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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 043 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er décembre 2009

[Enregistrement électronique]

  (0900)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues.
    Nous tenons aujourd'hui, le mardi 1er décembre 2009, la 43e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous reprenons aujourd'hui notre examen du projet de loi C-300, Loi sur la responsabilité des sociétés à l'égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement.
    Notre premier groupe de témoins nous arrive du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous entendrons Grant Manuge, directeur général, Service des délégués commerciaux, Opérations; James Lambert, directeur général, Amérique latine et Antilles; Sabine Nölke, directrice, Direction du droit onusien, des droits de la personne et du droit économique; et Sara Wilshaw, directrice, Appui aux Services des délégués commerciaux.
    Nous vous souhaitons la bienvenue parmi nous ce matin. Je vous inviterai à faire vos exposés, après quoi nous passerons à nos premier et deuxième tours de questions.
    Je tiens à rappeler aux membres du comité que nous tenterons de suspendre la séance entre 10 h 15 et 10 h 30 environ pour une réunion du comité de direction. Nous devrons donc respecter strictement les périodes de sept minutes pour les questions et réponses.
    Monsieur Manuge.
    Je vous remercie d'inviter le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, que nous appelons le MAECI, à revenir témoigner devant le comité.
    Aujourd'hui, nous aimerions approfondir le témoignage du ministère et formuler des commentaires sur les conséquences éventuelles de la mise en oeuvre du projet de loi C-300, des défis liés au processus quasi judiciaire créé par le projet de loi et du type d'activités relatives à la responsabilité sociale des entreprises auxquelles le MAECI participe actuellement dans le cadre de son mandat lorsqu'il s'agit de favoriser l'expansion du commerce international du Canada et de coordonner les relations économiques internationales du pays.

[Français]

    Les responsables du ministère ont suivi de près l'étude du projet de loi C-300 par le comité et ont examiné minutieusement vos commentaires et vos questions, de même que les témoignages des nombreux témoins et intervenants qui ont comparu devant le comité depuis la dernière comparution de ce ministère, au mois de juin.
    Pendant cette comparution, les représentants ont parlé de la nouvelle stratégie de responsabilité sociale des entreprises déposée par le gouvernement en mars, du travail effectué par le Point de contact national et du réseau d'agents du service extérieur dans le monde entier. Lors de cette comparution, on a également mentionné que les fonctionnaires du ministère éprouvaient certaines préoccupations concernant la mise en oeuvre proposée du projet de loi. Cette comparution a été suivie d'une présentation écrite faisant état de ces préoccupations et de ces questions.
    Depuis, de nombreuses questions ont été soulevées par les divers intervenants. Vous avez entendu les témoignages de l'industrie, d'organisations de la société civile, d'Exportation et développement Canada, de l'Office d'investissement du régime des pensions du Canada et de quelques-uns de nos ministères partenaires.

[Traduction]

    Plutôt que de mettre l'accent sur des enjeux qui ont déjà été largement abordés par d'autres intervenants, le MAECI aimerait utiliser le temps qui lui est accordé aujourd'hui pour soulever un certain nombre de questions qui ont une incidence considérable pour le ministère et sur ses activités. Parmi ces questions, mentionnons l'utilisation et le fonctionnement de la Loi sur les mesures économiques spéciales, la question de l'application des normes internationales en matière de droits de la personne aux intervenants autres que les États, la manière dont le MAECI offre du soutien lié à la RSE aux entreprises canadiennes, y compris au secteur minier et à l'industrie pétrolière et gazière, et les conséquences du projet de loi sur la politique étrangère.
    Afin de mettre en évidence quelques-unes de ces questions, il pourrait être utile d'examiner minutieusement les conséquences de l'établissement et de l'exécution du processus d'examen défini dans le projet de loi pour le ministère.
    En tant que ministère responsable de la mise en oeuvre et de l'application de nombreuses dispositions de la loi, nous avons étudié soigneusement les attentes à notre égard en cas d'adoption de la loi. Ce faisant, nous avons jugé qu'il était important d'examiner minutieusement les dispositions de la loi dans sa version actuelle et d'évaluer les diverses conséquences dont je mentionnerai quelques-unes aujourd'hui.
    Le projet de loi C-300 demande aux ministres du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de rédiger un ensemble de règlements apparemment obligatoires, à l'aide d'un certain nombre de lignes directrices volontaires reconnues à l'échelle internationale, et une politique interne de la Société financière internationale. Il s'agit d'une démarche difficile, car ces instruments sont actuellement rédigés à titre de lignes directrices, et non pas à titre de règlements, de manière à demeurer suffisamment souples pour englober le large éventail de circonstances et de conditions complexes dans lesquelles les entreprises du Canada et d'autres pays mènent leurs activités partout dans le monde.
    Le projet de loi exige également que les ministres intègrent à leurs règlements des normes liées aux droits de la personne et « toute autre norme conforme aux normes internationales en matière de droits de la personne ». À cet égard, M. John Ruggie, représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a souligné dans son rapport du 22 avril 2009 que « les instruments relatifs aux droits de la personne ont été rédigés par des États pour des États. Leur signification pour les entreprises n'a pas toujours été bien comprise des experts en matière de droits de la personne ». Il serait difficile de déterminer les normes internationales des droits de la personne à appliquer et la manière dont ces normes devraient être appliquées aux intervenants autres que les États avant que les travaux de M. Ruggie soient terminés.
    Le point sert également à mettre en relief le fait que le projet de loi C-300 obligerait le MAECI à renforcer ou à acquérir les capacités nécessaires pour mener des enquêtes et pour trancher relativement à des réclamations touchant la violation des droits de la personne et la dégradation de l'environnement. De plus, les ministres devraient prendre en compte non seulement le risque juridique lié à la prise d'une décision qui pourrait faire l'objet d'un contrôle judiciaire, mais également les conséquences que cette décision pourra avoir sur les collectivités locales, sur les gouvernements hôtes, sur les entreprises canadiennes, sur les organisations de la société civile et sur d'autres intervenants.
    Ainsi que nous l'avons souligné dans notre témoignage précédent, le lien entre les activités des sociétés extractives canadiennes et les violations graves des droits de la personne commises par les États n'est pas clair et ne semble pas correspondre à l'objectif lié à l'accroissement de la responsabilité sociale des entreprises à l'étranger.
    Le projet de loi C-300 exige que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international établisse un processus quasi judiciaire. Ce processus devrait respecter toutes les exigences liées à la légalité, à l'équité de la procédure et aux principes de justice naturelle. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ne peut pas fonctionner comme un organe quasi judiciaire. Il n'y a pas de disposition dans la Loi sur le MAECI pour un tel mécanisme.
    Pour établir un processus en vue d'accepter ou de rejeter des plaintes, de mener des examens et de prendre des décisions fondées sur ces examens, il faudrait un cadre soigneusement élaboré qui respecterait fermement les principes de justice naturelle. Ce type de cadre de réglementation est nécessaire pour veiller à ce que les droits soient protégés.
    En outre, les questions énoncées ci-dessus soulèvent la question de savoir si les fonctionnaires du MAECI possèdent ou non les compétences requises, ou s'ils disposeront ou non de ressources suffisantes pour former ou recruter des personnes dotées des compétences professionnelles appropriées à cette fin.
    Il serait peut-être utile d'examiner les pratiques actuelles du ministère lorsque les fonctionnaires du MAECI sont saisis d'allégations d'actes répréhensibles de la part d'une entreprise canadienne à l'étranger. Lorsque le ministère est avisé de ce type d'allégations, il prend celles-ci très au sérieux et tente de jouer un rôle constructif et utile. Nos chefs de missions et nos agents de services extérieurs au Canada et à l'étranger consultent les collectivités, les gouvernements, les peuples autochtones et les organisations de la société civile touchés, et collaborent étroitement avec ceux-ci afin de faciliter un dialogue ouvert et éclairé entre toutes les parties.

  (0905)  

[Français]

    Lorsque le territoire dans lequel une activité présumée a eu lieu n'est pas signataire des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales et ne possède pas son propre point de contact national, ou PCN, nous offrons les services du PCN du Canada aux personnes et aux collectivités touchées ou à leurs représentants.
    Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international préside actuellement le comité interministériel qui tient lieu de point de contact national du Canada en ce qui concerne les Principes directeurs de l'OCDE. Ces principes directeurs constituent un élément clé de l'approche du Canada à l'égard de la RSE.
    Le PCN fait valoir les Principes directeurs, répond aux demandes d'information et peut favoriser un dialogue constructif entre les intervenants lorsque des questions sont soulevées. Lorsque les allégations dépassent la portée des Principes directeurs de l'OCDE, le ministère peut offrir aux collectivités touchées les services de la nouvelle conseillère en RSE pour l'industrie extractive, en ce qui concerne les questions qui relèvent de son mandat.

[Traduction]

    L'approche utilisée par le ministère pour collaborer avec les intervenants, en cas de telles allégations, tient compte des principes qui orientent les relations extérieures du Canada et le respect des engagements de ce dernier en vertu d'obligations et d'accords internationaux, y compris le respect de la souveraineté des États.
    Il s'agit d'une approche conforme à la manière dont les États collaborent, en général, lorsque ce type de questions est soulevé. Cette approche démontre également un engagement non seulement à aider les entreprises à améliorer leur rendement et à agir d'une manière socialement responsable, mais aussi à collaborer avec les gouvernements hôtes et les collectivités locales afin d'accroître leur capacité de gestion des ressources naturelles et de tirer profit des possibilités de développement que leur offre ce type de richesses.
    Lorsque l'on modifiera la Loi sur le MAECI pour imposer des contraintes touchant les types de soutien que les responsables peuvent offrir aux entreprises canadiennes dans certaines circonstances, il pourra être utile de définir certaines de ces activités. Il sera difficile d'établir une distinction entre les activités des fonctionnaires du MAECI qui mettent en valeur et appuient les entreprises canadiennes, et qui devraient être retirées en cas de décisions négatives de la part des ministres, et les activités dont on juge qu'elles améliorent le rendement global en matière de RSE.
    Ces activités consistent notamment à tenir des conférences, des colloques et des ateliers portant sur le développement durable et sur la RSE; à aider les délégations canadiennes de peuples autochtones à rencontrer les groupes autochtones d'autres pays pour discuter de la RSE et de l'exploitation des ressources naturelles; à visiter des sites miniers et discuter avec les intervenants; à fournir des renseignements touchant les politiques et les programmes canadiens aux gouvernements étrangers; à contribuer à faire venir des délégations étrangères à des salons professionnels, notamment les salons GLOBE et de l'ACPE, pour leur permettre de rencontrer des représentants d'entreprises canadiennes et de découvrir les nouvelles technologies et approches en matière d'exploitation des ressources naturelles; à aviser les entreprises en ce qui concerne le milieu culturel, politique et social local, et les inciter à élaborer des pratiques exemplaires en matière de RSE; à participer à un dialogue avec des organisations de la société civile et d'autres intervenants, afin de mieux comprendre les diverses questions et préoccupations et d'adapter nos politiques et nos pratiques en conséquence; à échanger des avis et des renseignements avec nos partenaires de l'ensemble du gouvernement et collaborer avec ceux-ci afin d'élaborer une approche pangouvernementale à l'égard de la promotion de la RSE; à appuyer activement la création du Centre d'excellence de la RSE; et à intervenir à l'égard de la RSE aux niveaux bilatéral et multilatéral au sein d'un large éventail de groupes et au moyen d'une vaste gamme d'instruments.
    En résumé, l'expérience du ministère a démontré la valeur de la recherche d'un dialogue en vue de définir des objectifs partagés entre de nombreux intervenants et d'atteindre un consensus concernant la manière la plus efficace de réaliser ces objectifs. Ces démarches exigent de la souplesse, de la créativité, un équilibre et une disposition à adapter les approches aux circonstances particulières, surtout dans une situation politique et économique hautement complexe, comme il en existe dans de nombreux pays en développement. Cela est d'autant plus vrai lorsque l'objectif consiste non seulement à promouvoir le respect des droits de la personne, mais aussi à remédier au problème en cas de comportements susceptibles de ne pas être conformes aux lignes directrices proposées.
    L'analyse des conséquences éventuelles du projet de loi C-300 sur le MAECI révèle, à ce jour, que la loi proposée pourrait restreindre notre capacité de favoriser un résultat positif, dans le secteur où notre engagement est le plus nécessaire, et finalement limiter la capacité du ministère de contribuer d'une manière positive au domaine de la responsabilité sociale des entreprises.

  (0910)  

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Manuge.
    Nous passons maintenant au premier tour de questions.
    Monsieur Patry.

[Français]

    Merci beaucoup à nos témoins. Bienvenue, encore une fois.
    Monsieur Manuge, vous avez mentionné, dans votre présentation de ce matin, des lignes directrices en matière de rédaction. Vous nous dites que, et je vous cite:
Le projet de loi C-300 demande aux ministres du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de rédiger un ensemble de règlements apparemment obligatoires, à l'aide d'un certain nombre de lignes directrices volontaires reconnues à l'échelle internationale, et une politique interne de la Société financière internationale.
    Vous dites aussi:
[...] le projet de loi C-300 [vous] obligerait [...] à renforcer ou à acquérir les capacités nécessaires pour mener des enquêtes et pour trancher relativement à des réclamations touchant la violation des droits de la personne et la dégradation de l'environnement.
    Est-il raisonnable de supposer que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pourrait gérer efficacement le mécanisme de plaintes envisagé dans ce projet de loi?

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Au cours des derniers mois, après avoir comparu devant le comité en juin et déposé notre mémoire écrit à la suite de ce témoignage et en prévision de notre comparution d'aujourd'hui, nous avons eu l'impression que, puisque le ministère serait finalement responsable de la mise en oeuvre d'une grande partie des dispositions du projet de loi, nous devrions en toute bonne foi évaluer très minutieusement quelles seraient les répercussions de la mise en oeuvre de ces dispositions pour notre ministère.
    À cet égard, les observations que j'ai formulées dans mon allocution d'ouverture et celles qui figurent dans notre mémoire écrit remis à la suite de notre dernière comparution décrivent de manière assez détaillée nos préoccupations lorsqu'il s'agit de transformer les lignes directrices actuelles en ce qui semble être un règlement qui exigerait la conformité des entreprises canadiennes à l'étranger. Du même coup, nous voulions examiner comment nous mettrions en oeuvre le processus d'examen nécessaire.
    Il nous semble qu'il faudrait mettre en place au ministère une équipe exclusivement chargée d'accueillir les plaintes qui seraient formulées, de les évaluer, de les examiner, d'établir un processus à suivre et de fournir des services juridiques afférents.
    Pour ce faire, nous aurions besoin de ressources humaines et financières potentiellement substantielles.

  (0915)  

[Français]

    Dans le cadre de votre témoignage, vous parliez aussi d'un processus quasi judiciaire. Vous disiez ce qui suit:
Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ne peut pas fonctionner comme un organe quasi judiciaire. Il n'y a pas de disposition dans la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour un tel mécanisme. Pour établir un processus en vue d'accepter ou de rejeter des plaintes, de mener des examens et de prendre des décisions fondées sur ces examens, il faudrait un cadre soigneusement élaboré, qui respecterait fermement les principes de justice naturelle.
 
    Selon vous, à qui devrait-on confier la responsabilité de créer ce cadre de façon à pouvoir mettre de l'avant ce projet de loi?

[Traduction]

    Je pourrais peut-être demander à ma collègue de la Direction du droit de répondre à cette question, compte tenu de ses implications juridiques.

[Français]

    Comme votre question est d'ordre juridique, j'aimerais y répondre en anglais.

[Traduction]

    Bien sûr. Je m'exprime en français parce que c'est ma langue maternelle.
    Merci.
    Je crois qu'en tant que fonctionnaires, nous ne sommes pas habilités à proposer d'autres mécanismes que ceux qui figurent dans le projet de loi; cependant, nous pouvons certainement faire remarquer que le cadre que comprend actuellement le projet de loi risque fort de ne pas satisfaire aux exigences du droit administratif qui seraient nécessaires à l'établissement d'un processus menant à des décisions potentiellement préjudiciables, qui pourrait donner lieu à un examen judiciaire advenant qu'une entreprise subisse des préjudices.
    Il est évident que le mécanisme lui-même exigerait des enquêteurs, ainsi que des avocats qui donneraient des conseils d'ordre juridique à la commission. Il faudrait en outre mettre en place tout un cadre procédural qui n'existe pas pour l'instant au MAECI et qui n'est pas prévu dans la loi du MAECI.
    Il faudrait donc accorder au ministre d'importants pouvoirs dont il ne dispose pas actuellement. Selon nous, le projet de loi tel qu'il est présentement ne fournirait pas nécessairement un cadre suffisamment clair pour le faire.
    Merci.
    Monsieur Rae.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de votre exposé.
    Pour faire suite aux commentaires de Mme Nölke, la conseillère travaille au ministère du Commerce international. Est-ce bien là qu'elle se trouve? Où travaille-t-elle?
    La conseillère travaillera à Toronto dans un bureau dont l'emplacement est encore indéterminé. Nous cherchons actuellement un espace dans un édifice du gouvernement de Toronto.
    Nous avons pris cette décision en raison de la proximité des principaux intervenants, des organisations de la société civile et des sièges sociaux de l'industrie extractive.
    Je fais simplement remarquer que le gouvernement a bien été capable de... Ce que je veux dire, c'est qu'il faut concevoir un mécanisme. Si aucune loi n'encadre le poste de conseiller, il faut tout simplement mettre en place un mécanisme.
    Je conviens avec Mme Nölke qu'il faut créer un processus.
    Je crois, monsieur Manuge, que vous avez fait référence à ce point dans votre allocution en disant qu'il faut créer une sorte de processus qui permettrait au ministre de décider si les lignes directrices ont été respectées ou non.
    Je suppose que vous devrez me convaincre que cela dépasse les pouvoirs du ministre. C'est à lui qu'il incombe de décider de l'affectation des ressources, qu'elles soient supplémentaires ou non. Il doit ensuite établir un processus qui permet de prendre cette décision. Il va sans dire que ce processus doit être perçu comme étant équitable.
    Il faudra également du personnel pour conseiller le ministre. De toute évidence, ce dernier ne prendra pas de décision en fonction de ce qu'il lit dans les journaux.
    Je me demande donc ce qui ne va pas. Pourquoi considéreriez-vous que ce mécanisme n'est pas prévu dans le projet de loi?
    Évidemment, on s'attend à devoir accomplir ce travail. Pour ce qui est de l'affectation de ressources supplémentaires, c'est au ministre de prendre une décision. Je ne crois pas que ce soit incompatible avec le mandat de ce dernier.

  (0920)  

    Je crois que nous devrons probablement demander des commentaires écrits, à moins que vous puissiez poser une ou deux autres questions à ce sujet. Nous accusons déjà un retard d'un peu plus d'une minute dans ce tour.
    Veuillez m'excuser.
    Bien sûr.
    Madame Lalonde.

[Français]

    J'aimerais que vous nous disiez ce que vous faites, présentement, lorsqu'on vous signale que des entreprises données commettent des actes considérés répréhensibles en termes de droits de la personne et d'environnement.
    Nous prenons cela très au sérieux. Nous examinons toute plainte portée à notre attention, que ce soit directement ou par l'entremise d'un reportage publié dans la presse. Évidemment, cela a des répercussions sur la relation que nous entretenons avec le pays où la compagnie en question conduit ses activités.
    Si vous le permettez, je vais continuer en anglais.

[Traduction]

    Normalement, les fonctionnaires — qu'ils soient en poste à l'administration centrale, dans le pays où la société pourrait mener ses activités, ainsi que dans nos bureaux régionaux, au besoin — consulteront les principales parties qui pourraient nous fournir de l'information supplémentaire. De toute évidence, nous devons mettre en oeuvre un processus de vérification pour mieux comprendre pourquoi la plainte a été formulée. Nous cherchons à obtenir de l'information du plus grand nombre de parties impliquées possible, notamment la société, les organisations de la société civile, le gouvernement local et les communautés autochtones si elles sont touchées, afin de nous aider à comprendre ce qui a suscité la plainte.
    Pour ce qui est de ce que nous cherchons à faire dans ces situations, nous sommes très conscients des restrictions diplomatiques et juridiques avec lesquelles nous devons composer à l'étranger. Nous devons évaluer les répercussions de ces restrictions sur notre capacité d'intervention. Cela dit, notre approche consiste à offrir nos bons services afin d'entamer un dialogue entre les parties concernées afin de trouver une solution constructive et porteuse de résultats s'il apparaît que les inquiétudes concernant le comportement de la société sont fondées.
    S'il s'avère que la plainte est futile ou formulée de mauvaise foi, il est évidemment crucial de l'établir le plus tôt possible, compte tenu des conséquences très négatives que la plainte pourrait avoir sur la réputation non seulement du Canada, mais également de la compagnie concernée.
    Merci, monsieur Manuge.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Sans qu'il n'y ait d'autre cadre, vous vous assurez donc déjà d'établir le plus sûrement possible la faute commise, et vous consultez plusieurs personnes à ce sujet. Vous disposez déjà d'un mécanisme vous permettant d'établir la responsabilité.
     Que faudrait-il ajouter pour que vous puissiez vous conformer au projet de loi C-300?

[Traduction]

    Merci.
    Pour clarifier ma réponse, nous n'avons pas le pouvoir de lancer des enquêtes officielles à l'étranger. Nous ne sommes pas habilités à déterminer qui est coupable dans une situation semblable. Lorsque j'ai indiqué que nous offrons nos services pour ouvrir le dialogue afin de trouver des solutions constructives et porteuses de résultats, c'est exactement ce que nous faisons. Nous nous efforçons d'aider les divers joueurs à s'entendre sur ce qu'il faut faire.
    Notre intention à cet égard consiste de toute évidence à aider toutes les parties à trouver une solution qui mènera à un résultat positif.

  (0925)  

[Français]

    Pour poursuivre dans la même veine que Mme Lalonde, j'aimerais savoir comment le travail de la nouvelle conseillère en RSE va s'insérer dans ce que vous faites déjà.

[Traduction]

    Merci.
    Le mandat du conseiller en RSE pour l'industrie extractive tel qu'il figure dans le décret est, selon nous, complémentaire au travail qu'effectue actuellement le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et ce, tant au pays qu'à l'étranger.
    La conseillère assume un double mandat. D'un côté, elle doit examiner les questions qui sont portées à son attention concernant le comportement des sociétés canadiennes à l'étranger, étudier ces affaires très minutieusement et de les soumettre à un processus d'examen qu'elle est actuellement en train de concevoir afin d'effectuer une évaluation informelle de la question, de rechercher les faits, d'offrir des services de médiation non officiels et de donner accès à une médiation officielle en cas de besoin. En outre, elle déposera des rapports publics à ce sujet à l'étape appropriée du processus d'examen.
    Nous croyons que le mandat qu'elle assumera constituera un élément essentiel de la stratégie globale annoncée en mars. Cette tâche s'appuie sur le travail supplémentaire effectué par le point de contact national de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales, lequel, comme je l'ai indiqué dans mon allocation d'ouverture, est un comité interministériel présidé par notre ministère. Le décret qui établit le mandat du conseiller en RSE explique précisément comment ces deux mécanismes devraient travailler de pair.

[Français]

    La commissaire va-t-elle pouvoir faire enquête à l'étranger?

[Traduction]

    Elle pourra chercher à établir les faits à l'étranger, oui. Mais d'après ce que je comprends, elle ne pourra pas mener d'enquête officielle.
    Merci, monsieur Manuge.
    La parole est maintenant à M. Abbott.
    Je veux faire bien attention de ne pas déformer vos propos. Je crois que lorsque vous avez répondu à une question de M. Patry, vous avez indiqué qu'il faudrait mettre en place une nouvelle section, division ou ministère, qui aurait besoin de ressources humaines et financières supplémentaires. Est-ce exact?
    Oui, c'est exact.
    En supposant que le MAECI dispose d'affectations limitées dans son budget, ce qui est le cas, où iriez-vous chercher les fonds? Dans quelle direction ou activité le ministère devrait-il récupérer de l'argent? Serait-il en fait capable d'y parvenir sans demander de fonds supplémentaires au Conseil du Trésor?
    Je vous remercie de votre question.
    Dans le cas présent, à l'étape où en est actuellement notre analyse, nous savons qu'il nous faudra effectivement des ressources supplémentaires, pas seulement des ressources humaines et financières, mais un investissement substantiel pour recruter ou former des personnes hautement qualifiées dotées des compétences nécessaires pour mener à bien ces activités.
    À l'heure actuelle, notre analyse ne nous permet pas de dire s'il faudrait procéder à des réaffectations au sein de notre ministère. Cependant, les ressources de notre ministère étant entièrement affectées, il faudrait peser minutieusement notre décision. Comme vous l'avez dit, cela pourrait avoir des répercussions sur la capacité du ministère d'accomplir ses autres fonctions.
    Je respecte le fait que vous, en votre qualité de fonctionnaire, deviez faire preuve de précision et de prudence. Je me demande toutefois si vous pourriez nous donner un chiffre approximatif du montant qu'il faudrait pour établir ce mécanisme et pour en assurer le fonctionnement à long terme.

  (0930)  

    Je crois que je devrai me limiter à dire que ce serait des ressources substantielles, comme je l'ai indiqué plus tôt.
    Voilà qui est intéressant. Votre ministère est pris très au sérieux par l'ensemble de la population canadienne et certainement par notre comité. J'aimerais prendre quelques instants pour lire de nouveau le dernier paragraphe de votre exposé:

L'analyse des conséquences éventuelles du projet de loi C-300 sur le MAECI révèle, à ce jour, que la loi proposée pourrait restreindre notre capacité de favoriser le résultat positif, dans le secteur où notre engagement est le plus nécessaire, et finalement de limiter la capacité du ministère de contribuer d'une manière positive au domaine de la responsabilité sociale des entreprises.
    Autrement dit, malgré les meilleures intentions du monde — et tout le monde ici, moi y compris, appuie les visées du projet de loi —, il n'en demeure pas moins que vous nous avez dressé une longue liste des tâches que vous auriez énormément de difficulté à continuer d'accomplir en matière de RSE, un domaine où le ministère fait de l'excellent travail. C'est un point que je tenais à souligner, parce que je considère votre témoignage comme étant celui d'un expert en la matière.
    Je laisse la parole à M. Goldring.
    Allez-y, je vous prie, monsieur Goldring.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de comparaître aujourd'hui.
    Ma question porte sur le même sujet, même s'il n'est pas nécessairement question des coûts. J'ai l'impression, en écoutant vos observations, que vous êtes d'accord avec ce que nous ont dit l'industrie, EDC, et, à dire vrai, un témoin que nous avons entendu précédemment. Cet Argentin a laissé entendre que son pays souhaitait que ce projet de loi ait pour effet de codifier, d'institutionnaliser la responsabilité des entreprises canadiennes de combler les lacunes laissées par les lois de l'Argentine ou d'instituer des lois canadiennes qui seraient plus exhaustives. À dire vrai, cela nous mènerait à nous ingérer dans les aspirations nationales et la souveraineté d'un pays étranger, avec toutes les complications que cela suppose.
    Il me semble que c'est également ce que vous nous indiquez dans votre mémoire. Est-ce une des principales raisons pour laquelle vous ne pouvez déterminer avec exactitude ce que cette responsabilité juridique serait au bout du compte. Est-ce également un point qui vous préoccupe?
    On peut extrapoler ce qu'il en serait dans d'autres régions du monde où nous aurions des activités minières. Si nous voulons que nos sociétés minières adhèrent aux diverses lois et systèmes juridiques des pays autour du monde, il faudrait que votre direction juridique possède des sommes colossales de connaissance et de capacité. Nous allons même dans des régions du monde où s'applique la charia. Faudrait-il que les sociétés minières adhèrent à la charia parce que c'est la coutume locale dans la région?
    Est-ce que ce sont des complications importantes? Pourrions-nous, en quelque sorte, évaluer la situation afin de déterminer plus précisément le niveau de compétences juridiques dont aurait besoin le ministère?
    Nous avons avec nous le directeur général pour l'Amérique latine et les Antilles. En ce qui concerne nos relations avec les pays de l'hémisphère, je pourrais peut-être l'inviter à traiter des répercussions que le projet de loi aurait sur nos relations de politique étrangère.
    Nous devons savoir clairement ce qu'il en est, car il ne s'agit pas de broutilles. Je crois qu'il existe des préoccupations très graves concernant les exigences auxquelles notre direction juridique sera soumise.
    Il faut également tenir compte de l'aspect négatif du projet de loi sur les sociétés elles-mêmes. Quitteront-elles l'industrie canadienne pour échapper à ces exigences rigoureuses?
    Merci, monsieur Goldring.
    Soyez très bref, monsieur Lambert.
    Je suis très heureux d'avoir l'occasion de répondre à la question.
    Je supervise actuellement 26 ambassades et haut commissariats canadiens dans les Amériques. Nos activités économiques dans la région concernent principalement l'investissement et les industries de l'exploitation des ressources naturelles, des domaines où les questions de RSE occupent l'avant-scène. Mes collègues vous ont parlé de la capacité du personnel de nos missions à nouer des relations constructives.
    J'aimerais souligner un point préoccupant à ce sujet. Il se trouve dans la dernière partie du projet de loi qui porte sur la Loi sur les mesures économiques spéciales. Il me semble qu'il y ait un lien très flou entre le discours sur la responsabilité sociale des entreprises et l'intention plus vaste du libellé, qui vise à modifier la loi pour en fait réagir à des régimes entiers de violation des droits de la personne.
    Tout d'abord, au chapitre de la procédure, il n'est pas clair comment nous pourrions, dans une situation impliquant une société canadienne en sol étranger, élargir notre champ d'action pour englober les questions plus vastes de violation actuelle et antérieure des droits de la personne, comme l'indique actuellement le projet de loi.
    Ensuite, il faut se demander s'il s'agit d'un mécanisme qui convient pour classer les régimes de cette région ou d'autres parties du monde.
    Il me semble que nous voyons grand. Lorsque nous avons discuté des ressources nécessaires, je crois que M. Manuge parlait principalement de la mise en oeuvre des éléments relatifs à la responsabilité sociale des entreprises. Si nous élargissons cet aspect pour englober l'évaluation des régimes relatifs aux droits de la personne dans les Amériques ou ailleurs dans le monde, nous nous retrouvons avec une tâche énorme sur les bras.

  (0935)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Marston.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    C'est un de ces sujets qui, j'en suis certain, soulèvent beaucoup d'émotions chez bien des membres du comité: la valeur que les Canadiens attribuent aux droits de la personne.
    Si l'on se fie à ce que M. Ruggie a dit lorsqu'il a parlé du devoir de respecter les droits de la personne, je crois qu'un projet de loi comme celui-ci entre en jeu lorsque l'on commence à se demander si certaines sociétés canadiennes ont peut-être fait preuve de laxisme dans certains pays. D'un autre côté, si nous réglementons les sociétés canadiennes, nous leur offrons également une certaine protection contre les accusations frivoles qui pourraient être portées contre elles.
    Je suis toutefois d'accord avec M. Rae — cela arrive à l'occasion — lorsqu'il évoque la responsabilité ministérielle et indique qu'une fois le projet de loi adopté, le règlement est mis en place et c'est au ministre d'agir.
    J'ai entendu plusieurs personnes des Philippines et d'autres pays qui m'ont parlé des sociétés canadiennes. Je pourrais dresser un parallèle avec le roi Henri qui souhaitait ardemment se débarrasser du moine Thomas Becket. Tout à coup, des syndicalistes se font assassiner.
    Je ne laisse pas entendre que des sociétés canadiennes agissent délibérément, mais dans certains pays, une simple conversation peut mener à des gestes semblables. Je crois que c'est la raison pour laquelle on propose des projets de loi comme celui-ci.
    D'après ce que je comprends des témoignages précédents — je veux simplement vérifier le nom du groupe, car je ne suis pas un membre régulier de ce comité —, le groupe de Droits et Démocratie a parlé des outils d'évaluation des répercussions en matière de droits de la personne dont nous disposons actuellement.
    Si nous en revenons aux outils et aux coûts, dont vous parliez il y a quelques instants, ne pouvez-vous pas nous donner une idée, même approximative, de ce qu'il pourrait nous en coûter?
    Je travaille pour le bureau juridique du ministère des Affaires étrangères. Nous avons effectué une évaluation assez informelle des coûts potentiels. Le seul mécanisme comparable qui nous est venu à l'esprit est la Commission des droits de la personne. Évidemment, à l'heure actuelle, ce ne sont que des suppositions, car nous ignorons combien de plaintes pourraient être reçues.
    La manière dont le projet de loi a été rédigé fait que l'on pourrait théoriquement recevoir des milliards de plaintes, car n'importe quel Canadien ou citoyen d'un pays où une société canadienne est en activité pourrait formuler une plainte. Nous pourrions donc recevoir un nombre pratiquement infini de plaintes. Pour l'instant, même une plainte frivole donnerait lieu à une enquête afin d'en déterminer le bien-fondé.
    Il est donc très difficile d'établir un coût. Il faut également tenir compte du fait que les enquêtes auraient nécessairement lieu à l'étranger. Or, en mettant simplement en place un mécanisme qui oblige les fonctionnaires canadiens à établir un bureau à l'étranger pendant un certain temps, on a des répercussions considérables sur les ressources, ne serait-ce que parce qu'il faut obtenir la permission de l'État hôte pour pouvoir pénétrer sur son territoire afin de mener une enquête.
    Nous n'avons donc pas de chiffre exact en raison de tous les facteurs inconnus, mais il s'agirait certainement de millions de dollars.

  (0940)  

    M. Goldring a soulevé une question au sujet de la gestion des lois locales. Lorsqu'on est en pays étranger, on est avant tout assujetti aux lois de ce pays. La Sharia ne va pas s'appliquer du jour au lendemain. Si cette loi s'applique déjà dans le pays en question, il faut se soumettre aux lois du pays hôte où l'on se trouve. Je crois donc que nous sommes au milieu d'un faux débat ici.
    Ici encore, un projet de loi comme celui-ci n'aurait pas été proposé ou rédigé à moins que certaines sociétés canadiennes ne suscitent de graves inquiétudes. Nous savons que la majorité de nos sociétés font preuve de beaucoup de rectitude et travaillent très bien.
    De quel processus disposez-vous pour protéger les sociétés canadiennes d'accusations frivoles?
    Monsieur Manuge.
    J'aimerais clarifier la réponse que j'ai donnée plus tôt à M. Rae concernant le lieu de travail de la conseillère en RSE. J'ai l'ai peut-être pris un peu trop au pied de la lettre. Le personnel de la conseillère viendra du ministère des Affaires étrangères et du commerce international. Nous élaborerons avec elle un protocole sous forme de décret de nomination afin de régir les relations entre le ministère et son bureau. Je vous présente mes excuses si je n'ai pas été très clair lorsque j'ai répondu la première fois.
    Je crois que ma collègue Mme Nölke aimerait répondre à cette question.
    Madame Nölke.
    Si les employés d'une entreprise éprouvent des problèmes, les relations consulaires représentent le premier mécanisme de protection. Il existe également des mécanismes de droit international qui visent à protéger les entreprises lésées ou ciblées par le pays hôte sur des questions qui vont à l'encontre du droit international. Une entreprise peut déposer une plainte contre l'État en question, mais elle doit d'abord suivre la procédure judiciaire requise dans cet État.
    Si ce processus est inefficace ou impossible, l'entreprise peut alors se tourner vers le gouvernement canadien afin de faire endosser sa plainte contre l'État hôte. Si la plainte répond aux critères du droit international en matière d'endossement d'un État, le Canada peut l'endosser, en faire une question diplomatique et porter la cause jusque devant la Cour internationale de Justice.
    Ce sont les mécanismes que l'on peut utiliser, bien que ce ne soit pas courant. Souvent, dans les cas d'expropriation, par exemple, l'affaire se règle par voie diplomatique. Cela peut comprendre des compensations ou d'autres formes de règlement de différends.
    Des mécanismes de sanction sont prévus dans le projet de loi. Ils permettraient de retirer le soutien des contribuables aux entreprises irresponsables, ce qui libérerait des ressources pour celles qui ont une attitude responsable. Ne croyez-vous pas que cela encouragerait les entreprises canadiennes à faire preuve de responsabilité, comme elles le devraient?
    Le travail que nous effectuons à l'étranger pour appuyer les ambassades et les missions est lié aux services essentiels que nous offrons aux entreprises canadiennes. De plus, nous offrons un éventail de programmes de soutien général pour l'établissement de relations. Nous défendons également les intérêts canadiens en général ou en lien avec une industrie ou un secteur en particulier.
    Nous ne savons pas si ces activités seraient visées par les dispositions de ce projet de loi, parce qu'elles ne sont pas liées à une entreprise canadienne en particulier. C'est l'une des questions que nous avons soulevées dans notre mémoire. Les ressources disponibles pour notre travail à l'étranger sont destinées principalement à la défense et à la promotion des droits de la personne. Si nous sommes amenés à mettre en place un processus quasi judiciaire, nous craignons que le personnel qui se trouve actuellement à l'étranger ne possède pas les compétences requises pour assumer ce rôle. Par conséquent, la capacité de former ou de recruter le personnel qualifié sera extrêmement importante en ce qui concerne la réaffectation des ressources.

  (0945)  

    Merci beaucoup. Nous avons dépassé notre temps d'environ une minute.
    Cela résume assez bien la situation.
    Je ne sais pas si le moment est bien choisi, mais j'aimerais vous lire ce que dit le Marleau et Montpetit en ce qui concerne les projets de loi émanant des députés:

La loi constitutionnelle exige que les projets de loi proposant la dépense de fonds publics soient accompagnés d'une recommandation royale qui ne peut être obtenue que par le gouvernement et présentée que par un ministre. Comme un ministre ne peut proposer d'affaires émanant des députés, un projet de loi émanant d'un député ne devrait donc pas contenir de dispositions prévoyant l'engagement de fonds publics.
    Je pense qu'aujourd'hui, nous avons été assez clairs. Il faudra des ressources supplémentaires. Je crois qu'un témoin a parlé de millions de dollars, et un autre a dit que les coûts seraient comparables à ceux de la Commission des droits de la personne.
    Il existe un autre moyen: si la recommandation est présentée, le Président de la Chambre... mais j'ignore si cela ferait l'objet d'un vote de confiance. J'imagine que oui.
    Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre témoignage d'aujourd'hui. Nous sommes heureux d'entendre le point de vue de notre ministère.
    Nous allons nous arrêter quelques minutes. J'invite nos prochains témoins à venir s'installer.
    Puisque les représentants du ministère sont encore ici, j'aimerais souligner que M. Rae a posé une question, tout à l'heure, concernant le processus. Vous pourriez peut-être consulter les bleus et examiner la question portant sur l'établissement du processus. Si vous pouviez nous fournir une réponse écrite, nous vous en serions reconnaissants.

    


    

  (0950)  

    Reprenons nos travaux.
    Durant la deuxième heure, nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-300. Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Catherine Duhamel, avocate en droit international, spécialiste des droits de la personne à Alternatives Canada.
    Madame Duhamel, je vous souhaite la bienvenue ce matin et je vous invite à nous livrer votre exposé. Nous espérons que vous aurez aussi le temps de répondre à nos questions.
    Soyez la bienvenue.

[Français]

    Chers membres du comité, je suis avocate. J'ai plus de 16 ans d'expérience en coopération internationale, en renforcement institutionnel et en développement démocratique en Amérique latine et en Afrique. J'ai séjourné dans des pays qui accueillent des projets miniers canadiens et j'ai enquêté sur plusieurs cas de violation des droits de la personne avec l'ONU, l'OEA et collaboré avec l'Unité des crimes de guerre du Canada. Je travaille présentement à la Clinique internationale de défense des droits humains de l'UQAM. Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui.
    Ma présentation portera sur trois éléments: premièrement, le statu quo n'est pas une solution viable; deuxièmement, le projet de loi C-300 est une option qui permet de renforcer la responsabilité sociale des entreprises; troisièmement, c'est une loi sur la responsabilité civile pour violation des droits humains commis à l'étranger par des compagnies qu'il nous faut au Canada.

[Traduction]

On ne peut avoir une économie mondiale fonctionnelle si le système juridique mondial est dysfonctionnel: il faut qu'il existe quelque part, d'une manière ou d'une autre, un moyen qui permette aux gens estimant que leurs droits ont été bafoués de faire valoir... et si les plaintes s'avèrent sans fondement, tant pis... les gens dont les allégations d'abus sont fondées n'ont aucun recours, et les entreprises faussement vilipendées pour des allégations de complicité dans les cas d'atteinte aux droits de la personne ne peuvent restaurer de manière efficace leur réputation... cela démontre l'importance d'avoir un forum dans lequel ce genre de plainte peut être exposée et réglée, et pas simplement [être] considérée comme celle d'une population locale insatisfaite qui affronte une entreprise étrangère et qui n'a aucun moyen de mettre en place une structure juridique pour gérer les répercussions.

[Français]

    Le statut quo actuel, c'est-à-dire l'absence d'instance pour entendre les parties, n'est pas une solution viable. C'est ce que vient de nous dire le juge de la Cour suprême du Canada Ian Binnie. Ce n'est pas viable économiquement, socialement, politiquement et juridiquement, et ce, pour toutes les parties prenantes.
    Le projet de loi C-300 propose une instance accessible, prévisible et transparente, où les deux parties seront entendues. C'est un processus administratif domestique qui a des répercussions extraterritoriales, mais ce n'est pas l'exercice de la juridiction extraterritoriale du Canada. Dans le cas du projet de loi C-300, il est question de décisions prises par des agents du Canada, qui doivent être conformes aux lois canadiennes et aux obligations internationales du Canada. Ce sont des décisions prises sur le territoire canadien, qui donnent donc compétence au fédéral pour exercer sa juridiction.
    Dans le cas de la juridiction extraterritoriale du Canada, elle est exercée directement sur une personne physique ou morale ayant commis des actes à l'étranger, lorsqu'il y a un lien de rattachement avec le Canada. Le Canada exerce déjà sa juridiction extraterritoriale en diverses circonstances, incluant en matière criminelle, sur des compagnies canadiennes opérant à l'étranger, en vertu de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Le Canada mène déjà des enquêtes sur le terrain, en vertu de cette loi et d'autres lois.
    Le Canada n'est pas le seul pays à encadrer les activités de ses compagnies minières. En fait, certains États vont beaucoup plus loin. Ils encadrent les activités de compagnies minières étrangères. C'est le cas de la Norvège, des États-Unis et de la France, pour ne nommer que ceux-là.
    Si l'on compare ce que propose le projet de loi C-300 à ce que la Norvège a mis en place depuis 2004, c'est le ministre des Finances de la Norvège qui autorise des enquêtes extraterritoriales sur des agissements de compagnies minières étrangères. Le Council on Ethics du ministre utilise des sources d'information publiques et mène une enquête sur le terrain.
    Au Canada, ni la stratégie 2009 ni le processus C-300 ne permettent d'aller enquêter sur le terrain, pour l'instant. On verra ce que le protocole et le budget qui sera voté permettront de faire. Même avec un budget, l'enquête que mènera la conseillère en RSE présentera les mêmes défis et limites que ceux soulevés par le projet de loi C-300, c'est-à-dire la disponibilité des effectifs canadiens pour enquêter, l'autorisation de procéder à l'enquête dans le pays d'accueil, etc. Par ailleurs, cela ne semble pas poser problème pour la Norvège.
    En ce qui a trait au traitement des plaintes, les règles d'équité procédurale et de justice naturelle s'appliquent à toutes les entités administratives prévues par une loi au Canada. Le projet de loi C-300 est présumé conforme à la Constitution et au principe d'équité procédurale. La recommandation de la conseillère selon laquelle une compagnie doit se conformer aux normes en matière d'environnement et de droits humains aura le même impact sur les agences du gouvernement que la décision du ministre sous C-300, puisque les agents de l'État, en qualité de mandataires de Sa Majesté, demeurent liés par les lois canadiennes. Donc, leurs décisions doivent être conformes.
    Un agent de l'État ne pourrait pas continuer de soutenir et d'encourager une compagnie qui doit se conformer volontairement. Si la compagnie est accusée de complicité de torture, de viols ou de crimes de guerre, par exemple, perpétrés dans le pays hôte, cet agent pourrait se voir également accusé de complicité et jugé au Canada.
     Pendant que nous sommes en train de discuter à savoir si l'on doit rendre des normes volontaires obligatoires à l'encontre d'agences gouvernementales, les États-Unis étudieront The Conflict Minerals Trade Act, un projet de loi privé qui prévoit non seulement identifier les compagnies minières opérant dans les zones de conflit en RDC, mais de faire une carte disponible au public, d'exiger des compagnies de technologie de communication et autres qui importent ces minéraux de certifier que les minéraux contenus dans leurs biens de consommation ne proviennent pas de zones de conflit.
    Il faut donc constater que non seulement le projet de loi C-300 est un très petit pas pour le Canada et dans le contexte international, mais surtout que ce mécanisme est loin de la conformité recommandée par les Nations Unies au Canada et aux compagnies minières. En effet, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU a déjà recommandé au Canada d'agir pour empêcher les entreprises en matière de ressources naturelles relevant de sa juridiction de commettre des violations des droits des Autochtones à l'étranger et de les rendre responsables de leurs actes.

  (0955)  

    Le projet de loi C-300 n'empêche pas les sociétés canadiennes de violer les normes à l'extérieur du Canada, ne met pas en cause la responsabilité de celles-ci et n'offre aucun recours ni réparation aux victimes. Une loi canadienne devrait-elle prévoir tout cela? Oui, une telle loi existe aux États-Unis et permet aux plaignants d'obtenir réparation, si tel est le cas, et aux compagnies de rétablir leur réputation. C'est exactement ce qui s'est passé pour Talisman Energy.
    Comme il n'existe pas de pendant au Canada de cette loi américaine, Alien Tort Claims Act , c'est le régime provincial de la responsabilité civile qui s'applique ou la Tort en common law. Il y a un obstacle juridique important: le juge a le pouvoir discrétionnaire de déterminer si le tribunal le plus approprié pour entendre le litige est ici, au Canada, ou dans l'État d'accueil. Il peut donc envoyer la cause dans un autre pays. C'est la doctrine du forum non conveniens.
    Le renvoi des causes au sein de l'État d'accueil engendre parfois un déni de justice pour des victimes et l'absence de réparation. C'est exactement ce qui s'est passé dans l'affaire Cambior concernant le déversement de 2,3 milliards de litres de liquide contenant du cyanure, des métaux lourds et d'autres agents polluants dans deux rivières, dont une était la principale source d'eau pour les habitants de la Guyane, en 1995. Le juge canadien a, en 1998, renvoyé la cause devant les tribunaux guyaniens, qui ont rejeté toutes les poursuites subséquentes, laissant ainsi les victimes sans recours et sans dédommagement.
    L'affaire Copper Mesa Mining, qui est devant les tribunaux canadiens en ce moment, tente de contourner cet obstacle juridique en soulignant que ce sont les décisions prises sous la juridiction du Canada, donc au siège social de l'entreprise minière canadienne, qui sont à l'origine de violations des droits de la personne en Équateur.
    Certains États aussi essayent de contourner cette doctrine. Des pays d'Amérique centrale ont adopté des lois de blocage qu'on appelle des blocking statutes, à la fin des années 1990, pour dissuader les juges de renvoyer les causes dans leur pays. En Europe, l'application du forum non conveniens est maintenant restreinte. Les tribunaux nationaux des États membres de l'Union européenne ne peuvent rejeter des plaintes contre les entreprises domiciliées dans ces États sur la base de cette doctrine.
    Aujourd'hui, on constate que les compagnies canadiennes continueront d'être poursuivies aux États-Unis, en Australie, sanctionnées par la Banque mondiale, la Norvège, la France, examinées par l'Angleterre et peut-être bientôt, avec le projet de loi américain aux États-Unis, surveillées par les différents comités onusiens ou encore elles feront l'objet d'enquêtes de l'ONU ou de restrictions et d'interdictions dans les pays d'accueil. Les entreprises minières canadiennes se voient donc de plus en plus surveillées, contrôlées, jugées par des États tiers ou des organisations internationales remplissant ainsi le vide juridique et administratif laissé par le Canada.
    En conclusion, à l'ère de l'Équitable, de l'ÉCO, du Bio, des immeubles verts, de la consommation responsable, de la responsabilité sociable et du développement durable, de la certification, des industries telles que celles du textile et de l'agroalimentaire ont participé au virage vers plus de transparence et une meilleure conformité aux droits humains, au Nord comme au Sud, ce qui leur est très profitable financièrement.
    Va-t-on, au Canada, participer à ce virage et le définir ou allons-nous continuer à se le faire imposer?

  (1000)  

    Merci beaucoup, madame Duhamel.
    Monsieur Rae, vous avez cinq minutes.
    Madame Duhamel, étiez-vous présente lors de la présentation des gens du ministère? Souhaitez-vous faire un commentaire au sujet de leur présentation?
    J'ai travaillé sur le terrain. Comme je vous l'ai dit, j'ai travaillé moi-même à une ambassade et j'ai eu affaire avec de nombreuses ambassades dans divers pays. Effectivement, je confirme que la collecte d'information se fait par le biais des ambassades.
    Elles font déjà un travail d'enquête, finalement, parce que c'est le rôle de la section politique et de la section commerciale d'être au courant de ce que font les citoyens canadiens et les compagnies canadiennes, pour ainsi pouvoir interagir avec le gouvernement et développer le marché pour le Canada dans ces pays. Donc, ces enquêtes sont faites sur le terrain. L'ACDI est aussi engagée dans le processus, c'est-à-dire que ses projets font également partie d'un médium par lequel les fonctionnaires canadiens recueillent de l'information.
    J'aimerais soulever un aspect très important. À l'étranger, si un fonctionnaire commet une infraction à une loi locale, il est passible d'être jugé non seulement dans ce pays, mais également au Canada. C'est une infraction en vertu du Code criminel. Donc, advenant le cas où il y a un soutien, un conseil ou un encouragement à des compagnies sur le terrain, que ce soit avant ou après le fait, cela peut engager la responsabilité d'un agent de l'État.

  (1005)  

    Comme M. Abbott l'a dit aux autres témoins, je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche. Je pense que, en somme, votre présentation souligne que cette question de responsabilité sociale pour les coopérations vient de partout: de la loi internationale, de la loi de la Norvège, de celle de la France et de celle de l'Angleterre. Tout un développement important existe, et le Canada ne peut pas y résister. Le projet de loi C-300 donne la possibilité au Canada de participer à ce mouvement important.
    Est-ce ce que vous voulez dire? Est-ce l'essentiel?
    Tout à fait.
    Il est important de comprendre qu'en raison du statut quo actuel, les autres États définissent cela pour le Canada. Un principe fondamental, en droit international, est que nous sommes tous égaux devant la loi. C'est un principe enchâssé, entre autres, dans la déclaration universelle et il fait partie de notre Constitution, de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Quand une compagnie va à la banque et qu'elle ne paie pas, il y a des conséquences, et la banque ne continuera pas à investir dans l'entreprise ou à lui prêter de l'argent. Dans le cas des compagnies minières, il n'y a pas cette loi. On peut bien leur demander d'être toutes égales devant la loi, mais parfois, au Canada, elle n'existe pas et, à l'étranger, elle n'est pas appliquée.
    Avez-vous entendu les réflexions du gouvernement sur la question du processus légal que le gouvernement devrait créer pour mettre en place le projet de loi C-300? Êtes-vous d'accord qu'il faudrait trouver un système interne au ministère qui donnerait des moyens aux gens d'avoir accès à la justice? Êtes-vous d'accord sur cette proposition?
    Il faut comprendre ce qu'ont soulevé les collègues des Affaires étrangères. Des enquêteurs, des avocats et d'autres sources d'expertise, comme l'a mentionné M. Manuge, il en faudra aussi pour la conseillère. La conseillère sera confrontée à ce même genre de défi et de limite qu'on a soulevé tout à l'heure.
    Ça va donc être le même défi. Des gens provenant de partout peuvent déposer une plainte devant la conseillère, n'est-ce pas?
    Je ne suis pas sûre d'avoir compris votre question.
    On a dit...

[Traduction]

    Très rapidement, monsieur Rae.

[Français]

    On a dit que dans le cadre du projet de loi C-300, les plaintes pouvaient venir de n'importe où. C'est aussi le cas des plaintes soumises à la conseillère.
    Tout à fait. Le problème, concernant la conseillère, est qu'elle peut tout simplement les écarter sans avoir à fournir de justification.
    En effet.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Deschamps.

[Français]

    Bonjour, madame Duhamel.
    Des individus qui sont venus témoigner devant nous à titre personnel, des membres de la société civile et plusieurs ONG, notamment, ont débattu du projet de loi C-300. Des gens de l'industrie minière ont même participé aux tables rondes. Il s'en est dégagé un large consensus. Le projet de loi C-300, selon les rapports des tables rondes et selon vous également, est un petit pas.
    Le gouvernement craint qu'à cause de ce projet de loi, les industries désertent la bourse et qu'on soit aux prises avec une avalanche de plaintes non fondées. En vous fondant sur votre expertise et sur le travail que vous avez fait sur le terrain, j'aimerais que vous me disiez si, selon vous, le petit pas que propose le projet de loi C-300 aura des conséquences aussi tragiques qu'on le laisse entendre.

  (1010)  

    J'aimerais répondre par la question suivante: où ces compagnies vont-elles aller? Aux États-Unis ou en Australie, où elles peuvent se faire poursuivre? En Chine? En Angleterre? L'expertise et la capacité financière sont ici, au Canada. La capitale minière du monde est Toronto. La capitale mondiale de l'exploration est Vancouver. Ça ne va pas changer du jour au demain. Ça s'est construit sur plusieurs années et ça va rester.
    Comme la majorité de ces compagnies n'ont rien à se reprocher, elles n'ont aucune raison de partir.
    En effet, et ça soulève une autre question.
     La conformité exigée par le gouvernement dans le cadre de sa stratégie 2009 est la même que celle exigée en vertu du projet de loi C-300. La conformité exigée des compagnies ne sera pas plus élevée en vertu du projet de loi C-300 qu'elle ne l'est présentement. Il s'agit d'une conformité égale dans les deux cas. La seule différence est qu'elle est obligatoire. On transforme des normes volontaires en normes obligatoires.

[Traduction]

    Très brièvement, madame Lalonde.

[Français]

    Les entreprises, représentées par des avocats éminents, sont venues défendre leur point de vue, la semaine dernière. Les représentants ont dit à plusieurs reprises craindre que dans le cadre du projet de loi C-300, étant donné que le processus de plaintes passe par le ministre, les compagnies ne soient pas jugées adéquatement et ne puissent pas être entendues autrement.
    Qu'en pensez-vous?
    Le professeur John Ruggie, qui est représentant spécial aux Nations Unies, a émis des critères permettant de déterminer si un mécanisme est crédible et efficace. Il faut que le mécanisme soit accessible, prévisible, équitable et transparent.
     Le mécanisme du gouvernement n'est pas entièrement accessible. Il n'est pas prévisible non plus. On n'est pas sûr qu'il y ait une enquête. Les recommandations, s'il y en a, ne sont pas applicables. En outre, comme une des deux parties peut ne jamais être entendue, peut-on dire que le mécanisme est équitable? Le résultat est donc complètement imprévisible. Ce processus est-il transparent? Tout ça remet en question la crédibilité et l'efficacité de ce processus.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Lunney.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Duhamel, le comité a entendu bien des témoins sur cette question, comme vous le savez, et nous avons discuté à maintes reprises du problème des plaintes frivoles et vexatoires que peut déposer tout citoyen d'un pays où l'on exploite une mine, ou même un étranger, une tierce partie ou une société minière ayant des intérêts opposés.
    Je crois vous avoir entendu dire, dans votre déclaration préliminaire, que si les plaintes se révèlent frivoles, tant pis. Certaines personnes ici s'en inquiètent. Je me demande simplement si c'est bien ce que vous vouliez dire ou si vous aimeriez préciser votre pensée, car vous semblez sous-estimer l'importance des plaintes frivoles.

  (1015)  

    Pour commencer, je tiens à préciser que je citais les propos du juge Ian Binnie, de la Cour suprême du Canada, tenus lors d'une conférence. En fait, ce juge demande également qu'il y ait une loi au Canada pour que les entreprises canadiennes présentes à l'étranger rendent des comptes dans ce genre de situation.
    Il reste à prouver que les accusations sont frivoles et les allégations sans fondement.
    Donc, même s'il y a des allégations, comme vous le dites, la procédure est parfois longue pour établir la culpabilité ou la responsabilité dans une telle affaire, comme l'a clairement indiqué le ministère, et surtout — comme il l'a aussi évoqué récemment —, le lien entre les activités des sociétés extractives canadiennes et les violations graves des droits de la personne qui peuvent être commises par les États eux-mêmes n'est pas clair.
    Croyez-vous que le fait que les actions d'une compagnie puissent s'effondrer, la valeur de l'entreprise et ses actions... ses actionnaires... c'est simplement le prix à payer pour faire des affaires, lorsqu'une plainte s'avère frivole ou sans fondement?
    Êtes-vous en train de dire que des plaintes frivoles peuvent détruire une entreprise?
    Oui, ou lui nuire énormément.
    J'ignore si vous êtes au courant des poursuites judiciaires intentées aux États-Unis.
    Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit?
    Les poursuites intentées aux États-Unis ont permis aux entreprises de blanchir leur réputation.
    Dans bien des cas, le dommage est irréparable. Une entreprise comme...
    Elles ont survécu.
    Si j'ai bien compris, vous vous spécialisez dans les droits de la personne, n'est-ce pas?
    Oui, en droit international en matière de droits de la personne.
    Nous avons récemment entendu le témoignage des représentants d'une autre société, qui ont fait valoir l'argument suivant:
Le projet de loi délaisse l'approche collaborative multipartite à l'égard de la RSE, reconnue mondialement comme le moyen le plus efficace d'améliorer la RSE, au profit d'une approche punitive. Nous croyons qu'une telle approche nuira à l'amélioration globale des normes de RSE et, en plus, freinera les progrès des sociétés minières canadiennes en matière de RSE.
    Il y a quelques minutes, les représentants du MAECI ont eux-mêmes parlé de la nécessité d'établir des processus et d'appliquer les exigences liées à la légalité, à l'équité de la procédure et au principe de justice naturelle. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, et vous semblez être assez indifférente aux défis juridiques auxquels est confronté le ministère en ce qui concerne cette approche quasi judiciaire.
    Non, non. J'aimerais clarifier ce que j'ai dit dans mon exposé.

[Français]

    « Quant au traitement des plaintes, les règles d'équité procédurale et de justice naturelle s'appliquent à toutes les entités administratives prévues par une loi. C-300 est présumé conforme à la Constitution et aux principes d'équité procédurale. »

[Traduction]

    Il vous reste environ 20 secondes, monsieur Lunney.
    Oh, j'allais...
    En ce qui a trait au rôle de la conseillère en RSE, je dirais qu'une fois le processus effectué et les résultats rendus publics, si une entreprise ne veut pas coopérer — l'une des critiques formulées est que l'on ne peut pas forcer une entreprise à le faire —, ne croyez-vous pas que la réprobation publique déclenchée par le manque de collaboration sera un problème important pour l'entreprise?
    Veuillez répondre très brièvement.
    Je dirais que les allégations non réglées ont engendré de la violence et une dégradation de la situation sur le terrain pour toutes les parties. Les Canadiens ont été la cible de pillages et d'incendies. Tous les intéressés sont touchés.
    Ce que je dis, c'est qu'il nous faut une tribune pour que les gens soient entendus et que ces questions ne restent pas non résolues.
    Merci, madame Duhamel.
    Monsieur Marston.
    Merci, monsieur le président.
    Je crois que vous avez dit, au début de votre témoignage, que vous aviez de l'expérience au sein du MAECI?
    Oui.
    D'accord.
    Nous avons entendu dire, notamment ici, que ce projet de loi entraînerait des coûts, et par conséquent, qu'il fallait qu'il obtienne la sanction royale avant qu'on puisse aller de l'avant, ou qu'il pouvait même faire l'objet d'un vote de confiance à la Chambre.
    D'après ce que vous venez de dire — et vous avez parlé des procédures existantes —, il me semble qu'il s'agit davantage d'une question de reddition de comptes que de nouveaux coûts exorbitants. Selon vous, quelle est la différence entre ce que nous avons aujourd'hui et ce que nous aurons demain, et à combien évaluez-vous les coûts pour le MAECI?

  (1020)  

    Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Même si j'ai été consultante pour le MAECI, je ne connais pas les rouages internes.
    Très bien. Alors je vais aborder un autre sujet.
    D'après mon expérience au fil des ans dans ma circonscription et dans l'ensemble du pays, mes compatriotes ont un sens inné de la justice et la conviction que le Canada est une nation qui croit aux droits de la personne et qui les défend.
    Tout à l'heure, j'ai parlé du fait que des Philippins et des représentants d'autres communautés sont venus à mon bureau pour parler de situations qui se sont produites dans leur pays.
    Qu'il soit bien clair que je ne vous demande pas de me donner le nom d'une entreprise canadienne en réponse à la question que je vais vous poser. Connaissez-vous des entreprises canadiennes qui, par ce que j'appelle le système « d'autogestion » qu'elles utilisent à l'étranger, auraient directement ou indirectement, ou encore par négligence, été complices de violations des droits de la personne?
    L'équipe de John Ruggie a traité 320 dossiers d'atteinte aux droits de la personne impliquant des sociétés entre 2005 et 2007. De ce nombre, il y avait, évidemment, des cas d'allégations de violations des droits de la personne dans l'industrie minière ou extractive. John Ruggie en a exposé de façon détaillée toutes les conséquences pour chaque catégorie de droits de la personne, et il a publié un rapport... en 2008, si je me souviens bien.
    Il y a donc incontestablement des allégations de violations des droits de la personne. Pour ne nommer que celles-là et non...
    Cela nous donne tout de même un point de repère.
    Les situations difficiles qu'on m'a exposées semblent toucher assez souvent les peuples autochtones que l'on déplace. J'ai entendu parler, au fil des ans, d'assassinats de syndicalistes. Encore une fois, je tiens à souligner que rien n'indique qu'une entreprise canadienne était impliquée. Ce qu'on a dit, c'est que l'entreprise canadienne n'avait pas affirmé clairement que cette situation la préoccupait, et également que des conversations anodines pouvaient parfois conduire à des tragédies.
    Avez-vous déjà observé des situations semblables?
    Dans son rapport intitulé « Protéger, respecter et réparer », John Ruggie est très clair en ce qui concerne la responsabilité des entreprises. En gros, celles-ci ont le devoir de respecter les droits de l'Homme, si l'État lui-même ne le fait pas et, comme John Ruggie l'a dit, de ne pas nuire.
    C'est l'entreprise, qu'elle soit canadienne ou autre, présente dans un autre pays qui est la plus apte à empêcher les violations des droits de la personne dans le cadre de ses activités, et non le gouvernement. Dans une certaine mesure, il s'agira toujours d'un système d'autogestion, mais s'il y avait obligation de rendre compte, c'est-à-dire si les gens savaient qu'en définitive, leurs responsabilités étaient non seulement reconnues par l'entreprise, mais aussi par leur gouvernement, et qu'ils devaient répondre de leurs actions, cela changerait les choses pour le mieux, à mon avis.
    Très rapidement, madame Duhamel.
    Sans aucun doute, dans la mesure où les obligations d'un État ne peuvent être respectées — en ce sens qu'il est très clair que les entreprises qui exercent leurs activités à l'étranger doivent d'abord respecter les obligations de l'État hôte —, certains États hôtes... et le gouvernement, comme le Canada l'a reconnu dans la stratégie de 2009, n'a pas nécessairement la capacité juridique ou la gouvernance...

  (1025)  

[Français]

pour encadrer les activités minières des compagnies sur le terrain.

[Traduction]

    C'est une impasse pour tous les intervenants. Faut-il attendre les bras croisés que ces situations génèrent de la violence, se dégradent et deviennent un problème encore plus grave pour tous les intervenants — le Canada, les États hôtes, les victimes et l'entreprise — qui y sont confrontés?
    Merci beaucoup, madame Duhamel.
    Je vous remercie d'avoir répondu à nos questions.
    J'invite les membres du comité de direction à demeurer dans la salle pour nos travaux à huis clos.
    La séance est levée.
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