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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 042 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 12 mai 2008

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Je suis sûr que les autres membres du comité ne vont pas tarder. La période des questions s'est terminée à 15 heures; je ne vois pas pourquoi ils ne sont pas déjà là.
    Nous en sommes aujourd'hui à notre deuxième séance consacrée à l'examen du sujet de la Partie 6 du projet de loi C-50, conformément au paragraphe 208(2) du Règlement .
    Nous recevons aujourd'hui des témoins pour cette la première heure de séance. Il s'agit de Philip Mooney, président national de l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration. Bienvenue de nouveau. Nous accueillons, à titre personnel, Lorne Waldman, avocat en droit de l'immigration, et Barbara Jackman, avocate en droit de l'immigration et des réfugiés. Puis, nous avons Janet Dench, directrice exécutive du Conseil canadien pour les réfugiés. Bienvenue de nouveau, Janet. Il est agréable de vous voir tous.
    Vous connaissez tous la procédure, et si vous avez des déclarations liminaires, vous pouvez les faire, dans l'ordre que vous souhaiterez.
    Nous allons commencer avec M. Waldman.
    Je vous demande de m'excuser par avance. Avant d'avoir été invité à comparaître à votre comité, j'étais déjà invité par un autre comité à comparaître à 16 h 30, et je vais donc devoir partir avec quelques minutes d'avance.
    Bien. Ce n'est pas un problème.
    J'aimerais tout d'abord traiter de certaines affirmations concernant la nature de ce projet de loi et de ses effets. Une mise au point s'impose.
    On a pu dire que cette mesure porte sur l'arriéré. J'espère que tout le monde a maintenant parfaitement compris que cette législation n'a absolument rien à voir avec l'arriéré. Le texte stipule expressément que les mesures ne sont pas rétroactives et ne vont pas s'appliquer aux centaines de milliers de dossiers en souffrance.
    Il importe que le comité comprenne que l'arriéré constitue un problème très sérieux, mais que le projet de loi ne fera rien pour y remédier. Pour comprendre le problème, il faut voir tout d'abord comment cet arriéré de 900 000 dossiers s'est accumulé. Et l'un des points importants est de voir depuis quand.
    La loi a été modifiée en 2002. Cet arriéré s'est accumulé depuis 2002, car celui qui existait précédemment a été liquidé au cours des six dernières années. Cela a été le fait du règlement intervenu suite au recours collectif portant sur tous les demandeurs de l'arriéré antérieur.
    On a laissé s'accumuler un arriéré de 900 000 demandes. J'estime que cela est dû à l'inaction de la part des responsables de l'immigration qui ont regardé l'arriéré grossir sans rien faire. Il existait des mécanismes qui auraient pu leur permettre de l'endiguer, mais ils n'ont rien fait. Nous devons aujourd'hui admettre que nous avons un problème.
    L'une de mes craintes majeures à l'égard de ce texte est qu'il va conférer quantité de nouveaux pouvoirs à l'administration. Or, celle-ci ne s'est guère montrée compétente à exercer les pouvoirs qu'elle possède en vertu de la loi actuelle.
    Deuxièmement, on nous a dit que cette législation est nécessaire parce qu'un ministre doit posséder le pouvoir d'accélérer le traitement de certaines demandes et décider quelles demandes vont être traitées et quand. Cela appelle une mise au point importante: ce pouvoir existe déjà. Nous n'avons pas besoin de ce projet de loi pour créer ce pouvoir. Prenez, par exemple, le programme des candidats des provinces. Les candidats des provinces reçoivent priorité sur tous les autres migrants économiques et ce, par le biais d'une directive politique donnée par le ministre aux agents de visa outre-mer.
    J'ai intenté un recours en justice il y a deux ans avec une cause appelée Vaziri et. al c. Canada dans laquelle je contestais le droit du ministre de donner priorité au parrainage de conjoints par rapport au parrainage de parents. Je disais qu'il fallait un règlement l'autorisant. J'ai perdu. La Cour fédérale a tranché que le ministre de l'Immigration a le pouvoir de prendre des décisions politiques établissant un ordre de priorité. Ce projet de loi n'a donc rien à voir avec le besoin du ministre de donner la priorité à certaines catégories de demandes par rapport à d'autres.
    Troisièmement, la ministre a déclaré que ce projet de loi n'a rien à voir avec les demandes individuelles. Malheureusement, à titre d'avocat, je peux vous dire que le libellé de ces dispositions dément son affirmation. Si vous regardez le texte et si vous connaissez les principes fondamentaux de l'interprétation des lois, il est clair qu'il donne au ministre le pouvoir de prendre des décisions individuelles sur des demandes individuelles.
    Certes, cette ministre dit qu'elle n'a pas l'intention de faire cela. Mais nous avons appris douloureusement, lors du débat sur la dernière Loi sur l'immigration, que ce que dit un ministre ne nous aide guère lorsque nous nous retrouvons en Cour fédérale des années après.
    Il y a une cause du nom de Cha c. Canada, dans laquelle nous avons fait valoir à la Cour fédérale: « Le ministre a dit que telle chose serait faite ». Les juges de la Cour fédérale nous ont seulement regardés et dit « Eh bien, c'est très joli. » La Cour a fait remarquer que le ministre a pu dire toutes sortes de choses à l'époque, mais qu'il lui incombe d'interpréter la loi des années après et qu'elle ne peut le faire qu'en fonction du texte. Donc, elle tiendra compte de ce que le ministre a pu dire, mais elle ne va pas déformer le libellé de la loi de manière à l'interpréter dans le sens suggéré par le ministre.
    Je pourrais dire beaucoup de choses encore. Je veux parler de ce que fait cette mesure et des inquiétudes qu'elle suscite.
    Le principal pouvoir que donne le projet de loi au ministre, outre celui de s'ingérer dans les demandes individuelles, est celui de modifier les règles rétroactivement au moyen d'instructions.
    Pourquoi est-ce un problème? Il y a deux raisons à cela. Premièrement, notre système d'immigration, au cours des 40 dernières années, était construit sur un système de points transparent, non discriminatoire. Ce système de points fait que les candidats connaissent les critères au moment de faire leur demande. S'ils remplissent les critères, selon la loi actuelle, ils ont le droit d'obtenir une décision fondée sur ces critères et, s'ils les remplissent, celui d'obtenir un visa. C'est très important, car cela signifie que nous avons des règles claires et transparentes dont le gouvernement du moment est politiquement responsable.

  (1540)  

    Si le ministre a le pouvoir de modifier les règles rétroactivement, cela signifie que les règles n'ont plus aucune signification, puisqu'elles peuvent être modifiées des années plus tard. Il n'y a plus de responsabilité politique du tout, et plus de transparence, car les demandeurs de visa n'auront plus aucun moyen de savoir s'ils sont admissibles entre le moment où ils déposent leur demande et celui où ils obtiennent ou non le visa.
    La dernière remarque que je ferai, étant donné que j'ai probablement déjà parlé plus longtemps que je ne devrais, concerne les effets de ce projet de loi sur le plan de la responsabilité politique et du rôle du Parlement. La crainte tient simplement à ceci: aujourd'hui, les changements importants aux règles sont débattus ici, en comité. Les changements sont publiés par avance, afin que le public en soit averti, puis il se déroule un débat libre qui aboutit à une responsabilité politique en fin de processus. Mais si le projet de loi est adopté, le ministre aura le pouvoir d'apporter des changements sans avoir de comptes à rendre, sinon après le fait, et il n'y aura pas de débat politique.
    Supposons que le projet de loi soit adopté, comme il semble maintenant probable, d'ici la fin de la session en cours, et prenne effet le 30 juin. Le 2 juillet, la ministre peut émettre une instruction. Le Parlement ne siégera pas; le Parlement ne siégera probablement pas avant octobre, si bien que des changements fondamentaux et de grande envergure pourront être apportés au système d'immigration sans aucun débat pendant quatre ou cinq mois. Cela sape complètement le rôle du Parlement dans le processus politique et est contraire à l'esprit dans lequel ce gouvernement a été élu, puisqu'il affirmait vouloir renforcer le poids du Parlement dans le processus politique.
    Ce projet de loi mine donc véritablement le rôle du Parlement et de ce comité. Je trouve qu'il établit un précédent très dangereux, car si le gouvernement peut promulguer une loi qui lui permet de donner des instructions en matière d'immigration, qu'est-ce qui l'empêche demain d'en faire autant pour l'environnement ou autre chose? Ainsi, nous aurons un gouvernement par instruction plutôt qu'un gouvernement par réglementation, ce qui est une atteinte sérieuse au rôle du Parlement dans le processus politique.
    Voilà mes remarques liminaires.
    Merci, monsieur Waldman. Vous terminez juste à temps.
    Nous pouvons entendre ensuite Mme Jackman, ou Mme Dench, ou M. Mooney.
    Je n'aurai probablement pas besoin des sept minutes. Lorne et moi avons des opinions similaires sur nombre de ces questions et je suis d'accord avec tout ce que Lorne a dit.
    J'ajouterais trois points concernant ce projet de loi.
    Premièrement, les changements proposés à l'article 11 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés permettront à un agent de visa... Au lieu qu'il soit obligatoire d'accorder le visa, ce sera maintenant facultatif, ce qui permettra aux agents de visa de dire: « Très bien, je ne vous aime pas » — quelle que soit la raison — « et donc, bien que vous soyez admissible, je ne vais pas vous donner le visa ».
    Cela résulte d'un nouvel article — le projet d'article 87.3 — qui permet au ministre de donner des instructions — au titre du projet d'alinéa 87.3(3)d) concernant « la disposition des demandes ». La disposition d'une demande d'immigration est la décision, si bien que le ministre peut donner des instructions sur la décision.
    Selon mon expérience, il arrive qu'un demandeur remplisse toutes les conditions, ne soit pas inadmissible, mais que, pour une raison ou pour une autre, un agent de visa ne l'aime pas à cause de l'emploi qu'il occupait. L'un de mes clients travaillait pour son gouvernement. Un poste relativement haut placé ne le rend pas inadmissible, ni pour raison de sécurité ni pour raison de criminalité ni rien du genre, mais l'agent de visa ne l'aime pas. Il est réticent à le laisser entrer.
    Ce texte lui donne maintenant le pouvoir de refuser l'immigration de cet homme au Canada, sans raison — hormis qu'il ne l'aime pas parce qu'il pense qu'il n'aurait pas dû travailler pour ce gouvernement. C'est une attitude plutôt moralisatrice.
    Voilà le genre de problème que l'on peut créer avec une loi permissive et la faculté donnée au ministre de décider de la disposition des demandes.
    L'autre problème avec le projet de loi, du point de vue des cas que nous voyons, intéresse les modifications à l'article 25, qui disent que si la personne se trouve au Canada et présente une demande pour motif d'ordre humanitaire, celle-ci « doit » être étudiée. En revanche, si la personne se trouve hors du Canada, la demande « peut » être étudiée. Je déduis donc du changement proposé à l'article que la ministre veut signifier que certaines demandes pour motifs d'ordre humanitaire seront ignorées.
    Sont-ils venus ici pour vous dire « Nous sommes inondés de demandes d'ordre humanitaire — nous en avons trop, nous n'y arrivons plus, c'est pourquoi nous avons besoin de cette latitude »? Je n'ai vu aucun chiffre indiquant une surcharge de demandes pour motif d'ordre humanitaire, mais je peux vous dire en quoi consistent ces demandes aujourd'hui.
    Le Parlement, dans sa sagesse, a donné au gouverneur en conseil le pouvoir de déterminer par règlement qui, dans la catégorie du regroupement familial, peut être admis, et donc si vous avez fait une déclaration inexacte, mettons, au sujet d'un conjoint... Je vais vous donner l'exemple que nous voyons sans arrêt.
    Des parents sont parrainés pour venir au Canada, et la demande couvre trois enfants. Le fils est au Canada et il parraine les parents et les enfants. Ils obtiennent leur visa cinq ans plus tard. L'aîné des enfants, qui fait toujours des études, se marie après l'obtention de son visa. Il avait reporté son mariage — il lui fallait être célibataire pour venir au Canada comme personne à charge parrainée — et il pensait qu'il ne pouvait pas se marier tant qu'il n'avait pas le visa.
    Aussi, il se marie, s'envole pour le Canada le lendemain, et parraine son épouse. Il a fait une fausse déclaration. Il n'était pas autorisé à se marier après l'octroi du visa et avant son arrivée au Canada. Il ne le savait pas.
    Sa femme n'entre pas dans la catégorie de la famille. L'agent d'immigration au Canada lui dit: « Nous n'allons pas prendre de mesures contre vous, car il était compréhensible que vous ne connaissiez pas la loi. Vous ne l'avez pas fait délibérément ».
    Il veut donc parrainer sa femme et il doit présenter une demande pour motif d'ordre humanitaire. Selon nos règlements, elle n'est pas sa femme. Bien que nous ne prenions pas de sanction contre lui, sa femme ne peut venir au Canada. Elle ne peut être parrainée au titre de la catégorie du regroupement familial.
    Et vous ne croiriez pas combien d'enfants de parents se voient refusés — des enfants de six, sept, 12, 15 ans — parce que les parents, d'une manière ou d'une autre, ont fait une déclaration inexacte. Ou bien ce sont les conjoints qui ne sont pas autorisés à venir.
    Ceci donne au ministre le pouvoir de dire: « Vous ne pouvez même pas présenter de demande. Nous n'allons pas la recevoir ». Il y a des demandes pour motif d'ordre humanitaire en souffrance en ce moment. Donner au ministre le pouvoir de dire: « Nous n'allons même pas recevoir ces demandes » est inhumain.
    Aujourd'hui, la ministre dit: « Oh, nous n'allons jamais utiliser ce pouvoir pour cela », mais vous savez, nous avons entendu suffisamment de fois au fil des ans qu'ils ne vont pas appliquer la loi de telle ou telle manière. Aussi...

  (1545)  

    Je ne vais pas partir sur des tangentes, mais il est arrivé à plusieurs reprises que le gouvernement dise: « Nous n'allons jamais utiliser la loi de cette façon ». Eh bien, vous le savez, on l'utilise de cette façon et cela finit par pénaliser certains.
    Pourquoi ne pouvons-nous avoir des lois transparentes? Qu'ils agissent de manière transparente et qu'ils démontrent à la satisfaction du public canadien que certaines règles sont nécessaires à divers moments. Ils ne devraient pas avoir le pouvoir de faire tout cela de manière arbitraire, derrière des portes clauses, et c'est ce que le projet de loi leur donne.
    Merci.

  (1550)  

    Merci, madame Jackman.
    Madame Dench.

[Français]

    Je suis ici aujourd'hui pour représenter le Conseil canadien pour les réfugiés. Nous vous remercions pour cette occasion de vous présenter nos commentaires à propos des modifications à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés contenues dans le projet de loi C-50.
    Comme plusieurs d’entre vous le savent déjà, le CCR est un regroupement de plus de 170 organismes à travers le Canada. Nous avons déposé auprès du comité une lettre adressée au premier ministre au sujet du projet de loi C-50. Cette lettre, ou une lettre similaire, a été signée par plus de 40 organismes, dont les trois plus grands regroupements provinciaux, soit TCRI du Québec, OCASI de l’Ontario et AMSSA de la Colombie-Britannique. Ces organismes représentent plusieurs autres centaines d’organismes.

[Traduction]

    Tout d'abord, en ce qui concerne les modifications, on s'accorde très largement à reconnaître l'existence d'un problème dans le système d'immigration qui conduit à ces arriérés. Cela dit, nous ne pensons pas que les changements proposés soient la meilleure solution au problème.
    Des doléances sont exprimées sur le processus, le manque de consultation. Les changements proposés ont été introduits sans la consultation préalable habituelle des intervenants. Cela signifie que les changements ont été décidés sans le bénéfice de tous les points de vue. Deuxièmement, les modifications n'ont pas leur place dans un projet de loi budgétaire. Elles devraient faire l'objet d'un projet de loi distinct débattu sur ses propres mérites.
    Au sujet du manque d'explication, le débat sur les modifications est fortement entravé par l'insuffisance de l'information sur les changements proposés, ce qui engendre à une grande confusion et incertitude. La confusion règne depuis plusieurs semaines sur la question de savoir si les nouvelles instructions s'appliquent à la catégorie du regroupement familial. Elles s'appliquent. Le gouvernement ne facilite pas les choses en ne cessant de mélanger les pouvoirs effectivement conférés dans le projet de loi et les intentions du gouvernement pour ce qui est de l'utilisation de ces pouvoirs à court terme.
    Cela m'amène au point suivant: Les intentions ne sont pas la loi. En tant que parlementaires appelés à adopter ou rejeter une loi, vous devez vous demander comment la loi pourrait être utilisée à l'avenir, et non pas seulement comment le gouvernement actuel propose d'utiliser les nouveaux pouvoirs. Les expressions d'intentions actuelles ne sont pas une protection contre les usages futurs très différents de ces pouvoirs.
    Notre expérience récente avec l'article 117 de la LIPR montre le danger qu'il y a à se fier aux promesses ministérielles. Lorsque la LIPR était débattue au Parlement en 2001, la ministre d'alors, Elinor Caplan, a promis que l'article 117, qui criminalise le trafic de migrants, ne serait jamais employé contre des humanitaires aidant des réfugiés. En dépit de ces promesses, en 2007, une bénévole d'une église, Janet Hinshaw-Thomas, a été arrêtée et inculpée de contrebande de personnes en vertu de l'article 117 pour avoir accompagné des réfugiés à la frontière canadienne. Nous devons inévitablement nous demander ce qui empêcherait un ministre futur d'ignorer les engagements pris par la ministre Finley sur la façon dont les changements seront appliqués et d'utiliser ces nouveaux pouvoirs de manières très différentes.
    Concrètement — et je serai brève — voici la liste de nos principales préoccupations concernant les nouveaux pouvoirs conférés par le projet de loi.

[Français]

    Les amendements accordent à la ministre un trop grand pouvoir arbitraire lui permettant de modifier les règles au fur et à mesure.
    Ces amendements permettront à la ministre de donner des « instructions », sans surveillance parlementaire ni consultations obligatoires. Le fait que les règles relatives à l’acceptation des immigrants soient établies et changées par une décision ministérielle arbitraire crée de l’incertitude, manque de transparence et rend le processus de sélection des immigrants vulnérable aux pressions politiques inappropriées.
    Les amendements éliminent le droit à la résidence permanente pour les demandeurs qui se conforment à la loi.
    Les modifications éliminent le droit à l’étude d’une demande faite à l’extérieur du Canada pour des motifs d’ordre humanitaire. La loi permettra que ces demandes soient plutôt retournées ou même éliminées.

[Traduction]

    Pourquoi le mécanisme des demandes pour motifs d'ordre humanitaire provenant d'outre-mer est-il important? Suite aux remarques de Barbara Jackman, je vais donner deux exemples de situations où la loi ne donne pas aux enfants le droit au regroupement familial et où les demandes pour motif d'ordre humanitaire sont le seul recours.
    Premièrement, les enfants réfugiés au Canada ne peuvent demander le regroupement familial si leurs parents et frères et soeurs se trouvent à l'étranger. La seule façon pour ces enfants d'être réunis avec leurs parents et leur fratrie est par le biais des motifs d'ordre humanitaire.
    Deuxièmement, la règle des membres de la famille exclus, soit le règlement 117(9)d), maintient de nombreux enfants injustement séparés de leurs parents et séparent les conjoints. La seule façon pour les familles touchées de surmonter l'exclusion est par le biais des motifs d'ordre humanitaire.
    Nous avons récemment publié des profils de familles maintenues séparées du fait de cette règle, dont beaucoup sont des réfugiés.
    Le gouvernement a également dit vouloir continuer à examiner toutes les demandes pour motif humanitaire concernant des familles. Cependant, ce n'est là que l'expression d'une intention. Si vous adoptez ce projet de loi en l'état, un gouvernement futur pourrait donner instruction de ne pas examiner les demandes pour motif d'ordre humanitaire visant le regroupement familial.
    Il faut savoir également qu'il existe d'autres situations frappantes ne mettant pas en jeu le regroupement familial où une demande pour motif d'ordre humanitaire est le seul recours. Ces cas pourraient ne jamais être examinés si le projet de loi est adopté.
    En conclusion, il est impératif que le programme d'immigration reconnaisse la valeur des immigrants. Les amendements proposés s'inscrivent dans une tendance inquiétante, qu'ils contribuent à renforcer, vers le recours à l'immigration comme moyen de répondre prioritairement aux besoins des employeurs canadiens, en négligeant les intérêts plus larges. Cela englobe le recours croissant, et problématique, aux permis de travail temporaires. Le Canada doit considérer les immigrants comme des membres à part entière de la société et non pas simplement comme des pièces jetables pour combler les emplois actuellement disponibles.
    Cela suppose de reconnaître l'impératif de politiques et de pratiques de regroupement familial efficaces afin que les immigrants puissent être réunis avec leur famille. Or, le gouvernement ignore des problèmes chroniques qui font que certains enfants passent des années séparés de leurs parents.
    Pour conclure, notre recommandation est que les changements proposés à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés soient retranchés du projet de loi C-50 et fassent l'objet d'un projet de loi distinct.
    Merci de votre attention.

  (1555)  

    Merci, madame Dench.
    Monsieur Mooney.
    Merci beaucoup, monsieur le président, membres du comité et éminents collègues.
    La ministre a apporté récemment quelques changements heureux au programme de travail post-diplôme en exemptant les étudiants d'avoir à trouver un employeur et en portant la durée du permis de travail à trois ans. Ces changements mettent le Canada au premier rang des pays d'immigration du point de vue de notre capacité à garder les étudiants au Canada après leurs études. Cela démontre également que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a déjà toute faculté de modifier le système et n'a pas besoin de pouvoirs supplémentaires.
    Comment ce changement heureux a-t-il été opéré? Ce n'était pas par le fait d'une disposition budgétaire, ni d'une instruction publiée dans la Gazette du Canada. C'est parce que la collectivité des praticiens, dont beaucoup sont représentés ici aujourd'hui, ont participé à une concertation continue avec le ministère, ainsi que d'autres intervenants, notamment ceux du monde éducatif. Nous avons identifié le problème, puis, en collaboration, avons proposé des solutions dans le cadre du mécanisme de concertation normal.
    La première partie de la solution consistait à inscrire certaines dispositions dans la LIPR de 2002, de manière à conférer des points pour l'éducation acquise au Canada et octroyer des permis de travail aux diplômés. Une mesure intérimaire a été annoncée il y a deux ans couvrant les écoles et les emplois en dehors des grands centres urbains, de façon à encourager les étudiants à s'établir dans ces régions. Enfin, du fait que les délais de traitement commençaient à dissuader les diplômés, cette nouvelle politique a été annoncée.
    Dans la pratique, notre profession peut être considérée comme le canari de la mine de charbon qui lance l'alarme lorsque des problèmes se profilent, car nous traitons directement au quotidien avec les usagers du système, qu'il s'agisse des demandeurs, des agents de visa ou des agents aux points d'entrée. À certains égards, vos bureaux de circonscription font la même chose.
    En sus des avertissements, nous discutons continuellement des problèmes et des politiques avec les hauts fonctionnaires de CIC et travaillons à des solutions à divers problèmes. Si la ministre voulait des solutions plus vite, je suis sûr que tous mes collègues ici accepteraient d'accélérer ces discussions.
    Nous pouvons citer maints exemples, depuis le lancement de la LIPR et même auparavant, où la concertation a amélioré le système. Cependant, lorsqu'une des parties agit précipitamment, cela met en péril le processus, car cela trahit un manque de respect pour le dialogue. Le processus mérite le respect.
    Nous avons beaucoup entendu parler de l'impératif d'accélérer l'arrivée des travailleurs possédant des qualifications hautement recherchées. Du fait des changements apportés au programme des travailleurs étrangers temporaires, tout employeur peut déjà faire venir au Canada les travailleurs dont il a besoin dans un délai allant de quelques jours à quelques mois. Très peu de pays peuvent nous concurrencer à cet égard. Des changements peuvent être apportés et le sont afin d'éliminer les goulots d'étranglement au fur et à mesure qu'ils apparaissent.
    De fait, le Canada possède un avantage énorme en ce qui concerne l'accueil de travailleurs qualifiés comme résidents permanents, du fait de nos critères d'admissibilité, comparés à ceux de tous les autres pays de destination. D'autres pays, comme l'Angleterre et l'Australie, imposent la connaissance de la langue anglaise, ce qui écarte les meilleurs et plus instruits venant de certains pays, qu'ils soient travailleurs du savoir ou gens de métier qualifiés. Le Canada est presque seul parmi les pays en concurrence à admettre comme résidents permanents des travailleurs qualifiés n'ayant pas d'offre d'emploi. Notre plus gros concurrent sur ce marché dans le monde, soit les États-Unis, ne le permet pas.
    Parlant de l'arriéré, il faut séparer ce problème en deux parties. Il y a d'abord l'ampleur de l'arriéré, puis le délai de traitement des dossiers. Nous admettons que le volume de l'arriéré ne peut être contenu qu'en restreignant le nombre des demandes présentées ou en accroissant le volume des demandes traitées, ou les deux. Le ministre a déjà le pouvoir de faire les deux.
    La LIPR donne au ministre le droit d'exclure les demandes de certains groupes, pour diverses raisons. Les enfants ou les frères et soeurs de plus de 21 ans ne peuvent être parrainés dans la catégorie du regroupement familial, pas plus que les neveux, nièces, oncles ou tantes. Aucun travailleur qualifié ne peut être approuvé s'il n'a pas au moins une année d'expérience de travail, et ainsi de suite.
    Deuxièmement, le temps qu'un candidat passe dans la file d'attente n'a que très peu ou rien à voir avec le moment du dépôt de la demande. C'est parce que nous n'avons pas un système de premier arrivé, premier sorti. Dès les premiers jours de la LIPR, de plus en plus de groupes ont été autorisés à couper la file d'attente. D'abord, le Québec et le Manitoba ont sélectionné des travailleurs. D'autres programmes de candidats des provinces ont suivi. Ensuite, cela a été les personnes ayant déjà un emploi au Canada. Puis, cela a été les investisseurs, qui achètent littéralement leur entrée au Canada. Bientôt, ce sera le tour de la nouvelle catégorie des demandeurs ayant une expérience canadienne.
    Finalement, si ces changements sont approuvés, des personnes déjà dans l'arriéré pourront couper la file d'attente parce que leurs compétences sont requises d'urgence.
    Vous voyez donc que le ministre a déjà le pouvoir de faire entrer plus vite les immigrants dont nous avons besoin et l'a fait de façon répétée.

  (1600)  

    Mais plaignez les pauvres candidats qui ne seront pas autorisés à couper la file. Plaignez les pauvres candidats de Delhi et de Beijing, de Damas et de Prétoria, d'Accra et d'Ankara, de Moscou et de Manille. Ils doivent compter aujourd'hui sur une attente de six ans, qui passera bientôt à dix ans ou plus. Ce n'est pas ce qu'on leur a dit lorsqu'ils ont déposé leur dossier.
    Pour être parfaitement clair, l'arriéré n'est pas du tout un arriéré, selon l'endroit où vous vivez. Si vous vivez aux États-Unis, votre demande sera traitée en l'espace d'un an; n'importe où en Amérique latine ou dans les Caraïbes — Colombie exceptée — en un an à deux ans. Mais si vous vivez en Afrique ou au Moyen-Orient, le mieux que vous puissiez espérer c'est quatre ans, mais dans la plupart des cas c'est cinq ans ou plus. C'est encore pire en Asie.
    Nous relevons que le ministère va envoyer 50 000 lettres pour voir combien de candidats sont encore dans l'inventaire et combien ont abandonné. Nous avons effectué un sondage similaire parmi nos membres pour voir combien de nos clients dont le dossier est en souffrance ont abandonné. La réponse jusqu'à présent n'est que de 10 p. 100 environ. C'est à peu près normal, étant donné que certaines personnes changent d'avis ou se trouvent dans une situation radicalement différente.
    Il semble que les personnes qui demandent à venir au Canada y tiennent vraiment, même s'il leur faut attendre longtemps pour cela. Il reste à voir ce qui se passera si, du fait de ces changements, les cinq années d'attente deviennent dix. Cependant, il est évident que ceux qui demandent un visa le font très sérieusement. C'est pourquoi nous sommes totalement opposés à l'idée que l'on va laisser les gens se porter candidats mais sans que leurs dossiers ne soient jamais traités.
    Je le répète, ceux qui présentent une demande d'immigration veulent sérieusement venir au Canada. Certains organisent toute leur vie autour de cela. Ils sont plein d'espoir. La possibilité d'être admis colore tous leurs plans et toutes leurs décisions quotidiennes. Les gens sont accoutumés à l'idée que lorsqu'on les laisse acheter un billet pour un spectacle, et même s'asseoir dans un fauteuil, ils pourront voir le spectacle. Si toutes les places sont vendues, ils comprennent qu'on ne les laisse pas acheter un billet. Mais ils ne comprennent pas qu'on leur dise, une fois qu'ils sont assis, qu'ils ne pourront pas rester pour voir le spectacle, juste au moment où les lumières s'éteignent.
    Le ministre a déjà le pouvoir de déclarer la fermeture des guichets dans toutes les catégories. Pourquoi faut-il en plus le pouvoir d'expulser les détenteurs de billets?
    Que pourrait-on et devrait-on faire? Premièrement, les droits d'immigration devraient être fixés au montant correspondant au coût du traitement des dossiers, et devraient aller directement dans la caisse du ministère. Ainsi, une plus forte demande dans toute catégorie — telle que celle des travailleurs étrangers temporaires — produirait davantage de revenus pour financer un traitement rapide. À l'heure actuelle, les droits sont versés au Trésor et, en dépit de toute la rhétorique, rien ne se fait tant que le gouvernement n'accorde pas plus de fonds à CIC.
    Deuxièmement, le ministre devrait déclarer que quiconque a déjà un emploi au Canada ou une garantie d'emploi au Canada n'est pas compris dans l'objectif annuel. Après tout, les arrivants qui travaillent immédiatement n'ont pas besoin d'une assistance d'établissement. Un emploi est le meilleur service d'établissement. Cela permettrait de satisfaire les besoins fluctuants du marché du travail et de remplir l'objectif au moyen de tous les autres autorisés à déposer une demande.
    Monsieur Mooney, je dois vous interrompre, car vous avez dépassé le temps imparti. Nous n'avons qu'une heure et un autre groupe attend. Peut-être pourriez-vous caser ce qu'il vous restait à dire lors de la période des questions.
    Absolument. Je vous remercie de votre temps.
    Je donne la parole à M. Bevilacqua.

  (1605)  

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout d'abord, je veux remercier les témoins des excellents exposés qu'ils nous ont faits. Vous faites probablement des heures supplémentaires parce que nous avons deux comités qui se penchent sur le même sujet, ce qui aurait peut-être pu être évité avec une meilleure planification.
    Mais cela est typique du projet de loi C-50. Ils introduisent des modifications qui ne portent pas, en réalité, sur l'arriéré. Malheureusement, on ne peut croire que le gouvernement veut sérieusement réformer le système d'immigration canadien, si l'on en juge par l'investissement qu'il est prêt à faire dans ce domaine. Tout cela intervient à un moment où le Canada est confronté au vieillissement de la population, à des mutations démographiques ainsi qu'à des pénuries de main-d'oeuvre.
    Les incohérences sont multiples et c'est pourquoi il leur faut passer des annonces dans les journaux — même si elles ne sont pas très claires — pour expliquer la nature des problèmes. C'est pour cette raison que tout ce processus a été mal conçu, tout comme les changements proposés.
    J'aimerais aller au fond d'une question fondamentale qui m'intrigue réellement. Pourquoi un ministre ou un gouvernement commettrait-il des erreurs de planification aussi manifestes, en concevant cette loi, sans voir qu'il possède déjà les pouvoirs voulus pour résoudre les problèmes qu'il veut régler, et voudrait-il contourner ensuite le débat au Parlement qui s'impose? Nous sommes tous interloqués de voir cette accumulation d'erreurs sur un dossier. Qu'en pensez-vous?
    Je répondrai en premier, si je puis.
    Il me semble que le gouvernement ne pouvait pas ignorer qu'il existait un gros problème. Nous tous n'avons cessé de le dire. La profession se plaint depuis des années de cet arriéré qui ne cesse de grossir. Je pense donc que le gouvernement a appris l'existence d'un problème, et puis il a demandé aux hauts fonctionnaires de trouver une solution.
    Comme je l'ai dit dans mon exposé, je pense que dans une très large mesure la responsabilité de cette situation incombe aux fonctionnaires. J'ai réellement du mal à comprendre comment ils ont pu laisser l'arriéré passer de zéro à 900 000 dossiers en l'espace de six ans. C'est incroyable. Mais ayant engendré le problème, il leur faut maintenant proposer une solution.
    Reconnaître qu'ils avaient déjà les pouvoirs de rectifier le problème il y a des années et n'ont rien fait est politiquement embarrassant, et donc il leur faut prétendre avoir besoin de nouveaux pouvoirs — alors qu'en réalité ils possèdent déjà la plupart des pouvoirs qu'ils réclament. Le seul nouveau pouvoir qu'ils demandent, celui de tout changer rétroactivement, empêche toute reddition de comptes, à mon avis. Cela revient finalement à dire: « Si nous commettons des erreurs, nous pouvons les camoufler en effaçant toutes les demandes ».
    Voilà donc mon explication. Je pense que l'on a laissé ce gâchis prendre de l'ampleur au fil des ans et aujourd'hui il est difficile d'admettre la vérité. Il leur faut justifier leur inaction en disant qu'il existe cette crise et qu'il leur faut des nouveaux pouvoirs d'urgence, alors qu'en fait ils avaient déjà tous les pouvoirs. Ils auraient pu faire toutes ces choses il y a des années, mais ont choisi de ne pas agir.
    J'aimerais ajouter un mot à cela.
    Je pense que la raison pour laquelle nous en sommes arrivés là, c'est l'absence de consultation. Il n'est pas inhabituel, lorsqu'on cherche des solutions à un problème, d'arriver avec quelques idées un peu folles. Nous-mêmes en avons eues quelques-unes dans le passé sur la façon de régler ces problèmes, tout comme le ministère. C'est par l'échange et le dialogue que l'on arrive à quelque chose qui va réellement marcher, comme un programme d'étudiant. En l'occurrence, cela n'a pas eu lieu.
    Quant aux raisons pour lesquelles cela n'a pas été fait, elles tiennent peut-être à des considérations politiques dont il ne m'appartient pas de parler. Mais c'est certainement dû à l'absence de concertation. Il aurait fallu une heure de discussion sur ces idées, comme nous en avons normalement, ou du moins un mécanisme informel deux fois par an et d'autres consultations ponctuelles aussi souvent que nécessaire. Nous aurions eu alors le temps de leur dire: « Attendez un instant, vous ne pouvez pas faire cela ».
    Et ce n'est pas différent de lorsque nous demandons des choses et que le ministère répond: « Non, vous ne pouvez pas faire cela parce que... » C'est un échange et on peut espérer que des gens bien intentionnés assis autour d'une table cherchant à régler un problème vont trouver de bonnes solutions. Mais il n'y a jamais eu de table autour de laquelle s'asseoir.
    J'allais juste dire qu'ils sont affamés de pouvoir. Cela vient des bureaucrates. Je pense que s'ils voient une ouverture par laquelle ils peuvent s'insinuer, en utilisant l'arriéré comme excuse — car cette modification ne va rien changer à l'arriéré — ils sautent sur l'occasion. Car il ne fait aucun doute que cela va donner aux bureaucrates la faculté de changer arbitrairement la politique d'immigration et les catégories et tout le reste.
    L'une des choses qui me gêne réellement dans tout cela, dans le fait de mettre l'accent sur les travailleurs, c'est que tous ces travailleurs ont une famille. Ils ont des parents qu'ils vont vouloir faire venir au Canada un jour. Ils ont des conjoints et des enfants; peut-être ne vont-ils pas les faire venir immédiatement. C'est tellement myope de ne regarder que les travailleurs, comme si les travailleurs étaient indépendants du réseau social de la collectivité dans laquelle ils vivent, et de considérer que tout ce que nous allons faire dans notre pays c'est de faire venir ces travailleurs qualifiés. On ne peut faire cela aux gens. Il faut être humain.

  (1610)  

    Il est incroyable que la personne qui porte la responsabilité ultime de son ministère, à savoir la ministre, ne soit pas capable de comprendre tous ces problèmes. C'est incompréhensible. C'est pourquoi j'ai tellement de mal à saisir la motivation politique derrière ce projet de loi, car il est tellement évident que l'on ne peut pas gouverner sans consulter. On ne peut pas gouverner en imposant cette mesure comme élément d'une loi budgétaire. On ne peut simplement pas procéder ainsi. Ce n'est pas de cette manière que la démocratie fonctionne.
    C'est d'autant plus étonnant que ces vices sont tellement évidents. La vaste majorité de tous ceux qui comparaissent ici disent maintenant qu'il faudrait mettre au rebut ce projet de loi parce qu'il ne tient pas debout.
    Aussi, lorsque la ministre comparaîtra, je vais vraiment devoir lui demander de quoi il retourne, quel est le programme, qu'est-ce qui motive réellement ces réformes. Très franchement, ce n'est sûrement pas l'arriéré, cela a déjà été établi. Tout le monde reconnaît que l'arriéré n'est pas en cause.
    Donnez une réponse brève, s'il vous plaît.
    Puis-je dire une chose? Lorsque la ministre comparaîtra, demandez-lui s'il y a un arriéré de demandes pour motif d'ordre humanitaire outre-mer. Si elle répond que oui et que ces gens ne font pas partie de la catégorie de la famille, demandez-lui s'il s'agit des femmes et des enfants ou des maris de ceux qui parrainent. Ils ne les rangent pas dans la catégorie du regroupement familial si la personne qui parraine a fait une déclaration inexacte sous le régime de l'alinéa 117(9)d) du Règlement. Ils ne vont pas les ranger dans la catégorie du regroupement familial, mais ce sont des membres de la famille.
    Demandez donc s'il y a un arriéré. Je ne vois pas comment ils peuvent justifier de se donner le pouvoir de simplement écarter toutes ces demandes pour motif d'ordre humanitaire.
    Monsieur le président, je veux m'excuser auprès de M. Telegdi. J'allais lui céder une minute environ, mais j'imagine que j'ai pris un peu trop de temps.
    Je ne pense pas qu'il restera du temps à la fin. Ma liste est longue.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être présents aujourd'hui. J'aimerais commencer par Mme Dench.
    Je sais que le CCR mène ses activités partout au Canada. Vous savez probablement comment fonctionne le Québec pour ce qui est de la sélection des immigrants.
    Lorsque la ministre est venue au Comité permanent des finances pour répondre aux questions concernant l'immigration, elle nous avait assurés que ce projet de loi n'aurait pas d'impact sur le processus de sélection du Québec. On sait que cette province sélectionne elle-même ses immigrants et transmet par la suite leurs noms au gouvernement. Est-ce ainsi que vous l'interprétez?
    Cependant, les demandes de réunification familiale et les demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire échappent au contrôle du gouvernement québécois. Par conséquent, les amendements à la loi auraient un impact sur l'immigration au Québec.
    Ma question s'adresse à Mme Dench ou à d'autres témoins qui peuvent répondre.
    Merci, monsieur St-Cyr.
    Vous avez raison de penser que les demandes sous le contrôle du gouvernement du Québec ne seront pas directement touchées par les instructions. Cependant, la façon dont ces amendements ont été présentés est loin d'être claire. Ce qui manque énormément, ce sont des notes d'explication répondant vraiment à toutes ces questions.
    Il faut aussi aller au-delà des instructions. Comme mes collègues l'ont dit, d'autres mesures dans la loi donnent des pouvoirs plus grands au ministère et pourraient toucher les demandes, entre autres le pouvoir d'accorder un visa si la personne respecte tous les critères. Ces mesures toucheraient également les gens qui s'installent au Québec, ceux qui présentent une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire à l'étranger et ceux qui veulent venir au Québec. On ne peut pas dire que ces amendements ne vont pas toucher l'immigration au Québec.

  (1615)  

    Je veux bien comprendre l'essence de votre intervention, et M. Waldman pourra ensuite ajouter quelque chose.
    Un immigrant sélectionné par le gouvernement du Québec pourrait-il ultérieurement être refusé en vertu des dispositions proposées? Est-ce ce dont vous parlez?
    Excusez-moi si je parle anglais, mais mon français n'est pas très bon.

[Traduction]

    Les instructions ne sont assorties d'aucune limite. Les accords avec les provinces n'en sont pas exclus. Les candidats des provinces n'en sont pas exclus. Rien dans le libellé de cette loi n'empêcherait la ministre ultérieurement, si elle avait un conflit avec le ministre de l'Immigration du Québec, d'émettre une instruction disant de ne pas traiter les demandes du Québec. Rien dans la loi ne l'empêche de le faire. Cela pourrait ouvrir un litige constitutionnel, conduire à une contestation de l'instruction, mais rien dans le texte ne restreint l'application de ces instructions. Une instruction pourrait être émise de ne pas traiter les dossiers des candidats des provinces. Une instruction pourrait placer les candidats des provinces à l'arrière de la file d'attente parce que l'on veut d'abord ceux qui ont une offre d'emploi confirmée. Ou une instruction pourrait être donnée de ne pas traiter les dossiers des candidats du Québec ou du Manitoba en raison d'un conflit d'une sorte ou d'une autre.
    À mon sens, et je ne sais pas si Mme Jackman est d'accord, il n'y a aucune restriction. Si vous vous inquiétez, en tant que Québécois, de l'impact potentiel de ce pouvoir sur la faculté du Québec de sélectionner ces immigrants, vous avez raison d'être inquiets.
    Veuillez m'excuser, monsieur le président, je dois me rendre à une autre réunion de comité.
    Pour apporter d'autres précisions à ce sujet, lors d'un breffage technique, le sous-ministre a indiqué comment ce pouvoir pourrait être utilisé. Par exemple, s'il y avait une grave pénurie dans une profession au Canada et si un programme provincial accaparait préférentiellement tous les candidats, le ministre aurait le droit d'intervenir et d'empêcher ces immigrants d'aller dans cette province. C'est l'exemple qu'ils ont utilisé pour montrer comment cela pourrait être appliqué en dehors des domaines ordinairement prévus.

[Français]

    En fait, le pouvoir que le gouvernement se donne n'est pas tant de refuser les visas mais celui de ne pas les octroyer. Actuellement, si quelqu'un répond à tous les critères contenus dans la loi, l'agent des visas doit émettre un visa. Or, d'après le changement proposé, on précise uniquement qu'il peut donner le visa. Si l'agent des visas ne veut pas octroyer un visa, il ne le refuse pas mais il ne fait rien. Or, ne rien faire signifie qu'aucune décision n'est prise. Par conséquent, le droit d'avoir recours à la Cour fédérale, par exemple, est limité puisqu'il n'y a pas de décision. Il n'y a rien à contester.
    Combien de temps me reste-t-il?

[Traduction]

    Vous avez une minute.

[Français]

    Monsieur Mooney, vous avez abordé la question de la consultation pour régler les problèmes. M. Waldman a aussi parlé du contrôle qui échappe au Parlement. Lorsqu'un projet de loi est présenté au Parlement, on procède automatiquement à une consultation, comme on le fait dans le cadre de la réunion d'aujourd'hui. On rencontre aussi les gens parce que chaque député est sollicité directement.
    Dès le moment que c'est la ministre — on ne parle même pas du gouverneur en conseil — qui peut émettre des directives, aucune forme de consultation n'est nécessaire, alors que si les directives étaient examinées à tout le moins par notre comité, par exemple, une certaine pression pourrait être exercée pour infléchir les décisions. C'est là que se situe le coeur du problème.

[Traduction]

    Pourriez-vous donner une réponse courte, s'il vous plaît?
    Je pense qu'il est déraisonnable de s'attendre à ce que vous tous, et le ministre et peut-être même le sous-ministre, puissiez réellement comprendre l'essence de la Loi sur l'immigration au niveau concret où les changements interviendront. C'est un peu comme dire à quelqu'un qui siège à un comité médical qu'il en sait peut-être beaucoup sur la médecine, mais qu'il n'est pas médecin et qu'on préfère ne pas être opéré par lui. Excusez-moi si j'ai déjà utilisé cette analogie auparavant.
    Je veux dire par-là qu'il appartient à ceux qui comprennent le système en profondeur — ceux qui vivent et travaillent avec le système, soit les fonctionnaires du ministère, les praticiens et d'autres groupements d'intérêt — de dire quelle est la nature réelle des changements. Ces décisions ou recommandations doivent ensuite aller au ministre, après consultation, pour exécution. Et la façon dont le ministre choisit d'agir relativement à ces questions relève absolument de la prérogative du Parlement.

  (1620)  

    Je dois vous arrêter là, monsieur. Désolé.
    Monsieur Komarnicki, vous avez sept minutes.
    Monsieur le président, je trouve hautement inapproprié que l'un des témoins, qui a fait de nombreuses déclarations sur la légalité du projet de loi C-50 s'en aille avant la fin du tour de questions. Il aurait dû au moins rester jusqu'à la fin de ce tour.
    Je suis d'accord.
    Je pense que lorsque vous ouvrez la période des questions et permettez aux autres partis de poser les leurs, vous devriez garder le témoin jusqu'à la fin du tour.
    Oui.
    Je trouve hautement inapproprié que cela se produise.
    Cela étant dit...
    À l'ordre, s'il vous plaît.
    Allons donc, c'est appliquer deux poids deux mesures, monsieur le président.
    À l'ordre, s'il vous plaît.
    C'est deux poids deux mesures. C'est précisément mon reproche.
    C'est deux poids deux mesures. Nous-mêmes pouvons partir sans écouter leurs réponses.
    À l'ordre, s'il vous plaît.
    C'est tout à fait inapproprié.
    À l'ordre, s'il vous plaît.
    Il est généralement admis que le témoin reste jusqu'à ce que tous les membres lui aient posé leurs questions. Il n'a jamais eu l'autorisation du comité. Il a juste dire qu'il devait partir, et il est sorti.
    J'ai un rappel au Règlement à ce sujet, monsieur le président.
    Il devait témoigner au comité des finances.
    Oui, je sais cela.
    Il y témoigne sur le même sujet.
    S'il n'avait pas ce système idiot...
    Il aurait dû attendre de finir ici.
    ... avec le projet de loi C-50 et ce processus fou qui consiste à tout condenser, nous aurions pu l'avoir ici pendant quelques heures.
    Et l'honorable député a largement contribué à ce que les choses se passent de cette façon.
    Nous perdons le temps de M. Komarnicki. Est-il réellement nécessaire de le faire?
    D'accord.
    Madame Jackman, je suppose que vous...
    Monsieur Bevilacqua, sur un rappel au Règlement.
    Pour être juste envers M. Waldman, avant son exposé, il vous a averti, ainsi que les membres du comité, qu'il ne pourrait pas rester au-delà — je crois que c'était 16 h 30-16 h 20 ou quelque chose du genre. Il devait se rendre à une autre réunion à 16 h 30. C'est ce qu'il a dit. Donc, si cela ne nous convenait pas, nous aurions dû le lui faire savoir directement lorsqu'il était là.
    Nous aurions dû mieux répartir le temps, au lieu des sept minutes.
    Votre temps de parole commence maintenant, monsieur Komarnicki. Vous avez sept minutes.
    Madame Jackman, je suppose que vous êtes avocate et avez des connaissances juridiques et avez étudié le projet de loi C-50 lui-même?
    Oui.
    Pouvez-vous me confirmer que le projet de loi C-50 lui-même ne concerne pas les réfugiés ou personnes protégées, qu'ils se trouvent au Canada ou en dehors? Pourriez-vous confirmer ce fait?
    Non, il n'en traite pas spécifiquement, mais ils vont présenter des demandes sous le régime de dispositions couvertes par le projet de loi C-50.
    Mais j'ai entendu un autre avocat dire que les dispositions du projet de loi C-50 portant sur la priorisation ou la catégorisation ne s'appliquent pas aux réfugiés ou personnes protégées. Dites-vous que le projet de loi C-50 s'applique aux réfugiés et personnes protégées de quelque manière que ce soit?
    Bien sûr qu'il le fait.
    Bien, alors dites-moi en quoi.
    Si vous êtes un réfugié au Canada et voulez faire venir votre conjoint ou vos enfants au Canada, et s'ils ne sont pas membres de la catégorie du regroupement familial parce que vous ne les avez pas déclarés à votre arrivée dans le pays, par exemple — et l'on ne va pas vous renvoyer pour autant — vous ne pouvez plus que présenter une demande pour motif d'ordre humanitaire. Ces demandes sont couvertes par le projet de loi.
    Mais je parle précisément du réfugié lui-même. Je ne parle pas d'une demande de parrainage d'une personne se trouvant à l'étranger. Je parle du réfugié lui-même qui présente une demande au Canada ou bien en dehors du Canada. Est-ce que cette mesure s'applique à lui...?
    Je demanderais à l'honorable député d'attendre son tour, s'il veut poser une question, car il m'interrompt et me gêne, et je préférerais qu'il s'abstienne.
    À l'ordre, s'il vous plaît.
    Il n'y a rien dans le projet de loi, dans les changements, disant que le ministre ne peut pas placer les réfugiés à la fin de la file d'attente, en établissant les priorités.
    Et quelle disposition du projet de loi C-50 dit cela?
    C'est dans le projet d'article 87.3, je crois. Il faudrait que je revoie le texte lui-même. Il exclut expressément les demandes de parrainage et les permis de résidence temporaire...
    Je ne parle pas des parrainage ou des permis de résident temporaire. Je parle des demande de statut de réfugié elles-mêmes. Un avocat qui vous a précédée disait que cela ne s'appliquait pas aux réfugiés eux-mêmes.
    Non, vous avez raison, en ce sens que cela ne s'applique pas à l'établissement de catégories de réfugiés; mais cela s'applique à tout le reste concernant les réfugiés.

  (1625)  

    D'accord. Je parle des réfugiés. Vous êtes donc d'accord avec moi à leur sujet, n'est-ce pas?
    Oui.
    Bien.
    Vous vous souciez des personnes qui ont omis de déclarer avoir des enfants ou quelqu'un dans la catégorie familiale. Nonobstant cette déclaration inexacte, vous aimeriez qu'elles puissent présenter une demande pour motif d'ordre humanitaire en dehors du Canada.
    Oui.
    D'accord.
    Et la loi indique que ces personnes peuvent présenter une demande de leur propre chef, ou bien le ministre peut leur accorder un permis de séjour pour motif d'ordre humanitaire de son propre chef. Êtes-vous d'accord?
    Oui, la personne peut présenter une demande, mais le ministre peut l'ignorer.
    Bien. Ce qui ne veut pas dire que le séjour ne sera pas accordé; simplement, ce n'est pas une garantie. Dans certains cas, la demande sera acceptée, dans d'autres cas elle ne le sera pas.
    Eh bien, c'est la différence dans les termes. Si vous êtes au Canada et présentez une demande pour motif d'ordre humanitaire, elle doit être examinée. C'est obligatoire. Si vous êtes en dehors du Canada, vous pourriez avoir un lien de famille encore plus étroit, mais ce n'est pas obligatoire. Il n'y a pas d'obligation de seulement ouvrir votre dossier.
    Mais la demande peut être présentée et elle peut être accordée.
    Elle peut être présentée et elle peut être accordée, mais le problème est que l'on peut ignorer les personnes qui présentent ce genre de demandes que nous voyons sans cesse. Actuellement, ces personnes ont le droit de présenter leur demande; toutes sont refusées mais nous pouvons intenter un recours en justice.
    M'adressant maintenant à M. Philip Mooney, j'ai entendu M. Waldman dire — et vous avez dit à peu près la même chose — que le ministre a actuellement la faculté, en vertu de la loi actuelle, de donner priorité à certaines catégories de demandeurs dans la catégorie des travailleurs qualifiés ou moins qualifiés, ou la catégorie de l'immigration économique. Est-ce bien ce que vous dites?
    De fait, cela a été largement pratiqué depuis que la LIPR existe.
    Parlez-vous de choses comme...
    Les candidats des provinces, les candidats du Québec — les personnes qui ont une offre d'emploi au Canada...
    Et la catégorie de l'expérience canadienne?
    Toutes ces catégories reçoivent priorité, au titre d'une directive du ministre.
    Vous dites donc que vous avez des objections à ce projet de loi qui donne pouvoir au ministre de prioriser?
    Non, le projet est inutile de ce point de vue.
    Vous dites donc que, dans la mesure où le projet de loi donne au ministre le droit d'établir des priorités, il n'est pas différent de ce qui existe déjà dans la loi? Est-ce bien ce que vous dites?
    Oui, c'est ce que je dis, sauf que... la ministre invoque cette nécessité pour imposer la rétroactivité dans le processus décisionnel. C'est à cela que nous nous opposons. La priorisation existe depuis toujours.
    Vous n'êtes donc pas opposé à la priorisation.
    Eh bien, que cela me plaise ou non, le pouvoir existe.
    Il n'y a donc là rien de nouveau.
    Non.
    Et M. Waldman a dit — et je suppose que vous êtes d'accord avec lui — que cela ne s'applique pas aux demandes antérieures à février...
    Cela se répercute sur ces demandes, absolument. Car si vous êtes dans cette file d'attente et ne faites pas partie d'un groupe recevant la priorité, même si cette priorisation ne concerne pas l'arriéré, comme la ministre l'a annoncé, votre délai d'attente s'allonge. Et la raison pour laquelle les gens attendent...
    Tout le monde aujourd'hui déplore le long délai avant d'être admis au Canada. Les gens n'attendent pas si longtemps parce que la file d'attente est si longue; ils attendent si longtemps parce qu'on ne cesse de faire passer d'autres avant eux. De ce fait, le nombre de dossiers traités dans la catégorie des travailleurs qualifiés ordinaires diminue sans arrêt. Donc, ce groupe, ce gros noyau qui est là, ne va pas diminuer en nombre, et le temps d'attente ne va cesser de s'allonger.
    Il est passé d'un an à un an et demi, à trois ans, à cinq ans, à sept ans. Il va encore s'allonger.
    Si vous admettez que le Parlement fixe un chiffre global d'immigrants de, mettons, 245 000 ou 265 000...
    C'est l'éléphant dans la salle.
    C'est 245 000 ou...
    Cela représente tout le monde. C'est l'éléphant dans la salle.
    ... 265 000 par an, et si vous continuez à recevoir toutes les demandes qui arrivent, sans aucune limite, l'arriéré va continuer à grossir en proportion, et il est déjà à 900 000.
    Absolument, mais le ministre n'a pas besoin de recevoir les demandes. Le ministre peut dire à n'importe quel groupe, au départ, qu'il n'y a plus de place dans la catégorie et que l'on n'acceptera plus personne dans cette catégorie pendant les deux prochaines années. Il peut dire cela par avance.
    Vous dites que cette disposition ou ce pouvoir existe actuellement dans la loi?
    Absolument.
    Le projet de loi C-50 dit que le ministre n'est pas obligé, ou que le ministère n'est pas obligé, de recevoir toutes les demandes présentées.
    Il peut totalement refuser d'ouvrir votre dossier. Autrement dit, ne nous envoyez pas votre demande, la catégorie est fermée. C'est très facile à comprendre.
    Et vous dites que ce pouvoir existe sous le régime de la loi actuelle. Qu'est-ce que le projet de loi C-50 change à cet égard?
    Le projet de loi C-50 change les choses parce qu'il dit que nous allons accepter votre dossier. Nous ne savons pas si votre dossier sera traité, et donc dans un an, dans six mois, dans deux ans, dans trois ans, nous vous reviendrons pour vous dire: « Savez-vous quoi? Nous ne voulons pas de vous ».
    Justement. Si la personne n'est pas admissible dans cette catégorie particulière ou ce groupe, la demande...

  (1630)  

    Non, elle est admissible au moment où elle présente la demande.
    Pas nécessairement, car l'instruction existera avant que la demande ne soit déposée.
    Non, l'instruction pourra être émise après le dépôt de la demande.
    Permettez-moi de vous poser rapidement quelques autres questions, si vous êtes en mesure d'y répondre
    Cinq secondes.
    Cinq secondes? C'est probablement trop court.
    Désolé, le temps est écoulé. Je dois vous arrêtez là, car nous avons un autre groupe qui attend de comparaître à 16 h 30.
    Monsieur le président, M. Komarnicki nous a fait perdre trois minutes en attaquant...
    Non, non, nous nous en tenons à cette horloge ici.
    Nous devons...
    Monsieur le président, sauf tout le respect que je vous dois, monsieur, j'aimerais disposer de deux minutes.
    Non, vous n'aurez deux minutes qu'au prochain tour.
    C'est M. Komarnicki qui a ouvert cette polémique et c'est pourquoi...
    Je m'en tiens à l'horloge.
    Si l'interruption venait d'un membre de ce côté-ci, vous auriez réduit son temps de parole. Vous n'avez pas réduit le sien.
    Désolé, je m'en tiens à l'horloge. Silence, je vous en prie.
    Si vos collègues sont d'accord, vous aurez la parole en premier au tour suivant. Veuillez donc vous retenir, monsieur Karygiannis.
    Sur un rappel au Règlement, monsieur le président, il ne s'agit pas que je me retienne ou non. La pratique veut que, si quelqu'un invoque le Règlement, cela est prélevé sur son temps de parole. C'est la pratique que vous-même avez suivie, monsieur.
    Nous avons donné à tout le monde un temps égal...
    Si vous changez maintenant d'avis, dites-nous que ce sera dorénavant la règle.
    Nous avons donné un temps égal à tout le monde. Et je fais cela très souvent. Lorsque des rappels au Règlement sont présentés, je fais démarrer le temps du député lorsque les rappels au Règlement sont terminés. C'est la pratique courante.
    Merci, mesdames et messieurs de vos exposés d'aujourd'hui. Soyez assurés que nous en tiendrons compte.
    Merci.
    Monsieur le président, juste un rappel au Règlement pendant que nous attendons le groupe suivant. Je pense qu'il serait utile de dire à tous les témoins dorénavant que le calendrier prévoit trois jours d'audition de témoins et que dès jeudi nous rédigerons le rapport.
    Oui, c'est une bonne remarque.
    Ainsi, ils seront au courant, car parfois ils s'interrogent.
    Ensuite, ce sera le tour du comité des finances, mardi en quinze.
    Très bonne remarque. Je vous en remercie.

  (1630)  


  (1630)  

    À l'ordre. Nous avons un horaire plutôt serré. J'invite nos témoins à prendre place à la table.
    Nous avons un horaire plutôt serré, mesdames et messieurs les membres, car nous avons un vote ce soir à 18 h 30. Nous devons partir d'ici à 18 h 30 précises pour aller voter. Ne vous en prenez donc pas à moi si je vous impose des limites de temps strictes, d'accord?
    À l'ordre, s'il vous plaît.
    J'ai le plaisir d'accueillir pour la prochaine heure, de 16 h 30 à 17 h 30, la Société canadienne de consultants en immigration; le cabinet juridique Perley-Robertson, Hill and McDougall; et...
    Est-ce que M. Cohen n'est pas encore arrivé?
    Il arrive en courant.
    Il arrive? Bien. M. Cohen comparaîtra à titre personnel.
    Nous avons également John Ryan. Bienvenue de nouveau, monsieur Ryan. Il est agréable de vous voir.
    Nous allons commencer maintenant. Je pense que vous connaissez tous la procédure. Vous disposez de sept minutes pour une déclaration liminaire.
    Monsieur Qayyum, allez-y.
    Permettez-moi de commencer cet après-midi par remercier le comité permanent d'avoir invité la Société à présenter ses vues sur le projet de loi C-50. Je me nomme Imran Qayyum. Je suis le vice-président de la Société canadienne de consultants en immigration. Je suis accompagné de mon collègue John Ryan, le président-directeur général suppléant de la Société.
    Le conseil d'administration de la Société canadienne de consultants en immigration souscrit au projet de loi gouvernemental visant à rationaliser le traitement des demandes d'immigration dans la catégorie économique. Notre soutien est fondé sur le mandat de la SCCI — protéger l'intérêt public — et la nécessité de protéger les intérêts des demandeurs désireux de s'établir au Canada. À notre sens, les personnes et les familles qui languissent dans les arriérés de traitement souffrent de cette incertitude, et la lenteur des décisions nuit à la stabilité des familles et à la réputation du programme d'immigration canadien en général. Il ne faut pas perdre de vue que chacun des 926 000 dossiers actuellement dans l'arriéré des demandes d'immigration est celui d'un mari, d'une épouse, d'une mère, d'un père, d'une soeur, d'un frère et d'enfants, qui tous rêvent de faire du Canada leur foyer. Nous avons besoin d'un système qui apporte au Canada les compétences requises dans un délai acceptable, et non dans cinq ou sept ans.
    Sachant que la ministre a indiqué que l'arriéré, si l'on n'y remédie pas, va gonfler d'ici 2012 jusqu'à atteindre quelque 1,5 million — avec un délai de traitement de dix ans — le statu quo n'est pas acceptable. Le plus grand souci de la Société est que cela ouvre la porte à une escroquerie fréquente où des agents fantômes acceptent les fonds de demandeurs de visa naïfs. Ces agents promettent un traitement rapide de leur demande, et disparaissent avec l'argent, laissant le demandeur dans les limbes, non représenté et vulnérable.
    Les meilleures traditions de l'immigration canadienne requièrent la transparence du système de traitement des demandes. Les arriérés actuels et les délais de traitement excessifs font apparaître le système comme inéquitable et opaque. À notre avis, cette situation nuit gravement aux intérêts légitimes tant du public canadien que des consommateurs. En outre, l'existence des arriérés crée des conditions permettant à des agents fantômes peu scrupuleux de s'enrichir en exploitant des demandeurs que ce système inefficient laisse de plus en plus vulnérables.
    La SCCI admet que les politiques qui seront mises en place par le ministre pour donner effet aux nouvelles règles seront cruciales pour la réussite du nouveau système. Nous escomptons que ces nouvelles politiques de sélection dans la catégorie économique seront élaborées avec grand-soin et dans le respect des principes de la Charte des droits et libertés. Ces politiques devront être conformes également aux objectifs fondamentaux de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, soit l'universalité, le regroupement familial et la non-discrimination.
    Nous considérons qu'il y a lieu d'applaudir la ministre des efforts déployés pour surmonter ce problème. Alors que le mécanisme réglementaire proposé n'est peut-être pas parfait, il représente une initiative pour laquelle nous sommes prêts à accorder à la ministre le bénéfice du doute et la flexibilité dont elle a besoin pour élaborer des politiques équitables et transparentes en vue d'éponger l'arriéré.
    La SCCI suivra l'élaboration des politiques résultant des nouvelles règles afin de vérifier que la ministre tient ses promesses, que les intérêts des consommateurs des services d'immigration seront protégés et que les candidats à l'immigration seront traités équitablement.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1635)  

    Merci, monsieur.
    Bienvenue, monsieur Creates. Je souhaite également la bienvenue à M. Cohen, qui est maintenant arrivé.
    Je donne la parole à qui veut prendre son tour.
    Merci de m'avoir invité à participer à cet important débat parlementaire.
    Lorsque ce projet de loi a été introduit le 14 mars, on a pu me voir ce même soir à la télévision nationale — c'était un vendredi — lui exprimer mon soutien. Ayant eu le temps d'y réfléchir plus avant, j'aimerais vous faire part de mes réflexions.
    La ministre avait annoncé ce jour-là que cette mesure allait diminuer l'arriéré, réduire la taille et le coût du maintien d'un gros inventaire de dossiers caduques, donner lieu à un traitement plus rapide, améliorer le service — ou, pour reprendre son expression, un traitement à flux tendus qui ramènerait le délai d'attente à un an en moyenne —, rendre le système plus agile et réactif aux besoins économiques régionaux immédiats, avec des listes de professions stratégiques ou prioritaires qui seraient privilégiées et que, réellement, nous ne pouvions continuer à remplir un entrepôt pour abriter ces centaines de milliers de demandes, alors que chaque année nous n'accordons des visas qu'à environ 250 000 immigrants.
    Voilà les commentaires politiques faits à l'époque à l'appui du projet de loi, et j'étais de ceux qui se sont exprimés en faveur de l'initiative. Vous voyez aujourd'hui devant vous une personne très différente. J'ai effectué un virage à 180 degrés, car les effets que va avoir cette mesure sont devenus clairs à mes yeux.
    Tout d'abord, cette mesure va faire passer certaines catégories de demandeurs en tête de la file d'attente et retarder les autres catégories. Au fur et à mesure que la ministre va faire passer des catégories en tête de file, y compris la catégorie de l'expérience canadienne qui va être créée à la fin de cet été, il n'y aura plus de tête de file. Il y a maintenant tellement de silos prioritaires dans le programme de ce gouvernement. Je vais vous en dresser la liste: l'interception, le contrôle d'application de la loi, les réfugiés, les visiteurs, les étudiants, les permis de travail, les conjoints, les enfants, les programmes de candidats des provinces et, bientôt, la catégorie élargie de l'expérience canadienne. Il ne sera pas possible, avec cette loi et les ressources actuelles, de tenir les promesses de la ministre. Il n'y a plus de tête de file.
    Ce que je trouve particulièrement odieux ou détestable est le paragraphe 87.3(2) du projet de loi, qui traite de l'opinion du ministre. Voici ce qu'il dit:

Le traitement des demandes se fait de la manière qui, selon le ministre, est la plus susceptible d'aider l'atteinte des objectifs fixés pour l'immigration...
    Depuis quand vivons-nous dans un pays où le ministre décide de ce qu'il advient d'un programme aussi important que celui de l'immigration?
    Nos agents d'immigration au Canada et à l'étranger ne devraient jamais avoir de comptes à rendre au ministre. Ils devraient plutôt rendre des comptes à notre Constitution, notre Charte, notre législation, cette Chambre et au processus parlementaire qui prend en considération les vues des intervenants. Voilà ce qui est important.
    Nous allons voir avec cette loi l'érosion du principe sacré de la règle de droit sur lequel notre pays est édifié. Le projet de loi C-50 est une atteinte à la démocratie. L'établissement des priorités, qui ont toujours été décidées selon une procédure parlementaire transparente et éprouvée, qu'il s'agisse de modifications législatives ou réglementaires, va maintenant être ramené à une simple consultation des intervenants.
    Il existe un grand risque que certains secteurs et groupes économiques ayant la faveur du parti au pouvoir exercent une influence politique. Certaines industries, certains employeurs, syndicats et organes professionnels vont utiliser cette influence politique pour inclure ou exclure certaines professions à l'appui de leurs intérêts égoïstes. La démocratie et l'avantage ne seront plus transparents et contrôlés par le consensus et le vote majoritaire, mais passeront plutôt sous la coupe de quelques privilégiés.
    Les changements proposés concentrent beaucoup trop de pouvoir arbitraire aux mains du ministre et de ses fonctionnaires.

  (1640)  

    Les mesures proposées ne requièrent que l'approbation du Cabinet. Cela n'est pas suffisant. Il n'y a pas de rôle pour le Parlement. Il n'y a pas de responsabilité politique. Il n'y a pas de consultation publique des intervenants.
    Le changement apporté à la catégorie du motif d'ordre humanitaire dans le projet d'article 25, à savoir que le ministre « doit » étudier le cas si le demandeur se trouve au Canada, et « peut » examiner le cas des demandeurs séjournant hors du Canada — est odieux et détestable. Quelle est la différence entre les circonstances d'ordre humanitaire d'une personne qui se trouve au Canada et d'une personne qui se trouve à l'étranger?
    Nous savons ce qu'est une circonstance d'ordre humanitaire. Nous la reconnaissons quand nous la voyons. De fait, le ministère a des politiques pour évaluer de tels cas. En quoi cela importe-t-il que la situation désespérée soit celle d'une personne au Canada ou en dehors du Canada? Il n'y a pas une marée de demandes venant de l'étranger, comme l'a fait remarquer un témoin précédent.
    Très bien, quelles sont les solutions de rechange? J'ai suffisamment critiqué. J'ai remis à la greffière mon mémoire la semaine dernière et vous allez en recevoir copie. Les solutions de remplacement ne manquent pas. Nous pouvons investir dans les ressources de traitement. Le Conseil du Trésor peut le faire dès aujourd'hui. Nous pouvons mettre en place davantage d'agents. Nous pouvons mieux former ces agents afin qu'ils deviennent plus productifs. Investissez dans la formation, investissez dans les ressources de traitement et tout le monde se portera mieux.
    Mais surtout, nous pouvons majorer la note de passage fédérale appliquée aux travailleurs qualifiés, qui est actuellement de 67 et qui a engendré cet arriéré. Lorne Waldman vous a dit que cet arriéré a commencé à s'accumuler il y a six ans, ce qui est à peu près exact. Vous savez, ces dossiers attendent quatre, cinq ou six ans avant d'être traités. Disons donc que l'arriéré était de zéro il y a six ans, lorsque la LIPR est entrée en vigueur en juin 2002. C'est là où a été instaurée la note de passage de 67. Elle était antérieurement de 76, vous vous en souviendrez, et puis elle a été ramenée à 72, puis 70, et maintenant à 67. Eh bien, la raison pour laquelle nous avons l'arriéré, c'est parce que la note de passage est de 67. Changez juste cela, n'ajustez que cela. Portez la note à 72, et vous n'aurez plus cette marée de candidats et n'aurez plus besoin des ressources pour traiter toutes ces demandes.
    Quoi qu'il en soit, le reste de mes solutions de remplacement figure dans mon mémoire. Je formule environ huit suggestions qui, au total... Si vous en retenez quatre, nous aurons un meilleur système, un système responsable et transparent.
    Merci.

  (1645)  

    Avez-vous une déclaration liminaire, monsieur Cohen?
    J'ai un mémoire. Mon collègue a exprimé plusieurs des choses que j'allais dire. Je vous ai remis un mémoire, qui sera distribué à tous les membres du comité, et je veux donc bien laisser plus de temps pour les questions.
    C'est totalement votre choix.
    Eh bien, je viens de présenter tout un mémoire au comité des finances et je veux donc bien me contenter de répondre aux questions.
    D'accord.
    Monsieur le président, il y a l'option d'annexer le document au procès-verbal, si vous le voulez.
    Oh oui; il peut s'il le souhaite.
    Pas nécessairement lui, ce peut être quelqu'un d'autre.
    Une partie sera répétitive.
    Nous allons donc faire comme s'il avait été lu.
    M. David Cohen: Excellent.
    Le président: Merci beaucoup.
    Déclaration de M. David Cohen: Le 14 mars 2008, le gouvernement a déposé une proposition d'amendements concernant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR). Les objectifs annoncés par le gouvernement sont de créer un système d'immigration qui serait capable de mieux s'adapter et d'être plus efficace, ce qui réduirait les délais d'attente spécifiquement pour les demandes provenant des travailleurs qualifiés. Les objectifs désirés peuvent être entièrement réussis sans retirer à la LIPR sa valeur fondamentale canadienne d'équité et de transparence.
    La LIPR et ses règlement d'application permettent déjà aujourd'hui au ministre : d'augmenter le nombre minimum de points requis conformément au R76(2), de façon à limiter le nombre de nouvelles demandes comme moyen de gérer l'arriéré; d'utiliser le mécanisme des « professions d'accès limité », R73 et R75(2), afin de mieux synchroniser les flux d'immigration et les besoins du marché du travail au Canada; de faciliter l'utilisation du mécanisme d'« emploi réservé », R82, par lequel une offre d'engagement d'un employeur canadien peut accélérer le traitement d'une demande d'un travailleur qualifié que l'employeur aimerait engager.
    Je me présente devant vous aujourd'hui en raison d'une histoire que mon défunt grand-père m'a racontée lorsque j'étais encore jeune et impressionnable. Il me raconta de quelle façon sa jeune soeur est parvenue à fuir la Pologne juste avant l'occupation nazie et de quelle façon elle s'est procurée un permis de résidence en Angleterre valide pour une période d'une année. Mon grand-père a fait tout ce qu'il pouvait pour convaincre les services d'l'immigration à Ottawa de permettre à sa soeur de le rejoindre au Canada. Sa supplique a rencontré des oreilles sourdes — la porte du Canada est restée fermée. Finalement, sa soeur fut refoulée de l'Angleterre vers la Pologne. Elle n'a plus jamais donné signe de vie.
    Avouons-le, nous n'avons pas toujours eu une politique d'immigration dont nous puissions être fiers. Je pratique le droit de l'immigration depuis maintenant plus de 30 ans et je peux dire franchement que la latitude discriminatoire n' a été complètement éliminée de notre système d'immigration, du moins en ce qui concerne les travailleurs qualifiés, qu'en 2002, avec l'avènement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ou LIPR.
    La LIPR, en sa forme actuelle, est une loi exquise dont la beauté tient au fait que la sélection des immigrants économiques est fondée exclusivement sur des critères objectifs. Au coeur de cette loi se trouve le principe fondamental que toute personne qui choisit de demander à venir vivre au Canada a droit à un examen juste et équitable.
    Le gouvernement propose aujourd'hui des amendements à la LIPR, par le projet de loi C-50 déposé le 14 mars 2008 à la Chambre des communes. Les changements proposés donnent au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration le pouvoir d'émettre des instructions aux agents d'immigration concernant le traitement des dossiers — plus précisément des instructions quant aux types de demandes à traiter rapidement, aux demandes à mettre en attente pour traitement ultérieur et enfin aux types de demandes à être renvoyés à l'expéditeur sans aucun examen du tout.
    Ces modifications changeraient le système de sélection des immigrants de telle manière que toutes les demandes ne seraient plus examinées dans l'ordre où elles sont reçues, au profit d'un système basé sur une sélection discrétionnaire et le rejet sans examen de dossiers. Cela exposera le système d'immigration au type de discrétion que la LIPR a fait disparaître. En pratique, le ministre va devoir déléguer l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire à des fonctionnaires pour exécuter de telles instructions. Cela rendra inévitablement le système de sélection du Canada vulnérable aux penchants personnels ou pire encore. Je joins en annexe un message récent affiché sur le forum public en ligne du site Internet de mon cabinet d'avocats à titre d'exemple pratique du danger de la sélection discrétionnaire.
    La ministre dit que ces amendements sont requis pour rendre plus efficace et moderniser le système d'immigration. En particulier, le gouvernement a l'intention d'utiliser les amendements pour gérer l'arriéré de demandes actuel dans lequel figurent principalement 600 000 demandes de travailleurs qualifiés. De plus, le gouvernement souhaite pouvoir donner priorité aux demandeurs ayant une profession en forte demande sur le marché du travail canadien.
     Cet arriéré existe parce que le nombre de nouvelles demandes reçues chaque année dépasse le nombre de visas émis durant cette année. Le règlement 76(2) de la LIPR prévoit cette éventualité. Il permet au ministre d'établir un nombre minimum de points requis pour être admissible comme travailleur qualifié en tenant compte du nombre de demandes déjà en cours de traitement par rapport au nombre de visas à émettre. Par conséquent, le ministre peut tout simplement augmenter la note de passage qui est actuellement de 67 points de façon à réduire le nombre des nouvelles demandes. Les gens savent compter et ne vont pas payer 550 $ de droits de traitement pour se voir ensuite débouter parce qu'ils ne remplissent pas les critères.
    Le ministre peut aussi utiliser le mécanisme de la « profession d'accès limité » prévu aux règlements 73 et 75(2) de la LIPR. Après consultation adéquate avec les gouvernements provinciaux et autres parties prenantes, le ministre peut désigner certaines professions comme étant d'accès limité, parce qu'elles font l'objet d'une faible demande sur le marché du travail canadien. Les demandeurs potentiels ayant une expérience de travail dans une profession d'accès limité ne recevraient pas de point pour leur expérience et, en conséquence, ne seront pas motivés à soumettre une demande. Cela assurerait que le Canada sélectionne un plus grand nombre d'immigrants répondant aux besoins immédiats de notre marché du travail.
    Enfin, la loi actuelle permet déjà de privilégier les demandeurs à « emploi réservé » au Canada. Une offre d'emploi authentique d'un employeur canadien donne droit au demandeur à un permis de travail temporaire immédiat ou au traitement accéléré de sa demande de résidence permanente. Cela permet de placer en tête de la file d'attente les « meilleurs et plus brillants ».
    Le problème des arriérés est beaucoup plus compliqué qu'il ne le semble à première vue. La proposition du gouvernement donne l'impression que l'arriéré représente une seule file d'attente de 600 000 demandeurs s'étirant jusqu'à l'horizon. La réalité est très différente. Certains bureaux de visa ont un énorme arriéré, avec un délai d'attente de cinq ans rien que pour l'ouverture du dossier. D'autres bureaux des visas peuvent traiter une demande, jusqu'à la conclusion, en un peu plus d'un an. Cette situation est le résultat direct du fait que le ministre fixe des objectifs annuels de délivrance de visa à chaque bureau et attribue les ressources nécessaires pour atteindre ces objectifs.
    Voyons par quoi tout cela se traduit dans deux bureaux de visas particuliers. En 2007, l'objectif pour la classe économique au bureau des visas de Buffalo était de 24 500, par rapport à un inventaire de 43 000 demandes. L'objectif pour le même type de demandes au bureau des visas de la Nouvelle Delhi était de 10 500, pour un inventaire de 135 000 demandes. La manière dont ces objectifs sont établis est une autre problématique, mais que je vais laisser de côté.
    On voit donc que la distribution des demandes est très inégale. Si l'on fermait le robinet pendant deux ou trois ans afin de liquider l'arriéré existant, certains bureaux des visas n'auraient plus de demandes à traiter à la fin de la première année et la plupart des bureaux en auraient un tout petit à la fin de la deuxième année. Puis, la troisième année, le gouvernement n'accorderait plus de visas qu'aux candidats restants, qui viendrait à une majorité écrasante de l'Inde, des Philippines et du Moyen-Orient. Ce serait, bien sûr, une perspective aberrante.
    Il faudra par conséquent s'attendre à ce qu'un nouveau jeu d'instructions soit émis à la fin de la deuxième année, permettant au gouvernement de rouvrir le robinet dans certains bureaux des visas et non dans d'autres — soit ceux de la Nouvelle Delhi, de Manille et de Damas. Une fois que vous avez une société qui tolère de fermer sélectivement ses portes aux demandeurs, même temporairement, il n'y a plus un grand pas à franchir pour devenir une société qui n'a pas honte d'ouvrir ses portes à certains et de la fermer à d'autres. Les Canadiens d'origine chinoise, juive et italienne ne seront guère étonnés.
    La LIPR est juste et peut fonctionner. Ne fermons pas nos portes.
    J'aimerais verser au procès-verbal un message affiché récemment sur le forum public du site Internet de notre cabinet d'avocats et dont l'auteur se dit agent d'immigration canadien. J'ai toute raison de croire que tel est bien le cas. J'ai censuré la mention du groupe ethnique concerné.
    Affiché en ligne le jeudi 6 décembre 2007, 8 h 26.
Voici le coup de gueule d'un agent d'immigration canadien.

J'ai en RAS LE BOL!!!!

Je suis écoeuré de voir défiler tous ces menteurs, fraudeurs, escrocs, etc.

Ce travail m'a tellement contaminé que je ne peux même plus regarder la plupart des immigrants sans les considérer automatiquement comme des minables. Surtout ceux venant de xxxxxxxx.

Je ne comprends pas ce raz-de-marée en provenance de xxxxxxxx. Est-ce que xxxxxxxx est un pays si merdique où vivre? Et pourquoi les xxxxxxxx ne peuvent-ils épouser quelqu'un dans le pays où ils vivent, pourquoi faut-il absolument qu'ils épousent leurs frères et soeurs et cousins juste pour immigrer... beurk.

Je suis fatigué de voir débarquer tant de maudits immigrants chez nous qui commencent à sucer le système d'aide sociale pratiquement avant même d'être déclarés admis. Ensuite, ils croient tromper quelqu'un lorsqu'ils arrêtent de toucher l'aide sociale pendant deux mois pour présenter une demande de parrainage.

J'ai vu tellement de faux mariages que j'en suis au point de souhaiter que l'on supprime le parrainage de conjoint comme option. Si vous ne pouvez trouver personne ici avec qui vous voulez passer votre vie, PARTEZ. Si seulement un garçon/une fille vivant actuellement en xxxxxxxx mérite d'être épousé, alors vous devriez peut-être tirer votre cul d'ici et y retourner, puisque manifestement tous les gens bien sont là-bas.

Les immigrants de xxxxxxxx ont détruit certaines collectivités... xxxxxxxx, par exemple, est devenu une annexe de xxxxxxxx (couramment appelé xxxxxxxx). Je plains les élèves anglophones dans les écoles de xxxxxxxx, parce qu'ils sont une vraie minorité aujourd'hui. On a vu aux nouvelles récemment une école qui a plus de 400 nouveaux élèves au jardin d'enfants, dont 93 p. 100 ne parlent pas l'anglais...

Eh bien, ça m'a fait du bien de me défouler un peu et je vais probablement recommencer... mais pour le moment je dois aller refuser l'entrée dans mon pays à quelques-uns de ces gens.
    Monsieur Ryan, vous n'avez pas de déclaration.
    Dans ce cas, nous passons à M. Karygiannis, pour sept minutes, je vous prie.
    Monsieur Creates, j'ai été très surpris lorsque vous avez dit avoir fait un virage à 180 degrés, mais je suppose que vous avez lu le projet de loi et vu ce que certains d'entre nous voient également.
    Ma question va porter sur un scénario plus général. Elle s'adresse à qui veut répondre.
    La ministre dit que nous allons accueillir davantage de médecins au Canada et plus vite. Je trouve cela plutôt absurde. Nous avons des médecins dans l'arriéré de 900 000 à 925 000 dossiers. Un médecin, pour être autorisé à exercer au Canada... ce médecin, à son arrivée, n'aura pas la garantie automatique de travailler. Il va devoir retourner à la faculté de médecine dans chaque province. Ils vont devoir passer des examens pour travailler. Et certaines des provinces accréditent 48 médecins par an, d'autres 50.
    Je suis donc perplexe lorsque j'entends dire que les médecins... J'entends par-là que la ministre joue avec la crédulité des Canadiens âgés et des Canadiens qui... et certaines des personnes qui vivent en région rurale ne connaissent certainement pas le système d'immigration aussi bien que vous, les spécialistes, ou certains députés qui le fréquentent chaque jour.
     La ministre dit que nous allons faire venir davantage de médecins, puis s'arrête là et n'ajoute pas: « Oui, et ce sera tellement triste pour eux, ils ne vont pas pouvoir exercer ».
    Je me demande si, en 30 secondes, quelques-uns d'entre vous pourraient réagir à cela.
    Certainement, je vais répondre.
    Nous manquons de médecins, particulièrement dans la plupart des campagnes canadiennes. Tout le monde le sait. C'est un problème d'accréditation, comme vous l'avez dit, par les ordres provinciaux, les ordres professionnels des provinces. Ce n'est pas seulement vrai des médecins, mais aussi des avocats, des enseignants — choisissez la profession. Il y a et il y aura toujours un problème d'accréditation. Les organes d'autoréglementation tendent à protéger les leurs, et il est très difficile de faire accréditer des médecins étrangers, particulièrement en Ontario, mais ailleurs aussi.
    Vous reconnaissez donc que, si je faisais cette déclaration... lorsque la ministre emploie le mot « médecins », elle trompe le public canadien.

  (1650)  

    Je ne veux pas accuser la ministre de tromper le public canadien dans cette enceinte. Je dirais qu'il y a une déconnexion entre accueillir des médecins et puis automatiquement...
    Non, c'est moi qui accuse la ministre de tromper le public canadien. Êtes-vous en désaccord avec moi?
    Je comprends ce que vous faites, et vous me demandez de me dire d'accord ou en désaccord avec vous. Je dis qu'il y a peut-être un contexte derrière cette déclaration. Elle la faisait peut-être dans un but politique, car en tant que praticien il est très difficile d'obtenir l'accréditation de médecins pour l'Ontario et ailleurs.
    J'ai fait quelques calculs il y a quelques mots et ni le secrétaire parlementaire ni la ministre elle-même ne les ont contestés. Ces chiffres montrent qu'il s'est produit entre 2005 et 2006 une augmentation globale de 20,67 p. 100 du délai qui s'écoule avant qu'une personne puisse venir au Canada. En 2007, c'était 7,69 p. 100. En 2005, il y en a eu 260 000 et quelque, et en 2007 entre 235 000 et 240 000 — une baisse de 10 p. 100. La ministre va partout en disant que nous aimerions accepter davantage d'immigrants et qu'il faut éponger l'arriéré, etc. Pourtant, le ministère met plus de temps à traiter les dossiers et laisse entrer moins d'immigrants.
    Est-ce que l'une des façons de réduire l'arriéré ne serait pas d'augmenter le nombre de personnes admises au Canada?
    Oui, évidemment, c'est possible. Comme l'a dit l'un des témoins précédents soit vous réduisez le débit à l'entrée de l'inventaire, soit vous l'augmentez à la sortie. D'une manière ou d'une autre, vous allez maîtriser cette arriéré.
    Le plus gros problème que je vois se profiler, vu ce qui se passe au Canada en ce moment, est étroitement apparenté. Les immigrants gagnent moins d'argent aujourd'hui qu'il y a cinq et dix ans, ce qui montre que le système de sélection laisse à désirer. Nous choisissons les immigrants, ils arrivent et ils ont du mal à s'établir et à se faire une place. Leurs revenus, si l'on se fie aux déclarations d'impôt, sont moindres que ceux du groupe témoin né au Canada.
    Aussi, lorsque je dis de porter la note de passage de 67 à 72 points, cela revient à dire que nous aurions des candidats de meilleure qualité en plus petit nombre. Nous aurions les 250 000 à 265 000 — je pense que l'opinion s'accorde plus ou moins sur ce chiffre, même si certains voudraient 300 000. Mais ce ne sont là que des vétilles. Le principal est de choisir des immigrants qui s'intégreront rapidement et auront un bon revenu. C'est une situation où tout le monde gagne.
    Nous sommes dans une spirale descendante. L'Australie a augmenté sa note de passage, réduit son délai de traitement et réduit son arriéré et son inventaire. Le délai de traitement est de deux ans. Notre ministre prétend que nous allons le ramener à un an, mais cela n'arrivera pas. J'ai 22 années d'expérience dans ce métier et cela n'arrivera pas. Nous faisons face à un afflux tellement massif qu'il est totalement exclu que nous puissions jamais traiter les demandes de résidence permanente — celles des travailleurs qualifiés ou autres — en l'espace d'un an. Deux ans ne sont pas un chiffre inacceptable.
    À ce sujet, monsieur, diriez-vous que si la ministre, avec le système proposé, plaçait sur une voie expresse les travailleurs qualifiés et les sélectionnait par pays ou catégorie, cela entamerait l'arriéré? L'arriéré est là pour rester, et il est de 925 000 dossiers. S'il faut aujourd'hui de quatre à six ans en moyenne, cela va prendre encore plus longtemps, parce que nous ne pouvons plonger dans cette masse et mettre les candidats que nous voulons, les travailleurs qualifiés, en tête de la file.
    Nous savons tous que le projet de loi C-50 et les modifications de la LIPR n'auront aucun effet sur l'arriéré, sinon qu'il va rétrécir au fil du temps, de la manière que vous décrivez, et ce qui est une bonne chose. Il n'aurait jamais dû atteindre une telle ampleur et doit rétrécir. Il rétrécira par attrition, soit que les gens meurent, migrent dans un autre pays ou renoncent. C'est pourquoi il nous faut déterminer combien de ces 925 000 dossiers sont encore actifs. Ce n'est pas très difficile à faire. Il suffit d'envoyer une lettre et une enveloppe timbrée pour savoir combien sur ces 925 000 candidats sont toujours intéressés.
    Combien de vos clients renoncent parce que le délai d'attente est trop long? Est-ce 5, 10, 20 p. 100? La question s'adresse à vous tous.
    J'aimerais ajouter quelques mots à la réponse que vous a donnée mon collègue, M. Creates, soit qu'il ressort des études récentes que les immigrants arrivés au Canada plus récemment réussissent moins bien financièrement que ceux arrivés au Canada il y a 30, 40 ou 50 ans. Les statistiques remontent aux années 1960.
    À mon avis, les mesures utilisées ne sont pas les bonnes. Les immigrants arrivés au Canada dans les années 1950 et 1960 venaient principalement d'Europe occidentale. Ils ressemblaient beaucoup aux Canadiens et n'avaient guère de mal à se faire embaucher par les employeurs canadiens. Les immigrants qui nous arrivent depuis les années 1990, plus particulièrement, appartiennent majoritairement à des minorités visibles.
    Je pense donc que le véritable étalon devrait être la réussite des nouveaux immigrants arrivés dans les années 1990 par rapport aux membres des minorités visibles nés au Canada. Nous n'obtiendrions sans doute pas le même résultat.

  (1655)  

    Merci, monsieur Cohen. Je suis sûr que vous pourrez développer plus avant cette idée, peut-être avec M. St-Cyr.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être ici. J'ai écouté les présentations avec beaucoup d'intérêt, entre autres celle de M. Creates, qui rappelle certains principes fondamentaux, dont les files d'attente.
    Avant d'être élu député, j'étais ingénieur informatique. J'ai eu l'occasion de me pencher sur la gestion des files d'attente et j'ai lu un certain nombre de documents à ce sujet. Un des postulats de base est que si on ne fait que déplacer les gens dans une file d'attente, celle-ci sera toujours de la même longueur. Il n'y a rien à faire. Vous avez très bien résumé la situation en disant qu'il n'y a qu'une façon de diminuer une file d'attente: sortir plus de gens qu'il n'en entre. Autrement, on ne réduit pas la file d'attente.
    Dans votre présentation, vous avez parlé de la productivité dans le traitement des demandes. Comment se fait-il que ce soit si long? Notre système est-il trop complexe? Est-ce normal que ce soit si compliqué et si difficile de savoir si on est admissible à l'immigration?

[Traduction]

    Je vais répondre.
    Notre programme d'immigration est un bon système. Nous pouvons être fiers, dans notre pays, de notre programme d'immigration — c'est vrai au Québec avec le programme des candidats de la province et c'est vrai du système fédéral lui-même. Mais il comporte beaucoup de lourdeurs. Il y a beaucoup d'éléments improductifs. Si vous faites appel à quelques ingénieurs du changement — je crois que vous voyez ce que j'entends par-là — pour conseiller des façons de remanier le système sans le rendre totalitaire, comme il le deviendra si le projet de loi C-50 est adopté, il serait possible de simplifier les formulaires et de rendre les agents plus productifs.
    Je suis venu ici aujourd'hui accompagné de mon personnel. Il reçoit des demandes au sujet des dossiers dont nous nous occupons. Nous recevons chaque jour des lettres d'ambassades et de consulats de partout dans le monde nous demandant des documents que nous avons déjà fournis.
    C'est le cas dans notre bureau également.
    C'est très courant. Il en résulte que des ressources normalement réservées au traitement sont accaparées par la demande de documents que nous avons déjà fournis. Les rapports de casiers judiciaires expirent au bout de six mois, l'examen médical, lui expire au bout de 12 mois, et ainsi de suite. Il est très improductif de vivre dans un régime, dans ce monde moderne qui nous entoure, dans le cadre duquel nous obtenons des demandes de documents que nous avons déjà fournis ou, du fait de la lenteur des choses et du passage du temps, des documents ont expiré.
    Si vous obteniez qu'il y ait des ingénieurs de changement dans le ministère, ce serait un bon investissement. Les 22 millions de dollars dont ils parlent — l'incidence sur le budget du projet de loi C-50 et ces changements la Loi sur l'immigration —, et plus encore, devraient être investis dans le système en vue d'un travail de réingénierie, en vue d'utiliser les plates-formes existantes et de former le personnel de bureau pour qu'il soit plus productif et moins redondant, et tout simplement pour peaufiner un programme existant qui est bon afin qu'il soit transparent et moins totalitaire. Il n'était pas nécessaire d'opter pour un style de loi totalitaire pour s'attaquer à l'objectif que nous tous autour de la table aimerions voir atteint.

[Français]

    D'accord.
    Lorsque la ministre est venue témoigner devant le Comité permanent des finances, elle nous a assurés que la législation n'avait pas d'impact sur le processus de sélection des immigrants du Québec, que cette province pouvait continuer à sélectionner ses immigrants et qu'il n'y aurait aucune possibilité d'obstruer la volonté de ce gouvernement.
    Les gens qui sont venus précédemment nous ont dit le contraire. Puisque la brèche est grande ouverte, rien n'empêcherait la ministre d'émettre des directives qui restreindraient le traitement des demandes au Québec. Selon vous, qui a raison? La question s'adresse à n'importe qui. Si ce projet de loi était adopté, cela donnerait-il un pouvoir éventuel à la ministre pour traiter les demandes du Québec, de même que celles de n'importe quel autre programme provincial?

  (1700)  

[Traduction]

    Je vais tenter une réponse.
    L'accord Québec-Canada n'est pas identique aux autres programmes des candidats des provinces. Dans le cadre de ses relations avec les autres provinces, le gouvernement fédéral peut plus ou moins imposer les restrictions ou les limites qu'il veut au système de nomination de candidats par les provinces. Le Québec a une entente avec le Canada, et d'après ce que je peux voir, cette entente ne sera pas changée, du fait du projet de loi C-50, pour ce qui est d'accélérer l'examen des demandes, de la mise de côté des demandes en vue de leur examen ultérieur ou du renvoi des demandes.
    Cependant, la mention faite dans le projet de loi C-50 que seuls les demandeurs se trouvant à l'intérieur du Canada auront le droit de demander la résidence pour motif humanitaire aura clairement une incidence sur les gens au Québec. Je vais vous donner un exemple.
    Supposons que vous avez une résidente permanente canadienne qui habite le Québec et qu'il s'agit d'une mère célibataire qui travaille à l'extérieur du Canada, qu'elle donne naissance à un enfant pendant qu'elle se trouve à l'extérieur du Canada et qu'elle souhaite parrainer son enfant et le ramener avec elle au Canada. Ce genre de situation a jusqu'ici été couvert par les demandes pour motif d'ordre humanitaire pour le compte de l'enfant à l'extérieur du Canada.
    Comme l'a dit M. Creates, ce genre de situation ne survient pas souvent. Mais lorsqu'elle survient, lorsqu'une personne est désespérée, peu importe que cette personne vive au Québec ou en Colombie-Britannique, si elle se trouve à l'extérieur du Canada ou qu'elle a une relation avec quelqu'un au Québec ou en Colombie-Britannique, nous ne devrions clairement pas serrer la vis et retirer ce droit. C'est ainsi que les gens au Québec seront touchés, tout comme les gens se trouvant dans n'importe quelle autre province.
    Monsieur St-Cyr, je suis d'accord avec mon collègue, sauf que j'aimerais mentionner une chose. L'actuel régime prévoit le droit pour le gouvernement fédéral de refuser ou de délivrer un visa pour des motifs statutaires. Ce droit serait maintenu avec le projet de loi C-50; il ne serait pas touché. Peu importe que le Québec ait sélectionné l'immigrant en question, le gouvernement du Canada peut toujours refuser pour des raisons de sécurité, d'activité criminelle, etc.
    Une voix: Ou pour raisons de santé.
    M. John P. Ryan: En ce qui concerne les restrictions en matière de classification, il me faut me ranger de l'avis du groupe de témoins qui nous a précédés: je ne vois aucune restriction. Cependant, je maintiens que, sur le plan politique, il serait extrêmement difficile pour le ministre de mettre cela en oeuvre.
    Bien. Merci, monsieur Ryan.
    Madame Chow.
    Au sujet de ce motif, monsieur Cohen et monsieur Creates, le projet de loi C-50 prévoit déjà que le ministre puisse modifier la loi rétroactivement et dire « Eh bien, oui, vous avez fait une demande, mais mes instructions sont que le personnel de ces bureaux de visa seront moins favorables, et je préférerais que l'on vise certaines catégories, notamment celles des travailleurs qualifiés ».
    Elle peut faire cela rétroactivement, n'est-ce pas?
    Rétroactivement au 27 février de cette année.
    Exactement. Cela n'a rien à voir avec les 925 000 personnes dans l'arriéré. Il s'agit là d'une discussion tout à fait fausse, car cela n'a rien à voir avec les 925 000, même si le message a toujours été que le but est vraiment de régler l'arriéré du passé, alors que, non, cela n'a rien du tout à voir avec les 925 000.
    Mais ai-je raison de supposer que la ministre a le droit de dire que si elle reçoit trop de demandes de New Delhi ou autre, ou de Beijing, elle pourrait choisir de renvoyer certaines des demandes... de ce bureau de visa? Peut-elle faire cela?
    Cela est tout à fait juste. Elle peut émettre des instructions qui cadrent avec son opinion, et ses instructions sont exécutoires. Ses agents « sont tenus de se conformer » aux instructions. Je cite ici la loi.
    Oui, exactement. Elle vous dira quoi faire et elle publiera les instructions dans la gazette une fois celles-ci en oeuvre. Si donc les gens disent « Cela est tout à fait injuste, ne le faites pas », cela ne changera rien, car ce sera déjà chose faite, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    Ai-je raison de supposer également que la loi lui accorderait le droit de dire « Je veux des travailleurs étrangers temporaires en provenance d'une région donnée, alors je vais faire traiter en priorité et à grande vitesse les dossiers de tous les travailleurs étrangers temporaires de cette région »? A-t-elle le droit de faire cela?

  (1705)  

    Eh bien, les travailleurs étrangers temporaires voient déjà leur dossier traité en priorité.
    C'est déjà le cas de toute façon.
    Il y a trois catégories sacrées auxquelles l'on ne peut pas toucher. Premièrement, les réfugiés à l'extérieur du Canada ne vont pas être touchés par ce projet de loi s'il est adopté. Deuxièmement, la catégorie de la famille ne sera pas touchée par le projet de loi.
    À moins que l'intéressé ne se retrouve à l'extérieur du Canada et que les motifs soient d'ordre humanitaire.
    Oui.
    La troisième catégorie est celle du statut de résident temporaire.
    L'on peut dire, par déduction, que ces trois catégories seront touchées si le ministre fait passer d'autres catégories à l'avant. Nous avons tous des ressources de traitement limitées, et si d'autres catégories passent devant, alors les trois catégories que je viens à l'instant de décrire vont rester sur la branche en attendant de mûrir.
    Ou de pourrir.
    Oui, ou de pourrir.
    Elle ne peut pas émettre expressément des instructions au sujet de ces trois catégories, mais si elle fait passer d'autres catégories en début de queue, il y aura des conséquences pour ces trois catégories, du fait qu'on ne s'en occupera tout simplement pas.
    J'ai entendu la ministre dire à la radio de CBC que certaines personnes parmi les 925 000 ne sont plus en vie et que tout ce qu'elle veut faire c'est veiller à ce qu'on élimine les demandeurs qui ne sont plus de ce monde.
    Vous me corrigerez si j'ai tort, mais le ministère peut déjà faire le tri entre ceux qui sont morts et ceux qui ne le sont pas, n'est-ce pas?
    Une lettre ferait cela, avec un délai limite de 60 jours pour répondre. Vous pourriez envoyer une lettre disant « Si je n'ai pas entendu de nouvelles de vous dans les 60 jours, je vais en déduire que vous n'êtes plus intéressé ». Une telle lettre serait tout à fait juste. Elle ferait office d'avis. Les gens auraient une obligation positive d'y répondre. Ou ils sont intéressés, ou ils ne le sont pas.
    La ministre n'est pas tenue de prendre ces...
    Elle n'a pas besoin de ces pouvoirs additionnels, de ces très vastes pouvoirs, pour faire cela.
    Exact.
    Tout cela étant dit, et m'adressant peut-être à M. Creates, puis à M. Cohen, pourquoi pensez-vous que le gouvernement soit en train de faire cette chose qui est si vaste, si antidémocratique, qui n'a rien à voir avec l'arriéré et qui ne va pas aider les familles à se reconstituer plus rapidement qu'avant — en fait, la réunification des familles pourrait demander encore plus longtemps?
    Je conteste le fait que...
    Excusez-moi, je posais la question à M. Creates.
    Adressez-vous la question directement à quelqu'un?
    Oui.
    J'aimerais y répondre.
    J'aimerais adresser la question à la personne dont je souhaite une réponse, car c'est ma question.
    Ma réponse va cadrer avec la réponse donnée par Lorne Waldman à une question semblable, soit que l'arriéré est devenu si énorme, si incontrôlé et si coûteux à gérer que...
    Cela fait des années que le gouvernement se fait critiquer par tous les partis d'opposition, tous les praticiens, tous les immigrants prospectifs, tous les parents désirant être réunis — les secteurs industriels et ainsi de suite. Il lui fallait faire quelque chose. Mais il a utilisé un projet de loi très draconien, chose dont nous n'avons pas l'habitude au Canada, pour centraliser beaucoup de pouvoir entre les mains du ministre et de son équipe pour réaliser une chose qui est très totalitaire, qui concentre le pouvoir à l'extérieur de la portée du Parlement et qui échappe à la reddition de comptes auprès de parties prenantes comme nous.
    Cela dépasse en fait réellement les limites. Pourquoi? Parce que le gouvernement pense pouvoir se tirer d'affaire en insérant cela dans un projet de loi d'exécution du budget.
    Il s'agit d'une décision politique qui est en train de se jouer sur le dos des immigrants. Cela est clair.
    Le gouvernement sait que la communauté des nouveaux arrivants et des immigrants est l'une des assises traditionnelles du Parti libéral, et il est en train de mettre les libéraux au défi de voter contre. C'est vraiment de cela qu'il est question. Cela est honteux, car la partie est en train de se jouer principalement sur le dos de personnes qui se trouvent à l'extérieur du Canada et qui ne peuvent pas voter et de personnes nouvellement arrivées au pays. Ce sont elles qui vont souffrir de ce qui a pris la forme d'un jeu politique, si vous voulez.
    Monsieur Ryan, vous aviez un commentaire.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense, pour être juste, que cet arriéré — ou ce retard, peu importe comment vous appelez la chose — existe depuis que je suis ici. Le gouvernement précédent a essayé d'en traiter en recourant à des bassins et à des filières, et c'est cet effort qui est à l'origine de nombre des mesures que vous voyez devant vous aujourd'hui. Des choses semblables avaient été envisagées.
    Le fait est que, de notre point de vue, le gouvernement du Canada doit avoir la capacité de gérer son inventaire, de gérer le nombre de personnes qui entrent au Canada. Il y a un nombre fini de personnes qui peuvent entrer au pays. Nous sommes d'accord avec la ministre sur ce point.
    Nous tenons à ce que ces personnes... Et je les ai vues personnellement, ayant travaillé pendant neuf ans à Beijing. Jour après jour, ces gens défilaient dans mon bureau, se plaignant du fait de n'avoir pu obtenir de réponse de l'ambassade, comptant sur moi pour être leur représentant. Ils ne pouvaient pas obtenir de réponse auprès de l'ambassade. Ils se faisaient victimiser par des agents vicieux et des consultants vicieux en Chine, en Inde et ailleurs dans le monde, du simple fait du régime inefficace que nous avons ici.
    Les Australiens et les Néo-Zélandais ont apporté des changements. Le Royaume-Uni est sur le point d'apporter des changements semblables à...

  (1710)  

    Mais en quoi le projet de loi traite-t-il réellement des inefficiences et rend-il le système plus productif?
    Le dernier commentaire reviendra à M. Ryan.
    En créant des efficiences grâce à la modification du processus, il sera possible de s'attaquer à l'arriéré. Voilà mon opinion.
    Merci.
    Monsieur Komarnicki, pour sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai apprécié les commentaires qui ont été faits.
    Monsieur Creates, conviendriez-vous avec moi que le projet de loi C-50, dans sa partie concernant l'immigration, devra répondre au critère de la Charte — ou il sera conforme à la Charte ou il ne le sera pas —, mais que, pour être efficace, il lui faudra être conforme à la Charte? Seriez-vous d'accord avec moi là-dessus?
    La question s'adresse-t-elle à moi?
    Oui.
    Tous les projets de loi adoptés par la Chambre, ainsi que toutes les lois provinciales, doivent être conformes à la Charte.
    Exact, et ce projet de loi va donc répondre à ce critère.
    La deuxième chose est que ce projet de loi prévoit...
    À l'ordre, s'il vous plaît. N'interrompez pas, je vous prie.
    C'est moi qui pose les questions. M. Karygiannis peut attendre son tour.
    Ce projet de loi ne prévoit pas d'instructions; il prévoit le pouvoir d'émettre des instructions. Êtes-vous de cet avis?
    C'est exact.
    Conviendriez-vous avez moi que l'instruction elle-même, une fois celle-ci émise, devra être conforme à la Charte pour être efficace?
    Je ne sais pas. Je ne sais pas.
    M. Ed Komarnicki: En d'autres termes, en tant qu'avocat...
    M. Warren Creates: Si cette Chambre adopte ce projet de loi, dont un article stipule que le ministre est doté du pouvoir de donner des instructions qui sont conformes à ses opinions en tant que ministre et qui appuient ses objectifs en vue de réaliser au mieux les objectifs en matière d'immigration...
    Non, non, le texte ne parle pas de ses objectifs.
    Non.
    Ce sont les objectifs du gouvernement du jour, ce qui est très différent.
    C'est exact. Je m'efforçais simplement de m'exprimer de manière non sexiste.
    Pensez-vous, en votre qualité d'avocat, que vous pourriez contester une instruction donnée en invoquant la Charte, en disant qu'elle n'est pas conforme à la Charte?
    Ce que je peux dire est que je ne suis pas un spécialiste des questions constitutionnelles.
    Monsieur Cohen...
    Mais je peux dire également...
    M. Ed Komarnicki: Eh bien, si vous n'êtes pas un spécialiste...
    M. Warren Creates: ... que même si une telle instruction n'est pas conforme à la Charte, beaucoup de dommages peuvent être causés avant que quelqu'un n'ait les ressources requises pour contester l'instruction.
    Là n'est pas la question que j'ai posée.
    Oui, eh bien, vous avez obtenu une réponse.
    Non, non, la question était très étroite.
    À l'ordre, s'il vous plaît. À l'ordre.
    Monsieur Cohen, conviendriez-vous ou diriez-vous qu'il pourrait y avoir contestation fondée sur la Charte de l'instruction elle-même?
    Ce que je dirais est que la ministre est en train de dire que ce qui sera fait sera conforme à la Charte, et la loi énonce que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés sera administrée conformément à la Charte. Mais en bout de ligne, ce sont les tribunaux qui auront à décider si cela est en fait conforme à la Charte.
    Vous pourriez donc, premièrement, en votre qualité d'avocat, recourir aux tribunaux relativement à la loi telle qu'elle existe en ce moment.
    C'est exact.
    Vous pourriez ensuite recourir aux tribunaux relativement à l'instruction elle-même, si vous le vouliez, pour déterminer si elle est ou non conforme à la Charte. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?
    L'on pourrait demander l'autorisation de la cour — je suis d'accord avec vous là-dessus, oui — de faire une telle demande.
    En fait, dans le cas de toute personne au ministère traitant un dossier conformément à la Charte, le processus lui-même pourrait être contesté relativement à la Charte.
    Oui, il pourrait être contesté. Ce que je veux dire par là est que toute loi, quelle qu'elle soit, émanant de cette Chambre pourrait être contestée. Le problème est celui des ressources nécessaires pour lancer une contestation.
    Vrai, mais en bout de ligne, quelqu'un pourrait intervenir auprès de la cour pour demander si la loi, en ce qui concerne les trois aspects, comme je l'ai mentionné, est conforme à la Charte.
    Vous savez, vous avez raison — mais je m'attendrais à plus en ce qui concerne une loi provenant de la Chambre.
    Je veux bien, mais vous conviendrez avec moi qu'il faudrait qu'elle soit conforme à la Charte.
    Je conviens avec vous qu'en bout de ligne elle serait sans doute conforme à la Charte, une fois passée par le système judiciaire. Je ne suis pas en train de dire qu'elle quittera la grille de départ tout à fait conforme à la Charte.
    Pour être conforme à la Charte, il ne faudrait pas qu'elle fasse de discrimination selon la race, le culte, l'ethnicité ou quelque autre aspect.
    C'est exact, ni directement, ni indirectement.
    Formidable. Ces garanties sont donc toujours là, n'est-ce pas?
    Oui, ces mots sont toujours là, mais cela ne veut pas dire que cette loi sera en fait conforme à la Charte.
    Non, mais si elle ne l'est pas, il lui faudra être modifiée de manière à être conforme à la Charte.
    Exact. C'est juste.
    Il lui faudra être conforme à la Charte pour pouvoir être mise en oeuvre.
    Oui. C'est exact.
    En ce qui concerne maintenant l'arriéré — et M. Creates pourrait peut-être répondre à la question —, je répéterai les mots d'un ancien ministre de l'immigration libéral, qui a dit:
Vous ne rendez pas justice au système en acceptant des demandes qui ne vont pas être traitées pendant des années et des années. Il ne sert à rien pour nous de continuer d'accepter ces noms... la réalité est qu'il nous faut changer le système.
    Conviendriez-vous avez moi qu'en acceptant tout simplement les demandes, alors que l'on sait que la limite est de 245 000 ou de 265 000, selon ce que décide le Parlement, cela ne fera que continuer d'augmenter l'arriéré?

  (1715)  

    Cela est très probable. J'en conviens.
    J'ai proposé une autre suggestion quant à ce qui pourrait être fait à l'actuel système pour empêcher le problème que vous décrivez, sans ce projet de loi totalitaire que nous avons devant nous.
    L'une des suggestions que vous faites est d'augmenter la note de passage...
    C'est là l'une des suggestions.
    ... pour la porter à 67 p. 100.
    Ce n'est pas un pourcentage, mais un nombre de points.
    Oui, un nombre de points. D'aucuns ont dit que le système des points joue contre les catégories de personnes moins qualifiées qui ne parviennent pas à accumuler un nombre suffisant de points.
    Cela est tout à fait vrai. Mais vous pourriez avoir un programme de candidats des provinces qui réglerait le problème des métiers, comme il en existe au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique. Un tel programme de candidats n'existe pas en Ontario.
    Ce problème serait très facile à régler, mais il ne sera pas réglé par ce projet de loi.
    Mais vous conviendrez avec moi que ce projet de loi n'exigerait pas du ministère qu'il accepte et qu'il traite toutes les demandes.
    C'est exact. Cela y est explicitement dit. Les demandes peuvent être renvoyées.
    C'est exact.
    La demande peut être conservée, renvoyée ou autre, et de toute manière, le sort qui lui sera réservé ne constituera pas une décision. Dans quel genre de pays voulons-nous vivre, je vous le demande, si des gens vont verser de l'argent, déposer des demandes en ayant des attentes raisonnables, et si la ministre peut invoquer sa propre opinion pour retenir, renvoyer ou réserver quelque autre sort aux documents sans pour autant rendre de décision?
    Ce n'est pas là une démocratie. Ce n'est pas là le respect de la règle de droit.
    Ainsi donc, chaque demande qui est faite, quelles que soient les limites que vous fixez, doit être acceptée et traitée jusqu'à son aboutissement final, peu importe que cela augmente l'arriéré. C'est là votre position?
    C'est là l'actuel système, que je n'appuie pas. Il nous faut le modifier afin de ne pas avoir un arriéré de 925 000 dossiers, et qui finira par dépasser le million.
    Permettez que je revienne sur certaines des déclarations que vous avez faites au départ. Vous avez mentionné la déclaration faite sur CBC. Vous avez dit que c'était un changement charnière très astucieux...
    C'était en fait sur CTV. C'était Paul Hunter sur CTV.
    C'était CTV? Vous avez dit qu'il s'agissait d'un changement charnière très astucieux en vue de remanier le programme d'immigration...
    À l'ordre.
    Excusez-moi, mais il ne reste plus que 12 minutes, et il me faudra maintenant faire un partage quatre, quatre et quatre. Nous vous reviendrons.
    Monsieur Telegdi.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ryan, nous avons entendu beaucoup de témoins, pendant que nous parcourions le pays, qui étaient très sévères à l'égard de votre organisation, et je tenais simplement à vous rappeler, comme nous l'avions dit à l'époque, que les gens qui comparaissent jouissent de la protection parlementaire, alors nous ne voulons voir appliquer aucun bâillon ni mesure disciplinaire. Je tenais simplement à ce que vous sachiez cela.
    Je ne cherche pas à obtenir une réponse. Je tiens simplement à ce que vous sachiez ce qui a été dit pendant notre tournée.
    Pour ce qui est de la conformité à la Charte, cela fait 25 ans que le certificat de sécurité n'est pas conforme à la Charte. Le secrétaire parlementaire ne cesse d'en faire état, mais la réalité est qu'il a fallu 25 ans pour que cela soit porté devant la Cour suprême afin que celle-ci tranche. Nous ne voulons donc pas qu'une injustice soit commise pendant 25 ans sans qu'aucune mesure ne soit prise.
    Nous avons créé une vraie crise sous l'actuel gouvernement au sein de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Nous avions ramené l'arriéré à 18 000. Il va cette année dépasser les 60 000, pour atteindre 70 000 l'an prochain. La bureaucratie a réellement créé une crise, et je m'attends à ce qu'à un moment donné le gouvernement dise, débarrassons-nous en et laissons les bureaucrates s'occuper de tout cela.
    Je vais remonter à l'année 2002, car j'étais ici lorsque nous avons traité de cette loi sur l'immigration, et j'ai pu constater ce qu'a fait le comité. Nous avions tous convenu au comité, lorsque le système a été mis en place, que le régime des points était trop élitiste et que certaines personnes, comme les gens des métiers, n'allaient jamais pouvoir entrer au pays. Je pense que c'est là que le problème a été créé.
    Lorsque je regarde les bureaucrates, ils ont tenté de prendre le nouveau système des points, avec le seuil de 75, et de l'appliquer à l'arriéré. Le seul objet visé était que la bureaucratie élimine l'arriéré. Cela n'a pas fonctionné. Les bureaucrates n'ont pas écouté le comité. Ils ont ignoré le comité parlementaire. Ils ont abouti devant les tribunaux et le juge Kelen, dans l'arrêt Dragan, les a obligés à renverser la vapeur. Mais les bureaucrates avaient créé un système qui était devenu beaucoup trop élitiste et qui ne réagissait pas à ce dont avait besoin l'économie. Je dis à mes collègues au comité qu'ils devraient lire la décision rendue dans l'affaire Dragan, car elle fait ressortir à quel point les bureaucrates ont induit le comité en erreur.
    La question que j'aimerais soulever est qu'il y a eu une étude commandée par le gouvernement, qui a été rendue publique aujourd'hui, et qui a été menée sous l'égide de l'Institut de recherche en politiques publiques, aujourd'hui droitiste. Je l'ai examinée. Elle établit des comparaisons avec le système australien, et d'après ce que je peux voir...
    J'espère que vous aurez l'occasion de la lire. L'étude a été faite par le professeur Hawthorne.

  (1720)  

    Je l'ai.
    Bien, alors vous l'avez tout juste obtenue aujourd'hui.
    Je l'ai reçue à midi aujourd'hui, tout comme vous.
    Je me demande, si vous avez eu l'occasion de la lire, si vous ne pourriez pas nous en entretenir. Mais il me semble que ce qu'il nous faut faire c'est avoir un système de points tel que...
    Si vous êtes en train de demander à M. Creates de faire un commentaire, il ne reste plus que 30 secondes.
    ... toutes les personnes soient incluses et travailler avec cela, mais en accordant plus de points pour les emplois et ainsi de suite, et veiller à faire venir ici des personnes dont l'économie a réellement besoin.
    Bien, 20 secondes, monsieur Creates, ou quelqu'un d'autre.
    Je regrette qu'aucun d'entre nous dans cette salle n'ait eu l'occasion de lire cette étude universitaire comparant le Canada et l'Australie. Ce que j'ai reçu lorsque ce rapport a été rendu public aujourd'hui est un résumé, et j'ai été très impressionné que ce travail ait été fait, ainsi que par les similitudes entre les deux régimes.
    Ce que j'ai appris est que l'Australie a choisi de jouer un rôle beaucoup plus proactif et d'augmenter les points, et c'est pourquoi j'ai fait mon observation de tout à l'heure. Je suis retourné dans mon bureau et ai apporté un changement à mon mémoire, que j'avais déposé la semaine dernière auprès du comité.
    Si l'Australie, un pays très semblable au nôtre et doté d'un programme très semblable, a augmenté le nombre de points dans le cadre de son système et obtient des immigrants mieux qualifiés, possédant davantage de compétences, qui s'intègrent plus rapidement et qui touchent un revenu annuel supérieur au nôtre — nous vivons en fait une tendance inverse, avec un plus gros problème...
    Il me faut donner la parole à M. Carrier.
    ... alors penchons-nous-y et voyons ce que nous pouvons faire de semblable.
    Monsieur Carrier, quatre minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, chers témoins.
     Ma première question s'adresse à M. Qayyum, de la Société canadienne de consultants en immigration.
    J'ai été surpris d'entendre que vous félicitiez la ministre d'avoir déposé ce projet de loi, qui a pour objectif de réduire l'arriéré des demandes en en éliminant tout simplement selon le bon vouloir de la ministre plutôt que d'augmenter l'efficacité du ministère pour qu'il en traite davantage.
    Étant donné que vous représentez vous-même les consultants, il me semble que vous allez à l'encontre des intérêts de vos propres membres. Vous semblez plutôt en faveur d'éliminer des demandes, peut-être parce qu'il y en a trop et parce que ce serait plus simple pour vous.
    Pouvez-vous commenter mon propos? Ne considérez-vous pas que combler les 50 postes de commissaire manquants actuellement au ministère pourrait accélérer le traitement des demandes et donnerait un mandat plus grand à vos membres?

[Traduction]

    Merci de cette question.
    D'après ce que j'ai lu, le projet de loi C-50 fait partie d'une approche à trois volets en vue de traiter de l'arriéré. L'un des volets de cette approche sera de réserver 109 millions de dollars pour l'immigration. Un autre aspect est la formation d'agents — le recrutement de nouveaux agents — pour s'attaquer à l'arriéré, ainsi que la nomination d'équipes de formation et d'intervention spéciale devant s'occuper de l'arriéré des consulats à forte densité. La dernière partie est ce qui est proposé dans le projet de loi C-50.
    Cela étant, je répéterai notre position, soit que nous sommes prêts à accorder en ce moment à la ministre le bénéfice du doute.
    Je pense qu'il est important d'ajouter, monsieur Carrier, si vous permettez...

[Français]

je vous remercie beaucoup de votre question

[Traduction]

    ... que nous sommes ici en tant qu'organe de réglementation. Nous parlons de la protection des consommateurs et du sort des personnes qui demeureront dans l'arriéré à moins que le gouvernement du Canada n'instaure un système de gestion qui soit efficient.
    En tant qu'organe de réglementation publique, nous considérons que ce qu'a mis de l'avant la ministre est un compromis raisonnable.
    Je tiens simplement à souligner qu'en tant qu'organe de réglementation, nous traitons nos membres avec un respect absolu et toute la diligence requise, et, pour revenir à ce que votre collègue a évoqué, nous ne nous engageons ni dans la justice vengeresse ni dans la contre-attaque. Je tenais simplement à en assurer le comité.

  (1725)  

[Français]

    J'aimerais poser une dernière question.
    Plus tôt, lors de la table ronde précédente, on se demandait comment la ministre avait pu penser un tel projet de loi. Les témoins mentionnaient que cela venait sûrement des bureaucrates, donc des fonctionnaires.
    Personnellement, je ne vois pas quel intérêt les fonctionnaires peuvent avoir à donner à la ministre des instructions pour éliminer des demandes. J'aimerais entendre votre réaction à cette supposition.

[Traduction]

    Votre question me plaît.
    Voici quelle est ma réponse. Je m'occupe de ces choses depuis 22 ans, soit depuis aussi longtemps que les bureaucrates sont à demeure. Les agents d'immigration sont là pour leur carrière, et ils gravissent les échelons et ils deviennent directeurs, directeurs généraux, sous-ministres adjoints et ainsi de suite. Ils sont là pour toute la durée de leur carrière.
    Les ministres, eux, vont et viennent. Ils sont en place pendant parfois huit mois, dix mois, 12 mois, 15 mois, deux ans. Très peu — très, très peu d'entre eux — restent en place pendant plus de trois ans.
    Ce sont donc les huiles dans le ministère qui pondent leurs idées quant au genre de programme, au genre de Canada, qu'elles veulent avoir. N'oubliez pas cela.
    Il me faut vous arrêter là. Il nous reste quatre minutes.
    Et elles corrompent les ministres et obtiennent d'eux qu'ils élaborent le système qu'elles souhaitent avoir.
    À l'ordre, s'il vous plaît!
    Elles sont toujours en avance par rapport au ministre sur la courbe d'apprentissage.
    Monsieur Creates, lorsque je donne un coup de marteau, je vous prierais de bien vouloir vous arrêter.
    Excusez-moi.
    Monsieur Komarnicki.
    Je suppose que lorsque vous avez parlé du changement charnière très astucieux dans le remaniement du programme d'immigration...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président, s'il vous plaît.
    Le président: Monsieur Karygiannis.
    L'hon. Jim Karygiannis: Puis-je demander qui M. Komarnicki remplace? C'est son deuxième tour. Je n'ai entendu personne dire qu'il...
    Il remplace Mme Grewal.
    Je l'avais déjà indiqué au président.
    Nous avons déjà eu cette discussion aujourd'hui.
    Monsieur Komarnicki.
    Je suppose que, lorsque vous avez dit qu'il s'agissait d'un changement charnière très astucieux dans le remaniement du programme d'immigration, concentrant le pouvoir entre les mains de la ministre tout en exigeant de la ministre qu'elle soit responsable de l'expliquer, d'en rendre compte au Parlement et donc au public canadien, vous n'aviez pas encore lu le texte du projet de loi. Est-ce cela que vous êtes en train de dire?
    J'ai lu le projet de loi, tout comme vous, le jour-même où il a été déposé. Avec le temps, j'ai eu l'avantage, comme cela a été le cas de tous les membres du comité, d'envisager le genre d'incidence que cela aura et...
    Bien, vous l'avez lu, donc, mais vous n'y avez pas beaucoup réfléchi.
    C'était une question urgente. Les médias m'ont contacté et voulaient que je fasse une déclaration, comme ils le font souvent. Ils voulaient un clip sonore pour le journal télévisé du soir.
    Vous avez également dit que les modifications à la LIPR ne créeront pas d'attentes chimériques de la part des travailleurs qualifiés, mais encourageront en même temps d'autres classes d'immigrants économiques, qui penseront que, du simple fait que leur demande ait été acceptée, ils vont obtenir un visa à un moment donné.
    Avez-vous fait cette déclaration sur la même base? Cela est-il venu après que vous ayez lu le projet de loi, après que vous ayez eu le temps d'y réfléchir, ou bien cela s'est-il fait à peu près en même temps?
    J'ai fait cette déclaration en même temps, oui, le même jour que le dépôt du projet de loi.
    Et qu'avez-vous voulu dire par là, par cette déclaration?
    Nous n'avons pas dans notre système juridique un principe appelé « attente raisonnable ». Ce n'est pas quelque chose que les tribunaux aient jamais protégé. Cela a maintes fois été défendu devant les tribunaux.
    Alors qu'avez voulu dire par là?
    Ce que j'ai voulu dire est que le système que nous nous efforçons d'élaborer doit comporter un certain élément de certitude. Les gens se rendent sur le site Web et font une auto-évaluation. Ils veulent savoir s'ils sont admissibles.
    S'ils font une demande et que celle-ci est reçue et qu'ils paient les droits, cela crée un certain sentiment d'attente raisonnable. Cela n'est pas protégé par la loi.
    C'est cela que vous avez voulu dire avec cette déclaration?
    Exactement. Ce n'est pas protégé par la loi. L'on ne peut pas garantir aux gens qu'ils auront un visa du fait qu'ils s'y attendent. Il leur faut suivre la procédure d'examen et de traitement de leur demande.
    Vous avez dit que le plus gros défi des avocats de l'immigration réside dans le fait qu'ils ne puissent pas donner à leurs clients une indication précise de la durée de leur attente.
    Oui.
    Vous avez également dit que si les changements proposés pouvaient régler cette question, ce serait là une grosse amélioration. Qu'avez-vous voulu dire par là?
    J'ai voulu dire que j'aimerais que l'arriéré soit réduit, ce que ne fera pas le projet de loi. Ce que j'ai encore plus voulu dire est que je ne veux pas voir augmenter un nouvel arriéré. J'aimerais voir les délais de traitement passer de cinq ans, ou de quatre ans, ou même trois, à deux ans. La ministre a parlé d'un an. J'estime que cela n'est pas réaliste. Nous serions tous heureux d'un délai de traitement de deux ans.
    Il a également été rapporté que vous avez dit que vous croyez que les changements seraient tels que le programme serait plus sage et l'arriéré plus court, tout en limitant les dépenses. Sur quoi avez-vous fondé cette déclaration, après avoir lu le texte du projet de loi?

  (1730)  

    Eh bien, je crois, tout comme vous, que si l'inventaire continue d'augmenter, sa gestion coûtera une fortune à nous autres contribuables canadiens. Il faut y mettre une fin. Et plus tôt cela viendra, mieux ce sera pour nous. Nous ne devrions pas laisser l'arriéré s'accroître et échapper à notre contrôle comme c'est le cas à l'heure actuelle.
    J'aimerais voir un plus petit arriéré, l'actuel arriéré réduit et aucune création de nouvel arriéré. J'aimerais voir les délais de traitement ramenés à deux ans environ. Le système serait ainsi moins coûteux pour nous tous.
    En bout de ligne, si l'on veut aller au coeur de la question, il faudrait que la loi énonce une politique d'un genre ou d'un autre. Le gouvernement du jour devra être responsable de cette politique devant l'électorat. Cela cadre assez bien avec votre première déclaration. Seriez-vous d'accord avec moi là-dessus?
    Il faudra que ce commentaire soit votre dernier.
    Il y aura un prix politique à payer si sont émises des instructions impopulaires et possiblement illégales.
    En bout de ligne...
    Non, non, c'était la dernière question.
    Quelqu'un souhaiterait-il ajouter un commentaire?
    Tout choix à ce stade-ci, compte tenu de l'ampleur de l'arriéré, de l'ampleur du cumul, et du système inefficient va être impopulaire. Quelle que soit la couleur du gouvernement en place, il aura de difficiles décisions à prendre. Nous avons devant nous le projet de loi C-50. Il se pourrait qu'il y ait d'autres solutions.
    L'un des soucis que nous avons à la Société est le fait que le gouvernement ait limité les consultations aux partenaires et parties prenantes gouvernementaux. Nous croyons qu'il y a beaucoup d'autres groupes — associations professionnelles, syndicats, groupes d'immigrants — devant être consultés. Nous recommanderions au ministre qu'elle change son fusil d'épaule et qu'elle prévoie à l'avenir des consultations plus inclusives.
    Merci.
    Merci à vous tous d'être venus comparaître aujourd'hui. Comme Mme Chow nous l'a si bien rappelé, nous sommes censés avoir un rapport d'ici jeudi. Restez à l'écoute; nous verrons bien si nous y parvenons.
    Encore une fois, merci beaucoup.

  (1730)  


  (1730)  

    Je suis heureux d'accueillir aujourd'hui M. Tom Pang, président par intérim de la Chinese Canadian Community Alliance; M. Roberto Jovel, coordonnateur de la politique et de la recherche de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants; et M. Ping Tan, coprésident national exécutif du National Congress of Chinese Canadians.
    Bienvenue, messieurs. Je crois savoir que vous avez tous des déclarations, et je vous invite donc tout de suite à nous les faire.
    Nous allons commencer avec vous, monsieur Pang.
    La Chinese Canadian Community Alliance est une organisation à but non lucratif qui a son siège à Toronto. L'un de nos principaux objectifs est de promouvoir une meilleure communication entre la communauté chinoise et ceux et celles qui n'en font pas partie. Nous nous intéressons donc de ce fait de très près aux politiques d'immigration de notre pays.
    Le gouvernement fédéral conservateur a tout récemment déposé des modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Depuis lors, ces modifications ont été chaudement débattues au sein de la communauté, en en faisant ressortir les avantages et les inconvénients évidents.
    Après examen des modifications, notre organisation, la Chinese Canadian Community Alliance, souhaite signifier son appui.
    Il y a deux problèmes avec le statu quo.
    Tout d'abord, comme nous le savons tous, les délais d'attente sont trop longs. Plus d'une fois, il a été fait mention du fait qu'il existe un arriéré de 920 000 personnes et qu'il faut parfois attendre quatre à six ans pour voir sa demande traitée. Cela n'est pas acceptable, car comme quelqu'un l'a déjà souligné, il peut se passer beaucoup de choses en l'espace de quatre à six ans. Une personne peut mourir, ses enfants peuvent grandir et ne plus être admissibles à la réunification familiale, ou elle peut encore se retrouver en Australie ou en Nouvelle-Zélande, ou bien encore décider qu'elle ne veut plus venir ici du tout. Le délai d'attente est l'un des gros problèmes.
    L'autre problème est que nous n'obtenons pas au Canada les bons immigrants. J'ai un ami qui dirige une école de musique et qui a bien des occasions de s'entretenir avec des parents. J'ai été étonné d'apprendre qu'un très grand nombre de familles, surtout d'immigrants chinois, n'ont au Canada qu'un seul parent, parce qu'après être arrivé ou Canada, il ou elle n'a pas pu se trouver le bon emploi. Cette situation perdure depuis des années maintenant dans des familles chinoises issues de Hong Kong, de Taiwan, de Chine. Ces familles sont nombreuses à ne compter au Canada qu'un seul parent qui est ici avec les enfants, car il y a des difficultés pour se trouver le bon emploi. Peu importe leurs compétences ou leur formation, ces personnes ne parviennent tout simplement pas à trouver au Canada les genres d'emplois qu'elles veulent.
    Certaines d'entre elles sont retournées au vieux pays. En chinois, il existe même un terme pour ces personnes, pour les maris travaillant à Hong Kong et qui viennent au Canada peut-être quatre ou six fois par an pour rendre visite à la famille. Ils n'ont pas d'amis, ils n'ont pas pu se trouver un emploi au Canada et maintenant ils travaillent au Brésil ou en Argentine. Ils font à leur tour la même chose, se déplaçant plusieurs fois par an par avion pour venir au Canada.
    Je ne suis pas avocat; je suis un profane. Tout projet de loi pouvant régler ces deux problèmes — en réduisant les délais d'attente et en trouvant les bons immigrants pour le Canada, ceux qui se trouveront les bons genres d'emplois — est un projet de loi qui serait favorablement accueilli par la communauté et par les gens.
    Malheureusement, cette discussion a jusqu'ici été beaucoup trop concentrée sur les pouvoirs de la ministre. Encore une fois, je suis un profane; je ne comprends pas cela. Mais lorsque je regarde le texte, de mon point de vue, il n'y a rien en la matière dans le projet de loi.
    Tout projet de loi pouvant résoudre les problèmes que j'ai mentionnés serait un bon projet de loi. Il n'y a rien au sujet des réfugiés, il n'y a rien au sujet du regroupement familial, il n'y a rien au sujet de la race ou du pays d'origine.
    Nous acceptons ce projet de loi et nous l'appuyons.
    Si la ministre fondait à l'avenir sa politique sur la race, le pays d'origine ou le culte, alors la Chinese Canadian Community Alliance serait la première à se lever et à contrer le gouvernement.
    Merci.

  (1735)  

    Avez-vous terminé, monsieur Pang?
    Oui.
    Merci.
    Monsieur Jovel, ou monsieur Tan.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Ping Tan. Je suis le coprésident exécutif du National Congress of Chinese Canadians. Je vous suis très reconnaissant de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître cet après-midi devant le comité au sujet de ces modifications fort importantes à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Le National Congress of Chinese Canadians a été fondé à Vancouver en 1992 suite à une résolution lors du congrès national des Sino-Canadiens tenu en mai 1991 à Toronto pour discuter, en vue d'obtenir un règlement juste, de la taxe per capita imposée aux Chinois et de la loi d'exclusion des Chinois. Plus de 500 délégués de partout au pays, représentant au-delà de 200 associations, avaient assisté à cette rencontre et il en avait résulté la création du congrès en vue de chercher à obtenir un règlement équitable relativement à la taxe per capita et à la loi d'exclusion des Chinois.
    En octobre 2005, j'ai comparu devant un comité de la Chambre des communes au sujet d'un projet de loi d'initiative parlementaire, déposé par M. Inky Mark, député fédéral du Manitoba, portant sur des mesures correctives à prendre relativement à la taxe per capita et à la loi d'exclusion des Chinois. Le projet de loi a fait l'objet d'une deuxième lecture, mais, malheureusement, des élections ont été déclenchées et il n'y a jamais eu de troisième lecture. Ce projet de loi n'a donc pas pu être adopté pour devenir loi.
    Toujours en octobre 2005, j'ai signé une entente en principe pour le compte du National Congress of Chinese Canadians avec Raymond Chan, ministre à l'époque, en vue de régler la question de la taxe per capita et de la loi sur l'exclusion des Chinois. Cette entente en principe a été signée. Cependant, l'actuel gouvernement ne l'a pas encore honorée.
    Aujourd'hui, je comparais de nouveau devant vous pour le compte du National Congress of Chinese Canadians, cette fois-ci dans le cadre de votre examen des modifications proposées à la Partie 6 du projet de loi C-50. J'aimerais recommander au comité qu'il retire ces modifications proposées du projet de loi d'exécution du budget. Le National Congress of Chinese Canadians est d'avis que les modifications proposées accorderont à la ministre trop de pouvoirs discrétionnaires qui ne sont pas nécessaires. La Partie 6 devrait être retranchée du projet de loi d'exécution du budget.
    Nous partageons l'avis de la profession juridique, telle que représentée par l'Association du Barreau canadien, selon laquelle les modifications proposées ne sont pas nécessaires, car elles supprimeront le contrôle parlementaire de l'exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel proposé. L'exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne serait pas soumis à examen judiciaire. Je suis certain que vous avez déjà entendu des vues semblables.
    Les changements proposés ne cadrent pas avec les valeurs canadiennes ni avec le système de gouvernement parlementaire propre au Canada. Les modifications proposées, si elles sont adoptées, changeront fondamentalement l'actuel cadre législatif et réglementaire en matière de sélection d'immigrants. Elles entameront la confiance du public à l'égard de l'intégrité et de la justice de notre système de sélection des immigrants, car des demandeurs qualifiés, après avoir attendu plusieurs années, seront soumis à la discrétion de la ministre et ne verront pas leurs demandes approuvées.
    Nous appuyons l'intention annoncée du gouvernement de s'attaquer à l'arriéré de demandes d'immigration et de le réduire et de faire en sorte d'accueillir le plus rapidement possible les travailleurs qualifiés dont nous avons besoin pour satisfaire l'actuelle demande du marché du travail. Nous sommes tous en faveur de cela. Cependant, la loi et les règlements actuels confèrent déjà à la ministre le pouvoir nécessaire pour traiter de ces problèmes. Il n'est pas justifié de lui confier davantage de pouvoirs, surtout si ceux-ci doivent être discrétionnaires.
    Nous nous inquiétons particulièrement du fait qu'il n'y ait eu aucune consultation publique au sujet de ces changements d'envergure. Au cours des 30 dernières années, chaque fois que le gouvernement du jour a voulu adopter de nouvelles lois en matière d'immigration, il y a toujours eu de vastes consultations publiques.

  (1740)  

    Pourquoi une telle bousculade cette fois-ci, pour des changements aussi fondamentaux? La communauté sino-canadienne ne s'est toujours pas remise des conséquences de la taxe per capita et de la loi d'exclusion des Chinois. Il ne faudrait pas que de nouvelles erreurs soient commises maintenant.
    Je me suis efforcé de m'en tenir à sept minutes, monsieur le président. Vous constaterez que je n'ai pas encore terminé, mais j'aimerais que nous ayons du temps pour des questions.

  (1745)  

    Il vous reste encore une ou deux minutes, si vous voulez poursuivre encore, monsieur Tan.
    Je suis avocat. Je pratique le droit depuis 31 ans. Je consacre beaucoup de temps à des dossiers d'immigration, émanant surtout de l'Asie — de Taiwan, de Hong Kong et de la Chine continentale.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, si ces modifications sont adoptées, nous allons perdre confiance. Une personne qui est très qualifiée peut attendre des années, puis se faire dire par un agent « Tant pis, merci beaucoup de votre demande; je viens de recevoir des instructions de la ministre et je vais renvoyer votre dossier. Merci beaucoup ».
    Je ne pense pas que ce soit juste. Je ne pense pas que ce soit la façon de faire canadienne.
    Nous sommes très bien considérés à l'échelle internationale, et si un tel projet de loi est adopté, et si je dois ensuite le soumettre à ma communauté et aux immigrants prospectifs à l'étranger, vous pouvez vous imaginer les effets négatifs auxquels le Canada devra ensuite faire face.
    Monsieur le président, ces pouvoirs existent déjà; des témoins vous ont déjà dit que la loi et les règlements actuels autorisent déjà la ministre à faire ce qu'elle a annoncé qu'elle voulait faire. Le gouvernement précédent a fait cela. Vous pouvez identifier certains travailleurs, dans le secteur de l'informatique, par exemple, et accélérer l'examen de leurs demandes et créer un projet spécial pour les faire venir. Mais cela n'a pas fonctionné. Pourquoi? Parce qu'il n'y avait aucune coordination entre les différents ministères gouvernementaux. Il y a d'autres ministères qui retardent les choses.
    Pourquoi n'utilisez-vous pas le vaste réseau qu'a à l'échelle mondiale le ministère des Affaires étrangères et du Commerce internationale? Les gens de ce ministère connaissent bien la communauté d'outre-mer. Nous pourrions puiser dans leur expérience, leurs compétences, leurs renseignements. Travaillez avec eux pour trouver les immigrants que nous voulons avoir. Le ministre a le pouvoir de faire cela en vertu de l'actuelle loi. Pourquoi ne faisons-nous pas cela, pour aller recruter activement les travailleurs qualifiés dont nous avons besoin pour notre marché du travail? Nous n'avons pas à remanier tout le système. En 1976, lorsqu'il était prévu d'apporter un gros changement au système, il y a eu un livre vert et de vastes consultations publiques. Tout le monde a pu participer au processus.
    Je vous soumets donc, monsieur le président, que le projet de loi est mauvais et que le processus est mauvais. Nous n'avons pas à procéder ainsi. Il est important que ces modifications soient retirées du projet de loi. Ayons une proposition solide et une ébauche de projet de loi que pourra examiner le Parlement et, plus important encore, voyons l'ébauche des instructions que la ministre va donner. Qu'on les examine et que les gens puissent avoir leur mot à dire, et il en ressortira un très bon cadre législatif canadien pour nos immigrants prospectifs.
    Merci, monsieur Tan.
    Monsieur Jovel.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également les membres du comité.
    Je représente le Conseil ontarien d'organismes au service des immigrants. Il s'agit d'un organisme de regroupement de type parapluie, un peu comme le Conseil canadien pour les réfugiés. Ce dernier oeuvre à l'échelle canadienne, alors que notre conseil est l'organisme de regroupement pour l'Ontario. Le conseil regroupe environ 200 organismes de partout dans la province qui servent les immigrants et les réfugiés. Depuis le début, nous nous sommes très fortement opposés à la partie 6 du projet de loi C-50. Nous avons fait une analyse que nous allons partager avec vous dans les minutes qui suivront. Nous avons mobilisé nos membres. Nous avons demandé aux organismes de communiquer avec leur député pour leur expliquer pourquoi nous étions inquiets quant au processus, au contenu et aux répercussions possibles.

[Traduction]

    Je vais faire très vite, car nombre des questions ont déjà été mentionnées dans le cadre des échanges avec les premiers groupes de témoins qui ont comparu cet après-midi — j'ai pu les écouter — et j'aimerais éviter la répétition. Bien sûr, la première question, celle de l'arriéré existant de plus de 900 000 demandes, ne va pas être réglée par le projet de loi, contrairement à ce qui a été déclaré aux médias par les porte-parole du gouvernement. Les mesures vont être mises en place, mais elles ne s'appliqueront qu'aux demandes déposées à compter du 27 février. L'énorme arriéré n'est donc en réalité pas visé par ces propositions.
    Bien sûr, nous sommes préoccupés par le pouvoir arbitraire accordé au ministre. Il s'agit d'un pouvoir non contrôlé. Je vais traiter un peu plus dans le détail de cet aspect. Les demandeurs vont quant à eux également perdre leur droit légal de faire traiter comme il se doit leurs demandes. Nous sommes préoccupés par le fait que, si votre demande satisfait à toutes les exigences de la loi, si les instructions données par un ministre disent que vous vous inscrivez dans une catégorie qui ne devrait même pas être traitée, vous n'aurez droit à aucune réparation du fait d'avoir attendu que l'on traite votre demande.
    D'autre part, il y a eu beaucoup de discussions quant à la question de savoir si cela s'appliquera à la réunification des familles ou aura des conséquences sur celle-ci. Selon notre analyse, il y aura en la matière différents effets. Je vais examiner cela dans le détail également. Le projet de loi aurait également une incidence sur les demandes pour motifs humanitaires déposées depuis l'étranger. Bien sûr, de telles propositions ne devraient pas s'inscrire dans un projet de loi d'exécution du budget. Elles n'ont pas leur place ici. Elles auraient dû être amenées par une proposition soumise en bonne et due forme au Parlement et au public canadien, avec la consultation appropriée. C'est donc là l'une des choses dont nous avons fait la demande expresse au premier ministre Harper et au ministère, soit la suppression de la Partie 6 du projet de loi d'exécution du budget.
    En réponse à toutes les critiques et à toutes les inquiétudes exprimées publiquement depuis l'annonce du projet de loi le 14 mars, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a diffusé le 8 avril un communiqué de presse de la ministre visant à réagir à toutes les critiques et à toutes les préoccupations. Je pense que ce communiqué de presse vient en réponse aux questions, mais il n'y répond pas comme il se doit, et je vais examiner cet aspect dans le détail également. L'un des principaux problèmes est que même un communiqué de presse ou une déclaration publique du genre n'est pas suffisamment exécutoire pour empêcher les abus de pouvoir pouvant être commis à l'avenir par l'actuel ministre ou un autre ministre, par l'actuel gouvernement ou par quelque autre gouvernement. Ce problème est tout simplement dû au fait que les promesses et les déclarations d'intention ne sont pas l'équivalent d'une loi ni de propositions vérifiées et contrôlées comme il se doit.
    L'une des préoccupations est illustrée par un exemple survenu tout récemment. Lors des discussions au sujet de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, le ministre avait promis que l'article 17 visant la traite de personnes ne s'appliquerait pas aux travailleurs humanitaires oeuvrant pour le compte de réfugiés. Des promesses ministérielles avaient donc été faites à l'époque et tout le monde avait dit « D'accord, votre promesse nous suffit. Nous croyons en votre bonne foi ». Mais il y a à peine quelques mois, un travailleur humanitaire, qui ne faisait qu'accompagner des réfugiés se trouvant aux États-Unis jusqu'à la frontière canadienne, a été détenu en vertu de la loi comme s'il avait cherché à introduire clandestinement des migrants. Les promesses ministérielles et les déclarations publiques du genre ne suffisent donc certainement pas et nous ne les prendrons pas aussi sérieusement que le souhaiterait le gouvernement.
    En ce qui concerne les préoccupations relativement à la réunification familiale... Si vous examinez attentivement le paragraphe proposé 87.3 qui viendrait modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés si le projet de loi C-50 est adopté, vous y verrez la façon dont seront appliquées les instructions ministérielles. Le seul paragraphe qui est exclu de l'application de ces instructions est le paragraphe 99(2). Mais les demandes de parrainage faites par des personnes au titre du sous-paragraphe 13(1) seront incluses aux fins de l'application des instructions. Peut-être que la ministre n'a pas en ce moment l'intention de donner des instructions, mais en vertu du projet de loi sur lequel vous serez appelés à voter, cela pourrait arriver et est source d'inquiétude. La ministre pourrait donner pour instruction que certaines catégories ou certains groupes ne verront tout simplement pas leurs demandes traitées.

  (1750)  

    Une autre question est qu'il y a également un arriéré et de très longs délais d'attente pour les demandes de parrainage au titre de la réunification des familles. Le projet de loi ne traite pas de cela.
    Nous craignons également que si la ministre choisit d'accorder la priorité, en vertu d'instructions, à des travailleurs qualifiés ou à certaines catégories de travailleurs qualifiés, alors cela réduira peut-être d'autant les ressources et la priorité accordées à la réunification des familles. Voilà encore une autre bonne raison pour laquelle le gouvernement devrait mener des consultations en bonne et due forme, auprès du Parlement et auprès du public, afin d'examiner ces genres de conséquences au lieu que l'on ne fasse que se retrouver plus tard avec des déclarations et des promesses.
    Il y a encore d'autres abus de pouvoir qui devraient être empêchés, si l'on veut éviter qu'il y ait discrimination. Il y a bien des façons dont il serait possible de donner des instructions qui soient neutres ou qui semblent être neutres de prime abord, mais qui pourraient avoir une incidence autre sur les gens d'autres pays, d'autres cultes, d'autres cultures ou d'autres races.
    Si vous vouliez bien m'accorder deux minutes de plus, comme vous l'avez fait dans le cas de l'intervenant qui m'a précédé...

  (1755)  

    Vous pourrez avoir une minute pour boucler.
    Eh bien, vous lui avez accordé trois minutes; donnez-m'en deux.
    Très bien. Nous vous accorderons deux minutes.
    Un cas est survenu dans l'histoire du Canada, et je songe à la politique du voyage sans interruption vers le Canada, et dont le libellé était tel qu'aucune personne n'étant arrivée en sol canadien autrement que par un voyage sans interruption n'était acceptée. La politique ne disait pas que l'on ne voulait pas de personnes originaires de tel pays ou de tel continent, mais en fait, aussi neutre ait paru le libellé de prime abord, il y avait certaines personnes qui se faisaient exclure.
    Je songe également à d'autres cas et au lobbying fait par l'Institut Fraser, qui dit que si nous regardons les rapports récents de Statistique Canada au sujet des niveaux d'emploi et des récents immigrants, il en ressort que les personnes originaires du Sud ne se tirent pas aussi bien d'affaire que les immigrants d'il y a quelques années. L'Institut Fraser maintient que le problème n'est pas forcément dû au fait que la société hôte n'accueille pas la diversité et ne s'occupe pas des problèmes systémiques pouvant exister, mais que les personnes en provenance de ces pays sont peut-être foncièrement incompatibles avec un établissement et une intégration à l'intérieur de la société canadienne.
    Nous disons donc que si vous n'avez pas les freins et contrepoids appropriés, alors les organisations qui servent les immigrants et les réfugiés ont pour devoir moral de sonner l'alarme et de mettre en garde des comités comme le vôtre.
    Je constate qu'il y a six personnes sur la liste. Si j'accordais cinq minutes à chacun, tous auraient l'occasion de poser des questions aux témoins.
    Nous allons donc commencer avec M. Karygiannis, après quoi nous entendrons M. St-Cyr, Mme Chow, M. Komarnicki, M. Telegdi, M. Carrier et M. Komarnicki.
    Merci.
    Merci beaucoup aux membres du panel d'être venus.
    Monsieur Tom Pang, vous vous êtes occupé, monsieur, de la question du redressement, de la taxe per capita.
    Oui.
    Vous étiez également là lorsque le ministre Jason Kenney a fait quelques remarques.
    C'était à quelle occasion?
    Votre association — la Chinese Canadian Community Alliance à Toronto — figure sur le site Web de Patrimoine canadien. Vous avez fait des commentaires à l'appui du travail effectué par les conservateurs?
    Je ne m'en souviens pas.
    Monsieur Pang, permettez-moi de vous poser, monsieur, la question que voici: êtes-vous situé à Ottawa ou à Toronto?
    Toronto.
    Dans le centre-ville de Toronto?
    Par « situé », entendez-vous l'endroit où j'habite?
    Non, non, l'association elle-même, l'adresse postale de l'association.
    C'est sur la rue Yonge, dans North York.
    North York. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur, certaines des mesures que la Chinese Canadian Community Alliance a prises au cours de la dernière année environ pour aller à la rencontre des nouveaux arrivants, des nouveaux arrivants au Canada originaires de la Chine continentale?
    Non, mais au cours des trois dernières années... Nous avons une courte histoire; nous n'existons que depuis environ trois ans. Pendant ces trois années, nous avons financé et réalisé un documentaire sur l'histoire chinoise au Canada.
    Avez-vous reçu une aide financière?
    Non. Nous avons nous-mêmes levé les fonds.
    Bien.
    Nous avons également une exposition itinérante, inspirée du documentaire.
    Quel travail a donc fait votre organisation, monsieur, pour rejoindre les nouveaux immigrants, intervenir dans l'immigration et tout le reste.
    Nous ne sommes pas intervenus directement.
    Avez-vous reçu quelque financement de Citoyenneté et Immigration Canada ou de Patrimoine canadien?
    Rien; cela nous aurait fait bien plaisir.
    Eh bien, ils sont en train de distribuer quantité d'argent. Vous pourrez certainement, après ceci, faire une demande.
    Monsieur Pang, êtes-vous en faveur du projet de loi C-50, monsieur?
    Oui. C'est en fait notre association qui l'appuie.
    Bien. Permettez que je vous donne quelques faits et chiffres, monsieur, après quoi je vous laisserai décider.
    Après l'arrivée au pouvoir des conservateurs, les délais de traitement des demandes d'immigration à partir de Beijing ont augmenté de 48 p. 100 la première année. Cela veut dire que s'il fallait un an pour traiter une demande pour conjoint avant 2006, il a fallu un an et demi en 2006. En 2007, le délai a augmenté d'encore 17 p. 100. Une demande pour conjoint qui demandait autrefois six à huit mois, demande aujourd'hui entre un an et demi et deux ans. Je vous parle ici de la situation à Beijing. C'est cette communauté de demandeurs d'immigration au Canada que vous représentez principalement. Je vous parle ici du traitement des demandes émanant de Beijing. Les gens ont plus ou moins dit « Savez-vous quoi? Cela est en train de demander encore plus longtemps avec cette équipe. Nous n'allons plus faire de demandes ». Le volume de demandes a baissé de 41 p. 100. Ainsi, les gens ne demandent tout simplement plus à venir au Canada, car ils savent que cela demande de plus en plus longtemps. Si vous passiez par l'ambassade à Beijing, alors il vous fallait prier le ciel.
    Vous dites que vous ne les appuierez pas demain s'il y a un problème de race. Eh bien, la ministre a le droit de dire que nous n'allons pas accepter de demandeurs de telle partie du monde.
    Même la ministre a déclaré publiquement aujourd'hui que la moitié de la population chinoise et la moitié de la population indienne seraient admissibles pour venir au Canada. Elle a déclaré cela ces jours derniers, monsieur.
    J'aimerais connaître vos vues. Continuez-vous d'appuyer ce que fait la ministre?

  (1800)  

    Oui. Je ne sais pas à qui faire confiance. J'ai ici des documents du ministère qui contredisent ce que vous affirmez.
    Encore une fois, comme je l'ai dit, je ne suis qu'un profane. Je n'ai pas vraiment passé beaucoup de temps à éplucher les faits. Mais, franchement, je ne sais pas qui croire.
    Le fait est, monsieur, que j'ai déclaré à la Chambre les faits que je vous ai livrés. Le secrétaire parlementaire était là; il n'a pas contredit ce que j'affirmais. Les faits sont que les délais de traitement des demandes émanant de Beijing ont augmenté. Les faits sont que pour ce qui est de Beijing, le taux de rejet pour le visa de visiteur a augmenté. Et le fait est que la ministre a déclaré à la télévision, publiquement, que la moitié de la Chine serait admissible pour venir au Canada.
    Je n'ai pas entendu cette partie-là, mais quelque part ici — je n'arrive pas à mettre la main dessus — il y a quelque chose du ministère disant que les délais d'attente pour la réunification des familles avaient diminué de 25 p. 100.
    Pas vrai, pas vrai.
    C'est ce qui est dit quelque part ici — à moins que vous ne soyez en train de me dire que le ministère ment.
    L'hon. Jim Karygiannis: Pas vrai.
    M. Tom Pang: En tant que non-spécialiste, il n'y a aucun moyen pour moi de savoir.
    C'est avec plaisir que je vous fournirai les faits et chiffres figurant sur le site Web du ministère de l'Immigration, ainsi que les faits et chiffres que m'a fournis la ministre en plus.
    Elle ne dit pas qu'avec cette nouvelle formule de demande ils vont... Elle va dire que cela s'applique aux nouveaux immigrants qualifiés, mais non pas à la réunification des familles.
    À l'ordre.
    Il me faut maintenant donner la parole à M. St-Cyr.
    Monsieur St-Cyr, allez-y, je vous prie.
    Pourriez-vous laisser le témoin répondre à la question?
    Dans le cadre de ce processus, nous sommes en train d'essayer de gérer le temps...
    J'ignore ce que je pourrais répondre à cette question. Je dois tout simplement composer avec les renseignements que j'ai.
    C'est la première fois, monsieur Karygiannis, que j'entends parler de la situation à Beijing. Cela va me demander du temps de fouiller la question pour déterminer quelle est la situation réelle à Beijing.
    Cela me ferait plus que plaisir de vous livrer les renseignements en chinois et en anglais.
    Monsieur St-Cyr, cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous d'être présents.
    Je voudrais tout d'abord, au nom de tous les membres du comité, m'excuser pour le bruit que vous avez entendu plus tôt, lorsque le repas est arrivé. Je vous présente nos excuses, surtout à M. Tan, qui devait être très concentré afin de continuer brièvement sa présentation malgré toutes les perturbations qu'il pouvait y avoir autour de lui. Alors, merci beaucoup. Je vous demande votre indulgence et d'être très compréhensifs.
    Monsieur Pang, je veux faire un commentaire, je ne veux pas poser de question particulière. C'est une bonne chose que vous ayez dit dès le début que vous étiez en faveur de ce projet de loi. Si on écoute le reste de l'exposé, j'ai un peu de difficulté à comprendre pourquoi vous êtes en faveur de ce projet de loi. Tout au long de votre exposé, vous nous avez dit avoir des problèmes de délai, d'attente, et vous avez mentionné plusieurs situations. Or, dans ce projet de loi, tout ce qu'on dit, c'est qu'on a une file d'attente et qu'on va y changer l'ordre des personnes. Si on le fait, au bout du compte, la file aura la même longueur. En tout cas, je vous invite à continuer de réfléchir à cette question.
    J'aimerais poser une question à M. Jovel. J'aimerais d'ailleurs vous remercier d'avoir fait une bonne partie de votre présentation en français. Vous avez donné des exemples de promesses non tenues qui font qu'on peut difficilement faire confiance aux ministres qui se succèdent, peu importe le parti. Je soumettrais à votre réflexion le cas de la section d'appel des réfugiés. Il me semble que cela nous montre que c'est encore pire. Il était prévu dans la loi qu'il y aurait une section d'appel pour les réfugiés, et les parlementaires, de bonne foi, ont fait confiance au ministre qui devait décider du moment où cette section pourrait entrer en vigueur, pour des raisons bureaucratiques. Cela a été adopté. C'était la raison qu'on avait donnée, le compromis qu'on avait fait avec les parlementaires pour modifier le nombre d'agents qui étudient les applications. Auparavant, deux agents étudiaient chaque demande; avec cette modification, il n'y en avait plus qu'un. L'excuse qu'on nous donnait à l'époque, d'ailleurs, était qu'on voulait réduire les délais d'attente, mais on nous disait que pour s'assurer que ce soit honnête et correct et que les personnes puissent faire appel d'une décision, on mettrait en place une section d'appel, ce qui n'a jamais été fait.
    Si les ministres successifs des deux partis qui assument le pouvoir à tour de rôle ne peuvent même pas mettre en oeuvre une section prévue dans la loi, comment peut-on, selon vous, avoir confiance qu'ils vont prendre des mesures dont on n'a même pas discuté, dont on ne connaît même pas la nature?

  (1805)  

    Justement, la question de la section d'appel des réfugiés dure depuis des années. Je trouve que c'est un affront au Parlement parce qu'il a lui-même adopté la loi. Je ne veux pas dire que c'est ridicule, mais c'est assez indigne pour que le Parlement soit maintenant forcé d'adopter un autre projet de loi, le C-280, si je ne me trompe pas.
    Oui.
    C'est une loi pour faire appliquer une loi qui existe déjà. Alors, jusqu'à quel niveau de télescopage — je ne sais pas comment dire — doit-on aller? Justement, c'est la question des contrôles sur le pouvoir exécutif du gouvernement qui est en jeu dans le projet de loi C-50. Entre autres, la ministre est venue rencontrer le Comité permanent des finances pour dire qu'il y avait vraiment des contrôles.
    Elle a mentionné les trois C: la Charte des droits et libertés, les consultations que le gouvernement a promis de tenir et le Cabinet. Le Cabinet, c'est vraiment le gouvernement lui-même, c'est le pouvoir exécutif lui-même, et c'est vraiment l'équipe la plus proche des décideurs. Ce n'est pas vraiment un contrôle. Les consultations, c'est tout près surtout du secteur privé avec peut-être d'autres ministères, mais c'est toujours le pouvoir exécutif, et on y inclut aussi les organismes de travailleurs et de travailleuses; c'est un dernier ajout. En tout cas, cela nous paraît tout à fait insuffisant comme contrôle. Il faudrait qu'il y ait aussi d'autres « C » en plus, comme la Chambre des communes, par l'entremise de son comité, et aussi les communautés immigrantes, qui ont également un intérêt pour ce sujet. Pourquoi ne pas consulter les communautés et les organismes communautaires? Cet engagement avait été pris par le gouvernement fédéral en 2002 par le biais de l'Initiative sur le secteur bénévole et communautaire. On a un accord entre le gouvernement fédéral et le secteur communautaire pour développer des politiques et avoir l'apport du secteur communautaire.

[Traduction]

    Merci, monsieur Jovel.
    Monsieur St-Cyr, merci.
    Madame Chow.
    M'adressant tout particulièrement à l'OCASI, je sais que vous représentez de très nombreuses agences desservant les immigrants. Ai-je raison de supposer que bon nombre des travailleurs de première ligne qui aident à l'heure actuelle les immigrants ne connaissent pas ou ne comprennent pas les changements que nous avons devant nous? Ils seraient sans doute, tout comme Monsieur ou Madame Tout-le-Monde, quelque peu confus en voyant des grosses annonces pleine page payées par les citoyens du Canada — je pense que le coût total s'est élevé à 1,1 million de dollars —, et les annonces parlent pourtant de l'arriéré, de la flexibilité, de la rapidité...
    Pensez-vous que les renseignements qui sont aujourd'hui diffusés au public suffisent; sont-elles correctes, et y a-t-il la moindre possibilité d'un dialogue constructif?

  (1810)  

    Eh bien, cela a été tout un défi pour nous de communiquer notre analyse, nos informations et notre matériel de sensibilisation aux travailleurs de première ligne, ainsi qu'aux usagers des services et au public en général. Il est difficile pour une organisation d'assurer une telle extension et ces moyens, de balayer aussi large et aussi loin que compte en ce moment faire le gouvernement avec ces 1,1 million de dollars, au moyen des annonces devant principalement être diffusées par les médias ethniques ou de langue tierce, comme on les appelle parfois.
    Ce que j'ai vu jusqu'ici, pour ce qui est des renseignements que diffuse le gouvernement — j'ai vu cela dans le cadre de documentaires diffusés par la CBC, par exemple, la ministre Diane Finley elle-même répondant à des questions —, est, je pense, incomplet et inexact. Nous continuons d'entendre dire que ce sera une solution à l'arriéré, ce qui n'est pas vrai.
    L'autre jour, j'ai été interviewé par un journaliste d'un certain journal communautaire et la journaliste a dit: « Je viens tout juste il y a cinq minutes de m'entretenir avec la ministre et elle dit que ces changements ne vont pas avoir d'incidence sur les demandes pour motifs humanitaires, et qu'ils ne visent que les travailleurs qualifiés ». Nous étions au téléphone et j'ai dit « Ouvrez la page Web où se trouve la Partie 6 du projet de loi C-50, et nous allons lire cela ensemble ». Et nous avons repéré les endroits où il est dit que si vous faites une demande pour raison humanitaire dans votre pays d'origine, il n'y a aucune garantie que votre demande sera traitée comme il se doit. Si vous avez, aux fins du regroupement familial, une demande de parrainage, vous pouvez également vous voir assujetti à des instructions particulières données par la ministre.
    La journaliste m'a demandé « Vous êtes donc en train de dire que la ministre induit délibérément en erreur le public? » Et j'ai répondu en disant « Je n'ai pas dit cela ». Elle m'a donc demandé « Mais êtes-vous d'accord avec moi sur ce que je viens de dire? » Et j'ai répondu « Écoutez, tout ce que j'ai, ce sont les messages émanant du gouvernement, et vous et moi avons tous les deux examiné ce que dit le projet de loi ».
    Vous êtes donc en train de dire que ce qui est présenté est une chose, et ce qui écrit noir sur blanc est quelque chose de complètement différent. C'est sans doute là l'une des raisons pour lesquelles l'avocat qui a comparu devant nous, Me Warren Creates, avait au départ été en faveur du projet de loi, a changé d'avis après avoir lu les subtilités du projet de loi, pour ensuite dire que celui-ci était terrible et qu'il s'y opposait.
    Pensez-vous qu'il serait utile pour la Chambre des communes — qu'il s'agisse du comité de l'immigration ou du comité des finances, car c'est en ce moment le comité des finances qui en est saisi — de tenir des audiences publiques un peu partout au pays afin que des gens de différentes organisations ethniques, de groupes de toutes les régions du pays, puissent vraiment avoir l'occasion d'entendre très précisément ce qui est proposé et quelle incidence cela aurait sur la communauté? Cela serait-il utile?
    Si c'est la seule solution envisageable, alors cela ferait beaucoup pour tirer au clair ce qui est en jeu. L'idéal serait qu'aucun changement à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ne soit un pion dans un jeu politique, et qu'il en soit fait une question de confiance.
    Je dirais donc que tout changement envisagé devrait faire l'objet d'un projet de loi distinct et être soumis à la procédure régulière, ce qui englobe la consultation. Si la seule solution à ce stade-ci est de tenir les consultations que vous proposez, alors allons-y. Ce serait mieux que ce que nous avons eu jusqu'ici.
    Serait-ce là une recommandation que devrait faire le comité? Appuieriez-vous cela? Oui?
    J'aimerais poser une question à M. Pang et à M. Tan...
    Non? Je n'ai plus de temps?
    Je pense qu'il me va falloir aller à...
    Oh, je voulais leur poser une question.
    Très bien, merci.
    J'aimerais vous donner plus de temps, mais je ne le peux pas. Nous en arrivons aux derniers coups d'aviron.
    Mme Olivia Chow: Je pensais que nous avions sept minutes.
    Le président: Non, nous faisons des tours de cinq minutes.
    Nous en sommes revenus à cinq?
    Oui. C'est pour permettre à tout le monde d'intervenir ici.
    La parole sera maintenant à M. Komarnicki, suivi de M. Telegdi.
    J'aimerais remercier les témoins de nous avoir exposé leurs vues. Il y a certainement eu des divergences d'opinion dans le courant de la journée. Je suis heureux d'avoir entendu l'opinion de chacun, mais certaines des déclarations qui ont été faites ne sont pas justes ou ne cadrent pas avec le projet de loi.
    Je pense que, pour être juste — c'est en tout cas ce que j'ai établi à ma satisfaction —, le projet de loi, le projet de loi C-50, ne s'applique pas aux réfugiés ni aux demandeurs de statut de réfugié et personnes protégées à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada. Nonobstant le fait que certains témoins pensaient que c'était peut-être le cas, au moins deux et peut-être trois avis juridiques que nous avons reçus disent que le projet de loi ne s'applique pas à ces situations, et d'aucuns en feraient grand-cas.
    Un autre commentaire qui a été fait plus tôt aujourd'hui, dans un contexte général, est qu'il y a ici un élément racial. Je pense que les témoins, qui étaient des avocats, ont dit très clairement — et je m'adresse tout particulièrement à vous, monsieur Pang, vu votre intérêt pour la question — que le projet de loi lui-même, dans son libellé actuel, est soumis à la Charte et à tous les droits garantis dans la Charte, ce qui inclurait le fait qu'il doive être non discriminatoire. Il ne peut pas être fondé sur la race, la religion ou l'ethnicité ni violer la Charte, et si c'était le cas, il ne répondrait pas au critère de conformité avec la Charte. Il doit répondre à ce critère, et les juristes en ont fait un examen attentif pour veiller à ce que ce soit bien le cas.
    Mais, il n'y a pas que cela: ce projet de loi propose qu'il y ait des instructions. D'après le consensus que j'ai constaté, il faudrait que les instructions elles-mêmes, lorsqu'elles sont données, soient conformes à la Charte — cela ne vaut donc pas seulement pour le projet de loi, mais également pour les instructions en découlant. De fait, je pense que l'opinion générale serait que ceux et celles qui appliquent les instructions devraient le faire d'une manière objective et, encore une fois, il faudrait que ce travail soit conforme à la Charte. Vous ne pouvez pas donner ou appliquer une instruction d'une manière qui serait contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. Je pense que cela est assez clairement ressorti de nos discussions aujourd'hui. Pourtant, certains semblent insister pour dire qu'il y a un élément du projet de loi qui ne serait pas conforme, alors que moi, je dis que ce n'est pas le cas.
    L'autre question est celle de savoir comment résoudre le problème de l'arriéré. Même l'ancien ministre du Parti libéral a dit que vous ne pouvez pas tout simplement continuer d'accepter des demandes et espérer que le problème se règle tout seul, car ce qui se passera, c'est que l'arriéré continuera de croître du fait de la limite que nous avons quant au nombre de personnes pouvant entrer dans le pays dans le courant de l'année. Au cours de la dernière décennie, ce qui s'est passé dans le cadre de l'actuel régime est que les gens sont nombreux à faire une demande, ce n'est pas tout le monde qui peut entrer au pays, et c'est ainsi que nous avons un arriéré.
    Le profil des demandeurs n'est pas en alignement parfait avec l'économie du pays. Ce que dit le projet de loi... et d'aucuns ont même dit que la ministre a déjà le pouvoir d'établir un ordre de priorité parmi les demandes pour veiller à ce que celles des personnes correspondant le mieux aux besoins économiques du pays soient traitées en priorité. Si cela est vrai, alors il n'y a aucun mal à l'établir de manière précise dans la loi. Il s'agit d'avoir les bonnes personnes au bon endroit au bon moment, pour veiller à ce qu'elles puissent réussir.
    Mais, cela étant dit, le projet de loi C-50 stipule que les instructions doivent appuyer la réalisation des objectifs en matière d'immigration fixés par le gouvernement du jour. Le gouvernement du jour décide quelle va être la politique, et les instructions doivent correspondre à cette dernière.
    À y penser, en bout de ligne, si le projet de loi ou des règlements sont adoptés, le gouvernement du jour décidera de la loi ou des règlements ou, dans ce cas-ci, des instructions. Comme l'a indiqué un témoin, le gouvernement est en bout de ligne redevable à l'électorat canadien, qui peut dire, s'il n'aime pas la politique, la loi ou les règlements qu'adopte le gouvernement, qu'il ne le maintiendra pas au pouvoir.
    Une chose que nous savons est que l'établissement de lois et de règlements demande beaucoup de temps. Nous avons eu au moins une décennie depuis l'adoption de la loi, et il n'y a eu aucune modification, mais simplement un arriéré toujours croissant.
    Ce projet de loi est donc une tentative pour dire, en définitive, que le gouvernement du jour va fixer des objectifs, et que si l'objectif est d'établir un ordre de priorité dans les demandes afin de veiller à ce que viennent au pays des personnes qualifiées ou moins qualifiées, alors ce sera la décision stratégique qui sera prise. Et, en bout de ligne, ce sera au gouvernement qu'il reviendra de la défendre.

  (1815)  

    Cela est inclus dans le budget, car il y est prévu 109 millions de dollars sur cinq ans à cette fin. Il s'agit donc d'une question de confiance et nous verrons bien si l'opposition l'appuie ou pas. C'est là la question clé. Si l'opposition a vraiment de solides convictions, alors il lui faudra décider de quel côté de la question se ranger.
    Il nous reste environ 12 minutes, alors il y aura trois tours de quatre minutes.
    Monsieur Telegdi, monsieur Carrier et madame Grewal.
    Merci beaucoup.
    Lorsque le secrétaire parlementaire cite un ancien ministre libéral, alors vous pouvez être certain qu'il est vraiment mal pris et désespéré.
    Il n'a pas cité de nom, mais, quoi qu'il en soit...

  (1820)  

    C'est le temps de parole de M. Telegdi. Laissez-lui du temps.
    Le gouvernement s'adonne à du bon vieux dénigrement d'immigrants. En tant qu'ancien réfugié, je sais ce que cela signifie et je comprends ce que c'est. Je pense qu'il se trouve certains avantages au Québec, où l'ADQ est presque arrivée au pouvoir, puis il y a eu le débat sur les accommodements raisonnables... Ils essaient de se brancher là-dessus. Je pense qu'ils connaissent un certain succès et que c'est ce pour quoi ils poussent en ce sens.
    Pour ce qui est de dire que la chose doit être conforme à la Charte, eh bien, le certificat de sécurité n'a pas été conforme à la Charte pendant 25 ans, et il a indûment retiré aux gens leurs droits. Aujourd'hui, on entend dire que des excuses seront présentées pour l'affaire du Komagata Maru, tout comme cela a été le cas pour la taxe per capita imposée aux Chinois.
    Ce qui m'ennuie est qu'il semble que nous ne tirions pas beaucoup de leçons de l'histoire. Nous faisons venir des travailleurs étrangers temporaires. Nous avons fait venir les Chinois pendant les années 1880 pour la construction du chemin de fer. Ils n'avaient pas le droit de faire venir leur famille. Ces travailleurs étrangers temporaires n'ont eux non plus pas le droit de faire venir leur famille. Je me demande donc quel genre de Canada je veux avoir. Est-ce que je veux un Canada où les gens viennent ici avec leur famille et contribuent à bâtir le Canada pour le long terme? Ou bien est-ce que nous faisons venir des gens qui, comme cela a été le cas des Chinois lorsqu'on les a fait venir dans les années 1880, pourraient se faire exploiter? On pourrait les obliger à travailler pour un salaire inférieur et empêcher leurs familles de venir. Cela a été une période horrible dans notre histoire, mais je vois ici des analogies.
    Il me semble que si vous allez bâtir le pays, alors nous voudrons employer les gens en tant qu'immigrants, les faire venir ici en tant qu'immigrants, et les faire venir ici avec leurs familles.
    Je n'arrête pas de lire des reportages au sujet des problèmes qu'ils ont à Fort McMurray, en Alberta, du fait que les gens s'y retrouvent sans leur famille. Il y a des problèmes de drogue, il y a des problèmes d'abus d'alcool et toutes sortes d'autres problèmes, et cela m'ennuie profondément. Le système des points devrait laisser entrer des gens des métiers. Il devrait laisser entrer des ouvriers. Si vous êtes assez bon pour travailler dans ce pays, alors nous ne devrions pas vous exploiter, puis vous considérer comme étant redondant pour nous débarrasser de vous. Nous parlons ici d'êtres humains.
    Monsieur Tan et Roberto, auriez-vous quelque commentaire à faire là-dessus?
    Monsieur le président, avant de répondre, j'aimerais souligner la présence dans l'assistance de mon collègue directeur, Albert Tang — il vient tout juste de s'éclipser, mais il est venu ici avec moi aujourd'hui.
    Vous savez, c'est maintenant un cliché, mais ce sont des immigrants qui ont bâti ce pays. Aujourd'hui, nous sommes en train de discuter de la question de savoir si nous voulons ou non avoir des immigrants ici. Je pense que l'ordonnance n'est tout simplement pas la bonne pour régler la situation que nous avons. C'est la mauvaise ordonnance pour les problèmes.
    Les agents de première ligne jouissent déjà de beaucoup de pouvoir discrétionnaire. L'agent d'immigration doit toujours être satisfait de ce que nous lui fournissons, et cela est parfois difficile. Il vous fait attendre longtemps, de nombreuses années, avant de pouvoir rencontrer l'agent. Vous devez le satisfaire. Et il peut toujours vous rendre les choses difficiles.
    Nous avons parlé de ce bassin de capital humain. L'ancienne loi sur l'immigration avait été adoptée en 1976. Il nous a fallu 25 ans avant d'en obtenir une nouvelle en 2002. Nous pensions avoir alors une bonne loi en matière d'immigration, énonçant le cadre de travail des gens, mais nous sommes manifestement en train de discuter de ce problème parce que les choses ne se sont pas déroulées comme cela avait été prévu. Je ne pense pas que le problème se situe du côté du cadre; le problème est le fait de sa mise en oeuvre et de son administration.
    Ainsi donc, accorder davantage de pouvoirs discrétionnaires à la ministre est tout simplement la mauvaise façon de procéder.
    Merci, monsieur Tan. Je m'excuse de vous interrompre, mais des votes sont prévus à 18 h 30.
    Je vais partager les six minutes entre M. Carrier et Mme Grewal.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci de comparaître devant nous afin de nous éclairer le plus possible pour que nous puissions transmettre nos recommandations à la fin de la semaine. Je vais d'abord m'adresser à M. Pang. J'ai été surpris de vous entendre dire que vous étiez en faveur de la partie du projet de loi qui concerne l'immigration, dans le but d'améliorer la qualité des immigrants que nous accueillerons au Canada.
    Vous concluez en disant que le système de points qui existe déjà, en ce qui a trait à l'appréciation de la qualité des immigrants, n'est pas bon, et on s'en remet entièrement à la volonté de la ministre actuelle et d'un autre ministre. Est-ce bien là ce que vous vouliez dire?

  (1825)  

[Traduction]

    Le système des points est peut-être un bon système, mais il y intervient plusieurs facteurs, dont l'âge. Nous sommes à la recherche de gens plus jeunes. L'éducation est un facteur. Chaque année d'étude donnera un point, mais cela ne livrera pas forcément les genres d'immigrants que nous cherchons à accueillir. Comme je l'ai souvent mentionné, si le Canada a besoin de chauffeurs de taxi, il y a un certain nombre d'exigences auxquelles il faut satisfaire pour être chauffeur de taxi. Que l'on fasse venir les chauffeurs de taxi. Que l'on ne fasse pas venir un gars qui a fait 21 années d'études et qui détient un doctorat pour conduire un taxi.

[Français]

    Monsieur Pang, vous exprimez des priorités que vous croyez bonnes, mais le projet de loi stipule que la ministre va définir les priorités. Connaissez-vous déjà les priorités de la ministre qui, selon vous, seront bonnes?

[Traduction]

    Si j'ai bien compris, la ministre a déclaré qu'elle prendrait sa décision en s'appuyant sur les recommandations émanant des provinces, des syndicats et d'autres sources encore.

[Français]

    Cela n'est pas écrit dans le projet de loi, monsieur Pang. On dit seulement que c'est la ministre qui va les établir.

[Traduction]

    Je ne sais pas si elle a déclaré cela au Parlement ou non, mais notre association lui fera confiance et nous veillerons à ce qu'elle livre la marchandise.

[Français]

    Donc, c'est du wishful thinking.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Robert Carrier: J'ai terminé.

[Traduction]

    Il vous reste dix secondes.
    La parole est maintenant à Mme Grewal, pour les dernières deux minutes et demie ou trois minutes.
    Monsieur le président, je vais donner mon temps à M. Komarnicki.
    Monsieur Komarnicki.
    Pour terminer mon...
    Je m'oppose à cela, et je vais vous dire pourquoi, monsieur le président.
    Si vous suivez les règles, n'importe qui peut...
    Nous avons déjà eu cette discussion ici aujourd'hui, avec M. Bevilacqua et d'autres. Nous avons convenu que c'est le parti, et le parti peut donner le micro à quelqu'un d'autre.
    Eh bien, avez-vous demandé aux deux autres personnes si elles aimeraient intervenir, avant d'aller plus loin?
    Non, il nous faut gérer le temps.
    M. Blair aimerait peut-être avoir ses trois minutes.
    Si nous avions plus de temps, je suis certain que ce serait le cas.
    À l'ordre.
    Monsieur Komarnicki, vous avez une ou deux minutes.
    Je n'avais pas terminé mes commentaires, mais je vais me contenter de dire ceci: les instructions de la ministre seront ouvertes et transparentes et elle consultera certainement les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que les parties prenantes, comme l'a dit M. Pang. Pour ce qui est de l'aspect pratique, les instructions seront publiées dans la Gazette du Canada. Il en sera fait rapport annuellement au Parlement et ces instructions seront également affichées sur le site Web de CIC.
    Le Parlement fixe chaque année des cibles et des objectifs. Cela revient en bout de ligne au gouvernement.
    En vérité, lorsque vous mettez de côté toute la rhétorique, les députés libéraux qui font beaucoup de bruit au sujet du projet de loi et qui ont beaucoup de rhétorique... nous verrons bien quelle sera leur position lorsque la Chambre sera saisie du projet de loi. Ils pourront voter contre et appuyer l'opposition ou non. Ils ne se sont pas encore alignés, avec toutes leurs belles paroles. S'ils sont vraiment sérieux dans leur désir de voir rejeter ce projet de loi, alors ils devraient faire le nécessaire.
    J'invoque le Règlement.
    Oui, monsieur Karygiannis.
    Je pense que le secrétaire parlementaire est en train de prononcer un discours politique. Il n'est pas en train de poser une question aux...
    Ce n'est pas là un rappel au Règlement, monsieur Karygiannis. Vous le savez.
    Monsieur Komarnicki.
    À l'ordre, s'il vous plaît!
    Permettez-moi de citer quelque chose qui a été publié dans le Winnipeg Free Press:
Ce que proposent les conservateurs, c'est le gros bon sens... C'est une bonne politique... Cependant, que les libéraux exploitent cela non seulement ignore le besoin national, pour favoriser l'avantage politique du parti, mais ignore également la vilaine vérité que ce sont les libéraux qui ont créé ce problème. Entre 1993 et 2006, l'arriéré de demandes d'immigration est passé de 50 000 à 80 000.
    Il y a un problème. Il importe de le régler, et nous allons le régler — pas dans le long terme, mais de manière immédiate.
    Voici ce qu'on a pu lire dans un éditorial du Vancouver Province:
Mais cela ne sert à rien — et est injuste envers les demandeurs — de ne faire qu'ajouter des noms à une liste d'attente qui ne cesse de s'allonger.
    Il va y avoir 1,5 million de personnes. C'est ingérable.
En vertu du projet de loi, le ministre de l'Immigration pourra accélérer la procédure d'immigration, tant pour les cas de réunification des familles que pour obtenir pour le pays les travailleurs dont nous avons besoin.

  (1830)  

    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Le secrétaire parlementaire est en train de lire des extraits d'un document. Ou il le dépose ou...
    C'est son temps. Il peut l'utiliser comme bon lui semble.
    Il peut le déposer, et il va le déposer.
    Ce que nous aurons donc ce seront des travailleurs qualifiés...
    Déposez le document pour que nous puissions le voir.
    ... qui arriveront ici plus rapidement, des familles qui seront regroupées plus rapidement, des réfugiés dont la protection ne sera pas touchée par le projet de loi C-50, car cette protection continuera d'être assurée comme c'est le cas à l'heure actuelle. C'est une question de politique, et la politique est une chose que fixe le gouvernement. Les partis auront l'occasion de décider s'ils veulent l'appuyer ou s'y opposer, et c'est là que cela se jouera.
    Merci.
    À l'ordre.
    Monsieur Karygiannis, veuillez, je vous prie, accorder à M. Komarnicki la même...
    Nous sommes ici pour faire un rapport.
    Accordez, je vous prie, à M. Komarnicki la même politesse...
    Que quelqu'un occupe la scène et dise au sujet du vote... Nous sommes ici, en tant que comité, pour faire un rapport.
    À l'ordre, s'il vous plaît.
    Le secrétaire parlementaire a manifestement oublié le mot « démocratie ».
    À l'ordre.
    Veuillez, je vous prie, accorder la même courtoisie à M. Komarnicki.
    Avez-vous terminé, monsieur?
    Je vous remercie, monsieur Jovel, monsieur Tan et monsieur Pang de votre présence ici aujourd'hui. Nous préparerons notre rapport jeudi et nous nous efforcerons de tenir également compte de vos recommandations.
    Merci.
    [Note de la rédaction : Inaudible]
    [Note de la rédaction: Inaudible]
    Êtes-vous en train de diriger cette affaire comme le premier ministre dirige le spectacle, le Gong Show? Rien d'étonnant à ce que... ne revienne pas. Gong!
    La séance est levée.