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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 030 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 octobre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1130)  

[Français]

    Députés et invités, bonjour. Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue au comité.

[Traduction]

    Nous en sommes à la 30e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.
    Nous allons commencer sans plus tarder. Comme vous le savez, nous avons été retardés par la tenue d'un vote. Je dois rencontrer le comité de liaison à 13 heures, au plus tard à 13 h 15. Normalement, je prolongerais la réunion, mais je dois rencontrer le comité qui, comme vous le savez, doit approuver le budget de déplacement pour notre étude sur le développement économique du Nord.
    Comme le précise l'ordre du jour, nous nous penchons aujourd'hui sur l'honneur de la Couronne. C'est donc avec plaisir que nous accueillons Mark Prystupa, directeur général associé et responsable des négociations pour le centre, des traités et des questions relatives au gouvernement autochtone auprès du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous recevons également Charles Pryce, avocat général du ministère de la Justice qui se spécialise en droit des Autochtones et en politiques stratégiques.
    Messieurs, comme vous le savez sans doute, nous accordons habituellement dix minutes aux témoins pour qu'ils nous présentent leur exposé, après quoi, nous passons aux questions. Comme nous sommes pressés par le temps, nous allons avoir des tours de cinq minutes et non de sept minutes, ainsi que le veut la règle.
    Monsieur Duncan, vous souhaitez invoquer le Règlement?
    Je tenais tout simplement à dire que je dois assister à une séance d'information à 13 heures.
    Nous allons essayer, pour plusieurs raisons, de finir, si possible, à 13 heures.
    Messieurs, à vous de décider qui va prendre la parole en premier.
    Monsieur Pryce, voulez-vous commencer? Nous vous souhaitons la bienvenue.
    Merci, monsieur le président. Nous sommes heureux de venir vous entretenir de ce sujet. Je vais prendre la parole, pour la simple raison que le sujet soulève des considérations d'ordre juridique. Mon résumé sera bref.
    Il existe un lien entre l'honneur de la Couronne et le rapport de fiduciaire, l'obligation de fiduciaire. Il est difficile de bien faire le tour de la question en si peu de temps. Quoi qu'il en soit, je vais vous expliquer comment le droit a évolué dans ce domaine. Je vous fournirai d'autres précisions quand vous poserez vos questions.
    La Couronne entretient une relation particulière avec les peuples autochtones, et ce, depuis toujours. La jurisprudence, jusqu'à tout récemment, avait tendance à considérer cette relation comme étant davantage politique que juridique. Dans la Proclamation royale de 1763, la Couronne, le roi lui-même, qualifiait les tribus indiennes de « ..nations de sauvages avec lesquelles nous avons quelques relations et qui vivent sous notre protection... ». Donc, cette relation spéciale existait déjà il y a 250 ans. Comme je l'ai mentionné, elle semblait être de nature essentiellement politique et non juridique.
    C'est vers la fin du XIXe siècle que la notion de l'honneur de la Couronne a commencé à faire son apparition dans la jurisprudence, c'est-à-dire dans les décisions portant sur l'interprétation et la mise en oeuvre des traités. En effet, un des juges de la Cour suprême avait affirmé que l'interprétation des obligations issues de traités mettait en cause l'honneur de la Couronne.
    Avant 1984, toutefois, la relation était surtout considérée comme étant politique et non juridique. Les choses ont changé en 1984. Cette année-là, la Cour suprême a statué pour la première fois dans l'arrêt Guérin, une cause très importante, que la Couronne avait une obligation fiduciaire légalement exécutoire envers les premières nations. Comme je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, je dirai simplement que la notion de « fiduciaire » ou de « rapport de fiduciaire » s'applique au contexte autochtone. Bien sûr, ce principe d'équité de grande portée s'applique aussi à de nombreux autres domaines. Il s'agit d'un mécanisme, d'un concept qui permet aux tribunaux et aux juges de définir certains types de rapports marqués par un déséquilibre des forces. L'expression « rapport de fiduciaire » désigne les rapports entre les fiduciaires et leurs bénéficiaires, les parents et leurs enfants, les médecins et leurs patients, les avocats et leurs clients — ce sont tous là des exemples de rapports de fiduciaires.
    Dans l'arrêt Guérin, ce principe a été appliqué au rapport existant entre la Couronne et les Autochtones. L'affaire portait sur la cession de terres de réserve et leur disposition. La cour a statué en l'espèce que la Couronne avait non seulement une obligation de fiduciaire, mais qu'elle avait également manqué à celle-ci.
    Le lien entre le rapport de fiduciaire et l'honneur de la Couronne a été exploré plus à fond dans une autre décision déterminante touchant le droit des Autochtones — l'arrêt Sparrow de 1990. Je crois que les membres du comité connaissent bien cette affaire. La cour a statué que le rapport de fiduciaire et l'honneur de la Couronne influaient sur l'interprétation et l'application de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette disposition protège les droits des Autochtones issus de traités. La cour a statué que ces droits ne sont pas absolus, mais que si la Couronne entend restreindre l'exercice de ceux-ci, elle doit agir de manière à préserver l'honneur de sa Majesté en se conformant aux rapports uniques qui existent entre la Couronne et les peuples autochtones.

  (1135)  

    À la suite de l'arrêt Sparrow, plusieurs décisions rendues dans les années 1990 ont fait état de l'honneur de la Couronne, de la façon dont cette notion s'applique ou entre en jeu lorsque la Couronne transige avec les peuples autochtones.
    Mentionnons, par exemple, l'arrêt Badger de 1996 concernant les droits issus de traités dans les Prairies, et le jugement peut-être le plus célèbre, l'arrêt Marshall, prononcé en 1999, qui portait sur les traités de paix et d'amitié dans les Maritimes. La cour a statué que les Mi'kmaq avaient le droit, confirmé par traité, de récolter des ressources et de faire le commerce de produits traditionnels afin de s'assurer une subsistance convenable. Le juge Binnie, qui a rédigé les motifs de la majorité, s'est largement appuyé sur l'honneur de la Couronne, affirmant que celui-ci dictait presque le résultat, soit la façon dont le traité devait être interprété en l'espèce.
    Il y a eu un autre événement marquant en 2002 : l'arrêt Wewaykun de la Cour suprême, rédigé encore une fois par le juge Binnie, qui traite des rapports, des obligations de fiduciaire. Cet arrêt ne fait pas jouer l'article 35. Toutefois, il clarifie de manière générale la portée des obligations de fiduciaire de la Couronne. Il insiste sur l'existence d'un intérêt autochtone reconnu et le fait que la Couronne peut exercer un contrôle discrétionnaire sur cet intérêt, l'obligation de fiduciaire s'appliquant dans ce cas-là. Il précise par ailleurs que les obligations découlant du rapport de fiduciaire entre la Couronne et les peuples autochtones n'ont pas toute un caractère fiduciaire. Cet argument, bien qu'il ait été évoqué dans des décisions antérieures, a été confirmé dans l'arrêt Wewaykum.
    C'est en 2004 que la décision la plus importante concernant l'honneur de la Couronne a été rendue. Encore une fois, je suis certain que les membres du comité connaissent bien cette cause: il s'agit de l'arrêt Taku River de la Cour suprême, rendu en même temps que l'arrêt Haïda. Cette affaire confirmait l'obligation légalement exécutoire qu'a la Couronne de consulter les peuples autochtones avant de prendre des décisions qui pourraient porter atteinte aux droits revendiqués, et non seulement établis. Cette obligation, tout en étant liée à l'article 35 de la Loi constitutionnelle, repose sur l'honneur de la Couronne.
    La Cour suprême a été saisie d'un autre dossier en 2005 : celui de la Première nation crie Mikisew. Dans son jugement, la cour a exploré un peu plus à fond le concept de l'honneur de la Couronne et appliqué l'obligation de consulter aux droits à la fois établis et revendiqués. Il était question, dans cette affaire, du droit de chasse issu d'un traité et de la saisie, par la Couronne, de terres visées par ce droit pour construire une route. Il y a une chose très importante à signaler: on retrouve dans les premières observations une déclaration fort significative au sujet du droit moderne relatif aux droits autochtones. Encore une fois, c'est le juge Binnie qui en est l'auteur. Il a déclaré que l'objectif fondamental du droit moderne relatif aux droits autochtones est la réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones et la conciliation de leurs revendications, intérêts et ambitions respectifs. Cette idée de conciliation n'est pas nouvelle. Elle a été évoquée dans certains jugements du juge Lamer, à l'époque où il occupait le poste de juge en chef, sauf qu'elle a été consacrée par l'arrêt Mikisew.
    Entre 2005 et 2009, diverses décisions ont été rendues par des tribunaux inférieurs. La Cour suprême n'a pas vraiment eu l'occasion d'analyser plus en profondeur le concept de l'honneur de la Couronne. Les résultats obtenus jusqu'ici sont variables. Dans certains cas, les tribunaux inférieurs se sont fondés, pour rendre leur décision, sur la notion de l'honneur de la Couronne.

  (1140)  

    La Cour d'appel fédérale, dans son jugement visant les Abénakis d'Odanak, a fait état de l'honneur de la Couronne dans l'interprétation et la mise en oeuvre de la Loi sur les Indiens. Elle a laissé entendre que le ministre avait l'obligation d'agir honorablement et faire en sorte que la loi fonctionne. La première nation souhaitait, dans ce cas-là, décider de l'appartenance à ses effectifs.
    Il y a une affaire portant sur l'honneur de la Couronne et l'obligation de consulter qui est présentement devant les tribunaux. La Cour suprême, en fait, va en être saisie en novembre. Elle met en cause la première nation Little Salmon Carmarcks et concerne l'obligation de consulter dans le contexte d'un traité moderne. Il se peut que la Cour suprême profite de cette occasion pour explorer plus en détail la notion de l'honneur de la Couronne.
    Par ailleurs, certains tribunaux inférieurs ont indiqué que l'honneur de la Couronne, tout en étant un principe très important, ne s'applique pas dans toutes les circonstances. Des cours d'appel ont affirmé, dans certains cas, que l'honneur de la Couronne ne peut vraiment être invoqué dans le cadre de litiges, de sorte que, dans un processus accusatoire, l'État n'a pas à se conformer au principe de l'honneur de la Couronne, les règles étant plus ou moins fixées par celui-ci.
    Il s'agit d'une décision disons mineure, rendue par un tribunal inférieur, mais qui va probablement être réexaminée dans d'autres circonstances. Fait révélateur: bien que l'honneur de la Couronne repose sur une obligation juridique, elle ne constitue pas une cause d'action en tant que telle. Elle n'ouvre pas automatiquement la porte à des recours en justice au motif, par exemple, que la Couronne n'a pas agit honorablement. ll faut que cette notion soit liée à d'autres formes d'obligation légale.
    L'honneur de la Couronne en tant qu'obligation légale est un concept relativement nouveau. Il est vrai qu'on y a fait allusion au fil des ans et que les tribunaux ont clairement laissé entendre qu'elle découle de l'affirmation de la souveraineté, ce qui lui donne une dimension historique. Toutefois, ce n'est que tout récemment que l'on a commencé à affirmer qu'elle peut donner lieu à une obligation légale. Cet argument a été clairement énoncé dans l'arrêt Haida, en 2004.
    Donc, bien que la Cour suprême ait défini de manière générale le principe de l'honneur de la Couronne, la nature et l'étendue de celui-ci n'ont pas encore été clairement établis. Jusqu'ici, les tribunaux inférieurs qui se sont penchés sur cette notion ont agi avec prudence lorsqu'est venu le temps d'élargir la portée existante de cette notion. Elle implique l'obligation de consulter. Elle peut entraîner des obligations de fiduciaire dans certaines circonstances. En tout cas, elle facilite clairement l'interprétation des lois et des traités, et la mise en oeuvre de ces derniers.
    Je précise que l'honneur de la Couronne est un principe vaste et souple qui n'est pas encore bien défini. Toutefois, il peut être à l'origine d'obligations légales supplémentaires. Je suppose que nous serons mieux informés au fur et à mesure que les tribunaux se penchent là-dessus.
    Voilà pour ma déclaration liminaire, monsieur le président. Je répondrai volontiers à vos questions.

  (1145)  

    Merci beaucoup, monsieur Pryce.
    Nous allons passer directement aux questions.
    Je tiens à dire à ceux qui sont arrivés pendant que le témoin présentait son exposé que nous allons commencer par des tours de cinq minutes, et ce, pour que nous puissions poser un plus grand nombre de questions. J'ajoute que nous devons également discuter des travaux du comité. Nous allons essayer de prévoir 15 minutes à la fin de la réunion pour le faire. Nous allons commencer par...
    Madame Crowder.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. D'accord pour les tours de cinq minutes dans ce cas-ci, mais nous avons adopté des règles concernant le nombre de minutes allouées aux questions. Vous semblez prendre l'habitude de réduire le nombre de minutes attribuées au premier tour. Nous avons des règles en place et nous devons les respecter.
    Toutefois, je vais dire oui aux tours de cinq minutes pour cette fois-ci.
    Vous avez tout à fait raison, madame Crowder. Je préférerais que l'on ait des tours de sept minutes. Habituellement, quand nous manquons de temps, et nous en avons parlé aujourd'hui, nous prolongeons la réunion au-delà de 13 heures. Toutefois, le comité de liaison doit se réunir à cette heure là. Il est donc difficile pour nous de poursuivre la réunion.
    Mais vous avez raison. Nous allons, dans la mesure du possible, essayer de respecter ces règles.
    Nous passons donc au premier tour. Monsieur Bagnell, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, et merci de votre exposé. Je sais que le comité s'intéresse de près à cette question. Si vous avez de nouveaux renseignements à nous fournir, n'hésitez pas à nous les communiquer.
    Vous êtes avocat, et c'est très bien, mais je me demande si vous pouvez nous expliquer ces deux concepts en termes simples. D'après ce que je crois comprendre, les rapports de fiduciaire sont liés aux obligations financières du gouvernement en matière de surveillance et de gérance. De plus, le principe de l'honneur de la Couronne est un concept très vaste qui laisse sous-entendre que la Couronne doit, de manière générale, agir honorablement lorsqu'elle transige avec les premières nations, lorsqu'elle négocie ou qu'elle met en application les traités signés dans le passé.
    Vous pourriez peut-être nous expliquer tout cela en termes simples.

  (1150)  

    Merci de la question. Est-ce que les cinq minutes comprennent le temps alloué à ma réponse?
    Il est vrai que l'on retrouve, à la base, la notion de conciliation, que cet objectif... Vient ensuite l'honneur de la Couronne, l'élément central du cadre, et, rattaché à ce principe, un impératif politique ou moral qui, sur le plan juridique, va influer, par exemple, sur l'interprétation des lois et des traités. L'honneur de la Couronne peut, lorsque les intérêts en cause ne sont pas bien définis, donner lieu à l'obligation de consulter, par exemple. La Cour suprême a indiqué clairement, dans l'arrêt Haida, qu'en l'absence d'intérêts identifiables, l'obligation de consulter découle de l'honneur de la Couronne et non pas des obligations de fiduciaire.
    Donc, oui, les rapports de fiduciaire, les obligations de fiduciaire reposent sur l'honneur de la Couronne. Celui-ci entre davantage en jeu lorsque les intérêts sont bien précisés. Il y a deux choses qu'il faut retenir. La première concerne l'article 35 de la Loi constitutionnelle. L'obligation de fiduciaire laisse entendre qu'on ne peut porter atteinte aux droits existants, sauf si cette atteinte peut être justifiée. Il n'est pas uniquement question ici d'argent, mais de droits de chasse et de pêche, du droit à l'autonomie gouvernementale des premières nations que le gouvernement chercherait à modifier. Le rapport de fiduciaire est important dans ce cas-ci et l'État doit se conformer au principe de l'honneur de la Couronne. C'est son honneur qui est en jeu.
    L'obligation de fiduciaire, telle qu'elle est perçue en dehors du cadre du droit des Autochtones — et elle s'applique incontestablement au droit des Autochtones — vise plutôt, comme vous l'avez mentionné, les éléments d'actifs. Les affaires qui ont été entendues jusqu'ici portent principalement sur les terres de réserve et les sommes d'argent versées aux Autochtones lors de l'aliénation de ces terres. Dans les cas concernant les bandes Apsassin ou de la rivière Blueberry, par exemple, la Couronne agit presque comme un fiduciaire, même si elle affirme qu'il n'est pas question ici de fiducie. Il n'y a pas d'intérêts divergents, mais la Couronne doit se conformer à des règles rigoureuses pour ce qui est de l'utilisation de ces terres.
    Diriez-vous que l'obligation de fiduciaire est liée aux responsabilités de gérance de la Couronne envers les peuples autochtones, et que l'honneur de la Couronne pourrait également être en jeu lorsque les parties négocient d'égal à égal?
    À mon avis, c'est probablement juste, et tout cet aspect de la négociation est fort intéressant, car dans l'arrêt Haïda, la Cour suprême y a fait allusion en déclarant que dans le cadre du processus de conciliation et en conformité avec les droits garantis par l'article 35 de la Loi, il y avait une sorte d'obligation — juridique ou morale, je n'en suis pas certain — d'entreprendre des négociations et d'en arriver à un règlement équitable des revendications concernant les droits autochtones.
    Donc, il semble certainement que l'honneur de la Couronne ait un rôle à jouer dans un contexte de négociations. Mais la nature exacte de ce rôle reste floue pour l'instant.
    C'est à peu près tout.

[Français]

    Maintenant, nous passons à M. Lemay, qui dispose de cinq minutes.
    Ma question est à la fois précise et d'ordre général.
    J'ai toujours senti la même chose quand j'ai lu les décisions de la Cour suprême, et c'était pareil quand je faisais mon cours de droit. J'ai toujours senti que les Autochtones, même si le gouvernement fédéral en était le fiduciaire, étaient mal défendus par ce même gouvernement. La priorité de ce gouvernement était de se protéger lui-même, pour les terres de la Couronne. C'était toujours en fonction de lui-même. Je ne sais pas si vous me suivez.
    Il y a un conflit d'intérêts flagrant quand vient le temps de défendre les intérêts des Autochtones. J'ai rarement vu des décisions où le gouvernement fédéral était du côté des Autochtones. On parle d'honneur de la Couronne. On peut sortir toutes les causes, du jugement Sparrow au jugement Haida. Quand je lis ces causes, je me demande toujours qui a la priorité, car c'est toujours contre les Indiens.
    Le plus bel exemple est ce qui s'en vient et qui va être étudié par la Cour suprême, l'arrêt McIvor. Le gouvernement fédéral est contre l'appel. Alors qu'il y a un problème important de droit à trancher, on se serait attendu... Vous me direz qu'on est loin, mais pour moi, l'honneur de la Couronne est beaucoup plus large que ça.
     Ne trouvez-vous pas que vous êtes assis entre deux chaises? Vous êtes du ministère de la Justice. Votre collègue, M. Prystupa, est du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. N'êtes-vous pas assis entre deux chaises en devant défendre le gouvernement fédéral et, en même temps, l'honneur de la Couronne?
    Vous pouvez prendre le reste du temps à essayer de me convaincre.

  (1155)  

[Traduction]

    Merci de cette question, monsieur Lemay.
    Je crois qu'on peut dire que cela constitue une difficulté, et j'ai déjà entendu cette question auparavant. J'ignore si ma réponse vous convaincra, mais dans tous les cas, ce que les tribunaux reconnaissent, même dans une perspective d'honneur et d'obligation fiduciaire, c'est que la Couronne est dans une position unique. Ils nous expliquent que la Couronne porte de nombreux chapeaux et que, même lorsque les intérêts autochtones sont au premier plan, elle continue d'agir en tant que gouvernement pour l'ensemble des Canadiens. Il y a donc toujours un certain équilibre à établir.
    Donc, bien que cela constitue un défi, je dirais qu'il n'est pas impossible, pour le ministère de la Justice ou certains autres ministères, d'agir conformément au principe d'honneur de la Couronne et aux obligations fiduciaires.

[Français]

    Le gouvernement fédéral vous paie. Quand je paie quelqu'un, il faut qu'il me défende. C'est là mon problème. N'y aurait-il pas lieu de créer un poste d'ombudsman pour tous les dossiers autochtones, ce qui vous libérerait de ce fardeau? À un moment ou à un autre, vous êtes carrément en conflit d'intérêts.
    Je vais vous laisser compléter votre réponse parce que je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps.

[Traduction]

    Je pense que c'est une idée qui a été soulevée. Je ne suis pas certain qu'elle jouisse d'un appui.
    Vous avez demandé un exemple d'un cas où la Couronne avait pris le parti des Autochtones. Il y en a un qui me vient à l'esprit. L'affaire Glass , qui a été portée devant la Cour suprême du Canada, concernait la gestion des terres Musqueam et certains baux relatifs à l'exploitation. Dans cette affaire, à titre de fiduciaire, la Couronne invoquait exactement les mêmes arguments que la Première nation concernée. Il peut donc arriver que nous nous rangions du côté des Premières nations. C'est loin d'être toujours le cas, mais cela arrive.

[Français]

    Merci, messieurs Lemay et Pryce.
    Madame Crowder, vous avez la parole.

[Traduction]

    Pour votre gouverne, madame Crowder, je crois que nous aurons suffisamment de temps pour vous accorder une seconde intervention dans cette série de questions de cinq minutes — je voulais simplement vous en aviser.
    Merci de votre venue. Je pense que vous êtes sans doute fort conscients qu'il s'agit d'une question très complexe.
    J'aimerais revenir sur quelques points, et je tiens à remercier nos attachés de recherche pour l'excellent document qu'ils ont produit.
    D'après ce que j'en comprends — et je ne suis pas avocate —, l'honneur de la Couronne et ses obligations fiduciaires sont, dans les faits, des principes énoncés dans la Proclamation royale de 1763. C'est en quelque sorte le document source qui établit, selon ce que je comprends, la reconnaissance des territoires non cédés. Je n'ai pas tout le document sous les yeux.
    Il est certain que du point de vue des Premières nations, on a, si je ne m'abuse, considéré cette proclamation royale comme le document reconnaissant le statut de nation à nation. Ainsi, l'honneur de la Couronne, si je saisis bien le point de vue des Premières nations, est enraciné dans la Proclamation royale de 1763.
    S'en sont suivies des centaines d'années d'une approche coloniale qui, dans les faits, a empêché les Premières nations de porter leurs causes devant les tribunaux. Ce n'est qu'au cours des dernières décennies que les Premières nations ont véritablement été capables de plaider au nom de leurs peuples relativement à l'honneur de la Couronne, aux responsabilités fiduciaires, aux terres visées par les traités et tout le reste.
    Maintenant que les Premières nations sont véritablement en mesure d'aller devant les tribunaux, nous commençons à constater que la Cour suprême rend généralement des décisions en lien avec l'honneur de la Couronne. Je pense que dans votre exposé, vous avez indiqué qu'en fait, cela a commencé en 1984. On a peut-être entièrement clarifié cette notion en 2004, avec la décision Haïda, mais cela avait en réalité commencé en 1984.
    Je n'ai pas le temps de les passer entièrement en revue, mais nous avons divers rapports du vérificateur général qui traitent de la mise en oeuvre des traités, et du fait que le gouvernement n'honore pas l'esprit et l'intention de ces traités. Nous avons maintenant la Land Claims Agreements Coalition, qui regroupe des représentants du Yukon, entre autres, car le gouvernement ne semble pas honorer l'esprit et l'intention de ces traités.
    Pourriez-vous me dire, en principe, quelles mesures prend le gouvernement pour s'assurer de tenir compte de l'honneur de la Couronne lorsqu'il transige avec les Premières nations?

  (1200)  

    Je me permets de commencer, mais mon collègue aura peut-être des remarques à faire également.
    Pour vous répondre en partie, je vous dirais que toute évidence, les choses ne sont pas parfaites. Il est intéressant que vous ayez soulevé la question de la mise en oeuvre des traités, car c'en est un exemple, selon moi.
    La Cour suprême a effectivement déclaré dans Haida, et certainement dans l'arrêt Première nation crie Mikisew, que la négociation de traités est un moyen partiel de parvenir à une conciliation, et que l'honneur de la Couronne joue un rôle tant pour l'interprétation que pour la mise en oeuvre de ces droits. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a certainement une reconnaissance de la nécessité de mettre en oeuvre les traités comme il se doit. Je pense qu'il pourrait y avoir une divergence de points de vue. Vous avez dit qu'on n'était pas fidèle à l'esprit et à l'intention des traités. C'est une bonne et une mauvaise chose.
    Il est regrettable que je sois un avocat, car j'ai tendance à examiner les choses en tâchant de déterminer quelles sont les obligations légales, puis à penser que c'est ce dont on avait convenu dans le traité. Des objectifs plus larges pourraient ensuite être poursuivis par le gouvernement ou les parties, mais il ne s'agit pas nécessairement d'une obligation légale. Cependant, comme je l'ai dit, il pourrait selon moi y avoir des divergences d'opinion.
    Je me souviens de certaines discussions à propos de la mise en oeuvre des traités, et c'est Jim Aldridge, je crois, qui avait imaginé cette expression selon laquelle le gouvernement considère un traité comme une procédure de divorce où l'on assumerait strictement ses obligations légales. Les Autochtones, eux, le verraient plutôt comme un contrat de mariage où l'on entretient une relation continue. Je ne suis pas certain du degré d'exactitude de cette métaphore, mais elle rend bien une certaine dynamique.
    Le gouvernement est certainement à la recherche de meilleures façons de mettre en application les traités. Je sais qu'aux Affaires indiennes, il y a un certain travail en cours, qu'on tente de concerter. Ce qu'on reconnaît, je crois, c'est que ces obligations sont des obligations du gouvernement, et pas seulement celles du MAINC; il est donc nécessaire d'assurer une meilleure uniformité.
    Peut-être monsieur...
    Monsieur Prystupa, souhaitiez-vous ajouter quelque chose?
    J'en reviens au thème qui nous occupe. De façon générale, vous nous avez interrogés sur la façon dont nous nous y prenons pour tenir compte de l'honneur de la Couronne dans le cadre des rapports du gouvernement avec les Premières nations. Ainsi que Charles l'a indiqué, il s'agit d'une responsabilité globale du gouvernement fédéral, et non pas seulement des Affaires Indiennes.
    En ce qui touche l'honneur de la Couronne, personnellement, j'ai l'impression que bien souvent, ce principe n'est que tout à fait logique sur le plan des affaires. Pour ce qui est de la mise en oeuvre, si l'on est efficace à ce chapitre, on est plus susceptible d'avoir de meilleures relations qui pourront s'étendre à d'autres domaines, et ainsi de suite.
    Oui, il y a eu un rapport de la vérificatrice générale. La Commission des revendications territoriales s'est montrée critique à l'égard du Canada quant à sa manière de mettre en oeuvre les traités. Comme Charles l'a dit, c'est en grande partie attribuable à de l'incompréhension, dans la mesure où on fait des interprétations différentes de ce que sont les obligations respectives du Canada, des groupes autochtones et des gouvernements des provinces ou des territoires.
    Plus les ententes s'accumulent, plus nous commençons à être davantage en mesure de systématiser nos actions. Je pense que nous tentons continuellement de nous améliorer. L'un des aspects à améliorer, je crois, est le fait que parfois, on peut convenir que presque tout a été mis en oeuvre sauf quelques points, mais il est difficile de régler ces questions une fois pour toutes.

  (1205)  

    Nous allons devoir en rester là: nous avons légèrement dépassé le temps imparti.
    Nous allons maintenant entendre M. Duncan, pour cinq minutes.
     Monsieur Duncan.
    Merci.
    J'examinais simplement certains détails. Il est question de l'obligation de consulter, et l'on dit qu'il y a plusieurs cas où les tribunaux ont tranché que la Couronne avait contrevenu à son obligation à cet égard. Nul n'a mis fin à l'action envisagée par la Couronne, mais il y a maintenant une obligation légale et applicable dont nous pouvons disposer, bien qu'elle soit imparfaite.
    Cela résume-t-il assez bien une partie de cette discussion, ou êtes-vous d'un autre avis?
    En ce qui a trait au devoir de consulter, je ne suis pas certain d'avoir bien suivi le propos.
    Il est certain que le devoir de consulter fournit des recours judiciaires. Cela permet aux Premières nations et à d'autres groupes autochtones de contester l'action gouvernementale avant que des dommages potentiels ne soient causés aux droits autochtones revendiqués ou aux droits établis par des traités. La nature du recours est établie au moyen d'un processus appelé révision judiciaire. Il ne s'agit donc pas de déterminer quels sont les droits; cela n'oblige pas nécessairement le gouvernement à accorder une indemnisation directe.
    On tend ainsi à affirmer qu'une décision a été prise sans que l'on ait tenu compte, comme il se doit, du devoir de consulter et d'accommoder. Cela force ensuite les parties à revenir négocier et à consulter davantage.
    Je présume que l'honneur de la Couronne est en jeu dans toutes les décisions concernant l'ensemble des ministères et tous les intervenants, mais lorsqu'il s'agit de droits autochtones, c'est ce qui distingue l'honneur de la Couronne du devoir de consulter.
    C'est une distinction importante à établir, à savoir que le devoir de consulter s'applique seulement dans un cas, dans celui des Premières nations et des droits autochtones, alors que l'honneur de la Couronne s'applique dans tous les cas. Ce principe existe depuis des siècles, n'est-ce pas?
    L'honneur de la Couronne a été appliqué de manière relativement restrictive, assurément en tant que concept juridique. À mon avis, l'impératif politique et moral s'applique dans tous les cas. Il met en jeu les obligations légales dans des circonstances particulières, et l'obligation de consulter est un exemple clair des cas où cela se produit.
    Puis-je faire référence à l'arrêt Bande indienne Wewaykum c. Canada?
    Dans le cadre de cette décision, on a souligné que la Couronne n'était pas un fiduciaire ordinaire, et qu'elle avait l'obligation de tenir compte des intérêts de nombreuses parties. Nous avons beaucoup débattu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cette déclaration ne correspond pas à un juste équilibre entre les intérêts de tous les Canadiens.
    J'aimerais que vous élaboriez sur l'arrêt judiciaire Wewaykum et sa signification potentielle pour le gouvernement fédéral.

  (1210)  

    Je puis certainement le faire, mais comme je crois l'avoir précisé dans mes remarques d'ouverture — et vous venez de le confirmer —, la Couronne n'est pas un fiduciaire ordinaire, et quelles que soient les circonstances, elle doit effectivement agir au nom de tous les Canadiens, et non pas seulement des peuples autochtones. Quant à savoir l'effet que cela a, concrètement, dans l'effort d'équilibrer... En droit autochtone, il y a un concept très prisé reposant sur le principe que les droits autochtones sont placés sur un spectre et que, dans un sens, la nature de l'obligation et la manière d'établir un équilibre se situent sur cette sorte de spectre.
    Dans l'affaire Wewaykum, qu'on avait examinée avant la création d'une réserve, un équilibre plus grand était nécessaire entre les intérêts de la population non autochtone et les groupes autochtones concernés. Maintenant que la réserve a vu le jour — et au-delà de cela, on passe à des transactions particulières liées à la réserve et à la vente de terrains —, la nécessité de créer un juste milieu se fait moins sentir, de sorte que l'obligation réelle de la Couronne se rapproche davantage de ce que j'appelle une « obligation fiduciaire de droit privé ». Le besoin d'équilibrer les intérêts n'est pas le même, alors la Couronne peut simplement agir dans le meilleur intérêt de la Première nation.
    Mais même de ce côté, la Cour suprême s'est montrée disposée à reconnaître qu'il faut établir un certain équilibre.
    Très bien, monsieur Duncan. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entreprendre notre deuxième série de questions, en commençant par M. Bélanger, pour cinq minutes, puis M. Payne, et le Bloc.
    Monsieur Bélanger.
    Il est assez intéressant de voir que nous explorons des concepts hautement importants, tout en étant limités à cinq minutes. Je trouve cela très frustrant.
    Monsieur Duncan, je dois m'élever contre l'un de vos commentaires, à savoir que l'obligation de la Couronne — ou du gouvernement du Canada — en matière de consultation s'applique uniquement aux Autochtones. Si vous regardez l'article 41 de la partie 7 de la Loi sur les langues officielles, vous y retrouverez cette même obligation de consulter. On l'a finalement intégrée dans la loi de 2005, avec l'appui de l'opposition à l'époque. Mais cela va plus loin.
    Je tends à relier les deux, soit dit en passant. Peut-être est-ce dû au fait que j'étudie depuis longtemps les questions relatives aux langues officielles.
    À titre de rappel, monsieur Bélanger, nous avons prévu une seconde réunion avec M. McCabe sur le même sujet, plus tard, alors nous allons...
    Oui, j'en suis conscient, mais je crois qu'il y a davantage qu'une obligation de consulter, n'est-ce pas? N'y a-t-il pas également une obligation d'agir qui est englobée dans ce concept d'honneur de la Couronne?
    Je suis navré; je ne suis pas certain de comprendre la question.
    Eh bien, nous avons déterminé assez clairement qu'il y a une obligation de consulter. En fait, si je ne m'abuse, il y a même, au sein du ministère, un protocole à respecter qui découle de décisions ou de concepts liés à l'honneur de la Couronne, tels qu'interprétés par les tribunaux qui tentent de dicter ou d'inciter à une certaine manière de mener les consultations et les négociations.
    Est-ce exact, monsieur Prystupa?
    En février 2008, le gouvernement du Canada a publié des lignes directrices provisoires concernant la consultation et l'accommodement des groupes autochtones, que l'on a rendues publiques.
    Et ces lignes directrices découlent du concept d'honneur de la Couronne. N'est-ce pas?
    Ma question est donc celle-ci: l'honneur de la Couronne ne va-t-il pas au-delà d'une simple obligation de consulter, pour impliquer également une obligation d'agir?
    Je suis navré. Je sais que je ne suis pas censé poser les questions, mais entendez-vous par là qu'au-delà de la consultation, on doit procéder à des accommodements?
    Je veux parler d'une obligation de passer aux actes — il ne s'agit pas nécessairement d'obtenir tous les résultats souhaités, mais d'une obligation d'agir. La comparaison que j'établirais, c'est que si l'on consulte un médecin, il y a une obligation, un devoir de consulter. C'est une évidence: il faut établir un diagnostic. Mais ensuite, il y a une obligation d'agir, de prescrire. Que les résultats soient ou non au goût de chacun — il n'y a pas d'obligation relativement aux résultats en soi, car à ce moment-là, on entre dans un autre domaine —, il y a certainement une obligation d'agir, n'est-ce pas, qui découle du concept d'honneur de la Couronne?
    Veuillez me pardonner ma difficulté à comprendre.
    Dans certaines circonstances, des accommodements peuvent être nécessaires. Cela veut dire que, bien que la décision relative à la nation Haïda fournisse seulement une orientation générale, elle précise qu'il faut commencer par une consultation et que, lorsque cela se justifie, des accommodements pourraient s'avérer nécessaires. Cela implique d'apporter des ajustements à la proposition initiale pour prendre en considération les intérêts invoqués.

  (1215)  

    J'aimerais pousser la question un peu plus loin, et j'ai deux autres questions.
    La première est celle-ci. À la Bibliothèque du Parlement, on trouve un bon document appelé Words & Phrases. En voici un passage, qui pourrait se traduire comme suit: « la position généreuse de la loi à l'égard de la définition des droits autochtones est parfois résumée par l'expression “honneur de la Couronne” ».
    J'aimerais savoir si, dans l'esprit du ministère de la Justice, et peut-être dans celui du MAINC, cette notion de générosité est bien implantée.
    Tout ce que je peux vous dire — et peut-être M. Prystupa aura-t-il quelque chose à rajouter —, c'est qu'on est certainement conscient du principe de l'honneur de la Couronne. À l'évidence, tout n'est pas parfait, mais c'est un concept qui va de soi, d'un point de vue juridique. Lorsque nous donnons des avis, nous prenons en considération le concept de l'honneur de la Couronne. On en est donc conscient. Quant à savoir si cela est toujours suffisant, je n'en suis pas certain. À un certain degré, cette « générosité » devient... Je ne dirais pas subjective, mais il peut y avoir des divergences de points de vue quant au niveau de générosité qui s'impose.
    S'inspirant des lois, le gouvernement établit des politiques, puis des lignes directrices. C'est la structure traditionnelle, si vous voulez. Existe-t-il une politique, à l'échelle du gouvernement ou même dans certains ministères, qui permet d'interpréter la notion d'« honneur de la Couronne » et de lui donner une signification et du corps, comme cela existe pour d'autres lois en vigueur au pays?
    Je reviens à la Loi sur les langues officielles. Au Secrétariat du Conseil du Trésor, par exemple, on a publié une série de politiques qui définissent, prescrivent et obligent. Existe-t-il une telle politique à l'échelle du gouvernement pour la notion d'« honneur de la Couronne »?
    Je ne sais pas pour M. Prystupa, mais, pour ma part, je ne connais pas un tel document qui explicite directement la notion d'« honneur de la Couronne ». Je pense que ces lignes directrices pourraient être ce qu'il y a de plus approchant. « Honneur de la Couronne » n'y est pas écrit en grosses lettres, mais...
    Eh bien, ce n'est pas une politique.
    Monsieur Prystupa, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'allais dire que, d'après moi, il n'existe pas de telle politique à l'échelle du gouvernement, mais que la notion d'« honneur de la Couronne » aide à façonner plusieurs politiques. Dans chaque ministère, beaucoup de politiques différentes...
    Pouvez-vous m'en donner des exemples?
    Je pense que ces lignes directrices provisoires en sont un. Je pense que les politiques qui, un peu partout...
    Monsieur le président, si je puis, avec votre indulgence...
    L'appareil juridique fédéral est assez rigide... Voici: il y a la Constitution; il y a les lois constitutionnelles ou quasi-constitutionnelles, puis les lois. Ensuite, il y a la politique — des politiques très rigides, très fermes, qui ont fait l'objet d'une longue réflexion, qui sont établies et qui sont assez difficiles à modifier; enfin, il y a les lignes directrices, le barreau inférieur de cette grande échelle.
    En ce moment, je ne parle pas de lignes directrices. Je parle de politique. On me dit qu'il n'existe pas de telle politique pour l'interprétation et l'application de la notion d'« honneur de la Couronne ». Est-ce exact?
    C'est exact.
    Merci, monsieur Bélanger.
    Merci. Je vais vous laisser réfléchir à ça. Si, après, quelque chose s'ajoute, peut-être pourrons-nous le considérer comme une suite.
    La parole est à M. Payne, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je ressemble beaucoup à Mme Crowder; je ne suis pas avocat, je ne comprends donc pas cette notion d'obligation fiduciaire de la Couronne comme un avocat le ferait. Peut-être pourriez-vous m'aider. Parle-t-on ici d'une relation qui, pour les parties, fonctionne dans un seul sens ou les deux?
    Comme je l'ai dit auparavant, je pense que les tribunaux ont affirmé que l'objectif du droit moderne qui s'applique aux droits des Autochtones est la réconciliation, et que ça doit fonctionner dans les deux sens, tout comme, en ce qui concerne l'honneur de la Couronne, l'obligation de consulter, notamment. Ça se manifeste d'au moins deux façons, qui me viennent à l'esprit.
    La Couronne a l'obligation de consulter dans certaines circonstances mais, en contrepartie, les Autochtones sont tenus de préciser leurs revendications. Le processus n'est pas simplement non directif; il n'y pas de veto. Selon les circonstances, la consultation peut être un échange de renseignements qui conduira à une consultation plus poussée, mais, en fin de compte, le consentement n'est presque jamais nécessaire. La Couronne, plutôt, peut toujours agir unilatéralement, mais elle doit avoir pris certaines mesures en matière de consultation.
    Comme M. Bélanger l'a signalé, on peut, dans certaines circonstances, compte tenu des effets négatifs, être obligé de composer avec les préoccupations de l'autre partie. Ça fonctionne dans les deux sens.

  (1220)  

    Y a-t-il quelqu'un d'autre? J'ai aussi sur la liste le nom de M. Rickford.
    Monsieur Rickford, il vous reste deux minutes et demie.
    Vous voulez que je passe au suivant.

[Français]

    Monsieur Lemay, vous avez cinq minutes.
    L'honneur de la Couronne est un concept assez particulier qui a été développé à partir de la Proclamation royale de 1763. Ce concept a beaucoup été développé par les tribunaux. Je comprends qu'il n'y ait ni lignes directrices ni procédure. Comme nous sommes sous l'Empire britannique, c'est toujours la loi britannique qui s'applique.
    Ne trouvez-vous pas que l'honneur de la Couronne a été pas mal galvaudé: il a davantage servi à la défense du gouvernement canadien?
    Je remercie Mme Hurley de son magnifique travail. Les notes qui nous ont été remises traitent directement des points névralgiques. On devrait partir des propos suivants de la Proclamation royale de 1763 pour fonder notre interprétation:
[...] juste, raisonnable & essentiel à nos intérêts & à la sûreté de nos colonies que les différentes nations de sauvages avec lesquelles nous avons quelques relations & qui vivent sous notre protection, ne soient ni inquiétées & ni troublées dans la possession de telles parties de nos domaines & territoires comme ne nous ayant pas été cédés, ni achetés par nous, leur sont réservés, [...]
     À partir de 1800, petit à petit, le gouvernement fédéral a essayé de restreindre ça. On devrait tenir pour acquis que ce sont les Autochtones qui ont priorité. Par la suite, s'ils n'ont pas cédé leurs droits sur leurs territoires, c'est bien dommage, mais ils leur appartiennent.
    Ce n'est pas ce que j'entends dans les propos. Depuis quand cette notion a-t-elle changé? On est parti du principe que c'était la défense des Autochtones. Or c'est maintenant la défense de la Couronne par rapport aux droits des Autochtones.

[Traduction]

    C'est une question difficile, mais je ferai de mon mieux.
    On discerne assurément la notion d'honneur de la Couronne dans la Proclamation royale de 1763. Dans l'affaire Mitchell, la juge en chef McLaughlin a dit que l'affirmation de la souveraineté entraînait l'obligation de traiter les peuples autochtones équitablement. Dans cette affaire, elle a fait une déclaration. D'une certaine manière, sa proclamation confirme cette démarche. Je pense que, dans la période de colonisation postérieure à 1763, on pensait généralement qu'il était difficile pour les peuples autochtones d'établir et de faire valoir leurs droits.
    Beaucoup de changements sont survenus en 1982 — dans le sillage de la canadianisation de la Constitution et de l'adoption de l'article 35. Ils ont donné une portée juridique réelle à ces droits. Avant 1982 — et, assurément, avant 1973 et le jugement Calder — ces droits étaient juridiquement peu reconnus. La position du gouvernement, jusqu'au jugement Calder, était que les droits des Autochtones étaient trop vagues pour être légalement applicables. Le jugement Calder a tout modifié. Puis, un nouveau changement est arrivé en 1982: ces droits étaient non seulement reconnus par la loi, mais, désormais, ils étaient également protégés par la Constitution.
    Le paysage juridique a donc changé. D'une certaine manière, les tribunaux surveillent le respect de ces droits par le gouvernement fédéral ou les provinces, grâce aux affaires se rapportant à l'article 35. Comme l'a dit la Cour suprême, la meilleure façon de répondre aux revendications des Autochtones passe par la négociation. Et comme l'a renchéri le juge Lamer dans l'affaire Delgamuukw, c'est par des négociations tenant compte des jugements. Il y a donc une interaction entre la jurisprudence et les négociations entre les parties.

  (1225)  

[Français]

    Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Monsieur Rickford, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Ceci peut être terriblement compliqué. En ma qualité d'avocat qui a passé beaucoup de temps à tenter de maîtriser ces notions, soit pendant ses études, soit dans l'exercice de sa profession, je ne suis pas certain d'être si avantagé, compte tenu de toutes les nuits blanches que j'ai passées pendant mes études en droit ou l'étude de certains dossiers.
    Jusqu'ici, mon travail dans le Nord-Ouest de l'Ontario, dans la magnifique circonscription de Kenora, a porté sur certaines conséquences pratiques de ces jugements, développés, visiblement, à partir de la distinction de l'obligation fiduciaire à l'égard des intérêts des groupes autochtones et du pouvoir discrétionnaire sur les terres de réserve. Cette obligation découle de Guerin et, dans le jugement Sparrow, de l'obligation de respecter les droits conférés par traité ou la personne des Autochtones protégée par la Constitution ainsi que du critère du motif justifiable pour ces droits.
    À mon avis, le jugement Sparrow a lancé une discussion sérieuse, du moins chez les juristes, sur les améliorations de la participation à des activités, notamment les activités traditionnelles. Voilà une vue d'ensemble très brève de ces décisions, qui sont guidées par les faits.
    Le jugement Haïda a disserté ensuite sur les occasions économiques, et c'est ce à quoi je veux vraiment consacrer les trois minutes et demie qui me restent peut-être.
    Le comité a étudié un certain nombre de questions importantes entourant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, et nous allons entreprendre une étude sérieuse du développement économique. Si nous examinons certaines considérations extrajudiciaires, nous trouvons, dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, une distinction entre rapports et obligations fiduciaires, selon laquelle ils ne créent pas nécessairement des droits fiduciaires ayant force de loi, mais, uniquement, qu'il pourrait y avoir obligation fiduciaire et que la relation ne donnerait pas nécessairement naissance aux droits.
    Il est en quelque sorte important et même obligatoire de comprendre, sur le plan stratégique et législatif, comment, tout compte fait et compte tenu du contexte, le développement économique peut avoir lieu et comment les premières nations peuvent y participer sensiblement et de manière totalement intégrée, dans le sens économique du terme.
    L'exemple, bien sûr, provient de ma circonscription: le projet dans lequel sont unies les deux entreprises Whitefeather Forest et Two Feathers Forest Products et qui concerne uniquement les obligations de la province en aménagement forestier et la relation des nations avec ces obligations, puis le rôle fédéral, soit indirect, soit accessoire ou complémentaire.
    Je me demande si vous pouvez formuler des observations sur certaines des considérations extrajudiciaires et sur les conséquences qu'elles sont susceptibles d'avoir, non seulement sur l'évolution du droit mais aussi sur le développement économique, plus particulièrement en conformité avec le jugement Sparrow et l'idée d'augmenter l'exploitation économique des terres traditionnelles, parce qu'intervient une autre décision importante pour l'équilibre. Une collectivité veut mettre en valeur une ressource se trouvant sur les terres traditionnelles, tandis que les autres veulent la protéger en vertu de principes écologiques très solides.
    Il faut tenir compte d'une foule de facteurs dynamiques dans ce contexte. La question est vaste, et je suis désolé de rendre si peu justice, en trois minutes, à la richesse de cette jurisprudence. Auriez-vous un commentaire à ce sujet?

  (1230)  

    Peut-être monsieur Prystupa peut-il s'exprimer sur ce point, puisque nous sommes dans le domaine extrajudiciaire.
    Ma seule observation sera de dire que, oui, effectivement, c'est un défi que de satisfaire à ces objectifs disparates en essayant à la fois de respecter le caractère distinct des peuples autochtones et leurs droits tout en favorisant le développement économique.
    C'est un défi, mais, potentiellement, c'est au moyen de mécanismes tels que la consultation, menée comme il se doit, que nous pouvons atteindre l'équilibre dont nous parlons. Je crois que vous avez raison de dire que, essentiellement, ce que les tribunaux nous enjoignent de faire c'est d'essayer d'offrir aux premières nations des occasions économiques à saisir, dans le respect des revendications, des droits, etc. des Autochtones.
    Monsieur Prystupa, je vous vois hocher de la tête. J'aimerais connaître un peu vos pensées sur la question.
    Je veux toucher un autre sujet, la consultation, parce que je pense que c'est important.
    Grâce à la consultation, nous pouvons mieux comprendre où se trouvent les intérêts des Autochtones. En même temps, je pense que c'est la bonne chose à faire, parce que nous sommes en mesure de formuler des propositions ou de prendre des décisions qui favorisent le développement économique tout en nous permettant de nous acquitter de notre obligation légale de consulter, etc.
    Il nous faut trouver une façon de mener des consultations efficaces et efficientes. C'est ce à quoi nous travaillons: être cohérents à l'échelle du gouvernement; former les gens qui proviennent de différents ministères à la façon de consulter et nous assurer d'être constants; créer un centre d'information sur les différentes revendications et affirmations des premières nations, pour que, dans l'éventualité où un projet de développement est proposé, nous puissions mener rapidement et rondement la consultation de façon à pouvoir enclencher le développement économique là où il semble recevoir de l'appui.
    Merci. Monsieur Rickford.
    Je partage les préoccupations de mes collègues sur les périodes de questions de cinq minutes. Nous aurions observé une différence sensible si nous avions disposé de deux ou trois minutes de plus.
    C'est particulièrement vrai quand on traite d'un sujet comme celui-ci, mais nous utilisons bien notre temps. C'est pourquoi il est bon que les choses aillent bon train. Passons maintenant à Mme Crowder, qui disposera de cinq minutes, après quoi les députés du parti ministériel ont laissé savoir qu'ils n'avaient plus d'autres questions.
    J'ai les noms de MM. Bélanger et Tonks sur ma liste. Voulez-vous partager votre temps? D'accord.
    Madame Crowder.
    Super! Merci. Ces cinq minutes posent tout un défi à relever.
    Ma question porte sur l'obligation ou non des premières nations à agir de façon honorable. Je vous renvoie au volume V, livraisons 4 et 5 du bulletin First Nations Strategic Bulletin, dont vous n'avez pas copie sous les yeux. Je vais en résumer la teneur.
    On y tient une discussion assez longue sur l'obligation de consulter. On se demande si les premières nations ont l'obligation d'agir de façon honorable. Dans la discussion, on mentionne que la Couronne, en raison de la notion d'honneur de la Couronne, est tenue d'agir de façon honorable à l'égard des droits des Autochtones, même à l'égard de leurs droits à l'affirmation. Le but est la réconciliation avec les peuples autochtones. L'obligation d'agir de façon honorable est une obligation juridique, qui découle du pouvoir que la Couronne détient sur les peuples autochtones. L'auteur conclut que les premières nations n'ont pas l'obligation juridique d'agir de façon honorable, mais qu'elles ont celle de rendre la pareille dans les consultations menées de bonne foi, une fois que la Couronne s'est engagée à les consulter de bonne foi.
    Je voulais que ce résumé figure dans le compte rendu, parce que je crois qu'il constitue une interprétation légèrement différente de celle à laquelle vous avez fait allusion. Ce passage m'a été communiqué par un membre de l'Association du Barreau Autochtone du Canada. Cependant, ma question ne porte pas sur ça.
    Je veux revenir à la confusion qui existe autour des notions d'esprit et d'objet. Je crois que c'est un problème important. En 2003, la vérificatrice générale a constaté que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien semblait se concentrer sur le respect de la lettre des plans de mise en oeuvre des revendications territoriales, mais sans en respecter l'esprit. Les fonctionnaires ont fait croire qu'ils avaient rempli leurs obligations, mais, en fait, ils n'avaient pas travaillé dans le sens de l'objet intégral des ententes sur les revendications territoriales. Le 12 mai 2009, la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales a produit un document dans lequel elle affirme que les preuves selon lesquelles le gouvernement du Canada n'a pas respecté entièrement et significativement l'esprit et l'objet des ententes étaient nombreuses.
    Beaucoup de premières nations estiment que lorsque le gouvernement manque à ses obligations, dans le contexte de l'honneur de la Couronne, elles sont forcées d'intenter des poursuites coûteuses, qui sont au-dessus de leurs moyens. Elles ne gagnent pas toujours, mais elles gagnent souvent, parce que le gouvernement ne s'acquitte pas de ses obligations relativement à l'esprit et à l'objet des ententes.
    Je me demande si vous pouvez dire au comité quelles mesures le gouvernement a prises pour réunir les deux parties afin de dissiper les malentendus qui existent au sujet des obligations. Cela me semble au coeur du problème. Nous parlons de développement économique et de conditions sociales, mais rien ne bougera tant que nous n'exécuterons pas certains des traités dont nous parlons.

  (1235)  

    J'ai été négociateur pendant beaucoup d'années. Parfois, on rédige un texte qui, sur le moment, semble clair aux autres négociateurs. En revanche, le texte peut prendre une signification différente pour des tiers qui le liront. Il est parfois difficile de déterminer quelle était la signification du texte au moment des négociations. Le phénomène, je pense, explique une partie des problèmes d'interprétation et influe sur notre compréhension de l'esprit et de l'objet du texte.
    Pour répondre à votre question, j'aimerais lui donner suite dans un rapport écrit.
    Ce serait génial et très utile. Notre comité entend régulièrement parler du blocage qui existe relativement à l'esprit et à l'objet. Il serait utile que nous puissions assister à un déblocage.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute et demie.
    Ah oui? Quel soulagement!
    Je comprends les positions antagonistes que nous finissons par adopter devant le tribunal, mais perçoit-on une évolution vers une approche moins contradictoire? Un grand chef du Nord du Québec m'a confié qu'une société minière voulait s'installer sur son territoire sans l'avoir consulté. Les Autochtones se sont fait dire, essentiellement, que c'était dommage, qu'ils n'avaient qu'à entamer des poursuites. Ils n'en avaient tout simplement pas les moyens. Personne n'a reconnu ne pas les avoir consultés. Pour faire respecter leur droit d'être consultés, ils sont obligés de s'adresser aux tribunaux, ce qui leur est impossible. Ce genre de conduite n'est pas utile. Pourriez-vous me dire si on se dirige ou non vers une méthode moins antagoniste et vers la réconciliation?
    Je pense que, dans tous les cas, nous essayons un peu plus la collaboration. Bien sûr, certaines de nos négociations sont fortement axées sur des intérêts, et nous essayons de faire avancer les choses ensemble. À d'autres tables de négociation, les questions engendrent peut-être plus de tension, et ce cheminement est plus difficile.
    Dans presque tous les cas, nous nous efforçons de mener des consultations et nous encourageons l'industrie à le faire également, en s'y prenant bien d'avance, étant cependant entendu que le gros de la tâche revient au gouvernement du Canada. Et nous essayons de développer et de cultiver ces bonnes relations avec les collectivités autochtones.
    Bon, nous devons nous arrêter ici. Nous allons donner la parole à M. Rickford, pendant cinq minutes, puis nous allons conclure avec MM. Tonks et Bélanger.
    Monsieur Rickford.
    Merci.
    Je vais continuer dans la même veine que tout à l'heure et je vais faire mon possible pour faire valoir mon argument, même si je ne suis pas certain d'en avoir le temps. J'ai parlé de la CRPA et de la différence entre les relations fiduciaires et les obligations fiduciaires, parce que les relations fiduciaires ne donnent pas nécessairement lieu à des obligations fiduciaires contraignantes selon la loi, comme l'a démontré en profondeur le jugement de la Bande indienne Wewaykum c. Canada.
    Je pense qu'il y avait là quatre principes de base. Premièrement, et c'est important, il s'en dégage que nous sommes rendus bien au-delà des droits garantis par l'article 35 aux réserves existantes. La magistrature aborde la question de l'indemnité générale et précise qu'elle doit varier en fonction de la nature et de l'importance de l'intérêt des parties.
    Par ailleurs, j'ai déjà mentionné qu'il n'y avait pas d'obligation fiduciaire ordinaire. Dans la dernière partie de l'arrêt Wewaykum, nous pouvons voir que la Couronne n'a pas d'obligation fiduciaire ordinaire et qu'elle doit porter une attention particulière aux intérêts des diverses parties, dont les autres administrations du Canada.
    Je trouve cela intéressant parce qu'on commence à parler de la déclaration des Nations Unies et qu'elle nous porte à réfléchir à des éléments importants, évidemment. Toutefois, dans le contexte de l'obligation de consulter, le fait est que les premières nations ont déjà fait inscrire leurs droits découlant de l'article 35 dans les textes constitutionnels et que la jurisprudence fait état de possibilités assez positives, à mon avis, sur le plan juridique, pour que les premières nations participent à des activités économiques ou environnementales, à des fins de protection et de préservation, et qu'elles établissent des partenariats avec des entités privées ou privées-publiques. Un bon exemple en est le partenariat entre la première nation du lac Seul et Ontario Power Generation, puisque la première nation est dorénavant un partenaire à part entière pour l'exploitation du barrage hydroélectrique de Ear Falls.
    Je crains que cela ne compte pas beaucoup parmi tout ce qui se fait de bien sur le plan économique. Que pouvez-vous ajouter à cela pour alimenter la discussion sur l'activité économique? Je sais que dans ma circonscription, à tout le moins, je répète souvent que le futur économique du Nord-Ouest de l'Ontario passe nécessairement par la pleine participation des premières nations aux activités dans les domaines de la santé, du transport, de l'exploitation des ressources et du reste.
    Pouvez-vous réagir à ce que je viens de dire au sujet de l'arrêt Wewaykum et nous dire ce que vous pensez en général de l'incidence de la Déclaration universelle sur les droits des peuples autochtones, dans une perspective d'adaptation et de consultation?

  (1240)  

    De manière générale, je répète qu'à mon avis, il ne fait aucun doute qu'il est important de travailler de concert avec les premières nations. En Ontario et peut-être dans votre circonscription en particulier, il est certain que beaucoup de ressources sont administrées par la province, donc il est important de collaborer tout autant avec la province qu'avec le gouvernement fédéral. Je sais que l'Ontario essaie de modifier ses lois de diverses façons, notamment ses lois sur l'exploitation minière, donc il y a...
    Il y a la gestion forestière aussi.
    ... des consultations et il y a un engagement en ce sens. Je pense que dans cette mesure, ces développements peuvent être positifs. Pour ce qui est de la déclaration des Nations Unies, à vue de nez, je ne peux pas voir de lien direct.
    Je comprends.
    Mark, vouliez-vous ajouter quelque chose à cela?
    Bien sûr. Je peux dire que les traités modernes comprennent habituellement des dispositions visant les mesures économiques et qu'ils prévoient, par exemple, des modalités de contrats privilégiées pour les groupes autochtones touchés. Je pense que la dernière fois, Michel Roy, notre sous-ministre adjoint, a mentionné qu'il y avait maintenant un site Web en ligne qui présente toutes les initiatives prises.
    Je pense qu'il y a vraiment beaucoup d'exemples de réussites et qu'il faut en parler aux autres entreprises et aux autres groupes autochtones pour qu'ils prennent conscience de ce qu'ils peuvent faire quand l'industrie et les groupes autochtones travaillent ensemble. Si je ne me trompe pas, le ministère des Affaires indiennes et du Nord a des programmes pour faciliter tout cela.
    L'une des difficultés, évidemment, c'est que...
    Je m'excuse, monsieur Rickford, votre temps est écoulé. Il est déjà dépassé, en fait, donc nous allons céder la parole à M. Tonks, puis à M. Bélanger.
    Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'être bref.
    Cette question me fascine. Je ne suis pas membre régulier du comité, mais il semble que la Proclamation royale garantissait aux nations autochtones que leurs droits réservés concernant leurs terres ne seraient réduits en rien. Ils avaient aussi des droits découlant de traités.
    Voilà d'une part. D'autre part, il est écrit dans nos notes d'information qu'il y a des décisions judiciaires qui ont établi la souveraineté de la Couronne et la supposition de sa souveraineté sur les peuples autochtones du pays. Il y a donc une certaine reconnaissance des droits issus de traités, il y a la jurisprudence qui établit la souveraineté de la Couronne et il y a la Loi constitutionnelle de 1982, je suppose, qui atteste encore une fois de l'existence des droits issus de traités.
    Voici ma question: quand un groupe autochtone revendique de nouvelles terres, dans le contexte du dialogue et de la consultation, est-il implicite que ces ententes sont mutuelles ou doit-il toujours y avoir contestation judiciaire? Je pense que ce devrait être déterminant pour orienter les travaux du comité sur les intérêts économiques futurs. Comment ce processus va-t-il aider? Je ne parle pas des lois. Les lois proposent des tendances, des règles, mais quelle est la culture, la façon de faire?

  (1245)  

    En fait, il y a des traités historiques au Canada. Il y a les traités de paix et d'amitié, il y a les traités numérotés. Nous les appelons les traités historiques. Pour ces traités, il y a une procédure de revendication particulière, selon laquelle une première nation signataire d'un traité peut présenter une revendication, qui sera évaluée par le gouvernement et pourra faire l'objet de négociations. La première nation peut toujours choisir la voie judiciaire, mais dans la plupart des cas, notre préférence comme la leur va à la négociation.
    Quand nous fixons un nouveau cadre de négociation, nous essayons d'analyser les dispositions législatives en vigueur et d'établir le cadre de négociation en conséquence, mais nous essayons également de négocier de manière à ce que tous en ressortent gagnants. Nous trouvons des moyens de protéger les zones de culture ou les zones de développement économique potentielles. Il y a aussi des régions pour lesquelles nous n'avons jamais négocié d'entente. Ce sont surtout des régions du Nord et de la Colombie-Britannique, où nous sommes en train de créer des traités modernes sur la base de la politique des revendications globales.
    Les systèmes qui en ressortent ne se comparent pas totalement à celui des réserves, mais nous essayons de négocier. Encore une fois, nous consultons le Cabinet pour établir le cadre et les mandats des négociation. Nous analysons quelles sont nos obligations en vertu de la loi, dans ce cas précis, et nous essayons de négocier un compromis avantageux pour tout le monde.
    Merci, monsieur Tonks.
    Allez-y, monsieur Bélanger.

[Français]

    Votre titre est « avocat général, droit des Autochtones et politique stratégique ». Cela veut dire que vous établissez des politiques.
    Comment peut-on développer une politique sur l'honneur et la mettre en oeuvre? Soit dit en passant, on dit en français « honneur de Sa Majesté » au lieu de « honneur de la Couronne ». Je ne vous demande pas une réponse immédiate, mais si le ministère vous demandait d'établir une politique, comment vous y prendriez-vous?

[Traduction]

    Je travaille dans un domaine précis, particulièrement en ce qui concerne les négociations, et vous parlez de la façon de faire générale du ministère dans l'élaboration de politiques. Nous avons une structure interne selon laquelle dès qu'il y a une nouvelle proposition de politique, qu'on jette les bases d'une nouvelle politique, nous vérifions s'il y a quelqu'un d'autre qui élabore une politique connexe et si nous pouvons combiner nos efforts ou utiliser sa politique pour éviter les incongruités.
    Il y a ensuite différents comités internes au ministère. Nous avons un Comité des DG chargé de l'examen des politiques. Nous avons aussi un comité présidé par le sous-ministre, qu'on appelle le Comité des politiques. Et avant même qu'on songe à élaborer une politique de ce type, quand on veut simplement en parler de façon générale, on s'adresse au Comité des intérêts stratégiques.
    Tout cela pour dire qu'il y a une structure interne qui permet une analyse en profondeur en vue de l'élaboration de politiques.

  (1250)  

    C'est tout.
    Merci.
    J'aimerais aborder un autre sujet, monsieur le président, si c'est possible.
    Je suppose que nous allons accueillir le professeur un moment donné.
    Je suis content que vous le mentionniez. Allez-y.
    Ne serait-il pas bon que notre comité, étant donné que nous étudions une question plutôt complexe et lourde de sens, entende également des représentants des communautés autochtones sur la question?
    Le sous-comité pourrait le prendre en considération dans l'élaboration du plan de travail, qui devrait prendre forme lors de la première réunion après la relâche, nous l'espérons.
    Monsieur Lemay, vous vouliez dire quelque chose?

[Français]

    Sans aller dans les détails, il y a des barreaux autochtones, des comités autochtones d'étudiants, de professeurs et d'avocats qui pourraient venir répondre à ce que M. Bélanger vient de souligner.

[Traduction]

    D'accord.
    À titre d'information, vous savez sans doute que nous essayons d'organiser une rencontre avec l'auteur, Timothy McCabe. Son livre a été publié en 2008 et s'intitule The Honour of the Crown and its Fiduciary Duties to Aboriginal Peoples. C'est une lecture recommandée pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur la question. Nous tentons de faire venir M. McCabe le mois prochain. Si vous voulez approfondir la question, c'est assurément un bon livre à lire.
    Maintenant, chers collègues, nous avons deux ou trois petits points à régler. Les membres souhaitent-ils le faire à huis clos?
    D'accord, commençons donc. J'ai deux petits points rapides. Vous avez reçu une liste proposée de témoins, de catégories de même que d'organisations et de particuliers, pour les audiences à Ottawa et celles dans les territoires.
    Je vois que nos témoins se préparent à partir.
    Messieurs, je tiens à vous remercier pour vos exposés cet après-midi. Ils nous ont aidés à mieux comprendre cette question très importante et très complexe. Vous pouvez partir maintenant, et nous vous remercions de votre aide.
    Monsieur le président, je ne savais pas si nous devions rester ou partir.
    Vous pouvez certainement partir si vous le désirez. Merci beaucoup.
    Pour en revenir à la liste des témoins, je vous demanderais, chers collègues, d'y jeter un coup d'oeil et d'acheminer vos commentaires au greffier. Si vous pouviez le faire d'ici mercredi prochain, cela nous aiderait beaucoup. C'est pour les deux. J'aimerais juste dire qu'il sera très difficile de réduire le nombre de témoins pour cette étude. Nous devrons faire des choix, mais pour le faire, nous avons besoin de vos commentaires.
    Le dernier point concerne le Comité de liaison. Nous avons réussi à adopter le budget à notre dernière réunion, mardi, et je tiens à remercier les membres. Nous le soumettrons au Comité de liaison. Pour l'instant, et c'est encore à l'état de projet, notre première destination serait Whitehorse et Yellowknife au cours de la première semaine de séance en novembre, soit du 2 au 6. Ce n'est malheureusement pas possible plus tôt. Nous avons tenté de devancer le voyage d'une semaine, mais il semble que cette semaine soit celle qui convienne.
    Le voyage à Iqaluit, rappelons-le, sera du lundi au mercredi, soit quelques jours seulement, contrairement à l'autre qui durera une semaine entière. Ce voyage aura lieu la semaine qui suit celle de la relâche du jour du Souvenir, soit du 16 au 18 novembre. Ces dates sont encore provisoires. Nous n'avons pas encore fait de réservations. La personne responsable de la logistique au bureau du greffier pense que ce sont les dates les plus probables.
    Si les membres n'ont rien d'autre à ajouter, je crois que nous pouvons lever la séance. Nous nous reverrons mardi après le congé. Rappelons que la séance portera sur le plan d'action pour les services aux familles et à l'enfance et débutera à 11 h. Cela vous convient?
    Merci beaucoup et bonne fin de journée. La séance est levée.
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