, un certain nombre d'entre elles ont un programme d'autoassurance. Il suffit de prendre les divers endroits où l'actionnaire peut affirmer, par exemple, qu'il va créer son propre régime d'assurance parce qu'il exploite les systèmes d'électricité...
    Vous insinuez que ces autres formes sont subventionnées par le secteur public parce qu'elles lui appartiennent.
    Certaines personnes aiment le mot « subvention » parce qu'il retient beaucoup l'attention. Sur le plan des affaires, il est logique que les actionnaires du secteur de l'électricité prennent leurs propres mesures afin d'assurer la sécurité des gens. Je n'y vois rien de mal. Je ne le considère pas comme une subvention. La question pousse clairement ces entités non seulement à assurer la sécurité, mais également à exploiter leurs services publics de manière à ce que leurs bénéficiaires profitent de tarifs d'électricité très sûrs et concurrentiels.
    La décision des actionnaires n'est donc pas une question d'octroi de subventions; il s'agit plutôt de rendre leur pays compétitif dans un monde où il est très difficile de faire des affaires.

  (1625)  

    D'accord.
    Avez-vous estimé les coûts d'un accident nucléaire pour votre établissement?
    Si une estimation a été effectuée, je ne l'ai pas vue. Pour ma part, je n'en ai pas fait.
    Savez-vous si le gouvernement fédéral est en train d'estimer les coûts engendrés par des accidents nucléaires au Canada?
    Non, mais je sais qu'il a envisagé des éventualités. Je n'en ai pas vu la couleur.
    Je sais par contre que le litige dont parle Mme McClenaghan a impliqué une série de spécialistes. Je vais en prendre connaissance, et je pourrai vous transmettre la décision rendue dans cette affaire au comité pour qu'il l'examine.
    Je vais adresser ma prochaine question à Mme McClenaghan.
    Il semble y avoir une divergence d'opinions quant à savoir si le projet de loi respecte les normes internationales. Lorsqu'elle a comparu, la ministre a affirmé que le plafond de 650 millions de dollars « s'appuie sur l'exemple offert par d'autres pays ».
    Je suis un peu confus. En dollars canadiens, l'Europe a un plafond de 1,5 milliard, le Japon a une limite de 1,4 milliard, et la responsabilité des États-Unis est mise en commun et illimitée.
    Le montant de 650 millions est-il correct? Est-il égal? Est-il le même? Est-il différent?
    Certains pays ont un plafond semblable en vertu de la Convention de Bruxelles. À l'heure actuelle, il s'agit de la Suède, jusqu'à ce que la limite change, la Belgique, le Royaume-Uni, l'Espagne et la France.
    D'autres pays n'exploitent que des réacteurs de recherche. Ce sont l'Italie, la Norvège et le Danemark. Même s'ils ont seulement des réacteurs de recherche, ces pays n'ont droit qu'à 650 millions de dollars.
    Les Pays-Bas, les États-Unis, l'Allemagne et le Japon ont tous droit à une couverture de 12,6 milliards de dollars et plus. Ces données sont tirées du rapport de 2005 de la commissaire au développement durable, quand elle a examiné la pétition que Ziggy Kleinau avait...
    La commissionnaire fait-elle erreur en laissant entendre que l'obligation de rembourser de ces autres pays est plus élevée?
    La ministre fait-elle erreur en disant que...
    Je présume que la ministre fait allusion aux pays qui ont effectivement le montant de 650 millions de dollars.
    Oui, ceux qui utilisent des réacteurs de recherche...
    Certains utilisent des réacteurs de recherche, d'autres ne font que respecter la Convention de Bruxelles en vigueur. Certains d'entre eux envisagent actuellement des augmentations, comme l'a souligné M. Stensil. C'est le cas de la Suède.
    Monsieur Stensil, M. Elston ne savait pas si d'autres formes... Je me questionne sur l'énergie éolienne, solaire et marémotrice. Le gouvernement a-t-il imposé un plafond à la couverture d'assurance liée aux accidents potentiels ou à des responsabilités qu'ont d'autres formes de production d'électricité au pays?
    Pas à ma connaissance. Comme je l'ai mentionné, dans ce secteur, tout a commencé dans les années 1950, lorsque les fournisseurs américains ont voulu exporter leurs produits; ils craignaient d'être poursuivis dans d'autres pays. C'est alors que d'autres pays ont commencé à imposer ces régimes de responsabilité, car rien ne garantit aux fournisseurs que leurs réacteurs ne subiront pas d'accidents. Voilà pourquoi cette loi existe.
    À mon avis, si les représentants du secteur discutent maintenant de la Convention sur la réparation complémentaire, c'est notamment parce que, pour la première fois, le Canada souhaite acheter des réacteurs de fournisseurs étrangers comme Westinghouse, la société française Areva et des fournisseurs japonais. Ces sociétés craignent peut-être de s’exposer à des litiges si elles devaient construire au Canada et qu’elles n’avaient pas de plafond aux États-Unis.
    Monsieur Cullen, désolé de vous interrompre, mais votre temps est écoulé pour cette série de questions.
    Je cède maintenant la parole à M. Trost pour sept minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Tout d'abord, je tiens à dire, monsieur Elston, que certains d'entre nous sont également très las de ce projet de loi. Espérons donc que cette fois-ci sera la bonne.
    Vous devez être découragés... [Note de la rédaction: inaudible]
    Non, pas les personnalités.
    En écoutant toutes vos observations, j'ai remarqué avec le plus grand intérêt que personne ne semble appuyer le texte de loi actuel comme étant quelque chose que nous devons… Je vois des gens faire signe que oui.
    Ainsi, corrigez-moi si je me trompe, mais serait-il juste de dire qu’il faut absolument se débarrasser de la loi en vigueur et qu’il est préférable d'aller de l'avant avec un projet de loi semblable à celui-ci, quitte à réessayer plus tard si tous vos intérêts particuliers ne sont pas satisfaits — qu’il s’agisse des entreprises ou des groupes environnementaux —, au lieu d’en rester au plafond de 75 millions de dollars? N'est-il pas mieux d'aller de l'avant avec un projet de loi incomplet plutôt que de rester avec la loi actuelle?
    Vais-je trop loin, ou êtes-vous tous d’accord?

  (1630)  

    Presque. La seule différence entre la loi actuelle et le projet de loi C-20 est le montant de la couverture. Ainsi, tandis que le Canada ne respecte pas depuis longtemps ce qui a été jusqu'à maintenant la pratique internationale, nous estimons que le montant de 650 millions demeure insuffisant et que le public n'y verra pas de grande différence.
    Cependant, c'est mieux que 75 millions de dollars.
    Cela sous-entend que, si un accident évalué à 650 millions de dollars se produisait, le gouvernement fédéral n'interviendrait pas.
    Mais s'il s'agissait de 650 millions de dollars, il interviendrait si le plafond était de 75 millions de dollars. Je crois que nous pouvons tous en convenir.
    J'ai une question brève à poser aux entreprises. En quoi le retard dans l'adoption du projet de loi a-t-il influencé les décisions des entreprises, le lancement de projets, et ainsi de suite? Comme nous l'avons mentionné, il a fallu attendre longtemps. Le retard a-t-il entraîné des répercussions?
    Oui, nous avons beaucoup de difficulté à importer au Canada des technologies étrangères, dans le cadre d'une entente de partenariat ou autre. De fait, les autres pays craignent l'absence d'un régime de responsabilité nucléaire convenable pour les protéger en cas d'incident.
    C'est parce que Babcock & Wilcox, Bruce et d'autres sociétés sont des tierces parties. Vous n'exploitez pas tout à fait des réacteurs au Canada...
    Oui, c'est exact.
    ... et cela vous touche donc également, ainsi que d'autres petites entreprises?
    Oui, nous sommes touchés. La négociation de tout accord possible est beaucoup plus difficile parce qu’il faut régler cette question de la gestion du risque. Nous avons des biens aux États-Unis qui seraient exposés à des risques s’il advenait un incident transfrontalier. Pour des raisons semblables, nous ne pouvons pas faire des affaires dans certains autres pays.
    Il ne fait donc aucun doute que le retard a un impact sur notre capacité à faire croître notre entreprise comme nous le voulons.
    Je ne peux pas énumérer le grand nombre de mesures que nous n’avons pas prises à cause du retard. Toutefois, dans le contexte du renforcement de la concurrence mondiale et de la nécessité de voir à ce que l'industrie canadienne elle-même soit assez forte et capable d’y arriver, cette loi a l'avantage de nous préparer pour ce monde plus compétitif. La seule façon d’y arriver est de nous assurer que nous avons la capacité d’être forts sur la scène internationale, tant au Canada qu’à l’étranger.
    D’une certaine façon, bien que Bruce elle-même n’est pas présente à l'extérieur du Canada, un certain nombre de nos fournisseurs le sont. Pour nous, la force de cette chaîne d'approvisionnement est tout aussi essentielle que la sûreté et la sécurité de notre établissement et de sa productivité.
    Lorsque nous avons examiné la dernière version de ce projet de loi, nous avons entendu le témoignage de certains représentants du secteur de l'assurance. Ils nous ont expliqué certaines nuances à cet égard. Le comité devrait probablement relire ce témoignage avant d’entamer l'examen article par article.
    Du point de vue des entreprises ou même de l’environnement, s'il y avait plus de compétitivité dans le secteur, il serait également possible d’augmenter les limites de responsabilité à moindre coût.
    Que pouvons-nous faire pour renforcer la compétitivité ou pour attirer plus de joueurs afin de fournir une assurance pour le marché? Avez-vous des idées ou des propositions à nous donner?
    En ce moment, nous offrons d'autres services selon le processus actuel qui consiste à se présenter au ministère pour obtenir une désignation. Ce processus est effectivement très lent, et nous n'avons pas réussi à faire beaucoup de progrès à cet égard.
    Nous en sommes venus, dans le bon sens du terme et non comme dernier recours, à demander l’aide de l’Association d’assurance nucléaire du Canada afin de déterminer s’il est possible de faire progresser l'examen du coût des primes. Nous nous engageons également de plus en plus directement avec les assureurs pour qu'ils comprennent nos besoins. À l'avenir, les coûts associés à ce texte de loi et la manière dont fonctionne cette organisation pour mettre l'assurance…

  (1635)  

    Avant que mon temps soit écoulé, quelqu'un d'autre aimerait-il ajouter autre chose?
    Je ne connais pas les détails de la compétitivité au sein du secteur. J'ajouterais simplement que dans l'ensemble — et je vais demander à Murray par la suite pourquoi il y a eu une telle obstruction à cet égard —, je ne crois pas que l'on va s'y opposer en principe, bien que je ne connaisse pas les détails.
    Tout ce que j'aimerais ajouter, c'est qu'aux États-Unis, plus de ressources sont accessibles parce que l'on exige des autres exploitants de fournir également un montant d'argent en cas d'accident. Ils versent cette somme pendant 10 ans afin d'augmenter ce fonds mis en commun.
    Monsieur Trost, le temps est écoulé.
    Étant donné qu’il faut entendre le prochain groupe, je vais devoir remercier chaleureusement les témoins d'avoir comparu.
    Monsieur Elston, votre souhait s'est peut-être réalisé. C'est ce qu'il reste à voir.
    Merci beaucoup à tous d’avoir été des nôtres.
    Nous allons marquer une pause d’une minute ou deux afin de permettre aux témoins de quitter la salle et aux autres invités de prendre place autour de la table.
     Je vous remercie.

    


    

    Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 1er juin 2009, nous poursuivons l’examen du projet de loi C-20, Loi concernant la responsabilité civile et l'indemnisation des dommages en cas d'accident nucléaire.
    Au nom du comité, j’aimerais souhaiter la bienvenue à M. Jacques Hénault qui vient témoigner à titre individuel.
    Nous recevons aujourd’hui deux représentants de la Commission canadienne de sûreté nucléaire: M. Michael Binder, président et premier dirigeant, et M. Peter Elder, directeur général, Direction de la réglementation du cycle et des installations nucléaires.
    Je souhaite également la bienvenue à M. Peter Mason, président et directeur général de GE Hitachi Nuclear Canada. En direct de Cambridge, en vidéoconférence, nous allons entendre M. Gordon Thompson, de l’Institute for Resource and Security Studies.
    Nous allons commencer par les déclarations préliminaires.
    Monsieur Thompson, je vais terminer par vous.

  (1640)  

    Les députés vont ensuite vous poser des questions que je vais rediriger au besoin. Je vais tenter de vous tenir au courant des questions qui pourraient vous être adressées.
    Je vous remercie.
    Monsieur Hénault, vous disposez d'un maximum de 10 minutes.
    Étant donné que je suis un témoin à titre individuel, je n'ai pas d'exposé. Si vous le voulez, je peux parler du texte de loi et de ce qu'il propose, mais je m'attendais plutôt à répondre à des questions.
    C'est libre à vous. Nous pouvons entendre les autres témoins. Ensuite, si vous voulez faire des commentaires, vous pourriez parler avant M. Thompson.
    Cela vous convient-il?
    Oui.
    Nous allons donc entendre M. Binder de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
    Je suis ravi d'être des vôtres aujourd'hui pour discuter du rôle de la Commission canadienne de sûreté nucléaire par rapport au projet de loi C-20.

[Français]

    Comme vous le savez, la CCSN est l'organisme de réglementation nucléaire du Canada. La réglementation de ce secteur relève exclusivement du gouvernement fédéral. Nous réglementons toutes les activités nucléaires au pays, y compris celles des installations visées par le projet de loi.

[Traduction]

    Le mandat de la CCSN est très clair. Nous réglementons l'utilisation de l'énergie et des matières nucléaires afin de préserver la sûreté, la santé et la sécurité des Canadiens, de protéger l'environnement et de respecter les engagements internationaux du Canada à l'égard de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Essentiellement, la CCSN travaille tous les jours à assurer la sûreté dans le secteur nucléaire du Canada. Chaque mesure d'autorisation, chaque inspection, chaque vérification, chaque activité de conformité vise à atténuer les risques et à réduire au minimum la probabilité des incidents qui pourraient entraîner des demandes d'indemnisation aux termes du projet de loi. Notre travail, et celui des exploitants d'installations nucléaires, consiste à veiller à ce que personne n'ait à invoquer cette loi et qu'aucune demande ne soit présentée. Toutefois, nous reconnaissons la nécessité d'une assurance, et c'est pourquoi la CCSN est très favorable à ce projet de loi.
    Comme la ministre l'a mentionné à l'ouverture de la séance d'examen du Comité sur le projet de loi C-20, le cadre de réglementation nucléaire du Canada s'inscrit dans les trois lois fédérales suivantes: la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, à l'origine de la CCSN; la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, à l'origine de la Société de gestion des déchets nucléaires; et la Loi sur la responsabilité nucléaire, qui deviendra la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire si le projet de loi C-20 est adopté.
    Le gouvernement du Canada a récemment accueilli des représentants de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) venus réaliser un contrôle par des pairs de notre cadre de réglementation nucléaire. Dans son rapport, dont la publication est prévue prochainement, on félicite le Canada d'avoir maintenu un cadre de réglementation moderne fondé sur une culture de sûreté. Le bilan du Canada en matière de sûreté et de fiabilité est impressionnant et reconnu partout dans le monde. Nous exerçons une surveillance conformément à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, qui est entrée en vigueur en 2000.

  (1645)  

[Français]

    C'est une loi moderne qui établit des exigences de sûreté générales et un cadre d'autorisation et de conformité rigoureux que la CCSN gère quotidiennement.

[Traduction]

    Ce cadre nous permet de nous assurer que le secteur nucléaire est sûr et sécuritaire, et que l'environnement et la santé des Canadiens sont protégés.
    La CCSN supervise environ 3 300 permis délivrés à 2 100 titulaires. L'an dernier, nous avons affecté 800 employés, y compris 115 inspecteurs, à la réalisation d'au moins 2 000 inspections pour veiller au respect de la conformité. Notre cadre est conçu pour atténuer les risques pour la santé et la sécurité. Nos titulaires de permis doivent avoir en place une culture de sûreté solide et exploiter leurs installations en toute sûreté, sinon nous ne leur délivrerions pas de permis. Nous examinons attentivement ce qui pourrait aller de travers aux installations et exigeons que les titulaires de permis aient en place de multiples obstacles, tant sur le plan physique que sur le plan des procédures, pour limiter les risques d'incidents graves. Grâce à la surveillance exercée par notre personnel des sites, notre programme de conformité continue nous permet ensuite de nous assurer que tous les protocoles de sûreté demeurent efficaces et en place. La CCSN pousse les titulaires de permis à améliorer continuellement leur rendement en matière de sûreté à mesure que de nouveaux renseignements et de nouvelles technologies font leur apparition sur le marché.
    J'aimerais aussi souligner l'importance de la transparence pour préserver la confiance dans nos activités. La CCSN tient des audiences lorsqu'elle doit renouveler les permis des grandes installations. En fait, les trois dernières audiences de la commission ont eu lieu à l'extérieur de nos bureaux, en Saskatchewan: dans le comté de Bruce le mois dernier et à Port Hope en août.

[Français]

    Ces audiences sont publiques et diffusées sur le Web. J'espère que vous avez eu la chance d'en regarder une à partir de notre site Web.

[Traduction]

    Revenons à notre sujet d'aujourd'hui et au projet de loi C-20.
    Le rôle de la CCSN concernant la responsabilité en matière nucléaire est clarifié aux termes de ce projet de loi. En vertu de la Loi sur la responsabilité nucléaire qui est en vigueur depuis 1976, la CCSN et sa prédécesseure, la CCEA, sont à la fois responsable de l'administration de la loi et de la désignation des installations.
    En passant, je suis heureux de vous faire remarquer, monsieur le président, que pendant mon mandat à titre d'administrateur de la Loi sur la responsabilité nucléaire, aucune réclamation n'a été présentée en vertu de cette loi. Nous espérons que l'avenir nous réservera un bilan semblable.
    La CCSN appuie cette nouvelle mesure législative et notre nouveau rôle plus restreint. Nous ne donnerions plus de désignation aux installations et ne détiendrions plus le pouvoir administratif concernant la législation. Selon le projet de loi, le rôle principal de la CCSN serait d'appuyer la ministre des Ressources naturelles et de lui fournir des conseils techniques concernant la désignation de sites. Étant donné que nous accordons des permis à toutes les installations nucléaires au Canada, la CCSN est la mieux placée pour savoir lesquelles sont autorisées à posséder des matières fissiles, une condition préalable pour l'assurance de responsabilité nucléaire. Il y a actuellement 19 sites désignés, et nous continuerons d'offrir des conseils au gouvernement quant à leur désignation aux termes de la nouvelle loi.
    En conclusion, monsieur le président, nous réglementons les installations nucléaires au Canada depuis plus de 63 ans. Notre rendement en matière de sûreté est excellent. Le Canada se doit de continuer à faire preuve d'un leadership responsable dans son propre secteur nucléaire et à l'intérieur de son cadre réglementaire. La modernisation du régime de responsabilité nucléaire constitue un pas vers l'amélioration et la clarté, qui sont des éléments essentiels de notre approche visant à préserver la sûreté pour les Canadiens.
    Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné la chance de discuter de sûreté nucléaire dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.
    Merci beaucoup.

  (1650)  

    Je vous remercie de votre exposé, monsieur Binder.
    Nous passons maintenant à GE-Hitachi Nuclear Energy Canada Inc.
    Monsieur Mason, aimeriez-vous donner votre exposé maintenant?
    Il me fait très plaisir d'être ici aujourd'hui afin de vous expliquer pourquoi ce projet de loi importe autant à GE.
    Nous avons déjà présenté un exposé par écrit au comité, mais par souci de brièveté, je vais simplement souligner les faits saillants et ensuite, vous pourrez me poser des questions.
    Comme bon nombre d'entre vous le savent, je pense, GE est une très grande entreprise mondiale, hautement diversifiée, qui emploie plus de 300 000 personnes et dont les revenus à l'échelle mondiale s'élèvent à 180 milliards de dollars par année.
    Elle fabrique une vaste gamme de produits qui vont des ampoules électriques aux moteurs d'aéronef, et des éoliennes aux réacteurs nucléaires sur le plan énergétique.
    Aux États-Unis, GE a développé sa technologie nucléaire et, en collaboration avec la société japonaise Hitachi, elle construit maintenant des réacteurs nucléaires en divers endroits dans le monde.
    Parlons maintenant du Canada. Au Canada, GE fait partie intégrante de l'industrie nucléaire. En 1955, nous avons fait équipe avec EACL et Ontario Hydro pour construire le premier réacteur commercial au Canada, à Rolphton, en Ontario, et, depuis, nous avons contribué à offrir des services à l'industrie. À l'heure actuelle, nous fournissons la majeure partie du carburant dont les réacteurs CANDU canadiens ont besoin, en plus d'offrir des services d'inspection et d'entretien, de concevoir du matériel robotisé pour procéder aux inspections et à l'entretien, et d'assurer l'entretien du parc de matériel existant.
    Il ne fait aucun doute que nous pourrions exercer beaucoup plus d'activités que nous en exerçons aujourd'hui, si ce n'est que le régime de responsabilité nucléaire inadéquat du Canada nous en empêche. En ce moment, nous sommes incapables de tirer parti des ressources de notre société mère et, par conséquent, nous privons nos clients de la technologie, des compétences et des ressources que nous avons développées au fil des ans.
    Je vais vous donner un exemple qui vous permettra de comprendre pourquoi la législation actuelle représente un tel obstacle. Compte tenu des lois actuellement en vigueur dans les deux pays, si un incident nucléaire survenait au Canada, un demandeur américain pourrait présenter sa cause devant un tribunal américain. Le tribunal pourrait juger que le plafond de 75 millions de dollars ne constitue pas une indemnisation adéquate et décider d'entendre la cause aux États-Unis. Dans ces circonstances, tous les actifs de la société Générale électrique seraient alors vulnérables à l'allégation. C'est un risque que les actionnaires de la société ne sont pas prêts à prendre, et c'est le cas de nombreuses autres entreprises du secteur privé. Il se peut que d'autres organisations, appartenant peut-être au secteur public, aient un profil de risque différent, mais, en tout cas, c'est un risque que les actionnaires des entreprises du secteur privé ne sont pas prêts à accepter.
    Si nous examinons maintenant le projet de loi C-20, nous constatons qu'il constitue une étape très importante dans la résolution du problème de responsabilité au Canada. Premièrement, il garantit la transmission de la responsabilité à l'exploitant de l'installation nucléaire, plutôt que de confier cette décision à la discrétion de divers tribunaux. Deuxièmement, l'augmentation de la limite de responsabilité, qui passe de 75 millions à 650 millions de dollars, est vraiment un pas dans la bonne direction, et elle cadre manifestement avec la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires de l'AIEA. En apportant quelques modifications mineures au projet de loi, le Canada serait en mesure de ratifier ensuite la convention, ce qui réglerait les deux problèmes qui nous empêchent de travailler pleinement au Canada.
    Quelqu'un pourrait dire: « Qu'en est-il des entreprises canadiennes? » Si le Canada signait la Convention sur la réparation complémentaire — et j'aimerais mentionner que le gouvernement américain l'a déjà ratifiée —, cela créerait un cadre juridique mondial pour l'industrie nucléaire, lequel protégerait ensuite les entreprises canadiennes lorsqu'elles entreprendraient d'exporter leurs produits et services partout dans le monde.

  (1655)  

    Je demanderais au comité de bien vouloir faire avancer le projet de loi, en particulier les légères modifications techniques qui doivent être apportées pour qu'il soit conforme à la réparation complémentaire de la convention qui, comme je l'ai mentionné plus tôt, devrait être ratifiée aussitôt que possible.
    J'aimerais vous remercier tous de m'avoir écouté, et je serais heureux de répondre à n'importe laquelle de vos questions.
    Merci.
    Je vous remercie, monsieur Mason, de votre exposé.
    Monsieur Thompson, nous passons maintenant à vous.
    Merci.
    Je m'appelle Gordon Thompson. Je suis le directeur administratif de l'Institute for Resource and Security Studies qui est établi à Cambridge, au Massachusetts. Je suis également professeur de recherche à la Clark University, au Massachusetts.
    Je travaille depuis environ 30 ans dans le domaine de la sécurité et de la sûreté nucléaires. Certains des projets auxquels j'ai participé se sont déroulés au Canada. Par exemple, en 1987, j'ai participé à l'examen de la sûreté nucléaire en Ontario et, en 2000, j'ai travaillé pour le Comité sénatorial de l'énergie et de l'environnement. J'ai rédigé un rapport à l'intention de Greenpeace Canada qui évalue la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire. Je présume que Greenpeace vous fournira le rapport. Il expose mon point de vue et n'est nullement dicté par le client, en l'occurrence Greenpeace.
    Le rapport aborde une gamme de questions. J'aimerais maintenant mettre l'accent sur une question technique qui, à mon avis, importera au comité. Cette question concerne la probabilité et l'ampleur d'un échappement de substances radioactives dans l'environnement. J'estime que le comité — et par son intermédiaire, le Parlement canadien — n'a pas été adéquatement informé des risques qu'une grande quantité de substances radioactives s'échappent des centrales.
    M. Hénault, qui est ici aujourd'hui, a déclaré au cours d'une conférence tenue à Toronto, en octobre, que la limite de responsabilité a été établie à 650 millions de dollars en partie parce que ce montant remédie à ce qu'il appelle des « accidents prévisibles », plutôt que des accidents catastrophiques dans le genre de celui qui s'est produit à Tchernobyl. M. Hénault fait allusion à ce que l'industrie appelle un accident de dimensionnement, c'est-à-dire un accident que la centrale nucléaire est conçue pour contenir. C'est ce à quoi il fait allusion lorsqu'il qualifie un accident de prévisible.
    Nous savons qu’en 1986, un échappement très important a eu lieu à la centrale nucléaire de Tchernobyl. C’était manifestement un événement qui dépassait l’accident de dimensionnement. Tout le monde sait également qu’en 1979, un événement s’est produit à la centrale nucléaire de Three Mile Island, en Pennsylvanie, qui dépassait aussi l’accident de dimensionnement. Mais cet événement n’a pas entraîné l’échappement d’une grande quantité de substances radioactives. Toutefois — et ce fait n’est pas aussi connu qu’il devrait l’être à mon avis —, si certaines autres centrales nucléaires américaines, en service à l’époque, avaient connu la même séquence d’évènements, cela aurait provoqué l’échappement d’une grande quantité de substances radioactives. De plus, si l’accident de Three Mile Island avait continué de progresser dans la direction qu’il suivait, il aurait pu se solder par un échappement important.
    Le fait que ces évènements se soient produits dans le passé semble indiquer que de tels évènements sont à prévoir dans l’avenir. En fait, de nombreuses analyses techniques prouvent que ces deux évènements ne sont pas des aberrations. Il existe des exemples d’accidents de dimensionnement, et des accidents de ce genre pourraient survenir dans n’importe quelle centrale nucléaire du monde.
    L’analyse technique qui traite de ce champ d’activité est connue sous le nom d’étude probabiliste de la sûreté, EPS, ou parfois, d’évaluation probabiliste de la sûreté. L’industrie nucléaire canadienne, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et sa prédécesseure, la Commission de contrôle de l'énergie atomique, connaissent le domaine de l’évaluation probabiliste de la sûreté et ont mené des études de ce genre.
    J’ai le regret de dire que la qualité et l’exhaustivité de ces études n’atteignent pas le niveau que la commission américaine de réglementation nucléaire a établi pour ce champ d’activité lorsqu’elle a publié l’étude NUREG-1150 en 1990. Cette étude est un point de repère qui permet de juger de la qualité et de l’exhaustivité des études techniques portant sur les risques d’accidents graves dans les centrales nucléaires.
    Parlons maintenant des répercussions que ce champ d’études et les deux événements historiques que j’ai mentionnés ont sur la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire, et plus précisément sur la limite de responsabilité de 650 millions de dollars.

  (1700)  

    D’abord, des études menées par l’industrie nucléaire canadienne montrent qu’il y a des risques que le public soit exposé à des radiations. Si l’on estime la valeur monétaire de ces risques au taux que l’industrie nucléaire utilise pour prendre des décisions en matière de sécurité professionnelle, l’on constate que les coûts de soins de santé pourraient s’élever à plus de 50 milliards de dollars — un montant de loin supérieur à 650 millions de dollars.
    Il y a aussi l’exemple de Recherche et développement pour la défense Canada qui a estimé les coûts de nettoyage qu’occasionnerait l’explosion d’une bombe sale à la Tour CN, à Toronto. Selon les normes de nettoyage utilisées dans le cadre de cette analyse, les coûts pourraient atteindre 250 milliards de dollars. La quantité de matière radioactive que supposait cette étude représente un deux millième de la quantité des mêmes isotopes radioactifs qui se trouvent dans le coeur du réacteur d’une des centrales nucléaires CANDU.
    L’industrie nucléaire canadienne soutient que la probabilité d’un accident de ce genre à une centrale nucléaire est extrêmement faible. Je conteste cette conclusion. Mais cette polémique est de nature technique, et en débattre aujourd’hui devant le comité serait certainement inapproprié. Cependant, il est important de noter que, grâce aux renseignements dont nous disposons, nous connaissons les primes qu’exigent les assureurs pour offrir une couverture aux centrales nucléaires. Ces assureurs se basent sur des probabilités d’échappement qui dépassent de loin celles que l’industrie nucléaire canadienne reconnaît. Compte tenu de ce seul fait, je suggérerais au comité de faire preuve de beaucoup de scepticisme lorsque l’industrie prétend que les risques d’accident sont très faibles.
    En conclusion, je dirais qu’avant de promulguer cette mesure législative, le comité et, bien entendu, le Parlement devraient demander au gouvernement canadien de présenter une analyse plus détaillée, exhaustive et transparente des risques qu’une grande quantité de substances radioactives s’échappent des centrales et des coûts associés à de tels échappements.
    Merci.
    Merci, monsieur Thompson.
    Monsieur Hénault, souhaitez-vous prendre la parole quelques instants ou préférez-vous attendre que l'on vous pose des questions?
    Je préfère attendre les questions.
    Très bien. Merci.
    Je tiens simplement à vous signaler, chers collègues, qu'il est 17 h 06. Par souci d'équité, je propose de faire passer le temps de parole de sept à cinq minutes. Ainsi, tous les députés auront l'occasion d'intervenir. Êtes-vous d'accord?
    Des voix: D'accord.
    Le vice-président (M. Alan Tonks): Bien.
    D'accord. Nous allons commencer avec M. Bains; vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    En ce qui concerne une question qui a été soulevée à maintes reprises, où le Canada se classe-t-il par rapport aux autres pays? Les témoins précédents ont également évoqué la question de savoir si le montant de 650 millions de dollars constitue une limite de responsabilité suffisante.
    Je veux également examiner la portée de la responsabilité au Canada. Dans le projet de loi dont nous sommes saisis, la portée de la responsabilité est-elle suffisamment vaste? Comment se compare-t-elle à celle d'autres pays? On nous a donné l'exemple de la responsabilité illimitée, mais il y avait un moyen de la contourner en créant une entreprise ou un mécanisme distinct pour la restreindre — il faut faire bien attention.
    Ma question s'adresse à tous les témoins: quelle est la portée de la responsabilité, et pas nécessairement le seuil?

  (1705)  

    Je ne suis pas en mesure de vous fournir une réponse.
    Monsieur Binder.
    J'ai suffisamment de problèmes avec le secteur nucléaire sans devoir essayer de comprendre le domaine de l'assurance. Je ne suis pas à même de vous répondre. Nous n'établissons pas ces détails.
    Monsieur Hénault, vous avez fait savoir que vous aimeriez répondre.
    Oui, j'aimerais que vous précisiez ce que vous entendez par « portée ».
    Qu'est-ce que l'assurance de 650 millions couvrirait? Est-ce seulement les activités? Qu'est-ce que ce montant devrait couvrir?
    Je le répète, je peux vous fournir la portée des dommages qui seraient couverts.
    C'est à cela que je voulais en venir.
    Nous avons essentiellement élargi la portée dans le cadre du projet de loi C-20. En vertu de la Loi sur la responsabilité nucléaire, la couverture se limitait aux préjudices corporels ou physiques et aux dommages matériels. Nous avons constaté que cet élargissement de la portée et les modifications apportées à la convention internationale n'ont tout de même pas donné une orientation suffisante aux tribunaux en ce qui concerne l'indemnisation à accorder. Nous pouvons dire que nous avons élargi la portée conformément aux conventions internationales pour inclure certaines formes de dommages causés à l'environnement et de pertes économiques à la suite de traumatismes psychologiques y étant directement liés, de même que des mesures préventives.
    Je pense que cela répond à votre question.
    J'imagine que j'obtiendrai des précisions à ce sujet plus tard. Mais puisque nous disposons de peu de temps et que j'ai d'autres questions, j'y reviendrai si le temps le permet.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Mason. Vous avez mentionné que les actionnaires de GE s'inquiétaient en raison d'une couverture limitée et du fait que GE pourrait en bout de ligne assumer une plus grande part de la responsabilité. Compte tenu que votre entreprise fait des affaires dans le monde entier, comment le projet de loi et cette limite de responsabilité se comparent-ils à ceux dans d'autres pays? Cela mettra-t-il le Canada dans une situation comparable à celle des pays où vous avez des activités?
    Oui.
    Par exemple, avant de vendre de l'équipement nucléaire à un pays, nous faisons appel à nos avocats pour qu'ils examinent le régime de responsabilité en matière nucléaire du pays en question. S'ils sont satisfaits, alors nous allons de l'avant. Nous faisons notamment des affaires avec la Corée, le Japon, l'Argentine et la Roumanie — nos avocats estiment que le régime qui est en place dans ces pays est acceptable.
    J'ai une question pour vous, monsieur Binder.
    Dans vos remarques, vous avez mentionné que vous avez la très grande responsabilité de déceler les risques de manière proactive. Croyez-vous que vous disposez de ressources suffisantes pour remplir votre mandat? À la page 4 de votre mémoire, vous indiquez avoir affecté 800 employés, y compris 150 inspecteurs, à la réalisation d'au moins 2 000 inspections de toutes sortes pour veiller au respect de la conformité. Possédez-vous les ressources nécessaires pour exécuter votre mandat afin de veiller à détecter les problèmes de manière proactive?
    Oui.
    En fait, nous avons augmenté nos ressources en prévision des nouvelles activités pouvant émerger dans le secteur. Nous évaluons avoir à peu près la bonne quantité pour les activités actuelles. Il ne faut pas oublier que nous récupérons les coûts de la majeure partie de nos activités par l'entremise de l'industrie. S'il y avait de nouveau une hausse de la demande, l'industrie en absorberait les coûts.
    Je vais devoir vous interrompre, monsieur Bains, pour céder la parole à Mme Brunelle, pour cinq minutes.
    Monsieur Thompson, si vous souhaitez répondre à une question, faites un signe de la main, et nous essaierons de vous donner la parole.
    Eh bien, oui...
    C'est exactement le genre de signe que je voulais.

  (1710)  

    Très bien. J'aimerais intervenir concernant la question de M. Bains.
    Désolé, pas maintenant, car nous passons au prochain intervenant. Nous entendrons ce que vous avez à dire dans un instant.
    Madame Brunelle.

[Français]

    Monsieur Thompson, je peux peut-être vous donner la parole.
    Vous nous dites que se doit d'être faite l'analyse des risques probables. D'après vous, est-ce en fonction de cette analyse de risques que la limite maximale de 650 millions de dollars a été déterminée?

[Traduction]

    C'est une bonne question. Avant d'y répondre, j'aimerais revenir à la question de M. Bains au sujet de la portée du projet de loi C-20. La portée des dommages a été élargie, et c'est un changement que je vois d'un très bon oeil. On ne propose pas de changer l'ampleur des dommages, mais simplement l'éventail des types de dommages. Je crois que la portée actuelle concorde mieux avec ce que nous savons des conséquences à long terme.
    En ce qui concerne votre question concernant la limite de responsabilité de base de 650 millions de dollars, M. Hénault s'est prononcé là-dessus, comme je l'ai dit, à une conférence qui s'est déroulée à Toronto, en Octobre. Il a dit que cela découle de plusieurs facteurs, dont les accidents « prévisibles », comme il les appelle. Il s'agit, comme je l'ai expliqué, d'un terme technique qui signifie des « accidents de dimensionnement », des accidents auxquels les centrales sont équipées à résister. L'expérience et une masse d'ouvrages techniques montrent qu'il y a une foule d'accidents autres que les accidents de dimensionnement qui sont en fait tout à fait prévisibles, car deux graves accidents de la sorte se sont produits.
    L'assurance contre les accidents de travail doit certainement inclure les accidents qui sont prévisibles, car ils sont survenus et les analyses techniques révèlent qu'ils pourraient se reproduire.
    Dans l'industrie chimique, par exemple, l'accident de Bhopal est un événement historique. Il fut bien pire que l'accident de dimensionnement, et il s'est bel et bien produit. Si une société assurait une usine de produits chimiques, il faudrait qu'elle envisage l'éventualité d'un accident comme celui de Bhopal.
    La limite des 650 millions de dollars ne tient pas compte des accidents qui sont prévisibles et qui sont bel et bien survenus.
    Madame Brunelle, il vous reste encore du temps.

[Français]

    Monsieur Binder, on parle de plus en plus de terrorisme, et on a beaucoup d'inquiétudes à ce sujet. Vous savez que la ville de Trois-Rivières se situe en face de la centrale nucléaire de Gentilly.
    Dans quelle mesure le projet de loi C-20 en tient-il compte? Le terrorisme serait-il plutôt une exclusion, comme tout autre désastre qui pourrait se produire? Par exemple, dans certaines polices, il y a des exclusions pour les conflits armés ou toute autre chose semblable.
    Si j'ai bien compris la question, vous me demandez si cela inclut le terrorisme? Je pense que oui.
    Vous pensez que oui.
    La menace grandissante du terrorisme devrait-elle nous amener à modifier ce projet de loi? Est-ce un élément dont on devrait tenir compte?
    Je pense que M. Hénault voulait répondre aussi.
    Quant à moi, le scénario des dirty bombs...

[Traduction]

    Là encore, au Canada, bien des gens viennent avec ce genre de science de pacotille, pour être franc, concernant une bombe sale.
    Premièrement, pour créer une bombe sale, il faudrait avoir accès aux installations, ce qui est très difficile. Elles sont très sûres et bien gardées. Il est peu probable, il y a peu de risques, que quelqu'un réussisse à y pénétrer et essaie de mettre la main sur du matériel pour créer une bombe sale.
    Je le répète, je ne suis pas un expert en assurance, mais il me semble que dans l'industrie du transport aérien ou dans l'industrie automobile, on compte le nombre d'accidents et on réalise une évaluation des risques quelconque.
    Il est scandaleux de mettre Tchernobyl dans la même bateau que le Canada. Il ne s'est jamais échappé de matières de la centrale de TMI, et donc le système fonctionnait. Au Canada, au cours des 63 dernières années, nous n'avons jamais connu une telle défaillance d'un système. En fait, nous faisons en sorte qu'un tel problème ne se reproduise pas. Je ne comprends donc pas pourquoi les risques vous amèneraient à une conclusion de ce genre.

  (1715)  

    Je vais devoir vous interrompre, madame Brunelle.
    Nous allons maintenant entamer la prochaine série de questions avec M. Cullen.
    Monsieur Cullen.
    Merci.
    J'ai une question pour M. Mason. Vous avez dit que les limites du régime de responsabilité restreint l'accès de votre entreprise au marché canadien. Vous avez donné l'exemple où GE exploitait un réacteur, un accident est survenu et quelqu'un voulait réclamer des dommages. Vous avez dit que l'on peut réclamer des dommages dans un tribunal américain car la responsabilité est très basse au Canada. Est-ce que je suis votre raisonnement?
    Non, permettez-moi de préciser ma pensée. Ce n'est pas GE qui exploite le réacteur; c'est si nous avons conçu ou fabriqué la pièce d'équipement. Supposons que nous avons conçu et que nous avons fabriqué une pièce d'équipement aux États-Unis et qu'elle a été installée dans un réacteur au Canada. Si nous pouvions prouver que l'équipement faisait partie des facteurs ayant causé l'accident nucléaire au Canada, alors un demandeur pourrait réclamer une indemnisation à GE, aux États-Unis.
    À mesure que vos avocats tentent de comprendre les risques auxquels votre entreprise fait face en vendant des réacteurs nucléaires ou des composantes à d'autres pays, est-ce que vous rendez publique l'évaluation des risques d'un accident nucléaire au Canada ou aux États-Unis? Dites-vous, « Nous devons avoir ce niveau de couverture en tant qu'entreprise pour le matériel que nous avons vendu »?
    Nous avons un processus d'analyse des risques au sein de l'entreprise. Par exemple, la société n'accepterait pas de devoir faire face à un risque nucléaire dans un pays qui n'aurait pas un régime nucléaire approprié en place.
    La seule raison pour laquelle nous sommes en mesure de desservir le Canada grâce à nos activités nucléaires, c'est qu'il s'agit d'une entité juridique distincte et que nous employons seulement des Canadiens au sein de l'organisation.
    Il semble donc qu'en ce qui concerne la vente d'EACL et de ses activités commerciales potentielles, n'importe quel acheteur éventuel tiendra compte du facteur de l'assurance. Est-ce exact?
    Oui.
    Là encore, cette question est étroitement liée à ce qui se passe dans l'industrie nucléaire à l'heure actuelle — la vente éventuelle, la question des isotopes et, de toute évidence, l'assurance, la couverture que les gens auront.
    Ce qui me laisse perplexe, c'est que le secteur privé semble à l'aise avec l'idée de reléguer la facture aux contribuables pour les réclamations de plus de 650 millions de dollars. Je ne sais pas pourquoi nous ne pouvons pas appeler cela une subvention. En tant qu'entreprise, vous produisez aussi de l'énergie à partir d'autres sources. Je présume que les gouvernements américains et canadiens ne fixent pas de plafond ni de limite sur les demandes d'indemnisation pouvant être présentées si une tour éolienne devait renverser. Pourquoi le feraient-ils pour l'industrie nucléaire?
    Je pense qu'il y a deux réponses à cette question. Tout d'abord, nous souscrivons à une assurance conventionnelle pour les projets auxquels nous participons, tels qu'une éolienne. Dans le secteur nucléaire, c'est très différent. Je pense que s'il n'y avait pas de plafond et s'il n'y avait pas de mesure législative satisfaisante en place, nous ne serions pas dans l'industrie nucléaire.
    C'est peut-être ce que je veux dire. L'industrie ne peut pas survivre sans l'appui des contribuables pour couvrir les dommages supplémentaires. Livrée à elle-même, partout dans le monde — nous parlons de la législation canadienne —, l'industrie nucléaire ne pourrait pas fonctionner normalement car la responsabilité et les risques seraient trop élevés en cas d'accident.
    Je ne veux pas exagérer la situation. Je ne fais qu'essayer de comprendre l'état de...
    Vous avez raison. En fait, si nous regardons la majorité des sociétés nucléaires de nos jours partout dans le monde — et nous pouvons en nommer quelques-unes —, nous verrons qu'elles ont l'appui du gouvernement.
    C'est intéressant.
    Ma question s'adresse à M. Thompson. Je trouve curieux d'essayer de comprendre l'importance de cet appui. Dans le rapport que vous avez mentionné, on indique que la subvention représente une certaine somme d'argent par kilowattheure engendrée annuellement par l'industrie nucléaire grâce à cet appui public, car le public paie la note pour une responsabilité supplémentaire.
    Mon interprétation est-elle bonne?
    Oui. J'attribue un coût en cents par kilowattheure à la subvention tacite à l'électricité d'origine nucléaire au Canada. Ce calcul est complexe et comporte un certain nombre d'hypothèses, comme je l'indique dans le rapport. Toutefois, mes hypothèses coïncident avec celles des assureurs du secteur nucléaire, dans la mesure où cette information est publique. En effet, elles sont moins prudentes que celles que les assureurs ont évidemment formulées dans les trois pays pour lesquels je dispose des données.

  (1720)  

    Monsieur Cullen, je vais devoir vous interrompre.
    Monsieur Thompson, je pense que le comité aimerait savoir si ce rapport pourrait être mis à sa disposition. Il pourrait être utile dans ses délibérations futures sur le sujet. Nous allons en prendre note.
    Nous allons maintenant entendre M. Allen.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, messieurs, d'être des nôtres.
    Monsieur Binder, je veux revenir sur quelques-uns des commentaires que vous avez faits dans votre témoignage. Ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que nous avons réglementé les installations pendant 63 ans, et aucune demande d'indemnisation n'a été faite en vertu de cette loi. C'est un bilan impressionnant, et cela en dit long sur le régime de réglementation que nous avons.
    L'article 6 m'intéresse. Vous avez dit appuyer la loi. Vous ne donneriez plus de désignation aux installations et ne détiendriez plus le pouvoir administratif concernant la législation. C'est le gouverneur en conseil qui, en vertu de l'article 6, serait alors responsable de la désignation des installations. Si vous êtes en faveur de la législation, je présume que cela n'augmente pas les risques réglementaires et le risque d'un accident. On exercerait quand même une surveillance. Pourriez-vous commenter là-dessus? Cela m'intrigue. Le fait que le gouverneur en conseil donnerait désormais la désignation aux installations changerait quoi pour nous? À qui le gouverneur en conseil déléguerait cette tâche?
    Je n'étais pas là quand la décision a été prise, mais je pense que l'idée était de séparer les pouvoirs de réglementation des pouvoirs de décision relatifs à la pertinence de l'assurance. C'est le ministère des Ressources naturelles qui a été désigné.
    Nous fournirons des avis techniques sur les centrales qui disposent de la matière fissile et sur l'analyse des risques. Nous faisons des analyses de risque, contrairement à ce qui a été dit. L'industrie effectue des analyses de risque approfondies et nous fournissons des avis techniques au ministère.
    M. Thompson a mentionné les études probabilistes de la sûreté. Nous en avons besoin. Nous avons une norme de la CSA qui suit une ligne directrice internationale, puisqu'elle est établie en fonction des directives de l'AIEA. Il est également nécessaire que les titulaires de permis se penchent sur les accidents de dimensionnement. Nous exigeons qu'ils ne s'arrêtent pas aux accidents de dimensionnement ou aux accidents graves. Nous voulons nous assurer que ces questions sont traitées pour qu'ils comprennent comment éviter les rejets dans l'environnement, même lors des accidents à faible probabilité.
    Notre façon de gérer les risques ne changera pas, que nous administrions la loi ou non. Nous prenons des mesures considérables pour nous assurer que le risque d'accident important demeure faible. Nous ne nous limitons pas au dimensionnement: nous allons bien plus loin. Nous nous assurons que les titulaires de permis contrôlent les risques et tentent d'améliorer la performance des centrales.
    Je crois que M. Hiebert avait une question.
    Monsieur Hiebert.
    Nous avons parlé de la nécessité de contracter une assurance pour l'extérieur du site. Ma question porte sur l'assurance à prendre pour les lieux mêmes. Si je comprends bien, les opérateurs contractent une assurance pour l'assainissement radioactif et les coûts de réparation. Pour obtenir une licence d'exploitation d'une centrale, vous devez disposer des fonds suffisants pour le déclassement. D'après ce que je comprends, le projet de loi n'exige pas d'assurance pour les lieux mêmes. Devrions-nous nous pencher sur cette question ou suffit-il de permettre aux exploitants de déterminer eux-mêmes leurs besoins en assurance pour les lieux et les coûts des réparations?

  (1725)  

    Nous exigeons de la part des exploitants deux types de garanties financières. Nous demandons d'abord une garantie financière pour l'exploitation. Si un problème survient au cours de l'exploitation, les sommes nécessaires aux réparations à effectuer doivent être disponibles. Il en va de même pour le déclassement: les fonds destinés à cet usage doivent être placés dans un compte distinct.
    Pour ce qui est de l'assurance ordinaire pour les travailleurs, je pense qu'ils bénéficient de tarifs commerciaux. Peut-être que quelqu'un pourra m'aider à ce sujet.
    Monsieur Hiebert, M. Thompson voudrait prendre la parole. Ensuite, nous devrons conclure.
     Monsieur Thompson.
    Merci.
    Des études de l'industrie nucléaire canadienne démontrent qu'il existe un risque considérable de dommages sur les sites, qui peuvent être accompagnés ou non de dommages hors des lieux. Je n'ai pas été en mesure d'établir s'il existe ou non, au Canada, des mécanismes de couverture d'assurance pour les risques de dommages sur les lieux. Aux États-Unis, la Commission de la réglementation de l'énergie nucléaire exige cette garantie et il existe un mécanisme à cet effet. C'est une question qui est complètement ignorée dans le projet de loi C-20.
    Bien. Monsieur Thompson, nous...
    Si vous le permettez, j'aurais un bref commentaire à faire à propos de quelque chose qui a été dit par le représentant de la CCSN. Il a utilisé les mots « science des déchets »...
    Excusez-moi, monsieur Thompson. Nous manquons de temps. Je vais m'informer auprès du comité.
    Avons-nous terminé, ou pouvons-nous entendre ce dernier commentaire?
    Une voix : Nous devons poursuivre.
    Une voix : Je pense que M. Anderson a reconnu que...
    Une voix : Nous pouvons poursuivre.
    Le vice-président (M. Alan Tonks) : D'accord.
    Monsieur Thompson, vous avez une minute.
    Le représentant de la CCSN a utilisé l'expression « science des déchets ». Je ne sais pas s'il le savait, mais il faisait référence à une étude que j'ai attribuée à Recherche et développement pour la défense Canada mais qui a été effectuée, si je me souviens bien, par les Pacific Northwest Laboratories du gouvernement des États-Unis. Les gouvernements du monde entier prennent très au sérieux la menace d'une bombe sale, et les matériaux qui pourraient être utilisés à cette fin ont déjà fait l'objet de transactions sur le marché noir. Je trouve regrettable qu'un représentant de la commission décrive ce domaine en terme de « science des déchets ».
    D'accord. Sur ce, je vous remercie, monsieur Thompson. Je suis certain que M. Binder serait capable, en d'autres circonstances, de répliquer à cela, mais nous en resterons là pour le moment. Merci.
    Merci aux témoins. Malheureusement, le temps est écoulé. Les commentaires que vous nous avez fournis aujourd'hui sont très appréciés. Merci.
    Nous allons faire une pause d'une minute et ensuite nous reprendrons. Je ne crois pas qu'il est nécessaire de siéger à huis clos pour les questions concernant le budget, alors nous reprendrons dans une minute.
    Merci.
    Chers collègues, la greffière a attiré mon attention sur un point. En ce qui concerne l'établissement d'une date limite pour la présentation des amendements au projet de loi C-20, deux ou trois jours sont requis, comme vous le savez, pour préparer la liasse en vue d'y intégrer les amendements et de procéder à l'étude du projet de loi article par article.
    La motion indiquerait que l'étude du projet de loi aurait lieu le lundi 23 novembre. Pour permettre au personnel de recherche de réunir toute la documentation que nous avons reçue de même que toute observation que vous souhaiteriez soumettre, nous suggérons le jeudi 19 novembre à 17 heures comme échéance. Nous pourrions la reporter au vendredi 20 novembre à midi, mais cela impliquerait que l'équipe de recherche ainsi que la greffière auraient très peu de temps.
    Y a-t-il des questions à ce sujet?
    Monsieur Cullen.
    Allons-nous consacrer une ou deux journées pour l'étude article par article? Je n'ai pas compris. De combien de temps disposons-nous pour cela? Sans calendrier, c'est difficile.
    Eh bien, peut-être que notre attaché de recherche peut nous donner une idée du temps que cela prendra.

  (1730)  

    Combien de jours seront consacrés à l'étude article par article? J'ai cru entendre M. Tonks dire une journée.
    Une voix :Au moins une heure.
    M. Nathan Cullen :Une heure devrait suffire. Le texte ne porte que sur les centrales nucléaires. Deux témoins: le ministre et son adjoint.
    Tout dépendra du nombre d'amendements, Nathan. C'est tout.
    Je vois.
    La dernière fois, cela a pris une heure, mais il n'y avait pas autant d'amendements. C'est au comité de décider.
    Tirons ça au clair: qu'y a-t-il à l'horaire en ce moment? J'ai cru comprendre qu'il y a deux séances. L'une d'entre elles est-elle réservée à l'étude article par article?
    Les journées d'aujourd'hui et de mercredi sont consacrées à ce que nous faisons en ce moment. Je pense qu'il y a une journée réservée à l'étude article par article.
    Nous avons une journée réservée à l'étude article par article.
    Une voix :Oui: lundi.
    Oui, mais cela fait trois séances et demie. Vous avez parlé de trois ou quatre séances, alors qu'en réalité c'est trois et demie.
    Bon, cela va être un bon défi.
    Nous devons décider si l'échéance sera le jeudi 19 novembre à 17 heures ou le vendredi 20 novembre à midi. La première date donnerait plus de temps à l'équipe de recherche.
    David.
    Je pense que jeudi, c'est bien. C'est la deuxième fois que nous étudions le projet de loi. Les gens savent à quoi s'attendre.
    À titre d'exemple, le comité a consacré trois journées à l'étude article par article la dernière fois.
    Le choix de la date la plus rapprochée permettrait de débattre plus longtemps du projet de loi, si débat il y a.
    Avons-nous le consensus pour choisir le jeudi 19 novembre à 17 heures comme échéance?
    Des voix: D'accord.
    Le vice-président (M. Alan Tonks): D'accord. Cela donnera un peu plus de temps à l'équipe de recherche et à la greffière pour préparer la liasse. Nous verrons ensuite combien de temps nous allons y consacrer.
    Quelqu'un veut-il présenter une motion sur le budget? Nous avons déjà dépensé une partie du budget pour les témoins, aujourd'hui, alors j'espère que vous allez en tenir compte.
    M. Trost a présenté la motion et Mme Brunelle l'a appuyée.
    La motion est adoptée.[Voir le Procès-verbal]
    La séance est levée.
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