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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 028 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 9 avril 2008

[Enregistrement électronique]

  (1310)  

[Traduction]

    Il faut débuter sans tarder. Nous devons partir d'ici 16 heures pour prendre le train. Si nous ne commençons pas à l'heure, nous empiéterons sur le temps des témoins, ce que je ne veux pas faire.
    Aujourd'hui, nous recevons M. Ramesh K. Dheer, président national de l'International Association of Immigration Practitioners. Nous sommes ravis de vous revoir, monsieur. Nous accueillons aussi Mme Luin Goldring, professeure agrégée du Département de sociologie de l'Université York, qui comparaît à titre personnel, de même que M. Colin Busby, analyste des politiques à l'Institut C.D. Howe.
    Merci d'être venus. J'ignore si vous avez un ordre de comparution, mais nous pouvons vous accorder sept minutes pour les déclarations préliminaires. N'importe lequel d'entre vous peut commencer. Puisque M. Dheer a déjà comparu devant le comité, nous pourrions peut-être l'entendre en dernier.
    Il vous appartient de décider de la manière dont vous voulez procéder. Prenez votre temps et nous verrons bien.
    Madame Goldring, monsieur Busby...?
    Je crois que je vais commencer.
    L'immigration a grandement contribué à la population active au Canada. Selon les données du dernier recensement, entre 2001 et 2006, la population active canadienne a enregistré une augmentation de 1,3 million de travailleurs, dont 40 p. 100 environ est directement attribuable à l'immigration. Les programmes d'immigration de travailleurs saisonniers et temporaires font partie du plan d'immigration d'ensemble du Canada depuis la fin des années 1960, mais ils ont pris beaucoup d'expansion ces dernières années. Dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires, les travailleurs contribuent à remédier aux pénuries de compétences et de main-d'oeuvre au Canada et favorisent la croissance économique dans son ensemble.
    Des niveaux d'immigration élevés et des politiques changeantes ont suscité une foule de préoccupations. Celle dont on parle le plus souvent, c'est l'affirmation douteuse voulant que l'augmentation de l'immigration a enlevé des emplois aux Canadiens de souche. Par ailleurs, les politiques d'immigration ont parfois été mises de l'avant pour les mauvaises raisons. Par exemple, il est faux de prétendre qu'une répartition d'un plus grand nombre d'immigrants, plus jeunes de surcroît, pourrait facilement permettre de relever les défis du vieillissement de la population.
    Un resserrement des marchés du travail a commencé à exercer des pressions sur la croissance de certains secteurs et régions. Le vieillissement de la population active canadienne, une croissance rapide de l'économie et les changements technologiques ont donné lieu à une pénurie d'employés qualifiés, principalement dans l'Ouest canadien. Les taux d'emplois vacants ont augmenté, obligeant tant les secteurs public que privé à chercher des solutions à court terme, amenant les employeurs à puiser dans le bassin de travailleurs étrangers temporaires. Entre-temps, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle utile pour aider à jumeler les employeurs et les employés éventuels. Le programme des travailleurs étrangers temporaires contribue à faire concorder les désirs des travailleurs étrangers avec les besoins du Canada.
    Cela dit, on ne devrait pas compter sur le programme des travailleurs étrangers temporaires pour offrir plus qu'il ne le peut. Le Canada possède un certain nombre d'instruments de politique qui peuvent contribuer davantage à accroître la performance de notre marché du travail que peut le faire un programme de travailleurs étrangers temporaires considérablement élargi. De même, des améliorations dans d'autres secteurs du programme d'immigration du Canada peuvent procurer des avantages plus grands et plus durables.
    Aux fins de mémoire, le programme des travailleurs étrangers temporaires est considéré comme ciblant potentiellement trois pénuries de main-d'oeuvre distinctes. Premièrement, il faut combler le besoin en main-d'oeuvre dans des emplois que peu de résidents canadiens occuperaient, comme des travailleurs agricoles saisonniers et des aides familiales résidantes. Deuxièmement, il faut satisfaire au besoin d'employés qualifiés qui font défaut dans notre population active, comme des techniciens spécialisés dans le domaine nucléaire ou des professionnels ayant des compétences précises et extrêmement rares. Troisièmement, il faut combler les postes que les travailleurs de notre population active pourraient occuper, mais qui ne peuvent se déplacer pour répondre à la demande.
    Enfin, le programme des travailleurs étrangers temporaires constitue un bon outil pour les deux premiers cas, mais nous devrions nous opposer à un élargissement du programme pour faire face aux pénuries quand elles sont symptomatiques d'autres problèmes dans notre marché du travail.
    Les marchés génèrent des signaux de salaire et de prix et la politique les déforme souvent. Par exemple, les coûts énergétiques élevés dans le monde soulignent la demande pour les ressources de l'Ouest canadien, ce qui donne lieu à une hausse des investissements qui, à son tour, exige une quantité accrue de capitaux et de main-d'oeuvre. Cela fait grimper les salaires et envoie d'autres signaux de prix sur le marché.
    Même s'il est bas à l'échelle nationale, le taux de chômage est élevé dans certaines régions. En mars 2008, il variait entre 2,9 p. 100 au centre de l'Alberta, taux le plus bas, et 19,1 p. 100 dans le sud de Terre-Neuve-et-Labrador. Ces statistiques montrent une rigidité dans notre marché du travail.
    Pourriez-vous répéter? Je n'ai pas entendu la dernière statistique.
    En mars 2008, le taux de chômage variait entre 2,9 p. 100 au centre de l'Alberta et 19,1 p. 100 dans le sud de Terre-Neuve-et-Labrador, ce qui montre une rigidité dans notre marché du travail. Des emplois sont disponibles dans certaines régions, mais seulement une poignée de chômeurs déménagent. Plus particulièrement, la rigidité du marché du travail est confinée principalement aux régions du Centre et de l'Est.
    Même si le programme des travailleurs étrangers temporaires sert de solution provisoire pour combler les besoins en main-d'oeuvre, certaines des forces à l'origine du recours croissant aux travailleurs étrangers illustrent parfaitement un problème de mobilité interprovinciale des travailleurs. La nécessité de répondre à la demande en main-d'oeuvre à court terme est une préoccupation, puisque le programme des travailleurs étrangers temporaires ne peut être exhaustif que si les grands problèmes sous-jacents sont réglés.
    Même s'il est important de répondre aux préoccupations immédiates des entreprises, les travailleurs étrangers ne constituent pas la seule avenue stratégique. Certains des objectifs du programme des travailleurs étrangers temporaires pourraient être réalisés à l'aide de politiques qui favorisent une plus grande mobilité de la main-d'oeuvre. Dans cette veine, on pourrait moderniser le programme d'assurance-emploi.
    Le rôle des travailleurs étrangers temporaires pour pallier les pénuries graves et constantes de main-d'oeuvre ne devrait pas détourner l'attention des objectifs stratégiques à long terme. Par exemple, une augmentation du nombre de travailleurs étrangers temporaires nuit-elle au programme d'immigration actuel en comblant des postes qui seraient plus avantageusement comblés par de nouveaux immigrants permanents? Le cas échéant, y perd-on beaucoup au change? Enfin, jusqu'à quel point les objectifs des deux programmes se chevauchent-ils?
    Là où les pénuries de main-d'oeuvre semblent être plus permanentes, le programme des travailleurs étrangers temporaires devrait cerner les secteurs où un processus de demande rationalisé s'impose. Cela est vrai pour le programme des travailleurs agricoles saisonniers et le programme concernant les aides familiaux résidants, par lesquels on comble les emplois que les Canadiens ne veulent occuper ni maintenant ni à moyen terme.
    Il devrait en être de même pour les pénuries de main-d'oeuvre dans des secteurs où le Canada manque en permanence d'un savoir-faire précis, des secteurs où les paramètres économiques changeants ne risqueraient pas d'avoir une incidence sur l'arrivée de travailleurs pour occuper ces emplois. Préciser les secteurs où des pénuries de main-d'oeuvre sévissent de manière plus constante permettrait de déterminer plus rapidement si des régions ou des secteurs ont besoin de travailleurs étrangers. Rationaliser les demandes pour des zones de préoccupation permanentes serait avantageux pour les entreprises et permettrait de libérer des ressources dans les cas plus ambiguës.
    L'expansion du programme des travailleurs étrangers temporaires ne devrait pas détourner des ressources ni l'attention des mesures qui accéléreraient et faciliteraient l'immigration permanente d'étudiants étrangers au Canada. Un grand nombre de nos étudiants invités ont beaucoup à offrir et sont impatients de s'établir. Une source relativement inexploitée de travailleurs qualifiés se trouve dans nos universités.
    En outre, notre système de collèges pourrait envisager d'étendre l'accès aux étudiants étrangers. À l'heure actuelle, il est rare que des étudiants viennent au Canada pour y apprendre un métier. Toutefois, notre système d'enseignement postsecondaire pourrait jouer un rôle beaucoup plus grand pour répondre aux besoins en matière d'immigration.
    Merci.

  (1315)  

    Merci, monsieur Busby.
    Madame Goldring, nous vous écoutons.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité.
    Certains de mes collègues aujourd'hui présenteront des arguments en faveur d'un moratoire sur la déportation ou de programmes de régularisation pour les personnes sans statut d'immigrant. J'appuie ces positions, mais ma déclaration d'aujourd'hui couvre d'autres aspects du problème. Je veux parler de la terminologie, de la manière dont les gens se retrouvent avec différentes formes de statut précaire, du rôle des politiques dans la création de ces statuts précaires et de quelques-unes des conséquences pour les Canadiens.
    Permettez-moi de commencer par la terminologie. L'expression « sans papiers » est de plus en plus répandu en raison du nombre élevé de personnes qui entrent et vivent sans autorisation aux États-Unis, en Europe et dans d'autres régions. C'est aussi en réaction à des expressions comme « étranger clandestin », qui ont pour effet de déshumaniser et de criminaliser les gens.
    Les gens deviennent des sans-papiers aux États-Unis principalement en traversant la frontière sans autorisation. Il est logique d'utiliser l'expression « sans-papiers » dans ce contexte car ils n'ont aucune fiche d'autorisation de séjour. À l'heure actuelle, la population de sans-papiers aux États-Unis est évaluée à 12 millions de personnes environ.
    Comme nous le savons tous je crois, la situation au Canada est tout autre et une terminologie différente s'impose. Entrer sans papiers n'est pas la principale façon de vivre ou de travailler sans autorisation. Au contraire, bien des gens entrent au pays avec un document quelconque et puis se retrouvent sans statut. Ainsi, les gens que nous pourrions être tentés d'appeler des sans-papiers sont souvent munis de documents, car ils sont connus des autorités puisqu'ils sont entrés au pays avec un statut d'immigrant en règle.
    Je soutiens que le statut d'immigration précaire est une meilleure façon de décrire la situation des gens que l'on qualifie souvent de sans-papiers. La raison devient plus claire si on examine les motifs pour lesquels une personne se retrouve avec un statut d'immigration précaire. Ils sont nombreux, mais permettez-moi d'en énumérer quatre.
    Le premier, c'est la rupture de l'engagement de parrainage. Quand les gens entrent au pays comme membres de la famille parrainés, etc., et qu'il y a rupture de la relation, il y a aussi rupture de l'engagement de parrainage. Cela pose particulièrement problème pour les conjoints et les enfants touchés. Le deuxième, c'est en refusant des revendications du statut de réfugié et des demandes d'asile. Le troisième, c'est en restant plus longtemps que ne le permet le visa temporaire, que ce soit un visa de travailleur étranger ou d'étudiant. Le quatrième, c'est en entrant au pays sans autorisation.
    Dans les trois premiers cas, les gens arrivent avec un document quelconque puis, pour différentes raisons, se retrouvent avec un statut précaire quelconque. Il peut y avoir transfert entre les diverses formes de statut précaire. Par conséquent, l'expression « statut précaire » couvre un éventail de situations.
    Cela dit, j'aimerais revenir à la manière dont la politique d'immigration et d'autres politiques connexes sont liées au statut précaire. La politique favorise le statut précaire notamment en réduisant les admissions en vue de la résidence permanente. Plus les possibilités d'entrée et d'établissement permanent diminuent, plus les gens risquent de trouver d'autres moyens d'entrer au Canada.
    Une autre façon, c'est par l'entremise de la politique relative à l'immigration humanitaire et aux réfugiés et le système de détermination du statut de réfugié. Vu les difficultés pour combler les postes à la CISR et l'énorme arriéré des revendications du statut de réfugié, bien des gens sont plongés dans l'incertitude pendant longtemps. Ils peuvent avoir l'autorisation de travailler, de résider — peut-être pas les deux — et peuvent avoir accès à certains services, mais leur situation est loin d'être sûre ou stable.
    Un troisième mécanisme, c'est en élargissant le programme des travailleurs temporaires; le témoin qui m'a précédé en a parlé. Le nombre ou le bassin de travailleurs étrangers temporaires au Canada a quadruplé entre 1980 et 2006, passant de 39 000 à 172 000.
    L'élargissement des programmes des travailleurs temporaires et des travailleurs invités dans d'autres pays porte à croire que le caractère temporaire peut devenir permanent, et il semble se produire la même chose au Canada. Des travailleurs temporaires viennent année après année. Ils passent de huit à dix mois de l'année ici. Cela devient permanent pour eux et pour les employeurs qui comblent les emplois par l'entremise de ces types de programmes.
    Les déportations périodiques constituent une autre façon dont la politique contribue au statut précaire. Les déportations garantissent au public que des mesures sont prises face au problème. Mais les ressources ne suffisent pas, et ce n'est pas un moyen efficace de régler complètement le problème. Il contribue à la criminalité.

  (1320)  

    Une cinquième façon, ce sont les solutions limitées. Il existe peu d'options pour obtenir de nouveau ou obtenir le statut d'immigrant dans l'éventualité où il a été perdu.
    Maintenant, pensons à certaines des conséquences ici. D'après des études de cas et des données à caractère anecdotique, nous savons que ceux dont le statut d'immigrant est précaire sont désavantagés de bien des façons: salaire inférieur pour un travail comparable, crainte de signaler des problèmes liés à un travail dangereux, non-paiement, conditions de logement déplorables, etc. Par conséquent, les gens risquent de ne pas signaler des activités criminelles, la violation des normes du travail, des maladies, etc.
    Si nous voulons que les gens dont le statut est précaire sortent de l'ombre, il faut absolument mettre en oeuvre des politiques de confidentialité pour qu'ils ne craignent pas de signaler des abus au travail ou des activités criminelles, qu'ils puissent inscrire leurs enfants à l'école et se faire soigner, et qu'ils vivent moins dans la peur. Nous devons aussi lancer un débat sur la régularisation et effectuer des recherches sur une variété d'aspects liés au statut précaire.
    Je pourrais parler longuement des besoins en matière de recherche, mais je crois qu'une question plus profonde doit être abordée, celle de savoir quel genre de Canada nous voulons.
    Nous sommes à une étape où nous devons décider si nous voulons bâtir une nation où les gens ayant un statut précaire continuent de vivre dans l'ombre et dans la peur. Dans ce modèle, les citoyens et les résidents permanents occupent le palier supérieur de la société, tandis que ceux au statut d'immigration précaire sont au palier inférieur. Même s'il existe des façons d'obtenir sa résidence permanente et sa citoyenneté, la présence d'un segment de la population ayant un statut précaire soulève des questions sur la valeur et la portée de la citoyenneté et de la démocratie au Canada. Est-ce qu'un seul segment de la population peut en profiter? Dans ce modèle, le statut d'immigrant devient un motif de discrimination légitime, et les collectivités deviennent déchirées par la peur.
    À l'inverse, voulons-nous vivre dans une société qui s'attaque à ces problèmes en intégrant le statut d'immigration précaire aux discussions publiques dans le cadre de débats, de recherches et d'activités de sensibilisation? Dans ce modèle, on considère comme un problème le fait qu'un segment de la société ne jouisse pas de la plupart des droits que le reste d'entre nous tient pour acquis. Il faut alors se demander comment réduire les insécurités liées au statut précaire tout en diminuant le nombre de personnes qui se trouvent dans cette situation par des politiques constructives plutôt que par la criminalisation.
    Pour commencer à mettre au point des solutions efficaces et à bâtir des collectivités plus saines qui ne sont pas déchirées par la peur, nous devons mener des débats éclairés.
    Merci.
    Merci, madame Goldring.
    Monsieur Dheer.
    Je vais commencer par la question des travailleurs étrangers temporaires, puis je passerai ensuite aux prétendus travailleurs sans papiers.
    J'ai préparé quelques notes, et je vais procéder point par point. Je n'entrerai pas trop dans les détails, car tout le monde sait ce qui est requis et ce qui doit être fait. Je formulerai des suggestions au nom de mon association.
    À notre avis, CIC devrait dresser une liste des professions et des métiers qui répondent aux demandes du marché du travail. Il n'est pas nécessaire, selon le système de points...
    Ces trois ou quatre dernières semaines, deux personnes sont venues à mon bureau. Une femme titulaire d'une maîtrise en psychologie et un homme titulaire d'un doctorat en agriculture, je crois, ou dans une profession quelconque. La femme travaillait dans une usine et l'homme avait refait une formation en mécanique automobile. Je ne dis pas que le travail de mécanicien n'est pas un bon métier, mais il reste que cet homme qui détient un doctorat est maintenant mécanicien. À quoi bon accueillir ces gens s'ils ne peuvent pas trouver des emplois au Canada dans leur profession?
    Je recommanderais que CIC dresse une liste périodiquement — tous les six mois peut-être — des professions pour lesquelles la demande est forte et que la sélection des immigrants soit effectuée en tenant compte de cette liste. Cela aidera aussi les employeurs. S'il nous faut 1 200 charpentiers, 700 infirmières ou 450 médecins, ce sont les gens que nous devrions faire venir ici.
    Par ailleurs, quand ils arrivent au pays avec des permis de travail temporaires, nous avons évidemment besoin de la collaboration du ministère des Ressources humaines. RHDSC devrait envisager d'exempter certains fournisseurs de soins, par exemple. J'ai rarement entendu dire qu'une demande d'AMT d'un fournisseur de soins avait été refusée. La plupart de ces demandes sont approuvées. Il est de notoriété publique que nous avons une pénurie de fournisseurs de soins au Canada.
     De même, le ministère des Ressources humaines devrait peut-être envisager de dresser une liste des professions pour lesquelles la demande est extrêmement forte. L'immigrant éventuel n'a alors pas besoin d'attendre son tour sur la longue liste d'attente pour obtenir l'AMT, l'avis relatif au marché du travail. C'est ainsi qu'on devrait procéder, à notre avis.
    D'après nous, les travailleurs temporaires qui viennent au Canada devraient avoir le droit de devenir des résidents permanents. Si nous accueillons quelqu'un ici, qu'il travaille deux ou trois ans et qu'il contribue à l'économie du pays — il est employable et apte au travail, et ses titres de compétence sont reconnus —, il n'est pas nécessaire de le renvoyer chez lui. Si nous avons besoin de lui, il devrait alors pouvoir rester. Pour ce qui est de la résidence permanente, certains critères seront imposés, qu'il ait déjà un emploi et que l'employeur soit satisfait de lui, etc. De toute évidence, il ne volera l'emploi de personne puisqu'il est venu au départ parce qu'aucun Canadien n'était disponible pour effectuer le travail.

  (1325)  

    Je ne crois pas qu'il y ait lieu de craindre que les travailleurs étrangers voleront des emplois à des Canadiens, car nous avons ici un ministère des ressources humaines qui émet des avis relatifs au marché du travail et a évidemment une idée des gens à qui les remettre.
    Je passe rapidement pour que nous puissions aborder tous les points dont je veux parler.
    Nous suggérons aussi que CIC publie une liste négative des professions et des métiers. Si on n'a pas besoin de docteurs en agriculture, cela devrait alors figurer à la liste négative des professions. Cette liste ne fera qu'aider les gens à l'étranger, car ils sauront alors qu'ils n'obtiendront pas un emploi s'ils immigrent ici.
    En outre, pour ce qui est des compétences, CIC devrait instaurer une sorte de mécanisme d'orientation dans les bureaux à l'étranger, et les immigrants éventuels devraient être informés, s'ils sont ingénieurs, qu'ils devront refaire leur cours ici pour éviter qu'ils ne se plaignent de devoir conduire un taxi pendant trois ans avant d'obtenir leurs titres de compétence.
    Je respecte les professionnels venant de l'étranger et, bien sûr, les gens de métiers aussi, mais là encore, CIC devrait les mettre au courant au préalable.
    Pour ma part, je suis arrivé au Canada il y a 36 ans. Je travaillais pour une entreprise canadienne au Kenya, en Afrique de l'Est. Je travaillais pour Falconbridge, qui m'a aidé à immigrer au Canada. Mon patron était le président du conseil d'administration. Je suis allé le voir, ce vieil homme — bien entendu, j'étais à l'époque un jeune homme venant s'établir au Canada — et je lui ai demandé : « Monsieur, je pars m'installer au Canada et j'ai besoin de vos conseils ». Je me rappelle ce qu'il m'a répondu : « Ramesh, si tu n'as pas honte de travailler de tes mains, tu réussiras au Canada ». Après 36 ans, je me souviens de ses paroles. Et quand je suis arrivé au Canada, la chance m'a souri et j'ai obtenu un emploi dans mon domaine. J'ai eu beaucoup de chance, mais je sais que ce n'est pas le sort de tous. Je suis né sous une bonne étoile.
    Mais ce que je dis ici, c'est qu'on se définit beaucoup par le travail au Canada. À ceux qui disent, « J'étais quelqu'un dans mon pays et maintenant, voici ce que je fais ici », je leur réponds, « Sauf votre respect, si vous étiez quelqu'un chez vous, que faites-vous ici alors? » Voilà pour le premier point. Mais en même temps, je comprends leur dilemme, et c'est pourquoi je crois que CIC devrait mettre en place une sorte de mécanisme chez eux, au bureau à l'étranger, pour donner aux gens les bons conseils concernant leurs qualifications et la reconnaissance de leurs titres de compétence.
    J'ignore si c'est vrai — j'ai lu beaucoup de choses dans les journaux —, mais le ministre de l'Immigration peut se voir accorder des pouvoirs discrétionnaires pour annuler, ou peu importe, les demandes de certaines personnes qui ont été approuvées par vos agents des visas à l'étranger. Mais on m'a également dit — je ne peux divulguer aucun nom ou quoi que ce soit —, que ce n'est peut-être pas vrai. Enfin je l'espère. Nous demandons humblement de ne pas octroyer au ministre ce genre de pouvoir, car cela va à l'encontre des règles démocratiques du pays. J'espère qu'on nous écoutera.
    L'autre chose, c'est...

  (1330)  

    Monsieur Dheer, je sais que vous pouvez continuer encore, mais nous vous avons accordé sept minutes et vous en êtes maintenant à presque neuf. Vous pourriez peut-être présenter certains points pendant la période des questions.
    Je n'ai même pas encore parlé des travailleurs sans papiers. Mais si vous me posez des questions à ce sujet, ça me va alors, pas de problème.
    Je suis certain que les députés vous interrogeront sur les travailleurs sans papiers...
    S'il vous plaît.
    ... et que vous pourrez aborder la question à ce moment-là.
    Merci, monsieur.
    Si quelqu'un dans la salle veut utiliser un dispositif pour entendre la traduction, il n'a qu'à lever la main et on lui en apportera un. Le canal 1 est en anglais et le canal 2, en français.
    Monsieur Teledgi.
    Et le canal 5 est en hongrois?
    Oui.
    Merci beaucoup, madame Goldring.
    J'aime la façon dont vous envisagez la question. Je m'intéresse depuis longtemps aux travailleurs sans papiers, mais je n'avais jamais vraiment examiné la question sous cet angle, et je vous remercie donc de l'avoir souligné.
    Vous avez évoqué quelques chiffres. Je crois que vous avez dit 39 000 en 1980 et 179 000 en 2006?
    C'était par rapport au bassin de travailleurs étrangers temporaires.

  (1335)  

    Ah, des travailleurs étrangers temporaires. Je pensais qu'il s'agissait des travailleurs sans papiers.
    En 2002, on a changé le système de points sur les instances des bureaucrates. Au cours de mes dix ans au comité, il y a eu sept ministres différents, et j'ai appris que lorsqu'on dit que le ministre a tel ou tel autre pouvoir, la bureaucratie a elle aussi le pouvoir en question. Les ministres ne font pas grand-chose. C'est la bureaucratie qui fait le travail.
    Je reviens aux gens dont le statut est précaire, aux travailleurs sans papiers. J'ai utilisé ces termes de manière interchangeable pendant un certain temps. Les chiffres ont vraiment augmenté car en 2002, on a changé le système de points quand la bureaucratie a persuadé le ministre de donner son aval, malgré le fait que le Comité de la citoyenneté et de l'immigration avait prévenu celui-ci que ça ne fonctionnerait pas.
    À ce moment-là, les bureaucrates ont menti au comité. C'est du domaine public. L'affaire s'est retrouvée devant les tribunaux et a fait l'objet d'une décision. Ils avaient mal renseigné le comité, et je pense vraiment qu'on aurait dû les sanctionner pour outrage. Par conséquent, cela a fait grimper le nombre de sans-papiers, car les gens qui étaient entrés au pays en toute légalité comme immigrants admis ne pouvaient plus combler les emplois que l'économie nécessitait, principalement dans les corps de métiers.
    On a en fait plus de gens qualifiés, et je pourrais vous dire — je l'ai utilisé comme exemple — que Frank Stronack de Magna International ne serait pas admis. Frank Hasenfratz, le président de Linamar, ne serait pas admis. Mike Lazaridis, l'inventeur du BlackBerry, ne le serait pas non plus. J'ose dire que 95 p. 100 des gens qui ont immigré ne seraient pas admis, et ce que je trouve curieux, c'est que lorsque les bureaucrates s'accaparent du pouvoir, vu la feuille de route qu'ils ont, nous avons besoin de transparence et de reddition de comptes au ministère.
    Je vais vous adresser ma question, monsieur Dheer, car vous vouliez parler des travailleurs sans papiers, ou devrais-je dire, des travailleurs ayant un statut d'immigration précaire. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que c'est un problème?
    L'autre problème auquel nous faisons face, c'est qu'en faisant entrer plus de travailleurs étrangers temporaires, nous avons créé le genre de société qui... L'Allemagne a eu des problèmes à cet égard, et d'autres pays aussi. Je veux qu'on admette au pays des gens dont les enfants vont mettre au point des inventions comme le BlackBerry, qui est fabriqué par une entreprise de renommée mondiale.
    Merci, monsieur.
    Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous concernant les travailleurs invités ou quel que soit le nom que vous voulez leur donner, les travailleurs illégaux... Vous voyez, le fait est qu'une fois qu'ils sont ici pour deux ou trois ans, ils s'habituent au mode de vie, qui est fort probablement meilleur que dans leur pays d'origine.
    Jusqu'à présent, aucun mécanisme n'a été mis en place pour leur donner un statut de résident permanent au Canada. La seule option qui s'offre à eux maintenant, c'est de retourner dans leur pays natal et, la majorité d'entre eux, 95 p. 100 probablement, ne reviennent pas. Les États-Unis sont aux prises avec le même problème. Aux États-Unis, cette catégorie s'appelle les visas H-1B, qui sont valides pour trois ans et qui peuvent être prolongés pour trois autres années. Après six ans, on ne peut plus les reconduire, mais il est rare que quelqu'un retourne. C'est la même chose au Canada. Une fois que son permis de travail vient à échéance, le travailleur est censé repartir, mais ne le fait pas, et vient donc s'ajouter au nombre des prétendus travailleurs sans papiers. C'est bel et bien vrai.
    Avez-vous initialement posé une question sur les chiffres?
    J'aimerais souligner qu'aucune recherche systématique n'a été faite sur le nombre de sans-papiers, du moins pas à ma connaissance. Si quelqu'un ici peut me corriger là-dessus, j'adorerais connaître cette information.
    Les deux chiffres dont nous disposons ici, c'est de 200 000 à 500 000.
    Les estimations vont de 20 000 à 600 000. Avec ce genre d'estimation, je crois qu'il est difficile d'en arriver à quelque chose de sérieux.
    Le chiffre plus réaliste, c'est plus ou moins 300 000 personnes. C'est une très bonne approximation.
    Pour autant que je sache, nous ne disposons pas vraiment de recherche systématique sur cette question et nous ne savons pas non plus... Nous avons quelques suppositions sur les marchés du travail — les emplois occupés par les gens ayant un statut non permanent ou un statut précaire —, mais encore une fois, ce n'est pas documenté de façon systématique.

  (1340)  

    Je vais vous expliquer comment j'ai calculé ce chiffre.
    La dernière fois, je me souviens que le ministère de l'Immigration avait un programme d'élimination de l'arriéré, c'était il y a 15 ou 16 ans. À cette époque, on accordait la résidence permanente à quiconque n'avait pas de statut. Ces 14 ou 15 dernières années, aucun programme n'a été créé pour régulariser le statut de ces soi-disant travailleurs sans papiers.
    Maintenant, comment calculons-nous ce chiffre? C'est basé sur le nombre de revendications du statut de réfugié chaque année. Cinquante p. 100 d'entre elles  — non, c'est plus que cela — sont acceptées, mais il y a un certain nombre de revendications... S'il y a, disons, 35 000 revendications du statut de réfugié chaque année, 10 000 d'entre elles sont refusées, et à peine 10 p. 100 des revendicateurs retournent dans leur pays. Nous calculons donc le nombre de revendications du statut de réfugié au cours des 15 dernières années, le nombre de refus et le nombre de revendicateurs qui sont retournés dans leur pays. L'unité des renvois du ministère de l'Immigration n'a pas assez d'effectifs pour déporter ces gens. C'est très difficile à cause du manque de personnel à CIC.
    Si vous additionnez ces chiffres, vous obtiendrez un minimum de 300 000 personnes.
    D'accord.
    La raison pour laquelle nous devons respecter rigoureusement les limites de temps aujourd'hui, c'est que nous devons quitter les lieux d'ici 16 heures. C'est impératif.
    Allez-y, monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci à tous.
    Monsieur Busby, comme vous l'avait demandé notre président, vous nous avez fait part de statistiques indiquant la variation du taux de chômage entre le centre de l'Alberta et un endroit, dont j'ai oublié le nom, qui se situe quelque part dans les provinces de l'Atlantique. Vous parliez de 2 p. 100 par rapport à 19 p. 100, je crois.
    Lorsque je siégeais au Comité des finances, des représentants de l'Institut C.D. Howe ont abordé ce problème et celui de la mobilité de la main-d'oeuvre. À mon avis, vous regardez les choses à l'envers. On devrait peut-être parler davantage de mobilité des emplois. En effet, les gens ne sont pas du bétail qu'on peut déplacer d'un bout à l'autre du pays en fonction des besoins économiques. Si des gens demeurent dans les provinces de l'Atlantique, y ont été élevés et y ont vécu, c'est peut-être parce qu'ils préfèrent l'odeur du large à celle des sables bitumineux. Si des gens du Québec ne vont pas en Alberta, c'est parce qu'ils font partie d'une culture différente, que leur langue est différente et qu'ils n'ont pas envie d'aller vivre en Alberta. Par contre, d'autres y vivent et s'y plaisent, et c'est tant mieux.
    Qu'il s'agisse de nos politiques en matière d'immigration ou de toute autre politique sociale, nous devrions chercher à établir notre politique économique de façon à répondre à nos besoins sociaux plutôt que d'essayer de déplacer les gens et d'adapter nos politiques sociales à la réalité économique. C'est ce qu'on voit tous les jours, et on se demande s'il faut continuer à encourager l'exploitation des sables bitumineux, notamment.
    Je ne vais pas m'engager trop loin dans cette direction parce que je m'éloigne du sujet et que notre président est très tatillon à cet égard, aujourd'hui. Pour en revenir à l'immigration, êtes-vous d'avis qu'en misant surtout sur les travailleurs étrangers temporaires pour combler d'importantes pénuries de main-d'oeuvre à certains endroits, on ne règle pas vraiment le problème? Ne devrait-on pas plutôt opter pour une politique économique visant à créer des emplois dans certaines régions, créant du même coup un meilleur équilibre?
    Quelle est votre question exactement?
     Ne croyez-vous pas que cette politique sur les travailleurs étrangers temporaires, qui vise à combler des besoins localisés en matière de main-d'oeuvre, ne corrige pas mais accentue le déséquilibre économique qui prévaut actuellement au Canada d'une région à l'autre, comme vous l'avez si éloquemment démontré?

  (1345)  

    Vous avez tout à fait raison: les gens ont des motifs pour ne pas vouloir déménager, que ce soit une question de culture ou de famille, notamment. Il y a une foule de raisons. Il reste que bien des gens habitent la région de l'Atlantique parce qu'il y avait de la pêche il y a 50 ou 100 ans, et que c'était très populaire. Les gens ont déménagé là-bas pour cette raison.
    Maintenant, l'Alberta est très prisée, et c'est à cause de son activité économique. Vous avez raison, mais il y a aussi des réponses économiques. Ça touche aussi la main-d'oeuvre et le capital. Il est difficile de répondre à votre question. Quoi qu'il en soit, il devrait y avoir plus de réactions à propos de la main-d'oeuvre.
    Il y a manifestement une surchauffe économique en Alberta, et j'aimerais savoir s'il est préférable de mettre le pied sur l'accélérateur pour stimuler davantage la surchauffe ou de le mettre sur le frein, question d'être prudent et de prendre en compte le fait que les ressources ne dureront pas jusqu'à la fin des temps.
     S'il n'y a pas assez de main-d'oeuvre sur place, ce n'est peut-être pas la fin du monde. Ce n'est peut-être pas dramatique que les gens investissent ailleurs au Canada. N'est-ce pas faire preuve de courte vue que de faire venir des milliers de travailleurs étrangers temporaires, des travailleurs jetables après usage qu'on renverra dans leur pays quand on n'aura plus besoin d'eux, et tout ça à cause d'une surchauffe économique?
    Je ne comprends pas exactement la question.
    Mme Goldring pourrait peut-être y répondre.
    Je ne sais pas si j'ai bien compris la question, mais je pourrais peut-être vous en reposer une.
    Si on veut faire de la surchauffe économique et qu'on a besoin de cette main-d'oeuvre, pourquoi n'accepte-t-on pas de façon permanente les travailleurs qui peuvent jouer ce rôle? Pourquoi les accepte-t-on de façon temporaire seulement?
    C'est essentiellement mon point de vue. Il y a maintenant une surchauffe économique en Alberta. Vous avez parlé de la pêche dans la région de l'Atlantique et du fait que des situations de ce genre allaient se reproduire. Il me semble que dans le cadre du programme actuel, les travailleurs sont plutôt considérés comme étant jetables après usage. On leur donne du travail et on les fait participer au boum économique, mais une fois que ce sera fini, on va les renvoyer, puis chercher d'autres travailleurs qui vont répondre à d'autres besoins.
    Je crois que M. Dheer voulait lui aussi émettre un commentaire à ce sujet.

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    Je peux répondre à votre question en deux étapes. Tout d'abord, vous avez demandé à juste titre si, à cause de la réticence des gens à quitter d'autres régions du Canada pour diverses raisons, nous allons laisser l'Alberta, par exemple, souffrir d'un ralentissement économique. Non. L'immigration est devenue un phénomène d'envergure plus mondiale. Peu importe d'où nous vient la main-d'oeuvre bon marché ou immédiatement disponible... Si j'ai une entreprise et que je dois mener à bien un projet, alors je vais essayer d'embaucher quelqu'un au Canada, mais si personne n'est disponible, je devrais avoir le droit de recruter une main-d'oeuvre n'importe où, qui soit premièrement bon marché et, deuxièmement, immédiatement disponible.
    D'après les statistiques, la province de l'Alberta, à elle seule, connaît une pénurie de 400 000 travailleurs, qui sont requis sur-le-champ. Si aucun Terre-Neuvien ou aucun Ontarien ne veut y déménager, que doivent-ils faire? Ils doivent faire entrer des gens au pays. C'est un des points que je veux faire valoir.
    L'autre partie de la question, c'était de savoir pourquoi ces travailleurs ne devraient pas entrer au pays directement comme résidents permanents. C'est parce que la pratique de l'immigration concernant l'entrée des gens au Canada directement comme immigrants ayant obtenu le droit d'établissement ou comme résidents permanents, est un exercice de longue haleine. Il faut faire beaucoup de vérifications. Il faut déterminer beaucoup de choses, et tout le reste. À cela s'ajoute l'arriéré qui existe au ministère — je ne critique ni les conservateurs ni les libéraux quant à la façon dont nous en sommes venus à cet arriéré, mais le fait est qu'il en existe un — avec 900 000 personnes en première ligne, si je fais une demande aujourd'hui, je serai au bout de la file d'attente. À l'heure actuelle, la période d'attente pour l'Inde est de six ans, pour la Chine, sept ans et pour le Royaume-Uni, quatre ans. Quelle entreprise va attendre qu'un plombier s'en vienne ici? Si quelqu'un a une entreprise de construction et recherche 15 charpentiers et 10 plombiers, attendra-t-il pendant six ans? Non.
    Ce que nous devons faire, c'est faire entrer des gens de façon temporaire en mode accéléré, et cela peut être fait en quelques semaines. Ensuite, l'employeur a des travailleurs ici. Voilà la raison pour laquelle ces gens entrent au pays en tant que travailleurs temporaires.

  (1350)  

    Très bien. Merci, monsieur.
    Monsieur Khan.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, mesdames et messieurs.
    Monsieur Dheer, vous avez soulevé des points très valables, et nous en prenons bonne note. Nous vous remercions également d'avoir félicité le gouvernement pour l'amnistie des 16 ou 17 dernières années. C'était un gouvernement conservateur.
     Vous avez également fait valoir un argument valable, à savoir la nécessité de faire entrer rapidement des gens dans l'intérêt économique d'une province donnée. Ce n'est pas seulement l'Alberta, le Québec ou n'importe quelle autre province. L'économie de la Colombie-Britannique a le vent en poupe, et on peut en dire autant pour l'Alberta, le Manitoba, la Saskatchewan et même Terre-Neuve — grâce à ses réserves de pétrole en mer — et je prévois qu'à long terme, nous chercherons à combler presque 100 p. 100 des besoins nets du marché du travail par l'immigration. Nous devons donc accélérer le processus.
    Merci pour vos observations.
    Je veux également vous informer — et je tiens à vous le dire catégoriquement — que le ministre n'a pas le pouvoir arbitraire d'infirmer la décision des agents des visas, alors vous pouvez dormir tranquille et transmettre le message aux autres. Merci, monsieur.
    Sur l'autre sujet, j'aimerais passer à M. Busby.
    Je voudrais parler un peu plus de la flexibilité de la main-d'oeuvre. Nous avons entendu certaines observations sur le fait que les gens ne veulent pas quitter Terre-Neuve ou le Québec, ce à quoi vous avez répondu par un « Bien... ». Mais en même temps, il faut se rendre compte que des gens des quatre coins du monde sont venus au Canada — et continueront d'y venir. Pourquoi les gens viennent-ils ici? Parce que le Canada est un pays compatissant. Parce que nous avons le meilleur marché immobilier au monde, une bonne demande sur le marché du travail et d'excellents programmes sociaux bâtis au fil des ans.
    S'ils peuvent venir de l'Inde, de la Chine, du Pakistan ou d'ailleurs, je ne pense pas qu'ils auront beaucoup de problèmes à quitter la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve, le Québec ou n'importe quel autre endroit. Mais encore faut-il qu'ils souhaitent se déplacer; cette décision devrait relever d'eux, et non pas des politiciens comme moi ou de quiconque dans cette salle.
    Que pensez-vous de la flexibilité du marché du travail, et comment pouvons-nous la favoriser?
    Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais j'ajouterais que souvent la politique peut mettre des bâtons dans les roues et empêcher les gens de se déplacer d'un endroit à l'autre s'ils choisissent de le faire. Il existe de nombreuses raisons pour expliquer cela. Certaines mesures pourraient être prises pour encourager les gens à rester où ils se trouvent. Pensons notamment au programme d'assurance-emploi qui est structuré de façon à ce que les gens aient un meilleur retour si leur demande de prestations est faite dans leur province d'origine. D'autres facteurs entrent aussi en jeu, comme l'application des mêmes exigences aux réitérants de l'assurance-emploi âgés de moins de 35 ans. La politique peut empêcher la mobilité de la main-d'oeuvre de bien des manières, et j'aimerais attirer votre attention là-dessus.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que nous n'avons pas nécessairement un mot à dire dans cette décision, mais il y a aussi des façons de leur permettre de faire ce choix eux-mêmes.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à ma collègue, Mme Grewal.
    Madame Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Nous savons tous qu'il existe une pénurie de travailleurs ici, que ce soit dans la construction, les services d'accueil, le travail agricole ou le transport. Ma question est très simple. Je ne veux pas perdre de temps, et c'est pourquoi je vais vous poser une toute petite question pour que vous ayez assez de temps pour y répondre: quelles améliorations recommanderiez-vous au programme actuel des travailleurs temporaires?

  (1355)  

    Merci, madame.
    Comme je l'ai dit dans mon exposé précédent, CIC devrait dresser une liste des métiers et des professions où il existe une forte demande, puis l'envoyer à l'étranger. Les nouveaux arrivants qui viennent à titre de travailleurs temporaires devraient se classer dans ces catégories, et non pas dans d'autres. Je crois avoir répondu à votre question. CIC doit faire une liste; par exemple, nous voulons 700 infirmières, 200 plombiers, etc. C'est ainsi qu'il faut procéder.
    L'autre point, c'est que lorsque vous faites venir un plombier ou un charpentier, il faut un certain assouplissement sur le plan linguistique. On n'a pas besoin d'exiger des compétences élevées en français ou en anglais d'une personne qui vient ici comme nettoyeur dans un hôtel ou un motel, comme aide familial ou comme briqueteur. Les bureaucrates ont tendance à appliquer le même niveau de scolarité aux programmes de travailleurs peu spécialisés. Nous avons besoin de faire entrer au pays des centaines de milliers de travailleurs temporaires dans la catégorie des travailleurs peu spécialisés. Pourquoi doivent-ils avoir 12 ans de scolarité? Dix ans suffiraient.
    Lorsque j'ai comparu devant le comité parlementaire de l'immigration, j'ai donné l'exemple de Toronto. Un jour, je me rendais en voiture au centre-ville, accompagné d'un de mes amis. Durant le trajet, il m'a raconté que le centre-ville de Toronto avait été construit par les Italiens. J'ai répondu que ces bâtiments peuvent probablement comprendre et parler l'italien, mais qu'ils ne savent peut-être pas un mot d'anglais.
    Ce que je veux dire, c'est que l'anglais pourrait être une exigence pour les professionnels — c'est entendu —, mais pour le programme des travailleurs peu spécialisés, si on veut les faire entrer rapidement au pays, je crois qu'un niveau de compétence moins élevé en anglais et dix ans de scolarité devraient être l'exigence minimale.
    Certains travailleurs sont exploités par leurs employeurs. Comment pouvons-nous protéger ces gens vulnérables?
    Ces employeurs — que nous pouvons qualifier d'employeurs sans scrupules — risquent de ne pas pouvoir agir ainsi pendant longtemps. Je crois comprendre que les gens qui arrivent au Canada à titre de travailleurs temporaires, y compris les étudiants, auront le droit de faire une demande de résidence permanente pendant qu'ils sont au Canada. Je crois qu'il est question de leur permettre de changer d'emploi si un employeur les maltraite.
    Je crois donc que ce problème sera éliminé automatiquement.
    Bien. Merci.
    Monsieur Carrier, vous avez quelques minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'avais une question pour M. Busby, qui est analyste de politique à l'Institut C.D. Howe. Notre comité a entendu plusieurs témoignages depuis la semaine dernière et il y a eu au moins une vingtaine d'audiences jusqu'à maintenant. Il semble évident que les travailleurs temporaires ne constituent pas la solution miracle. Plusieurs ont dénoncé l'exploitation de ces gens et ont parlé de cas d'abus sur le plan du logement. On a parlé de leur accorder la citoyenneté éventuellement. C'est une problématique.
    Aujourd'hui, nous recevons des gens représentant un institut économique qui devrait nous fournir un éclairage économique afin de nous aider à régler la situation. Cela pourrait être différent des autres solutions envisagées. Les solutions que vous suggérez portent sur la formation professionnelle et la mobilité de la main-d'oeuvre. Je pense sincèrement que ces solutions ont déjà été appliquées; ce n'est pas nouveau. Cela se fait de façon permanente et ça n'a pas réglé le problème. C'est pourquoi on a recours à des travailleurs temporaires.
    Ne pensez-vous pas que le Canada a une responsabilité d'équité économique au pays? Il y a présentement une suractivité dans une région, et cela a entraîné l'augmentation de la valeur de notre dollar. Cela entraîne des problèmes dans d'autres régions, comme la région du Québec, où on exporte beaucoup. Le chiffre d'affaires de beaucoup de moyennes entreprises diminue à cause de cette baisse des exportations, elle-même due à l'augmentation de notre dollar, qui à son tour, est causée par la situation qui prévaut dans l'Ouest.
    J'aurais aimé que vous fassiez des recommandations économiques pour solutionner ce problème. On discute de travailleurs temporaires, mais on ne trouvera pas la solution de cette façon. Ne pensez-vous pas que le gouvernement fédéral devrait compenser les régions qui souffrent à cause d'autres régions?

  (1400)  

[Traduction]

    Une réponse brève, s'il vous plaît.
    D'accord.
    Vous dites que la seule autre mesure appropriée ici, c'est que le gouvernement fédéral intervienne dans la politique monétaire, mais ce n'est pas quelque chose que je recommanderais. Si c'était la seule autre mesure possible pour remédier à la situation des fabricants qui souffrent du taux de change, je ne la recommanderais pas.
    Il s'agit de signaux du marché. Les demandes pour les ressources de l'Ouest du Canada ne proviennent pas nécessairement de l'intérieur du pays; elles proviennent des pays avec qui nous avons établi des liens commerciaux. Il s'agit de signaux indépendants de notre volonté, et notre politique à l'échelon fédéral risque de faire d'autres dégâts si le gouvernement intervient dans la politique monétaire.
    Monsieur Telegdi, vous vouliez préciser un point pour le témoin.
    L'aide aux petites entreprises peut être accordée par un organisme du gouvernement parce que les petits fabricants sont aux prises avec un grave problème à cause de la fluctuation prononcée du dollar.
    Professeur Goldring, je suis vraiment d'accord avec vous à propos de la politique du silence. J'aurais voulu que le secrétaire parlementaire soit ici. Il aurait adoré ce discours.
    Pour ce qui est de l'autre situation, dans le cas de la jeune femme ayant été agressée sexuellement, elle est sortie de l'ombre pour rapporter l'incident, puis les bureaucrates ont décidé de la déporter. Mais grâce aux efforts déployés par un certain nombre de ministres du gouvernement conservateur — et ce n'est pas souvent que je fais l'éloge des conservateurs, mais je le ferai dans ce cas-ci —, nous avons pu arrêter sa déportation.
    C'est très important parce que, du point de vue de la politique publique, nous ne voulons pas que des centaines de milliers de personnes ayant un statut précaire ne déclarent pas des crimes; ce serait terrible. Cet exemple souligne également le besoin d'une prise de décision politique plutôt que bureaucratique. Ce sont les bureaucrates qui ont pris la décision de la déporter, mais à cause de l'intervention politique, ils ont compris l'objectif d'intérêt public et ont fait le bon choix.
    C'est une remarque pertinente.
    Merci d'avoir été des nôtres aujourd'hui et de votre témoignage. Nous ferons de bonnes recommandations à la lumière de ce que vous nous avez dit. Merci beaucoup.
    J'aimerais maintenant inviter Silvia Bendo, directrice générale de Construction Recruitment External Workers Services et de la Building Industry and Land Development Association. Nous accueillons également, à titre personnel, Jenna Hennebry, professeure-assistante aux Départements de communication et de sociologie de l'Université Wilfrid Laurier; et Joyce Reynolds, première vice-présidente aux affaires gouvernementales de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires.
    Bienvenue à toutes les trois.
    Nous pourrions peut-être commencer par vos déclarations préliminaires, madame Bendo, madame Hennebry ou madame Reynolds — à vous de choisir qui prendra la parole en premier. Si vous avez des déclarations préliminaires, n'hésitez pas.

  (1405)  

    Bonjour, monsieur le président et membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Je m'appelle Silvia Bendo. Je suis la directrice générale de CREWS, ou Construction Recruitment External Workers Services.
    CREWS est un service offert par le biais de la Building Industry and Land Development Association ou BILD, anciennement connue sous le nom de Greater Toronto Home Builders' Association et d'Urban Development Institute. Avec plus de 1 500 membres à son actif, la BILD est le porte-parole des promoteurs immobiliers résidentiels, des constructeurs d'habitations et des entrepreneurs en rénovation professionnels dans la région du Grand Toronto. Nous sommes également fiers d'être affiliés à l'Ontario Home Builders' Association et à l'Association canadienne des constructeurs domiciliaires.
    Je suis heureuse d'avoir l'occasion de présenter le point de vue de l'industrie de la construction domiciliaire au sujet des travailleurs étrangers temporaires et des travailleurs sans papiers. La BILD et CREWS ont, tous deux, une expérience pratique relativement au programme des travailleurs étrangers temporaires parce que nous avons participé à l'élaboration du protocole d'entente de l'industrie de la construction entre la GTHBA et le gouvernement fédéral.
    CREWS a été établi en 2001 pour aider les employeurs à combler leurs besoins en main-d'œuvre en facilitant le processus de demande de travailleurs étrangers. Même si le protocole d'entente a officiellement pris fin en septembre 2007, CREWS poursuit ses activités pour répondre aux besoins de ses membres en les aidant, encore une fois, sur le plan des demandes.
    Par ailleurs, nous continuons d'appuyer tous les efforts visant à accroître l'offre de main-d'œuvre qualifiée dans notre industrie, y compris les programmes de formation et d'apprentissage. Malheureusement, ce n'est pas suffisant pour répondre à tous les besoins de notre industrie. Aux prises avec une population vieillissante dans plusieurs métiers et dans les postes de direction, notre industrie doit agir sur tous les fronts pour assurer une offre de main-d'œuvre performante et stable.
    Dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires, une des recommandations que je propose, c'est de rationaliser le processus destiné à transférer les travailleurs étrangers d'un employeur à l'autre au Canada. À l'heure actuelle, il faut deux mois, dans le meilleur des cas, pour venir à bout de la paperasserie. Entre-temps, les travailleurs étrangers se retrouvent parfois sans emploi, et les employeurs ne peuvent avoir recours aux compétences et à l'expérience de ces derniers.
    Traditionnellement, l'objectif du programme des travailleurs étrangers temporaires était de combler les demandes de main-d'œuvre temporaire au pays. La réalité, c'est que la plupart des travailleurs étrangers temporaires dans notre pays considèrent ce programme comme un tremplin vers la résidence permanente, même s'ils n'y sont pas admissibles. Mais c'est là un tout autre sujet.
    En ce qui concerne les travailleurs sans papiers, nous savons tous qu'ils sont ici, et il faut s'occuper de leur sort. Certains travailleurs sans papiers ont eu la chance de régulariser leur statut grâce au programme des travailleurs étrangers temporaires. Toutefois, beaucoup d'autres sans-papiers sont découragés d'emprunter cette voie parce qu'ils ne viennent pas de pays dispensés du visa ou à cause des refus essuyés par des personnes qui sont dans une situation semblable aux bureaux de visas à l'étranger.
    Pour assurer une certaine équité dans notre système, il faut concevoir une initiative de régularisation qui garantira notre réserve de compétences et de main-d'œuvre au Canada. Comme solution, on pourrait établir un programme de régularisation interne qui permettrait l'octroi d'un permis de travail temporaire pour une période d'au moins deux ans. Pendant ce temps, ces ressortissants étrangers pourraient faire des démarches pour obtenir une résidence permanente.
    Il faut noter également que bon nombre de nos membres emploient, sans le savoir, des travailleurs sans papiers. Nos membres constructeurs obtiennent leur main-d'œuvre dans le cadre de conventions collectives et de contrats avec des entrepreneurs spécialisés. Ces entrepreneurs, à leur tour, embauchent des sous-traitants pour répondre à leurs besoins en main-d'œuvre.
    Le travailleur sans papiers est parfois un demandeur du statut de réfugié débouté qui, aux yeux de l'employeur, sera soudainement déporté.
    Je vous remercie de votre attention. En gros, nous demandons au comité d'appuyer les initiatives d'immigration qui répondront aux besoins en main-d'œuvre de l'industrie de la construction domiciliaire.

  (1410)  

    Merci.
    Nous passons à Mme Hennebry.
    D'entrée de jeu, permettez-moi de vous dire que les observations dont je vais vous faire part aujourd'hui reposent sur les recherches approfondies que j'ai menées ces six dernières années sur ce sujet. Cela comprend des entrevues avec des travailleurs migrants, des cultivateurs, d'autres employeurs, des membres du programme des travailleurs étrangers ainsi que l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence de la santé publique du Canada, pour n'en nommer que quelques-uns. J'ai commencé à publier des rapports basés sur ces recherches, et vous pouvez accéder à certains d'entre eux: j'ai préparé, entre autres, un rapport pour l'Agence de la santé publique du Canada, et un article qui paraîtra sous peu dans la revue Canadian Studies in Population.
    J'ai récemment reçu une aide financière de l'Agence de la santé publique pour faire une enquête quantitative sur les questions de santé des travailleurs migrants, en plus d'un soutien de CERIS, le groupe de recherche sur l'immigration du Centre Métropolis de l'Ontario.
    Je sais qu'il y a un certain nombre de points qui méritent d'être soulignés relativement à ce sujet , mais compte tenu du temps, je veux mettre l'accent sur certains des problèmes les plus courants. Je les ai regroupés en cinq catégories, et je vais me concentrer sur les trois dernières.
    Je veux d'abord signaler la vulnérabilité ou la vulnérabilité potentielle des travailleurs étrangers dans ce système, aussi bien dans le programme des travailleurs étrangers que les autres programmes comme le Programme des travailleurs agricoles saisonniers; viennent ensuite les questions de santé et de sécurité, la réglementation, la surveillance et les statistiques et, enfin, la cohésion en milieu de travail. Je ferai ensuite quelques observations sur la politique de l'immigration.
    En ce qui concerne la vulnérabilité des travailleurs étrangers, je crois qu'il est important de reconnaître — et je suis sûre que les autres témoins en ont déjà parlé — que les travailleurs étrangers sont liés aux employeurs par des contrats et qu'ils n'ont généralement pas une autorisation d'emploi ouverte. Grâce aux ententes bilatérales en place — par exemple, dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers — avec des pays comme le Mexique, les travailleurs ont pu jouir d'une protection directe de la part de leur pays de citoyenneté. Toutefois, les récentes initiatives et l'expansion du programme des travailleurs étrangers ne sont pas visées par ces ententes bilatérales.
    Je suis également préoccupée par les tiers recruteurs et les agences de placement, qui ont joué un rôle important pour les employeurs car ce sont eux qui repèrent les travailleurs et qui établissent les contrats. Ces groupes ne sont pas réglementés, particulièrement en Ontario. Ils le sont au Manitoba, et j'encourage fortement l'Ontario et les autres provinces à emboîter le pas.
    Les travailleurs étrangers n'ont pas droit à la plupart des services d'établissement parce que ces derniers s'adressent aux migrants permanents. On ne tient pas compte de bon nombre de leurs besoins, ce qui cause des problèmes pour le financement et aussi pour l'estimation des types de services que ces régions peuvent offrir.
    Sur le plan de la santé et de la sécurité, il y a eu plusieurs nouveautés. J'aimerais tout simplement dire qu'en élargissant la portée du programme pilote des travailleurs peu spécialisés pour inclure les niveaux de compétence C et D de la CNP, nous avons augmenté le nombre des travailleurs étrangers non seulement dans l'agriculture, mais aussi dans d'autres domaines de l'économie, comme la construction et la fabrication. Selon le rapport annuel de 2006 de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail, la plupart de ces secteurs affichent les taux les plus élevés de blessures au travail. Vous trouverez certaines statistiques à ce sujet dans vos notes.
    L'autre point que je veux soulever concerne la surveillance et l'évaluation, ainsi que l'existence de lignes directrices, de dispositions et de règlements inadéquats non seulement pour les travailleurs mais aussi pour les employeurs qui ont du mal à composer avec une main-d'œuvre changeante et à établir des rapports avec une gamme variée d'employés.
    Pour ce qui est de la santé communautaire, dans le cadre de mon travail avec l'Agence de la santé publique du Canada, je sais que la propagation potentielle des problèmes de santé est un sujet de préoccupation. J'oserais dire que les mauvaises conditions en matière de santé et de sécurité sur les fermes, où l'on compte plus de 20 000 travailleurs étrangers agricoles, pourraient augmenter les risques pour la production alimentaire canadienne. C'est aussi un point qui mérite d'être signalé aux intervenants des autres domaines du secteur alimentaire, dans les différents secteurs de l'économie.
    Passons maintenant au système de soins de santé du Canada. Nous avons un système de santé qui est déjà surchargé, et il n'y a pas assez de financement ni de formation pour répondre à la myriade de besoins en matière de santé des travailleurs migrants temporaires, particulièrement à long terme.

  (1415)  

    Sur le plan de la réglementation et de la surveillance ainsi que des statistiques, c'est un sujet qui me préoccupe vraiment parce qu'on ne surveille pas assez le programme des travailleurs étrangers au niveau fédéral, provincial et municipal. Il y a très peu d'intervention gouvernementale directe. Il n'y a aucun organisme indépendant chargé de surveiller et d'évaluer le programme. Seul le Programme des travailleurs agricoles saisonniers compte un groupe, appelé FARMS, qui représente en grande partie les intérêts des cultivateurs et des fermiers.
    Il est difficile d'obtenir des données quantitatives et des statistiques sur les mauvais traitements, les plaintes, les migrants qui retournent dans leur pays, les bris de contrat, la durée des séjours, les demandeurs d'asile et les demandeurs de résidence permanente, les taux d'attrition, le nombre de travailleurs qui s'absentent sans permission ou les permis de travail pour un séjour indûment prolongé. Selon moi, c'est une situation vraiment difficile tant pour les chercheurs que pour les fournisseurs de services ou les professionnels de la santé, surtout s'il s'agit d'évaluer les types de demandes de services que les travailleurs temporaires imposeront à nos systèmes sociaux et de la santé.
    Pour ce qui est de la cohésion du milieu de travail, plusieurs questions se posent. Le manque d'information, de formation linguistique et de sensibilisation aux différences culturelles chez les employeurs et les travailleurs peut mener à des situations propices au racisme, à la discrimination et à la violence.
    Pour terminer, j'aimerais vous faire part de certaines de mes réflexions sur la politique canadienne de l'immigration. Tout d'abord, je crois qu'un programme de travailleurs étrangers encourage un système plus hiérarchique, c'est-à-dire un système qui est basé sur le pays d'origine, particulièrement dans le cas du Programme des travailleurs agricoles saisonniers où les employeurs sélectionnent leurs travailleurs essentiellement en fonction de leur pays d'origine.
    Je crois également qu'au chapitre de la transition du statut, le jumelage du programme des candidats des provinces avec le programme des travailleurs étrangers temporaires est une bonne chose parce que c'est un tremplin vers le statut permanent; cela permet aux travailleurs d'obtenir un statut régulier et d'avoir accès aux services d'établissement. Cette méthode donne des résultats positifs à Brandon, au Manitoba, où environ 538 employés de la société Aliments Maple Leaf ont fait une demande de statut permanent dans le cadre du programme des candidats manitobain. La plupart d'entre eux reçoivent le statut. Toutefois, les migrants sont quand même liés à leurs employeurs; je serais donc réticente à utiliser cette approche comme seul moyen pour demander la résidence permanente pour ce groupe.
    En ce qui a trait aux intérêts privés qui, à mes yeux, façonnent la politique dans ce domaine, j'ai assisté à la conférence de Métropolis à Halifax. Lors de cet événement, il a été soutenu que le Programme des travailleurs agricoles n'est pas en expansion parce qu'il est centré sur les employeurs. C'est ce qu'on entend sans cesse. Ce qui me préoccupe, c'est que cela signifie qu'il n'y a aucun plafond pour les travailleurs étrangers et que nous avons un système d'immigration axé sur l'employeur, ce qui place l'édification du pays entre les mains du secteur privé — sans compter le rôle des tiers recruteurs dans ce processus.
    Merci, madame Hennebry.
    Pour les gens qui viennent d'arriver, si vous avez besoin d'un appareil de traduction —  certains de nos membres vont parler en français tout à l'heure —, vous n'avez qu'à lever la main, et quelqu'un viendra vous le porter.
    Madame Reynolds, vous avez sept minutes.
    La pénurie de main-d'oeuvre est le principal problème auquel se heurte l'industrie de la restauration au Canada, une industrie de 58 milliards de dollars qui emploie un million de personnes. Je suis donc très heureuse de pouvoir vous parler aujourd'hui du programme des travailleurs étrangers temporaires. La pénurie de main-d'oeuvre au Canada s'inscrit dans une tendance démographique à long terme qui afflige l'ensemble des industries et pays développés. Les perspectives pour l'industrie de la restauration sont particulièrement inquiétantes. Au cours des dix prochaines années, l'industrie canadienne de la restauration devra pouvoir compter sur 190 000 travailleurs supplémentaires. Les jeunes âgés entre 15 et 24 ans représentent à l'heure actuelle 44 p. 100 de la main-d'oeuvre dans le domaine de la restauration au Canada; cependant, d'ici 2025, on comptera 345 000 jeunes de moins au pays.
    Dans l'Ouest canadien, où il y a une pénurie criante de main-d'oeuvre, certains restaurateurs auraient été forcés de fermer boutique si ce n'avait été du programme des travailleurs étrangers temporaires.
    Nous nous réjouissons des améliorations apportées au programme des travailleurs étrangers temporaires au cours des deux dernières années, mais il reste du chemin à faire.
    Les taux de salaire en vigueur — et la méthode utilisée pour les fixer — s'avèrent un enjeu pressant pour l'industrie de la restauration. Nos membres sont frustrés de voir qu'ils ne peuvent pas participer au programme des travailleurs étrangers temporaires vu les salaires déraisonnables exigés. Les responsables de Service Canada ne tiennent pas compte des données compilées par Statistique Canada sur les taux salariaux, pas plus que d'autres enquêtes sur la rémunération menées par des tiers. Dans chaque région de chaque province, des méthodes différentes et arbitraires sont utilisées pour fixer les taux salariaux en vigueur.
    Les salaires ainsi établis sont souvent beaucoup plus élevés que ceux que reçoivent les employés canadiens d'expérience dans l'industrie de la restauration. Les représentants de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, de Ressources humaines et Développement social Canada et de Service Canada se réunissent régulièrement pour tenter de trouver des solutions à l'inexactitude des sources de données, au manque de transparence et à l'absence d'uniformité dans le processus de fixation des taux de salaire en vigueur. Les représentants de RHDSC reconnaissent qu'il y a des problèmes et ont entrepris un examen complet de la situation.
    Nous recommandons donc au comité d'accélérer le processus d'établissement d'une nouvelle méthodologie et de nouveaux critères pour la fixation des taux de salaire en vigueur, afin que ceux-ci reflètent davantage les taux de l'industrie. Nous recommandons aussi de s'assurer que les politiques sous-jacentes à l'établissement des taux de salaire en vigueur suivent les taux du marché et qu'elles ne viennent pas exercer de pression à la hausse.
    J'aimerais maintenant souligner l'importance d'assurer l'intégrité à long terme du programme des travailleurs étrangers temporaires.
    L'ACRSA appuie la mise en place de mécanismes plus rigoureux de surveillance de la conformité dans le cadre de ce programme, et souhaite voir une meilleure communication entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral à cet égard. Nous soutenons la recommandation formulée par la Commission d'examen des normes du travail fédérales dans son rapport, soit d'interdire l'accès au programme des travailleurs étrangers temporaires aux employeurs qui contreviennent constamment ou systématiquement aux normes du travail provinciales ou aux modalités des ententes d'emploi. Il faut bien sûr observer les procédures établies, mais le programme est trop important pour qu'on laisse quelques employeurs délinquants en ternir injustement l'image.
    L'ACRSA appuie aussi les mesures prises récemment par les gouvernements provinciaux visant à réglementer le travail des représentants en immigration, des consultants ou des recruteurs, afin d'éviter l'exploitation des travailleurs. Nous aimerions d'ailleurs que le gouvernement fédéral en fasse davantage à cet égard.
    J'aimerais démentir l'idée selon laquelle les travailleurs étrangers temporaires ne sont pas libres de trouver un autre emploi. Je tiens également à exprimer des réserves quant à la facilité avec laquelle les employeurs peuvent embaucher des travailleurs étrangers temporaires que sont allés chercher d'autres employeurs, et ce, sans avoir à partager les coûts considérables associés au recrutement et au voyage aller-retour. Les employeurs qui accueillent des travailleurs peu spécialisés au Canada (c'est-à-dire, possédant les niveaux de compétence C et D de la Classification nationale des professions) sont tenus de payer leur billet aller-retour. Ils doivent par ailleurs payer les frais de recrutement qui varient de 2 000 à 3 000 $ par employé. Ils leur offrent de la formation, de l'information à propos du Canada, le transport terrestre, un logement et, dans bien des cas, des meubles, des téléviseurs, des bottes, des vêtements d'hiver et j'en passe.
    Un deuxième employeur peut obtenir un permis pour le même travailleur étranger temporaire et ainsi éviter les frais de recrutement et de démarrage. Il n'y a aucune façon de s'assurer que la responsabilité des coûts de recrutement et de transport sera transférée au deuxième employeur si le travailleur quitte son emploi avant la fin de son contrat.
    C'est pourquoi notre association recommande qu'on continue d'informer les employeurs et les travailleurs temporaires de leurs droits et responsabilités dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires; qu'on investisse dans l'établissement de plus de mécanismes de surveillance de la conformité pour protéger les travailleurs et l'intégrité du programme, et qu'on veille à ce que les coûts du voyage d'arrivée et de recrutement pour les travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés soient transférés au prorata au deuxième employeur, au troisième et au quatrième si un travailleur étranger temporaire change d'emploi au cours de la période visée par son permis de travail au Canada.
    Nos restaurateurs s'inquiètent également des écarts importants qu'on observe d'une région à l'autre quant aux pourcentages de refus des demandes d'avis sur le marché du travail, du manque d'uniformité dans la façon dont le programme est administré, de même que des anomalies relevées dans les listes des professions soumises à des pressions — en particulier vu l'absence de la profession de cuisinier, puisqu'il s'agit du métier pour lequel la demande est la plus forte dans l'industrie de la restauration.

  (1420)  

    L'ACRFA recommande que le gouvernement fournisse une formation adéquate, des lignes directrices transparentes et des mesures incitatives aux agents du Programme des travailleurs étrangers, afin de tenir compte d'objectifs adaptés à la nouvelle réalité et de veiller à l'application uniforme de la réglementation. Nous croyons aussi que le gouvernement devrait réévaluer, de concert avec l'industrie, les méthodes et critères employés pour générer les listes des professions soumises à des pressions, de même que les listes d'admissibilité à l'émission d'avis sur le marché du travail en mode accéléré, particulièrement pour ce qui est la profession de cuisinier. Il faudrait par ailleurs allouer aux bureaux régionaux de Service Canada les ressources nécessaires pour traiter efficacement les demandes d'avis sur le marché du travail et de travailleur étranger temporaire.
    J'aimerais aussi parler du système canadien d'immigration dans le contexte du programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous croyons qu'une refonte complète du système d'immigration s'impose et que les principes et la culture servant de base aux politiques d'immigration doivent changer. Les pays développés se font déjà concurrence pour attirer des travailleurs, et le Canada doit affirmer sa position comme pays de choix.
    Nos lois sur l'immigration ont été établies à une époque où les conditions du marché du travail étaient très différentes, et elles doivent être mises à jour pour tenir compte de la pénurie de main-d'oeuvre, une nouvelle réalité pour le Canada et le reste du monde. Notre système actuel est discriminatoire envers les travailleurs peu spécialisés et spécialisés, et il n'existe aucune voie permettant aux travailleurs peu spécialisés de passer du statut de travailleur étranger temporaire à celui de résident permanent.
    Nous nous sommes réjouis de voir qu'on avait établi une nouvelle catégorie d'immigration permettant aux travailleurs étrangers temporaires de demander le statut de résident permanent sans avoir à quitter le Canada. Toutefois, cette nouvelle catégorie ne vise que les travailleurs possédant les niveaux de compétence A, B et O de la CNP, et ne s'applique donc pas à la majorité des travailleurs étrangers qui sont employés dans l'industrie de la restauration.
    Nous recommandons donc de réviser le système de points d'appréciation afin qu'il corresponde davantage aux besoins du marché du travail, ainsi que d'élargir la catégorie de l'expérience canadienne de manière à inclure les niveaux C et D de la CNP, pour que l'expérience acquise au Canada par les travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés soit considérée dans leur demande de résidence permanente.
    En terminant, j'aimerais souligner à nouveau que la pénurie de main-d'oeuvre est le plus important problème auquel se heurtent les restaurateurs. Et c'est aussi vrai pour d'autres industries et ailleurs dans le monde. Il ne s'agit pas simplement d'une pénurie de travailleurs qualifiés, mais d'une pénurie de travailleurs, point. Il est donc très difficile d'attirer des travailleurs qualifiés, spécialisés et peu spécialisés. Le Canada a besoin d'une vision à long terme pour recruter de la main-d'oeuvre.
    Merci.

  (1425)  

    Merci, madame Reynolds.
    Merci à vous tous, c'était très intéressant. Les membres du comité auront maintenant l'occasion de poser des questions.
    La parole est d'abord à M. St-Cyr.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être venus comparaître devant nous aujourd'hui.
    Madame Hennebry, dans votre exposé, vous avez parlé de vulnérabilité, en disant que les permis de travail pour les travailleurs étrangers étaient fermés. Vous avez dit que dans certains cas, il existe des ententes bilatérales entre les pays. Vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour développer cette idée.
    Pourriez-vous nous expliquer la nature de ces ententes bilatérales, et nous dire quelles sont leurs conséquences pour les travailleurs?

[Traduction]

    En ce qui a trait aux accords bilatéraux, je crois que les premiers protocoles d'entente ont été signés en 1964, et on en a ensuite conclu avec le Mexique, avec l'Association des États de la Caraïbe et, plus récemment, avec le Guatemala. Ces accords sont surtout axés sur l'agriculture; ils visent à faire venir des travailleurs agricoles d'autres pays. Des ententes ont aussi été établies entre ces pays.
    Si je dis que les travailleurs ne peuvent pas changer d'emploi, c'est en fait parce que cela doit se faire avec l'accord de l'employeur, ou à son initiative. Le programme des travailleurs agricoles saisonniers ne fonctionne pas de la même façon que le programme des travailleurs étrangers à cet égard. Je tentais simplement de souligner les différences entre ces deux programmes.

[Français]

    Pour ma part, après avoir entendu plusieurs témoignages là-dessus, je n'ai aucun mal à croire que le fait que les permis de travail soient fermés place les travailleurs dans une situation de grande vulnérabilité. En effet, ces permis sont assignés à un employeur en particulier, avec de faibles possibilités de changer d'employeur. Dans certains cas, c'est même impossible. Je serais d'accord pour qu'on permette aux travailleurs de changer d'employeur, comme on le permet aux résidants canadiens. Cela dit, les employeurs nous signalent souvent — et je pense que Mme Reynolds l'a fait — qu'ils doivent défrayer le transport et le recrutement des travailleurs. Je pense qu'on pourrait assortir à la possibilité de changer d'employeur la condition que le nouvel employeur compense le premier.
     Cela vous semble-t-il convenable?

[Traduction]

    Je crois que c'est une recommandation raisonnable. Si le premier employeur paie les frais initiaux et que le nouvel employeur est capable de prendre en charge l'employé... il faudrait établir une façon équitable d'évaluer la chose.

  (1430)  

[Français]

    Dans votre exposé, vous avez parlé notamment des Aliments Maple Leaf, compagnie qui oeuvre dans l'industrie de la viande. Cette compagnie emploie un certain nombre de travailleurs étrangers qui viennent travailler en Ontario, si je comprends bien.
    Lors de leur présentation à Moose Jaw, si je me souviens bien, des représentants des Aliments Maple Leaf nous ont même dit qu'au Québec, l'embauche de travailleurs étrangers avait été refusée à la compagnie parce qu'on ne leur offrait pas un salaire assez élevé. Je leur ai répondu qu'au Québec, l'industrie de la viande a procédé à des licenciements importants de travailleurs. Prétendre qu'il y a pénurie de main-d'oeuvre alors qu'on licencie des travailleurs de façon massive et qu'on ferme des usines ne semble pas très réaliste.
    Cela me semblait plutôt être une façon d'avoir de la main-d'oeuvre à bon marché, et non une façon de combler une véritable lacune.
    Est-ce également le cas en Ontario? Y a-t-il pénurie de main-d'oeuvre dans l'industrie de la viande en Ontario? Avez-vous l'impression que cet employeur, comme d'autres — je ne veux pas critiquer cet employeur en particulier —, utilise ce programme pour obtenir de la main-d'oeuvre à bon marché, et non pour combler une lacune?

[Traduction]

    Si j'ai parlé de la succursale manitobaine des Aliments Maple Leaf, c'était pour présenter les options qui s'offrent aux travailleurs étrangers une fois au pays. Je voulais souligner le fait que tous les ouvriers agricoles venus travailler aux Aliments Maple Leaf voulaient présenter une demande dans le cadre du programme des candidats des provinces et obtenir le statut de résident permanent, et la plupart d'entre eux l'ont obtenu. Je tenais à indiquer que la migration temporaire n'est jamais vraiment temporaire. Très souvent, les travailleurs veulent rester, que ce soit légalement ou illégalement. Tout dépend du secteur d'emploi et de leur pays d'origine. Je crois qu'il est important de réaliser que beaucoup de facteurs entrent en jeu.
    Je voulais montrer qu'il s'agissait d'une des façons d'obtenir le statut de résident permanent, mais pas la meilleure, selon moi, pour une foule de raisons. Une des raisons, c'est qu'on tente ainsi d'avoir une main-d'oeuvre à bon marché et qu'on dévalorise les travailleurs canadiens. C'est un réel problème. On utilise les travailleurs étrangers pour faire baisser les salaires, et cela ne devrait pas se produire. Pour ce qui est de prévoir la demande de main-d'oeuvre, on se bute là aussi à bien des problèmes, sans parler du processus pour obtenir un avis sur le marché du travail. Comme Joyce, je crois qu'il y a des incohérences dans le processus décisionnel. Il faut davantage d'études systématiques sur les pénuries de main-d'oeuvre à long terme dans ces secteurs. Avant de faire venir des travailleurs temporaires pour couper dans les frais de main-d'oeuvre et ainsi maintenir leurs entreprises à flot, les employeurs devraient peut-être revoir leur modèle de gestion.

[Français]

    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Il vous reste de 15 à 20 secondes, mais ça va. Nous avons amplement de temps.

[Français]

    Je veux simplement ajouter que lorsqu'on fait une étude des besoins de main-d'oeuvre, il faut tenir compte des salaires, me semble-t-il. Si une industrie offre des salaires insuffisants et de mauvaises conditions de travail, elle ne trouvera personne pour combler ses besoins sauf, peut-être, des travailleurs étrangers qui auraient des conditions encore plus difficiles dans leur pays.
    Comment peut-on déterminer qu'il y a un véritable manque de main-d'oeuvre dans un certain domaine? S'agit-il uniquement de mauvaises conditions de travail? On pourrait alors régler le problème en améliorant les conditions de travail.

[Traduction]

    Il est difficile d'évaluer pour toutes les entreprises d'un secteur si la pénurie de main-d'oeuvre ou les conditions de travail sont à la source des problèmes de recrutement. La pénurie de travailleurs est attribuable à différentes choses. Beaucoup de facteurs démographiques entrent en effet en ligne de compte, comme l'urbanisation, les niveaux d'instruction et les taux de fertilité. Une myriade d'éléments sont à considérer.
    Je crois que le programme des travailleurs étrangers sert à combler ces lacunes. J'estime cependant qu'il faudrait réglementer ces secteurs, réglementer les conditions de vie et les conditions de travail, particulièrement dans les entreprises qui emploient des travailleurs étrangers, plutôt que de se contenter d'établir une façon plus efficace d'évaluer les conditions de travail. Je crains que cela pousserait les gens à rejeter l'idée en bloc ou à se plaindre qu'elle ne donne pas de résultats viables. J'aimerais plutôt que les employeurs fassent l'objet d'une évaluation plus détaillée.

  (1435)  

    Monsieur Telegdi, avez-vous des questions? Vous avez sept minutes.
    Oui, merci beaucoup, monsieur le président.
    Bienvenue, madame Hennebry. Je crois que nous vous avons vue à Waterloo.
    Merci, j'étais plutôt à la Conférence Metropolis à Halifax.
    Eh bien, nous sommes heureux que vous soyez des nôtres. Nous devons nous rendre à Halifax, d'ailleurs.
    Excellent.
    Le président va aussi nous amener à St. John's.
    D'un point de vue sociologique, un des problèmes que je vois pour les travailleurs étrangers temporaires et les personnes confinées à un statut précaire — et vous connaissez sans doute ce terme...
    Je sais parfaitement de quoi vous parlez.
    ... c'est que nous avons au Canada une classe marginale, si vous voulez, de gens qui n'ont pas la stabilité d'emploi nécessaire pour obtenir la citoyenneté canadienne. Certains pays, comme l'Allemagne, ont eu des problèmes avec les travailleurs invités. Ici, il y a des travailleurs agricoles qui reviennent depuis des décennies. Peut-être qu'ils ne souhaitent pas tous s'installer au Canada, mais je crois que la plupart le voudraient, et c'est inquiétant.
    En outre, quelle image du Canada projetons-nous sur la scène internationale lorsque nous sommes ainsi prêts à exploiter les étrangers? J'aimerais savoir s'il y a des observations dont vous voudriez nous faire part à ce sujet.
    Il y en a beaucoup, mais je n'en ferai que quelques-unes.
    Je crois que nous devons nous poser les bonnes questions en ce qui concerne toute une série de problèmes. Nous devons notamment nous demander: comment pouvons-nous favoriser la cohésion et l'intégration au sein des communautés? Comment pouvons-nous, d'une part, avoir un cadre d'intégration et, d'autre part, laisser cette population temporaire effectuer le travail que la population permanente ne veut pas faire? Comment maintenir la cohésion dans la communauté tout en limitant le racisme et la violence? Je crois que c'est l'une des questions à régler.
    Il faut aussi penser à ce que cela révèle sur la société canadienne; j'estime qu'il est pertinent de se demander si nous voulons former une nation de travailleurs ou une nation d'immigrants. Je crois que c'est un élément que nous devons prendre en considération.
    Se servir du programme des travailleurs étrangers pour répondre aux besoins particuliers du marché du travail n'est pas un concept nouveau, mais si on regarde les changements qui ont été faits pour faciliter les choses et l'empressement des employeurs à adopter ce programme, je crois que pour bon nombre d'entre eux, c'est une façon de contourner le problème et de combler leurs besoins de main-d'oeuvre. Cela crée un système à deux paliers. Je crois que l'on crée un véritable problème en faisant entrer des gens au pays temporairement pour qu'ils fassent le travail que nous ne voulons pas faire.
    Vous avez parlé de Maple Leaf et, à Kitchener, nous avons Schneider's qui a été achetée par Maple Leaf. Ce qui s'est produit, c'est qu'on a diminué la masse salariale, et la situation est très difficile. Certains de mes amis ont alors perdu leur emploi. Ensuite, Maple Leaf a engagé de nouveaux travailleurs, mais à des salaires plus bas. C'est assez inquiétant.
    Cela me rappelle l'histoire du chemin de fer au Canada. Lorsque nous avons eu besoin de prolonger le chemin de fer, nous avons dû faire appel à des travailleurs chinois. Ils sont venus, ont construit le chemin de fer, et aussitôt qu'il a été terminé, nous avons imposé une taxe d'entrée aux Chinois et avons adopté des lois d'exclusion. Cela a contribué à tenir les familles séparées.
    Je n'aime pas savoir que les travailleurs étrangers temporaires viennent ici sans leur famille. C'est très difficile pour les familles. Le gouvernement se targue d'être le défenseur des valeurs familiales. Eh bien, je suis un libéral, et pour moi, être en mesure de voir les membres de sa famille et d'être avec eux, c'est une valeur familiale très importante.
    J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

  (1440)  

    Je crois que le programme des travailleurs étrangers temporaires traite tout simplement les gens comme des travailleurs. On ne les traite pas comme des immigrants ayant des familles.
    Presque tous ont des familles dans leur pays d'origine. En plus d'être une situation difficile pour les travailleurs étrangers, la séparation est une source de problèmes pour les familles et entraîne davantage de problèmes de santé mentale. Ces personnes sont confrontées à toutes sortes de difficultés.
    Comme nous l'avons vu, bon nombre de travailleurs temporaires et migrants souhaitent obtenir la résidence permanente. Lorsqu'ils l'obtiennent, c'est sans leur famille. Cela peut vouloir dire qu'ils seront séparés de leur famille à long terme, et pas juste temporairement, comme dans le cadre d'un contrat de 12 ou de 24 mois. On peut parler facilement de 10 ans de séparation pour beaucoup de ces travailleurs. C'est une chose que l'on doit prendre en considération.
    Pour ce qui est du programme des travailleurs temporaires, même si nous le voyons de façon réaliste comme une mesure aidant à attirer les travailleurs migrants dans certaines régions, même si nous les intégrons et leur donnons la possibilité d'obtenir la résidence permanente, nous avons tout de même des travailleurs qui sont séparés de leur famille durant de longues périodes, et qui sont arrivés au pays en suivant un parcours très long. Une fois qu'ils sont au Canada, dans la situation où ils se trouvent, ils auront peut-être de la difficulté à parrainer les membres de leur famille pour les faire venir ici. Ils peuvent donc être séparés de leur famille pendant très longtemps.
    Je vous remercie.
    Vous avez également mentionné que les gens sont liés à un employeur, car celui-ci paie pour les faire venir ici. Lorsqu'on constate que le premier employeur a eu des comportements abusifs, vous dites qu'il serait injuste que le deuxième profite du fait que le premier doit défrayer le billet de retour du travailleur.
    Mais il me semble que si un employeur maltraitait une personne qui est essentiellement liée à lui par contrat, je n'aurais absolument aucun problème à pénaliser cet employeur en lui faisant débourser beaucoup plus que le prix du billet d'avion pour le retour.
    Peut-être pourrions-nous améliorer la situation en disant à ces personnes que si elles viennent travailler comme bonne d'enfants, par exemple, elles doivent être disposées à changer d'employeur, si nécessaire. Cela pourrait servir d'avertissement aux employeurs: vous ne pouvez exploiter votre employée, car elle ira travailler pour quelqu'un d'autre. Cela améliorerait probablement les conditions de travail de ces personnes.
    J'aimerais que vous répondiez brièvement, puis nous passerons à M. Komarnicki.
    Je crois que c'est problématique si c'est très fréquent. Les transferts entre employeurs nuisent aux travailleurs, particulièrement à ceux qui participent au programme des travailleurs agricoles saisonniers, quand cela se produit dans la clandestinité.
    Mais je crois que vous avez raison. Si la seule préoccupation du système, c'est que l'employeur paie pour faire venir le travailleur et pour le renvoyer chez lui, il est clair que nous passons à côté de la question. Nous avons besoin d'un système qui permet d'évaluer les employeurs, de consigner les informations et de retirer du programme ceux qui maltraitent les travailleurs.
    Il me semble que l'une des façons de le faire, c'est d'assouplir les conditions de l'autorisation d'emploi afin que les travailleurs puissent changer d'employeur, mais que cela soit également assorti d'un mécanisme de réglementation.
    Monsieur Komarnicki, s'il-vous-plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins.
    Malheureusement, M. Telegdi était absent lorsque nous avons parlé des graves pénuries de main-d'oeuvre que connaît le pays, et votre organisation, madame Reynolds. Notre pays a indéniablement besoin d'un grand nombre de travailleurs pour doter les nombreux postes que notre population ne suffit pas à combler.
    J'ai entendu plusieurs témoins dire qu'ils cherchent à passer du statut de résident temporaire à celui de résident permanent, notamment dans le cadre de la catégorie Expérience Canada. Lorsqu'un immigrant est au Canada depuis un certain nombre d'années, il peut demander le statut de résident permanent. Les provinces ont été invitées à participer au Programme des candidats des provinces, qui leur permet d'établir les catégories de candidats qui leur conviennent et de satisfaire leurs besoins régionaux et provinciaux. En Saskatchewan, par exemple, les résidents temporaires qui vivent dans la province depuis six mois peuvent présenter une demande aux termes de ce programme afin d'obtenir le statut de résident permanent.
    Il semble que l'idée n'est pas tant de faire venir des travailleurs temporaires que de leur permettre d'acquérir le statut de résident permanent.
    En outre, les immigrants qui ont un emploi et peuvent faire venir ici leur famille sont susceptibles de rester. Certains ont proposé de permettre aux conjoints d'immigrants d'obtenir des permis de travail ouverts pour qu'ils puissent travailler et amener leurs enfants avec eux. Nombreux sont ceux qui possèdent les capacités et les qualifications nécessaires, et il existe une demande en main-d'oeuvre. Certains peuvent toutefois se trouver dans une position délicate lorsque l'enfant ou le conjoint apte au travail ne peut occuper un emploi. On nous a également conseillé d'élargir le programme et de trouver un moyen d'offrir le statut de résident permanent à ces gens.
    Je vous demanderais de commenter cet aspect de la question, qui a été abordé par Joyce et Mme Hennebry.
    Je terminerai en posant une question sur le CREWS à Silvia. Je me demande si les provinces ont vraiment recours à ce programme qui, si j'ai bien compris, s'adresse à l'industrie de la construction. Est-ce que ce programme fonctionne comme prévu? Certains sans-papiers, si on peut les appeler ainsi, travaillent dans cette industrie sans passer par ce processus. Envisage-t-on de se tourner vers le Programme de candidats des provinces, qui accorde à ces dernières de nouveaux pouvoirs les autorisant à trouver les travailleurs dont les industries de la construction et d'autres secteurs peuvent avoir besoin?
     Joyce pourrait peut-être commencer.

  (1445)  

    Nous appuierions certainement des dispositions qui permettraient aux membres de la famille des travailleurs étrangers temporaires d'occuper un emploi. Je crois que ceux qui s'inscrivent dans les catégories A, B et O peuvent le faire, mais pas ceux qui font partie des catégories C et D. Certains de nos membres emploient parfois des travailleurs étrangers temporaires dont des membres de la famille voudraient travailler, mais ne le peuvent pas.
    Pour ce qui est de faire entrer au pays des membres de la famille et de leur accorder des permis de travail ouverts, je pense également que ce serait tout à fait réalisable, surtout, comme vous l'avez fait remarquer, pour les travailleurs des niveaux C et D de la Classification nationale des professions, parce que ce n'est pas le cas... D'un autre côté, je ne voudrais pas que le Programme des candidats des provinces mis en oeuvre au Manitoba et en Saskatchewan...
    Et en Colombie-Britannique.
    ... constitue le seul moyen d'obtenir la résidence permanente. Nous devons trouver d'autres mécanismes ou repenser la politique d'immigration. Si tous ces travailleurs temporaires deviennent des migrants permanents, c'est dire que nous avons besoin d'eux. Nous devons revoir notre système d'immigration tel qu'il a été conçu au départ.
    Vous proposez que nous le fassions en agissant directement au niveau fédéral plutôt que provincial?
    Je dis simplement qu'il faut repenser le système. Si on peut y arriver en agissant directement au niveau fédéral, peut-être qu'on peut le faire aussi dans le cadre du Programme des candidats des provinces. L'important, c'est qu'on ne soit pas obligé, ou que les provinces ne soient pas obligées, de passer uniquement par le programme des travailleurs temporaires et le Programme des candidats de la province.
    Oui, elle l'est.
    Je crois simplement que d'un point de vue plus général, nous devons, à long terme, intégrer les besoins provinciaux et régionaux en matière d'immigration au système de points, à un régime fédéral, un fait qui ne semble pas être clairement reconnu.
    La parole est à vous, madame Bendo.
    Vous avez posé des questions au sujet du programme CREWS. Il faut bien l'admettre, ce programme n'a pas atteint son plein potentiel. Dès son lancement, en 2001, il a connu des ratés en raison du recours à des recruteurs tiers et d'un malentendu concernant la coordination avec les bureaux de visas à l'étranger. Certains travailleurs, qui étaient déjà ici illégalement, n'ont pu se prévaloir du programme.
    Le nombre de demandes approuvées a augmenté après que les médias se soient intéressés à des cas d'expulsion, en mars 2006. Ainsi, lorsque les gens ont compris qu'il n'y aurait pas de programme pour les sans-papiers, ils se sont tournés vers le Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires pour régulariser leur situation. Mais, comme je l'ai indiqué, ce n'est pas tout le monde qui a pu le faire.
    Actuellement, un grand nombre d'entreprises utilisent le PCP pour permettre aux travailleurs d'obtenir le statut de résident permanent. Certains d'entre eux ont un statut temporaire depuis sept ans et continuent de renouveler leur permis parce qu'ils sont incapables d'obtenir la résidence permanente. La plupart des entreprises ne sont cependant pas admissibles au PCP de l'Ontario.
    La majorité de nos entreprises, soit 70 p. 100 de celles dont je m'occupe, comptent neuf employés ou moins. Ce sont de petits sous-traitants employés par de grands entrepreneurs, qui sont à leur tour au service des constructeurs. Il s'agit, de par leur nature, de petites entreprises qui ne peuvent satisfaire aux exigences du PCP.

  (1450)  

    Il leur est pourtant destiné. Elles peuvent en élargir la portée, ajouter de nouvelles catégories ou faire usage de leur pouvoir discrétionnaire dans le cas d'une industrie en particulier.
    Exactement.
    C'est un point que les provinces devront examiner.
    Il semble également que nous ayons un grand nombre de travailleurs sans papiers — les chiffes varient. Or, ces travailleurs sont utiles à l'économie. Apparemment, il n'existe pas de façon légitime pour eux d'entrer au pays pour satisfaire aux besoins de l'économie, alors ils se tournent vers d'autres solutions lorsque tout le reste échoue.
    Êtes-vous d'accord avec cette observation? Devrait-on trouver un moyen de permettre à cette catégorie de travailleurs de combler ce qui semble être un besoin particulier?
    Oui. On pourrait les laisser entrer pour des raisons d'ordre humanitaire, sauf qu'habituellement, cela ne fonctionne pas. Il faut trouver une solution à ce problème.
    Est-ce que cette situation découlerait du fait que nous n'avons pas de programme qui réponde adéquatement aux besoins économiques des diverses régions?
    Vous pourriez faire cela, mais vous allez quand même laisser de côté bien des gens qui pourraient travailler dans des industries, si nous n'identifions pas... Cela dépend de la façon dont vous procédez. Si vous le faites métier par métier, ce serait peut-être difficile. Vous devez viser tout le monde si vous décidez de vous occuper des travailleurs sans papiers.
    Le système de points pourrait certainement être modifié pour tenir compte de ces aspects.
    Il nous reste quelques questions à poser.
    Monsieur Telegdi.
    Oui, monsieur le président, merci.
    Je dirais au secrétaire parlementaire que je sors parfois de la salle pour m'entretenir avec les gens des médias sur une chose dont nous ne parlons pas ici, c'est-à-dire le projet de loi  C-50, et pour dire quelques bons mots au sujet de notre président par rapport à d'autres présidents à Ottawa.
    Il me semble que nous pourrions régler certains problèmes de pénurie que nous avons actuellement. D'un point de vue stratégique, il est tout à fait insensé de consacrer d'importantes ressources à la chasse aux travailleurs sans papiers pour pouvoir les rapatrier maintenant. Nous ferions mieux d'essayer de régulariser leur situation qui, dans une grande mesure, est la conséquence... Leur nombre a augmenté énormément depuis que la nouvelle Loi sur l'immigration est entrée en vigueur en 2002, lorsque nous avons dit que les gens qui avaient des métiers et ceux qui voulaient travailler fort ne devaient pas se donner la peine de présenter des demandes puisqu'ils ne seraient pas être admis. Nous avons donc fait grimper ces chiffres.
    Il y a beaucoup de professeurs d'université, entre autres, dans ma communauté, alors le niveau d'éducation y est assez élevé. Toutefois, lorsque je me promène dans ma localité, j'ose dire que 95 p. 100 des gens qui sont arrivés ici comme immigrants ne seraient pas admis au Canada aujourd'hui s'ils devaient se soumettre au système de points. Je parle de personnes comme les parents de Mike Lazaridis, Frank Stronach, Frank Hasenfratz, etc.
    Nous avons fait une erreur colossale. Il vaudrait mieux remédier à l'erreur que les bureaucrates ont poussé le gouvernement de l'époque à commettre parce que les ministres d'alors — comme ceux aujourd'hui — ne savaient malheureusement pas ce qu'ils faisaient. Nous pourrions utiliser ces chiffres pour corriger la situation, parce que c'était la pénurie de travailleurs qui a amené les gens qui se trouvent aujourd'hui dans la situation précaire des personnes sans papiers ou sans statut.
    J'en conviens; il n'y a pas un seul restaurant dans la région de Waterloo où l'on ne se plaint pas d'avoir du mal à embaucher du personnel. Tout cela parce qu'on a dénaturé le système de points et changé complètement la façon dont le Canada traitait l'immigration.
    Avez-vous des commentaires à ce sujet?

  (1455)  

    Je suis d'accord, fondamentalement. Le recours à un programme de travailleurs étrangers temporaires pour régler un problème qui a été créé en partie par cela, et en partie par le changement démographique, les changements dans le secteur industriel, la mondialisation et tous ces facteurs, n'est qu'une solution de fortune à un problème qui est davantage à long terme: la pénurie que connaissent les employeurs. Les employeurs ont besoin de ces travailleurs maintenant, et ces migrants veulent venir maintenant. Beaucoup sont déjà ici, sans papiers. Cette situation est quelque peu ironique.
    Je crois que le fait d'utiliser le programme de travailleurs temporaires comme seul moyen de faire entrer les migrants et les travailleurs dans les catégories C et D de la CNP va faire augmenter le nombre de sans-papiers, le nombre de personnes qui essaient de rester, qui sont séparées de leur famille pour de longues périodes de temps, des coûts plus élevés...
    Il me semble que le gouvernement essaie de régler le problème en s'adressant à la même bureaucratie, qui n'est ni transparente ni responsable, en lui donnant plus de pouvoir pour être moins transparente et moins responsable. C'est contradictoire et je crois que nous devons le dire haut et fort.
    J'espère que vous prêterez attention — je suis certain que vous le faites déjà, mais nous ne pouvons pas en parler, nous devons sortir de la salle — lorsque ce projet de loi sera débattu.
    Concernant l'argent qui vient d'être injecté dans le programme des travailleurs étrangers pour régler quelques-uns de ces problèmes, une section de surveillance a maintenant été établie. Plusieurs secteurs prennent forme à l'intérieur de leur programme. Il y avait autrefois une ou deux personnes, et ils prévoient un agrandissement, je crois.
    Ils ont consacré beaucoup d'argent à la création de Service Canada, pour pouvoir aider les employeurs à obtenir de la main-d'oeuvre, mais ils n'ont consacré aucune somme pour venir en aide aux travailleurs et ils n'ont déployé aucun effort pour essayer de trouver une façon de régulariser la situation d'une foule de travailleurs et de migrants aptes au travail, et celle de leur famille.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Reynolds.
    Je conviens que nous avons la possibilité d'inclure l'expérience de travail canadienne dans les critères d'immigration. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous avons déjà ce type de classification, et une nouvelle classification. Il faut seulement l'appliquer à toutes les catégories de travailleurs, et non seulement aux travailleurs très qualifiés.
    Je vous remercie de votre présence et de vos exposés. Vous avez présenté des points de vue très intéressants et je suis certain qu'ils nous seront très utiles au moment de rédiger notre rapport et de formuler des recommandations au gouvernement. Croyez-moi, vos opinions seront prises en considération.
    Encore une fois, merci.

  (1505)  

    J'aimerais vous souhaiter à nouveau la bienvenue aux audiences du comité de l'immigration.
     Debbie Douglas et Roberto Jovel, de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, nous sommes ravis de vous avoir parmi nous. Sima Zerehi, coordinatrice des communications pour Status Now! Campaign in Defense of Undocumented Immigrants, est ici, et nous accueillons aussi Marie Chen, avocate représentant l'African Canadian Legal Clinic.
    Merci d'être ici.
    Si vous avez des déclarations préliminaires que vous voulez voir dans le compte rendu, n'hésitez pas à commencer.
    Nous étions ici hier, mais pour parler d'un sujet différent. Nous voulions vous remercier de nous entendre au sujet du programme des travailleurs temporaires.
    L'OCASI, l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, croit qu'il s'agit là d'un véritable changement dans la politique d'immigration du Canada, par lequel on s'éloigne des principes d'édification d'un pays pour traiter les immigrants comme des unités économiques. Vous nous entendrez beaucoup parler de cela.
    Je ne vais pas présenter d'exposé. Je voulais simplement présenter mon collègue, Roberto Jovel, qui va s'adresser à vous, en anglais et en français.
    Merci.

[Français]

    Comme Debbie l'a mentionné, nous allons parler des permis de travail temporaires. Je vais faire une partie en français et une autre en anglais plus tard.
    J'aimerais soulever trois points: d'emblée, les préoccupations que nous avons face à ces programmes; ensuite, nos propositions de changements; puis un commentaire final au sujet de la façon de voir les liens entre les différents domaines des politiques canadiennes et l'immigration, le marché du travail et les droits humains.
    J'ai deux principales préoccupations. D'abord, il y a tous les abus et les violations des droits humains dont les travailleurs temporaires font l'objet, surtout dans l'industrie agricole saisonnière. Comme ils ont déjà été très bien documentés par les organismes de travailleurs, comme les Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, je ne vais pas les répéter. Pourtant, le programme et les engagements des gouvernements canadien, locaux et des pays d'origine des travailleurs et des employeurs, ainsi que les ententes et les déclarations formelles, vont dans le sens de la protection des droits et de la législation en matière de droits au travail.
    J'aimerais remettre en question l'idée courante dans les médias et dans certains cercles de pensée politique selon laquelle les permis de travail temporaire représentent une solution adéquate pour répondre aux besoins actuels du marché du travail. Effectivement, ces permis permettent d'obtenir des travailleurs très rapidement pour des domaines de l'économie où il y a des manques criants de main-d'oeuvre. Cependant, les travailleurs qui viennent ici temporairement sans que leurs droits soient respectés, sans qu'ils puissent s'établir de façon stable et avoir une vie qu'on puisse qualifier de normale, sont-ils à même de bien contribuer aux objectifs des entreprises privées? Nous ne le pensons pas. Nous pensons que cette situation de vie précaire et non épanouie ne permet pas aux travailleurs de donner un rendement optimal, même au sein des entreprises qui les ont engagés.
    Finalement, la préoccupation principale, comme Mme Douglas le disait, est que le programme marque un départ en termes de politique d'immigration au Canada: on passe de la notion d'immigrant cobâtisseur d'un pays à la notion de travailleur né à l'étranger, comme s'il s'agissait d'une unité économique dont on peut disposer facilement.
    En conclusion, on est en train de créer une sous-classe de travailleurs et de travailleuses très vulnérables au lieu d'amener de nouveaux membres des communautés locales en santé pour créer un marché du travail en santé et un pays en train de se construire en santé.

  (1510)  

[Traduction]

    Puisque la politique actuelle consiste à recourir davantage aux permis de travail temporaire, nous aimerions proposer trois choses. Premièrement, les travailleurs temporaires doivent avoir accès aux services et jouir de tous les droits prévus dans toutes les lois canadiennes et internationales.
    Nous constatons qu'ils sont amenés ici rapidement, que le programme est de plus en plus utilisé. On ne peut pas nier cette réalité. Nous croyons que le gouvernement du Canada et que Citoyenneté et Immigration Canada doivent faire en sorte que ces travailleurs soient admissibles à la prestation des services comme tout le monde. Encore une fois, même en répondant aux besoins du marché du travail, nous pouvons leur permettre de vivre dans de meilleures conditions lorsqu'ils sont ici.
    Cela étant dit, nous proposons, en deuxième lieu, que ces travailleurs aient la possibilité de demander le statut de résident permanent rapidement, c'est-à-dire aussitôt qu'ils demandent leur permis de travail temporaire. Cela s'inscrit dans les objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui visent à avoir de nouveaux membres de la société canadienne capables de contribuer à l'édification de cette même société.
    Nous proposons également d'élargir les mesures déjà offertes à certaines catégories de travailleurs, comme les aides familiales ou les immigrants qualifiés, à toutes les catégories de travailleurs temporaires. Prenons par exemple la catégorie de l'expérience canadienne, qui est maintenant limitée aux étudiants étrangers et à certaines catégories de travailleurs temporaires. Nous voulons que ce critère soit généralisé et qu'il s'applique aussi aux gens sans statut qui ont déjà une expérience canadienne. S'ils deviennent des employés réguliers, ils n'auront pas autant d'obstacles à franchir pour pouvoir s'intégrer dans des entreprises.
    Pour terminer, nous aimerions exprimer notre préoccupation quant aux liens que l'on fait entre plusieurs politiques canadiennes. Nous constatons que la politique du marché du travail au Canada tient compte de l'immigration, alors le lien entre les deux est bien là, mais nous craignons qu'on en arrive à rejeter sur les entreprises la responsabilité de construire le pays par le truchement de l'immigration.
    À l'inverse, nous ne sommes pas certains que la politique en matière d'immigration tienne compte de la politique du marché du travail. Encore une fois, le recours à l'immigration pour construire un pays n'est pas pris en compte lorsque nous essayons d'apporter des solutions aux problèmes du marché du travail.
    Enfin, et c'est ce qui nous préoccupe le plus, si le gouvernement actuel ou n'importe quel gouvernement au Canada est capable d'établir ces liens entre le marché du travail et la politique en matière d'immigration, comment intervient la politique canadienne sur les droits de la personne pour garantir que tous ces liens sont faits correctement?
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Jovel.
    Sima.
    Notre délégation va surtout aborder la question des travailleurs sans papiers, mais nous allons aussi parler des travailleurs étrangers temporaires.
    Je suis ici pour représenter Status Now! Campaign in Defense of Undocumented Immigrants. Notre campagne regroupe divers organismes, syndicats et organisations d'immigrants et de réfugiés à l'échelle nationale, régionale et locale.
    Nous croyons fermement qu'il faut imposer un moratoire immédiat sur l'expulsion de toutes les personnes sans statut qui vivent au Canada. Entre-temps, nous demandons qu'un programme complet, inclusif et acceptable de régularisation soit mis en place.
    Pour commencer, j'aimerais parler de la motion visant un moratoire sur l'expulsion des travailleurs sans papiers et leur famille, qui a fait l'objet d'une discussion en juin 2007. Le succès de la motion a montré qu'un programme national de régularisation au Canada recevait un appui grandissant. En fait, la motion elle-même était une réponse à d'importantes manifestations et protestations publiques exigeant que l'on mette fin aux expulsions injustes qu'un nombre croissant de Canadiens jugent cruelles et inutiles.
    Le fait qu'une pareille motion ait récemment été débattue et appuyée par des députés nous donne de l'espoir. Les programmes de régularisation ont fait partie de l'histoire du Canada. En fait, le premier programme de régularisation ou d'amnistie a été proposé par le député Douglas Jung il y a une cinquantaine d'années.
    De nombreux programmes semblables ont suivi, dont le programme d'examen administratif et bien d'autres. Je ne vous ferai pas perdre de temps en les énumérant tous.
    La motion présentée par le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration visant un moratoire sur l'expulsion était certes un énorme pas en avant, mais nous croyons qu'une stratégie plus globale doit être mise en place. Nous parlons plus particulièrement de la définition des travailleurs sans papiers et de leur famille.
    Bien que nous appuyions l'esprit de la motion, pour que le moratoire permette d'éliminer les multiples obstacles que rencontrent les personnes sans statut, nous demandons que cette catégorie de personnes soit élargie pour inclure tous les membres des communautés sans statut, et non seulement ceux qui travaillent. Nous veillerons ainsi à ce que personne ne soit oublié dans la définition de certains termes, comme celui de « famille ».
    Dans le cas du mot « famille », nous voulons garantir que les définitions utilisées tiennent compte des diverses formes de familles, qui peuvent comprendre différents types de familles élargies et les couples de même sexe.
    Nous parlons beaucoup de la motion antérieure parce que nous avons bon espoir que vous allez inclure pareilles recommandations.
    En outre, régulariser seulement la situation des travailleurs est problématique, parce que les personnes sans statut ou avec un statut précaire d'immigration rencontrent de nombreux obstacles tout en essayant de garder un emploi stable et continu. Établir la preuve d'un tel emploi est difficile, puisque de nombreux employeurs ne veulent pas fournir de preuve d'emploi à des personnes sans permis de travail.
    Bien souvent, les travailleurs sans statut sont forcés d'accepter des conditions précaires d'emploi et des emplois précaires sans obtenir la garantie qu'ils auront encore leur poste le lendemain, la semaine ou le mois suivant. Ces travailleurs n'ont aucun recours lorsqu'ils ne sont pas rémunérés ou que les normes d'emploi ne sont pas respectées.
    Les travailleurs sans documents d'immigration sont souvent forcés de passer d'un emploi à l'autre et subissent inévitablement les entre-deux. Toute initiative future doit tenir compte de ces réalités.
    Pendant que des programmes de régularisation seront conçus et mis en oeuvre, des centaines et des milliers de personnes sans statut continueront à vivre dans des conditions déplorables et auront un accès limité, voire aucun, aux services de base. Lorsqu'elles arrivent au Canada, elles sont prêtes et disposées à participer pleinement à la société canadienne; toutefois, bon nombre de nouveaux venus perdent leur statut d'immigrant ou obtiennent diverses formes de statut inférieur.
    Malheureusement, un statut précaire d'immigrant se traduit souvent par un manque d'accès aux soins médicaux, au système juridique, à l'éducation, à l'emploi et au logement. À l'heure actuelle, nous avons un système à deux vitesses dans lequel les personnes sans statut se battent pour avoir accès aux ressources de base dont elles ont besoin pour devenir des membres à part entière de la société canadienne.
    Cette situation a des conséquences graves sur la santé mentale et physique de ces personnes et sur la stabilité familiale. Elle favorise aussi l'émergence d'une société à deux niveaux, un modèle de société que la plupart des Canadiens considèrent injuste et indésirable.
    Tandis que nous attendons une décision positive sur un moratoire sur l'expulsion et un programme inclusif de régularisation, nous devons veiller à ce que ces populations vulnérables aient un meilleur accès aux services essentiels et qu'elles jouissent des mêmes normes d'emploi et des mêmes recours juridiques que les autres Canadiens.

  (1515)  

    Nous croyons aussi que, parmi ces services, l'accès universel aux soins de santé est essentiel à la santé générale de toutes nos communautés. C'est une question de santé publique. Nous vivons dans des communautés où nos écoles, nos hôpitaux, nos lieux de travail, nos systèmes de transport en commun et nos centres communautaires sont tous interreliés. Il est primordial que tous les membres vivant dans ces communautés et utilisant ces systèmes soient en bonne santé grâce à un accès à des soins de santé primaires publics.
    Bien que la maladie soit un épisode normal de la vie que l'on peut traverser en ayant accès à des soins de santé et des prestations sociales, les personnes sans statut sont fortement pénalisées si elles tombent malades. Elles n'ont pas d'assurance et ne peuvent avoir accès à des soins médicaux complets. Elles doivent payer leurs médicaments, les consultations médicales et les séjours à l'hôpital; toutefois, elles ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d'invalidité ou de maladie.
    La maladie entraîne une grave situation de crise, puisque les personnes sans statut perdront simultanément leur emploi, leur logement et leur santé. En outre, la maladie représente un obstacle de taille à la régularisation, en raison de la non-admissibilité pour des raisons d'ordre médical. Cette catégorie vise injustement les personnes atteintes d'une invalidité et ne reconnaît pas que la société est composée d'individus ayant des capacités variables.
    Les politiques d'immigration canadienne qui empêchent les personnes atteintes d'invalidité d'obtenir le statut de résident permanent contribuent à une discrimination systématique et sont contraires à la Loi sur les droits de la personne.
    Vivre sans statut, c'est vivre dans l'instabilité et l'incertitude. Les individus sans statut et les familles aux statuts divers vivent dans la crainte que la vie qu'ils ont si difficilement bâtie peut être anéantie à tout moment par une expulsion. Travailler et survivre sans prestation sociale est un autre facteur de stress. L'anxiété, l'inquiétude et l'épuisement mental sont le lot des personnes sans statut. Cette population risque la dépression. Tout cela a un impact négatif sur la santé mentale de la personne et la santé de l'ensemble de la communauté. Un programme de régularisation pourrait contribuer sensiblement à régler un important problème de santé mentale.
    L'accès à l'éducation est un autre obstacle que doivent surmonter les familles sans statut dans les communautés. Bien que le droit à l'éducation soit garanti par les lois canadiennes d'immigration et par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, dont le Canada est un signataire, les enfants sans statut n'ont toujours pas un accès illimité à l'éducation et ce, en raison de nombreux facteurs. Les parents sans statut qui essaient d'inscrire leurs enfants dans les écoles canadiennes doivent encore affronter un personnel qui ne connaît pas les droits de tous les enfants à l'éducation. Par conséquent, les enfants nés au Canada de parents sans statut peuvent aussi rencontrer des obstacles à leur éducation. Les conseils scolaires partout au pays diffusent encore des renseignements sur les inscriptions et produisent des formulaires d'inscription exigeant que soient fournis des renseignements sur le statut d'immigrant des enfants, avec documents à l'appui.
    Pour aggraver la situation, au cours des dernières années, nous avons vu de nombreux cas où des agents de l'ASFC se sont servis des écoles pour arrêter des familles sans statut. Dans un cas en particulier, des enfants ont été utilisés comme appât pour piéger la mère.
    Quand vient le temps des études postsecondaires, aucune option n'est offerte aux étudiants sans statut. Les jeunes qui ont grandi au Canada et qui ont fait la majeure partie de leurs études primaires et secondaires dans des écoles canadiennes ont le droit de poursuivre des études collégiales et universitaires. Or, les étudiants sans statut sont traités comme des citoyens de deuxième classe et sont relégués aux mêmes domaines d'emploi précaire que leurs parents.
    L'accès aux services d'urgence pour la communauté sans statut est aussi une question de sécurité publique. Nous le voyons clairement dans des situations de violence familiale où la femme craint d'appeler la police parce qu'elle n'a pas le statut d'immigrante. Nous avons vu des cas malheureux de femmes sans papiers qui ont signalé des incidents de viol simplement pour aboutir dans un centre de détention et faire face à l'expulsion sans même avoir de procès. De même, les témoins de crime hésitent encore à faire des déclarations aux services de police partout au Canada parce que leur statut d'immigrant ou celui des membres de leur famille pourrait être révélé.
    Personne ne devrait avoir peur d'appeler la police pour des raisons d'immigration. Les tâches des services de police et celles des agents chargés de l'application de la Loi sur l'immigration devraient être séparées. Les policiers doivent servir et protéger nos communautés, et non servir d'agents de l'ASFC qui appliquent les politiques d'immigration.
    Le conseil des services de police de Toronto a fait certains progrès à cet égard en adoptant une politique « d'accès sans peur » qui offre une protection limitée aux victimes et aux témoins d'un crime. Il reste encore beaucoup à faire partout au pays pour assurer la sécurité des communautés.
    Un programme de régularisation ne doit comprendre aucun critère lié aux casiers judiciaires ou aux antécédents criminels.

  (1520)  

    On utilise la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour punir le crime, ce qui équivaut à une double incrimination pour les gens sans statut et les immigrants, un système dans lequel ils sont doublement punis pour le même crime, ce qui est contraire aux principes mêmes de notre système de justice pénale. Cela crée en outre un système de justice pénale à deux vitesses, dans lequel des citoyens sont punis une fois et tous les autres, deux fois.
    À mesure que nous travaillons à la mise en oeuvre d'un programme de régularisation qui répond aux besoins multiples des personnes, des familles et des communautés sans statut qui travaillent et qui vivent au Canada, il importe de travailler en étroite collaboration avec les communautés touchées, les organismes ainsi que les universitaires pour s'assurer que la mise en oeuvre de ce programme est pertinente et efficace.
    Les chercheurs universitaires et les organismes de défense ont cerné des obstacles aux politiques « d'accès sans peur ». Ils ont aussi fait ressortir les effets négatifs d'une existence sans statut sur les individus, la santé publique, la santé mentale ainsi que le bien-être des femmes, des familles et des enfants.
    Enfin, la solution à la situation de crise que vivent les travailleurs sans papiers ne peut être un élargissement des programmes de travail temporaire, ni l'augmentation des permis de travail temporaire et des visas de travail. L'immigration canadienne ne peut devenir une agence de travail temporaire que l'on glorifie et qui accepte que l'on traite les immigrants comme une marchandise bon marché et exploitable.
    Au cours du mois dernier, nous avons vu le gouvernement préconiser des changements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés à la Chambre des communes, par l'entremise de la Loi sur l'exécution du budget. Malgré les démentis persistants du gouvernement, ces changements draconiens donneront de vastes pouvoirs au ministre, qui pourra décider quelles catégories de demandes d'immigration seront traitées, ignorées ou rejetées. Ils limiteront également plusieurs types de demandeurs, en raison des motifs d'ordre humanitaire que les parrains peuvent invoquer pour faire venir les membres de leur famille au Canada.
    Si les modifications actuelles sont mises en oeuvre, le ministre aura le pouvoir de refuser d'examiner les demandes présentées par des agences pour des réfugiés et des immigrants qui se trouvent à l'extérieur du Canada. Le gouvernement a souvent laissé entendre que le recours aux agences était la façon de combler les lacunes de nos lois en matière d'immigration. Si ces changements sont adoptés, ce recours ne sera plus disponible.
    Pour terminer, nous disons que pour être efficace, le programme de régularisation doit être inclusif sur le plan de l'admissibilité, mais aussi des coûts. Nous ne nous opposons pas au recouvrement des coûts, mais nous savons aussi que des coûts élevés peuvent représenter un obstacle, en particulier pour l'ensemble des familles, les familles monoparentales et les jeunes. La mise sur pied d'un programme de régularisation est un investissement qui doit être planifié de manière à en maximiser la portée afin que le plus grand nombre possible de demandeurs qualifiés puissent s'en prévaloir.
    Je vous remercie. Je m'excuse pour la longueur de mon exposé, mais de nombreuses organisations font partie de notre campagne.

  (1525)  

    Très bien. Merci.
    Avez-vous une déclaration, madame Chen?
    Je n'ai qu'une déclaration verbale, puisque j'ai appris que le comité permanent tenait des audiences la semaine dernière seulement.
    Pendant le peu de temps dont je dispose, j'ai l'intention d'aborder deux sujets: les travailleurs étrangers temporaires, plus particulièrement le programme des travailleurs agricoles saisonniers, et les consultants en immigration. Je ne sais pas comment ces sujets ont été séparés, mais je ne peux pas me diviser en deux, et je suis ici aujourd'hui et j'aborderai ces deux questions.
    Je vais parler de mon expérience à titre d'avocate à l'African Canadian Legal Clinic. Il s'agit d'une clinique spécialisée d'Aide juridique Ontario, dont le mandat est de participer à des causes dont la solution fera jurisprudence contre le racisme systémique qui touche la communauté canadienne africaine en Ontario. Nous plaidons en faveur des Canadiens africains afin de protéger leurs droits en tant qu'êtres humains. Dans notre travail de promotion des droits, nous recevons tous les jours des appels de Canadiens africains concernant des questions d'immigration. Je vais parler à la lumière de cette expérience.
    Parlons d'abord des consultants en immigration. À notre clinique, nous avons eu notre juste part de clients abusés ou exploités par des consultants en immigration dont ils espéraient de l'aide. Nous avons vu des gens qui ont payé d'énormes sommes d'argent en échange d'un travail qui n'a pas été fait ou qui l'a mal été. Nous avons vu des gens dont les chances d'admission ont été réduites à zéro par l'incompétence des consultants qu'ils avaient embauchés. Nous avons vu des gens dont les chances d'avenir ont été anéanties. Nous avons vu des gens à qui on avait donné de faux espoirs alors que leur cause ne tenait pas, mais à qui on a soutiré de fabuleuses sommes d'argent.
    Ces histoires sont chose courante dans bon nombre de communautés d'immigrants. La question n'est pas de discourir sur le fait que ces incidents se produisent, mais bien de savoir ce que le gouvernement canadien devrait faire à cet égard. Ce qu'il faut vraiment, c'est un système de reddition de comptes qui soit efficace. Le système actuel d'autoréglementation par l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration ne fonctionne pas. Il présente des faiblesses, de nombreuses lacunes et il ne comporte aucun mécanisme de reddition de comptes. Les consultants en immigration agissent en toute impunité.
    Ce que nous proposons, dans les provinces où le barreau réglemente actuellement les techniciens juridiques, c'est que le gouvernement fédéral travaille conjointement avec ses homologues provinciaux pour faire en sorte que les barreaux réglementent également les consultants en immigration. Ces derniers font un travail semblable à celui des techniciens juridiques. Il n'y a aucune raison pourquoi les barreaux ne devraient pas réglementer les consultants en immigration s'ils réglementent déjà les techniciens juridiques.
    Le problème, c'est que ce ne sont pas tous les barreaux qui réglementent les techniciens juridiques. En Ontario, ceux-ci sont assujettis à un règlement, mais ce n'est pas uniforme partout au Canada. Nous proposons donc que le gouvernement se penche sur la mise en place d'un système d'octroi de permis pour les consultants en immigration, qui prévoirait l'établissement de normes de compétence et d'un mécanisme de réglementation.
    Dans le cadre de ce mécanisme de réglementation, il faut établir un système de plaintes indépendant par lequel les victimes d'exploitation peuvent trouver des recours et déposer des plaintes sans avoir peur. C'est pourquoi nous proposons un système indépendant, parce que de nombreuses personnes n'ont pas de statut et ne vont pas se manifester auprès d'une agence du gouvernement. Les espoirs en ce sens seraient vains dès le départ. Il faut un système indépendant.
    En outre, pour garantir que les gens portent plainte et qu'ils ne sont pas exclus parce qu'ils ont peur, vous devriez permettre aux tierces parties de porter plainte. Les organisations, les conseils ou les gens qui sont entrés en contact avec des victimes pourraient déposer ces plaintes.
    Parlons maintenant des travailleurs étrangers temporaires, du programme des travailleurs agricoles saisonniers. Je vais aborder certains problèmes que rencontrent les travailleurs. Je parlerai aussi de certaines solutions que le gouvernement fédéral peut mettre en oeuvre pour régler ces problèmes.
    J'aimerais aussi attirer votre attention sur le caractère racial de ce programme. L'histoire du programme prend racine dans les Caraïbes. Il a débuté en 1966 avec des travailleurs de la Jamaïque. Depuis ce temps, il a attiré des travailleurs dont la plupart sont originaires des Caraïbes.

  (1530)  

    À l'heure actuelle, tous les travailleurs du programme sont racisés. Ils sont originaires du sud, principalement du Mexique et des Caraïbes. Environ 40 p. 100 des 20 000 travailleurs proviennent des Caraïbes, notamment de la Jamaïque, de Trinité, de la Barbade et de l'Organisation des États des Caraïbes orientales. Environ 80 p. 100 de ces personnes travaillent en Ontario.
    En raison de leur statut, les travailleurs agricoles migrants sont très vulnérables à l'exploitation et aux mauvais traitements. Leur vulnérabilité fait en sorte que les abus passent inaperçus. Parce qu'ils sont racisés, ils font l'objet de racisme non seulement de la part des employeurs, mais aussi des communautés, des gens dans les communautés où ils travaillent. Ces travailleurs se retrouvent pour la plupart dans des communautés rurales, à prédominance blanche.
    Nous avons aussi entendu des travailleurs se plaindre de leurs piètres conditions de travail. Les travailleurs des Caraïbes, par exemple, ont comparé leurs conditions de travail à de l'esclavage des temps modernes. Ils connaissent un isolement social extrême. Beaucoup viennent ici pour de longues périodes de temps, pouvant aller jusqu'à huit mois. Beaucoup reviennent ici chaque année. Ils sont séparés de leur communauté et de leur famille pour de longues périodes de temps. Il s'agit d'une perturbation sociale extrême. Ils n'ont aucune possibilité d'être réunis avec leur famille lorsqu'ils sont au Canada.
    Ils peuvent aussi être renvoyés très rapidement. S'ils font valoir leurs droits, ils peuvent être rapatriés. Ils vivent sous cette menace constante. Ils n'ont pas d'autre choix que de se taire et d'endurer des conditions de travail défavorables et de mauvais traitements, s'ils en sont victimes.
    Que pouvons-nous faire à cet égard? Que peut faire le gouvernement fédéral?
    Soyons clairs dès le départ. Ces travailleurs agricoles migrants fournissent une main-d'oeuvre dont on a bien besoin. Ils sont un atout pour le Canada. Ils comblent un manque de main-d'oeuvre et contribuent à l'économie du pays. Ils font les longues heures, les longues journées de dur labeur que les travailleurs canadiens ne veulent pas faire.
    En moyenne, les travailleurs migrants travaillent 6,7 jours par semaine, 9,5 heures par jour. Il ne fait aucun doute que le Canada a profité de ce programme. En effet, dans toute son histoire, le Canada a profité de la main-d'oeuvre immigrante, depuis les travailleurs chinois qui ont construit les chemins de fer jusqu'aux travailleurs agricoles manuels qui ont défriché et colonisé l'Ouest.
    Or, avec les avantages vient la responsabilité de protéger les droits des travailleurs que nous faisons venir et dont nous tirons profit, la responsabilité de leur assurer les droits et les protections qui leur sont dus en vertu des lois canadiennes.
    Le gouvernement fédéral doit travailler avec ses homologues provinciaux pour garantir la protection de ces droits. Pour commencer, il doit exiger des comptes aux employeurs qui maltraitent les travailleurs et il doit mettre en place des mécanismes de réparation et des recours pour les travailleurs qui ont été maltraités. À cet égard, nous appuyons la demande des TUAC visant la création d'un processus d'appel pour les cas de rapatriement.
    Le gouvernement fédéral peut fournir un financement et un soutien aux services de défense de ces travailleurs — par exemple, les services de défense et l'aide offerte aux travailleurs qui sont rapatriés, qui ont présenté des demandes d'indemnisation des accidents du travail ou qui ont interjeté appel.
    Le gouvernement fédéral peut aussi améliorer les conditions de vie et de travail de ces migrants en fixant des normes minimales de conditions de vie et en établissant des mécanisme de surveillance et d'inspection régulières.
    Le gouvernement peut permettre à ces travailleurs de demander le statut de résident permanent en créant un programme spécial comme celui conçu pour les aides domestiques, qui peuvent demander ce statut après avoir travaillé au Canada pour une certaine période de temps et après avoir démontré qu'ils peuvent bien vivre et travailler en permanence au Canada. À l'heure actuelle, les travailleurs sont soumis à un travail temporaire indéfini. Chaque année, ils sont ici temporairement sans pouvoir demander le statut de résident permanent.
    Le Canada doit aussi signer la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants, qui contient des protections et des droits pour empêcher l'exploitation des travailleurs. À l'heure actuelle, le Canada n'est pas signataire de cette convention.

  (1535)  

    On dit que le Canada n'a pas signé la convention parce qu'il a un système d'immigration supérieur, qui permet aux gens de venir ici et de demander le statut de résident permanent et la citoyenneté. Cela ne s'applique pas aux travailleurs agricoles migrants, qui vivent ici de façon temporaire. Ce ne sont que des travailleurs temporaires, et la possibilité de demander le statut de résident permanent ne leur est pas offerte.
    J'aimerais terminer en disant que ce serait négligent de ma part de ne pas mentionner le projet de loi C-50, qui touche fondamentalement tout ce dont nous parlons aujourd'hui. Je sais que le comité a divisé ses travaux par sujets, mais le projet de loi touche vraiment et fondamentalement ce dont nous parlons.
    Je partage les préoccupations que d'autres ont soulevées au sujet des changements apportés à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et les pouvoirs extraordinaires qui seront conférés au ministre, et l'élimination des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire. Je ne parlerai pas de l'essentiel de ces préoccupations, mais j'aimerais parler du processus.
    Ces changements sont profonds et fondamentaux. Dans une démocratie comme la nôtre, nous devons en débattre, réellement, comme nous le faisons ici. Ils doivent être soumis au processus législatif, et non se glisser en douce par le truchement d'un projet de loi budgétaire. Nous demandons donc que cette question fasse l'objet d'un débat public complet et ouvert et de consultations exhaustives.
    J'aimerais aussi ajouter que cela nous ramène à la belle époque où... Qui donc décide de ce qui est bon pour le Canada et quels immigrants sont souhaitables? L'histoire du Canada est remplie d'exemples de groupes — auxquels beaucoup parmi nous appartiennent — qui étaient considérés indésirables. Le fait de se départir d'un système objectif — la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés assure un équilibre entre la subjectivité et l'objectivité — pour adopter un système arbitraire va toucher fondamentalement la façon dont l'immigration est traitée au Canada, ce qui mérite des consultations publiques et exhaustives.
    Merci.
    Merci.
    Concernant les travailleurs étrangers temporaires, le comité voyage maintenant depuis une semaine et demie et il a entendu parler — je crois que c'était en Alberta et à Vancouver — de la violation des droits de la personne, des conditions de vie des travailleurs étrangers temporaires, de la sécurité au travail et des différents salaires promis et non rendus.
    Ici même en Ontario, le secteur agricole, comme les producteurs de tabac, de fruits et de vin, fait appel à une foule de travailleurs étrangers temporaires, n'est-ce pas? Avez-vous constaté des abus généralisés ou avez-vous reçu des plaintes de cet ordre de la part des travailleurs étrangers temporaires? Ce que j'aimerais savoir, c'est dans quelle mesure, selon vous, ce problème est répandu. J'imagine que le problème n'est pas aussi répandu ici en Ontario, n'est-ce pas?

  (1540)  

    À notre clinique, l'ACLC, nous travaillons avec d'autres groupes présents sur le terrain. Nous ne sommes pas nous-mêmes sur le terrain en Ontario — notre bureau est tout petit —, mais nous nous tenons informés des enjeux qui touchent ces collectivités très isolées.
    Vous voyez, tout dépend vraiment de l'employeur, de qui est l'employeur. Ce n'est pas assez, parce qu'il suffit d'un mauvais employeur, et tous les travailleurs migrants qui travaillent pour lui vont souffrir. D'ailleurs, ils souffrent en silence, parce que la sanction à laquelle ils s'exposent, c'est d'être renvoyés chez eux sans ménagement.
    Oui.
    Je ne peux pas m'exprimer au nom de tous les membres du comité, mais je ne pense pas avoir entendu parler d'abus de travailleurs étrangers temporaires ici, en Ontario. C'est....
    Je vais vous donner un exemple de notre définition d'abus.
    Il y a une grande population migrante agricole à Leamington. L'une des préoccupations de l'OCASI, c'est que toutes les personnes qui travaillent en Ontario soient protégées par nos lois du travail, et nous demandons au gouvernement provincial de clarifier les règles à cet égard. Tout le monde est d'accord, mais comment un travailleur agricole de Leamington peut-il se rendre à Toronto si le ministère du Travail se trouve là-bas? Nous savons, mais malheureusement ce ne sont que des histoires dont nous entendons parler, que les gens se déplacent d'une ville à l'autre à vélo ne serait-ce que pour sortir de leur isolement social. Il y a des travailleurs migrants qui meurent sans que personne n'en parle.
    Donc pour répondre à votre question sur les abus, oui, il y a des abus ici, en Ontario, parce qu'il y a des collectivités agricoles isolées en Ontario.
    C'est l'éternelle question de l'oeuf et de la poule, parce que les gens souffrent en silence. Nous savons, grâce aux gens qui sont sortis de l'ombre et qui travaillent pour nos partenaires qui les défendent, qu'il y a des abus, mais les gens craignent de s'exposer à des répercussions très graves s'ils signalent ces abus.
    Nous n'en connaissons donc pas parfaitement l'ampleur. Nous savons qu'il y en a, mais c'est l'éternelle question de l'oeuf et de la poule.
    Oui.
    Je pense que le fait qu'ils ne soient pas syndiqués a aussi une grande incidence sur le signalement des abus. Là où les travailleurs étrangers temporaires sont syndiqués et ont accès à des syndicats, ils ont aussi accès à des groupes qui peuvent documenter leurs problèmes et faire écho leurs voix.
    Il y a un projet de loi qui s'en vient sur la syndicalisation des travailleurs agricoles temporaires en Ontario. Je pense que les choses vont changer énormément dès que ces travailleurs vont avoir accès à des syndicats et qu'ils pourront exprimer leurs préoccupations par ces organismes.
    Les travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce ont rassemblé de la documentation, ici, en Ontario, ainsi qu'au Québec. Il n'est pas surprenant que ...
    Nous étions à Halifax la semaine dernière pour la conférence Metropolis sur l'immigration. Nous y avons entendu parler de violation des droits de la personne et d'exploitation dans l'industrie hôtelière, entre autres. Avant d'arriver, les travailleurs signent un contrat selon lequel ils vont travailler à temps plein, mais ils finissent par ne travailler que trois ou cinq jours par semaine et même quelques heures seulement certains jours, pas même des jours complets. Certains contrats précisent aussi que la personne doit loger dans tel appartement, que telle personne sera son propriétaire et qu'elle devra payer tant pour le loyer. Il est difficile pour ces personnes de se soustraire à un appartement très cher qui leur a été attribué avant qu'elles n'arrivent ici.
    Je pense que c'est un peu la même chose dans tous les pays. Il faut d'abord et avant tout parler aux organisations qui travaillent dans le domaine, directement avec les travailleurs.
    Vous aviez beaucoup de choses à dire sur les consultants en immigration. Nous en avons d'ailleurs déjà beaucoup entendu parler. Vous avez mentionné qu'il faudrait établir un système de plaintes indépendant, que le gouvernement fédéral devrait aussi se doter d'un système de permis et qu'il devrait y avoir des lois régissant les consultants en immigration.
    Nous en avons pris bonne note. Vous n'êtes pas les premiers à le mentionner, en fait. Nous ne manquerons pas de faire quelques bonnes recommandations en ce sens.
    Avez-vous des questions, monsieur Telegdi?

  (1545)  

    Oui, mais j'aimerais d'abord laisser la parole à M. Carrier.
    J'attendais cette occasion depuis longtemps.

[Français]

    Merci. Je vous remercie de votre présence malgré que ce soit la dernière séance de la journée. Vous nous dressez un portrait assez complet de la problématique.
    Monsieur Jovel et madame Douglas, je crois avoir retenu de vos interventions que vous ne préconisez pas nécessairement la solution des travailleurs temporaires; cela ne fait pas partie de vos priorités. Vous me reprendrez plus tard si ce n'est pas le cas.
    Mme Zerehi recommande l'établissement d'un moratoire sur l'expulsion des travailleurs sans papiers, ceux dont la situation n'est plus réglementaire. Vous voulez aussi qu'on mette sur pied un programme de régularisation de ces travailleurs.
    Ce sont des recommandations logiques, mais je ne sais pas à quel moment le gouvernement actuel pourra prendre ces décisions. Quant à moi, je partage votre opinion. De toute façon, depuis une semaine et demie, on se rend bien compte de la problématique des travailleurs temporaires et des travailleurs sans papiers.
    Il y a toujours un programme d'établissement des travailleurs temporaires. Qu'en pensez-vous? La première fois que j'ai vu la ministre au comité, elle se vantait d'avoir augmenté le nombre de travailleurs temporaires. Pour elle, c'était une réussite. Je pense qu'elle le voit encore ainsi. Compte tenu de la problématique des travailleurs temporaires qu'il faut régler, comment devrait-on réagir à la venue de nouveaux travailleurs temporaires?

[Traduction]

    Nous ne sommes pas contre les travailleurs temporaires, nous sommes contre la politique d'immigration du Canada et sa nouvelle tendance à « privilégier » les travailleurs temporaires plutôt que les résidents permanents, la réunification des familles et la protection. C'est l'essentiel de notre position. Ce sont ces derniers éléments que notre politique d'immigration devrait vraiment viser, c'est ce que nous voulons.
    Je pense que nous sommes tous d'accord que nous avons des travailleurs temporaires et qu'ils ont besoin de services, donc nous devons envisager de changer nos critères d'admissibilité. Qui est admissible aux services, pour l'établissement et l'intégration? Vers qui la société civile devrait-elle tourner son regard, étant donné que ce secteur est financé par le fédéral et les provinces — ainsi que par les municipalités en Ontario — pour que l'immigration reste un privilège? Tous ces éléments sont liés.
    L'ironie, à notre avis, c'est que notre pays n'est pas prêt à régulariser le statut de ces travailleurs, mais que nous songeons à accueillir un plus grand nombre de travailleurs temporaires. Croyons-nous vraiment que ces personnes vont retourner chez elles après être venues ici? Le Canada n'a pas de politique sur les personnes qui sortent du pays. Nous ne savons pas qui quitte le pays.
    Ainsi, la ministre prétend que ce mécanisme va réduire l'arriéré tandis qu'en fait, il l'augmente.

[Français]

    Quelqu'un d'autre voudrait-il s'exprimer là-dessus?
    Oui, j'aimerais compléter la réponse de Debbie. Le paragraphe 3(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés du Canada énonce les éléments essentiels de la sagesse de la politique d'immigration canadienne, qui sont en train d'être contournés par le biais d'un recours accru aux travailleurs temporaires.
    Les alinéas 3(1)b) et c) disent vouloir faire avancer deux objectifs combinés: enrichir la société canadienne sur le plan social et culturel et bâtir la prospérité économique du Canada. On penche plutôt d'un côté et on oublie l'autre.
    L'alinéa 3.1e), pour sa part, mentionne la réciprocité de la responsabilité des nouveaux arrivants et de la société canadienne. On a des responsabilités partagées et réciproques, lorsqu'on cherche l'intégration réussie des immigrants au Canada. Par le biais des travailleurs temporaires, on se débarrasse de la responsabilité de la société locale d'intégrer les immigrants. Dans quelques années, on dépendra complètement de l'immigration pour bâtir l'avenir du pays. Selon nous, on a vraiment tort de continuer dans cette direction.

  (1550)  

[Traduction]

    J'aimerais rapidement ajouter une chose.
    Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'ont dit Debbie et Roberto, mais je pense que le véritable enjeu, tel que l'ont mentionné différents syndicats du pays, dont le Congrès du travail du Canada, c'est la question de savoir si la pénurie des travailleurs est une véritable crise ou si nous n'examinons pas d'assez près les emplois sous-payés qui deviennent, du coup, indésirables. Bref, manquons-nous vraiment de travailleurs ou sommes-nous en train de créer des emplois si indésirables que personne au Canada n'en veut?
    La dernière chose que j'aimerais mentionner sur les travailleurs temporaires, c'est l'argument soulevé à la conférence Metropolis, où l'on a donné l'exemple de l'usine de Maple Leaf Foods à Brandon, au Manitoba. Si les entreprises savent qu'elles vont avoir besoin de ces travailleurs pendant longtemps, pourquoi faisons-nous venir les gens à titre de travailleurs étrangers temporaires? Pourquoi ne pas prendre des mesures dès le départ pour accorder la résidence permanente à ces travailleurs? Là où le système semble porter fruit, les travailleurs viennent au Canada pendant deux ans à titre de travailleurs étrangers temporaires... après quoi on régularise leur statut.
    Monsieur Telegdi.
    Merci beaucoup.
    Je suis très heureux de vous voir tous ici.
    Sima, je me rappelle que nous nous sommes battus pour la famille Sossa. Je saisis l'occasion de raconter à mes collègues l'histoire de la famille Sossa, qui venait du Costa Rica. Les enfants avaient des résultats exceptionnels à l'école. Les agents d'immigration sont allés à l'école et ont tenu les enfants en otage pour essayer de tromper leurs parents, afin de les attraper et de les déporter. C'était tout simplement répréhensible. J'ai signalé l'affaire à la Chambre à l'époque; j'ai présenté le cas à la Chambre. Quoi qu'il en soit, la ministre a dit que pareille situation ne se reproduirait jamais plus.
    Je le souligne parce que notre bureaucratie ne semble pas très transparente dans ses actes, ce qui met vraiment en évidence la nécessité de nous doter de bonnes normes de responsabilité politique, de transparence et de surveillance. Nous avons investi beaucoup d'argent et d'efforts pour faire sortir la famille Sossa. Les enfants allaient très bien. La famille était bien établie dans la collectivité. Le père était contremaître sur un site de construction de sa ville et sa femme travaillait très fort ailleurs, si je ne me trompe pas. Elle faisait du ménage ou un autre travail que les autres personnes ne veulent pas faire.
    J'ai l'impression que nous avons là le candidat parfait pour venir au Canada. Mais que faisons-nous donc? Nous avons fini par le renvoyer du pays, avant de le ramener ici. Nous avons gaspillé énormément d'argent, de temps et d'efforts dans cet exercice. Il y a des travailleurs sans papiers comme lui partout. Il aurait été tellement plus simple de prendre des mesures pour régulariser sa situation. Comme on l'a déjà mentionné, il y a beaucoup de gens ici qui vivent dans l'ombre. Il faut régulariser leur situation, comme l'ancien gouvernement s'apprêtait à le faire quand il a été défait. Vous connaissez la suite, les bureaucrates se sont dit: « Oh, voilà notre chance de faire échouer le projet encore une fois, parce que nous sommes contre. » La situation de ces personnes est essentiellement le résultat des erreurs que nous avons commises en modifiant le système de points de la Loi sur l'immigration en 2002.
    Je le mentionne aux membres du comité parce que c'est l'exemple parfait d'occasion où nous aurions pu économiser beaucoup d'argent. Nous aurions pu nous économiser beaucoup d'efforts. Nous aurions pu nous économiser beaucoup de maux de tête. Nous aurions pu éliminer une partie de l'arriéré, mais à la place, nous avons choisi de dépenser notre argent de cette façon.
    Madame Chen, je suis d'accord avec ce que vous avez dit sur le projet de loi C-50, parce que nous finirons nécessairement par donner de plus grands pouvoirs à la bureaucratie et retirer aux tribunaux, de même qu'aux politiciens, à ce comité et à la ministre leur rôle de surveillance, ce qui est très dangereux. Donc quand vous dites que oui, nous « racialisons » nos travailleurs agricoles migrants, c'est exactement que ce que nous avons fait avec les Chinois. Nous les avons fait venir ici, ils ont construit le chemin de fer, puis nous nous en sommes débarrassés au moyen de la loi d'exclusion des Chinois et avons créé une taxe sur les Chinois.
    Vous faites un travail remarquable sur un sujet qui n'est probablement pas très populaire. Comment faites-vous pour survivre? J'aimerais vraiment le savoir. Je vous félicite de ce que vous faites, mais comment arrivez-vous à survivre en tant que défenseurs de ces travailleurs?  

  (1555)  

    Nous nous manifestons et participons à des conversations comme celle-ci... et nous espérons que vous écoutez vraiment, que vous allez formuler des recommandations et que nos partis au pouvoir sont à l'écoute.
    Nous voyons nous aussi tous les jours des gens comme Kimberly et Gerald Lizano-Sossa, des jeunes de 14 et 15 ans, qui se battent pour essayer d'expliquer pourquoi ils veulent être Canadiens, pourquoi ils veulent fréquenter l'école ici, pourquoi ils veulent travailler ici, pourquoi ils veulent vivre ici. Si des gens dans ces conditions ont le courage de s'exprimer et de se battre, nous avons certainement l'obligation de faire de notre mieux pour les représenter.
    Ce soir, il y a un vote à la Chambre sur le projet de loi C-50. De toute évidence, nous ne serons pas là. Je veux que le projet de loi C-50 soit adopté ce soir, parce que s'il est rejeté, il n'y aura pas de débat à son sujet. J'estime important qu'on en débatte le plus possible.
    Le débat occupera à la fois ce comité et le comité du budget, ainsi que la Chambre des communes. S'il est rejeté ce soir, il n'y aura pas de débat. Je voulais seulement que vous le sachiez.
    Moi-même, si j'étais à Ottawa, j'aurais appuyé l'adoption de ce projet de loi parce que je pense qu'il faut le renvoyer au comité pour que nous puissions en exposer les lacunes et que les gens viennent s'exprimer sur ses incidences.
    Quand le projet de loi C-50 sera soumis en troisième lecture, je vais voter contre.
    Il nous reste cinq minutes et nous devons vraiment nous arrêter à 16 heures précises parce que nous avons un train à attraper pour Montréal. Je vous serais donc reconnaissant d'être très brève, madame Grewal, et je suis certain que le greffier vous en saurait gré lui aussi.
    Merci, monsieur le président. Mes questions sont toujours brèves.
    Je tiens à vous remercier tous.
    Que nous recommandez-vous pour améliorer le système ou quelles sont vos propositions pour revoir le programme actuel des travailleurs temporaires? Pourrais-je avoir une réponse de chacun de vous?
    Il y a beaucoup de choses à dire sur le programme des travailleurs temporaires.
    Nous savons qu'il y a beaucoup de personnes sans papiers au Canada. Réfléchissons à un système de régularisation.
    Récapitulons un peu. Je pense que nous sommes tous d'accord qu'il faut corriger la LIPR, n'est-ce pas? Les modifications apportées en 2002 ont créé d'énormes problèmes. Pour le programme des travailleurs temporaires, il faut trouver une formule de régularisation.
    Il est moralement inacceptable de faire venir des personnes pour travailler au Canada de façon temporaire. Si le Canada veut croître économiquement et comme ce sont des immigrants qui ont bâti notre pays, nous devrions faire venir les gens de façon permanente.
    Il faut éliminer l'arriéré grâce à l'ajout de ressources dans les endroits d'où viennent les immigrants. Nous savons que notre paysage démographique a changé depuis 10 ans. Il est illogique qu'il y ait tant de ressources en Europe et si peu en Asie et en Afrique. Le Canada cible les immigrants français, par exemple, et se tient en Belgique. Nous devons donc en tenir compte quand nous décidons où placer nos ressources.
    Les 50 millions de dollars prévus dans le dernier budget pour faire venir des travailleurs temporaires devraient être investis dans nos postes de visa à l'étranger, en Asie et en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes.
    Je suis désolé, mais il est 16 heures précises.
    Monsieur le président, pouvez-vous leur laisser une ou deux minutes de plus?
    Je vais permettre une dernière observation.
    Roberto, voulez-vous dire quelque chose? Après, je vais clore la séance.
    Je suis totalement d'accord avec ce que Debbie vient de dire. J'ajouterais simplement que dans l'intervalle, étant donné l'affluence de travailleurs temporaires vers le Canada, il faut leur offrir des services jusqu'à ce que nos politiques soient revues et corrigées. Il faut les rendre admissibles aux services et veiller à ce que la loi canadienne protège comme il faut leurs droits de la personne.

  (1600)  

    Sima.
    L'accès aux syndicats: c'est tout ce que j'ajouterais à la recommandation de Roberto.
    Madame Chen.
    Même chose. Je pense aussi que nous devons reconnaître en principe que si nous avons besoin que des gens viennent ici travailler pour nous, nous devons reconnaître leur valeur. Nous devons leur permettre de s'établir ici de façon permanente et ne pas nous en débarrasser en les faisant partir dès que leur travail est terminé.
    Merci.
    Je remercie tout le monde d'avoir participé à notre séance et d'avoir présenté tant de points de vue intéressants. Nous allons formuler des recommandations, et je suis certain que nous allons tenir compte de vos points de vue. Je vous remercie.
    La séance est levée.