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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 015 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 février 2008

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Avant de commencer, je vais entendre un rappel au Règlement de M. Bellavance.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Avant de débuter, j'aimerais remercier sincèrement tous les membres du comité qui ont participé hier au débat d'urgence sur la crise du bétail. J'espère qu'on va réussir à faire avancer ce dossier. J'apprécie beaucoup le fait que la grande majorité des membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire ait participé à ce débat qui a été, je l'espère, fructueux.
    Monsieur le président, je sais que le comité a adopté une motion qui prévoit une réunion le lundi 25 février de 18 heures à 21 heures. J'aimerais savoir s'il est possible de devancer cette réunion afin qu'elle se tienne plutôt de 15 h 30 à 18 h 30. La réunion durerait quand même trois heures. J'aimerais simplement devancer la réunion, si c'est possible. J'aimerais avoir l'avis de mes collègues à ce sujet.
    Je ne sais pas s'il faut une motion ou si on peut décider de ça sans plus de formalités.

[Traduction]

    Il faut d'abord vérifier la disponibilité de la salle, pour s'assurer d'avoir une salle où nous pourrons siéger à 15 h 30.
    Je vois que les gens hochent la tête. Tout le monde préférerait siéger dans l'après-midi que dans la soirée. Mais je pense qu'il nous faudra une motion en ce sens.
    Monsieur Easter.
    Peut-être de 15 h 30 à 18 h 30... Si c'est difficile pour André de venir plus tard, nous n'avons pas d'objection à nous réunir plus tôt.
    Je crois que nous avons une réunion le lendemain, le 26. Aurons-nous alors terminé la liste des témoins?
    Une voix: Oui.
    L'hon. Wayne Easter: Et je ne pense pas qu'il y en ait d'autres. Je me demande si nous pourrions aborder l'étude article par article immédiatement après l'audition des témoins. Il y a énormément d'inquiétude dans ce secteur et l'on craint, compte tenu des rumeurs d'élections qui circulent en — et je crois que c'est une crainte légitime — que si jamais il y avait des élections avant que ce projet de loi soit adopté, une partie des investissements qui sont en jeu pourraient être perdus dans le cas de certaines petites usines.
    Je me demande également si nous pourrions convenir de passer immédiatement à l'étude article par article après l'audition des témoins le 26, dans le but d'en terminer.
    D'accord, et nous prolongerions donc la séance jusqu'à ce que nous ayons terminé.
    M. Miller est le premier sur ma liste.
    Monsieur le président, cela me semble une bonne suggestion.
    J'ai un autre comité, mais je vais m'en occuper. Je trouve que c'est une bonne idée et si elle est acceptée, je vais me trouver un remplaçant ici ou à l'autre comité.
    Madame Skelton.
    Je veux signaler que c'est la soirée du banquet de la Table pancanadienne de la relève agricole; je crois que bon nombre d'entre nous y serons.
    Vous voulez dire le 25?
    Je veux dire le 26.
    Le 26, nous aurions notre réunion le matin.
    Très bien.
    Proposez-vous, monsieur Easter, que nous en terminions lundi soir?
    Des voix: Non.
    Le président: Nous allons terminer mardi matin.
    L'hon. Carol Skelton: Mardi matin? Très bien, ça va.
    Monsieur Lauzon.
    J'appuie ces deux suggestions. Je trouve que c'est une bonne idée et je souscris aux commentaires de M. Easter, quand il dit que le secteur veut certainement que cette mesure soit adoptée le plus tôt possible.
    Tout le monde est donc d'accord?
    Est-ce que quelqu'un peut proposer que, nonobstant la motion adoptée le 12 février, le comité se réunisse de 15 h 30 à 18 h 30 le 25 février, au lieu de se réunir de 18 heures à 21 heures?
    Une voix: J'en fais la proposition.
    (La motion est adoptée.) [Voir le Procès-verbal]
    De plus, après l'audition de nos témoins le 25, nous passerons immédiatement à l'étude article par article afin de pouvoir faire rapport de cette mesure à la Chambre.
    Une voix: Le 25?
    Le président: Le 26.
    Tout le monde est d'accord? Très bien.
    Poursuivons nos audiences sur le projet de loi C-33.
    Nous accueillons comme témoins JoAnne Buth, du Conseil canadien du canola, et Kurt Klein, de l'Université de Lethbridge. C'est avec plaisir que je vous accueille devant le comité.
    La Canadian Cattlemen's Association a communiqué avec mon bureau. Ils sont un peu en retard. Quand ils arriveront, je crois que Brad Wilderman prendra la parole en leur nom.
    Nous allons entendre les déclarations des témoins. Je vous demanderais de vous en tenir à moins de 10 minutes.
    Madame Buth, vous pouvez prendre la parole en premier.
    Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité.
    Comme on l'a dit, je m'appelle JoAnne Buth et je suis présidente du Conseil canadien du canola. Le conseil est l'association commerciale de la chaîne de valeur du canola, et comprend les cultivateurs, les semenciers, les transformateurs et les exportateurs. Notre organisation appuie solidement un secteur florissant du biodiesel fabriqué à partir du canola qui représente une solution faite au Canada et qui est avantageuse à la fois pour les producteurs de canola et pour tous les Canadiens.
    Ce projet de loi, qui prévoit la prise de règlements établissant la teneur en carburant renouvelable du diesel, conjugué au nouveau programme fédéral écoénergie sur les biocarburants, doté de 1,5 milliard de dollars, est la clé de l'essor du secteur du biodiesel au Canada.
    Je sais que le temps m'est compté et je vais donc commencer par vous donner trois conclusions: le biodiesel fabriqué à partir de canola est bon pour l'environnement, bon pour les agriculteurs et bon pour l'économie; le canola est cultivé en abondance et de manière durable partout dans les Prairies, et également en Ontario; et le biodiesel de canola a des propriétés supérieures par temps froid dont on a clairement besoin compte tenu du climat canadien.
    Je vais maintenant m'attarder quelques minutes à chacun de ces points clés.
    Premièrement, au sujet de l'environnement, on parle beaucoup du changement climatique et de l'impact environnemental de la combustion des combustibles fossiles, mais je n'ai pas entendu beaucoup de solutions pratiques, surtout pour un pays qui compte si fortement sur les combustibles fossiles à la fois pour les transports et le chauffage. Le projet de loi C-33 offre une solution pratique et constitue un pas dans la bonne direction.
    L'utilisation du biodiesel peut réduire les émissions de gaz à effet de serre et atténuer les inquiétudes en matière de santé et de pollution qui ont été soulevées parce que nous sommes pris dans un cycle infernal marqué par la production et l'utilisation toujours croissantes de ressources pétrolières non renouvelables. D'après une étude canadienne faite à l'Université de Colombie-Britannique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre permise par le biodiesel de canola est de 85 p. 100 par rapport au diesel fossile. Le travail réduit du sol qui est caractéristique de la production du canola contribue aussi à réduire les émissions de carbone. De plus, l'utilisation du biodiesel peut réduire les émissions de monoxyde de carbone, les hydrocarbures non brûlés et les matières particulaires génératrices de smog.
    Je vais maintenant faire quelques observations sur l'impact pour les agriculteurs et l'économie. Nous exportons actuellement 75 p. 100 du canola produit au Canada. Cette norme sur le carburant renouvelable donnera un appui fondamental et à long terme à l'agriculture canadienne en créant une demande inélastique dont on a besoin dans notre secteur qui est dépendant du commerce. Nous sommes aussi très vulnérables à la fermeture des frontières causée par des barrières commerciales tarifaires et non tarifaires. Le biodiesel de canola fabriqué au Canada va stabiliser la demande et favoriser la croissance d'une industrie à valeur ajoutée qui est déjà en pleine croissance au Canada, en prévision d'une utilisation accrue en Amérique du Nord.
    L'impact positif d'une industrie du biodiesel de canola se fera sentir très rapidement. Des usines de biodiesel peuvent être construites en 18 à 24 mois. L'analyse économique montre que pour chaque dollar investi dans l'infrastructure du biodiesel, on obtient un rendement de 2 $ sous forme d'activité économique dans la construction et les industries dérivées. L'approvisionnement prévisible en coproduits du biodiesel entraînera aussi de l'activité économique complémentaire. La moulée fabriquée à partir du canola écrasé est une provende pour bétail riche en protéines pouvant remplacer des moulées importées plus coûteuses dans l'élevage laitier et porcin. En bout de ligne, chaque tranche de 100 millions de dollars de demande additionnelle de canola crée 730 emplois dans des industries à valeur ajoutée, ajoute 83 millions de dollars au PIB et donne des revenus fiscaux de 5,2 millions de dollars.
    Pour aborder plus précisément la question de l'approvisionnement et de la qualité du biodiesel de canola, nous n'avons aucun doute que les producteurs canadiens de canola peuvent produire la quantité nécessaire pour une teneur de 2 p. 100 et aussi pour une teneur de 5 p. 100. À 2 p. 100, la quantité de canola nécessaire serait de 1,3 million de tonnes pour l'ensemble du secteur du biodiesel. En 2007, nous avons produit tout juste un peu moins de neuf millions de tonnes, ce qui veut dire que la production du biodiesel aurait utilisé 14 p. 100 des récoltes.
    Pour 2015, la cible de production du secteur du canola est de 15 millions de tonnes, et ce chiffre s'applique à la production totale. Nous avons déjà prouvé que nous pouvons cultiver une quantité de canola plus que suffisante pour remplir le mandat. La quantité excédentaire de canola était de plus de 1,3 million de tonnes au cours des trois dernières années.
    Le biodiesel de canola est synonyme de qualité. Comme vous le savez, l'huile de canola est la meilleure huile pour la santé cardiaque des consommateurs à cause de sa faible teneur en graisses saturées. Or une faible teneur en graisses saturées se traduit par des artères non obstrués chez les humains et des filtres à carburant propres dans les moteurs diesel. Résultat: une performance supérieure par temps froid.

  (0910)  

    Le biodiesel de canola est déjà éprouvé et est utilisé couramment en Europe. Au Canada, on en fait actuellement la démonstration par temps froid en Alberta et, croyez-moi, à moins 51o Celsius, c'est la froidure canadienne à son meilleur et c'est un véritable test. Notre produit est une solution propre pour alimenter les moteurs diesel dans les automobiles, les camions, les tracteurs, la machinerie lourde et les bateaux. Et les moteurs diesel n'exigent aucune modification pour carburer au biodiesel.
    En bref, le projet de loi C-33 est le premier pas vers la création d'une industrie canadienne du biodiesel de canola. Nous vous exhortons à agir rapidement pour garantir l'établissement et la survie à long terme d'une industrie canadienne du diesel renouvelable. Il faut agir dès aujourd'hui.
    Les agriculteurs canadiens sont prêts à cultiver et à livrer une matière première de grande qualité, durable et renouvelable à nos entrepreneurs industriels qui s'en serviront pour produire des carburants renouvelables de calibre mondial ici même au Canada. Nous avons une culture canadienne qui nous offre une solution faite au Canada.
    Je vous remercie de créer cette occasion pour les agriculteurs et les transformateurs canadiens et pour toute l'économie.

  (0915)  

    Merci.
    Monsieur Klein, vous avez la parole.
    Je suis ravi d'être ici, étant passé de la tempête albertaine à la neige d'Ottawa.
    Il y a un peu plus d'un an et demi, le gouvernement canadien a fait connaître son intention d'exiger que 5 p. 100 du carburant utilisé pour les transports au Canada provienne de sources renouvelables d'ici 2010. À ce moment-là, on produisait au Canada tout juste plus de 200 millions de litres d'éthanol. À la fin de décembre dernier, la capacité de production au Canada avait augmenté, passant à plus de 760 millions de litres par année dans 10 usines d'éthanol en exploitation. Six autres usines sont en construction et quand elles seront terminées, la production actuelle aura plus que doublé, passant à quelque 1,6 milliard de litres par année. Cela représentera environ la moitié de la production nécessaire pour atteindre la cible de 5 p. 100 proposée dans le cadre de la stratégie des carburants renouvelables.
    Les principales raisons de faire la promotion d'une industrie des biocarburants par des politiques gouvernementales sont les suivantes: premièrement, augmenter et stabiliser le revenu agricole grâce à la création de nouveaux marchés pour les denrées agricoles; deuxièmement, promouvoir le développement rural et la diversification économique; troisièmement, réduire les émissions de gaz à effet de serre; et quatrièmement, aider à assurer la sécurité énergétique.
    Dans le peu de temps dont je dispose, je voudrais traiter de la mesure dans laquelle l'industrie des biocarburants permet d'atteindre les deux premiers de ces objectifs, la promotion du développement rural et l'augmentation du revenu agricole.
    Premièrement, que dire du développement rural? Beaucoup de gens soutiennent que les nouveaux emplois créés dans les usines de biocarburants donnent un nouvel élan à l'emploi local et à l'activité économique dans les régions. C'est vrai. Cependant, je crois qu'on peut dire que l'on observe parmi les partisans de l'industrie des biocarburants une certaine tendance à exagérer l'activité économique associée aux biocarburants. Les recherches indiquent que seulement un petit nombre d'emplois permanents sont créés dans le secteur du biocarburant. En Iowa, une nouvelle usine d'éthanol produisant 190 millions de litres par année emploie tout au plus 35 travailleurs permanents. La nouvelle usine d'éthanol de Husky Energy à Lloydminster, en Saskatchewan, emploiera seulement 26 travailleurs à plein temps. Même ce résultat modeste doit être quelque peu pondéré, car il s'agit du gain brut d'emplois et non pas du gain net, et la différence est importante.
    Une nouvelle usine d'éthanol augmente les salaires versés à la main-d'oeuvre locale. Cela exerce des pressions sur d'autres entreprises des environs qui doivent suivre et augmenter les salaires de leurs employés. En contrepartie de ces salaires plus élevés, d'autres entreprises sont incitées à réduire le nombre d'heures de travail de leurs employés.
    À la suite de la hausse du prix des céréales fourragères, la rentabilité et l'ampleur du secteur du bétail pourraient être réduites, et cela se répercuterait sur les secteurs du transport et de la transformation du bétail. Par conséquent, les avantages nets en termes de développement rural sont réduits par les pertes d'emplois et de revenus dans d'autres secteurs. Pour cette raison, le gain net d'emplois est généralement très inférieur au gain brut et, en fait, il pourrait fort bien être négatif dans les provinces des Prairies.
    Une autre raison qui explique les tentatives d'établir une industrie des biocarburants florissante au Canada est le désir d'augmenter le revenu des agriculteurs. Dans la foulée de l'utilisation accrue de céréales et d'oléagineux pour la production de biocarburants, le prix des denrées agricoles a augmenté considérablement depuis un an et demi. Les prix du maïs, du soya et du canola ont à peu près doublé, tandis que les prix de l'orge et du blé ont augmenté de près de 80 p. 100. Un résultat inévitable et indésirable de cette frénésie des biocarburants est l'augmentation du coût des provendes pour les producteurs de bétail. Le prix des céréales fourragères a augmenté considérablement depuis un an et demi et les éleveurs de bétail et de porc ont subi d'énormes pertes. Les producteurs de céréales et d'oléagineux connaissent une période de grande prospérité, mais ils ont porté un dur coup aux secteurs du porc et du boeuf, lesquels dépendent fortement de la disponibilité de céréales fourragères.
    Étant donné l'expansion gigantesque actuellement en cours dans la production d'éthanol aux États-Unis et au Canada, il semble que le prix des céréales fourragères pourrait augmenter encore plus. Des pertes énormes se sont accumulées dans le secteur du bétail ces derniers mois et cela pourrait se poursuivre si la production d'éthanol continue d'augmenter ou si l'on obtient un faible rendement cette année dans l'une ou l'autre des principales régions céréalières du monde. Les nouvelles continueront d'être bonnes pour les producteurs de céréales, mais pas pour les éleveurs de bétail.
    Est-ce qu'une industrie du biocarburant florissante réglerait le problème perpétuel des faibles revenus agricoles au Canada? Malheureusement, des prix plus élevés pour les céréales et les oléagineux ne se traduisent pas nécessairement par un revenu agricole net plus élevé. Ce qui importe, c'est le revenu net et non pas le revenu brut. Le revenu net est le revenu brut moins le coût total de production. À cause de la hausse des prix des céréales et des oléagineux, le prix de tous les autres intrants nécessaires à la production du maïs augmente également, par exemple les engrais, l'équipement et l'entreposage.
    Comme on prévoit un rendement plus élevé dans la culture du maïs, le prix des terres et les loyers augmentent rapidement aux États-Unis. Étant donné la structure compétitive du secteur des céréales et des oléagineux, quand le prix des denrées augmente, il en résulte toujours une hausse du prix des terres et le rendement net du travail agricole augmente peu ou pas du tout. Cela veut dire que les grands gagnants de l'essor des biocarburants seront probablement les propriétaires actuels des terres agricoles. Les locataires et travailleurs agricoles seront très peu avantagés et les nouveaux agriculteurs seront confrontés à des coûts de lancement plus élevés à cause du coût plus élevé de la terre.

  (0920)  

    Même s'il y aura plus d'argent injecté dans l'agriculture, ce n'est pas tout le monde qui va y gagner et, chose certaine, on ne verra pas la fin du sempiternel problème de la faiblesse du revenu net dans l'agriculture. Nous avons déjà beaucoup d'indices montrant que le prix des terres est à la hausse. Je vais passer ce passage.
    Il faut faire remarquer aux membres du comité que beaucoup de questions économiques importantes relatives à l'établissement d'une industrie des biocarburants au Canada n'ont pas fait l'objet de recherches approfondies. Les coûts et les avantages pour la société canadienne de la création d'une industrie des biocarburants par l'entremise d'initiatives gouvernementales sont encore en grande partie inconnus. Très peu d'études économiques ont été faites.
    Il est clair qu'il y aura une incidence négative sur le secteur canadien de l'élevage, en particulier pour les producteurs de boeuf et de porc. Je m'inquiète de changements possibles dans les méthodes et l'emplacement des centres de production, à cause du coût beaucoup plus élevé des fourrages. Nous avons déjà connu d'importants changements dans la localisation des centres de production dans le passé à la suite de changements relativement minimes mais permanents dans le ratio des prix des céréales et de la viande.
    Par exemple, quand le transport des céréales de l'Ouest était fortement subventionné, le secteur du porc et une grande partie du secteur des parcs d'engraissement bovin sont allés s'installer dans l'est du Canada. Avec l'introduction des politiques de compensation après l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau, à la fin des années 1980, et finalement l'élimination des subventions au titre de la LTGO en 1995, une grande partie de l'industrie de l'élevage est retournée dans l'Ouest.
    On constate déjà d'importants changements dans la localisation de la production laitière dans le midwest des États-Unis. Alors je me pose la question: notre secteur du porc, en particulier au Manitoba, est-il vulnérable? Et que dire de notre importante industrie du boeuf en Alberta? Est-ce qu'elle pourrait déménager en grande partie au sud de la frontière, ou bien une partie du secteur du boeuf du Colorado et du Nebraska pourrait-elle se retrouver au Canada?
    La vérité est que nous n'avons pas la moindre idée de ce qui pourrait se passer pour ce qui est de la localisation de la production du bétail. De plus, personne au Canada ne fait de recherche dans ce domaine. Nous n'avons même pas élaboré les modèles économiques nécessaires pour analyser le dossier. C'est tout un contraste avec ce qui se passe aux États-Unis, où une douzaine d'économistes dans une seule université, la Iowa State University, font de la modélisation et étudient ce problème depuis déjà plus de deux ans. J'ai établi un lien entre mes recherches et celles de l'Université de l'Iowa pour essayer d'avoir une idée de ce qui va se passer au Canada.
    En conclusion, il est clair que le biocarburant est devenu une industrie en plein essor avec la croissance rapide de la production d'éthanol aux États-Unis, au Brésil, au Canada et dans d'autres pays, et l'accélération de la production de biodiesel en Europe occidentale. L'intervention gouvernementale sous de nombreuses formes, y compris des subventions pour la construction et l'exploitation d'usines de biodiesel, l'imposition d'une teneur minimale en biocarburants dans les combustibles liquides, et de nouveaux règlements modifiant les régimes fiscaux ont grandement stimulé la production mondiale de biocarburants depuis plusieurs années. Bon nombre des conséquences de cette ruée vers les biocarburants seront indésirables pour l'agriculture canadienne, quoiqu'il est certain que les propriétaires de terres agricoles vont y gagner.
    Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les marchés des denrées comme le maïs, le blé, l'essence et l'éthanol sont mondiaux. L'offre de céréales à l'exportation aux États-Unis a une profonde influence sur les cours mondiaux. La ruée vers l'éthanol aux États-Unis a une incidence économique plus forte sur l'agriculture canadienne que n'importe quelle politique sur le biocarburant mise en oeuvre par les gouvernements canadiens. La plupart des usines de biocarburants vont probablement demeurer en production même si elles deviennent non rentables, si le prix du pétrole baisse. Une fois que les usines de biocarburants sont construites, elles doivent seulement recouvrer leurs coûts variables pour demeurer en production. Cela veut dire que toutes les conséquences du retrait d'une aussi grande quantité de céréales et d'oléagineux de la chaîne alimentaire humaine et animale vont probablement se produire, même si le cours du pétrole recule.
    Merci.
    Merci.
    Travis Toews, de la Canadian Cattlemen's Association, se joint maintenant à nous.
    Je vous souhaite la bienvenue, Travis. Je vous cède la parole et je vous demanderais de vous en tenir à 10 minutes ou moins.
    Merci, monsieur le président, de tenir des audiences sur le projet de loi C-33 et de m'avoir invité à faire connaître au comité le point de vue de la Canadian Cattlemen's Association, organisation qui représente plus de 90 000 producteurs de bétail.
    Je suis un administrateur élu de la Canadian Cattlemen's Association. Je suis vice-président du comité du commerce extérieur et je préside également le groupe de travail sur les biocarburants de l'association. Ma famille et moi-même exploitons un ranch à l'ouest de Grand Prairie, en Alberta, ainsi qu'une exploitation de naissage et de semi-finition dans le secteur bovin.
    Le secteur des biocarburants en Amérique du Nord a connu récemment une croissance importante. Les partisans d'une industrie des biocarburants évoquent les prix accrus que les agriculteurs reçoivent pour leurs céréales, un environnement plus sain, des régions rurales revitalisées, et une dépendance moindre envers les combustibles fossiles. Les adversaires évoquent généralement les prix plus élevés des aliments et l'incertitude qui entoure la mesure de l'empreinte écologique des biocarburants par rapport à celle des carburants pétroliers.
    Aujourd'hui, je voudrais vous faire part de l'incidence potentielle sur un secteur qui est actuellement l'un des principaux clients canadiens pour les céréales canadiennes: le secteur de l'engraissement du bétail.
    Pour chaque veau amené jusqu'à la finition, il faut environ 1,25 tonne. En conséquence, la rentabilité du secteur canadien du bétail est sérieusement touchée par la disponibilité et le prix des céréales fourragères. La croissance rapide du secteur des biocarburants en Amérique du Nord ces dernières années a été encouragée par des politiques de subventions de la production et de stimulation de la demande par des normes obligatoires. À cause de ce phénomène, auquel s'ajoute la demande accrue en provenance des pays en développement, les stocks mondiaux de céréales sont très bas, tandis que les prix des céréales atteignent des niveaux records.
    Nous prévoyons que la production canadienne et mondiale de céréales va augmenter en réponse à la hausse des prix, mais nous craignons que la croissance et la demande extrêmement fortes encouragées par les politiques nord-américaines des biocarburants pourraient dépasser l'offre à court et à moyen termes. Si jamais une pénurie de denrées survient dans l'une ou l'autre des grandes régions productrices de l'Amérique du Nord d'ici un an ou deux, le secteur du bétail et son infrastructure pourraient être durement éprouvés. Durant une année de pénurie, le secteur du bétail devrait rivaliser pour l'approvisionnement en provendes avec un concurrent qui a l'avantage de compter sur une demande imposée par règlement.
    Je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour dire, au nom de l'association, que nous sommes contre les biocarburants ou un bon rendement pour les producteurs canadiens de céréales. Je veux simplement faire une mise en garde quant aux conséquences potentielles imprévues de ce projet de loi et me prononcer en faveur d'une transition vers une approche axée sur le marché dans le secteur des biocarburants au Canada.
    L'année dernière, j'ai présidé le groupe de travail de l'Association sur les biocarburants. Ce comité était formé de producteurs de bétail de partout au Canada. Nous avons rencontré des chercheurs, des obtenteurs végétaux et des producteurs d'éthanol. En bout de ligne, nous avons formulé quatre recommandations qui ont par la suite été adoptées comme politique par le conseil de la CCA. Je vais vous en faire part.
    Premièrement, la CCA se prononce en faveur d'une transition clairement définie et rapide vers une approche axée sur le marché pour la production de l'énergie renouvelable, dans le but de rétablir un équilibre compétitif entre les secteurs.
    Deuxièmement, la CCA appuie l'élimination des droits de douane sur les biocarburants importés.
    Troisièmement, la CCA soutient que tout nouvel encouragement au secteur des biocarburants doit mettre l'accent sur la production de biocarburants à partir de sources qui n'ont pas d'incidence sur la disponibilité du fourrage pour le bétail.
    Quatrièmement, la CCA demande officiellement au gouvernement d'ajouter des mesures de sauvegarde dans l'éventualité de pénuries de denrées, notamment l'élimination de tous les droits de douane restants, la réduction des teneurs obligatoires ou des mesures incitatives.
    Nous reconnaissons le désir du gouvernement d'aider à lancer l'industrie des biocarburants au Canada, mais nous soutenons qu'en fin de compte, le marché, libre de toute exigence et ingérence du gouvernement, est la meilleure méthode pour déterminer l'utilisation équilibrée des céréales fourragères. Un secteur des biocarburants fondé sur les forces du marché aura une croissance à un rythme gérable et sera beaucoup plus durable à long terme. De plus, la croissance qui en résultera se fera à un rythme tel que la demande de matières premières aura moins de chances de dépasser dangereusement l'offre.
    En terminant, nous espérons que les membres de votre comité prendront des mesures pour s'assurer que les secteurs des biocarburants et de l'élevage puissent rivaliser et coexister en bénéficiant des mêmes règles du jeu, garantissant ainsi que l'on ne va pas simplement remplacer une industrie à valeur ajoutée par une autre.
    Merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler de cette question importante.

  (0925)  

    Merci, monsieur Toews.
    Nous allons commencer par des tours de parole de sept minutes. M. St. Amand sera le premier intervenant.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Buth et messieurs, d'être venus.
    Je vais partager mon temps, monsieur le président, avec mon distingué collègue le député de Huron—Bruce.
    J'ai deux ou trois questions à vous poser, madame Buth.
    Dans le domaine de l'énergie éolienne et solaire, nous avons certainement du retard par rapport aux Européens. Vous invoquez le même argument au sujet du biodiesel de canola qui, semble-t-il, est beaucoup utilisé en Europe. Pouvez-vous quantifier le retard que nous avons par rapport à l'Europe et dire comment l'écart sera rétréci si nous adoptons le projet de loi C-33?

  (0930)  

    L'industrie européenne du biodiesel a été lancée il y a quatre ou cinq ans. Il y a eu là-bas de nombreux débats sur l'impact des biocarburants. En Europe, c'est surtout le biodiesel, parce que la plupart de leurs voitures carburent au diesel. La dynamique est différente de celle de l'Amérique du Nord.
    Ils ont récemment passé en revue leur réglementation et ils envisagent de porter la teneur obligatoire à 10 p. 100. Je ne me rappelle pas de la date, mais ils ont une teneur obligatoire en vigueur depuis un certain temps. Ils ont aussi un programme d'incitatifs qui déclinent graduellement. Dans beaucoup de pays d'Europe, on utilise du biodiesel fabriqué à 100 p. 100 de canola.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à n'importe lequel d'entre vous et porte sur les observations formulées par le sénateur Barack Obama au sujet de l'ALENA. Je pense qu'il a dit que s'il était élu président, il adopterait une position encore plus protectionniste que celle du gouvernement actuel. Or je crois savoir que la politique actuelle des États-Unis relativement au secteur du biocarburant est extrêmement protectionniste. Je me demandais quel était le traitement du biocarburant aux termes de l'ALENA, notamment pour l'accès préférentiel prévu dans l'ALENA. Connaissez-vous ce dossier?
    Pour nous, le problème est le programme d'incitatifs pour le biodiesel aux États-Unis, qui constituent une subvention d'un dollar le gallon. Cela donne environ 30 ¢ le litre au Canada. Si l'on adoptait au Canada une teneur obligatoire sans l'accompagner de mesures incitatives, on constaterait que le biodiesel serait en grande partie importé des États-Unis.
    Exportera-t-on du biodiesel de canola aux États-Unis? Les usines seront probablement construites aux États-Unis, comme c'est le cas aujourd'hui. À l'heure actuelle, le canola va alimenter l'une des grandes usines de biodiesel sur la côte Ouest américaine.
    Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de problèmes frontaliers pour le biodiesel. Le problème, c'est la différence entre les programmes d'incitatifs.
    Je vous cède la parole.
    J'ai toute une série de questions à poser, mais je ne crois pas que je pourrai les poser toutes.
    Je constate qu'il y a des forces contradictoires en jeu entre le secteur du boeuf et le secteur des céréales vendues à prix fort. Je connais et comprends votre position à tous les deux. Nous ne pouvons pas continuer d'avoir des prix bas pour les céréales et nous ne pouvons pas non plus continuer de vendre du boeuf au prix où nous le vendons aujourd'hui. Nous ne pouvons pas plaider en faveur de l'ouverture des frontières et, du même souffle, réclamer des droits de douane. Je sais que vous aimeriez que certains droits de douane soient supprimés sur les produits qui entrent au Canada, mais cela va causer des problèmes dans d'autres secteurs.
    Le secteur du canola se tourne vers l'industrie du biodiesel et s'attend à ce qu'elle devienne un important utilisateur de son produit. Je me demande si les recherches scientifiques qui ont permis au départ de créer le canola, la technologie et l'obtention de nouvelles semences, sont poursuivies par les Américains. Vont-ils commencer à cultiver beaucoup de canola et ébranler notre secteur, ou bien vont-ils aligner les prix pour qu'ils deviennent justes et compétitifs? Est-ce qu'aucun autre pays n'a relevé ce défi?
    Je vous invite aussi à nous parler des MRS, que l'on est maintenant tenu d'enlever. Cela représente un coût pour votre industrie, monsieur Toews. N'y a-t-il pas un rendement à tirer de ces MRS, que l'on peut et devrait utiliser? Je crois qu'elles seront utilisées dans le procédé d'extraction pour la fabrication du biodiesel. Mais n'y a-t-il pas un mécanisme de compensation qui vous permettrait de réduire vos coûts et permettrait à l'industrie du biodiesel d'en assumer une partie? Nous en sommes encore au début, mais on a sûrement réfléchi à tout cela.
    Je vous demanderais aussi de nous dire quels autres pays rivalisent pour ce marché du canola.

  (0935)  

    Comme je l'ai dit, nous exportons 75 p. 100 de notre canola. En fait, nous travaillons en très étroite collaboration avec le secteur américain du canola. La demande d'huile de canola est à la hausse. Nous avons un programme de promotion très poussé pour essayer d'accroître l'utilisation de l'huile de canola aux États-Unis dans le domaine alimentaire; il y a là une forte croissance.
    Nous ne pensons pas que les États-Unis deviennent jamais une menace à la production de canola, en partie parce que le canola est cultivé en régions tempérées, de sorte que les principales régions productrices sont le Dakota du Nord et le Minnesota — surtout le Dakota du Nord. Il y a des possibilités de cultiver le canola d'hiver dans le sud des États-Unis, mais je ne crois pas que cela supplante jamais d'autres cultures comme celle du soya.
    Ce sera intéressant si nous parvenons à résoudre le problème à l'OMC et commençons à voir une baisse des subventions intérieures aux États-Unis. À l'heure actuelle, le canola fait l'objet de discrimination, de sorte que la superficie ensemencée aux États-Unis va même diminuer cette année. C'est un autre facteur qui entre en jeu pour ce qui est des subventions intérieures à différentes cultures aux États-Unis. Nous ne pensons donc pas que les États-Unis posent un problème.
    On produit beaucoup de canola en Europe. Évidemment, il est utilisé là-bas. En Chine, on produit du colza, qui n'a pas le même profil que le canola, quoique les Chinois s'orientent dans cette direction. Si l'on tient compte des problèmes qui se posent actuellement en Chine, notamment le besoin d'augmenter la production d'huile à des fins alimentaires, nous ne pensons pas qu'il y aura des problèmes de ce côté-là non plus.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Bellavance.

[Français]

    Je m'exprimerai en français.
    Je vous remercie de vos témoignages. Docteur Klein et monsieur Toews, vous avez parlé des conséquences d'une expansion du marché du biodiésel, des biocarburants et de l'éthanol au Canada et de l'effet domino que cela entraînerait.
    Supposons que le Canada décide de ne rien faire et de ne pas se préoccuper de mettre en marche des programmes pour avoir plus d'énergie renouvelable qu'aujourd'hui. Il faut comprendre que notre voisin du Sud, les États-Unis, est en plein essor à cet égard et qu'il est de toutes façons juste à côté de nous. Pensez-vous que les conséquences sur la hausse des prix des grains pour nos producteurs de bétail seraient tout aussi problématiques?
    On peut décider de ne rien faire, en se disant que de toutes façons, on est pris avec cela. Nous pouvons aussi tenter nous-mêmes de réduire notre dépendance au pétrole, mais en adoptant peut-être des stratégies et des façons de faire qui nous permettraient au moins d'atténuer ces conséquences néfastes.
    Avez-vous une idée, une opinion sur ce que je viens de dire?

[Traduction]

    Merci beaucoup pour cette question.
    C'est certain, je l'ai d'ailleurs dit dans mes observations et je l'ai écrit aussi dans plusieurs journaux, que c'est la très forte croissance de la production d'éthanol aux États-Unis qui fait monter le cours des céréales dans le monde entier. Les politiques et mesures américaines exercent beaucoup plus d'influence que tout ce que nous faisons ici au Canada. Les nouvelles usines d'éthanol au Canada créent quelques répercussions locales, mais en fait, le prix de nos céréales resterait à peu près le même, peu importe que nous ayons des usines d'éthanol ou que nous n'en ayons pas.
    Les États-Unis dépensent énormément d'argent pour cette politique et vont continuer à en dépenser beaucoup. Ils l'ont dit clairement. Ils sont dans une situation très différente de la nôtre. Ils sont embourbés dans des conflits au Moyen-Orient et c'est très attirant pour eux en ce sens que cela leur permet de réduire leur dépendance pétrolière. Bien sûr, ils ne réussiront pas à réduire très sensiblement leur dépendance envers le pétrole importé. Environ 3 p. 100 de leur consommation de carburant vient de sources renouvelables. Le président Bush a annoncé dans le discours sur l'état de l'Union de 2007 le plan 20-en-10 qui exigerait que la production d'éthanol soit quasiment multipliée par cinq, mais je ne crois pas qu'ils puissent atteindre ce niveau. Même s'ils y parvenaient, ils n'obtiendraient toujours que 15 p. 100 de leur consommation de carburant. L'agriculture sera complètement transformée si jamais ils parviennent à ce niveau.
    Maintenant, vous demandez si le Canada devrait faire cela ou non, pour la simple raison que les États-Unis le font, et je pense que nous devons nous poser la question: pourquoi faisons-nous cela? Nous ne sommes pas dépendants envers l'approvisionnement énergétique étranger. En fait, nous sommes exportateurs nets de la plupart des formes d'énergie, notamment le pétrole, le gaz, le charbon, l'hydroélectricité et bien d'autres formes d'énergie. Ce sera coûteux pour le Canada d'appliquer cette politique. Je crois que les répercussions seront plus difficiles pour certains secteurs de transformation à valeur ajoutée au Canada.
    Je pense que le Canada aurait dû faire un examen plus approfondi avant de se lancer dans cette voie. Nous n'avons pas le même état d'urgence que d'autres pays et je ne suis pas certain que nous voulions continuer de financer cela. Cette industrie va devenir très coûteuse; je n'ai aucun doute là-dessus. À cause du prix élevé du maïs et des matières premières, même l'industrie de l'éthanol aux États-Unis n'est maintenant presque plus rentable. Nos coûts de construction sont beaucoup plus élevés qu'aux États-Unis. Nous construisons généralement des usines plus petites qui n'ont pas les mêmes économies d'échelle. En fait, dans plusieurs provinces, il y a de nombreux programmes pour aider les agriculteurs à investir dans de très petites usines. Ces usines auront un coût de revient très élevé et de lourdes répercussions financières et exigeront une aide continue du gouvernement à l'avenir.
    C'est une politique coûteuse. Nous pouvons le faire, mais je pense que nous aurions dû examiner cela de plus près avant de plonger.

  (0940)  

[Français]

    Monsieur Toews, j'aimerais vous entendre là-dessus.
    Je peux peut-être vous rappeler certains propos que vous avez tenus. Vous avez suggéré d'éliminer les tarifs sur les biocarburants importés. Est-ce parce que vous pensez qu'il y aurait moins de conséquences pour les producteurs de boeuf si nous importions nos biocarburants plutôt que de les fabriquer nous-mêmes? Je veux bien vous comprendre.

[Traduction]

    Je vous remercie pour cette question.
    Je conviens qu'au Canada, la hausse du prix des céréales est essentiellement attribuable à la croissance du secteur des biocarburants aux États-Unis. Ce que nous craignons vraiment, c'est une année de pénurie. Nous savons qu'en Amérique du Nord, nous connaissons de temps à autre la sécheresse ou des années de pénuries dans les principales régions productrices de céréales.
    Nous craignons que si la demande est soutenue par un règlement sur la teneur obligatoire, et aussi par des droits de douane sur les denrées importées, dans l'éventualité d'une mauvaise récolte au Canada, le secteur du bétail sera incapable de faire concurrence à l'industrie des biocarburants pour l'achat de céréales fourragères.
    C'est pourquoi nous disons qu'il faudrait envisager d'éliminer les droits de douane, en particulier lors des années de mauvaise récolte, lorsqu'il y a pénurie de denrées.

[Français]

     J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi il est préférable pour vous que le Canada importe ses biocarburants. Je sais que vous venez de l'expliquer, mais je ne comprends toujours pas. J'ai l'impression qu'il est préférable de faire la promotion de nos propres énergies renouvelables plutôt que de les importer.

[Traduction]

    Je vous demanderais de répondre très brièvement, monsieur Toews, parce qu'il ne reste plus de temps.
    Dans l'éventualité où nous avons au Canada une demande renforcée par la teneur obligatoire et une pénurie de denrées au Canada, de sorte qu'il n'y a pas suffisamment de denrées pour alimenter à la fois l'industrie des biocarburants et le secteur de l'élevage du bétail, si nous n'avions pas de droits de douane empêchant les produits d'entrer librement au Canada, il serait possible de remplir le mandat sans imposer un stress supplémentaire sur l'approvisionnement en céréales fourragères au Canada.

  (0945)  

    Monsieur Storseth, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais commencer aujourd'hui par remercier chacun des témoins d'être venus. Je sais que c'est un long vol depuis l'Alberta. J'en ai fait l'expérience à quelques reprises. Et c'est l'hiver idéal pour faire l'expérience du climat hivernal de l'Alberta, où il fait actuellement moins 51 degrés.
     J'ai plusieurs questions. Je vais peut-être commencer par faire une observation à M. Toews.
    N'êtes-vous pas d'accord pour dire que, surtout dans votre région du nord de l'Alberta et la région de Peace River, d'où vous venez, l'un des principaux facteurs qui dissuadent nos producteurs d'accroître leur superficie plantée de blé et d'orge, c'est la Commission canadienne du blé, dont ils ne veulent rien savoir?
    Je ne suis pas d'accord avec cette observation.
    Merci.
    Madame Buth, je voudrais que vous me parliez de l'échéancier. À votre avis, à quel point est-ce important de mettre cela en oeuvre de façon accélérée? Avez-vous un échéancier précis que vous aimeriez voir dans votre secteur?
    À l'heure actuelle, on propose 2 p. 100 d'ici 2012, sous réserve que les tests d'efficacité par basse température soient probants. Nous préférerions que ce soit 2010.
    Nous avons des usines prêtes à être mises en chantier et chaque jour que l'on retarde la décision fait augmenter le risque que courent les compagnies qui veulent construire ces usines et qui s'efforcent d'amasser les fonds voulus sur le marché. La situation devient donc plus instable pour eux. Plus la mise en oeuvre est retardée, plus il devient difficile pour eux de dire quand ils seront en mesure de lancer les travaux.
    Il est évident que l'imposition d'une teneur de 2 p. 100 va stabiliser le marché. Il y aura un marché.
    C'est dans deux ou quatre ans — 2012 ou 2010. C'est assez rapide. Vous dites que vous aimeriez que cela se fasse tout de suite?
    Que ce soit avancé à 2010, oui.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Docteur Klein, j'ai trouvé votre exposé extrêmement intéressant et quelque peu étonnant, de la part d'un Albertain.
    Vous parlez de développement rural et de l'augmentation du revenu agricole. Je voudrais explorer cela un peu avec vous pour mieux comprendre votre argumentation. Votre position est que l'usine moyenne en Alberta, par exemple, entraînerait la création de quelque 35 emplois, mais qu'il y aurait perte nette pour la collectivité — ou bien est-ce seulement la possibilité d'une perte nette?
    Non, je dis que les usines créent environ 30 emplois permanents dans la collectivité. Par exemple, l'usine de Husky à Lloydminster fournit 26 nouveaux emplois. Mais c'est le chiffre brut de nouveaux emplois.
    Je dis que le nombre d'emplois pourrait fort bien diminuer dans d'autres secteurs connexes dans la même région. Par exemple, s'il y a des répercussions dans le secteur du bétail, et nous sommes déjà certains que ce sera le cas, il pourrait bien y avoir décroissance du secteur du bétail, auquel cas il y aurait moins d'emplois pour le transport du bétail, dans la transformation, etc. Il faut donc soustraire cela des 26 emplois créés.
    Une collectivité pourrait être gagnante tandis que d'autres aux alentours seraient perdantes. En fait, dans une province comme l'Alberta, ou même la Saskatchewan ou le Manitoba, on pourrait même assister à une réduction nette de la diversification rurale et de l'emploi rural. On verrait plusieurs nouvelles usines d'éthanol ici et là, mais ce que l'on ne verrait pas, c'est ce qui manque et ce qui a été amoindri.
    Mais il me semble — je ne suis pas économiste et je ne veux donc pas être en désaccord avec vous — que l'exemple que nous avons découvert en Alberta est exactement le contraire de ce que vous dites. Quand on observe ce type de diversification dans l'Alberta rurale, comme on l'a vu pour les sables bitumineux — et votre argument est le même qu'avançaient les adversaires des subventions et du développement des sables bitumineux il y a 15 ans — il me semble qu'à chaque fois que nous ajoutons de nouvelles industries dans ces collectivités, nous nous retrouvons avec des retombées créant de plus nombreux emplois et donnant des salaires plus élevés et, oui, également des prix plus élevés pour les terres agricoles et autres terrains.
    Mais de mon point de vue, il me semble que vous parlez de tout cela de façon abstraite. Étant donné l'exemple que nous avons vu en Alberta, surtout en Alberta rurale, toute l'économie... Dans ma région, des villes comme St. Paul et Glendon sont des localités où il n'y avait pas vraiment d'industrie viable autre que l'agriculture pendant de nombreuses années. L'exploitation pétrolière est arrivée et tout à coup, le revenu moyen a augmenté. Les retombées se multiplient pour les gens de métier, les plombiers, les électriciens et les compagnons. Il me semble que le revenu moyen et le niveau de vie moyen augmentent en réalité en pareil cas. L'Alberta en est un exemple éclatant.

  (0950)  

    Je suis d'accord. Chose certaine, je crois que l'industrie pétrolière est différente. Les études dont je m'inspire émanent de l'Iowa, où il y a plus d'usines d'éthanol que n'importe où ailleurs. Pour le développement rural, dans certaines villes comme Albert Lea, au Minnesota, et d'autres, où il y a une usine d'éthanol, il y a eu augmentation du nombre d'emplois. Mais dans les villes environnantes, l'emploi n'a pas augmenté au même rythme que le prédisaient les promoteurs. Il y a augmentation, mais elle est minime. Par exemple, en Iowa, le secteur du porc commence à diminuer. Nous n'avons pas étudié cela au Canada, mais on l'a étudié en Iowa. Tout ce que je dis, c'est qu'il y a amélioration minime, tout au plus.
    Merci, monsieur Klein.
    Je tiens à dire d'entrée de jeu que notre comité et tous les membres du comité veulent absolument trouver le moyen de relancer nos secteurs du boeuf et du porc, qui sont dans le marasme actuellement. Ce marasme s'explique par plusieurs raisons. Les prix élevés des fourrages ne sont pas la seule raison, et je sais que vous le savez. Vous ne dites pas que c'est le cas.
    Vous parlez de l'Iowa et de politiques et vous parlez de la politique étrangère de George Bush, mais c'est un fait que le Canada est le pays d'où les États-Unis d'Amérique importent la plus grande quantité de pétrole. Je suis plutôt en désaccord avec l'argument du Moyen-Orient.
    Parlons de l'Iowa, puisque vous venez d'en parler. En fait de politiques, il n'y a pas un seul politicien — vous avez évoqué le plan de George Bush annoncé dans le discours sur l'état de l'Union — qui veut gagner en Iowa et qui évoquerait l'idée d'enlever cette industrie à l'Iowa. Les gens de l'Iowa et de tout le midwest des États-Unis tiennent énormément à cette industrie parce qu'ils considèrent qu'elle apporte d'immenses avantages en termes économiques et pour leur niveau de vie.
    Il y a évidemment le revers de la médaille et je pense que nous devrions l'examiner d'un peu plus près. Mais je crois et je suis convaincu que si nous agissons de façon responsable dans ce secteur et si nous allons de l'avant, cette industrie pourrait contribuer puissamment au développement rural au Canada, par exemple au Manitoba et en Saskatchewan, où l'on n'a pas bénéficié des retombées et de la richesse économique que nous avons connues en Alberta.
    Je vous remercie d'être venu et d'avoir eu cette conversation avec nous aujourd'hui.
    Merci, monsieur Storseth. Le temps est écoulé.
    M. Atamanenko est le suivant. Je lui suis reconnaissant d'être présent. Il ne se sent pas bien, mais il a fait un grand effort pour poursuivre comme si de rien n'était, après avoir, comme nous tous, passé toute la soirée d'hier aux Communes pour un débat.
    Quand on est jeune, tout est possible.
    Je comprends et je suis attentivement l'ensemble de la discussion. J'essaie de comprendre exactement ce qui se passe. Sauf erreur, cette industrie a des avantages potentiels énormes pour les agriculteurs. Cependant, il s'agit ici d'un projet de loi environnemental. Nous n'avons pas beaucoup parlé de l'impact sur l'environnement ou encore sur la nourriture d'une accélération de l'industrie des biocarburants au Canada, et je pense que nous devrions le faire.
    Nous sommes le comité de l'agriculture. Nous voulons faire ce qui est le mieux pour les agriculteurs, mais en même temps, nous voulons faire ce qui est bien non seulement pour notre pays, mais pour le monde. Je voudrais donc citer quelques articles et je vous inviterai ensuite à commenter. J'espère que nous en aurons le temps.
    Je lis ici dans un article de H. Josef Hebert de l'Associated Press à Washington :
L'utilisation généralisée de l'éthanol fabriqué à partir du maïs pourrait presque doubler les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l'essence que cet éthanol remplacerait à cause des changements que cela entraînerait dans l'utilisation des sols; voilà la conclusion à laquelle des chercheurs en sont arrivés jeudi. L'étude conteste le bien-fondé de la ruée vers les biocarburants comme élément de solution pour contrer le réchauffement planétaire.
    Je pense donc que nous devons nous poser la question: pourquoi faisons-nous cela? Si nous le faisons pour donner un coup de pouce aux agriculteurs, alors probablement que, dans l'ensemble, nous pouvons espérer... Ce n'est pas tellement bon pour les producteurs de bétail et de porc, mais globalement, pour les céréales et les oléagineux, c'est probablement une bonne chose.
    Cependant, cette étude publiée jeudi par des chercheurs affiliés à l'Université Princeton et un certain nombre d'établissements soutient que l'analyse antérieure, qui mesurait les avantages des biocarburants en termes de carbone, ne tenaient pas compte de tout l'aspect utilisation des sols. Les auteurs de l'étude disent qu'après avoir pris en compte les changements prévus dans l'utilisation des sols à l'échelle planétaire, l'éthanol fabriqué à partir de maïs, au lieu de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 p. 100, va plutôt les augmenter de 93 p. 100 en comparaison de l'utilisation de l'essence sur une période de 30 ans. Les biocarburants fabriqués à partir de panic, s'ils remplaçaient des terres agricoles et autres terres qui absorbent du carbone, augmenteraient de 50 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre, d'après les chercheurs. C'est un aspect que les études mettent en évidence.
    Dans la foulée de nouvelles études, un groupe de 10 écologistes et biologistes de l'environnement parmi les plus éminents des États-Unis ont envoyé une lettre au président Bush et au speaker de la Chambre, Nancy Pelosi, pour préconiser une réforme des politiques sur le biocarburant. Ils ont dit et je cite: « Nous vous écrivons pour attirer votre attention sur de récentes recherches indiquant que beaucoup de biocarburants dont l'utilisation est prévue vont en fait aggraver le réchauffement planétaire ».
    Soit dit en passant, je suis enseignant professionnel et, dans l'enseignement, nous avons connu beaucoup de nouvelles vagues. Une nouvelle idée apparaissait à l'horizon et des gens s'empressaient de la lancer. Le temps qu'on s'aperçoive que cela ne donnait rien de bon, la vague avait déferlé — je songe notamment à l'école ouverte — et nous nous retrouvions tout à coup en train de réinventer la roue.
    Donc, si les Américains s'aperçoivent que cette piste de solution qu'ils ont empruntée n'est peut-être pas la panacée que l'on croyait, ne devrions-nous pas creuser la question un peu plus et peut-être ralentir notre programme?
    Monsieur Klein, je vous invite à commenter cela.

  (0955)  

    Oui, les biocarburants fabriqués à partir de plantes cultivées ont certainement un certain nombre de conséquences environnementales négatives. Il n'y a aucun doute là-dessus. Les prix plus élevés stimulent une plus grande utilisation des engrais et de divers produits chimiques, ils incitent à ensemencer en maïs des pâturages et des terres marginales, et ils stimulent la monoculture. Il y a un certain nombre de conséquences environnementales malheureuses. On abat des arbres en Indonésie et en Malaisie pour planter des palmiers pour produire de l'huile de palme pour l'industrie du biodiesel. Il y a énormément de conséquences environnementales négatives.
    Chose certaine, la réduction des gaz à effet de serre permise par l'éthanol fabriqué à partir de maïs ou de blé est plutôt minime. Même avec le biodiesel, qui entraîne des réductions beaucoup plus considérables, les études montrent en fait que si le véritable objectif est de réduire les gaz à effet de serre, il y a des manières beaucoup moins coûteuses de s'y prendre que d'utiliser des céréales et des oléagineux pour produire du carburant pour nos automobiles.
    Les études montrent qu'il en coûte entre 200 $ et 1 200 $ par tonne de réduction de gaz à effet de serre. Donc, si la raison primordiale de se lancer là-dedans est la réduction des émissions de gaz à effet de serre, oui, on peut en effet obtenir une certaine réduction, mais c'est extrêmement coûteux. À titre d'économiste, je peux trouver une foule de méthodes bien meilleur marché, à 20 $ ou 30 $ la tonne, plutôt que 500 $ ou 1 200 $ la tonne.
    Je pense donc que la réduction des gaz à effet de serre n'est pas une bonne raison de faire cela. Je pense que la sécurité énergétique n'est pas non plus une bonne raison de faire cela. Et même aux États-Unis, où l'on est beaucoup plus sensibilisé à cette réalité, on sera loin de parvenir à la sécurité énergétique au moyen de ce programme. On dit parfois que c'est une pièce du casse-tête, mais c'est une pièce tout à fait insignifiante.
    Je pense donc que les arguments doivent présenter cela comme un programme agricole et je pense que c'est très efficace à titre de programme agricole. Il est certain que la National Corn Growers Association des États-Unis, de même que l'American Farm Bureau, sont très puissants et ont joué un grand rôle dans le lancement de ce programme. Au Canada, nous avons bien sûr des groupes des secteurs des céréales et des oléagineux qui font également du lobbying.
    Mais je pense que c'est un programme agricole qui va coûter très cher à la société canadienne. Nous allons y gagner certains avantages, mais je pense que l'on pourrait obtenir les mêmes avantages à bien meilleur marché.
    Reste-t-il du temps pour que l'autre témoin réponde, monsieur le président?
    Merci beaucoup. Nous avons examiné cela de près, du point de vue de l'environnement. Il y a beaucoup de documentation et beaucoup de rapports qui utilisent la production de colza en Europe comme modèle pour démontrer l'impact environnemental.
    Je pense que nous devons faire très attention et ne pas oublier que la production de canola dans l'ouest du Canada est différente de la production du colza en Europe. Il n'y a aucun doute qu'il faut faire une analyse du cycle intégral de toutes ces récoltes qui servent à la fabrication de biocarburant, mais la production de canola au Canada n'utilise pas d'irrigation, utilise moins d'engrais et moins de produits chimiques. Donc, si l'on examine le cycle entier du canola canadien, la situation est très différente du modèle européen.

  (1000)  

    Une très brève réponse, monsieur Toews.
    Je ne me sens vraiment pas compétent pour discuter des effets environnementaux. J'ai vu des études qui tirent des conclusions variées.
    Je répète encore une fois que notre véritable crainte est l'éventualité d'une année de pénurie en Amérique du Nord. Nous croyons que le secteur du bétail pourrait perdre beaucoup d'infrastructures si le secteur des biocarburants connaît une croissance telle que l'approvisionnement en céréales fourragères n'arrive pas à suivre.
    Merci.
    Monsieur Easter. Nous en sommes aux tours de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus.
    Monsieur Klein, vous avez dit dans votre exposé que, que ce soit à cause de la politique des États-Unis ou de celle du Canada, un dur coup a été porté aux secteurs du boeuf et du porc. Je voudrais vous dire que nous avons tenu un débat d'urgence à la Chambre des communes hier soir. Je suppose que ce qui est triste et tragique dans cette histoire, c'est que le gouvernement avait l'occasion de répondre et d'agir et qu'il ne l'a pas fait. Il n'a absolument rien fait jusqu'à maintenant. Après avoir passé en revue les échanges durant le débat d'hier soir, tout ce que je peux dire, c'est qu'à mes yeux, l'action du gouvernement constitue essentiellement un châtiment cruel et inusité envers le secteur du boeuf et du porc.
    Il importe peu de savoir que ce soit à cause d'une subvention américaine ou d'une subvention canadienne; il est question ici de subsides au niveau de l'OMC, mais en écoutant le débat, je me disais qu'une subvention à un secteur connexe qui a également pour conséquence de faire monter les coûts a aussi des conséquences sur le secteur agricole.
    C'est exactement ce qui se passe dans le cas de l'éthanol et du biodiesel. Nous appuyons les politiques de l'éthanol et du biodiesel; cependant, si les gouvernements, étrangers ou canadiens, causent des circonstances inhabituelles et des conséquences négatives à un secteur, je crois que le gouvernement a la responsabilité d'agir. Je vous invite donc à commenter cela.
    Deuxièmement, au niveau politique, je crois qu'au niveau national, nous avons tendance à combiner les deux, l'éthanol et le biodiesel. Il y a du pour et du contre dans les deux cas. Personnellement, je pense que c'est le biodiesel qui offre les plus belles possibilités, mais est-ce un problème? Il n'y a pas de doute, si l'on examine ce qui se passe au Minnesota, que l'industrie de l'éthanol a eu une incidence vraiment positive sur le développement rural jusqu'à maintenant.
    Quelles sont vos réflexions là-dessus? Au lieu de combiner les deux, nous devrions peut-être insister davantage sur l'un que sur l'autre.
    Au sujet du secteur du canola — je me trompe peut-être là-dessus — je suis d'avis qu'en nous lançant dans la production de biodiesel à partir de canola, nous pourrions bien augmenter en fait la source d'approvisionnement en fourrage pour les secteurs du bétail et du porc, parce qu'il y aura davantage de denrées que ce ne serait autrement le cas. Maintenant, je ne sais pas si c'est vrai ou faux, mais je voix que M. Klein hoche la tête.
    Pourriez-vous me faire part de vos réflexions sur tout cela.
    Nous nous prononçons seulement sur le biodiesel. Je pense que dans les dossiers de l'éthanol et du biodiesel, vous devez faire preuve d'initiative, dans une certaine mesure, de concert avec les universités, etc.
    Il y a beaucoup d'informations négatives qui circulent sur les biocarburants. Nous reconnaissons qu'il faut examiner séparément le dossier des matières premières. C'est pourquoi nous sommes tellement enthousiastes au sujet du biodiesel de canola, parce que nous voyons qu'il y a des possibilités. Nous ne constatons pas un impact extraordinaire sur l'utilisation des sols. On constate une augmentation des rotations, en effet, mais il y a aussi des possibilités accrues en termes d'augmentation du rendement. Nous ne prévoyons donc pas tellement d'incidences négatives à cet égard.
    Vous avez mentionné que la moulée de canola offre du potentiel. Il y a des problèmes à cet égard. La moulée de canola peut entrer dans la composition de la nourriture dans l'élevage laitier, pour la volaille et pour le boeuf, mais il y a aussi des inconvénients si l'on considère le bilan énergétique de la moulée de canola. Nous avons un programme pour étudier la possibilité d'en accroître le bilan énergétique, afin d'accroître la teneur en canola dans l'alimentation de diverses espèces animales.
    Il y a donc des possibilités de ce côté, mais je ne dirais pas que cela peut remplacer les céréales fourragères, en particulier pour l'élevage.

  (1005)  

    Monsieur Klein, il reste un peu de temps.
    Vous avez soulevé un certain nombre de questions, monsieur Easter. Je vous remercie pour vos observations.
    Nous constatons dans le cadre de nos études que l'industrie du biodiesel est bien sûr beaucoup plus coûteuse à lancer que la production d'éthanol à partir de maïs, et l'éthanol cellulosique coûte encore plus cher. Dans les modèles économiques auxquels nous travaillons, de concert avec des collègues d'autres universités du midwest des États-Unis, le biodiesel et l'éthanol dérivé de la cellulose ne constituent jamais les solutions optimales. Il est possible de les intégrer dans la modélisation, mais en injectant beaucoup d'argent. Cela ne se fait pas tout seul. Bien sûr, la raison en est que l'huile de soya et l'huile de canola deviennent tout simplement très coûteuses. Si l'on en retire ne serait-ce qu'un petit peu du marché, son prix augmente en flèche et il devient très coûteux d'exploiter une usine dans ces conditions.
    Pour ce qui est des provendes, il y a la drêche de distillerie, qui est un sous-produit de la production d'éthanol à partir du maïs et du blé. Les sous-produits du blé et du maïs sont deux produits différents. Mais dans les deux cas, il y a un certain nombre de problèmes en termes de nutrition. Je ne veux pas vraiment me lancer dans des explications là-dessus aujourd'hui, et je ne suis certainement pas nutritionniste, mais j'en ai parlé à beaucoup de gens et c'est un fait qu'une grande partie des drêches de distillerie actuellement produites aux États-Unis sont utilisées comme combustibles pour alimenter les usines d'éthanol, parce que c'est moins cher que le gaz naturel, ou sont simplement jetées dans des sites d'enfouissement. On ne s'en sert pas comme provendes à cause des nombreux problèmes d'alimentation qui y sont associés.
    On prévoit qu'à l'avenir, on réussira à résoudre en partie ce problème, mais ce n'est assurément pas une panacée. C'est un produit à forte teneur en protéines, mais ce n'est pas le type de provendes dont on a vraiment besoin pour la plupart des espèces animales. On ne s'en sert pas pour les animaux monogastriques; et pour le boeuf, ce dont on a habituellement besoin, c'est d'énergie et non pas de protéines.
    Merci, monsieur Klein.
    Madame Skelton, vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    Madame Buth, je voudrais vous poser une question. M. Klein a dit dans son exposé que le biodiesel ou le bioéthanol n'aide pas tellement les économies rurales. Dans votre propre allocution — vous me reprendrez si je me trompe — vous avez dit que chaque dollar investi donne un rendement de 2 $ pour l'économie rurale. Pouvez-vous donner de plus amples explications, de votre point de vue?
    Le ratio de 1 $ à 2 $ correspond à l'activité qui en résulte pour la construction des usines de biodiesel et des usines de trituration. Il y a donc augmentation de l'emploi pour la construction et il est vrai que c'est pour une période de 18 à 24 mois, mais il y a aussi des emplois permanents dans les usines de trituration et de biodiesel.
    C'est différent du blé, car il faut augmenter la capacité de transformation de la denrée. Il y a des emplois et il y a aussi les services connexes qui sont nécessaires en continu pour servir une usine de trituration et aussi une usine de biodiesel.
    Nous avons fait une analyse économique pour mesurer l'impact seulement pour la construction et ensuite l'impact en aval. Il n'y a aucun doute que le nombre d'emplois diminue après que l'usine est construite, mais il y a de l'activité économique continue après la construction de l'usine, en termes d'emplois, d'intrants et de production céréalière.
    En tout cas, je sais que c'est une excellente huile à friture.
    Monsieur Toews, au sujet de Pound-Maker, à Lanigan (Saskatchewan), où vous êtes allé quand vous avez fait une tournée du pays avec votre comité, pourriez-vous expliquer au comité comment Pound-Maker exploite son parc d'engraissement, sa ferme et son usine d'éthanol de manière intégrée et ce que l'on fait des sous-produits et tout le reste?

  (1010)  

    Bien, je vais faire de mon mieux pour l'expliquer.
    Pound-Maker est à la fois producteur d'éthanol et exploitant d'un parc d'engraissement. Dans ce dernier, on utilise comme provendes le sous-produit, c'est-à-dire la drêche de distillerie, qui entre dans la composition de l'alimentation animale. Comme M. Klein l'a dit, la drêche de distillerie peut être utilisée comme provende par les secteurs de l'élevage. La réalité est toutefois qu'il y a une perte de trois à un dans la quantité du produit entre le début et la fin du processus.
    Il y aura des possibilités régionales dans le secteur du bétail là où il est possible ou probable qu'une usine soit construite. Globalement, du point de vue de l'ensemble du secteur, on peut toutefois dire que l'on envisage une perte nette pour l'approvisionnement en denrées et l'on devra certainement affronter un féroce compétiteur pour cet approvisionnement.
    Cela m'inquiète à certains égards, monsieur Klein. Est-ce que vous préconisez une politique des aliments bon marché?
    Une politique des aliments bon marché?
    Oui.
    Eh bien, je ne préconise rien du tout. De mon point de vue, je fais ce que je peux pour le secteur agricole. Je suis moi-même agriculteur. Je suis cultivateur. J'ai encore ma ferme en Saskatchewan. J'étais agriculteur actif avant de retourner à l'université. Je me considère comme n'ayant aucun intérêt personnel en jeu, sinon que je veux aider à positionner l'industrie agricole canadienne pour qu'elle soit le plus compétitive possible.
    Oui, en tant que citoyen du monde, je suis préoccupé par le coût des aliments. Je constate actuellement une augmentation rapide du prix des aliments dans certaines régions du monde. Je vois qu'il y a des problèmes au Mexique, où l'on ne produit même pas d'éthanol, du moins pas en quantité appréciable, et le prix des tortillas a quand même été multiplié par quatre en un mois et il a fallu imposer un plafond. Je vois aussi l'évolution des prix en Chine. Je reviens tout juste de Chine où je suis allé le mois dernier et le prix du porc a augmenté de 55 p. 100 dans ce pays, et le prix de l'huile alimentaire a augmenté de 35 p. 100.
    Tous les peuples du monde vont vivre la même situation et ce sont surtout ceux qui ont les revenus les plus bas qui seront touchés, y compris les gens à faible revenu ici même au Canada. S'il faut contribuer à ce processus d'une manière ou d'une autre, je trouve qu'il devrait y avoir une bonne raison de le faire. Or je ne vois pas de bonnes raisons en l'occurrence. Je ne pense pas que cela va nous aider.
    Cela va aider les propriétaires des terres agricoles. Pour ceux qui ont une ferme, comme moi, oui, la terre va valoir beaucoup plus cher, tout comme les maisons à Calgary et à Saskatoon, mais cela n'aide pas l'industrie, du moins je ne le crois pas.
    Merci, madame Skelton.
    C'est le tour du Bloc. La parole est à M. Bellavance.

[Français]

    Merci.
    Docteur Klein, vous avez beaucoup parlé d'emplois. Selon vous, la filière énergétique liée à l'agriculture ne créerait pas énormément d'emplois. Cette semaine, la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois a déposé son rapport. Vous n'en avez peut-être pas encore pris connaissance, mais je peux quand même vous en citer certains éléments relatifs au développement des biocarburants.
    On estime qu'aux États-Unis, l'industrie de l'éthanol a engendré des revenus de 41,1 milliards de dollars en 2006 et procuré plus de 160 000 emplois. Du côté de l'Union européenne, on estime que pour chaque point de pourcentage de remplacement du pétrole par des biocarburants, il y a eu création de 45 000 à 75 000 emplois, dont 50 p. 100 en agriculture.
    Connaissez-vous ces chiffres? Croyez-vous que ce soit possible? Pourquoi pensez-vous que le Canada n'aurait pas avantage à développer la filière des biocarburants, ne serait-ce que pour l'aspect de la création d'emplois? Je comprends qu'il y a d'autres aspects en jeu. On n'en parle pas beaucoup. Vous avez eu le mérite de nous faire part de ces éléments, ce matin. J'aimerais donc vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

    Oui, merci.
    Je ne suis pas au courant de ces études en particulier, mais j'ai pris connaissance de nombreuses études de ce genre et je pense qu'il faut se méfier. Je ne nie pas que des emplois sont créés. Tout ce que je dis, c'est que les promoteurs ont souvent exagéré, à mon avis, le nombre d'emplois qui sont créés par ce secteur. Des études détaillées faites par des économistes réputés ont montré, en général, qu'il y a un nombre limité d'emplois et de retombées.
    La principale retombée se fait sentir pendant la construction. Mais ensuite, c'est très limité. Il est certain qu'il peut y avoir des emplois, mais il faut ensuite se poser la question: à quel prix? La création de ces emplois a coûté extrêmement cher en Allemagne, par exemple, et aussi aux États-Unis. Des études économiques détaillées montrent qu'il en coûte très cher de créer ce type d'emploi et que le nombre d'emplois supplémentaires est plutôt limité. Mais il peut y en avoir et si l'on dépense encore plus, on peut créer plus d'emplois.

  (1015)  

[Français]

    J'ai un peu de difficulté à comprendre votre logique. Vous dites que, de toute façon, on est un exportateur de pétrole. Vous savez cependant que le pétrole n'est pas une énergie renouvelable. Parfois, il y a des situations où on se dit que les gouvernements précédents auraient dû, il y a un certain nombre d'années, agir et poser des gestes pour éviter qu'on vive cette situation maintenant.
    Puisque le pétrole n'est pas une énergie renouvelable, il va falloir envisager un jour des solutions de rechange. Déjà, il faut le dire, de nombreux pays ont pris de l'avance sur nous sur le plan des énergies renouvelables, notamment l'Europe, le Brésil et les États-Unis. Je pense que le fait de réduire notre dépendance au pétrole est un bienfait non seulement pour l'économie mais aussi pour l'environnement.
    À mon avis, si on ne fait rien, un jour, on sera dépendant de la situation du marché mondial et de ce qui va se produire à ce moment-là. De plus, on n'aura peut-être plus ces ressources. Il faut penser dès maintenant à les développer et, évidemment, choisir les bonnes. Selon ce que je comprends du rapport de la commission — on en parle beaucoup au Québec à tout le moins —, il est question de mettre l'accent sur le développement des énergies renouvelables comme la biomasse, c'est-à-dire des résidus de produits agricoles, de produits forestiers. Cela peut aussi intéresser M. Toews. On parle aussi beaucoup des résidus qui proviennent des abattoirs. Je comprends que nos producteurs de bétail sont là pour produire de la nourriture avant tout, mais il y a peut-être un débouché qui pourrait être intéressant pour eux à ce niveau.

[Traduction]

    Oui, je suis tout à fait d'accord avec cela.
    Il y a beaucoup de possibilités pour fabriquer des carburants renouvelables. Je ne pense pas que d'utiliser des denrées qui peuvent servir à l'alimentation humaine et animale soit la meilleure façon de s'y prendre. Oui, on peut obtenir du carburant de cette manière, mais avec une quantité de maïs suffisante pour nourrir une personne pendant toute une année à raison d'un régime de 2 000 calories par jour, on obtient seulement assez de carburant pour faire le plein une seule fois, après quoi on le brûle. Cela fait autant de nourriture de moins pour les humains ou les animaux.
    On peut obtenir beaucoup d'énergie renouvelable en utilisant les ressources forestières, en utilisant de l'herbe, en utilisant les déchets qui s'empilent dans les sites d'enfouissement. Nous n'avons pas un important groupe de lobbyistes pour mousser l'intérêt et défendre cette politique. Il faudra beaucoup d'argent pour cela et nous, citoyens canadiens, pourrions bien voter en vue de faire justement cela — moi, je le ferais — sans toucher à notre approvisionnement en aliments et en provendes. Nous pouvons utiliser les résidus forestiers, des graminés qui ne servent pas à l'alimentation du bétail, les ordures ménagères, les résidus d'abattoirs. Tout cela — résidus d'aliments, déchets organiques — peut donner du biogaz, lequel peut servir à fabriquer de l'électricité. On le fait partout en Allemagne, en Autriche et d'autres pays d'Europe.
    J'ai dirigé un groupe de Canadiens qui ont examiné de nombreuses centrales alimentées au biogaz en Bavière et en Autriche, il y a deux ans. Je pense qu'il y a de belles possibilités de ce côté, parce que l'on n'utilise pas de denrées alimentaires, mais c'est coûteux. Et si nous le faisons, cela nous coûtera cher.
    Merci, monsieur Bellavance. Le temps est écoulé.
    Je demanderais à tous les intervenants de donner des réponses assez brèves, parce que nous en sommes aux tours de cinq minutes.
    Monsieur Miller.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
    On a entendu de nombreux échanges et certaines observations intéressantes. Monsieur Klein, je vous le dis tout net, beaucoup de vos commentaires sont plutôt négatifs. C'est une bonne chose que je sois un type plutôt jovial, autrement je serais plutôt déprimé à l'heure qu'il est.
    Rien n'est jamais parfait. Il y a toujours un côté négatif. Si vous voulez vous appesantir là-dessus, je suppose que vous le pouvez. Mais à l'heure actuelle, compte tenu de l'environnement et de tout le reste, des pressions sociétales s'exercent. C'est quelque chose que les gens veulent. Les gouvernements ont tendance à écouter l'électorat.
    Ce que je dis, c'est que cela ne va pas disparaître. Les cours des céréales sont cycliques, ils connaissent des hauts et des bas. Je pense qu'ils commençaient à rebondir, mais nul doute que ce programme a eu une incidence sur la hausse des prix des céréales.
    C'est bien de voir que la culture des céréales est redevenue rentable, après cinq ou six ans. Cela a eu aussi une incidence sur d'autres secteurs, nous en sommes conscients. Mais aucun secteur de l'agriculture — je pense que cet énoncé est véridique — ne veut être rentable au détriment d'un autre secteur.
    Je crois que nous devons chercher des moyens de rétablir la rentabilité dans tous les autres secteurs. Quelles recherches avez-vous faites, monsieur Klein, en ce sens? Vous parlez d'une mauvaise utilisation du canola — je prends le canola comme exemple — et soutenez qu'il y aurait moyen de l'utiliser à meilleur escient. Pourriez-vous nous proposer une autre utilisation du canola qui nous permettrait d'obtenir le même profit? Je donne l'exemple du canola parce que Mme Buth ici présente représente ces producteurs. Quelles recherches avez-vous faites? Avez-vous des suggestions?

  (1020)  

    Je ne veux pas donner l'impression que je suis tout à fait négatif à ce sujet. J'essaie de montrer quelles seront les incidences. Je suis seulement un électeur. J'essaie d'être le plus objectif possible dans ma recherche et je pense que j'ai raison au sujet des conséquences.
    Je n'ai pas fait de recherche sur le canola. Je ne sais pas quelle est la solution. J'observe ce qui se passe actuellement dans le secteur de l'élevage. En passant, je ne suis pas un partisan acharné du secteur de l'élevage, mais j'ai remarqué la vigueur économique dans les régions rurales quand le secteur de l'élevage a commencé à revenir dans l'ouest du Canada, après l'élimination de la LTGO, ou peut-être était-ce un peu avant.
    À la fin des années 1980, le Canada était presque autosuffisant dans le secteur du boeuf. Certaines années, nous étions exportateurs nets et d'autres années, nous étions importateurs nets. Au moment de la crise de l'ESB, nous étions exportateurs nets à hauteur de 40 p. 100.
    Le secteur du porc a aussi connu une croissance rapide. Cela a suscité beaucoup d'activité économique en région rurale dans les provinces des Prairies. Je pense que cette activité est maintenant quelque peu menacée.
    Est-ce que vous dites que nous ne devrions pas exporter nos produits?
    Non, ce n'est pas du tout ce que je dis.
    D'accord, mais vous vous éloignez de ma question.
    Je dis que nous ne devrions pas nous ingérer trop dans l'économie. Durant ma carrière — et presque tous mes amis économistes sont d'accord avec cela — il n'est jamais rien arrivé qui ait une telle ampleur dans l'agriculture. Cela va entraîner un changement fondamental en agriculture.
    Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question.
    Je m'adresse maintenant à M. Toews. Je suis content de vous revoir, Travis. Que pouvons-nous faire pour être utiles, pour augmenter la rentabilité? Même si nous discutons du projet de loi C-33, il doit y avoir un lien avec votre industrie, sinon vous ne seriez pas ici.
    Quelles mesures pouvons-nous envisager? Au sujet des MRS, par exemple, existe-t-il des recherches indiquant qu'il serait possible de trouver une mine d'or quelque part, de réaliser d'énormes profits? Ce n'est qu'un exemple. Peut-être pourriez-vous nous parler d'autres manières de rentabiliser l'affaire.
    Merci pour votre question.
    Je vais faire rapidement trois suggestions.
    La première, bien sûr, c'est d'abord d'établir les mêmes règles du jeu pour tous. C'est la raison de ma présence ici aujourd'hui.
    Deuxièmement, il y a à mon avis des possibilités à long terme pour l'élimination des MRS et la création d'une certaine valeur. Nous sommes actuellement confrontés à des coûts additionnels imposés par la réglementation et le renforcement de l'interdiction sur les aliments du bétail. Nous assumons le fardeau du coût de l'élimination et nous avons demandé une aide à court terme pour notre secteur pour aider à compenser ces coûts imposés par règlement. C'est donc une mesure qui nous aiderait directement, si le gouvernement du Canada donnait suite à cette recommandation, que nous avons proposée dans le passé et sur laquelle nous reviendrons à la charge.
    Troisièmement, à titre d'utilisateurs de céréales fourragères, nous avons besoin que notre secteur des céréales fourragères au Canada soit le plus compétitif possible. Il y a des obstacles réglementaires qu'il faut surmonter relativement au processus d'approbation de nouvelles variétés, en particulier le problème de la DVG — à ce propos, je félicite le gouvernement actuel d'avoir agi rapidement dans ce dossier — mais aussi le problème des végétaux à caractères nouveaux. Nous devons nous assurer que le secteur canadien des céréales ait accès aux biotechnologies les meilleures et les plus accélérées possibles...

  (1025)  

    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Boshcoff, vous avez la parole.
    Je m'interroge sur la production canadienne de céréales; nous en produisons probablement autour de 50 millions de tonnes. Est-ce un chiffre relativement précis? Donc, si nous imposons une teneur de 10 p. 100 pour l'éthanol et que nous avons une capacité suffisante, comment cela pourrait-il forcer les prix à la hausse ou imposer une telle concurrence que nous ne pourrions plus approvisionner l'industrie, si cela représente huit ou neuf millions de tonnes pour cette denrée?
    La deuxième partie de ma question — je sais que les producteurs de canola préféreraient que l'on utilise du canola — est que durant mes tournées des stations de recherche agricole régionales, et pour avoir eu connaissance de projets de démonstration de produits comme le panic, et étant donné l'intérêt manifesté dans le nord-ouest de l'Ontario pour d'autres biocarburants, fabriqués par exemple à partir de ce qu'on appelle les déchets de bois... Je n'aime pas utiliser le mot « déchet », mais on sait qu'au Canada, nous les brûlons et les jetons, ce qui est regrettable. Je m'interroge donc sur la problématique de la capacité. Il me semble que l'industrie a fait savoir très clairement qu'elle n'était pas en mesure... Le débat d'aujourd'hui porte donc sur l'alternative suivante: ou bien nous allons forcer l'industrie du bétail ou du porc, ou bien le prix se situera à un niveau tel que ce sera raisonnable compte tenu de cette problématique.
    Je vous invite tous à répondre rapidement à cela, ce qui va probablement épuiser le temps qui reste.
    Au sujet du biodiesel, quand on cherche une denrée pour produire de l'huile, les recherches actuelles vont dans le sens des algues, qui permettraient de produire de l'huile. Tous les autres résidus et déchets conduisent en fait vers la production d'éthanol cellulosique. Donc, pour le biodiesel, ce qui va probablement se passer, c'est que nous passerons du biodiesel à un produit fabriqué par hydro-traitement, toujours à partir de l'huile; ensuite, les recherches permettront peut-être de trouver d'autres matières premières pour le biodiesel.
    Vous avez évoqué les céréales et les oléagineux et les quantités qui sont utilisées actuellement. C'est évidemment une petite proportion de notre récolte totale de canola. Nous visons avant tout le marché des produits de qualité supérieure. Notre denrée n'est pas souvent écoulée sur les marchés à faible prix. Nous avons un produit de qualité supérieure à cause de ses avantages pour la santé et nous cherchons donc toujours à l'écouler sur les marchés inversés pour consommation au Canada, en plus évidemment de nos marchés d'exportation.
    Nous vivons dans une société de marché et une économie de marché, et la loi du marché est claire. Peu importe quelle quantité de blé, de maïs ou de canola est retirée du marché pour produire des biocarburants, le prix va s'ajuster à la hausse et quelqu'un va l'acheter. Il coûtera simplement de plus en plus cher, à mesure qu'on en retirera de plus grandes quantités.
    Nous ne devons pas perdre de vue ce que M. Toews a d'ailleurs mentionné tout à l'heure, à savoir que l'offre et la demande mondiales de céréales ont fluctué à la baisse. Pendant six des sept dernières années, la production a été inférieure à la consommation. Nous en sommes donc actuellement au point où les stocks mondiaux de céréales représentent moins de 60 jours, moins de 57 jours de consommation mondiale. C'est la première fois que cela se produit depuis le début des années 1970 et la ruée des Russes vers les céréales. C'est pourquoi le prix des céréales a monté en flèche.
    Maintenant, bien sûr, toutes les utilisations des céréales sont prises en compte, mais il y en a une nouvelle qui compte beaucoup, la production d'éthanol aux États-Unis, mais aussi la production d'éthanol et de biodiesel dans d'autres pays. Quand la situation est aussi serrée, une mauvaise récolte ou même une réduction du rendement des récoltes presque n'importe où dans le monde a le même impact. Peu importe où cela arrive. C'est un marché mondial et tous nos producteurs seront touchés par cela.
    Je conviens que l'impact ici au Canada sera plutôt minime — notre production n'est pas tellement importante — mais il est certain que l'impact pourrait être important dans certaines régions précises.

  (1030)  

    Je suis d'accord et je partage cette inquiétude. Je répète que ce que nous craignons vraiment, c'est une année de pénurie. Avec une norme de 5 p. 100 de carburant renouvelable, dans des conditions de croissance raisonnablement normales en Amérique du Nord, on pourrait remplir le mandat canadien, mais il subsiste des inquiétudes si nous connaissons une année de sécheresse, une année de pénurie, dans l'une ou l'autre des principales régions céréalières du monde, mais surtout dans l'une des régions de l'Amérique du Nord.
    À l'heure actuelle, nous craignons que le secteur de l'élevage puisse être durement éprouvé; en fait, le secteur des céréales pourrait voir l'un des principaux clients de ses denrées perdre une grande partie de son infrastructure en une brève période, et je soutiens que ce ne serait pas avantageux pour ce secteur à long terme.
    Merci. Le temps est écoulé.
    Monsieur Lauzon.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Toews, j'ai écouté avec intérêt et je vous ai entendu dire que l'élimination de la DVG aiderait certainement à l'implantation de nouvelles cultures. La Commission du blé a fait savoir publiquement qu'elle était contre. Si vous avez des contacts à la Commission du blé, je me demande si vous pouvez exercer une influence ou les convaincre d'adopter votre point de vue. Nous essayons depuis un certain temps. Le message ne semble pas passer.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Le secrétaire parlementaire voudrait-il énumérer tous les autres qui s'opposent à ce projet, y compris le secteur céréalier, qui s'inquiète de notre position à l'exportation, en ce sens qu'une décision serait prise sans aucune analyse d'impact le 1er août 2008, alors qu'ils préconisent le 1er août 2010?
    Ce n'est pas un rappel au Règlement, monsieur le président.
    C'est un point de débat.
    Monsieur Lauzon.
    Madame Buth, très rapidement, car j'ai d'autres observations à faire, vous avez dit que pour une teneur de 2 p. 100 de biodiesel, la quantité de canola nécessaire serait de 1,3 million de tonnes. Pouvez-vous expliquer comment vous en êtes arrivée à ce chiffre?
    Pour un taux de 2 p. 100, il faudrait 600 millions de litres de biodiesel. Au départ, le canola donne 385 litres d'huile par tonne, ce qui donne 1,3 million de tonnes. Cela suppose que nous prenions la totalité des 2 p. 100, et il est évident que nous ne prendrions pas intégralement les 2 p. 100. Si nous en prenons 70 p. 100, ce serait un million de tonnes.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Klein, sauf votre respect, à l'instar de M. Miller, je ne suis pas nécessairement d'accord avec votre pessimisme. Nous tous autour de la table — la plupart d'entre nous représentons des régions rurales — faisons tout notre possible en tant que députés au Parlement pour créer une croissance économique dans nos régions rurales. La plupart des témoins que nous avons entendus, beaucoup de gens à qui j'en ai parlé disent exactement le contraire de ce que vous soutenez, à savoir que cela crée de l'activité économique, que cela va créer énormément de richesse et de croissance dans nos régions rurales. Nous avons entendu des témoins qui étaient assis exactement à votre place et qui nous ont expliqué tout cela.
    La plupart des économistes diront que si l'on crée un emploi, on constate habituellement des retombées et je pense que dans le cas qui nous occupe, ce seront trois ou quatre emplois additionnels. Vous semblez tellement négatif à ce propos. Je n'arrive pas à comprendre. Vous dites que vous êtes un agriculteur de Saskatchewan, sauf erreur. N'a-t-on pas grandement besoin de ce projet dans la région d'où vous venez? La plupart des gens disent que cela pourrait être notre bouée de sauvetage.

  (1035)  

    J'ai vu beaucoup d'études économiques qui ont été faites à ce sujet et c'est de là que je tire l'information dont je vous fais part. Oui, si je pouvais m'organiser pour qu'il y ait une usine d'éthanol en plein à Canwood, en Saskatchewan, je pense que les gens de Canwood seraient très contents parce que cela créerait des emplois là-bas. Mais ce que je dis, c'est que l'incidence globale de ce projet sera probablement de réduire la taille du secteur dans d'autres régions rurales. On ne peut pas tenir compte seulement du gain brut d'emplois dans une seule usine.
    La solution n'est sûrement pas d'implanter les usines en Iowa ou de l'autre côté de la frontière. Est-ce ce que vous proposez? On dirait que c'est votre solution.
    Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis que les promoteurs de l'industrie des biocarburants ont, à mon avis, exagéré dans une certaine mesure le niveau d'activité économique qui prendra place. À écouter M. Toews et d'autres représentants du secteur du bétail ou du porc, en particulier au Manitoba, on entend beaucoup d'inquiétudes à ce sujet; en fait, on craint que l'emploi puisse diminuer dans ces secteurs en conséquence de ce projet.
    C'est tout ce que je dis: que nous devons faire bien attention à tout cela. J'ai vu beaucoup de citations de gens qui prédisent un grand nombre d'emplois, mais quand on examine le tout attentivement et les études économiques d'où c'est tiré, il y a généralement beaucoup moins d'emplois que ce qu'on laisse entendre.
    Je vais vous lire une citation qui s'adresse à la fois à M. Toews et à vous, monsieur Klein, de la part de deux personnes qui travaillent justement dans votre secteur d'activité, monsieur Toews.
    Kevin Hursh, qui est agrologue et agriculteur, a dit :
Même si l'éthanol canadien n'entraînera pas un changement notable des cours mondiaux, le George Morris Centre signale qu'il maintiendra le prix des céréales canadiennes relativement élevé en comparaison des prix américains.
    Qu'avons-nous contre le fait que les producteurs de céréales et d'oléagineux puissent gagner leur vie?
    Clare Schiegel a dit :
Nous ne nous plaignons pas de l'augmentation du prix des céréales... La situation antérieure était insoutenable et nos céréaliculteurs n'allaient pas survivre.
    Monsieur Toews, vous avez besoin des céréales pour survivre. Nous devons faire en sorte que les producteurs de céréales et d'oléagineux continuent à produire. Nous leur offrons un nouveau débouché. Qu'y a-t-il de mal à leur donner une nouvelle option?
    Je tiens à être bien clair. Nous ne sommes pas contre l'industrie des biocarburants. Nous avons des inquiétudes quand nous affrontons un concurrent qui rivalise avec nous pour l'achat de céréales et qui bénéficie d'un avantage sur le terrain. Nous proposons de faire en sorte que la création de cette industrie des biocarburants se fasse selon les lois fondamentales du marché, ce qui garantira que la croissance se fera à un rythme plus gérable, que l'augmentation de l'approvisionnement en céréales permettra de répondre à la demande et qu'en bout de ligne, nous ne remplacerons pas une industrie à valeur ajoutée par une autre, cette dernière étant créée en grande partie grâce à la politique gouvernementale. C'est là que nous pourrions nous retrouver dans une position délicate.
    Merci. Le temps est écoulé.
    Je veux intervenir moi-même brièvement. Je suis un producteur de bétail du Manitoba, comme M. Toews le sait, et je sais, monsieur Klein, que vous êtes un bon professeur. L'une de vos étudiantes travaille pour moi et elle est extraordinaire, je peux en témoigner.
    Vous dites que les règles du jeu doivent être les mêmes pour tous. J'ai vécu la période des subventions de l'Alberta, alors qu'on rachetait des abattoirs et des producteurs de bétail et qu'on déménageait tous les parcs d'engraissement dans le sud de la Saskatchewan...
    Une voix: C'est du socialisme.
    Le président: Chose certaine, les règles du jeu n'étaient pas les mêmes pour tous. Je suis sûr que le gouvernement de l'Alberta dirait qu'il faut parfois de telles mesures incitatives pour lancer une entreprise et c'est essentiellement l'objet du projet de loi C-33. Il s'agit de donner des incitatifs à court terme pour lancer une industrie.
    Monsieur Klein, vous êtes en plein dans le secteur des parcs d'engraissement et Travis et moi-même bénéficions de tout cet argent que reçoivent les spécialistes de l'engraissement pour lancer leurs entreprises, ainsi que les abattoirs qu'on a l'intention d'implanter dans ce secteur. Ils achètent en effet nos veaux et nous placent dans une meilleure situation financière, parce qu'ils peuvent être plus agressifs sur le marché que les exploitants de parcs d'engraissement qui sont plus pauvres dans d'autres régions du pays.
    Croyez-vous que ces mesures incitatives gouvernementales pour lancer ce type d'entreprises aux environs immédiat de votre exploitation sont une mauvaise chose?
    En général, je n'aime pas qu'on passe le chapeau parmi les contribuables pour venir en aide à un secteur en particulier, si celui-ci n'arrive pas à se débrouiller. Cependant, je ne suis pas contre le fait de donner une aide quelconque pour démarrer une entreprise.
    Je suppose que ce que j'aurais aimé voir, c'est qu'on donne une aide de ce genre pour lancer l'industrie des biocarburants, mais sans l'accompagner d'une teneur imposée par règlement, parce que ce débouché deviendra forcément le premier utilisateur de cette denrée. Il faut que la denrée serve à cela, parce que Shell Canada et les autres compagnies pétrolières doivent obtenir ces 5 p. 100; cela passe en premier.
    Si l'on produisait de l'éthanol seulement parce que les consommateurs canadiens en voulaient et qu'il y avait ainsi un marché pour ce produit au prix auquel on parvenait à le produire, et si l'on donnait un petit coup de pouce pour aider au démarrage, je n'ai rien contre cela. Mais cela pourrait devenir une source continue de subsides et il est certain qu'une telle obligation crée une distorsion dans l'économie.

  (1040)  

    Monsieur Toews, avez-vous des commentaires? Vous avez parlé d'un terrain de jeu égal pour tous et je sais que vous n'avez pas bénéficié de tous les travaux d'irrigation qui ont été faits dans le sud de l'Alberta. Il n'y en a pas eu à Peace River et je sais que vous estimez en conséquence que le terrain de jeu est inégal pour les divers intervenants dans la province d'Alberta.
    Il n'y a aucun doute qu'il y a eu à diverses époques des mesures incitatives pour le secteur du boeuf en Alberta. Je ne veux pas faire l'apologie du gouvernement de l'Alberta dans ce dossier. Cependant, notre première recommandation est que l'industrie des biocarburants opère la transition vers une situation conforme aux lois du marché. Nous reconnaissons que le gouvernement actuel aimerait contribuer à lancer l'industrie des biocarburants au Canada. Notre recommandation est que, le plus tôt possible et selon un échéancier transparent, ce secteur soit rajusté, reconfiguré pour fonctionner selon les lois fondamentales du marché.
    Je suis content, monsieur Klein, que vous ayez mentionné le secteur du porc du Manitoba. Voilà un secteur qui a été créé en application des lois du marché. Le Manitoba est l'une des régions où le coût de production est le plus bas dans l'élevage. C'est pourquoi on a vu une telle croissance de ce secteur là-bas, quoique l'on a maintenant imposé un moratoire et pris d'autres mesures à cause de la province du Manitoba.
    Je ne suis pas entré en politique pour préconiser une politique des aliments bon marché. Je tiens à m'assurer que tous les agriculteurs puissent obtenir un rendement en écoulant leurs produits sur le marché. Je m'inscris en faux contre certaines observations qui ont été faites, quand on a dit qu'il faut garder le prix des aliments bas. Nous devons nous rappeler que c'est exactement ce qui se passe dans le secteur des céréales et je pense qu'on a injustement attribué cela à l'industrie des biocarburants, car en fait, il y a eu des conditions de culture très difficiles partout dans le monde au cours de la dernière année. Il y a eu des pénuries de céréales partout en Europe à cause des mauvaises récoltes. Il y a eu la sécheresse en Amérique du Sud. En Australie, les conditions de culture sont difficiles depuis maintenant plusieurs années d'affilée. Voilà ce qui crée la pénurie que nous connaissons et qui fait monter les prix. Ce n'est pas l'industrie des biocarburants qui va dicter les cours des denrées et forcer la mise en culture de pâturages pour y cultiver des céréales destinées à la production de biocarburants. Ce changement de vocation des terres se fera parce que les cours des denrées sont très élevés et que les agriculteurs vont toujours réagir aux fluctuations du marché. Je pense que c'est fondamental. Je vais m'en tenir là.
    Monsieur Atamanenko, avez-vous des questions supplémentaires à poser?
    Monsieur le président, de combien de temps je dispose — 10 minutes?
    Je vais vous donner cinq minutes, parce que M. Easter veut revenir à la charge également.
    Merci.
    Je veux seulement faire une observation sur la nourriture. J'ai parlé de l'environnement. J'ai ici un article intitulé « La crise alimentaire imminente », par John Vidal, publié dans The Guardian du 29 août 2007. Au départ, il dit :
Les terres qui servaient autrefois à cultiver des aliments sont de plus en plus consacrées aux biocarburants. Cela nous aide peut-être à lutter contre le réchauffement planétaire, mais du même coup, on fait monter en flèche le prix de la nourriture partout dans le monde et on rend la vie de plus en plus difficile dans les pays en développement. Si l'on y ajoute la pénurie d'eau, les catastrophes naturelles et la croissance démographique constante, on se trouve en présence d'une catastrophe annoncée.
    Ensuite, l'auteur nous parle des États-Unis. Il dit que cela « apporte de l'argent neuf à l'Amérique rurale » et nous le constatons, mais ajoute que « cela contribue aussi à faire augmenter le prix du pain à Manchester, le prix des tortillas à Mexico et celui de la bière à Madrid. Directement à cause de ce qui se passe au Nebraska, au Kansas, en Indiana et en Oklahoma, l'aide alimentaire pour les plus pauvres d'entre les pauvres dans l'Afrique australe, le porc vendu en Chine et le boeuf vendu en Grande-Bretagne coûtent plus cher ».
    Il ajoute ensuite que les Américains « sont en train, par patriotisme, de transformer la ceinture de maïs de l'Amérique qui, au lieu d'être le grenier du monde, deviendra un gigantesque réservoir de carburant ». Il parle ensuite du maïs qui servait auparavant à l'alimentation du bétail et à l'aide alimentaire et qui sert maintenant à fabriquer de l'éthanol et il dit que tout cela aura des conséquences catastrophiques sur les pays en développement.
    Nous avons tendance à être quelque peu insulaires. Nous regardons ce qui se passe autour de nous et nous voyons les prix qu'obtiennent nos agriculteurs, et nous disons que c'est bien et que nous sommes en bien meilleure posture. Mais en un sens, ce que nous faisons ici est-il en train de changer la donne ailleurs dans le monde?
    Ensuite, on voit que le Programme alimentaire mondial de l'ONU prédit que la demande de biocarburants augmentera de 170 p. 100 au cours des trois prochaines années, de sorte que le prix des aliments va augmenter de 20 p. 100 à 50 p. 100. Peut-être que nous sommes capables d'absorber cette augmentation, mais pour les pauvres des pays en développement, c'est catastrophique, et nous l'avons constaté au Mexique.
    Je me demande si nous allons dans la bonne direction, compte tenu de la problématique mondiale. C'est ma première question.
    Je vais poser trois questions précises.
    Monsieur Toews, vous avez mentionné la biotechnologie. Prévoyez-vous que l'accélération dans le secteur des biocarburants augmentera les pressions pour la production de blé génétiquement modifié? Cette question s'adresse à vous.
    Madame Buth, le Manitoba impose une limite de 10 p. 100 des récoltes servant à produire de l'éthanol. C'est la politique établie. Ils ont décidé d'imposer une limite. Devrions-nous fixer une limite pour le canola au Canada; autrement dit, devrions-nous consacrer seulement 10 p. 100 de nos terres arables aux biocarburants, le reste étant réservé aux aliments?
    Monsieur Klein, vous avez dit, fondamentalement, que cela pourrait changer le visage de l'agriculture. J'aimerais savoir de quelle manière. Et si tel est le cas, devrions-nous adopter cette mesure?
    Je vais commencer par M. Toews.

  (1045)  

    Bon, la réponse est oui. Je m'attends à ce que l'émergence de l'industrie des biocarburants et sa croissance rapide accélèrent les appels en faveur du blé génétiquement modifié.
    La question était de savoir si nous devrions imposer une limite relativement au canola qui sert à la production de biocarburants. Eh bien, la limite sera de 2 p. 100. Si l'on impose une teneur de 2 p. 100, c'est essentiellement le chiffre qu'on obtiendra. L'une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de cette obligation, c'est que cela ne se ferait pas autrement. L'industrie pétrolière est intéressée dans une certaine mesure, mais à moins que l'on impose une obligation, cela n'arrivera pas.
    Je pense que le taux de 2 p. 100 sera très bien. Comme je l'ai dit, cela représenterait 14 p. 100 de la récolte de l'année dernière. Or nous prévoyons une augmentation des récoltes et je dirais donc qu'à long terme, on aurait peut-être 10 p. 100 des récoltes consacrées au canola.
    Oui, je crains que cela puisse changer la nature fondamentale de la production agricole au Canada et aux États-Unis et même dans le monde. Au lieu de se consacrer à la production d'aliments pour les humains et les animaux, on se tournera davantage vers la production de biocarburants.
    À mon sens, cela va certainement exacerber les écarts de revenu en agriculture. Ceux qui possèdent des terres agricoles vont y gagner considérablement. Ceux qui sont locataires ou travailleurs agricoles — la force de travail — en tireront très peu d'avantages.
    Il y aura probablement une très forte incidence sur le secteur de l'élevage. Comme je l'ai dit dans mon exposé, je m'inquiète beaucoup pour le secteur du porc au Manitoba et je me demande même si nous pourrons le conserver. Dans l'ensemble des Prairies, en fait, on constate que de fortes pressions s'exercent actuellement sur l'industrie de l'élevage dans l'Ouest, mais surtout dans le sud de l'Alberta. Je ne sais pas trop. Nous n'avons pas fait d'étude là-dessus. Nous ne savons pas ce qui va se passer, mais je crains que cela pourrait avoir une incidence durable sur ce secteur également.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Easter.
    Merci, monsieur le président.
    Au sujet des observations que M. Miller et le secrétaire parlementaire Lauzon vous ont adressées tout à l'heure, monsieur Klein, vous ne devriez pas être sur la défensive parce que vous essayez de montrer quelles seront les conséquences. Nous sommes en face d'un gouvernement qui a toujours défini la réalité comme une forme de pessimisme et c'est l'angle qu'ils ont choisi pour vous attaquer. C'est votre droit d'exposer les conséquences, parce qu'en fait, le gouvernement actuel ne veut jamais entendre parler de la réalité. Nous l'avons vu dans le dossier de la Commission canadienne du blé et dans bien d'autres.
    Je vous dis ceci: vous avez de la chance de travailler pour une université, parce que si vous étiez à l'emploi du gouvernement, aussitôt que vous auriez franchi cette porte, on vous imposerait la consigne du silence, parce que ce gouvernement est prêt à aller jusque-là pour vous la fermer et vous empêcher de parler de la réalité. J'espère que votre intervention lui causera peut-être un choc qui l'amènera à gouverner de façon un peu plus équilibrée.
    Ma question porte en fait sur le secteur énergétique et je prends bonne note de vos préoccupations. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous appuyons l'éthanol et le biodiesel, mais je crois que nous devons envisager la question dans une optique plus globale et je vous invite à commenter cet aspect. La sécurité énergétique paraît tout à fait logique du point de vue des États-Unis, et c'est en fait une problématique trinationale mettant en cause le Mexique, les États-Unis et le Canada. Quant à nous, nous avons tendance à avoir pour politique d'exporter notre pétrole et notre gaz naturel aux États-Unis de telle manière que nous leur donnons un approvisionnement canadien bon marché en termes réels, de sorte que leurs usines industrielles puissent faire concurrence aux nôtres en utilisant de l'énergie canadienne bon marché.
    Maintenant, avec l'ajout des biocarburants, les Américains envisagent certainement cela du point de vue suivant: s'ils peuvent être présents à la fois dans les biocarburants et dans nos combustibles fossiles, ils auront une certaine sécurité énergétique et n'auront pas à s'inquiéter des quelque 80 p. 100 du monde où ils vont chercher leur approvisionnement en énergie et qui leur sont hostiles ou sont pour eux des ennemis. Quant à nous, il ne semble pas que nous envisagions la situation d'une manière globale.
    Je m'interroge sur les conséquences de cette politique sur le porc et le boeuf. Vous avez dit que vous êtes allé en Allemagne et où vous avez vu le résultat absolument extraordinaire de la politique de la biomasse. Y a-t-il d'autres pistes de solution que nous devrions emprunter, des politiques énergétiques complémentaires qui pourraient avantager le secteur du porc et du boeuf?
    On a dit tout à l'heure qu'il faut de la recherche et du développement sur les sous-produits de l'éthanol et du biodiesel qui avantageraient le secteur du boeuf et du porc, mais y a-t-il d'autres domaines dans lesquels le gouvernement devrait déployer des efforts?
    Parlez-nous de la réalité. Ils ne veulent peut-être pas entendre les faits, mais nous, si.

  (1050)  

    Bien sûr, il y a bien des moyens de s'y prendre. J'ai fait par exemple la promotion du biogaz que l'on peut obtenir à même le fumier et d'autres déchets organiques et dont on peut se servir pour produire de l'électricité, mais bien sûr, ce n'est absolument pas rentable de le faire à l'heure actuelle. S'ils y parviennent en Allemagne, en Autriche et dans d'autres pays, c'est parce qu'il y a une loi exigeant que les compagnies de distribution d'électricité paient un prix très élevé pour l'électricité créée grâce au biogaz, de l'ordre de 0,25 euros le kilowatt-heure.
    Si nous avons une usine en Alberta, elle touche seulement 6 ¢ ou 7 ¢ canadiens le kilowatt-heure. Si nous avions une politique garantissant que ce soit payant, je pense qu'on en verrait énormément plus et les parcs d'engraissement et d'autres entreprises pourraient produire leur propre électricité grâce à leurs propres fumier et déchets. Mais ce serait très coûteux. Nous pouvons le faire; c'est techniquement faisable, mais cela coûte très cher et je n'ai pas l'impression qu'il existe un quelconque groupe de pression qui s'efforce d'amener le gouvernement à établir une telle politique.
    Je pense que ce serait certainement beaucoup plus favorable à l'environnement qu'une politique des biocarburants fondée sur l'utilisation de céréales et d'oléagineux et cela n'aurait certainement pas pour conséquence d'enlever des céréales de la chaîne alimentaire. Je pense que cela présenterait un certain nombre d'avantages, mais ce serait très coûteux.
    Vous avez seulement 20 secondes. Non? Très bien.
    Monsieur Storseth, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais faire de mon mieux pour m'abstenir de réfuter l'argument éculé de M. Easter.
    Vous avez dit que les locataires et les travailleurs étaient les deux groupes qui ne profiteront pas de cette politique, mais les locataires qui louent davantage de terres et qui plantent davantage de canola seront avantagés par les prix plus élevés payés à la ferme, n'est-ce pas? Comment pouvez-vous dire qu'ils ne le sont pas?
    Parce que les loyers augmentent. Cet aspect et d'autres ont été bien étudiés; déjà, on constate que le prix des loyers a presque doublé par rapport à l'an dernier.
    Je ne veux pas vous interrompre, mais il faut être bref parce qu'il reste peu de temps.
    Parlez-vous encore des études de l'Iowa?
    Non, c'est partout dans le monde. La structure du secteur des céréales au Canada correspond à ce que nous appelons la concurrence parfaite. C'est ce qui arrive inévitablement. Le prix des terres augmente en fonction de la valeur capitalisée de ces avantages. Si vous ne possédez pas de terre vous-même, vous devrez payer pour utiliser la terre.

  (1055)  

    J'ai deux points.
    Premièrement, je suis locataire d'une terre agricole et je peux vous dire que, dans la province d'Alberta, où les terres agricoles ont pris beaucoup de valeur, le coût des loyers n'a pas augmenté dans la même proportion.
    Par ailleurs, beaucoup de nos producteurs sont des polyculteurs-éleveurs, n'est-ce pas? Beaucoup de nos éleveurs de bétail cultivent du canola et du blé. Avez-vous étudié l'équilibre entre les deux et la pondération des répercussions, monsieur Klein?
    Il y a toutes sortes de fermes mixtes, mais je dis que si l'on sépare les ayant-droit résiduels pour la terre, le travail et le capital, ceux qui représentent la ressource du travail ne reçoivent rien en fin de compte. Dans le secteur du boeuf, les exploitants de parcs d'engraissement et les éleveurs de bovins d'engrais vont finir par s'ajuster et il y aura une industrie du boeuf. Elle sera d'une taille réduite, sans aucun doute, mais les spécialistes de la production vaches-veaux seront ceux qui subiront les plus lourdes pertes parce qu'ils sont au bout de la chaîne. De même, les producteurs de porc qui ont des entreprises de naissage subiront la plus grande partie des pertes.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je voudrais proposer une motion portant que nous renvoyions ce projet de loi à la Chambre sans proposition d'amendement. Je vous demanderais de mettre ma motion aux voix.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais que le secrétaire parlementaire répète ce qu'il vient de dire, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Allez-y, présentez votre motion.
    Je propose que l'on renvoie ce projet de loi à la Chambre sans proposition d'amendement.
    Que le projet de loi C-33 soit renvoyé à la Chambre.
    Nous avons maintenant entendu les porte-parole de l'industrie. Tout ce que nous entendons, ce sont des objections et de l'obstruction. Je pense que l'industrie en veut, nos agriculteurs en veulent et je propose que l'on renvoie le tout à la Chambre le plus tôt possible. J'aimerais qu'on passe au vote.
    D'après le Règlement, cette motion ne peut donner lieu à un débat. Est-ce bien cela?
    M. Bellavance invoque le Règlement.

[Français]

    Si on ne peut pas tenir de débat, je vais au moins faire un rappel au Règlement. Je trouve absolument indécent que, deux minutes avant la fin de la réunion, on fasse une proposition semblable et qu'on critique ce qui s'est fait. Le comité a bien travaillé sur ce projet de loi, tout s'est très bien déroulé et les travaux avancent très rapidement. On s'était entendus pour tenir une séance supplémentaire pour aller plus rapidement.
    Personne ne fait de l'obstruction. Je ne sais pas d'où vient cette histoire, mais je suis complètement en désaccord sur cette façon de procéder si on ne m'en parle pas à l'avance ou si on ne discute pas avec moi des raisons pour lesquelles on présente cela.

[Traduction]

    C'est une motion dilatoire qui ne peut donner lieu à débat. Par conséquent, je demande un vote par appel nominal.
    Je veux seulement faire savoir au comité que M. Lussier s'est fait inscrire comme remplaçant à temps pour ce vote. Il a suivi les règles.
    Nous allons tenir un vote par appel nominal.
    De ma vie je n'ai vu une telle pièce de théâtre. Il pourrait être difficile de le faire adopter par le Parlement. Si vous empêchez ces types-là de témoigner, cela pourrait être coûteux pour l'industrie.

  (1100)  

    Bon, il y a égalité des voix.
    J'incline à poursuivre les travaux du comité, dans la bonne entente et dans la ligne du bon travail que nous avons accompli dans le passé. Nous avons l'égalité des voix. Je pense que le comité doit continuer de discuter de ce projet de loi et je vais donc voter contre cette motion.
    (La motion est rejetée.)
    Cela dit, il ne reste plus de temps.
    Je suis saisi d'une motion d'ajournement.
    La séance est levée.